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Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 44 Se f ormer / CONDUITE À TENIR / ace à un chien âgé qui tousse et qui présente un souffle cardiaque, une conduite diagnostique rigoureuse est indispensable au préalable pour déterminer l’origine de la toux (1) . En effet, chaque type de toux - cardiaque, respira- toire ou mixte - requiert un traitement spécifique. Dans un contexte gériatrique, au-delà de l’effi- cacité du traitement entrepris, il est nécessaire de considérer son innocuité, en tenant compte des dysfonctionnements organiques préexis- tants et des particularités métaboliques liées à l’âge. Par exemple, un chien atteint d’insuffisance cardiaque congestive (ICC) est en état d’insuf- fisance circulatoire qui compromet la fonction rénale. Dans cette situation, l’administration combinée des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et des diurétiques à fortes doses peut induire une insuffisance rénale fonctionnelle par effondre- ment du débit de filtration glomérulaire ou aggraver une insuffisance rénale préexistante. Il est donc important de trouver la plus faible dose de diurétiques capable de contrôler les symptômes et de surveiller régulièrement la fonction rénale et l’état d’hydratation d’un chien traité par l’association diurétiques/ IECA [11]. Indépendamment de maladie préexistante, le chien âgé présente des particularités métabo- liques (modification de la composition corporelle, diminution de la vascularisation des organes filtres, réduction de la masse hépatique, diminution de la fonction tubulaire rénale…). Ces particularités sont à l’origine de modifica- tions pharmacocinétiques et pharmacodyna- miques qui justifient en théorie de diminuer les posologies et d’allonger l’intervalle entre les prises chez le chien âgé. Les modalités pratiques de ces ajustements thérapeutiques sont toutefois mal étudiées [6]. Traitement de la toux cardiaque Chez le chien insuffisant cardiaque, la toux est la conséquence indirecte de l’œdème pulmo- naire, alvéolaire ou interstitiel et/ou de la compression de la bronche souche par l’atrium gauche dilaté (PHOTO 1). Chez le chien âgé de petite race, l’œdème est le plus souvent dû à une endocardiose mitrale. Chez le chien âgé de grande race, il est plus fréquemment en rapport avec une cardiomyopathie dilatée (CMD). Si l’endocardiose mitrale atteint surtout les chiens de petite ou moyenne taille, elle est possible chez toutes les races. En revanche, la CMD touche rarement les chiens qui pèsent moins de 12 kg [8, 10]. Le traitement de la toux cardiaque (et de l’ICC) nécessite d’éliminer l’œdème et de prévenir sa réapparition (voir le TABLEAU “Traitement de la toux cardiaque”). Il est classiquement fondé sur l’association d’un IECA avec un ou plusieurs diurétiques [11, 13]. La récente mise sur le marché du pimobendane (Vetmedin ® ), un vasodilatateur inotrope, pourrait modifier l’approche thérapeutique de l’insuffisance cardiaque [9]. Les indications du pimobendane demandent pourtant à être précisées et il existe encore trop peu d’études cliniques standardi- sées pour que son utilisation puisse être systématisée chez le chien âgé insuffisant cardiaque, en particulier lors d’insuffisance mitrale. La toux cardiaque est en outre souvent aggravée par une composante mécanique (compression de la bronche lobaire gauche par l’atrium gauche dilaté), qui peut justifier le recours aux antitussifs [1]. Ceux-ci sont néanmoins proscrits en présence d’œdème pulmonaire [3, 4]. Cette contre-indication absolue devient relative dans le cas particulier des méthylxanthines : malgré leur potentiel tachycardisant et arythmogène, elles ont été proposées dans le traitement d’appoint de l’œdème pulmonaire pour leurs propriétés bronchodilatatrices et leur modeste effet diurétique et inotrope positif [12]. Leur intérêt réel dans cette indication reste toutefois à prouver. 1. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Par leur action vasodilatatrice artérielle et veineuse, les IECA améliorent la perfusion tissulaire. Ils modèrent également les réponses neurohormonales compensatoires excessives qui se mettent en place chez l’insuffisant cardiaque [10, 13]. Ils limitent en particulier l’activation du système rénine-angiotensine- aldostérone (SRAA), qui favorise la rétention hydrosodée et la formation d’œdème [11]. F Le diagnostic d’une toux cardiaque, respiratoire ou mixte, chez un chien âgé, doit conduire à mettre en place un traitement étiologique et un suivi clinique adapté au contexte gériatrique. Conduite thérapeutique chez le chien âgé qui tousse PATHOLOGIE CARDIORESPIRATOIRE CANINE Les é tapes essentielles É tape 1 : Toux cardiaque IECA. Diur é tique (furos é mide +/- spironolactone). • +/- Vasodilatateur veineux (dinitrate d’isosorbide, trinitrine). • +/- Digoxine. • +/- Pimobendane. Étape 2 : Toux respiratoire (appareil resp. supérieur) • Traitement étiologique. • Antitussifs (toux sèche) : - méthylxanthines ; - morphiniques ; - corticoïdes. Étape 3 : Toux respiratoire (appareil resp. profond) • Traitement étiologique. Étape 4 : Toux mixte • Traitement de la toux cardiaque. • Antitussif en l’absence d’œdème pulmonaire. Étape 5 : Toux d’origine indéterminée • Essais thérapeutiques : - antibiotique à large spectre ; - ou antitussif ; - ou diurétique à faible dose sur une courte période. par Marine Hugonnard*, Isabelle Bublot*, Jean-Luc Cadoré* et**, Isabelle Goy-Thollot*** * Unité de médecine interne, ENVL-BP 83, F-69280 Marcy-l’Étoile ** Département hippique, ENVL-BP 83, F-69280 Marcy-l’Étoile *** Unité SIAMU, ENVL-BP 83, F-69280 Marcy-l’Étoile

Conduite thérapeutique chez le chien âgé qui tousse

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Page 1: Conduite thérapeutique chez le chien âgé qui tousse

Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 44

Se former / CONDUITE À TENIR /

ace à un chien âgé qui tousse et quiprésente un souffle cardiaque, uneconduite diagnostique rigoureuse estindispensable au préalable pourdéterminer l’origine de la toux(1). En

effet, chaque type de toux - cardiaque, respira-toire ou mixte - requiert un traitement spécifique.Dans un contexte gériatrique, au-delà de l’effi-cacité du traitement entrepris, il est nécessairede considérer son innocuité, en tenant comptedes dysfonctionnements organiques préexis-tants et des particularités métaboliques liées àl’âge. Par exemple, un chien atteint d’insuffisancecardiaque congestive (ICC) est en état d’insuf-fisance circulatoire qui compromet la fonctionrénale. Dans cette situation, l’administrationcombinée des inhibiteurs de l’enzyme deconversion de l’angiotensine (IECA) et desdiurétiques à fortes doses peut induire uneinsuffisance rénale fonctionnelle par effondre-ment du débit de filtration glomérulaire ouaggraver une insuffisance rénale préexistante.Il est donc important de trouver la plus faibledose de diurétiques capable de contrôler les symptômes et de surveiller régulièrementla fonction rénale et l’état d’hydratation d’un chien traité par l’association diurétiques/IECA [11].Indépendamment de maladie préexistante, lechien âgé présente des particularités métabo-liques (modification de la compositioncorporelle, diminution de la vascularisation desorganes filtres, réduction de la masse hépatique,diminution de la fonction tubulaire rénale…).Ces particularités sont à l’origine de modifica-tions pharmacocinétiques et pharmacodyna-miques qui justifient en théorie de diminuer lesposologies et d’allonger l’intervalle entre lesprises chez le chien âgé. Les modalités pratiquesde ces ajustements thérapeutiques sonttoutefois mal étudiées [6].

Traitement de la touxcardiaque Chez le chien insuffisant cardiaque, la toux estla conséquence indirecte de l’œdème pulmo-naire, alvéolaire ou interstitiel et/ou de lacompression de la bronche souche par l’atriumgauche dilaté (PHOTO 1). Chez le chien âgé de

petite race, l’œdème est le plus souvent dû à uneendocardiose mitrale. Chez le chien âgé degrande race, il est plus fréquemment en rapportavec une cardiomyopathie dilatée (CMD). Sil’endocardiose mitrale atteint surtout les chiensde petite ou moyenne taille, elle est possiblechez toutes les races. En revanche, la CMDtouche rarement les chiens qui pèsent moinsde 12 kg [8, 10].Le traitement de la toux cardiaque (et de l’ICC)nécessite d’éliminer l’œdème et de prévenir saréapparition (voir le TABLEAU “Traitement de latoux cardiaque”). Il est classiquement fondé surl’association d’un IECA avec un ou plusieursdiurétiques [11, 13]. La récente mise sur lemarché du pimobendane (Vetmedin®), unvasodilatateur inotrope, pourrait modifierl’approche thérapeutique de l’insuffisancecardiaque [9]. Les indications du pimobendanedemandent pourtant à être précisées et il existeencore trop peu d’études cliniques standardi-sées pour que son utilisation puisse êtresystématisée chez le chien âgé insuffisantcardiaque, en particulier lors d’insuffisancemitrale. La toux cardiaque est en outre souvent aggravéepar une composante mécanique (compressionde la bronche lobaire gauche par l’atriumgauche dilaté), qui peut justifier le recours auxantitussifs [1]. Ceux-ci sont néanmoins proscritsen présence d’œdème pulmonaire [3, 4]. Cettecontre-indication absolue devient relative dansle cas particulier des méthylxanthines : malgréleur potentiel tachycardisant et arythmogène,elles ont été proposées dans le traitementd’appoint de l’œdème pulmonaire pour leurspropriétés bronchodilatatrices et leur modesteeffet diurétique et inotrope positif [12]. Leurintérêt réel dans cette indication reste toutefoisà prouver.

1. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensinePar leur action vasodilatatrice artérielle etveineuse, les IECA améliorent la perfusiontissulaire. Ils modèrent également les réponsesneurohormonales compensatoires excessivesqui se mettent en place chez l’insuffisantcardiaque [10, 13]. Ils limitent en particulierl’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), qui favorise la rétentionhydrosodée et la formation d’œdème [11].

F

Le diagnostic d’une toux cardiaque, respiratoire ou mixte, chez un chienâgé, doit conduire à mettre en place un traitement étiologique et un suiviclinique adapté au contexte gériatrique.

Conduite thérapeutiquechez le chien âgé qui tousse

PATHOLOGIE CARDIORESPIRATOIRE CANINE

Les étapes essentielles

Étape 1 : Toux cardiaque• IECA.• Diurétique (furosémide +/- spironolactone).• +/- Vasodilatateur veineux (dinitrate d’isosorbide, trinitrine).• +/- Digoxine.• +/- Pimobendane.

Étape 2 : Toux respiratoire (appareil resp. supérieur)• Traitement étiologique.• Antitussifs (toux sèche) :- méthylxanthines ;- morphiniques ;- corticoïdes.

Étape 3 : Toux respiratoire (appareil resp. profond)• Traitement étiologique.

Étape 4 : Toux mixte • Traitement de la toux cardiaque.• Antitussif en l’absence d’œdème pulmonaire.

Étape 5 : Toux d’origine indéterminée• Essais thérapeutiques :- antibiotique à large spectre ;- ou antitussif ;- ou diurétique à faible dose sur une courte période.

par Marine Hugonnard*,

Isabelle Bublot*,Jean-Luc Cadoré*

et**, Isabelle Goy-Thollot***

* Unité de médecine interne,

ENVL-BP 83, F-69280 Marcy-l’Étoile

** Département hippique, ENVL-BP

83, F-69280 Marcy-l’Étoile

*** Unité SIAMU, ENVL-BP 83,

F-69280 Marcy-l’Étoile

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À l’échelle du rein, l’effet vasodilatateur desIECA s’exerce principalement sur l’artérioleglomérulaire efférente, ce qui rend leur emploidélicat lors de bas débit rénal (risque d’effon-drement du débit de filtration glomérulaire encas de déshydratation ou de défaillance myocar-dique). C’est la raison pour laquelle la fonctionrénale doit être évaluée régulièrement lorsqu’untraitement par IECA est prescrit. Une élévationsensible des valeurs d’urée et de créatinine doitconduire à une réduction de la dose dediurétiques, et si besoin de celle des IECA [11].

L’administration d’un IECA se justifie chez toutchien qui présente une insuffisance cardiaquegauche (insuffisance mitrale ou cardiomyopa-thie dilatée). L’énalapril (Enacard®) à la dose de 0,5 mg/kg/j en une prise quotidienne, ainsique le bénazépril (Fortekor®) à la dose de0,25 mg/kg/j, ramipril (Vasotop®) à la dose de0,125 mg/kg/j ou l’imidapril (Prilium®) à la dosede 0,25 mg/kg en une prise quotidienne peuventêtre choisis indifféremment. Sûrs d’emploi, lesIECA ne sont cependant pas suffisammentefficaces pour être utilisés en monothérapie lorsd’ICC et doivent être associés à un ou plusieursdiurétique(s) [10, 11, 13].

2. Les diurétiques Les diurétiques de l’anse de Henlé comme lefurosémide (Dimazon®, Furozénol®) permettentde lutter contre la rétention hydrosodée enfavorisant l’excrétion urinaire du sodium [2].Ils sont utilisés dans le traitement d’urgence del’œdème pulmonaire. Dans le traitement au longcours de l’ICC, ils sont utilisés en associationavec un IECA et, éventuellement, avec unvasodilatateur veineux (dinitrate d’isosorbide,

Risordan®(2), à la dose de 0,25 à 2 mg/kg/j àrépartir en deux prises quotidiennes). La dose et la voie d’administration du furosé-mide varient en fonction du contexte clinique(0,5 à 4 mg/kg/j par voie orale en deux ou troisprises en traitement de fond ; 2 à 5 mg/kg toutesles deux à six heures par voie intraveineuse ouintramusculaire en urgence). Très efficace, il

!!

(1) Voir l’article : Hugonnard M, Bublot I,Cadoré JL, Goy-Thollot I.Conduite diagnostique chez le chien âgé qui tousse.Point Vét. 2002;223:30-33.

(2) Médicament à usage humain.

IECA Énalapril 0,5 mg/kg/j voie orale en 1 prise quotidienne Énacard®

Bénazépril 0,25 mg/kg/j voie orale en 1 prise quotidienne Fortékor®

Ramipril 0,125 mg/kg/j voie orale en 1 prise quotidienne Vasotop®

Imidapril 0,25 mg/kg/j voie orale en 1 prise quotidienne Prilium®

Diurétiques Furosémide 2 à 5 mg/kg voie intraveineuse ou intramusculaire Dimazon®

toutes les 2 à 6 h (urgence) Furozénol®

0,5 à 4 mg/kg/j voie orale en 2 ou 3 prises quotidiennes (chronique)

+/- Spironolactone 1 à 2 mg/kg/j voie orale Aldactone®(2) Hypokaliémieen 1 ou 2 prises quotidiennes Œdème pulmonaire

chronique réfractaire

+ / - Vasodilatateur Dinitrate 0,25 à 2 mg/kg/j voie orale Risordan®(2)

veineux d’isosorbide en 2 prises quotidiennes

+ /- Digitalique Digoxine 10 µg/kg/j voie orale en 2 prises quotidiennes Digoxine CMDNativelle®(2)) IM avec défaillance

du myocardeTroubles du rythme supraventriculairesŒdème pulmonaire chronique réfractaire ?

+ / - Vasodilatateur Pimobendane 0,5 mg/kg/j voie orale en 2 prises quotidiennes Vetmedin® CMDinotrope IM ?

Classe Molécule Dose Spécialité Indication

(2) Médicament à usage humain.IM : insuffisance mitrale ; CMD : cardiomyopathie dilatée.

Traitement de la toux cardiaque

PHOTO 1. L’efficacité du traitement de la toux dépend de la pertinence du diagnostic initial de son origine (cardiaque, respiratoire ou mixte). La radiographie de profil d’une chienne caniche de dix ans, présentée pour une toux à la consultation, montre : - un cœur dont la taille est très augmentée ;- une trachée nettement déviée dorsalement et comprimée contre la colonnevertébrale dans la région de la bifurcation trachéobronchique.

Clic

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D.B

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Se former / CONDUITE À TENIR /

possède néanmoins des effets secondaires(déshydratation extracellulaire, hypokaliémie,aggravation par hypovolémie d’une insuffisancerénale préexistante à dépister chez le vieuxchien). Le but du clinicien est de trouver la plusfaible dose de furosémide capable de contrôlerles symptômes et de prévenir la récidived’œdème [2, 13].L’association avec un diurétique épargneurpotass ique comme la spironolactone(Aldactone®(2)), à la dose de 1 à 2 mg/kg/j en uneou deux prises, est à envisager lors d’œdèmepulmonaire chronique réfractaire (recherched’un effet synergique qui permettent de réduirela dose de furosémide) ou lors d’hypokaliémie[2, 13]. De façon plus anecdotique, la spirono-lactone réduirait la fibrose myocardique etaiderait à restaurer un fonctionnnement normaldes barorécepteurs lors d’insuffisancecardiaque, mais le bénéfice clinique de ces effetsreste hypothétique [7].

3. La digoxineDotée d’un effet inotrope positif, la digoxine estsurtout intéressante par son action stimulatricesur le tonus vagal et modératrice sur le tonussympathique (effet global de ralentissement dela fréquence cardiaque). Elle est indiquée encomplément des diurétiques et d’un IECA, à ladose de 10 µg/kg/j en deux prises lors de troublesdu rythme supraventriculaires [13] et lors dedéfaut de contractilité myocardique (cas des CMDen général, et de certaines insuffisances mitralesévoluées accompagnées de déficits du fonction-nement myocardique). Elle est également souventproposée en complément des diurétiques et desIECA lors d’œdème pulmonaire chronique réfrac-taire [10,13]. L’efficacité d’une telle associationreste largement controversée. Son bénéficeclinique est sensible sur certains animaux maisil doit être évalué au cas par cas (voir l’ENCADRÉ

“Utilisation pratique de la digoxine chez le chienet précautions d’emploi [7, 11]”).

4. Le pimobendaneChez les chiens atteints de CMD, les premièresétudes menées sur le pimobendane, adminis-tré à la dose de 0,5 mg/kg/j en deux prisesquotidiennes, montrent sa supériorité sur lesIECA en termes d’efficacité (évaluée sur la basede critères cliniques, radiographiques etéchocardiographiques) et de durée de survie. Chez les chiens atteints de valvulopathie, lebénéfice clinique du pimobendane par rapportaux IECA est en revanche controversé. Enattendant les résultats d’études menées à grandeéchelle, il semble prématuré de l’administreren première intention chez le chien insuffisantmitral. En outre, le conditionnement actuel(gélules à 2,5 mg et à 5 mg) ne permet pas detraiter des chiens de moins de 7 kg [9].

Traitement de la touxrespiratoire Le traitement étiologique de la toux respiratoiredoit toujours être privilégié (antibiotique,antiparasitaire, antitumoral ou anti-inflam-matoire suivant les cas) [3]. Il peut s’accompa-gner d’un traitement symptomatique par lesantitussifs. De façon générale, les antitussifssont indiqués lors de toux sèche, qui fatiguel’animal, entretient l’inflammation des voiesrespiratoires et peut favoriser la disséminationd’un processus infectieux [4, 5]. En revanche,ils sont à proscrire lors de toux productive, enparticulier lors de bronchopneumonie.

1. Toux des voies respiratoiressupérieures Lors d’atteinte des voies respiratoires supérieu-res, la toux provient : - soit d’une irritation mécanique à l’origined’une inflammation secondaire (flaccidité oucollapsus trachéal, compression de la bronchesouche par la dilatation de l’atrium gauche,oslérose) ;- soit d’une inflammation primitive (laryngite,trachéobronchite allergique, inflammatoire ouinfectieuse).

Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 46

!!

! Posologie standard : 10 µg/kg/j en deux prises quotidiennes.

! Fourchette thérapeutique sérique de la digoxine :

1 à 2 ng/ml (mesure à faire trois à septjours après le début du traitement ou aprèsun changement de posologie, six à dixheures après la dernière prise).

! Conditions nécessitant une réductionde la posologie standard :

- obésité (digoxine peu liposoluble) ;- cachexie (digoxine fixée sur les musclesstriés) ;

- insuffisance rénale (digoxine principale-ment éliminée par le rein) : réduire ladose de 50 % ;

- ascite (pas de diffusion de la digoxinedans le liquide d’ascite) : réduire la dosede 10 à 30 % en fonction de l’impor-tance de l’ascite.

! Critères d’efficacité du traitement à la digoxine :

- diminution de la fréquence cardiaque ;- disparition des arythmies supraventricu-laires ;

- amélioration clinique ;- digoxinémie comprise entre 1 et 2 ng/ml(augmenter la dose de 30 % si la digoxi-némie est inférieure à 0,8 ng/ml).

! Signes de toxicité d’un traitement à la digoxine :

- monitoring ECG : apparition de troublesdu rythme (bradyarythmies, tachyaryth-mies ventriculaires) ;

- troubles gastro-intestinaux : anorexie,vomissements, diarrhée ;

- digoxinémie supérieure à 2 ng/ml.→ interrompre le traitement pendant vingt-quatre à quarante-huit heures et leréinstaurer à demi-dose.

Utilisation pratique de la digoxine chez le chien et précautions d’emploi

D’après [7, 11].

Collapsus trachéal Mesures hygiéniquesFlaccidité trachéale Antitussifs :Trachéobronchite chronique - méthylxanthines

- morphiniques +/- méthylxanthines- corticoïdes+/- Antibiothérapie large spectre, courte durée

Compression de la bronche Mesures hygiéniquessouche (atrium gauche dilaté) IECA

Antitussifs

Trachéobronchite aiguë Antibiothérapie large spectre (controversé)Expectorants et/ou mucolytiques (toux grasse)Antitussifs (toux sèche)

Oslérose Oxfendazole (Dolthène®) 10 mg/kg/j pendant 15 jours

Traitement de la toux des voies respiratoires supérieures

(2) Médicament à usage humain.

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Dans les deux cas, une surinfection bactérienneest possible. Il convient d’adapter la thérapeutiqueà chaque situation (voir le TABLEAU “Traitement dela toux des voies respiratoires supérieures”).

! Les antitussifs

Lorsqu’un antitussif est indiqué (voir le TABLEAU

“Les antitussifs”), un traitement périphérique(bronchodilatateur, comme les méthylxanthi-nes) peut être proposé en première intention.La théophylline (Dilatrane®(2), Euphylline LA®(2))offre un bon rapport coût/efficacité [4]. Il existenéanmoins de grandes variations de la réponseindividuelle. En outre, des effets secondairesinconstants mais gênants (excitation, nervosité,tachycardie, troubles du rythme) peuventnécessiter l’arrêt du traitement [3].

En deuxième intention, les antitussifs centrauxpeuvent être essayés, seuls ou en associationavec les méthylxanthines. Parmi ceux-ci, leclobutinol (Silomat®(2)) et, surtout, les morphi-niques, qui allient des propriétés antitussiveset sédatives, sont particulièrement intéressants[3, 4, 5]. La réponse varie également considé-rablement d’un individu à l’autre. En outre,l’efficacité des morphiniques décroît au fil dutemps, ce qui nécessite d’augmenter progressi-vement les doses.

! Les corticoïdes

Les corticoïdes (prednisolone à la dose de 0,1 à0,5 mg/kg/j) constituent l’ultime alternative lorsde toux réfractaires, en l’absence de surinfectionbactérienne. Bien qu’ils soient souvent efficaces,ils favorisent la prise de poids, prédisposent auxinfections (notamment respiratoires) et peuventinduire un syndrome de Cushing iatrogénique[3]. Pour cette raison, lors de toux chronique chezun chien âgé, l’utilisation prolongée d’associa-tions de principes actifs (comme la théophylline,la prednisolone et le phénobarbital dans laDogaphylline®) n’est pas souhaitable. La monothérapie autorise en effet une médica-tion plus légère de la toux, garante d’unecertaine innocuité, respectueuse des variationsindividuelles et permettant une gradationlogique dans les propositions thérapeutiques.

! Les autres traitements

• Quelle que soit l’étiologie de la toux, lesantihistaminiques et les anti-inflammatoiresnon stéroïdiens (AINS) ont peu d’intérêt chezle chien, à l’exception du fenspiride (Pneumo-rel®(2)), qui allie des propriétés anti-inflamma-toires, antihistaminiques et spasmolytiques [3]. • Les toux chroniques de maladies obstructivesdes voies respiratoires sont fréquemment compli-quées de surinfection bactérienne. Néanmoins,

!!

! Antitussifs périphériques

Théophylline Dogaphylline® (en association Dilatrane® (sirop) 2 à 5 mg/kg voie oraleavec la prednisone Theolair® (comprimés) 3 ou 4 fois/jet le phénobarbital) Euphylline LA® (gélules) 10 à 15 mg/kg voie orale(déconseillé en première intention Dilatrane LP® (gélules) en 2 prises quotidienneslors de toux chronique Theolair LP® (comprimés)chez le chien âgé)

Fenspiride Pneumorel® 4 à 8 mg/kg/j voie orale(sirop, comprimés) en 2 prises quotidiennes

! Antitussifs centraux

Clobutinol Silomat® (solution buvable) 1 goutte/kg voie orale2 fois/j

Codéine Codenfan® (sirop) 0,5 à 1 mg/kg voie orale2 ou 3 fois/j

Spécialité vétérinaire Spécialité humaine Posologie

Les antitussifs

Bronchopneumonie Antibiothérapie de 3 à 6 semaines (voie parentérale + aérosolthérapie).Idéalement : choix de l’antibiotique en fonction des résultats de la bactériologie, de l’antibiogramme et de la pharmacocinétique.À défaut : antibiotique à large spectre(céphalosporine, association amoxicilline/acide clavulanique, tétracycline ou fluoroquinolone)+/- expectorants et mucolytiques

Tumeur pulmonaire Lobectomie et/ou chimiothérapie.À titre palliatif : cortisone (0,5 à 1 mg/kg/j)

Bronchite allergique Cortisone (0,5 à 2 mg/kg/j en 2 prises quotidiennesPneumonie allergique pendant 2 à 3 semaines, puis à doses dégressives)

Pneumonie parasitaire Fenbendazole (Panacur®) 50 mg/kg/j pendant 7 jours.Angiostrongylose Contrôle coproscopique en fin de traitement

Traitement de la toux pulmonaire

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l’administration d’une antibiothérapie à largespectre (amoxicilline à la dose de 20 mg/kg/j endeux prises quotidiennes pendant dix jours) estcontroversée. Idéalement, l’antibiothérapie doitêtre motivée par la réalisation d’une analysebactériologique et d’un antibiogramme sur lavagetrachéal, assez lourd en pratique. Les antibio-tiques les plus susceptibles d’atteindre des concen-trations efficaces dans les voies respiratoires sontla doxycycline et les fluoroquinolones. À ce titre,l’amoxicilline n’est sans doute pas un bon choix.• Si les diurétiques procurent souvent un soulage-ment passager lors de toux respiratoire en“tarissant” les sécrétions, leur utilisation lors detoux inflammatoire ou infectieuse est déconseillée(altération du mécanisme physiologique d’épura-tion des sécrétions et des particules adhérentesà l’épithélium respiratoire) [3].

2. La toux pulmonairePlus encore que pour la toux liée à une atteintedes voies respiratoires supérieures, le traitementétiologique est essentiel lors de toux pulmonaire(voir le TABLEAU “Traitement de la touxpulmonaire”). Dans ce cas, les antitussifs ne sontpas indiqués, voire ils sont contre-indiqués [3, 4].

Traitementde la toux mixteLe chien âgé qui manifeste une toux chroniqueet qui est à la fois atteint d’une insuffisancemitrale, d’un collapsus trachéal et d’unebronchite chronique constitue un véritable défithérapeutique. L’objectif est alors d’offrir lemeilleur confort de vie à l’animal, mais, quelleque soit la stratégie retenue, la toux seraprobablement toujours présente (voir l’ENCADRÉ

“La toux mixte : une fatalité ?”) [4]. Les choix thérapeutiques sont orientés par lerespect des priorités (insuffisance cardiaque)et des contre-indications majeures (pas d’anti-tussifs en présence d’œdème pulmonaire).L’objectif prioritaire est la résorption de l’œdèmepulmonaire. Si le traitement contrôle efficace-

ment l’œdème mais que la toux persiste, l’admi-nistration de méthylxanthines (VOIR L’encadré“Utilisation des méthylxanthines chez le chieninsuffisant cardiaque”), de morphiniques, del’association méthylxanthine-morphinique ou, endernier recours, de corticoïdes, est successivementtentée.

Traitement de la touxd’origine indéterminéeLorsque la toux est d’origine indéterminée, l’essaiisolé d’un antibiotique à large spectre lors de touxgrasse, d’un antitussif lors de toux sèche ou defurosémide à faible dose sur une courte période(0,5 à 1 mg/kg/j réparti en deux prises pendantquatre à cinq jours) peut être proposé sans risquemajeur [1, 10, 13]. Cette solution acceptable nepermet pas pour autant d’affirmer avec certitudel’origine de la toux (une toux respiratoire répondgénéralement au moins temporairement auxdiurétiques). Il est donc essentiel d’effectuer unsuivi régulier des chiens dont l’origine de la touxest à déterminer. La stratégie est reconsidérée enfonction de l’évolution clinique et de la réponsethérapeutique. L’administration prolongée decorticoïdes, de diurétiques ou d’associations enl’absence de réévaluation de l’animal est en effetdangereuse et fortement déconseillée.

Conclusion

L’efficacité du traitement de la toux dépend dela pertinence du diagnostic initial de son origine(cardiaque, respiratoire ou mixte) et de sa cause(cardiovasculaire, mécanique, parasitaire,inflammatoire, infectieuse, tumorale). Chez lechien âgé, l’innocuité du traitement entreprisest un point majeur à considérer. Quelle quesoit l’origine de la toux, les mesures hygiéniques(remplacement du collier par un harnais, luttecontre l’obésité, réduction d’activité par tempschaud) sont essentielles pour limiter lafréquence des toux chroniques. ■

Le Point Vétérinaire / N° 230 / Novembre 2002 / 48

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Chez le chien âgé fréquem-ment atteint de flaccidité, decollapsus trachéal et/ou debronchite chronique, il estimportant de faire compren-dre au propriétaire que :- le traitement va probable-ment permettre de diminuer lafréquence et l’intensité de latoux sans la faire disparaître ;- les molécules les plus effica-ces sur la toux (corticoïdes)ont aussi les effets secondai-res les plus gênants, d’où lanécessi té de trouver uncompromis entre efficacité etinnocuité ;- la réponse thérapeutique esttrès variable d’un chien àl’autre ;- la détermination du traitementadapté à un chien particulierpeut nécessiter plusieurs essaisthérapeutiques.

La toux mixte :une fatalité ?

! Si les méthylxanthinespeuvent induire une tachycar-die et des troubles du rythme,en revanche, l’insuffisancecardiaque n ’est pas unecontre-indication absolue deleur utilisation.

! La poursuite de la prescrip-tion des méthylxanthines estdécidée en fonction de laréponse et de la tolérance autraitement, évaluées unesemaine après sa mise enplace.

Utilisation des

méthylxanthines chez le chien

insuffisantcardiaque

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