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 CO NF ÉR EN CE S SUR LES LITANIES DE L A TRÈS-SAINTE VIERGE PAR LE P. JUSTIN DE MIECKOW DE L'O RDR E DES FR ÈR ES P C HEURS T RA M î l T ES J-' Û U K T.A. PREMJ È RE FOIS 3SK FRANiJ AIf» PAR M. L'ABBÉ ANTOINE RICARD DOC/rur» ES T O LO lE . C H A S, i jox. D E M A R S E I L L E e t de c ar c a s s o sx k T< »ME TROISIÈME PARIS IllPfOLYTK WALZER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

Conférences sur les litanies de la Très-Sainte Vierge - P. Justin de Miecklow - ( tome 3 )

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CONFRENCESSUR

LES

LITANIESPR A

DE L A TRS-SAINTE VIERGELE P. JUSTIN DE MIECKOWDE L'ORDRE DES FRRES PRCHEURS TRAMlTES J-'UK T.A. P R E M J R E PAR F O I S 3SK F R A N i J A I f

M. L'ABB ANTOINE RICARDDOC/rur ES THOLOllE. CHAS, ijox. DE MARSEILLE et de carcassosxk

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TROISIME

PARISIllPfOLYTK WALZER, LIBRAIRE-DITEUR K ' D VAU Ceci est rapport dans sa vie parLarce, et dans1 Chap. XII. * Ire pa r t i ; q u c s t ( X S V 1

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MRE AIMABLE.

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le ixm* Sermon de Stobe. La bienheureuse Marie, Mre de Dieu, est trs-belle, donc elle est aimable. Il y a tellement dire sur sa beaut que la prsente Confrence n'y suffirait pas; nous renvoyons donc ce sujet la Confrence suivante. 178 CONFRENCE])K LA. BEAUT DE LA YERGE. MRE DE DlKU.e

S o vu A IRE. 1. Beaut du Fils de Dieu. 2. Comparaison des critures. 3. Paroles tires du Cantique des cantiques, 4. Toutes les beauts de nature sont runies dans Marie. 5. Beaut de sou corps. 6. Beaut son me. 7. Elle est plus belle que toutes les cratures. 8. Le temple Dieu. 9. Compare . Judith et Esther. 10. Pieuses histoires.

la de de

I. Mille raisons nous font voir que la glorieuse Mario, Mre de Dieu, est trs-belle et par consquent tout aimable. Parce qu'elle a t la Mre d'un Fils remarquable par sa beaut entre tous les enfants des hommes. Personne ne peut donner ce qu'il n*a pas, disent les philosophes; si donc la bienheureuse Vierge Marie n'avait pas t belle elle-mme, elle n'aurait pas enfant un fils beau parmi les enfants des hommes. De plus, personne ne met on doute que la beaut des parents n'ait la plus grande influence sur la beaut des enfants : Les forts sont les fils d'hommes forts et bons. II. Elle est trs-belle celle qui, dans la sainte criture, est compare tant de belles choses : la rose , l'olive , au lis *, a la lune, au soleil, aux toiles \ III. Elle est trs-belle celle qui est loue par la bouche mme du Crateur : Que vous tes belle, mon amie, que vous tes belle ! El : Vous tes toute belle, mon amie *. Dans les premires paroles, deux fois il l'appelle belle, parce qu'elle est belle par le corps, belle par l'me, belle dans cette vie par la grce, belle dans l'autre vie par la gloire; elle est donc aimable en toutes choses et par toutes choses.1 2 8

Ecclsiastique, * Ibid., iv, 2.

1

8

xxiv, 18. * Ibicl, 19. * Cantiques, w, 2. * Ibid., vi, 9. 7-

34

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE L SAlNTii VIERGE.

IV. Elle est trs-belle celle dont la nature, la gloire, la grce embellirent le corps aussi bien que rame. La nature mit tous ses soins former son corps. La grce rpandit tous ses trsors pour l'embellir. La gloire semblablement la revtit de toutes ses splendeurs. Tout ce qu'il y a de beau, de bon, de saint, d'aimable et qui partout ailleurs se trouve rparti entre toutes les cratures, tout cela se trouve runi avec excellence sur la Vierge Marie, Mre de Dieu. Zcuxis, peintre trs-clbre, ayant reprsenter Fllne, choisit parmi un grand nombre de vierges, remarquables par leur beaut, cinq d'entre elles plus belles que les autres, et il les prit pour modles, de manire reprsenter sur son tableau ce qu'il y avait de plus beau dans chacune d'elles; il arriva par l reprsenter une beaut merveilleuse qu'il laissa aux Crotonintcs et qui fut place dans le temple de Junon. Le fait est atteste par Cicron, dans son Livre sur F Inventionet par P l i n e . De mme, le Dieu trs-grand et trs-bon ayant comme2

pass en revue toutes les grces, tous les charmes, toutes les beauts, que la nature ou la gloire a mises dans telle ou telle crature, dans l'Ange ou dans l'homme, les a runies un haut degr de perfection et avec une grande prodigalit sur la Vierge Marie, sa Mre, et il l'a mise ainsi toute belle et tout aimable devant les yeux des hommes. V.Appliquez votre attention contempler la beaut de son corps. Depuis la plante de ses pieds jusqu'au sommet de sa tte, vous ne trouverez rien qui ne soit irrprochable, qui puisse tre critiqu; quedis-je! ce corps tout entier est form avec perfection, avec la plus

grande beaut par la main de la divine Sagesse. Voyez ce que nous avons dit de la beaut corporelle de la Vierge, Mre de Dieu, dans Ja 132 Confrence. VI. Et maintenant, levez-vous autant que vous le pourrez contempler la beaut de.lamc de la Vierge; vous la verrez comble de tant de dons, de tant de vertus et de mrites, que vous reconnatrez avec raison qu'elle a eu plus de grces dans cette vie, qu'elle a plus de gloire dans l'autre que tous les Saints ensemble. Lisez l-dessus toute la 134 Confrence.1

Liv. H. 2 Liv. m, cliap. ix.

MRE AIMABLE*

35

Considrez combien est grande la beaut d'une seule me pure de tout pch et orne de vertus. Sainte Catherine de Sienne disait avec raison : Si on pouvait voir avec les yeux du corps la beaut de l'me pure de tout pch, il n'y aurait personne qui ne souffrit volontiers la mort pour conserver chaque me dans un tat si beau et si aimable. Si donc la beaut d'une seule me sainte est si grande, quelle sera, pensez-vous, la beaut de la Mre de Dieu qui, pour la plnitude de la grce, de l'clat de la gloire, surpasse incomparablement toutes les mes saintes et bienheureuses 1 Si tout ce qu'il y a de beaut, d'clat, de charmes dans les cratures corporelles, dans le soleil, la lune, les toiles, dans l'or, les pierres prcieuses, les fleurs, les jardins, les vtements, les palais, les couleurs, les oiseaux, les animaux, si tout cela* ne peut pas galer la beaut d'une seule me, bien mieux encore la beaut de Marie. Aussi Louis de Blois, qui avait pour Marie un amour tout particulier, lui adressa cette salutation dans ses petites prires : Je vous salue, Marie, Vierge pleine de charmes, vous dont l'clat est plus pur que celui du soleil, plus brillant que celui des astres; Vierge plus suave que le baume, plus rose que les roses, plus blanche que les lis; vous dont la beaut surpasse toute beaut *, C'est pour cela que dans lo Cantique elle est appele : Trs-belle entre toutes les femmes . Et : La plus belle des femmes . 5 3

VIL Assurment elle est trs-belle, car les choses excellentes conviennent aux choses excellentes. Et de mme que, dans la cration, toutes choses sont entirement bonnes, c'est--dire belles; Car la bont est une source de beaut, comme le dit trs-bien Marsile Ficin, de mme, lors 'de la seconde cration universelle, les choses ont du tre bien meilleures et bien plus belles. Le premier homme et la premire femme furent trs-beaux, mme au point de vue de la beaut corporelle, puisqu'ils taient l'uvr immdiate de Dieu dont tous les ouvrages sont parfaits. Jacques Salcen, excellent historiographe de notre poque, a crit dans ses Annales sur VAncien Testament*, qu'Adam, notre premier parent, fut1 IVO "PI-LINONS 2

I 7 . 3 v . 17. * G J o u r d u m o n d e . n 6 7 .

36

CONFRENCES SUR LES LTAINIES DE LA SAINTE VIERGE.

cr par Dieu, si beau, si orn de charmes et de grces, qu'il avait une figure semblable celle que Mose avait sur le mont Sina, et lic avec Mose lors do la transfiguration. Vous pouvez donc penser quelles lurent la beaut, la grce, les charmes.de la Vierge, Mre de Dieu ! quel clat brillait sur son visage ! quelle grce avait chacun de ses membres! puisqu'aucune crature ne fut jamais si troitement unie, si semblable Dieu, le Crateur. VIII. Si le temple de Salomon tait orn l'intrieur et l'extrieur, d'ornements en or et de belles ciselures d'un trs-grand prix, combien plus forte raison convenait-il que le temple vivant du Fils de Dieu, dans lequel il a pris sa chair, dans lequel il a habit neuf mois, fut fait de parties habilement proportionnes et par d'ornements non-seulement spirituels, mais aussi charnels! Il convenait certainement qu'il fut fait avec une grande grce, une extrme dlicatesse, que les membres fussent parfaitement proportionns; enfin, que la beaut rsultt de l'ensemble du corps. IX. Si cette gloire fut accorde Esther, Judith et d'autres femmes ordinaires ; car on dit del premire, dans Esther : Car elle lail parfaitement bien faite, et son incroyable beaut la rendait aimable et agrable tous ceux qui la voyaient; et sur la seconde, on lit dans Judith*: c Il n'y a point dans toute la terre une femme< semblable celle-ci pour la mine, pour la beaut ou pour le sens et la sagesse des paroles; par quelle juste raison pourra-t-on refuser cette gloire la Mre de Dieu? Est-ce que cette beaut du corps manqua la Mre de Dieu, qui fut appele gracieuse par les Anges? Je vous salue, pleine de grces, c'est--dire gracieuse, selon l'interprtation de saint Damascne dans son i Discours mv la Nativit de Marie. Assurus possda des jeunes filles de la plus grande beaut, dont il choisit l'une pour tre son pouse : c'tait Esther ; le Roi des cieux eut des vierges bien plus belles, et il en choisit une pour tre sa Mre. Rachcl fut belle; Judith fut belle; Esther fut belle, et toutes les autres dont la sainte criture clbre la beaut; mais Marie fut plus belle ; bien plus, sa beaut dpassait d'autant plus la beaut des1

cr

MRE AIMABLE.

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autres cratures, qu'elle tait intimement unie, plus semblable Dieu le Crateur. Aussi, Rupert, admirant sa beaut, s'criait : 0 la plus belle des femmes! vous, bnie entre toutes les femmes, dont la beaut est une bndiction; la beaut est le fruit de vos entrailles ! X. Charles, fds de sainte Brigitte, enflamm d'un immense amour pour cette beaut, avait l'me remplie d'une sainte volupt en contemplant la perfection de la Mre de Dieu, en pensant surtout que Dieu l'avait choisie pour tre sa Mre, et il disait : S'il tait possible que la bienheureuse Vierge dcht un seul instant de la dignit qui Pcnvironne, je voudrais, pour que cela n'arrivt pas, tre crucifi ternellement dans les Enfers. Telle tait l'extase dans laquelle le plongeait son amour. Un certain clerc, ayant un amour ardent pour cette beaut, dsirait tre aveugle, pourvu qu'il put contempler un seul instant la Mre de Dieu dans toute sa gloire. Je raconte ce fait d'aprs saint Antonin \ Un autre clerc, dvot la bienheureuse Vierge, adressait Dieu de frquentes prires afin qu'il mritt de voir la beaut de la bienheureuse Marie qui, il l'avait appris dans ses lectures, tait toute belle et sans tache. 11 adressait aussi la bienheureuse Vierge des prires continuelles, afin qu'elle daignt lui montrer sa beaut. La douce Marie lui accorda sa pieuse demande et lui fit savoir par un Ange qu'elle voulait se montrer lui, mais qu'il devait cependant savoir qu'il ne fallait pas que les yeux qui l'auraient vue vissent ensuite quelque objet terrestre. 11 y consentit, et il dit qu'il ne ferait rien pour se gurir de la ccit, pourvu qu'il vt seulement un instant la bienheureuse Vierge dans toute sa splendeur. Il pensait, part lui, que si la bienheureuse Vierge lui apparaissait, il ouvrirait seulement un il pour la voir, afin que, priv de ses deux yeux, il ne ft pas forc de mentir. Donc, tandis qu'il priait, et tandis qu'il brlait d'un amour toujours plus ardent pour la Vierge, la Reine du Ciel lui apparut environne d'une immense clart. Aussitt l'il qui l'aperut, saisi par cette vive lumire, fut frapp d'aveuglement. Mais lui, rempli de bonheur parla merveilleuse beaut de la Vierge, commena pleurer et s'accuser* IY Part., tit. XV, chap. xxxiv, 3>

38

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

lui-mme : Plt au Ciel, dit-il, que je fusse tout fait aveugle, et que je l'eusse vue plus compltement! Il demanda donc la Vierge qu'elle daignt lui apparatre une seconde fois, disant qu'il tait prt perdre aussi l'il qui lui restait, pourvu qu'il put la voir encore. La bienheureuse Vierge lui apparut une seconde fois, et non-seulement elle n'blouit pas par sa gloire l'il qu'il exposait au danger de ccit, mais encore elle lui rendit avec bont celui qu'il avait perdu. Ceci est rapport par saint Antonin et dans le Miroir des exemples . Si donc la bienheureuse Vierge est si belle, elle est certainement aimable; aimons-la donc, et chrissons en elle Dieu qui est la source de toute beaut. La Gentilil insense fit tant de cas d'Hlne, femme du roi Mnlas, que Homre, homme au divin gnie, et plusieurs autres peintres et sculpteurs clbres, travaillrent sans relche exprimer sa beaut. Quel grand cas, je vous le demande, ne devonsnous pas faire de Mario, qui ne fut pas l'auteur de l'incendie de Troie, mais la cause de notre salut; qui fut d'autant plus belle, qu'elle fut plus l'abri de toute atteinte des passions, de toute contagion du vice, plus admirable par l'intgrit de ses murs, plus illustre par sa saintet, plus orne de vertus! Aimons-la donc, car c'est la volont de Celui qui l'a faite si belle, si pleine de charmes, si aimable. Louange, honneur, gloire, puissance, soient lui dans toute la suite des sicles! Ainsi soit-il.f

Mais, afin de mieux faire voir la beaut de la Vierge Marie, Mre de Dieu, il nous a paru bon de faire voir son image au naturel. 179 CONFRENCEIMAGE VRITABLE DE LA BIENHEUREUSE YLKNGE MARIE, TUTE DU CANTIQUE DES CANTIQUES. SOMMAIRE. 1. Avant-propos. 2. Le Cantiquee

des cantiques clbre Marie. 3. Plan que l'auteur se propose de suivre.

I. Je suis un peintre insens, inhabile, ignorant cl grossier, moi qui entreprends de reprsenter et de mettre sous vos yeux une image trs-belle, clatante et splendide, c'est--dire l'image de la sainte1

Vin, 09.

MRE AIMABLE

39

Marie, Mre de Dieu. Mais comme je manque de couleurs dignes de mon tableau et que je n'ai pas une main capable de tracer avec perfection les contours de mon image, Dieu lui-mme, trs-sage et trshabile, artisan suprme en toutes choses, me fournit la matire et les couleurs, afin que je peigne, que je reprsente une image trs-belle et trs-digne, cl que j'excite l'amour de celle qu'elle reprsente dans tous ceux qui la verront. Cette image est dans le livre sacr du Cantique des cantiques, o le Saint-Esprit reprsente des cratures varies, auxquelles il prend toutes leurs beauts, et comme leur quintessence; il les compare ensuite la Vierge, afin que des choses que nous connaissons nous puissions nous lever la connaissance de celles qui ne peuvent pas tomber sous nos yeux. II. Il n'est pas douteux que tout ce qui est dit dans le Cantique des cantiques au sujet de l'pouse, c'est--dire de l'glise, ne puisse s'appliquer surtout la bienheureuse Vierge. Car la Vierge est le membre principal de l'glise aprs le Christ, qui en est la tte. C'est pourquoi Apponius, qui fleurit en l'an du Soigneur 840, dit avec beaucoup de raison, la fin du cantique : Celui-l est malheureux qui ne croit pas que le vritable sens du livre des Cantiques s'applique la Mre de Dieu. Cela est approuv par la sentence de l'glise, puisque, dans son office, elle fait plusieurs emprunts au Cantique et qu'elle les chante surtout en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie ses jours de fte ; et dans la prose de la Nativit de la bienheureuse Vierge Marie, plusieurs glises chantent ceci en l'honneur de la Vierge : Les bouches des prophtes vous ont clbre ; Salomon a chant pour vous son cantique. Donc, dans le Cantique, le Christ, poux de l'glise, fait tour tour des demandes et des rponses Marie comme son pouse. La Mre s'applaudit de son Fils, le Fils se rjouit de sa Mre; la Mre vante l'excellence de son Fils, le Fils admire la beaut de sa Mre. Dans le Cantique des cantiques, quatre personnes prennent la parole, comme le remarque Jean Algrinus, cardinal vque de Sabine :1a Mre avec le Fils, les Anges qui assistent le Fils, leur Seigneur, les jeunes vierges qui assistent la bienheureuse Vierge leur matresse. Notre bienheureux Alain a

40

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

appliqu d'une manire trs-convenable chaque parole de ce cantique un entretien de Marie avec le Christ. Voyons donc ce que l'poux de l'glise dit sur la beaut de la bienheureuse Vierge. Admirons autant que nous le pouvons sa beaut, afin que de 1'admiralion nous soyons amens l'amour. III. L'poux commence par louer les joues de son pouse sur lesquelles apparat surtout la beaut de la femme. Qu'il nous soit permis de suivre l'ordre de la nature et d'admirer d'abord la beaut de la tte de la Vierge. Plaise au ciel qu'en parlant et qu'en crivant, nous nous exprimions si bien que nous approchions de Celui qui met dans ses uvres une telle expression, une telle perfection que les Anges eux-mmes dsirent admirer son uvre! Dans la 178 Confrence, nous avons donn particulirement l'image extrieure du corps de la bienheureuse Vierge, d'aprs Nicphore et le prAtre piphane. Nous venons maintenant reprsenter son image spirituelle et interne.e

180 CONFRENCETTE, ou DE LA BEAUT DE LA TTE DE LA OTEMIEUREUSE VIERGE.

e

SOMMAIRE. La tte de la Vierge est compare au mont Carmel, ce qui marque : 1 sa volont pour le bien et sa charit; 2 sa saintet; 3 son influence bienfaisante sur les pcheurs.1

L'poux cleste, louant la beaut de la tle de la Vierge, Mre de Dieu, la compare au mont Carmel : Votre tte est comme le mont Carmel. Il y a deux monts Carmel, comme saint Jrme l'a remarqu sur le premier chapitre A'Amos : l'un en Jude, o ont habit Nabal, mari d'Abigal, et David ; l'autre est prs del Ptolmade, pays d'Isral; l se cacha et habita lie, fuyant la vue de Jzabel, ainsi qu'Elise et les fils des prophtes qui furent les premiers Carmlites; car c'est cette montagne que cet Ordre trs-illustre a emprunt son nom. Les deux montagnes sont fertiles, agrables et abondantes en vin, surtout la seconde o lie habitait souvent \ Aussi a-t-elle pass en proverbe et est-elle le symbole de la fertilit, de l'abondance et de1 2

* Cantique, 10.

vu, 5. * 1 Livre des Rois, xxv, 2. "'III Livre des Rois, iviu,

e

MRE AIMABLE.

41

la joie. Isae, pour montrer la fertilit de l'glise catholique, a employ une comparaison emprunte au mont Carmel : La gloire du Liban, dit-il, lui a t donne, la beaut de Carmel et de Saron. Il fait mention du Carmel qui l'emportait sur les autres montagnes par la fertilit et l'agrment, afin de montrer la mansutude et la fcondit future de l'glise catholique. Aussi, dans la langue punique ou arabique, qui se rapproche beaucoup de la langue hbraque, et aujourd'hui encore, dans cette partie de l'Espagne qui s'appelle la Btique, les villes les plus agrables et les plus belles sont appeles Carmenas, comme Delrio le dit dans son 970 Adage. C'est donc avec raison que la tte de la "Vierge est compare au mont Carmel, afin que sa hauteur nous fasse comprendre que la tte de la Vierge n'est pas incline, mais qu'elle est leve au-dessus des paules ; c'est pour cela que les Hbreux disent : La tte s'lve comme le Carmel. Et, personne ne l'ignore, l'lvation de la tte au-dessus des paules contribue beaucoup la beaut du corps. Mystiquement, la tte de la Vierge signifie la partie suprieure de son me, la sainte intention de son me et sa volont. C'est Tusage, en effet, dans les saintes critures, de faire entendre souvent l'intention et la volont par le mot tte; car, de mme que la tte dpasse tout le corps, de mme l'intention prvient toute action. Del vient ce proverbe : Tout ce que font les hommes, l'intention le juge. Donc, la tte de la Vierge est leve et fertile comme le Carmel ; car son intention tait toujours porte vers Dieu, et les fruits des bonnes uvres abondaient en elle. Ou bien, la tte de la Vierge compare au Carmel est l'image de sa charit qui, de mme que la tte, dpassait les autres vertus; et elle n'tait pas attache aux paules, c'est--dire qu'elle correspondait seulement aux uvres, mais qu'elle les dpassait en hauteur et en minence. Car la Vierge ne se contenta pas d'accomplir les uvre, prescrites par la loi : ce serait l avoir la tte incline sur les paules mais elle aspirait toujours aux uvres de subrogation, qui est avph la tte leve au-dessus des paules. Le rabbin Aben-Esra est favorable notre explication lorsqu'il di que, dans ce passage, on doit entendre par Carmel, non pas cettee

42

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE L SAINTE VIERGE.

montagne si vante dans les critures, mais sa couleur carlate ; car, en hbreu, Carmel signifie carlate, ce qui ressort des Paralipomnes *, o le mot Carmel est employ en hbreu pour dsigner ce que nous appelons carlate. C'est pourquoi, d'aprs cette mtaphore, la tte de la Vierge signifie certainement sa charit, qui est la tte, la premire de toutes les vertus; et c'est avec raison qu'elle est appele Carmel, c'est--dire pourpre et carlate, car elle est tout ardente cause de la ferveur de son amour. Enfin, par la hauteur du Carmel nous devons entendre la saintet de la bienheureuse Vierge. De mme, en effet, que le Carmel dpasse en hauteur les autres montagnes de Jude; de mme, la bienheureuse Vierge dpasse tous les autres Saints par sa beaut et sa saintet. De plus, le mont Carmel est trs-fertile et trs-agrable et renferme toute espce de plantes varies, de fleurs, de fruits; de mme, la bienheureuse Vierge tait remplie de toute espce de fleurs, d'herbes odorifrantes et suaves, c'est--dire de vertus et de grces abondantes. En outre, le mont Carmel, cause de sa hauteur et de sa verdure, tait favorable au recueillement; aussi lie s'y retirait-il pour s'y livrer la contemplation . Mais quel lieu est plus propre la contemplation que la tete de la Vierge, c'est--dire cette partie suprieure de son me o resplendissent tant de prrogatives et de dons divins? Si quelqu'un gravit cette montagne pour s'y livrer la contemplation, assurment il sera ravi d'admiration par la bont, la sagesse et la puissance de Dieu.2

Elic gravit le mont Carmel pour demander la pluie, et l, flchissant le genou, il obtint la pluie du Seigneur aprs une longue scheresse . De la mme manire, quiconque dsire obtenir du Seigneur la pluie de la grce doit monter, par l'esprit et la pit, sur ce Carmel qui n'est autre chose que la bienheureuse Vierge, implorer ses mrites et ses prires; il arrosera ainsi le champ dessch de son me et il le fcondera abondamment. Enfin, le Carmel signifie l'Agneau circoncis. C'est donc avec raison31

H, 7. * M * livre

des Rois, xvm.

3

Iid.

}

xxiu.

MRE AIMABLE.

43

que la tte de la Vierge est compare au Carmel ; car elle portait sans cesse dans sa tte l'Agneau circoncis. Cet Agneau respirait par sa bouche, parlait par sa langue, voyait par ses yeux, entendait par ses oreilles, sentait par son nez. Ou bien l'Agneau circoncis signifie la tte de la Vierge, parce que quiconque la regardait chassait de son cur les mouvements dsordonns du vice. L'humilit de la Vierge lui faisait dompter son orgueil; la virginit, sa passion; la douceur, sa colre; la charit, son envie. C'est donc avec raison que cette partie, c'est--dire la tte, est la partie principale de la Vierge, Elle est compare au Carmel, car elle tait pare d'ornements si beaux et si prcieux qu'elle semblait prsenter l'aspect de cette montagne si sublime et si fertile. iSle

CONFRENCE

CHEVEUX DE LA VIERGE, MRE DE DIEU. SoiiiiAinE. \. Les cheveux de la Vierge compars des troupeaux de chvres,. 2. Ce qui marque sa haute saintet. 3. lis sont encore compars la pourpre royale.

I. L'poux compare les cheveux de la Vierge, Mre de Dieu, des troupeaux de chvres : Vos cheveux sont comme des troupeaux de chvres qui sont montes sur la montagne de Galaad Et : a Vos cheveux sont comme un troupeau de chvres qui se sont fait voir venant de la montagne de Galaad . Ils sont encore compars la pourpre du roi lie dans les canaux du teinturier : Les cheveux de votre tte sont comme la pourpre du roi lie et teinte deux fois dans, les canaux des teinturiers . C'est avec raison que l'poux vante les cheveux de la Vierge, car les cheveux sont le principal ornement d'une femme; c'est pour cela que les femmes y mettent du noir, du blanc, du roux et les embellissent de mille manires; et elles font tant de cas de leurs cheveux qu'elles les prfrent quelquefois la vie mme. Galien, dans son8 31

Cantiques,

rr, 2. s vi, 4. * vu, 5..

Ai

CONFRENCES SUR USS LITANIES DE LA. SAINTE VIERGE.1

livre sur la Mdecine raconte qu'il a vu des femmes mourir de l'amour exagr qu'elles avaient pour leurs cheveux. Le mme fait est rapport par Actius Ttrabe . Puis donc que les femmes font tant de cas de leurs cheveux, c'est avec raison que l'poux clbre les cheveux de son pouse. IL G'est une belle comparaison que celle des cheveux de la Vierge un troupeau de chvres. Ces troupeaux paissent sur les lieux levs et gravissent avec intrpidit les plus hautes montagnes; o les autres animaux redoutent des prcipices, l, les chvres sjournent et trouvent des aliments; la nourriture y est plus douce, les fruits plus dlicats et les loups ne s'y hasardent pas. La bienheureuse Vierge gravit les plus hauts sommets des vertus, et elle posa son nid sur les hauteurs de la perfection vanglique; car elle a lev vers le Ciel ses penses qui sont ordinairement dsignes par ses cheveux dans les critures; elle s'est entirement spare des proccupations terrestres, et elle s'est transporte, tablie dans le Ciel. Les autres brebis suivent un chemin peu sr, tabli dans la plaine; elles ont l'esprit rempli des choses du monde; aussi sont-elles exposes mille dangers, mille ennemis, mille rencontres d'ennemis; et, bien souvent, comme dit le Psalmisle , la mort en fait sa proie, comme des brebis plonges dans l'abme. La Vierge a choisi sa demeure non pas dans la plaine, comme les brebis, mais sur les rochers les plus levs, comme les troupeaux de chvres. Aussi elle-mme dit dans YEcclsiastique : J'ai habit dans les lieux trs-hauts, et mon trna est comme une colonne de fume; c'est--dire dans la providence particulire de l'Esprit-Saint. L, la bienheureuse Vierge ne craignit plus aucun danger, aucune invasion des loups; elle ne subit aucune atteinte du monde, de la chair ou du cruel Satan, ce loup infernal; elle ne fut pas attaque dans ses actions comme les autres hommes, ainsi que nous en avons trait plus au long dans la 137 Confrence.2 3 e

Il y a ensuite : qui sont montes sur la montagne de Galaad, ou qui se sont fait voir venant de la montagne de Galaad. Galaad est une montagne d'Arabie qui produit beaucoup d'aromates. Aussi les Gaaladitcs1

Chap. six.

2

Liv. Il, sermon n, chap. LVII.

3

Ps. x u u .

MRE AIMABLE.

45

cl les Arabes sont-ils trs-habiles dans Fart de la mdecine et de la chirurgie cause de leurs aromates, de leurs herbes, de leurs bois, de leurs fruits, qui sont d'une qualit suprieure. La bienheureuse Vierge descend vritablement de cette montagne pour les Galaadites, lorsqu'elle gurit nos blessures, c'est--dire les pchs; lorsqu'elle loigne de nous, par son intercession, les maladies soit dej'me, soit du corps; car elle a pour nous la sollicitude d'une mre: elle gurit nos maux par ses prires; elle nous donne ses conseils, ses secours, comme des conseils spirituels. III. I! compare ensuite les cheveux de la Vierge la pourpre du du roi plonge dans les canaux, afin sans doute de faire voir que les penses de la Vierge, dsignes sous le nom de chevelure, taient royales; car, de mme que la bienheureuse Vierge tait issue d'une race royale, de mme elle eut toujours des penses royales. Et quelles sont les penses d'un roi? Un roi n'occupe pas son esprit des choses misrables, il ne s'abaisse pas de viles proccupations; il mdite toujours de grandes choses, il songe aux guerres, aux triomphes, aux trophes. De la mme manire, la Vierge ne souillait pas son intelligence par des penses terrestres, elle n'abaissait pas son esprit gnreux jusqu'aux vices honteux; elle roulait dans son esprit des penses bien plus hautes, c'est--dire clestes ; elle mditait des combats contre les ennemis infernaux, il n'y avait dans son esprit aucune pense si petite, de si peu d'importance, qui ne brillt de la splendeur royale, ou bien, son moindre cheveu respirait la dignit royale. C'est pour cette raison que les cheveux de sa tte sont appels une pourpre de roi. Car la couleur de pourpre est la couleur royale et impriale. Cette pourpre est dite jointe ou lie dans les canaux, car la pourpre adhre si intimement la laine qu'aucun effort de l'eau ne peut l'en sparer. C'est pour cela que Larce, dans son pome sur la Nature des choses, crivait ceci : La couleur pourpre du conchyle est tellement unie aux toffes de laine qu'elle ne peut plus en tre spare, pas mme si Neptune voulait, avec ses flots, lui rendre sa premire couleur, pas mme si la mer tout entire, avec toutes ses ondes, voulait l'effacer \ Liv.Vl.

46

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

C'est ainsi qu'aucune puissance ne pouvait abaisser sur de vils objets les penses royales de la Vierge, et elles retiraient d'autant moins la couleur de pourpre qu'elles s'en imprgnaient plus souvent. Les canaux dans lesquels cette couleur de pourpre tait jointe ou lie, sont les vases dans lesquels la laine est trempe afin qu'elle prenne la couleur pourpre. Ces canaux signifient le sein sacr de la Vierge, dans lequel la pourpre du Roi ternel a t teinte avec le sang humain, et o l'humilit de la chair s'est leve la dignit de la pourpre, lorsqu'elle s'unit Dieu par l'incarnation. Et c'est avec raison qu'elle est dite jointe dans les canaux ou lie dans les canaux, puisqu'elle s'est unie au Fils de Dieu par le lien indissoluble d'une union hypostatique. J'adopte volontiers la version des Septante, qui ont ainsi traduit ces paroles : Les cheveux de votre tte sont comme un roi li par la pourpre dans les canaux, Ce roi, c'est le Christ qui a t li par la chevelure de pourpre, c'est--dire par l'humilit de la Vierge, suivant ce que dit le Cantique lui-mme : Vous avez bless mon cur par l'un de vos yeux et par un cheveu de votre cou Rupert traduit ainsi : Par la trop grande humilit de votre cur. C'est avec beaucoup de justesse que l'humilit est dsigne par un seul cheveu. Qu'y a-t-il, en effet, de plus mince qu'un cheveu? Quoi de plus simple que la pauvret? Qu'y a-t-il de plus flexible qu'un cheveu? Quoi de moins rsistant que l'humilit? Un cheveu se voit peine : l'humilit de la Vierge se permet peine ce qui peut tre remarqu parmi les hommes. Il est dit que ce cheveu est non de la tte, mais du cou, parce que la Vierge n'avait pas de tle, c'est--dire d poux qui souillt sa virginit ; ce cheveu est attach son cou pour marquer son humilit qui attira sur elle les regards de Dieu et la rendit cligne d'tre sa Mre. Elle attacha Dieu ce seul cheveu de son cou, lorsqu'elle se crut indigne d'tre la Mre de Dieu. C'est ce que dit Rupert, dont je cite les paroles : Lorsque vous vous jugiez indigne d'un homme, vous devntes digne de Dieu; c'est le fruit d'un seul do vos yeux, d'un seul cheveu de votre cou; lorsque vous vous jugiez indigne de donner!

iv, 9.

MRE AIMABLE.

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des enfants Isral, vous avez t trouve digne de donner Isral son salut; lorsque vous vous jugiez indigne d'allaiter le fils d'un homme, vous avez t trouve digne d allaiter le Fils de Dieu fait homme avec vos belles mamelles, vos trs-belles mamelles, vos mamelles virginales M 182 CONFRENCEYEUX.SOMMAIRE. e

1. Les yeux de Marie sont compars aux yeux de la colombe. 2. Ce qui marque son innocence. 3. Sou amour pour les choses du Ciel. 4. Sa volont sainte, 5. Version des Septante. G. Chastet et tristesse des yeux de Marie.

I. L'poux reprsente les yeux de la Mre de Dieu par une double comparaison. L'une est prise dans le Cantique : Vos yeux sont comme les yeux des colombes, sans ce qui est cach au dedans; l'autre est prise dans le mme Cantique : Vos yeux sont comme les piscines d'Hesebon, situes la porte du plus grand concours des peuples, IL Vos yeux sont comme les yeux des colombes. De mme que, chez les gyptiens, l'il et la verge taient les hiroglyphes de Dieu, car ils voulaient montrer par l que Dieu soutient toutes choses par son sceptre et qu'il voit tout par son il, de mme l'hiroglyphe de la Mre de Dieu est l'il de la colombe qui peint bien son admirable chastet, sa puret, son innocence. La colombe est pleine de simplicit. Aussi, dans saint Matthieu, Jsus-Christ nous donne-t-il ce conseil : Soyez simples comme des colombes*. De mme, elle est innocente et pure, et c'est pour cette raison qu'on dit qu'elle n'a pas de fiel. En ralit, elle a du fiel, comme l'affirment Aristote dans son Livre sur les Animaux , et Pline avec l u i , mais on dit qu'elle n'en a pas, marque qu'elle ne connat ni la ruse ni la dissimulation. Son il est chaste et plein de simplicit, et Ton dit qu'elle a de petits yeux, car ils ne peuvent recevoir que l'image de son poux, comme en ont3 33

6

Rnpert. a w, t. vu, 4. * x, 16. s Liv, IV. ^ Liv. IX, chap. xxxv.

48

C0NVREXG2S

SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.1 a

fait la remarque Origne et Grgoire de Nysse . Aiiu de montrer que les penses de la Vierge, et, plus encore, les regards de ses yeux taient trs-purs et trs-chastes, ses yeux ont t compars la colombe ; car il y avait dans les yeux de la Vierge une si grande grce, on y voyait briller tant de puret et de chastet, que non-seuJemcnt elle conservait en elle sa virginit, mais encore elle exprimait le sceau de la virginit ceux qu'elle voyait, comme nous l'avons dmontr ci-dessus, dans la 157 Confrence. III.En outre, les yeux de la Mre de Dieu sont compars aux yeux des colombes, parce qu'elle aimait la contemplation des choses clestes. Les colombes, lorsqu'elles viennent chercher leur nourriture sur la terre, ne fixent pas leurs yeux sur le sol, mais, regardant rapidement le grain, elles relvent aussitt leurs regards vers le ciel. Tels taient les yeux de Marie; son regard ne s'arrtait pas sur les choses terrestres et se fixait souvent au ciel. Soit qu'elle servit son Fils chri, soit qu'elle s'occupt de Joseph, son poux, elle ne cessait pas de penser aux choses du Ciel. Marie avait des yeux de colombe ; ils ont des yeux de corbeau ceux qui il a t dit : Ils ont rsolu de tenir leurs yeux baisss vers la terre . Nous poursuivons.e 3

Sans ce qui est cach au dedans. Ces paroles signifient non-seule-

ment que les jeux, la vue et l'aspect de l'pouse taient remarquables par leur clat et leur puret, choses qui sont extrieures, mais encore par le front et les tempes, que les femmes ont l'habitude de cacher avec un voile, un bandeau, un ruban, afin que ces parties soient couvertes et que Ton voie les yeux seuls, brillant travers comme des pierres prcieuses ou dos diamants; car, ordinairement, les yeux demi cachs donnent aux femmes un charme particulier. Mystiquement, les yeux signifient intention, suivant cette parole du Sauveur dans saint Luc : a Si votre il est simple, tout votre corps sera clair*. Donc ces paroles : Vos yeux sont comme les yeux des colombes sans ce qui est cach au dehors, signifient que la beaut des yeux, c'est--dire des saintes intentions de la Vierge, est si grande qu'il y a encore plus de choses caches, quelle que soit la1

Homlie iv .

c

2

Homlie sur les Cantiques. * Ps. xxi, 11. * xi, 3*.

MRE AMABLE.

40

perspicacit de notre vue, que de celles qui se voient extrieurement. C'est comme si l'poux disait : Ce qui est en toi brille au dehors, ma sur, les hommes peuvent le voir; ce qui est cach intrieurement ne peut tre vu que par toi et par moi : par moi qui suis l'auteur de ces dons si grands; par toi, qui es l'objet de toutes ces grces. Car Dieu seul connat les secrets de cette me sainte, ses excs de joie, ses amours extatiques, les richesses ineffables de toutes ces vertus qu'il daigna accumuler en elle par une grce toute spciale. V. La traduction des Septante est non moins ingnieuse. Ils traduisent: En dehors de votre silence, ou : En dehors de votre tacilurnit, ce qui signilie que l'excellence de la Vierge est telle qu'elle ne peut pas tre exprime et qu'elle doit tre clbre par le silence plutt que par des voix balbutiant d'imparfaites louanges. Par consquent, tout ce que nous disons de la Vierge est tellement au-dessous de sa haute dignit que le silence et la discrtion paraissent devoir tre sa seule louange. Ajoutons qu'elle parat avoir impos silence aux Saints, et, plus encore, toutes les cratures, afin qu'ils ne pussent pas rivaliser avec elle en perfection et en beaut. VI. L'poux continue louer les yeux de la Mre de Dieu : Vos yeux sont comme la piscine d'IIcsebon situe la porte du plus grand concours des peuples. Quelle est cette comparaison? Quoi de commun entre les yeux et les piscines? S'il avait compar les yeux de l'pouse aux astres du ciel, la comparaison paratrait convenable; mais pourquoi les a-t-il compars aux piscines? Ce n'est pas sans raison, llsebon tait une ville situe au del du Jourdain, dans le lot des (ils de Ruben, l o tait autrefois Seon, capitale du roi des Amorrhens, lieu couvert d'eaux et de marais, et qui avait une porte appele en hbreu Bathbam, c'est--dire fille de la multitude. Prs de cette porte taient des piscines trs-vastes, remplies d'une eau trs-limpide. Les yeux de la Mre de Dieu sont compars ces piscines; car, de mme que ces piscines taient trs-vastes et trs-limpides; de mme, les yeux de la bienheureuse Vierge Marie taient trs-chastes, trs-purs et pleins d'clat. Et si par il on entend intention, cette intention, dans la Vierge, fut toujours vaste cause de la grandeur des uvres divines, trs-limpide cause de sa puret, ni

30

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

pleine d'clat cause de sa tranquillit; car jamais son me ne fut agite du moindre mouvement, du moindre trouble. Ou, selon l'interprtation de saint Grgoire, de Bde, de Rupert et de saint Thomas, Hsebon est une terre de douleur. On fait entendre, par cette interprtation, que les yeux de la Vierge taient non pas enjous, non pas libres, non pas remplis d'une joie immodre, mais qu'ils taient cerns par un cercle de douleurs, tristes et baigns de larmes, surtout la porte de ce grand concours des peuples, c'est--dire dans ce monde qui est comme un forum trs-frquent, o les uns entrent en naissant, tandis que les autres en sortent par la mort; que la Vierge pleurait et gmissait sans cesse ce sujet, et elle ne cessa pas tant qu'elle fut dans cette vie. Elle est grande coup sr la louange que mritent les yeux, encore plus lorsque, sous l'effort de la douleur, ils se serrent pour pleurer les malheurs publics ou prives de l'humanit, que lorsqu'ils se dveloppent en regards spontans et divers. 185E

CONFRENCEJOUES.

SOMMAIRE. I. Avant-propos. tourterelle marque sa chastet. la Vierge sont compares une sont compares l'corce de la

2. La comparaison des joues de la Vierge la 3. Virginit et fcondit. 4. Les joue? de pomme de grenade. 5. Pourquoi ? 6. Elles grenade.f

I. Selon la dfinition de P l i n e , les joues sont des membranes qui, la suprieure comme l'infrieure, couvrent les yeux et sont comme deux opercules par le rapprochement desquels la pupille est protge. On les appelle gnralement paupires, mais les paupires sont ces poils placs sur les cils, c'est--dire sur l'extrmit des joues, qui en forment le prolongement et qui font natre des passions exagres. On appelle aussi joues cette partie du visage qui se trouve entre le nez et la bouche; on leur donne encore le nom de mal, pommes, parce qu'elles ont la mme rotondit que la pomme.1

Liv. XI, chap. vir.

MBE AIMABLE.

51

Les joues, prises dans ce second sens, sont la partie principale du visage, car c'est l surtout que brillent la pudeur et l'honntet. Donc, l'poux clbrant le visage de la Vierge, loue d'abord ses joues qu'il compare une tourterelle, puis une moiti d'une pomme de grenade, et, enfin, l'corce d'une pomme de grenade : Vos joues ont la beaut de la tourterelle ' ; et : Vos joues sont comme une moiti de pomme de grenade ; et : Vos joues sont comme l'corce d'une pomme de grenade, sans ce qui est cach au dedans de vous . Examinons chacun de ces textes. II. Vos joues ont la beaut de la tourterelle. La tourterelle est le symbole de la continence et de la pudeur. Les naturalistes disent que la nature de la tourterelle est telle que si elle a perdu son mle, elle ne s'unit pas avec un autre, et que lorsqu'il arrive que l'une des deux tourterelles ainsi unies meurt et l'autre survit, toute ide d'accouplement s'teint dans la survivante, en mme temps que l'autre meurt. C'est donc pour clbrer la pudeur et la chastet de la Vierge que l'poux comparait ses joues la tourterelle. S'il compare aux joues de la tourterelle les joues de la Vierge, c'est que sur les joues surtout brille la candeur. Pline a dit que les joues sont le sige de la pudeur *. Et cela nous fait voir la pudeur de la Vierge, car la pudeur est un ornement pour tous les visages, mais surtout pour le visage des vierges. Car c'est le propre des vierges, comme Jupiter le dit lui-mme dans Lucien, de rougir de pudeur. O'est pour cela que saint Jrme, crivant Eustoche, donne la pudeur l'pithte de virginale; les potes parlent dans le mme sens. Rebule, dans sa iv lgie, dit :8 3 e

Sur les tendres joues brille la pudeur virginale.

Et Stace dit que les joues sontLe gardien et le signe de la pudeur virginale.

Et Virgile, dans sa i Gorgique :Du fard de la pudeur peint-elle son visage? (Traduction de DELJLLE.)1

re

Cantiques,

i, 9. s

V j

3 . - 3

y i j

6.

4

Liv. XI, chap. xxxvn.

82

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Ceci est approuv par saint Ambroise, cet minent Docteur. Dans son livre sur Y Education des vierges, il dit : La pudeur est la dot de la virginit. Dniade, cit par Stobc *, affirmait que la pudeur ou la candeur tait la beaut par excellence. Aussi la pudeur excite-t-clle l'amour. Ovide crit dans sa i lgie : La vue d'une jeune vierge, son air candide, blessent mon cur. C'est donc avec raison que l'poux, clbrant la beaut de la Vierge, loue ses joues et les compare la trs-chaste tourterelle. Elle fut trs-chaste, en effet, la bienheureuse Marie, elle qui, lorsque l'Ange descendit vers elle sous les dehors d'un homme, lui disant : Je vous salue, Marie, pleine de grce, le Seigneur est avec vous! dans sa consternation et son effroi, se mit rougir et, comme frappe de stupeur, se demandait quelle tait cette salutation. Car jamais elle n'avait t saluo par un homme, et c'est pour cela que sa rponse l'Ange fut pleine de modestie. Saint Ambroise, mditant l-dessus, crivait ceci dans son II Livre sur Saint Luc : Connaissez la Vierge par ses murs, connaissez-la par sa modestie; car c'est le propre des vierges de trembler, de craindre toute runion avec les hommes, de redouter leur entretien. Que les femmes apprennent imiter la conduite de la Vierge.ro e

III. Vos joues, dit l'poux, sont belles. Les deux joues de la Vierge .sont la virginit et la fcondit dans un mme sujet : tout cela est runi sur son visage. La bienheureuse Vierge est reconnaissable ses joues; car ses joues la dislingucntde toutes les autres femmes. Aussi personne ne lui a-t-il jamais ressembl et ne lui ressemblera jamais sur ce point. Ou, autrement : Vos joues ont la beaut de la tourterelle, c'est-dire la beaut du Christ, votre Fils, dont la voix a t entendue pour la premire fois sur la terre lorsqu'il a lou votre virginit. Il est vierge : vous tes vierge. Il a tellement aim la virginit qu'il a voulu qu'une vierge fut sa mre : vous avez tellement aim la virginit que, avec la permission de Dieu, vous refusiez la dignit minente d'tre sa Mre au dtriment de votre virginit.1

Sermon

LXXII.

MB3E AIMABLE-

53

IV. Plus loin, les joues de la Vierge sont compares une moiti de pomme de grenade, et ensuite l'corce de cette pomme. Celte pomme est appele punique, parce qu'elle a t transplante des pays puniques o Carthage fut btie. Elle est aussi appele pomme de gienade parce que son corce renferme une multitude de grains. Les joues de la Vierge sont compares la moiti d'une pomme de Carthage et l'corce de cette pomme, parce que le grain et l'corce ont une belle couleur, mais le grain plus que l'corce; d'un autre ct, la couleur pourpre est le plus bel ornement du visage. Aussi Jrmie, louant la beaut et l'clat du visage des habitants de Jrusalem, dit: Les Nazarens taient plus blancs que la neige, plus purs que le lait, plus rouges que l'ancien ivoire *. Et dans le Cantique, l'pouse, admirant la beaut de son poux, dit : Mon bien-aim clate par sa blancheur et par sa rougeur. Cette couleur brille surtout sur le visage des jeunes filles et des jeunes gens remarquables par leur beaut. C'est donc pour louer la beaut de cette figure virginale qu'il compare ses joues la moiti purpurine et l'corce d'une pomme de grenade. De toutes les pommes, la grenade est la seule qui ait une couronne et qui renferme ces belles graines rouges; cela veut dire que la beaut de la Vierge est non pas vulgaire, mais minente, et qu'elle mrite une couronne royale. Aussi, est-elle appele par le Cantique : la plus belle entre toutes les femmes *, et la plus belle des femmes . Les joues de la. Vierge sont compares une moiti de grenade et son corce, cause de la constance de la Vierge pendant la passion do son Fils. La grenade, dit Bde, est le symbole du mystre de la passion, cause de sa couleur rose. La Vierge a donc des joues semblables une grenade, car elle ne fut pas honteuse de la rougeur qui empourprait ses joues pendant la passion du Fils; bien plus, c'tait pour elle un sujet de gloire. V. Mais quelqu'un voudra savoir pour quelle raison les joues de la Vierge, au lieu d'tre compares simplement une grenade, sont .compares une moiti de grenade. Je rponds : De mme que lorss1

Lamentations,

w, 7.

2

I, 7.

3

v, 17.

M

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

qu'une grenade est fendue et ouverte, on voit paratre ses belles graines purpurines; de mme, sur le visage de la Vierge, couvert d'incarnat, on voyait l'clat et la splendeur de toutes les vertus et de la grce; ceux qui regardaient ce visage y voyaient briller toutes les vertus qui en faisaient l'ornement, semblables aux graines purpurines de la grenade. C'est de l, je pense, que vient l'explication de Rupert, qui est celle-ci : Parce que, dit-il, la moiti d'une grenade a plus de couleur et de parfum que la grenade entire. Et pour faire entendre que la bienheureuse Vierge avait une candeur toute particulire, et que sa haute renomme et ses bons exemples furent utiles bien des finies, l'poux a compar sa bont une moiti de grenade et non une grenade entire. Notre saint Docteur donne une autre raison : C'est, dit-il, parce que la grenade tant brise, on voit non-seulement la rougeur extrieure, mais encore la blancheur de l'corce intrieure qui ne peut pas tre vue, si la grenade n'est pas brise. La bienheureuse Vierge Marie fut belle non-seulement extrieurement, mais et bien plus encore intrieurement. Il faut ajouter que de mme qu'une moiti de grenade est rouge et belle, mais que cela est cach sous l'corce ; de mme, la pudeur de la bienheureuse Vierge tait cache; car la candeur a cela de particulier, qu'elle se drobe sous un voile. C'est de l qu'est venue la coutume, pour les vierges consacres Dieu, de se cacher sous un voile et de vivre derrire les murs d'un monastre, afin de montrer tous qu'elles embrassaient une vie de pudeur et de modestie. Tertullien, auteur trs-ancien, a fait un livre sur les Voiles des vierges, dans lequel il dit une vierge, entre autres choses : Revtez l'armure de la pudeur; entourez-vous d'un retranchement par votre modestie ; cachez votre sexe derrire un mur que ni vos regards ni ceux des autres ne puissent percer . C'est de l aussi que l'on a form le mot de noces, nupti, parce que les jeunes vierges se voilent, obnv/*-dire tre tout de miel et de lait. Qu'ils, aient le miel et le lait, c'est--dire la douceur et la suavit pour l'enseignement de la doctrine vanglique, non pas sur le bout des lvres, mais sur la langue, afin qu'ils en apprcient toute la douceur dans le fond de leurs curs. Malheureux est celui qui offre aux autres les fruits pleins de miel et de lait de la sagesse, et qui lui-mme meurt de faim et de soif; il est semblable ce Tantale de la fable, qui ne pouvait avaler aucune gorge d'une boisson dlicieuse qui lui montait jusqu'aux lvres. Le fils de Sirach dplorait cette misre : Il y a, dit-il, un autre mal que j'ai vu sous le soleil et qui est frquent parmi les hommes. Un homme a consacr Dieu ses richesses, sa vie, sa gloire; rien ne manque son me de ce qu'il dsire, et Dieu ne lui accorde pas le pouvoir de prendre cette nourriture, mais un tranger la dvorera : ceci est une grande vanit et une grande misre. Je croirais volontiers que ces paroles dpeignent l'homme sage et instruit qui a des ruisseaux de sagesse sur le bout des lvres, mais non sous la langue, en sorte qu'il ne peut pas y goter. 11 arrive souvent, en effet, qu'un homme tale de grandes richesses dans ses discours et possde une grande science des critures; mais comme la laideur de ses murs le met en dsaccord avec ses paroles et sa doctrine, ii en rsulte que ceux qui lisent ses livres ou entendent ses paroles, en retirent une grande utilit; mais lui, qui en est l'auteur, n'en profite nullement. C'est ce que dit Olympiodore. Philon Garpatius, dans son commentaire sur ce passage, soutient la mme opinion : Les faux serviteurs du Christ, dit-il, comme les prdicateurs hypocrites, ont le miel sur la langue, mais non pas sous la langue. Souvent ils prchent aux autres les joies clestes, tandis qu'eux-mmes couvent de leurs dsirs les biens terrestres et pris sables. Mais les vritables, les vertueux aptres de Dieu et toutes les Ames saintes portent le miel sous la langue; tandis que, par leurs discours, ils rpandent le miel de la divine sagesse et raniment ainsi les mes de leurs auditeurs, ils le gardent aussi sous leurs langues, et ils gardent, comme leur tant utiles, les saintes choses qu'ils

62

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE L. SAINTE VIERGE.y

annoncent. Que les prdicateurs soient donc remplis de douceur de suavit, de bont, l'exemple de la Vierge. Qu'ils ne se bornent pas offrir aux autres cette douceur, mais qu'ils l'apprcient euxmmes. 186 CONFRENCEBoucm.SOMMAIRE.

1. L'haleine de la Vierge tait suave comme le parfum des pommes. 2. Les pommes signifient les vertus intrieures.

I, L'poux, louant la bouche de la bienheureuse Vierge, emploie ces belles paroles : L'odeur do votre bouche est comme celle des pommes *. De mmo qu'une haleine ftide est dsagrable pour tous et surtout pour ceux qui ont les sens dlicats et qui aiment ce qui est dlicat et suave, la bonne odeur de la bouche, au coutraire, est agrable pour tous et surtout pour ceux qui recherchent les choses exquises. L'poux cleste, qui est l'auteur et l'ami de toute puret et de toute beaut, loue la houche de son pouse parce qu'elle rpand l'odeur trssuave des pommes. Quelques dvots serviteurs de Marie pensent que sa bouche virginale et, plus encore, son corps tout entier, bien qu'il ne ft pas imprgn de parfums, rpandaient cette odeur suave. Je ne blme pas cette pieuse croyance, je l'approuve, au contraire, et je donne des raisons pour l'appuyer. Suivant Thophraste, les odeurs suaves sont produites par des sucs distills par la chaleur, ce qui fait que les contres arides et brlantes produisent en abondance des parfums exquis. Que faut-il donc penser de la bienheureuse Vierge, chez qui les humeurs terrestres, charnelles et sensuelles, avaient t consumes par ce feu divin qui l'avait embrase tout entire, qui l'avait dispose, prpare, afin qu'elle fut le digne tabernacle du Fils de Dieu? Qui pourrait dire combien ce corps fut suave, odorifrant, ce corps, dis-je, qui renfermait le Chris!, oint de l'huile d'allgresse, dont l'odeur tait inestimable?1

Cantique, vu, 8.

MRE AIMABLE.

63

r

Les corps glorieux rpandent une odeur dlicieuse, parce que leurs entrailles sont remplies non pas de vils excrments, mais par une substance prcieuse : c'est ce qu'a enseign notre saint Docteur *. Quelle odeur rpandait donc ce corps trs-saint qui tait comme une coupe sans tache remplie d'aromates divins, qui donna au monde un baume prcieux, dont la suavit fait dire aux mes des fidles embrases d'amour : Nous courrons l'odeur de vos parfums ? Plutarque raconte d'Alexandre le Grand, que sa bouche rpandait une odeur tis-suave. Je ne recherche pas d'o provenait cette odeur. Quanta la bienheureuse Vierge, on ne doute pas qu'elle ne provnt de son me, pleine de toutes les grces et de tous les dons du SaintEsprit, qui lui valaient auprs de Dieu et des hommes une merveilleuse faveur. IL Mais il est temps de nous demander pourquoi l'odeur de la bouche de l'pouse est compare l'odeur des pommes. Les pommes signifient les vertus intrieures, qui naissent dans le jardin de notre cur sous l'action de notre bonne volont; elles deviennent une nourriture pour les autres par l'enseignement de bonnes doctrines. La bienheureuse Vierge Marie tait un jardin trs-agrable rempli de ce pommes. Aussi invitait-elle son poux par ces paroles : a Que mon bien-aim vienne dans son jardin et qu'il mange du fruit de ses arbres . A quoi l'poux rpondait : Je suis descendu dans le jardin des noyers, pour voir le fruit des valles, pour considrer si la vigne avait fleuri, et si les pommes de grenade avaient pouss *. Car, aprs que le Christ fut descendu dans le sein de la Vierge, cette vigne, qui est l'me trs-sainte de la Vierge, commena se couvrir de fleurs nouvelles et dvelopper le germe de la grce. Il y a diffrentes espces de pommes : il y en a de rouges, de dores, de vertes, de blanches, de mres, de dures, de molles, d'pres, de douces. Ainsi, dans l'me de la Vierge, il y avait des vertus diverses. La rouge, c'est la charit; la dore, c'est l'honntet; la verte, c'est la. puret de l'innocence; la blanche, c'est la chastet; la mre, c'est la temprance; la dure, c'est la mortification de la chair; la molle, c'ests 3

i IV, Disc, xuv, quest. i". 2 Cantique, 1, 3. 3

v, 1. * vi, 10.

64

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

la bienveillance; l'pre, c'est la justice; la douce, c'est la misricorde. La bienheureuse Vierge Marie prsentait ces pommes son poux : a Je vous ai gard, mon bicn-aim, les nouveaux fruits et les anciens Ces fruits rpandaient une odeur trs-suave : Vos plants forment comme un jardin de dlices, rempli de pommes de grenade et de toute sorte de fruits . C'est donc avec raison que l'odeur de sa bouche est compare l'odeur des pommes.2

187 CONFRENCEDENTS.SOMMAIRE.

1. Les dents de Marie compares un troupeau de brebis. 2. Ce qui veut dire qu'elle priiha la parole de Dieu el clbra ses louanges. 3, Commentaires de saint Bernard.

I. L'poux, louant les dents de la Vierge, dit : Vos dents sont comme un troupeau de brebis tondues, qui sont montes du lavoir, et qui portent toutes un double fruit, sans qu'il y en ait de striles parmi elles . Les dents sont le principal ornement des femmes; les dents blanches et brillantes les rendent plus gracieuses et plus aimables. Afin que l'poux manifestai clairement son amour pour son pouse, il loue ses dents : Vos dents, dit-il, sont comme des Irovpeaiw, etc. Les dents indiquent la pense, la mditation continuelle des choses divines. Aussi, dans l'criture le mot dent dsigne les Aptres, les prdicateurs, les religieux, qui font une mditation assidue des choses divines, comme cela a t remarqu par Origne , saint Ambroise *, saint Grgoire . De mme que les dents divisent, broient, rduisent la nourriture sous un petit volume et en font une substance propre entretenir la vertu; de mme, les prdicateurs loignent les hommes du vice et du pch, crasent, dtruisent les infidles, et, expliquant l'Ecriture-Sainto, ils la rendent plus claire pour les ignorants, ils la mchent, pour ainsi dire, comme les mres miettentle pain leurs enfants, alin que de faibles ils deviennent forts.3 ft 6

Cantique, iv, . * Ibid,, iv, 13. /Au/., iv, 2, * Homlie xir*, sur Ha Gense. De la lndiction des patriarches^ chap. iv. Morales, liv. IV, chap. xxiv, et iiv. XI, chap. xvi.8 0

4

3

MRE AIMABLE.

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II. Tout cela s'applique surtout parfaitement la Mre de Dieu, puisqu'elle est la Reine des prdicateurs et de ceux qui clbrent les louanges de Dieu. Ses dents, c'est--dire ses mditations, sont semblables des brebis tondues qui montent du lavoir. Je dis des brebis, parce qu'elles sont le symbole dej'innocence et de la puret; tondues, parce qu'elles sont pures de toute souillure terrestre. Le Docteur saint Bernard, la parole de miel, dans l vi de ses Petits sermons, comparait les religieux des brebis tondues : C'est avec raison, dit-il, que les moines sont compars des brebis tondues; en vrit ils sont tondus, car il ne leur est rest ni leur cur, ni leur corps, ni quelque chose de mondain. On doit dire la mme chose avec plus de raison de la bienheureuse Vierge Marie, qui fut toujours trangre aux soucis terrestres et aux affaires du sicle, et qui s'adonna entirement aux seules choses divines. C'est pour cela qu'ellemme dit dans le Cantique: Qu'il me donne un baiser de sa bouche . II, c'est--dire l'poux. Elle ne dsire pas la beaut des cratures, elle n'aime, ne convoite rien qui soit au pouvoir des cratures, elle ne souhaite que les lvres de son divin poux.e 1

III. Le chef illustre de Clairvaux examine encore dans son vi Sermon, avec beaucoup de finesse, la nature et les proprits des dents : Les dents, dit-il, sont blanches et fortes; elles n'ont pas de chair, sont dpourvues de peau; elles ne peuvent souffrir en elles aucun corps tranger; il n'y a pas de douleur pareille aux douleurs de dents; les lvres les couvrent et les empchent d'tre vues; elles ne peuvent tre en vue sans indcence, moins que le rire ne les dcouvre; elles mchent pour tout le corps la nourriture dont elles ne sentent pas la saveur; elles ne s'usent pas facilement; elles sont ranges avec ordre, les unes en haut, les autres en bas; tandis que la mchoire infrieure est mobile, la mchoire suprieure ne l'est pas. t> Puis, il applique aux moines, avec une grande habilet, toutes ces conditions et ces proprits. Mais elles peuvent tre appliques la bienheureuse Vierge Marie avec plus de raison et de convenance : 1 Les dents sont blanches : quoi de plus candide que la Vierge, quie

ii,

i.

m

5

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

ne fut jamais souille par aucune tache du pch, comme nous l'avons dmontr ci-dessus? 2 Les dents sont fortes : la bienheureuse Vierge fut pleine de force, elle qui ne succomba jamais devant aucun adversaire, sous aucune tribulation, sous aucun outrage, comme nous le prouverons ailleurs. 3 Les dents n ont pas de chair: la bienheureuse Vierge n'avait pas de chair, mais elle tait tout esprit, toute ardeur, tout enflamme du feu du Saint-Esprit; bien plus, elle tait embrase, car elle vivait de manire surpasser de beaucoup la puret des Anges. 4 Les dents sont dpourvues de peau : la bienheureuse Vierge aussi tait dpourvue de peau, car elle avait renonc tout intrt terrestre et elle se rjouissait en Dieu seul, son salut. 5 Les dnis ne peuvent souffrir en elles aucun corps tranger : la bienheureuse Vierge ne souffrit jamais en elle aucun mal, aucun artifice dans son cur, aucun mensonge sur ses lvres, aucune dissimulation dans ses actions. 6" Il n'y a pas de douleur semblable aux douleurs de dents : il n'y a pas d'impil aussi coupable que l'impit envers la bienheureuse Vierge. Car de mme que Dieu prouve une joie infinie quand il voit sa Mre honore, de mme il ressent une grande colre lorsqu'il voit qu'elle est mprise et ddaigne. C'est pour cela qu'il dploya sa rigueur contre Constantin Copronyme, car cet empereur impie, au moment de mourir, criait au milieu de ses atroces douleurs qu'il tait condamn aux flammes ternelles, pour avoir blasphm Marie, bien qu'il l'eut ensuite honore, comme Mre de Dieu, ainsi que l'atteste Nicphore *. Nous donnerons plus loin beaucoup d'exemples semblables de la vengeance divine. 7 Les dents sont couvertes par les lvres qui les empochent d'tre vues : qui mieux que Mario futcach,qui fut plus solitaire, plus retir dans sa maison? Nous prouverons cela ailleurs, lorsque nous nous occuperons spcialement de sa vie solitaire. 8 Il est inconvenant de montrer ses dents, si ce n'est en riant: la bienheureuse Vierge pensait qu'il ne lui convenait pas de se montrer en public, si ce n'est pour l'utilit du prochain, commr son devoir lui ordonnait d'aller visiter sa parente Elisabeth qui tait enceinte. !) Les dents mchent la nourriture pour tout le corps et n'enLiv. IV, e h a p . xxvr.

MRE AIMABLE.

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apprcient pas la saveur : la bienheureuse Vierge demande la grce pour tout le genre humain, et en attribue toute la gloire Dieu et non elle-mme : Mon me loue le Seigneur . 10 Les dents ne s'usent pas facilement : la bienheureuse Vierge ne faillit jamais sa gloire, son innocence, sa saintet; mais elle demeura toujours ferme, stable et constante. 11 Les dents sont ranges avec ordre, les unes sont suprieures, les autres infrieures : tout dans la bienheureuse Vierge tait dans le plus grand ordre: les sens taient subordonns la raison, la raison la volont, la volont la rgle divine. Galantin, dans son Livre sur les Seciets de la vrit catholique , dit : M Tous les membres de la Vierge, depuis les pieds jusqu' la tte, tous ses sentiments, toutes ses penses se soumettaient sans rvolte sa volont, de sorte que ses yeux ne se fixrent jamais sur un objet illicite, bien plus, elle ne levait les yeux que pour prier. 1a

Les dents de la Vierge sont compares des troupeaux de brebis tondues qui montent du lavoir; car l'me de la Vierge, dgage des intrts temporels, faisait son occupation des choses du Ciel, c'est-dire que, par la puret de son cur, elle montait toujours du lavoir, mditait sur l'ternit, errant dans les demeures clestes. De telles penses n'taient pas striles, mais elles portaient toutes un double fruit; car une pense sainte est fconde comme une brebis portant un double fruit; elle produit un double amour : l'amour de Dieu et l'amour du prochain, ou la foi et les uvres. Et il n'y en a point de striles parmi elles; car il ne peut pas se faire que celui qui a de saintes penses demeure strile, mais il produit de bonnes uvres, et la bienheureuse Vierge a produit beaucoup de bonnes uvres. SI. Luc, i, 4C. 2 Liv. VIII.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

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E

CONFRENCEGORGE.

SOMMAI nu.

. La gorge de la Vierge compare un vin dlicieux. 2. Prire de saint Bernard.

I. L'poux vante en ces termes la gorge de la Vierge : Votre gorge est comme un vin excellent . La gorge de la Vierge indique Jes louanges de Dieu et aussi les prires qu'elle adressait pour nous au Seigneur; cardans la gorge se forme la voix pour louer Dieu. Aussi, le roi-prophte dit des Saints : Les louanges de Dieu seront toujours dans leurs bouches . C'est donc avec raison que la gorge est l'image des louanges de Dieu, puisque c'est l'instrument qu'emploie la bouche pour louer Dieu.1 2

La gorge sert encore au passage de l'air des poumons dans la bouche, et elle est par l l'emblme de l'homme intrieur. Car, de mme qu'une odeur ftide s'exhale des entrailles infectes par la pourriture, mais qu'une odeur suave sort des entrailles saines et embaumes avec des aromates, de mme une odeur ftidft s'chappe d'un cur corrompu t plein de concupiscence, mais tout ce qui est d'un cur pur est aimable. C'est pour cela que le gosier des impies est compar un spulcre bant et la gorge des Saints un vin excellent. 11 est dit des impies : Leur gosier est comme un spulcre ouvert , et des Saints : Votre gosier est comme un vin excellent. i 3

II. Cela s'applique surtout la bienheureuse Vierge. Quoi de plus doux qu'un vin excellent et nouveau? Quoi de plus fort? Quoi de plus gnreux? Quoi de plus ellicace pour rjouir le cur, pour ranimer l".s forces vitales et animales, pour clairer et vivifier l'esprit? Et quoi do plus doux que la Vierge? Car mon esprit est plus doux que le miel, et mon laitage surpasse en douceur le miel le plus excellent*. Quoi de plus fort? J'ai t ainsi affermie dans Sion . Quoi de plus splendide que la Vierge en qui la splendeur a rsid? Quoi de plus chaste que celle qui a enfant sans aucun commerce charnel? Qu'y5

* Cantique, vu, 9. * Ps. CXLIX, 6. * Ps. v, 10. * Ecclsiastique, * Ibid., xxiv, 15.

xxiv, 27.

MRE AIMABLE.

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a-t-il enfin de plus efficace que Marie pour rjouir le cur, rtablir les forces, exciter les esprits, clairer l'intelligence? coutons saint Bernard : 0 grande, pieuse Vierge Marie, vous qui tes digne de toutes les louanges, on ne peut pas prononcer votre nom, sans que vous embrasiez Pme de vos serviteurs; vous les ranimez quand ils pensent vous. Vous ne franchissez jamais les portes d'une pieuse mmoire sans y apporter la douceur qui vous est naturelle. Son gosier est doua justement compar un vin dlicieux. J89 CONFRENCE Cou.SOMMAIRE. e

1. Beaut du cou de l'pouse des Cantiques. . Comparaison de la tour. 3. Tour de David. 4. Tour d'Ivoire.

L L'poux vante merveilleusement le cou de l'pouse et le compare diverses choses. D'abord la tour de David : Votre cou est comme la tour de David, qui est btie avec des boulevards : mille boucliers y sont suspendus, avec toutes sortes d armes pour les plus vaillants pnerriers *. Puis la tour d'ivoire : Votie cou est comme la tour d'ivoire . Ensuite il numre ses ornements : Votre cou est comme des colliers . Et les promesses : Nous vous ferons des chanes d'or marquetes d*ar ent \ Dans le corps mystique de l'Eglise, on donne le nom de cou aux pasteurs et aux Docteurs qui s'efforcent de runir tout le corps de l'glise au chef qui est le Christ et qui, de l'intime de son esprit, font passer dans les fidles les aliments de la doctrine divine. Ce sont encore les religieux qui, unis plus troitement au Christ par les trois vux, portent le joug des prceptes et celui des conseils divins. Mais ce nom ne convient personne mieux qu' la sain te Vierge, car de mme qu'au cou on suspend les bijoux, les diamants, les colliers et les pierres prcieuses; de mme, le Christ a repos en Marie, sa Mre et son pouse, tous les dons de gices, toutes les vertus et toutes les perfections.2 3 p n1

Cantique, iv, 4.

5

vu, 4. 3 i, 9. * i, 10.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Ajoutez cela que toute la vertu do la tte servant la sensation et au mouvement du corps, la nourriture elle-mme, par laquelle nous sustentons la vie, descend, par le moyen du cou, dans les membresdu corps et toutes les fumes, vapeurs et esprits des membres, ne remontent la tte que par le moyen du cou. Do la mme manire, tous les dons de grces et les bienfaits de Dieu ne dcoulent sur nous du Christ, notre Chef, que par le moyen de la Vierge. Il n'y a rien l d'tonnant, puisque le don du Dieu suprme et le meilleur, le Christ, ne nous a t donn que par elle. Par consquent, tout ce qu'il y a de beaut dans les prceptes et les conseils divins, tout ce qu'il y a de science dans les critures saintes, tout ce qu'il y a de beaut dans les autres Saints a t transfus dans son cur et rpandu sur le reste des fidles. De l vient que saint Bernard, dans son sermon sur le Signum magnum, dit : Par le moyen de la plnitude de Marie, tous reoivent de sa plnitude, de la plnitude du Christ, le captif son rachat, le malade sa ixrison, l'attrist sa consolation, le pcheur son pardou, le juste la grce, l'Ange sa joie, et la Trinit tout entire sa gloire. II. La beaut du cou consiste dans une longueur convenable et proportionne. Voil pourquoi l'poux, se basant sur les dispositions proportionnes do ce membre pour louer son cou, le compare la tour de David : a Votre cou est comme la tour de David. Une tour est un difice long, lev, qui dpasse tout un ensemble de constructions pour le dfendre ou l'orner, pour inspecter de loin si les ennemis viennent. La tour dsigne la force de la Vierge Mere de Dieu, car le cou est la partie du corps humain qu'on frappe d'ordinaire avec le glaive. Lors donc qu'on compare le cou de la Mere de Dieu la tour de David, on montre clairement qu'elle est forte et invincible, au point qu'aucun coup des adversaires, aucun trait des ennemis ne peut la briser ou L'branler. Tous les traits dirigs contre elle seront ncessairement mousss ou briss, comme sont mousss ou briss les traits diri s contre la tour. Le mot tour indique une ide d'effroi pour les ennemis, comme le mot citadelle indique une ide d'loignement. La sainte Vierge est ter0

MRE AIMABLE

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rible ses ennemis, terrible comme une arme range en bataille *. Voil pourquoi on la compare justement une tour, La tour se btit pour munir. La Vierge Mi re de Dieu est une citadelle, une tour, une munition et une dfense de l'glise contre les hrsies que seule elle a brises, suivant ce chant de la liturgie ecclsiastique : Rjouissez-vous, Vierge Marie, seule vous avez bris toutes les hrsies dans le monde entier, La tour est une dfense trs-forte et trs-sre d'une ville : la Mre de Dieu est l'unique refuge de tous les fidles. De l vient que nous chantons souvent ; Nous nous rfugious sous votre garde, sainte Mre de Dieu; et encore : Sainte Marie, secourez les malheureux, etc. Pour les autres dtails de ce symbolisme de la tour, voyez plus bas l'invocation Tour de David*

IIL Voici la suite : Qui est btie avec des boulevards. Mille boucliers y sont suspendus, avec toutes sortes d'armes pour les plus vaillants guerriers, Voyez combien de moyens de dfense sont donns iune seule Vierge : la tour, les boulevards, les boucliers, et enfin toutes sortes d'armes de guerriers. C'est pour nous faire connatre que la Vierge Mre de Dieu est tellement fortifie, que quiconque se rfugiera vers elle demeurera sur et libre de toutes embches, coups et attaques de l'ennemi. Ou bien encore, mille boucliers y sont suspendus, c'est--dire mille genres de dfenses admirablement dsigns sous le nom de boucliers. Les boucliers, en effet, ont principalement t inventes pour protger. On peut le voir dans les glises ddies la Mre de Dieu, o sont suspendus comme une tour mille boucliers et toutes soi tes d'armes des vaillants guerriers, savoir : des e.r-voto d'or, d'argent, de cire, des mains, des pieds, des poitrines, symboles pour tous les yeux des secours invisibles donns par cette tour. IV. Votre cou est comme une tour d'ivoire. Tour cause de sa force, d'ivoire cause de la blancheur singulire de sa puret. La bienheureuse Vierge Marie donne les deux ses dvots serviteurs :A

Cantique,

Y I , 3,

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

elle les dfend contre les tentations du dmon et leur confre le don de la puret, comme je le montrais plus haut, la 1 7 7 Confrence. L'abb Ilupert entend, par le cou de la Vierge, l'humilit par laquelle elle se soumettait tous comme un cou humili. Par l'ivoire, il dit que Ton dsigne sa force. De mme, en effet, que l'ivoire nous prsente la force et la solidit; de mme, la bienheureuse Vierge Marie a offert en toutes choses une humilit qui montrait surtout sa force. De mme, en effet, que Tare, plu? il se courbe, plus il devient fort, loin de se rompre; de mme, la Mre de Dieu, plus elle s'humiliait, plus elle devenait forte. Cette force lui a servi attirer Dieu du Ciel en terre, effrayer et mettre en fuite les dmons, briser et anantir la tte du serpent infernal. Forte parce qu'elle tait humble, trs-forte parce qu'elle tait trs-humble. Voir pour plus amples dveloppements l'invocation Tour d ivoire. Voyons maintenant les :1

190 CONFRENCEORNEMENTS DU COU.SOMMAIRE.

e

1. Colliers. 2. Chanes d'or marquetes d'argent.

1. D'aprs saint Bernard, le cou de la Vierge dsigne son esprit pur et simple. En effet, de mme que le cou de la Vierge fut le canal de tous les aliments corporels, de mme l'esprit de la Vierge a fait passer on elle les beauts spirituelles, savoir : la vrit, nue, pure et simple. Orn de cet ornement, il n'en a pas besoin d'autres, mais il orne lui-mme comme un collier prcieux son intrieur, et voil pourquoi on le dcrit au moyen de ces colliers. Un bon collier, dit saint Bernard, c'est la puret; un bon collier, c'est la puret ou simplicit; un bon collier, c'est d'tre savant avec sobrit. L'esprit des hrtiques et des philosophes n'a point cet clat de la puret et de la vrit, et voil pourquoi ils ont tant de soins pour la colorer, pour la farder avec les colliers des mots cl les arguties des syllogismes, de peur que,, en apparaissant toute nue, la honte de la fausset clate tous lesyeux. i

Liv. Vt, sur les Cantiques,

MRE AIMABLE.

Ti

L'poux, voulant louer le cou de la Vierge, le compare aux colliers : Votre cou, dit:il, est comme des colliers . Les colliers sont des ornements djeunes tilles ou de matrones qu'on porte au cou pour le parer. Ce sont plusieurs pierres de grand prix lies entre elles par un fil. On y voit une pierre plus prcieuse que les autres, enchsse dans l'or et pendant du cou sur la poitrine. Le collier est aussi un ornement de la gorye suspendu au cou pour prcher la vertu, surtout la vertu de chastet- Autrefois, on confrait un collier pour rcompenser une action d'clat. Aussi le mot monile vient-il de miitnis, parce qu'on le donnaiten rcompense. C'est la remarque d'Isidore . Par consquent, le collier, beau en soi, rend le cou plus gracieux et est un tmoignage de vertu.1 8

Lors donc que l'poux loue la Vierge, il la loue non point d'avoir un cou orn de colliers, mais un cou beau comme des colliers, si agrable et si charmant qu'il est lui-mme un collier, n'a aucun besoin d'ornement extrieur pour se parer, mais est par lui-mme comme toute espce de colliers, contenant en lui-mme tout ornemeni et toute beaut. Il ne dit pas comme un collier, mais comme des colliers, au pluriel, afin que la beaut de la Vierge puisse ainsi se comparer tous les ornements et tous les colliers. Le cou de la Vierge est, en effet, un collier de vertus, un ornement de grces, un trsor de dons spirituels, une union et une connexion de pierres clestes. Quand Pharaon constitua Joseph prince ou chef de l'^ypte, il prit l'anneau de ea main et le mit la sienne ; il le revtit d'une robe de soie et passa autour de son cou un collier d'or . Ainsi Dieu, pour proclamer sa Mre Reine de l'univers, du Ciel et de la terre, l'orna de colliers d or en signe de son empire et de sa domination sur toutes les ciatnres. Le collier de la Vierge, dit Origne , c'est l'obissance. De mme, en effet, que le collier fabriqu avec de l'or flchissant est flexible, suit en tout la direction et la flexion de l'orfvre; de mme, la sainte Vierge tait obissante; elle obtemprait en tout aux volonts de Dieu, artiste supime, et remplissait entirement sa volont.3 4

Cftntiaue, i, 9. * tymologie x x . sur les Cantiques.

1

e

8

Gense, XLI et x u i .

4

n Humlie-

c

74

CONFRENCES SUR LES LITANIES 1>E LA SAINTE VIERGE.

Le collier de la Vierge, dit Rupert *, est la mdiocrit d'or dans les paroles. De mme, en effet, que les colliers protgent la poitrine des femmes pudiques, ce qui leur a donn ce nom de mouilla, indiquant une ide de protection pour la poitrine sur laquelle aucun tranger, aucun impudique ne doit meUre la main; de mmo, les paroles de la Vierge protgeaient son cou, non-seulement pour que sa voix ne ft entendre rien d'oiseux, de nuisible ou de dsordonn, mais encore de peur que le secret ou mystre divin qui lui avait t confi ne trouvt lgrement une voie ou une issue par laquelle une oreille trangre le saisirait et ne saurait le garder. De mme donc que la Mre de Dieu tait belle par son cou, de mme elle fut orne d'une modration trsconvenable dans ses paroles. Le collier de la Vierge, c'est une doctrine chaste et l'exemple des meilleures vertus. Noire saint Thomas, par le cou de l'pouse, entendait les Docteurs de l'glise. De mme, en effet, que par le cou les aliments sont fournis au corps pour le lconlbrter, que, par le canal du cou, les discours qui manifestent les secrets des curs sortent; de mme, les Docteurs non-seulement nous fournissent l'aliment de la doctrine salutaiie, mais encore nous manifestent les secrets des critures. Ce cou de l'glise est donc comme un collier, parce que les saints Docteurs l'ornent des diamants de la doctrine et des parures des vertus. A plus forte raison, un cou de ce genre convient la sainte Vierge, puisque par elle se manifestent et sont rvl s aux fidles les aliments des discours divins et les secrets de la science et del sagesse de Dieu. Et, parce qu'elle est orne de trs-chastes exemples et d'excellentes vertus, son cou est bon droit compar aux colliers. Le collier de la Vierge est le corps humain pris par le Verbe dans son sein virginal. La sainte Vierge a, en effet, acquis des colliers insignes et trs-prcieux, lorsque le Verbe de Dieu embrassa son cou par l'Incarnation, comme l'expose saint Jrme dans sa c x l v i * Lettre Damase. Le collier de la Vierge, c'est le Christ lui-mme, le plus beau des enfants des hommes, qui ornait merveilleusement sa Mre quand1

Liv. Il, sur les

Cantiques.

MRE AIMABLE.

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elle le portait petit enfant dans ses bras, quand elle l'allaitait de ses mamelles, le baisait de ses chastes lvres. Alors, en effet, suspendu son cou, elle l'ornait comme HI collier trs-prcieux. I I . Autre ornement. Nous vous ferons des chanes d'or marquetes d'argent *. Ce sont des ornements de cou pour les jeunes et petites filles; petites baguettes d'or tordues, mlanges de fils d'argent trs-subtils et trs-gracieusement varis. Le texte porte vrrmiculatas aryento, c'est--dire distinctes et runies entre elles comme ces vers de terre qu'on appelle les lombrics. Le mot murnulas est emprunt la ressemblance de ces chanettes avec le poisson marin qu'on appelle murne. C'est le commentaire de saint Thomas. Mystiquement, d'aprs le vnrable Bde* les petites chanes de l'poux sont les critures divines avec lesquelles l'me du juste s'entoure comme d'un collier, lorsque, dans tout ce qu'il dit et fait, il a toujours en vue la sainte criture. Elles sont tissues d'or et d'argent, parce que les critures sont d'or cause de la sagesse, et marquetes d'argent cause de la parole et de la prdication. Ces chanes, la bienheureuse Vierge Marie les a eues, car elle s'appliquait rigoureusement la sainte criture, sur les prescriptions de laquelle elle rglait tous ses actes, penses et paroles. Ou bien, pour en revenir la premire interprtation du cou que nous avons dit signifier l'obissance, les chanes reprsentent les rcompenses et les ornements promis l'obissance. Au cou de l'obissant sont suspendus dans le Ciel des ornements trs-glorieux et trs-beaux. Ornements d'or cause de la charit; marquets d'argent cause de la puret de conscience. 11 est bien juste, en effet, que le cou qui a port le joug du Seigneur, aprs qu'on a t le joug, soit dcor de nombreux ornements. Toutes ces choses regardent surtout la Vierge, qui a surpass par la vertu d'obissance, comme l'or et l'argent surpassent les autres mtaux. Sans parler de cet acte d'obissance par lequel elle se soumit la loi de la purification, qui ne la regardait point, et de cet autre par lequel elle se tint debout prs de la croix, offrant son Fils la volont de son Pre, je citerai celui par1

1,

10. * Liv. II, sur /es

Cantiques.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

lequel elle consentit en ces termes la salutation de l'Ange : Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. Alors, en effet, clic mrita plus que tous les Saints par tous leurs actes, selon la remarque de saint Bernard dans son xvii Sermon pour les Ftes de la sainte Vierge. C'est donc bon droit que des chanes d'or marquetes d'argent sont suspendues son cou. Je crois que c'a t la pense de saint Bernard , lorsque, par ce murmilas, il a entendu des ornements d'oreilles et non des ornements de cou, nous enseignant que ces pendants d'oreille ont t donns l'pouse lorsqu'on lui donna les ornements des oreilles, la connaissance varie des choses divines. La sainte Vierge a eu d'autant plus exclusivement ces parures, qu'elle a dpass les autres Saints en obissance et en mditation des choses divines. D'autres, par ces chanes d'or marquetes d'argent, entendent la charit orne de sagesse. D'ordinaire, c'est l'argent qu'on dore; ici, au contraire, on place l'argent sur l'or pour que vous sachiez que la charit doit passer avant la science, et que cette dernire, symbolise par l'argent, doit tre fonde sur l'or trs-pur de la charit. Les Septante traduisent points d'argent. Les lments si subtils de la science, que nous appelons des points, doivent tre fonds sur Ja charit. La bienheureuse Vierge Marie a eu de semblables chanes, car elle possdait une charit trs-ardente conjointement avec une science trs-parfaite, comme nous l'avons prouv plus haut, la 94 Confrence, et celle science tait fonde sur la charit, comme les autres vertus.0 !

D'autres entendent, par ces chanes marquetes ou pointes d argent, la foi, la charit, distinctes des bonnes uvres, en sorte que la foi et la charit soient une chane d'or, et que leurs effets sont des marqueteries ou points d'argent. Par chanes d'or, on entend l'amour de Dieu; par les marqueteries ou points d'argent, on entend l'amour du prochain. Nous avons abondamment prouv, la 07 Confrence, que la bienheureuse Vierge Marie a eu ces ornements.e1

xiv Sermon sur les Cantiques.

e

MRE AIMABLE.

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Notre saint Thomas, crivain lou par la bouche du Seigneur, entend par les chanes les louanges et les loges dont les saints prophtes, vanglistes et Aptres, dans les critures, et les Docteurs dans leurs commentaires- ont orn la Vierge. C'est bon droit qu'on les dit marquets d'argent, parce que les louanges adresses la Vierge dans les critures, par le Christ, par les vanglistes ou par les Aptres, sont des louanges d'or, des louanges suprmes, comme d'tre Mre de Dieu, Vierge et Mre, etc.; tandis que les louanges prches par les saints Docteurs sont marquetes d'argent. En effet, quoiqu'elles constituent une grande louange pour la Mre de Dieu, elles ne sauraient tre gales aux premires, puisque le titre de la maternit divine est un titre suprme et le plus lev qui puisse tre attribu la Mre de Dieu, comme nous l'avons prouv la 106 Confrence. Ajoutez que, de mme que le Christ tait un compos d'or et d'argent, de natures divine et humaine, dans une seule hypostase du Verbe; de mme, les ornements de la Vierge se composent d'or et d'argent, je veux dire de maternit et de virginit ; et, de mme que le Fils subsiste dans la nature divine et dans la nature humaine, de mme Marie est en mme temps Mre et Vierge. Les Septante traduisent : Nous vous ferons des semblants d'or avec des pointes d'argent et des sparations d'argent. Quoique Marie n'ait point de sa nature la divinit, n'tant pas desse, mais crature, les ressemblances d'or nous prsentent les ornements des grces et des vertus que Dieu lui avait confres; car ils rendent la personne de la Vierge unie de trs-prs Dieu. On dit, bon droit, CE avec des points d'argent, avec des sparations, parce que chacune des vertus de la Vierge, divines et morales, taient parfaitement jointes ensemble, mais elles se distinguaient en ce que chacune d'elles atteignait le degr le plus lev qui convient une pure crature.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

191 CONFRENCELBERA l.

Ut matcrnos amores in sponsa agnosccre se sponsus fateatur, et maternum scmper afTectum a sponsa sponso offerri omnes intellige rcnl, sponsus tantopere laudat sponsa^ ubera, qn matrum propria sunt, et in matribus laudantur. Ubera igitur sponsae variis rbus sponsus assimilt. Primo, duobus hinnulis cpres gemellis : Duo noblesse, ni ma dignit, je n'avais rien de tout cela; c'est ma seule humilit qui a rpandu son odeur. Autrefois, Dieu, offens dans Eve par la puanteur de l'orgueil, s'tait dtourn du genre humain; mais maintenant, il s'est retourn vers les hommes, rjoui par le nard de mon humilit. c r

1

Saint Augustin continue : Point de retard, le messager retourne vers Dieu, et le Chiist entre dans la couche nuptiale. Voyez cet ardent dsir! Il n'attend pas quarante jours, jusqu' ce que la matire soit dispose et que le corps soit organis; mais, en vertu de l'autorit de son suprme dorpainesur les cratures, il viole les droits de la nature; il entre dans le sein virginal de Marie, et, dans l'espace de temps le plus court qui se puisse imaginer, il prend un corps; lui donne une me, et l'unit sa personne divine. D'o vientx

Cantique,

\, 11.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

ce grand dsir, si ce n'est de l'humilit de la Vierge, qui a t si agrable Dieu qu'elle Ta attir du Ciel sur la terre et Ta fait descendre dans le sein de Marie?' Le Christ l'avoue lui-mme franchement dans le Cantique des Cantiques : Vous avez bless mon cur, ma sur, mon pouse; vous avez bless mon cur par un de vos yeux et par un cheveu de votre cou. On lit encore : a Votre cou, sans ornements, est comme orn des plus riches colliers. Que signifient un cheveu, un cou, comme orn des plus riches colliers? L'humilit. Entendons l'abb Rupert* : Qu'y a-t-il de plus mince qu'un cheveu, et quoi de plus subtil que l'humilit? Qu'y a-t-il de plus flexible qu'un cheveu, et quoi de plus souple que l'humilit? Un cheveu parat peine; l'homme humble ne consent qu'avec peine tre compt parmi les hommes. Un cou lev et par de colliers appartient une femme arrogante et dissolue, comme nous le montre Isae*. On ne dit pas du cou de la sainte Vierge qu'il est lev, mais on le peint beau comme s'il tait par des plus riches colliers; c'est que ce n'est pas l'orgueil qui le fait dresser avec fiert, mais c'est l'humilit qui le rend souple; il ne resplendit pas parles vanits et les ornements emprunts, mais il plat par l'abondance des vertus dont il est parc. Ce cou de la Vierge, c'est donc son humilit qui l'a rendue si aimable aux yeux de Dieu.1

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Cette Arche de l'ancienne alliance n'a pas t place sur un trne lev,* mais terre ; c'est pour cela qu'elle a t appele l'escabeau de Dieu : Adorez l'escabeau de vos pieds, parce qu'il est saint . Cette humilit de l'arche figure l'humilit de la Vierge. Car, tant pleine de grce, elle se prosterna jusqu' terre pour devenir l'escabeau de Dieu, lorsqu'elle dit : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon voire parole. Plus elle est descendue dans l'abme de sa profonde humilit, plus Dieu s'est complu l'aimer et l'exalter. L'humilit est l'emplacement de la grce, au point qu'on ne peut possder la grce qu'autant qu'on est humble. Ainsi, c'est donc par l'humilit que la bienheureuse Vierge Marie a t aimable aux yeux de Dieu. IL Marie a t aimable aux yeux des Anges par sa virginit.54

Chap. iv, 9. * Chap. I , 9. Liv. III, sur le Cantique des Cantiques. Chap. m, 10. Ps. X C X V I I I , 5.s

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MRE AIMABLE.

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L'amour nat de la ressemblance. Tout animal aime son semblable; de mme aussi, tout homme aime son prochain . La virginit est l'imitation de la vie pure des Anges. Car les Anges ne se marient point; ils sont tout entiers au service de Dieu; c'est ce que font aussi les Vierges. Voil pourquoi les saints Pres comparent, et mme prfrent les vierges aux Anges. Saint Anathasc parle ainsi : La virginit est la vie des Anges. Saint Jean Damascne dit : Que le clibataire imite la vie des Anges. Selon saint Bernard : La chastet fait un Ange de l'homme. L'homme pur diffre de l'Ange par la flicit, mais non par la vertu. La chastet de l'Ange est plus heureuse; celle de l'homme est plus estimable. Saint Ambroise, dans son livre sur la Virginit, nous assure que c'est la chastet qui fait les Anges. Celui qui la garde est un Ange; celui qui la perd est tin dmon. Saint Grgoire de Nazianze appelle la virginit la rivale de la gloire des Anges. Saint Augustin, dans son livre sur la Virginit, la nomme la portion des Anges. Saint Cyprien fait entendre ces paroles : En persvrant chastes, vous tes des vierges gales aux Anges. coutons encore saint Cyrille de Jrusalem : N'ignorons pas, dit-il, la gloire de la chastet, elle est la couronne des Anges; cette perfection lve l'homme au-dessus de lui-mme. Si la virginit est si semblable aux Anges, il n'est donc pastonnant que la Mre de Dieu ait t aimable aux yeux des Anges cause de sa virginit.1 2 3 4 5 6

De plus, l'amour se fonde sur la ressemblance de Dieu. Ainsi, nous sommes tenus d'aimer notre prochain, qu'il soit ami ou ennemi, parent ou tranger, fidle ou infidle, homme ou Ange, par cela mme qu'il nous est uni par la ressemblance de Dieu, vu qu'il a t cr l'image de Dieu. Les vierges sont l'image vivante de Dieu. On lit au Livre de la Sttgesse : La parfaite puret approche l'homme de Dieu. Les vierges retracent et reproduisent l'image de la trs-sain le Trinit. Comme le dit saint Grgoire de Nazianze, dans son Livre sur la Virginit, la trs-sainte Trinit est la premire Vierge. En effet, le Pre7

* Ecclsiastique, xm, 19. 2 Livre sur la Virginit. Liv. IV, de la Fui, chap. 11. * Lettre uni.