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Asbl Trempoline- 3 Grand Rue à 6200 Châtelet – www.trempoline.be – contact : +32 71 40 27 27 [email protected] N° entreprise : 0431.346.924 N° Convention INAMI : 7.73.012.78
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Dans ce numéro…….
« Consommation de drogues chez les jeunes : réflexions
académiques, juridiques et médicales. »
2
L'asbl Trempoline est une communauté thérapeutique qui accueille les personnes confrontées à des problèmes liés à des consommations de drogues légales ou illégales. La vocation de Trempoline est d’accompagner des personnes ayant des comportements de dépendance aux drogues dans un processus d’apprentissage basé sur l’expérimentation et l’entraide afin qu’elles puissent devenir autonomes et s’insérer en société.
ADRESSE
Premier contact et Admissions: du lundi au vendredi de 9h00 à 12h00 ou sur rendez vous 25, Rue Grégoire Soupart - B6200 Châtelet Tel : +32 (0) 71 40 27 27 Fax : +32 (0) 71 38 25 92 [email protected]
Siège administratif: du lundi au vendredi de 8h30 à 17h00 3, Grand Rue - B6200 Châtelet Tel : +32 (0) 71 40 27 27 Fax : +32 (0) 71 38 78 86 [email protected]
AGENDA DES VISITES INSTITUTIONNELLES
25/01/2013
22/02/2013
29/03/2013
26/04/2013
31/05/2013
28/06/2013
20/09/2013
25/10/2013
29/11/2013
Pour tout renseignement et/ou inscription, veuillez vous adresser
par téléphone au 071/40 27 27
ou par courriel à [email protected]
ou via le site: www.trempoline.be
Votre avis nous intéresse……
Si vous avez des commentaires, des questions, des témoignages sur des articles parus dans ce numéro (ou sur un ancien numéro), n’hésitez pas à nous envoyer vos écrits à « Equipe Trempoline Info » : « [email protected] ou au 3 grand rue à 6200 Châtelet ou via le site internet www.trempoline.be onglet « contact »
Edito : Par Christophe Thoreau, Directeur Général à Trempoline
Peu importe les contextes socioculturels, l'adolescence est une période privilégiée d'expérimentations favorables à l'adoption de comportements à risque et la consommation de drogues appartient à ce type de comportements dont les adolescents sont particulièrement friands. La recherche du plaisir, l’influence des pairs, la curiosité, l’ennui, la gestion du stress, la rébellion sont autant de motivations pour le jeune à se tourner vers la consommation de drogues. Quoiqu’il en soit, cette consommation déclenche généralement chez les adultes (parents, enseignants,…) une inquiétude mêlée d’incompréhension face au pourquoi de la consommation et au « comment réagir »… Sans tomber dans la diabolisation ou la banalisation, nous vous invitons à appréhender cette réalité à travers un éclairage pluridisciplinaire (médical, académique et juridique) : Le Docteur Guillaume nous fait part de son observation quant à la précocité des
premières consommations et des risques de dépendance qui en découlent. Il insiste néanmoins sur l’importance des structures généralistes pour gérer les situations d’abus de consommations mais également sur le manque de structure adaptée pour les jeunes dépendants de 16-17 ans.
L’article d’Antoine Masson, chargé de cours à l’UCL, nous apporte un éclairage sur les symptômes de la consommation de drogues chez les jeunes et insiste sur l’insuffisance des dispositifs basés sur la répression ou sur la gestion purement sanitaire. Il propose aux adultes entourant le jeune une autre voie à savoir celle de « Faire face ».
Monsieur Hallet nous livre son expérience en tant que Juge de la Jeunesse à Charleroi. Il nous montre à quel point l’usage important de drogues désocialise ; il insiste sur le décalage de la Justice avec la réalité sociale à propos de « l’interdit » plus précisément concernant le cannabis. Il encourage entre autres la création de protocoles de collaboration entre les institutions prenant en charge les jeunes ayant une consommation problématique de drogues et l’importance de la diffusion d’un message clair sur ce qui est interdit et ce qui ne l’est pas…
Pour compléter cet éclairage, nous vous livrons un florilège d’initiatives développées à l’étranger par les communautés thérapeutiques en faveur de ces jeunes consommateurs.
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Et Trempoline, que propose-t-il face à cette réalité me direz-vous??? Je vous répondrai que face à l’absence d’offre adaptée aux adolescents et aux jeunes adultes présentant une consommation problématique de drogues et sur base des bonnes pratiques ramenées de l’étranger par mes collègues, nous allons ouvrir au mois de mai 2013 un programme ambulatoire en faveur de ces jeunes ; il sera basé sur la méthode de la communauté thérapeutique. Concrètement, nous ouvrirons dans notre service « 1er Contact » à Châtelineau, des plages horaires en semaine pour accueillir ces jeunes et leur apprendre à gérer leurs temps libres, à développer un tissu de relations sain, à améliorer leurs relations familiales, à (pour)suivre leur cursus scolaire ou professionnel, à prendre leurs responsabilités. Je ne manquerai pas de vous tenir informé de l’évolution de ce projet qui nous enthousiasme !!! Je vous laisse à la lecture de ce deuxième « Trempoline-Info » en remerciant chaleureusement toutes les personnes qui s’y sont investies. N’oubliez pas que vos commentaires, avis, critiques nous intéressent. N’hésitez pas à nous en faire part via l’adresse [email protected] Au nom des résidents et de mes collègues, je vous souhaite une excellente année 2013 ! Christophe Thoreau
Entretien avec Rudy Guillaume, Médecin Psychiatre de l’asbl Trempoline, responsable de l’unité pédopsychiatrique de l’Hôpital Vincent Van Gogh.
Cher Rudy, en tant que médecin psychiatre, qu’est ce que tu
observes au niveau de l’évolution de la consommation des drogues chez les
adolescents et les adultes, les jeunes adultes ? Ce que l’on peut constater avant de parler de produits eux-mêmes, c’est une précocité des
consommations. Le début des consommations, que ce soit alcool ou drogue, a tendance à
commencer beaucoup plus tôt, vers l’âge de 12-13 ans, alors qu’auparavant c’était des
conduites qui apparaissaient entre 14 et 16 ans. Les produits avec lesquels les jeunes sont le
plus en contact sont l’alcool et le cannabis.
L’autre constat que l’on peut faire est la différence dans la manière d’utiliser le produit, par
exemple, l’alcool : il ne s’agit plus seulement de boire un verre entre copains mais aussi pour
certains d’aller vraiment jusqu’à la limite, dans des consommations massives, ce qu’on
appelle le phénomène du « binge drinking ».
En résumé, on observe deux tendances : des consommations
plus précoces et dans des quantités plus importantes, où l’effet
recherché n’est plus spécialement un plaisir partagé mais
d’être dans des moments de déconnexion.
Si il y a une évolution dans la consommation de
drogues de ce groupe-là, quelle en sont les raisons, selon
toi ?
Les raisons, je dirais qu’elles sont vraiment multiples :
Tout d’abord la sollicitation des pré-adolescents via la publicité. Beaucoup de festivals de
musique ou autres manifestations sont sponsorisés par des grandes marques de bière ou
d’alcool de type vodka. Lors de toute manifestation, l’alcool est le produit légal auquel ils ont
accès, la publicité valide et encourage la consommation chez les plus jeunes. C’est une cible
de choix, le pré-adolescent revendique de façon générale un accès aux sorties, à l’internet, etc.
beaucoup plus tôt qu’avant. Il existe maintenant des boîtes pour ado. Tout un secteur les a
choisis pour cible.
Une autre raison est sans doute au niveau de la structure familiale qui est en complète
évolution. De plus en plus, le jeune évolue non plus dans une famille classique mais dans deux
voire trois familles où les règles et les repères sont différents. Ils ont donc plus facile dans des
systèmes comme cela à passer « entre les mailles du filet » et/ou à chercher les failles du
système, comme tout bon adolescent.
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En termes de produits, je dirais qu’il y a vraiment certaines différences dans les consommations
actuelles. Peut- être que chez les ados, et même les jeunes adultes d’aujourd’hui, l’héroïne a
moins la cote qu’elle ne l’a eu en son temps. Indépendamment du cannabis et de l’alcool, il y a
le recours aux psychostimulants lors des sorties : amphétamines, ecstasy, et aussi la
cocaïne qui reste beaucoup trop accessible.
Une troisième question : Quels sont les risques pour ce groupe ?
Le risque est qu’à mon avis, on est en train de fabriquer
sans doute plus de dépendants qu’avant ; ce n’est pas
parce qu’un jeune, un adolescent, a contact avec le
cannabis ou l’alcool qu’il va devenir dépendant à ces
substances. Mais avec la précocité des consommations,
par contre, on a plus de risques. Toutes les études le
montrent: plus un contact avec le produit est précoce, plus
le risque de dépendance est grand.
Pourquoi ? Parce que ça arrive chez un jeune qui n’est
pas encore mature, qui n’est même pas, comme avant,
en train de tester la limite, de transgresser par rapport aux
interdits des adultes. Il n’en n’est même pas là, il est une
étape avant, et le produit vient tout d’un coup dans son
monde. Il n’est même pas encore engagé dans
l’adolescence que, il consomme déjà. Comme il n’est
même pas dans une conduite transgressive, ça devient
une conduite habituelle, banalisée, qui fait partie de son
quotidien, avec laquelle son psychisme va se construire. A
chaque fois qu’il va être angoissé, stressé, il va recourir à
cette consommation. Du coup, l’habitude risque de se
figer et de perdurer beaucoup plus longtemps et de
conduire à une dépendance avérée.
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« …La difficulté est que souvent
ce sont les parents qui sont
demandeurs, il est très rare qu’un
jeune fasse la démarche par lui-
même … »
« … Le problème est plus important
quand le jeune a déjà développé son
contact avec le produit de façon plus
intensive, depuis plus longtemps… »
Ici, en Belgique, quels sont les types d’offre, d’aide et de soins existant dans
les réseaux médico-psycho-sociaux ?
Je pense qu’il serait sans doute faux de dire
qu’il n’y a pas d’aide possible : pas mal de
consultants en pédopsychiatrie ou de
centres de santé mentale qui s’occupent de
jeunes répondent à certaines demandes et à
certains questionnements. La difficulté est
que souvent ce sont les parents qui sont
demandeurs, il est très rare qu’un jeune
fasse la démarche par lui-même et,
fatalement, le contact vers les soins va dépendre de la structure de la famille qui est autour.
Du coup, certains jeunes arrivent vraiment très tard vers les soins et donc avec
potentiellement des problèmes de dépendance déjà avérés pour lesquels les services existant
pour adolescents ont du mal à répondre.
Il y a la culture en Belgique francophone de se dire : on doit d’abord voir le problème de façon
généraliste et ne pas stigmatiser sur l’abus de drogues, considérer qu’il s’agit d’un ado en
difficulté, qui exprime son mal-être comme ça…. C’est sans doute une bonne chose…pour la
plupart des situations, je dirais pour 80 à 90% des situations. En définitive, je pense que les
médecins généralistes, les centres de santé mentale classiques, les plannings familiaux, ou
aussi des structures plus spécifiques comme infor-drogues, comme Carolo Contact-drogues
(pour être local), peuvent accueillir et gérer la plupart des situations.
Le problème est plus important quand le jeune a déjà développé son contact avec le produit de
façon plus intensive, depuis plus longtemps, qu’il a 16-17 ans et qu’il est déjà bien dépendant.
Cela peut être au cannabis ou à l’alcool et parfois aussi d’un produit comme la cocaïne…plus
rarement à l’héroïne…On est en panne pour ces adolescents qui ont une dépendance
avérée, parce que un service de pédopsychiatrie, par exemple, va pouvoir prendre le jeune en
charge pendant 3 semaines, un mois puis
il retourne dans son milieu de vie habituel
et c’est un petit peu un coup dans l’eau la
plupart du temps…Il va de plus y avoir la
difficulté pour le jeune de venir vers le
service de psychiatrie …En tout cas,
c’est ce que les structures d’aide aux
jeunes, les éducateurs de rue ou les
AMO qui sont en contact avec ces jeunes
peuvent dire, ou même les institutions d’aide à la jeunesse qui sont confrontées avec des
jeunes qui consomment de façon régulière et qui deviennent dépendants. Tous ces
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« … la proportion des jeunes qui ne
trouvent pas de structure adaptée à
leur situation va s’accroitre dans les
prochaines années.… »
intervenants disent que c’est très difficile de mener ces adolescents consommateurs avérés
vers des services de psychiatrie parce qu’ils ne se considèrent pas comme malade mental (la
peur de la psychiatrie reste encore présente…). Ils auraient plus facile de faire la démarche
vers une structure spécifique à un problème d’assuétudes mais ces structures ne sont
accessibles qu’à partir de 18 ans.
Compte tenu de la tendance à la précocité des consommations, on peut imaginer que la
proportion des jeunes qui ne trouvent pas de structure adaptée à leur situation va s’accroitre
dans les prochaines années. Certains intervenants de la région en sont conscients et mènent
une réflexion visant la mise en place de nouveaux projets comme, par exemple, une prise en
charge de jour pour renforcer l’ambulatoire existant.
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L’avis d’Antoine Masson, Médecin Psychiatre, Chargé de cours à l’Université Catholique de Louvain, Docteur en Sciences Médicales, orientation Psychiatrie de l'adolescence.
Pourquoi le recours aux drogues lors de l’adolescence ? Actes du Colloque - Prévention
des assuétudes en milieu scolaire - CLPS Luxembourg - 2009
Nous débuterons par quelques remarques sur le lieu d’énonciation de notre propos.
Que peuvent apporter les spécialistes « psy » concernant la problématique de la consommation
de drogue ?
Certainement pas une réponse univoque et définitive. Toute assertion du type « il n’y a qu’à… »
ne prendrait pas la mesure du problème, toute prise de position complice de la banalisation
serait irresponsable. Le rôle du clinicien, en se dégageant des deux écueils, consiste plutôt à
en déployer quelques arcanes, à faire apparaître quelques complexités, à mettre au jour
quelques-unes des strates cachées. Il s’agit essentiellement d’introduire un décalage par
rapport au ravalement au produit, décalage qui ouvre la possibilité d’un sujet, décalage
qu’appelle implicitement le consommateur pour sortir de son aliénation.
D’autre part, parler de la catégorie des « adolescents » expose toujours au péril de la
généralisation alors que l’adolescence est par elle-même la singularité à l’état le plus vif. Et
même si les adolescents se réfugient dans la similarité des apparences, ce n’est que pour fuir
cette singularité et en même temps tenter de l’apprivoiser. En réalité les chemins qui
conduisent à tel ou tel style ou comportement commun s’avèrent bien souvent divers et
singuliers ; par ailleurs, des conduites semblables peuvent avoir des devenir très
dissemblables, conduire à des destins très différents. Ce n’est donc qu’à partir de la singularité
rencontrée que le clinicien peut proposer des éléments de compréhension véritable.
Enfin, il est essentiel, lorsqu’il s’agit d’aborder les manifestations de l’adolescence, de maintenir
assez strictement une distinction entre différents registres tels que d’une part, la vérité que
cherche ou dévoile l’adolescent parfois à son insu, d’autre part, les alibis et justificatifs qu’il se
donne, et encore ce qui se configure de manière contingente selon les bonnes ou mauvaises
rencontres. Il peut y avoir une grande différence entre ce qu’un jeune cherche (expérimenter
des sensations, vivre « autre chose » pour se différencier, ou bien faire « comme tout le
monde » pour se sentir reconnu) et ce qu’il trouve (une dépendance, une exploitation, une perte
du sens, des discours qui l’égarent, une étrangeté ou un évitement de ses émotions). Le défi du
thérapeute consistera alors à tenter d’entendre, par-delà le mouvement de ce qui a conduit à un
problème, voire à une catastrophe, la quête initiale qui en valait la peine, et qu’il est possible de
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« …aujourd’hui, la
consommation d’héroïne
constitue bien souvent une
défense contre un trouble
psychotique, sorte d’auto-
traitement… »
réactiver au-delà de l’enlisement effectif afin de lui (re)donner un destin. La stratification de ces
différents niveaux que recouvre une même conduite introduit à une approche symptomatique,
ce qui signifie que d’une part, un symptôme n’est pas seulement un problème mais aussi une
quête en impasse, et que d’autre part, une même conduite peut être le symptôme de réalités
psychiques bien différentes. De plus la conduite peut être un symptôme rentrant dans un cadre
beaucoup plus large (troubles de l’identité, troubles du comportement ou transgressions). Il
n’est pas non plus indifférent de savoir pour qui la réalité fait symptôme : pour le jeune, pour le
parent, ou pour l’école ? Voilà toute la question : symptôme de quoi ? Symptôme visant à
exprimer quoi ? Symptôme de qui ? Symptôme pour qui ?
Spécificité de l’assuétude lors de l’adolescence
Afin d’en préciser les dimensions, les
problématiques de toxicomanie et plus
largement d’assuétude sont généralement
caractérisées dans le cadre d’un triangle
formé par la personnalité, les effets
spécifiques du produit, et la place accordée
à ce produit dans la société (usage valorisé
ou non, légal ou non).
Ainsi, selon Claude Olievenstein, le
toxicomane à l’héroïne se construit à la
croisée de trois dimensions : d’abord, une
expérience inscrite dans la personnalité du
futur toxicomane selon laquelle l’unité de
soi-même a été perdue aussitôt que trouvée
(stade du miroir brisé) ; ensuite, la rencontre
d’un produit qui, par ses effets, accorde une
retrouvaille éphémère de cette unité, même
si elle est aussitôt (re)perdue, renvoyant à la
quête d’une nouvelle retrouvaille ; enfin, un
rapport du sujet à la loi qui fait qu’il peut
s’autoriser à passer outre les interdits afin
de se procurer et consommer un produit
illégal.1 Cependant, le monde et les usages
évoluant, les enjeux de la consommation de 1 Voir en outre Olievenstein Cl., Il n'y a pas de drogués heureux, le livre de poche, 1977.
l’héroïne peuvent changer : aujourd’hui, la
consommation d’héroïne constitue bien
souvent une défense contre un trouble
psychotique, sorte d’auto-traitement dont il
est important de tenir compte même si cette
défense se révèle inefficace, voire
désastreuse.
Serait-il possible de saisir dans le cadre
d’un tel triangle la consommation à grande
échelle de cannabis par les jeunes ? Le
faire exigera d’en adapter les pôles et de les
reformuler en tenant compte de la spécificité
de la traversée adolescente (plutôt que de
la personnalité), des effets du produit qui
constituent l’attrait et le piège, et de la
dimension qui pourrait faire autorité dans le
social.
Spécificité de la traversée adolescente plutôt que personnalité
Pour qu’un jeune consomme du cannabis, de l’Ecstasy, du gaz hilarant ou autres produits, il
n’est nul besoin qu’il présente une structure particulière de personnalité : souvent, cette
consommation semble s’inscrire dans le cadre de la crise émotionnelle inhérente à toute
adolescence. Elle émaille une quête de ce qui pourrait à la fois permettre d’exacerber les
sensations et d’en banaliser les effets, avec le désarroi face aux ressentis pourtant recherchés
et fascinants, et de là, la tentative d’endormir ce qui a été éveillé. L’hypothèse est que les effets
de ces produits se déploient dans une connivence non pas tant avec telle personnalité
individuelle typique, mais plutôt avec la traversée des remous émotionnels, dont nous savons
que l’adolescence est un moment paradigmatique.
L’adolescence consiste tout à la fois à s’imprégner du monde dans lequel le jeune vit, à
explorer le passé enfoui, à mettre au défi les valeurs ambiantes, à expérimenter l’excès en tout
genre afin de tenter de se (re)trouver, à mettre au défi la loi et à questionner ce qui fait la
justice, à s’aventurer dans les chemins hasardeux afin de (se) choisir sa voie, à sortir de
l’obéissance infantile afin d’éprouver ce qui peut faire autorité pour soi. Une telle opération de
passage fait de l’adolescence une plaque sensible, un moment de vulnérabilité et de risque
d’enlisement dans les contradictions du monde dans lequel vit le jeune. Plongé dans un
moment singulier détaché du cours habituel de la vie, l’adolescent se trouve traversé par des
forces multiples avec la tâche de les mettre en forme : il remue ainsi le monde et son histoire,
se transformant malgré lui en une question vivante pour chacun, autant de point de révélation
des failles et fragilités qui nous concernent tous. Cette dynamique rend compte de la crise que
constitue l’adolescence pour l’adolescent mais aussi pour son entourage et pour le social : la
crise d’adolescence est aussi une épreuve pour le monde.
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« …L’adolescence consiste tout
à la fois à s’imprégner du
monde dans lequel le jeune vit,
à explorer le passé enfoui, à
mettre au défi les valeurs
ambiantes, à expérimenter
l’excès en tout genre,…, afin
d’éprouver ce qui peut faire
autorité pour soi… »
« … si les adolescents
mettent bel et bien à
l’épreuve ce qui les
entoure, et par là
constituent une certaine
menace, il ne s’agit pas de
leur prêter une intention
destructrice … »
Depuis toujours, les adolescents se sont saisis de
ce qui circule dans le monde au sein duquel ils
tentent de s’inscrire. Pourquoi n’auraient-ils pas
tendance aujourd’hui à s’emparer des drogues,
marchandises ou techniques, mises en
circulation ? De plus, si le propre de l’adolescent
est de s’imprégner des discours circulants et
objets culturels, il le fera avec la maladresse et
l’excès qui caractérisent la juvénilité. L’adolescent
se montrera ainsi, bien souvent malgré lui,
comme la caricature du social, la dénonciation
par le développement jusqu’à l’absurde de ce qui
anime la société et que la société redoute, ne veut pas voir ou répugne à admettre.
Attention, si les adolescents mettent bel et bien à l’épreuve ce qui les entoure, et par là
constituent une certaine menace, il ne s’agit pas de leur prêter une intention destructrice : ils ne
cherchent pas tant à démolir qu’à faire l’épreuve de ce qui résistera à leur remise en cause,
attestant par là de ce qui tient quand tout a été ébranlé. Il ne s’agit pas tant d’une volonté de
détruire que de l’engagement dans le chemin nécessaire de l’ébranlement pour saisir les
réalités sous-jacentes et y trouver-inventer sa vérité singulière.
Au niveau du premier pôle du triangle de toute assuétude nous situerons la consommation de
drogues à l’adolescence non pas tant vis-à-vis d’une personnalité particulière mais plutôt sur la
toile de fond de ce moment particulier de l’existence qu’est l’adolescence.
Afin de reconstituer l’ensemble du triangle de
l’assuétude, poursuivons avec quelques réflexions sur
les effets du produit lui-même, en tant que déterminant
pour une part son élection par les adolescents. Nous
préciserons ensuite les valeurs circulantes qui se
trouvent exacerbées et ébranlées par les adolescents
lorsque, dans leur traversée, ils interrogent et
démontent le social (plus ou moins à leur insu) pour se
retrouver eux-mêmes, créer leur propre voie, au risque
parfois de s’enliser dans les contradictions de leur
époque.
13
Drogues agissant sur la tourmente émotionnelle et sa pénibilité
Notre hypothèse est que l’adolescence
étant un bouillonnement émotionnel, objet
de fascination et source de malaise, les
drogues élues le seront pour leur capacité
soit d’exacerber les sensations soit d’en
atténuer la pénibilité. Afin d’exemplifier
l’importance des caractéristiques du produit
nous nous attacherons à l’exemple du
cannabis.
Du côté de son effet, le cannabis est un
produit ayant en outre pour effet de procurer
un plaisir en même temps que l’amnésie de
la pénibilité de la vie.
Quant à son ambiguïté de statut légal, cela
en fait un produit de prédilection pour la
mise au défi de la loi et de la règle par
l’adolescent.
Quant à son image, le cannabis est devenu
le symbole d’une société de consommation
où tout malaise devrait trouver son
apaisement dans un produit. Sa
consommation par l’adolescent représente
alors une forme de mise en question, dans
la mesure où l’adolescence pose souvent sa
question à son insu en poussant jusqu’aux
limites absurdes les conséquences de ce
qui lui a été transmis et des valeurs qui
l’environnent. C’est en consommant qu’il lui
arrive de tenter de soigner sa souffrance
d’être un corps réduit à l’état de produit, un
corps sans idée.
Le produit s’inscrit à la limite de la drogue et
du traitement. En Hollande, des pharmacies
spécifiques pour la vente des dérivés
thérapeutiques du cannabis se sont
installées, les principales indications
médicales étant certaines migraines et
nausées, les effets secondaires de la
chimiothérapie et les appréhensions post-
traumatiques.
Le nom du produit se trouve également
récupéré dans des logiques publicitaires.
Ainsi, tel distributeur de boisson vante la
présence de chanvre indien, alors même
que le breuvage ne contient aucun produit
actif. Il s’agit en quelque sorte de l’utilisation
de l’effet placebo du nom d’un produit afin
de stimuler le marché. De quoi embrouiller
les repères sur la nature des effets
imaginaires ou réels.
.
« …Le nom du produit se trouve également
récupéré dans des logiques
publicitaires… ».
Quant aux études neuroscientifiques sur les
effets du cannabis, elles ouvrent également
une piste intéressante. Les effets
spécifiques sur la mémoire des émotions
consisteraient en une atténuation des
souvenirs de pénibilité émotionnelle des
expériences et donc une atténuation du
souvenir de l’effet traumatique. L’élucidation
de ce mécanisme d’action permet alors de
poser autrement la question de la rencontre
entre adolescence et consommation
privilégiée de cannabis : « Pourquoi un tel
nombre d’adolescents trouvent-ils avantage
à inonder leur cerveau émotionnel d’une
quantité massive de cannabis ? » Tout se
passe comme si les douleurs et les
embarras suscités dans le cerveau des
émotions en plein chamboulement
apparaissaient comme intraitables
autrement qu’en cherchant à en annuler les
effets, le cannabis permettant en outre de
désapprendre, c’est-à-dire d’oublier les
ressentis et les prises de consciences
pénibles
Un tel usage en vue d’un tel effet, jugé
bénéfique dans le cas du stress post-
traumatique ou des douleurs chroniques
dans le cadre de maladies cancéreuses,
devient problématique lorsqu’il s’agit de
gommer les avatars de l’expérience
émotionnelle durant l’adolescence. Ce ne
peut être en effet qu’en vivant et
expérimentant ses émotions que
l’adolescent pourra parvenir à se
construire ; tandis qu’en gommant ou
déréglant cette expérience, la
consommation de cannabis tend à conduire
à l’impasse de la transition adolescente. La
gravité d’une telle consommation, du point
de vue de l’intervenant en santé mentale,
réside essentiellement dans le fait qu’il
s’agit là d’une gestion désastreuse du
cerveau émotionnel. Enrayant le contact
vivant avec les éprouvés, une telle stratégie
de pseudo-contrôle peut conduire chez les
plus fragiles à de graves décompensations
psychiatriques. Une telle catastrophe de
l’écologie psychique dans l’équilibre des
émotions pourrait rendre compte, pour une
part du moins, des liens reconnus par la
littérature scientifique entre la
consommation de cannabis (et autres
drogues telles qu’Ecstasy, etc…) et le
déclenchement d’épisodes psychotiques.
L’évitement de l’expérience émotionnelle
conduirait à un état de vulnérabilité, à
l’inverse de la possibilité de vivre dans la
relation une expérience émotionnelle qui
constitue, comme l’a montré le
psychanalyste Pierre Mâle, la condition de
la maturation psychique et même le chemin
thérapeutique à instaurer pour que les
crises d’adolescence sévères et périlleuses
se transforment en crises simples et
constructives.
La consommation d’un produit psychotrope en vue de résoudre
une difficulté existentielle n’est ni un cas isolé, ni l’apanage des
seuls adolescents, loin s’en faut. L’adolescent est un révélateur,
par ses excès, de stratégies ambiantes beaucoup plus globales.
Un certain usage des antidépresseurs chez l’adulte et des
médicaments contre l’hyperactivité de l’enfant pourrait en effet
être envisagé selon une même logique rapportée à l’âge respectif.
Tout comme le cannabis constitue un (anti-)traitement des
remous émotionnels, empêchant l’expérience et exposant au
risque que celle-ci s’impose en retour de manière insensée, la
prescription d’antidépresseur, comme traitement des épreuves
existentielles de perte, peut empêcher le deuil et contribuer par
ce biais à l’installation d’une dépression chronique, entravant par
ailleurs la plainte, alors que celle-ci constitue un levier d’appel à
l’autre afin de parer au désespoir et au suicide. Cette critique vise
l’usage spécifique des antidépresseurs pour colmater les crises
existentielles et les deuils, sans remettre en cause leur
prescription légitime dans les troubles de l’humeur caractérisés.
16
« …La consommation de
drogue gagnerait à être
envisagée comme un
questionnement déguisé
sous les formes de
l’affirmation en acte, par défi
et/ou par dépit selon les
circonstances… ».
Ambiguïté des valeurs sociales
Nous serons plus bref sur le troisième pôle du triangle,
celui des valeurs ambiantes.
En s’inscrivant dans une logique de consommation, les
adolescents actualisent dans leurs contradictions les
impératifs de la consommation et l’illusion entretenue
qu’elle puisse procurer une valeur à l’existence.
L’actualisation par une forme de défi implicite est en
même temps une contestation aveugle en acte, un
dévoilement des apories et impasses.
Par son statut légal ambigu, le cannabis et l’ecstasy cristallisent également les ambiguïtés de la
société vis-à-vis de la loi, du permis et de l’interdit, oscillant entre, d’une part la revendication
d’une liberté de vivre ce que bon nous semble pour peu qu’il y ait plaisir, et d’autre part, la
revendication toujours plus grande de règles venant garantir une utopique sécurité absolue. Un
tel rapport clivé à la liberté — liberté maximale et réglementation à outrance — esquive à la fois
la responsabilité des actes et les nécessaires risques de toute vie engagée. Les adolescents,
ici comme ailleurs, actualisent en acte nos contradictions, et c’est probablement en cela que ce
qui leur arrive nous touche à ce point, jusqu’à l’exaspération voire l’insupportable.
La consommation de drogue gagnerait à être envisagée comme un questionnement déguisé
sous les formes de l’affirmation en acte, par défi et/ou par dépit selon les circonstances.
L’interrogation porterait sur la société, les valeurs prônées parfois de manière inconséquente,
ainsi que les dispositifs de règles, dont la pléthore n’arrive plus à inscrire ce qui peut faire loi
pour chacun jusque dans la prise de risques d’ébranler les apparences. Cette provocation
vivante de la jeunesse renvoie chacun, les adultes et les autorités compris, à ses propres
angoisses face à une société de consommation dans laquelle il est devenu très difficile de
soutenir sa singularité comme de trouver un crédit d’autorité afin de construire la justice.
Si nous sommes interpellés par l’adolescent qui va mal, autre chose est en jeu que l’inquiétude
compréhensible face à la mise en péril de son avenir à lui. Si le comportement de l’adolescent
constitue une puissante source de malaise pour chacun, n’est-ce pas aussi parce qu’il
présentifie une menace plus globale, touchant aux valeurs qui nous tiennent ensemble ? Tout
se passe alors comme si l’adolescent incarnait nos propres peurs, actualisait nos périls, mettait
le doigt sur la fragilité de ce qui lui a été transmis et sur les valeurs que nous lui proposons. La
consommation de drogues pourrait ainsi être envisagée comme une manière, le plus souvent
aveugle et au corps défendant de l’adolescent lui-même, de pointer l’impasse d’une société
basée sur la consommation, et cela en poussant la logique de celle-ci jusqu’à l’inconséquence.
La maladresse dans la formulation de la question, l’utopie de ce que propose la jeunesse, ne
devraient pas nous permettre d’y trouver un alibi pour prôner qu’aucun autre monde n’est
possible et qu’il faille composer avec le désenchantement.
17
« …le symptôme n’est pas
seulement le signe d’une maladie
ou d’un problème à résoudre, il est
aussi et surtout la manifestation de
quelque chose en souffrance… »
Consommation comme “symptôme”, voire “sinthome” : quelles
implications ?
La reconstitution d’un tel triangle de la
consommation nous conduit à penser la
consommation de drogues à l’adolescence
comme un symptôme, voire un sinthome
du social.
Une lecture symptomatique de la
consommation
Pour la psychanalyse, le symptôme n’est
pas seulement le signe d’une maladie ou
d’un problème à résoudre, il est aussi et
surtout la manifestation de quelque chose
en souffrance dont quelqu’un s’en trouve
saisi et le porte, quelque chose qui insiste
à travers le corps, les actes ou les paroles de ce quelqu’un. Derrière le symptôme, pour peu
qu’il soit entendu, se reconnaît ainsi un sujet qui tente de faire entendre sa vérité singulière,
même si celle-ci reste en impasse dans le symptôme. Ce qui sous-tend le symptôme consiste,
d’une certaine manière, en une question qui cherche sa solution tout en s’enlisant.
Selon l’équivoque de l’expression en souffrance, le symptôme est à la fois un point douloureux,
une quête qui n’arrive pas à destination, à l’instar d’une missive adressée qui tarderait à
parvenir à son destinataire, ou d’une lettre qui quasi-désespère de rencontrer le lecteur vers
lequel elle continue pourtant de tendre dans l’espoir d’en capter l’attention providentielle.
Envisager la consommation de drogues comme un symptôme, revient à tenter de reconnaître,
sous la massivité aveuglante des évidences, le double mouvement d’un quelque chose qui se
recherche et se trouve en impasse : il s’agit de s’interroger la nature de ce quelque chose ainsi
que du quelqu’un qui le porte ou en est traversé. Mais il est essentiel de ne pas conclure trop
rapidement sur ce que révèle le symptôme : celui à travers qui il apparaît en plein jour ne se
superpose pas toujours à l’être en souffrance : les symptômes d’une société en souffrance
dans ses dispositifs symboliques peuvent venir se cristalliser et se déposer au point le plus
sensible, les porteurs du symptôme n’en
possédant dès lors pas toutes les clés et ne
pouvant dès lors entièrement en répondre.
D’où il est essentiel d’en appeler aux
responsabilités et à la convocation qui lui
est faite d’en répondre, chacun de sa place.
Une remarque s’impose concernant la
distribution de la responsabilité.
18
« … cette responsabilisation du
jeune ne peut en aucun servir d’alibi
à la déresponsabilisation des
adultes et de la société … »
« … L’ampleur de la consommation
de drogues par la jeunesse serait-
elle le reflet d’une société
sérieusement malade … »
L’adolescent doit être considéré comme responsable de la consommation ; c’est cette
supposition qui le fera advenir comme acteur de son agir. Mais cette responsabilisation du
jeune ne peut en aucun servir d’alibi à la déresponsabilisation des adultes et de la société ;
ceux-ci ont au contraire à répondre de l’interpellation constitutive du symptôme. Chacun est
entièrement responsable, de sa place et avec ses moyens.
Se laisser enseigner par un symptôme
implique de s’interroger : de qui est-ce le
symptôme ? de quelle quête en impasse
est-il le signe ? Concernant la
consommation de cannabis, il s’agira
d’envisager le jeune qui se cherche lui-
même, explore et fuit à la fois, cherche remède à son malaise sans trouver l’issue. Mais il
s’agira aussi de reconnaître les enjeux d’un désarroi plus largement partagé. La régulation des
normes au sein de l’école apparaît débordée, les modalités d’inscription des valeurs se révèlent
problématiques, les procédures d’initiation des jeunes générations sont mises à mal, les
conditions de l’expérience conduisent plutôt à la dépendance qu’à sa traversée ouvrante,
l’idéologie de la consommation se montre incapable de produire l’estime de soi. Afin d’analyser
les tenants et les aboutissants du symptôme, il s’agirait non seulement de prendre la mesure de
ce qui est en souffrance chez ces jeunes, mais aussi de ce qui va mal dans nos dispositifs de
transmission de valeurs et dans les modalités d’initiation à la vie. Ce n’est qu’à partir des
éléments glanés autour de la question “Qu’est-ce qui reste en souffrance pour chacun?” que
telle ou telle situation singulière en impasse arrivera à se dénouer et que la dépendance pourra
s’estomper au profit de l’invention de nouveaux liens aux autres, à soi-même et aux choses.
D’autre part, le phénomène des consommations de drogues prend une telle ampleur, se montre
si insensible aux dispositifs des réglementations particulières, que nous pouvons poser deux
hypothèses : d’abord, il n’y en a pas d’explication accessible de manière évidente, ensuite,
cette non-accessibilité est corrélative d’un manque de disposition du social d’en prendre la
mesure et d’en rendre compte. Dans le fait d’être peu disposé, nous vous proposons d’entendre
non pas tant l’absence de volonté ou de motivation, mais plutôt l’absence de capacité à s’en
donner les moyens, le manque de confiance aussi dans les ressources.
L’ampleur de la consommation de drogues par la jeunesse serait-elle le reflet d’une société
sérieusement malade qui, faute de pouvoir
en répondre, projetterait ses propres maux
sur la jeunesse, celle-ci ayant toujours
montré sa sensibilité, tant au sens de la
richesse de réceptivité que de la fragilité ?
Une des hypothèses allant dans ce sens
19
consisterait à envisager cette assuétude de masse comme un des indicateurs de la défaillance
d’une fonction de tiers, séparatrice et instituante pour la singularité, cette fonction de tiers qui
donne au produit son destin dans les individualités les plus fragiles.
Au-delà du symptôme, une lecture sinthomatique ?
Jacques Lacan a élaboré la notion de sinthome pour désigner la fonction d’un symptôme qui
n’est pas simplement l’expression d’un point en souffrance mais qui assure la réparation de la
structure qui noue ensemble les instances du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire, c’est-à-
dire la structure du sujet lui-même. Le symptôme devenu sinthome constitue alors une
suppléance permettant de faire tenir la réalité, acquérant ainsi un statut de nécessité. Nous
pourrions alors nous interroger si la consommation de la jeunesse et le discours tenu sur cette
consommation n’ont pas une fonction de sinthome qui fait tenir le social en tant qu’il s’y
rapporte.
Le philosophe Slavoj Zizek soutient une telle hypothèse quant à la
violence de la jeunesse : « dans les sciences sociales, on prétend que
la violence des jeunes est un symptôme d’une crise globale des
valeurs et de l’éthique du travail, on veut dire qu’il faut s’attaquer au
problème à la racine, en s’occupant directement des problèmes liés à
la famille, à l’emploi, etc., et pas seulement en punissant les
délinquants. À l’inverse, le sinthome n’est pas un simple symptôme,
mais ce qui fait tenir la chose même — à supposer qu’on le délie, la
chose même se désintègre. C’est pour cette raison que la
psychanalyse soigne effectivement, parce qu’elle s’occupe du sinthome… » Selon cette
hypothèse appliquée à notre thème, la consommation des jeunes et le discours tenu sur elles
auraient une fonction de liaison indispensable pour le social lui-même, permettant à l’idéologie
dominante de se tenir et de construire le monde commun. Si tel est le cas, cette consommation
des jeunes est nécessaire pour l’organisation du social qui pourtant s’en plaint. L’alibi de la
jeunesse comme cause du malaise devient particulièrement injuste puisqu’au contraire la
jeunesse ferait à son corps défendant sinthome pour parer aux effets désagrégeant de l’incurie
du fondement des valeurs. Tirer toutes les implications d’une telle conception nécessiterait une
analyse politique des discours et de ce qui cimente le lien social en désarroi, ce qui déborderait
le cadre de cette contribution.
Poursuivons plutôt en tirant, à partir d’une lecture symptomatique, voire sinthomatique,
quelques implications pratiques quant à l’approche de la consommation de drogues par la
jeunesse. La première leçon concerne la distinction entre les causes et les effets, le seconde
l’équivoque du lieu, les suivantes portent sur la pertinence des diverses stratégies visant à
résoudre le problème ou à répondre de ce qui s’y joue.
Lutter contre les effets peut parfois aggraver les causes…
20
« … Lutter contre les effets peut
parfois aggraver les causes…»
Si la consommation de drogue est une
manière maladroite pour l’adolescent de
soigner sa crise émotionnelle en titillant
ses émotions tout en tentant d’oublier la
pénibilité de l’expérience, si les abus et écueils de la consommation constituent une
dénonciation de la société de consommation via sa réalisation excessive jusqu’à
l’inconséquence, alors, la stigmatisation du jeune ne conduit-elle pas à aggraver encore ses
difficultés à vivre ses émotions et à le condamner à l’impossibilité de les partager ? Or cette
difficulté émotionnelle est la raison même de l’enlisement de sa quête dans la consommation.
Ainsi, la volonté de le protéger de certains méfaits peut alimenter la source du malaise qui
conduit à la conduite problématique.
Lors de toute action, il s’agira donc de prendre en compte que, à l’adolescence, la
consommation de drogues est toujours prise dans une chaîne de causes et d’effets, et que
tenter de résoudre le problème en stigmatisant le comportement fautif n’est pas toujours le
meilleur point d’attaque. Au contraire, une telle stratégie conduit le plus souvent à une
aggravation du mal à la source. Il ne s’agit en aucun cas de banaliser le symptôme, ni d’être
passif vis-à-vis de lui : il s’agit plutôt de le prendre au sérieux sans se laisser apeurer par la
concrétude des effets les plus voyants. Il s’agit de reconnaître les fils dont le symptôme est
tissé afin de pouvoir le traiter adéquatement. Le plus grand péril étant la solitude du jeune face
à ses émois, il y aura à prendre le risque de les partager avec lui, de s’aventurer là où il nous
convoque. Et pour cela, il faudra prendre le risque de remettre en cause nos certitudes, voire ce
qui faisait sinthome pour nous.
Le mal n’est pas circonscrit au lieu où il se révèle
Un second enseignement de la lecture symptomatique consiste à prendre acte que le problème
n’est pas toujours là où il se manifeste ouvertement. L’adolescence peut être le point sensible
de la trame sociale, l’endroit le plus fragile où va se manifester la vétusté de la trame de
l’ensemble du tissu de la société. Il est donc essentiel de ne pas se limiter à envisager le point
où la trame se déchire mais aussi de considérer ce qui a rendu celle-ci globalement fragile.
Ceci implique des questions complexes sur
le mode d’intervention. Il est indéniable qu’il
faille parer au péril et de veiller au grain, de
colmater la brèche là où elle se manifeste,
d’éviter aussi que cela ne s’effiloche trop
loin. Cependant, cela ne suffit pas et peut
conduire à des aggravations paradoxales. Si
on fait porter tout le poids à celui qui incarne
la déchirure de la trame, il y a non seulement
une certaine injustice, mais aussi une
21
« … Si on fait porter tout le poids à celui qui incarne
la déchirure de la trame, il y a non seulement une
certaine injustice, mais aussi une aggravation du
risque de déchirure …»
aggravation du risque de déchirure corrélative au refus de l’environnement à renforcer les
ressources qui lui permettraient de tenir. Le tissu se déchirera de proche en proche, dans les
marges du raccommodage. À moins que, paradoxale, le mal lui-même ait une fonction de
réparation de la trame, le problème de la jeunesse permet alors au social de tenir face à lui, au
détriment cependant du jeune qui se verra assigné, implicitement bien sûr, et au péril de lui-
même, à incarner le sinthome social.
Les pièges des différentes stratégies face aux « mines sociales » ?
Un autre éclairage de la lecture symptomatique permet de montrer que tenter d’endiguer le
symptôme sans résoudre ce qui le cause conduit à une escalade de moyens et/ou à un
appauvrissement de l’existence. En suivant la métaphore de la trame et de la déchirure, nous
pouvons imaginer que se contenter de réparer les trous au fur et à mesure va conduire à une
excroissance des réparations de fortune qui deviennent de véritables formations cancéreuses
proportionnelles à l’aggravation de la fragilité environnante. Et si nous comparons les
comportements problématiques comme autant à de mines sociales et bombes relationnelles, il
est aisé de se rendre compte que la stratégie consistant à isoler les zones dangereuses va
limiter progressivement les zones de liberté où pouvoir circuler, sans aucunement enrayer
l’accumulation de matière explosive. Afin de porter ses fruits de santé à long terme, toute
sécurisation devrait dès lors s’accompagner d’un déminage, toute réparation d’un remaniement
de la trame globale.
Soutenir une action simultanée à différents niveaux
Un quatrième
enseignement de la
lecture symptomatique
conduit à assumer qu’il
n’existe aucune solution
simple, mais au contraire
que la voie de la
résolution exige de
soutenir une action en
même temps à plusieurs
niveaux. En suivant la
22
« … il s’agit
d’interroger la pleine
responsabilité de
chacun de trouver
une issue à ce qui
s’est cristallisé en
impasse dans le
symptôme
d’assuétude …»
métaphore de la mine relationnelle, voyant comment une attitude plurielle est à soutenir. D’une
part, il s’agit d’éviter les méfaits immédiats en protégeant le jeune et la société ; d’autre part, il y
a lieu d’œuvrer à désamorcer les risques explosifs et à contribuer au développement de
nouvelles ressources tout restituant des moyens ; de plus, il est requis de s’interroger sur ce qui
a conduit à l’impasse en examinant l’incurie éventuelle des dispositifs sociaux proposés ; et
enfin, il s’agit d’examiner la manière dont le social peut vivre et garder sa cohérence sans se
rassembler autour de ce qui fait sinthome. Entre ces différentes voies, il ne s’agit nullement de
choisir mais bien de les mener de front, même si cela exige une collaboration entre
intervenants ayant des places différenciées : chacun aura son rôle, tout en respectant la
nécessité des autres approches.
Subvertir la question du partage des responsabilités
Face au malaise de la jeunesse, poser la question de la responsabilité des causes, surtout en
estimant que la responsabilité de l’un décharge l’autre, ne peut conduire qu’à une impasse.
D’un côté, accuser le jeune conduit à le stigmatiser et à cautionner les stratégies de
réassurance des adultes et de la société refusant de reconnaître en quoi ils sont eux aussi
engagés dans ce qui fait symptôme, voire dans ce qui leur procure un sinthome. De l’autre,
accuser la société et les adultes conduit à maintenir le jeune dans un état d’irresponsabilité et
d’impunité, ce qui ne peut qu’être délétère pour son avenir et sa capacité à s’assumer. De plus,
la fragilisation du social risque bien d’aggraver la source et les bénéfices du comportement
redouté.
La question doit être posée autrement : il s’agit d’interroger la pleine responsabilité de chacun
de trouver une issue à ce qui s’est cristallisé en impasse dans le symptôme d’assuétude. Il ne
s’agira pas tant de choisir qui devrait assumer la responsabilité mais plutôt de soutenir l’axiome
que chacun aura à le faire de sa place, selon la manière dont il y est engagé et avec les
ressources dont il dispose. Chacun, de sa place et selon ses moyens, est tenu de se laisser
enseigner et de tirer les conséquences de ce qui arrive, et tenter d’y faire face. La
responsabilité de l’un ne dégage nullement la
responsabilité de l’autre. La décision porte sur les
modalités différentes de la responsabilité et non sur
le degré quantitatif de celle-ci : chacun est
totalement responsable selon la manière dont il est
engagé. Face à la consommation de drogues, le
jeune est bien sûr responsable de son
comportement, mais cela ne devrait pas exonérer
les adultes et la société de leur devoir d’examiner
en quoi ils y sont engagés et à prendre à cet égard
leurs responsabilités.
23
C’est à travers la dynamique d’une telle responsabilité conjointe et différenciée que se fonde
l’autorité : un adulte se porte responsable pour ce qui arrive à un jeune et de la manière dont il
utilise sa liberté, cela engage alors la responsabilité du jeune vis-à-vis de cet adulte,
reconnaissant sa dette vis-à-vis de celui qui s’est porté garant à son égard. Et cette dette
envers la génération qui précède, le jeune pourra dès lors l’honorer en donnant un destin à
l’héritage de confiance transmise, en se portant responsable à son tour de ses actes et de son
rapport aux autres. Au gré d’une telle articulation se tisse la reconnaissance mutuelle où se
fonde l’autorité.
Au-delà de la répression et de
l’assistance sanitaire, une
responsabilité collective…
Face à l’ampleur de la consommation de
drogues (cannabis, ecstasy,…) par les
jeunes et les problèmes qui en découlent,
que faire ? Examinons d’abord en quoi les
seules attitudes de la répression ou de la
gestion sanitaire nous semblent
insuffisantes à relever les défis posés,
ouvrant plutôt au désarroi. Un tel constat
nous convoque dès lors à tenter d’ouvrir une autre voie, plus transversale et complexe.
Répression impraticable et le plus souvent injuste…
Utilisée à l’encontre d’un symptôme, la seule répression conduit à une double impasse : en cas
de réussite, la vérité qui se cherchait dans le symptôme s’en trouve du même coup étouffée,
tandis qu’en cas d’échec, le symptôme résistant ne peut que s’accentuer pour tenter de se faire
entendre. La limitation du comportement n’est pas à proscrire, mais elle ne prendra son sens
positif que comme condition d’une démarche d’un autre ordre qui devra prendre le relai.
Quant à sa réalisation pratique, la seule répression pénale s’avère d’ailleurs inapplicable dès
qu’elle devrait toucher une population trop importante, ne disposant pas de moyens suffisants à
hauteur de son ambition, exposant de plus au risque d’inclure les personnes qui s’y soumettent
dans une logique qui entretient l’affrontement, augmentant en boule de neige sa tâche.
Cette impossibilité pratique génère de l’arbitraire, voire des justices. Lorsque la répression tente
de s’appliquer à une conduite aussi répandue que la consommation de drogues, le délit ne
réside plus véritablement dans l’acte de consommer mais plutôt dans l’acte de mal consommer,
c’est-à-dire de le faire d’une manière qui perturbe les sentiments de sécurité, ou tout
simplement de se faire prendre à consommer. L’application de la loi peut apparaître d’autant
plus arbitraire que sa logique n’est pas repérable par le consommateur : les déterminants de la
24
« … Mais peut-on se
limiter à rendre le
symptôme moins
douloureux, et
permettre ainsi de
s’en
accommoder ?…»
mise en application sont généralement hors de lui, pouvant aller de la peur de l’entourage à la
volonté de rétablir l’ordre ou la réputation de telle école.
Se limiter à la répression peut encore relever de l’injustice dans la mesure où elle consiste à
mettre la pression sur le maillon le plus faible, en vue de soulager d’un désarroi qui envahit tout
le monde et dont chacun aurait à rendre compte. Sans pour autant le déresponsabiliser, il y a
donc à veiller à ne pas faire porter au jeune consommateur plus que ce qui lui appartient. Cela
est d’autant plus vrai dans les cas où la conduite symptomatique du jeune a une valeur
sinthomatique dont le social tire les bénéfices au dépends du jeune.
Gestion socio-sanitaire, insuffisance à prendre la mesure de la gravité…
Quant à la prise en charge socio-psycho-sanitaire, si elle permet de soulager, d’éviter les
risques et de panser les plaies, elle s’avère insuffisante à penser véritablement le désarroi qui
se tapit au cœur de ce symptôme, et donc de permettre à l’expérience enlisée de trouver son
chemin émancipateur. Les arguments de la démarche sanitaire pourraient s’expliciter de la
manière suivante : « de toute façon, ils consomment, alors évitons-leur les risques liés à la
consommation et à la marginalisation », ou bien : « de toute façon, ils ont de grosses difficultés
psychiques et cette consommation cache des choses bien plus graves, gardons-nous donc de
toucher aux solutions inventées par eux ».
De tels arguments détiennent une part incontestable de
pertinence mais leur portée reste très limitée. Il est vrai
que le thérapeute ou l’agent de prévention ne peut ouvrir
l’échange qu’en assurant d’abord à l’autre une absence
de jugement : en ce sens il s’agit d’abord d’analyser la
situation et de reconnaître la fonction du produit, c’est-à-
dire de respecter le symptôme. Mais peut-on se limiter à
rendre le symptôme moins douloureux, et permettre
ainsi de s’en accommoder ? ou au contraire est-il requis
d’avoir une politique plus audacieuse qui consiste à
s’aventurer dans les méandres du malaise, à prendre la mesure de ce que cache le symptôme,
et pour ce faire éviter de réduire trop hâtivement son caractère problématique ? La gageure de
la clinique consiste parfois à accepter — sans jamais la rechercher — l’exacerbation du
symptôme, afin de lui faire accoucher de sa vérité et du même coup le déconstruire en lui
faisant produire ses effets. Ces enjeux engagent la conception même de la prévention : s’agit-il
seulement d’éviter que le pire n’arrive et de protéger des risques ? Ou s’agit-il plutôt de restituer
de nouveaux moyens en vue d’étayer une capacité à construire son expérience singulière ?
Sans nier l’intérêt, la nécessité même, de se soucier de l’intégrité des jeunes consommateurs,
le caractère un peu court du seul argument sanitaire tient au fait qu’il céderait sur le sens et la
25
confrontation, au profit d’une exclusivité de l’assistance. Mais si, comme nous le pensons à la
suite d’Alain Badiou, le malaise et la souffrance des adolescents est essentiellement celle d’une
jeunesse à qui on a retiré la possibilité de penser et de faire une expérience, si leur souffrance
est celle d’une jeunesse dont le corps tend à être réduit à un objet de consommation, alors, la
politique sanitaire est insuffisante et elle ne peut pas véritablement modifier les déterminants de
cette souffrance. La proposition de consommer bien plutôt que de consommer mal, ne résout
pas encore la question du sens demeuré en souffrance dans le symptôme. N’y a-t-il pas même
un risque de complicité involontaire avec les stratégies de réduction étouffement du désir
singulier par les moyens de prétendu comblement dans une logique consommatoire adéquate ?
Une prévention qui se limiterait à une information des consommateurs afin de les inciter à un
usage bien normé risque d’être complice malgré elle d’une réduction de la singularité à la
logique de consommation, celle-ci devenant d’autant moins questionnable qu’elle ne ferait
apparemment plus problème.
Promouvoir une responsabilité plurielle et collective face à la consommation
Face à l’ampleur d’un phénomène de consommation de drogues qui fait symptôme dans le lieu
de la jeunesse, chacun est convoqué à soutenir une véritable remise en cause des valeurs qui
ont cours dans le social tout entier, en questionnant les idéologies et en restituant leur efficacité
symbolique aux principes qui nous relient et font monde commun. Il s’agit de prendre acte que
cette consommation fait symptôme d’une nouvelle incapacité, pour nombre d’adolescents, à
faire expérience de l’adolescence, mais aussi qu’elle fait symptôme d’une autorité qui, ayant
perdu ses repères, ne fournit plus d’appui pour l’expérience et se trouve prise en défaut de son
pouvoir instituant. C’est seulement à partir d’une telle analyse plurielle de ce qui fait symptôme
que pourra se déployer une véritable action de prévention, c’est-à-dire de promotion et de
restitution de la possibilité d’ancrage des singularités dans l’expérience.
Cette troisième voie consiste à inventer collectivement les moyens pour rétablir des capacités à
penser, ainsi qu’à mettre en forme et en représentation, l’expérience émotionnelle. Ce qu’il
s’agit de rendre possible est un nouveau destin pour ce qui se manifeste et insiste comme une
impossibilité dans le symptôme.
26
« « Notre rôle dit Winnicott
est de “Faire face”, ce qui
sous-entend de ne pas
supporter passivement et
de ne pas réprimer
aveuglément. »
Pour un “faire face” pluriel
Comment éviter d’être complice à notre insu d’une
dynamique consommatoire sous-jacente qui cause le
symptôme ? Comment éviter d’apaiser nos désarrois en
assignant la jeunesse problématique à être le sinthome qui
fait tenir nos valeurs bancales ? Notre tâche véritable
consiste à œuvrer pour rendre possible l’expérience. Pour
cela, il s’agit non seulement de dénoncer les stratégies de
fuites chez celui qui est incapable d’expérimenter, mais aussi et avant tout de faire face
ensemble avec lui à la tourmente émotionnelle qui le traverse.
Nous voudrions conclure en reprenant quelques recommandations, formulées par Winnicott en
1968, quant à l’exigence de faire face à la crise de l’adolescence, sans réprimer aveuglément et
sans supporter passivement. Depuis près de 40 ans, les symptômes de la crise ont bien
changés, mais la démarche reste globalement pertinente. Cette manière de soutenir un faire
face entre deux extrêmes peut nous éclairer sur la position responsable à adopter vis-à-vis de
la consommation de drogues, en se démarquant aussi bien de la simple répression que de la
banalisation gestionnaire.
À la question de l’attitude opportune face à la crise d’adolescence, Winnicott met d’abord en
garde contre la tentation de vouloir la soigner, selon une stratégie de l’endormissement qui ne
peut qu’être néfaste. Il met en garde contre la volonté de porter remède en risquant
d’interrompre l’évolution : « La société — et il faudra ajouter “l’adolescent lui-même” — devrait
se garder de chercher à porter remède à la crise d’adolescence. Un tel avertissement écarte les
solutions administratives ou institutionnelles — et il faudra ajouter “l’installation dans une
dépendance quelle qu’elle soit comme pansement de l’adolescence”. »2 Winnicott justifie cette
prudence de deux manières : d’abord, « la société n’est pas suffisamment saine, c’est-à-dire
“sensée”, pour qu’on lui fasse confiance dans ce domaine », ensuite, « nous ne savons pas très
bien s’il y a des crises d’adolescence qui sont le début d’une maladie mentale, ou au contraire
si « d’autres ne deviennent maladie mentale que
parce qu’on les a contrariées », interrompues
artificiellement, mises en situation de ne
pouvoir trouver d’issue. Winnicott conclut que
« cette incertitude, n’importe comment, invite à
la prudence. »
Si Winnicott incite à une foncière méfiance vis-
à-vis des remèdes, il ne cède pour autant ni à
la passivité, ni à la résignation, ni au fatalisme,
2 Repris dans Mannoni, O., Un si vif étonnement, L’adolescence est-elle «analysable», Seuil, Paris, 1988
27
ni à l’optimisme naïf et inconséquent. Il se pose au contraire comme le militant d’une sorte
d’intervention retenue, faisant l’éloge d’un singulier courage d’engagement qui consiste à se
laisser faire par ce qui arrive tout en se tenant intègre et debout face aux éléments auxquels
nous sommes soumis : « Notre rôle dit Winnicott est de “Faire face”, ce qui sous-entend de ne
pas supporter passivement et de ne pas réprimer aveuglément. »
Le faire face consiste à se garder de la double tentation des extrêmes que sont l’abandon
passif et l’action inconsidérée. L’adolescent a besoin de la résistance de celui qui se tient ferme
et actif sans pour autant réprimer ni maîtriser. L’adolescence est une nouveauté inouïe dont
l’adolescent se fait porte-parole, au plutôt pour utiliser une expression inusitée porte-acte, mais
qui le traverse également ; ce qui arrive rompt l’ordre du monde et des relations, interpelle les
origines et convoque du même coup, non seulement l’adolescent, mais aussi les différents
acteurs familiaux et sociaux, à y faire face. L’adolescence s’avère ainsi un révélateur de la
santé de chacun, c’est-à-dire, selon la définition de Winnicott, révélateur de la capacité propre à
“faire face” au nouveau afin de lui donner lieu en soi et dans le monde : « Dans cette façon de
Faire face, on peut y voir le signe de la santé (psychique) — aussi bien pour la société, pour la
famille, pour le thérapeute, pour le médecin, sans qu’il soit besoin (ni même possible) de
distinguer. »
Lorsqu’un adolescent est traversé par une réalité qui le perturbe, lorsqu’il agit ses pulsions, ou
lorsqu’il consomme des drogues, il s’agit d’examiner comment chacun se positionne face à ce
qui arrive, les moyens de chacun pour y faire face depuis la place qu’il occupe, le malaise ou le
désarroi suscité en chacun. Faire face, se tenir debout en soi-même et avec les autres, tenir
« Faire face….Se tenir debout en soi-même et avec les autres….. »
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bon, voilà l’acte unifiant qui se décline immanquablement en diverses formes distribuées sur les
acteurs de la crise, l’acte qui permet d’affronter le lieu périlleux de la déliaison, de la perte des
repères, du délitement des langages acquis, du débordement de l’inhumain et de la violence.
Selon l’hypothèse que, pour nombre d’adolescents, la consommation de drogue vient tenter de
combler une impuissance à faire face aux émois suscités par l’adolescence, la difficulté se situe
d’abord du côté de l’adolescent qui opte pour les gérer en les endormant, ou en les stimulant
sans les ressentir afin de tuer l’ennui. Mais la difficulté à faire face doit également être
envisagée du côté des parents, des « psy » et autres adultes, qui, confrontés au malaise
suscité, ne trouveraient plus d’autres ressources que de tenter de sauvegarder la sécurité, en
cadrant l’adolescent, en le protégeant et en protégeant la société de ses agissements, en
réduisant les risques auxquels il s’expose et expose les autres. Le comble advient lorsque le
social fait de l’adolescence en souffrance son sinthome lui permettant de préserver son
idéologie sans rien transformer. Sans en arriver à de telles extrémités, il est essentiel de
comprendre que gérer les troubles n’est pas encore réaliser la traversée de l’expérience qui se
trouvait en souffrance. La simple gestion peut même être l’obstacle de la traversée vivante. Et
chacun peut à l’occasion le ressentir au fond de lui-même, quelque soit le degré selon lequel il
est prêt à l’admettre : si l’embarras actuel face à la situation de consommation de drogues par
les adolescents devient aussi envahissant, n’est-ce pas parce que chacun — les adolescents
mais aussi les adultes — est mis à mal dans sa capacité à faire face de la place où il se
trouve ? Face à la consommation de drogues, la responsabilité, c’est-à-dire la charge d’en
répondre, ne peut s’instaurer que sur base d’une telle interrogation qui porte d’abord sur ce qui
nous met collectivement en difficulté de faire face, ensuite sur ce qui cherche à se penser — et
à se panser — sous le symptôme, en enfin seulement sur la manière d’endiguer les
conséquences problématiques des comportements manifestes.
Si la consommation des drogues par la jeunesse constitue en outre un symptôme
de notre société de consommation dont nous sommes tous responsables, chacun
aura à décider comment il peut y faire face du point où il s’y trouve engagé, par sa
personne mais aussi et surtout par sa fonction et la place qu’il occupe.
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Entretien avec Pierre-André Hallet, Juge de la Jeunesse à Charleroi.
Avant propos :
Il est intéressant de faire une distinction dès le départ entre consommation d’alcool et de stupéfiant, même si les deux problématiques sont bien présentes et qu’il est donc intéressant de se pencher sur les deux. Sur le plan de la vente, on ne peut pas vendre de bière en deçà de 16 ans et d’alcool fort en deçà de 18 ans. Par contre, sur le plan de l’infraction pénale, on ne peut pas poursuivre un mineur parce qu’il a bu de l’alcool. Même s’il est ivre mort ou qu’il boit tous les jours, ce n’est pas une infraction pénale. L’alcool n’est pas repris dans la nomenclature de la loi de 21. Ce n’est pas comme aux Etats-Unis. Ce n’est pas illégal. Ce qui est illégal, c’est la vente. Ca ne peut donc pas faire l’objet de l’ouverture d’un dossier pénal. Alors que l’acquisition, la détention de produit stupéfiant (cannabis, héroïne, cocaïne, etc), c’est une infraction en tant que telle. Dans notre esprit, c’est une distinction fondamentale parce qu’il n’y pas un interdit social à propos de l’alcool. C’est impressionnant. L’infraction pénale est limitativement prévue dans la loi. Et l’alcool n’est pas considéré comme un produit stupéfiant et ne rentre donc pas dans la catégorie interdite par la loi
Afin de dépeindre un tableau de votre réalité professionnelle, êtes-vous
confronté ou non à une population de jeunes consommateurs (12-18 ans)?
Enormément ! Essentiellement cannabis. J’entends de plus en plus parler de consommation de cocaïne ou d’XTC. Très peu d’héroïne, très, très peu. D’alcool aussi, vraiment, vraiment beaucoup. Pour une partie d’entre eux (la proportion est difficile à évaluer), c’est une consommation problématique. Que ce soit alcool, ou cannabis, ou XTC, ou cocaïne. Mais dans la majorité des cas, je suis confronté, en ce qui concerne les produits stupéfiants, à du cannabis. Parmi ces jeunes auxquels je suis confronté, il y en a donc encore une partie pour qui c’est problématique, où on parle de dépendance, avouée ou non. Parfois elle n’est pas avouée mais on le constate; pour d’autres, elle est avouée, on la met sur la table comme une difficulté en tant que telle. Ils me disent : « je ne sais pas m’en passer ». C’est alors une consommation de 10/15 joints par jour et c’est dit.
Vous chiffreriez cette population à combien ?
C’est difficile à dire. Qu’on se comprenne bien, on parle ici des jeunes pour lesquels je suis saisi dans le cadre de l’article 36.4, donc ça veut dire des jeunes qui me sont présentés parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis un fait qualifié « infraction ». Ca c’est déjà une partie des jeunes. L’autre partie des jeunes, ce sont des jeunes pour lesquels je suis saisi, non pas
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parce qu’ils ont commis un fait qualifié « infraction », mais parce que le Parquet considère qu’il y a une situation de danger. Vous me direz, c’est étonnant qu’il puisse y avoir des situations de jeunes pour lesquelles un Juge de la Jeunesse est saisi parce qu’il y a danger alors qu’ils sont consommateurs de cannabis et donc qu’on pourrait saisir le Juge sur pied l’article 36.4. Ca révèle tout simplement que ça peut être considéré comme problématique mais que ça ne justifie pas que l’on saisisse le JJ avec l’étiquette de « mineur délinquant » …. C’est important car ça permet de penser qu’au niveau du Parquet et des instances communautaires (comme le SAJ) la consommation de cannabis, qui est une infraction en tant que telle je le répète, n’est pas la caractéristique essentielle de la problématique du jeune. Donc, on saisit le JJ non pas pour un jeune délinquant mais pour un jeune que l’on estime en danger, pour 36 raisons mais notamment parce qu’il consomme du cannabis. Mais ce peut-être pour d’autre raisons que celle-là. Donc, pour les jeunes « 36.4 » entre 12 et 18 ans, une majorité d’entre eux consomme de l’alcool ou du cannabis. Ca c’est clair. Très approximativement, je dirais que 20 à 25% d’entre eux ont une consommation problématique. Alors dans « problématique », il y a encore toute une marge. Il y a la consommation festive certes, mais aussi une consommation individuelle extrêmement régulière où dès le matin ils consomment jusqu’au soir… où cette consommation devient indispensable.
Constatez-vous une recrudescence des problèmes de consommations depuis
votre mandat ?
Probablement. A la fois une recrudescence mais en tout cas certainement le fait que le sens de l’interdit s’estompe. Ca me frappe. Tout comme à Trempoline, « Alcool » ou « Stupéfiant », vous en faites une même problématique. En principe pour les autorités judiciaires, il doit y avoir une problématique spécifique qui est l’interdit ! Ca ne l’est plus. Ou en tout cas, nettement moins. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs les jeunes disent qu’ils consomment du cannabis, parce que pour eux, ce n’est pas une infraction pénale. Donc je dois le rappeler : c’est une infraction pénale ! Tu te balades dans le parc à l’intérieur du Palais de Justice, là, les jeunes y fument du cannabis, ils fument des joints devant tous les avocats, les magistrats… et là tu te dis que l’interdiction pénale n’a plus de valeur.
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Les jeunes se retrouvent-ils face à vous, Juge de la Jeunesse, du fait de leur
consommation (délit en soi) ou parce que celle-ci est associée à d’autres
délits (vol, violence…)
Majoritairement non, ce n’est pas à cause de la détention ou de la consommation. Ce qui arrive, c’est qu’on peut me saisir en tant que 36.4 mineur délinquant pour vente et que cette vente est justifiée en grande partie pour la consommation. Le gars, quand il fume 15 joints par jour, ce n’est pas compliqué, soit il vole, soit il revend et ce d’autant que nous sommes essentiellement confrontés à une population tout de même très désœuvrée sur le plan économique . Au niveau du Parquet, on est très sensible à ça. Donc on saisit les JJ pour ça, pour la vente de cannabis aux sorties des écoles, etc. Et pour une grande partie d’entre eux (dealers) c’est parce qu’ils en ont besoin pour leur consommation personnelle.
La consommation de drogues chez les jeunes est elle considérée comme un
acte délictueux en tant que tel ou est-elle plus souvent prise en compte
comme une circonstance atténuante ou aggravante ?
C’est une question vraiment difficile ! En tout cas, c’est une explication. Personnellement, je ne considère pas ça comme une circonstance atténuante ou aggravante. C’est une explication. Je suis plutôt irrité par les jeunes qui me disent : « ben c’est normal que je vende parce que je dois en consommer ». C’est un raisonnement un peu court ! Je ne suis pas du tout obsédé par le fait que ce soit une infraction pénale en tant que telle. De la même manière que la consommation d’alcool est parfaitement légalisée, je ne fais pas un foin parce que le jeune a fumé un joint au lieu de boire 25 bières « parce que le cannabis est interdit alors que la bière il peut en boire ». J’analyse alors vraiment la problématique.
Une vente à grande échelle de cannabis n’implique pas la même réaction judiciaire que le vendeur qui vend quelques grammes de cannabis pour pouvoir en consommer lui-même. Par contre, dans l’esprit de certains parents, là, il y a une grande différence. Ils sont très effrayés par la connotation drogue. Par contre, leur « fiston » qui boit beaucoup de bière c’est « comme eux » en quelque sorte, c’est souvent le cas même. Là, le dialogue est alors très difficile. Socialement, j’ai vraiment l’impression souvent qu’on fait vraiment la distinction au sein des familles entre alcool et cannabis. Le cannabis provoque de grosses angoisses et pas du tout l’alcool. Alors que pour moi ce peut être, au moins, aussi problématique.
La consommation est-elle plus souvent invoquée dans les problèmes de
délinquance ?
Oui ! Très clairement !
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Prétexte ou réalité ?
Ca c’est une question complexe. J’ai envie de dire, « Prétexte ET Réalité ». C’est une réalité car comme je viens de le dire, la consommation massive de cannabis, ou d’autres drogues (mais majoritairement du cannabis), provoque de la délinquance. Mais il va aussi de soit que le problème mis en avant de cannabis est souvent un prétexte pour ne pas analyser les dysfonctionnements familiaux ou les pathologies du jeune… Il peut y avoir 36 choses mais c’est tellement plus facile de dire « ben le jeune il ne va pas bien du tout parce qu’il consomme ». Mais qu’est ce qu’il y a derrière la consommation ? Ca, c’est difficile de travailler ça ! « Mon fiston il fume du cannabis et il en vend»… ben, on ne va pas plus loin. C’est facile.
Quelle est la « Réponse Judiciaire » de manière générale? S’agit-il de
« punir » ou « d’aider » ?
J’ai envie de dire que ça dépend à qui tu t’adresses. Nous ne sommes saisis qu’à la demande du Procureur du Roi. Donc au niveau de la saisine du Juge, il peut y avoir des politiques criminelles venant du Parquet de saisir plus ou moins vite un JJ pour ce type de problématique. Par exemple, à Nivelles, je pense qu’on saisit très vite le JJ pour consommation de cannabis. A Charleroi, pas : On ne saisit un JJ en 36.4 que s’il y a vente et/ou s’il y a d’autres infractions, bien évidemment (vols…). Chaque arrondissement peut avoir sa politique au niveau du Parquet. Je ne parle pas au niveau des JJ ! Autant le Parquet peut avoir une politique criminelle parce que le Parquet est représenté par un Procureur du Roi et ses différents substituts mais qui doivent assurer une même politique. Au niveau des Juges, il n’y a pas de politique. Le Juge est totalement indépendant dans sa façon de gérer un jeune. Totalement ! Le Parquet, quand il décide de saisir un Juge X (en fonction des permanences quotidiennes), il a une volonté de réprimer la vente de cannabis à Charleroi mais pas de prendre l’orientation répressive s’il n’y a « que » la problématique de consommation. Il pourrait saisir le JJ après le passage au SAJ dans l’optique d’un « mineur en danger » mais pas un « mineur délinquant ». Par contre, en ce qui concerne les Juges, là, il y a des réactions très différentes. Parce qu’ils ont des conceptions très différentes de leur métier et des façons très différentes d’intervenir par rapport à ce type de problématiques. Moi, j’ai un jeune consommateur important de cannabis et qui en revend auprès de son entourage, moi j’aurais tendance à l’envoyer dans un centre ambulatoire et mon collègue d’à côté va le mettre en IPPJ. Malheureusement, peut-être. C’est une des caractéristiques du Juge : il est complètement indépendant. Il n’y a pas de cohérence au niveau des décisions judiciaires que ce soit, en Jeunesse ou en matière Pénale. Il n’y a pas d’unité, de pratique jurisprudentielle cohérente. Il n’y a pas de cohésion entre les juges au sein d’un arrondissement… alors ne parlons pas entre les différents arrondissements ! Les différences sont vraiment très substantielles. C’est comme ça, mais il y a une logique aussi. En fonction de la gravité de la délinquance générale
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de l’arrondissement… Par exemple, à Neufchâteau, tu as un jeune qui consomme 2 joints, c’est l’affaire du siècle ; si on a cette politique là au Parquet de Bruxelles, on ne s’en sortirait plus ! Ma politique est donc d’aider. Mais attention à ce que cela veut dire « d’aider » ! Un placement en IPPJ peut aider ! Un gars qui consomme énormément et qui frappe ses parents pour leur piquer leur argent… parce que ça arrive souvent ça, ok, à un moment je peux dire « STOP, je te mets 15 jours quelque part pour que tu te calmes, pour que ça s’arrête » et c’est aussi dans le cadre d’une aide. Allons plus loin : on ne « punit » pas des mineurs ! On ne peut prendre que des mesures à caractère éducatif. Mais on peut considérer que punir peut avoir une fonction éducative… mais alors « punir » n’est pas le terme le plus judicieux. Ce sont des sanctions, pas des punitions !
Existe-t-il une politique, des directives générales, dictant les décisions des
Juges de la Jeunesse ou s’agit-il de « réactions au cas par cas » ?
NON ! Evidemment, il n’y a pas de directives générales dictant les décisions des juges ! Mais par contre, au niveau du Parquet, là il y a des politiques criminelles de Parquet mais il y a aussi des directives du Collège des Procureurs Généraux (PG). Il existe 5 Parquets Généraux en Belgique, et ils envoient des directives aux différents Parquets du Royaume de politiques criminelles générales. On pourrait donc imaginer une directive émanant du Collège des PG disant à l’ensemble des Procureurs du Roi, et donc en cascade, à l’ensemble des substituts : « vous devez saisir le JJ pour tout consommateur de cannabis ! » Mais le Juge fera, lui, ce qu’il veut. Ca n’a donc une influence « QUE » au niveau de la saisine du JJ Je pense que par rapport à ça, la directive générale, en ce qui concerne les majeurs, est que« si la consommation est de moins de… » elle ne fait plus l’objet de poursuites, sauf si c’est un usage « problématique », faut-il encore définir ce qu’est un usage « problématique ». Pour les mineurs, la dernière directive est de considérer que ça peut encore faire l’objet de poursuites en tant que tel.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez face à ce phénomène ?
Vaste question ! Plusieurs difficultés… et je ne mets pas d’ordre dans ces difficultés, il n’y a pas de hiérarchie ! Je dirais : - Pas suffisamment de lieux spécialisés. Faut savoir, à cet égard là, qu’une réforme de 2006 de la loi du 8 avril 1965 prévoit la possibilité pour le Juge d’envoyer un jeune dans un centre spécialisé pour ce problème-là… mais encore faut-il qu’il y en ait ! C’est donc à créer. Je suis maintenant adepte de la création d’un centre spécialisé parce que, vraiment, c’est parfois indispensable ; parce qu’il arrive que le jeune est vraiment englué dans ses problèmes de
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stupéfiant… même si, j’insiste, c’est ce qui est mis en avant, c’est peut-être une problématique en tant que telle, mais c’est souvent révélateur d’une série de disfonctionnements familiaux, psychiques, tout ce qu’on veut… Je ne dis pas que c’est pour une quantité majoritaire des jeunes mais voilà. - Nous constatons vraiment qu’un usage trop important de produits stupéfiant et/ou d’alcool désocialise massivement : déscolarisation, isolement social, difficultés familiales majeures La difficulté, c’est de faire comprendre à la famille, car on convoque les parents, qu’ils ne doivent pas nécessairement se focaliser là-dessus, et qu’ils doivent essayer de s’ouvrir à des changements familiaux. Ca c’est souvent vraiment problématique parce qu’ils n’ont pas souvent conscience que c’est souvent ça qu’il y a derrière. - Autre difficulté, c’est justement ce discours que le Juge est censé tenir ; à savoir qu’en tant que telle, comme on l’a évoqué, la détention, et donc la consommation, de produits stupéfiants est un interdit… Et là, c’est totalement en décalage avec ce qui se passe dans la société. Là, ils (les jeunes) ne comprennent pas que c’est encore un interdit. Là, on sent que la Justice est en décalage par rapport à la réalité sociale. Et on doit faire alors cette distinction : cannabis et xtc , interdit ; par contre alcool, ce n’est pas interdit ! Pour les jeunes, ça ne veut plus dire grand-chose ! Et j’ai envie de dire, dans mon fort intérieur, je suis évidemment parfois beaucoup plus inquiet par rapport à des jeunes qui boivent 25 Chimay plutôt qu’un jeune qui fume un joint de temps en temps et où pour moi ce n’est pas un problème important. - La difficulté pour nous, c’est de bien faire la distinction, quand la consommation est importante, entre la délinquance connexe qui est toujours là, soit vol, soit vente… quelle est la part des vols & ventes pour sa propre consommation et la part de vols & ventes pour sa consommation mais aussi parce que c’est un « délinquant » ! Faut faire attention parce qu’il y en a beaucoup qui disent qu’ils vendent uniquement pour leur conso mais ce n’est pas vrai ! Mais j’ai l’habitude et avec le jeune, on se rend compte assez vite qu’il vend beaucoup plus que pour sa simple consommation personnelle (rire).
Quelles sont vos solutions, tentatives de solutions ?
Vous, votre service ambulatoire ! (sourire) Mais clairement, il n’y a pas assez de services spécialisés ! Mais pour certains jeunes, il vaut mieux que ce ne soit pas « trop » spécialisé. Pas pour tous. Je pense que pour certains, justement, il ne faut pas se focaliser la dessus. Que ce soit la consommation d’alcool intensif ou de stupéfiant, ce n’est pas toujours la bonne porte d’entrée pour essayer d’aider le jeune. Autrement dit, on pourrait très bien, parfois, les orienter dans des centres plus généralistes. Je pense vraiment que c’est du cas par cas. Faut vraiment nuancer. Pour certains, je pense, que c’est vraiment indispensable. Ceci dit, au-delà de la pénurie de centres spécialisés, on manque de services qui puissent prendre en charge « rapidement » ! Or, je pense que dans ce type de difficultés, lorsque le jeune est privé de liberté, lorsqu’il est présenté devant le Parquet puis devant le Juge, c’est un moment propice de remise en question. Ce serait donc vraiment bien qu’on puisse agir sur la lancée de ce « traumatisme » qui est lié à ces arrestations et présentations, ce côté assez
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impressionnant. Ce serait bien si on pouvait orienter dans la foulée ; ce serait efficace. Mais il y a un tel décalage entre le moment où on fait appel à un service et la prise en charge… souvent, le jeune est alors démobilisé. Il faudrait donc un accompagnement bien plus rapide. Mais on n’a pas suffisamment de services, ou ils sont tous débordés, ou se disent plus ou moins « débordés » (alors qu’ils ne le sont pas tous tant que ça).
Existe-t-il une collaboration avec un réseau d’aide ? Quels sont vos partenaires ?
Dans le secteur de l’aide à la Jeunesse, il y a une série d’institutions qui peuvent être mandatées, qui sont subsidiées par l’Aide à la Jeunesse. Il y a les services classiques de l’Aide à la Jeunesse : ce sont les C.O.E (Centre d’Orientation Educatif), les S.A.I.E (Services d’Accompagnement et d’Intervention Educatif). Il y a aussi toutes les institutions de placement : les S.A.A.E., les P.P.P., les C.A.S., les S.A.E., les C.A.U.,… brefs les instances d’aide à la jeunesse spécifiques ! Ce sont les partenaires privilégiés car il y a un lien direct ; ils peuvent être mandatés, ils sont subsidiés par le secteur de l’Aide à la Jeunesse à cette fin ! Par contre, il y a aussi d’autres services qui ne sont pas de l’Aide à la Jeunesse au sens strict, qui peuvent nous venir en aide mais ils ne sont pas « mandatables » (et ca fait une fameuse différence) : Hôpitaux, Trempoline, Centre de Santé Mentale, Centre de Guidance… Là par contre, au niveau du mandat, on a une difficulté ; on ne peut pas les évoquer en particulier en termes de « partenaires ». La difficulté est qu’il n’y a alors pas de feed-back ni d’obligation. Le secret professionnel peut poser problème, même s’il en existe aussi pour les services mandatés !
Quelle est la qualité de vos contacts avec ce « réseau » ?
C’est complexe. En ce qui concerne les services, dits de l’Aide à la Jeunesse, qui travaillent en famille (essentiellement les C.O.E. et les S.A.I.E.), notre difficulté majeure est qu’ils travaillent essentiellement avec des situations de « mineurs en danger » et très peu avec des dossiers de « mineurs délinquants». Donc, ils ont très peu de disponibilités pour ces derniers. Même chose pour les unités de placement à l’exception notoire des I.P.P.J. qui ne sont là QUE pour les « mineurs délinquants» même si on peut considérer que s’il n’y a pas de délinquance importante connexe, ce n’est pas le lieu le plus pertinent pour y
confier des jeunes qui ont une problématique de stupéfiant. En ce qui concerne les services qui sont hors du secteur strict de l’Aide à la Jeunesse, notre difficulté c’est l’échange d’information ! Il n’y a pas de lieu de concertation, de rencontre… C’est donc en fonction des connaissances de chacun (des Juges), des services dans la région, et des contacts personnels qu’on élabore ou qu’on n’élabore pas une « collaboration ». Et là, encore, il n’y a aucune cohérence, aucune pratique commune entre nous parce que ces rencontres-là ne sont pas institutionnalisées.
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Idéalement, que préconiseriez- vous?
Plein de choses… La première idée qui me vient comme ça à l’esprit, c’est qu’il faudrait mieux informer, les jeunes et surtout les parents, sur ce que c’est que le cannabis ! Ce que c’est que l’XTC, ce que c’est que la coke et ce que c’est que l’alcool !!! Deux, avoir des lieux d’échanges où se rassembleraient toutes les institutions, que ce soit subsidié par la Région, par la Communauté ou part l’Etat fédéral… toutes institutions qui de près ou de loin prennent en charge des jeunes ayant des problématiques de stupéfiant et alcool. Et qu’ils puissent y avoir des protocoles de collaboration. Exactement, qu’on élabore des protocoles de collaboration ! Trois, ce serait quand-même fichtrement intéressant que les choses soient plus transparentes, tant pour les parents que pour les jeunes, quant à ce qui est interdit et ce qui ne l’est pas sur le plan sociétal. Parce que ce n’est vraiment pas le cas maintenant ! Quatre, je trouve vraiment qu’il faudrait qu’il y ait une formation obligatoire pour les magistrats tant du Siège que du Parquet sur ce que sont les produits stupéfiants, ce que cela engendre comme difficultés de différents ordres tel que la santé,… Ce qui n’est pas du tout le cas. Dans l’esprit de beaucoup de magistrats il y a encore de zones d’ombres, d’angoisses, de choses imaginaires en ce qui concerne tout ça et ça a des conséquences sur le plan de la décision, évidemment !
Pourquoi donner ce statut différent au cannabis, pour le dépénaliser lui et pas
les autres drogues ?
Parce que l’usage de cannabis en tant que tel est beaucoup plus répandu que les autres produits stupéfiants et ça peut ne pas être problématique du tout. Mais la problématique reste l’interdit. Et là, ça n’a pas de sens ! Ce n’est pas la consommation en tant que telle qui est doit être un interdit mais ça peut être un sérieux problème, tout comme l’XTC… Beaucoup plus rare sont les cas de consommation non problématiques de cocaïne, ou d’XTC pour les jeunes ! C’est pas compliqué, tu peux aller au festival de Dour, tu as plein de jeunes là-bas qui n’ont pas la moindre difficulté et qui fument des pétards là-bas et puis c’est tout…ils ne sont pas désocialisés, ne sont pas déscolarisés… ils ont une vie complètement épanouie… même s’ils consomment de temps en temps du cannabis mais ça reste un interdit… pénal. Mais par contre, ça abattrait beaucoup de tabous chez les parents, qui eux font vraiment une distinction, qui ont en tête « cannabis = interdiction = grave = attention» et pas vis-à-vis de l’alcool, alors que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas l’interdit pénal qui fait que c’est problématique ou pas. Ca ne devrait pas être ça !
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Alcool et délinquance ?
Une différence notable avec l’alcool : c’est une consommation moins chère que celle du cannabis. 15 joints par jour, ça coûte quand même plus cher que 10 Cara Pils. L’alcool n’étant pas interdit en tant que tel, tu as beaucoup de consommation familiale, qui coûte moins cher pour le jeune. Mais il y a quand même un lien alcool-délinquance car l’alcool est un fameux désinhibant. Donc à prise d’alcool importante, beaucoup de fait de violence ! Ca on le voit ! Et là par contre, c’est souvent évoqué comme circonstance atténuante : « eh mais j’étais plein hein ». Ca c’est frappant. Manifestement, nous pouvons souvent faire un lien alcool-violence ! Ca je le ressens souvent, et comme une cause d’excuse pour de nombreux jeunes ! Ce qui a fichtrement tendance à m’irriter parce que je ne vois pas en quoi c’est une cause d’excuse… comme si on pouvait cautionner ce discours déresponsabilisant : « j’en peux rien, j’étais ivre ! ». Je n’accepte pas cela comme une excuse absolutoire ! Le jeune doit assumer ses responsabilités : il a décidé de s’enivrer et par conséquent de prendre le risque de devenir violent, il doit en tirer les conséquences sur le plan de la sanction ! Je ne considère donc pas cela comme une excuse absolutoire, même si je peux en comprendre le sens. On le voit très souvent, moi ça me frappe énormément, cette conception de « pour se marrer on doit être plein ». Il y a un vraiment un lien entre plaisir et consommation… C’est désolant ! C’est très frappant, et d’où un désinhibant comme ca qui fait en sorte qu’il y a des faits de violence générale, dont l’abus sexuel.
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Les « bonnes pratiques » sur le sujet :
Deux « bonnes pratiques » ont été extraites de la base de données réalisée grâce au projet européen « Ecett Pilote » et « Ecett ToI, », initiés tous deux par Trempoline et 7 partenaires européens dans le cadre de la formation continuée (programme llp - Leonardo da Vinci). Ces projets se sont inspirés de la méthode du compagnonnage. (www.compagnons-du-devoir.com). Pour plus d’informations et pour consulter la base des bonnes pratiques, visitez le site : www.ecett.eu- Onglet « e-learning » Grâce à ces projets européens et au projet « Mobility », les travailleurs/euses de Trempoline vont dans divers lieux de stages pour apprendre de nouvelles bonnes pratiques sur le traitement des assuétudes et la méthode des Communautés Thérapeutiques.
Titre : La prévention à travers la musique.
Auteur: Manuel Orellana Garcia (Proyecto Hombre).
Institution hôte : Communauté Thérapeutique de Gdansk (Monar)
Objectif : La Communauté Thérapeutique fournit un endroit pour que les jeunes de la ville puissent
pratiquer la musique. Ainsi, la CT devient un endroit ouvert et intégré dans la vie sociale et culturelle
de la collectivité.
Description
Cette bonne pratique consiste à rassembler, dans un même espace physique, les activités de
prévention et assistance à la population. D’un côté, le fait de pouvoir réunir les jeunes qui sont à
risque de consommation et de l’autre, ceux qui sont traités pour toxicomanie.
A travers cette activité, la CT est présentée à l'ensemble de la collectivité et de la ville comme un
espace ouvert, clair et transparent, et non comme un endroit clos et synonyme de réclusion.
Ils exploitent les mêmes ressources pour les différentes tâches, de prévention et de traitement. En
outre, cette activité est utilisée dans la région pour combler le temps libre des jeunes, puisque ces
moments-là sont, justement et pour la plupart d'entre eux, associés à la consommation de drogues.
Groupe cible : Les bandes musicales de jeunes de la ville.
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Titre : Ateliers sportifs comme formation à la vie pour deux jeunes toxicomanes en
CT.
Objectif général :Autonomie des ressources personnelles et des compétences sociales avec
l’utilisation des activités sportives telles que l'escalade, VTT, équitation, football, basket-ball,
randonnés ... pour motiver les résidents à bénéficier de l’usage et le profit des structures de loisirs.
Auteur :Antonio Jésus Molina, Thérapeute, Responsable des Formations Professionnelles à
Proyecto Hombre – Espagne.
Institution hôte : Monar (Gdansk), Centre de réhabilitation spécialisé depuis 1983 dans le travail
avec les jeunes usagers de drogues (filles et garçons) entre 16-22 ans qui habitent ou résident à la
CT à Monar. Le traitement est basé sur la méthode des communautés thérapeutiques.
Description de la bonne pratique :
Quand je suis arrivé à la CT de Monar à Gdansk (nord de la Pologne), Communauté pour jeunes
toxicomanes entre 16-22 ans, j'ai été surpris par l'utilisation pédagogique des différents ateliers et
activités de groupe dans un modèle de communauté thérapeutique afin d’augmenter et d’améliorer
l’emploi du temps de loisir chez les résidents.
La participation de tous les membres de la CT dans ces activités a été incluse dans le programme
de prévention des rechutes et des soins de santé avec les habitudes et les aptitudes incluses dans
la méthodologie CT comme n'importe quel autre outil thérapeutique.
Il s'agit d'une pratique habituelle de la CT à Monar : donner une formation spécifique à des activités
sportives à l’intérieur et l’extérieur de la Communauté (escalade, cyclisme, équitation, football,
basket-ball ...), en fonction de la saison et des conditions météorologiques.
Beaucoup plus étonnant, les activités sportives sont utilisées comme un moyen pour arriver à la
coopération avec d'autres institutions internationales et comme expérience avec la préparation des
matches de football avec la CT KETHEA en Grèce (après une visite des membres du personnel de
KETHEA à Gdansk).
Les fonds et les subventions sont pris en charge par des institutions publiques et des sponsors
privés (ex Decathlon) pour tout ce qui est l'obtention de matériaux sportifs et des ressources
financières.
Le niveau de satisfaction perçu chez les résidents de la CT en ce qui concerne leurs activités
sportives, est très élevé. L'implication des membres du personnel est censée être une compétence
de motivation et un moyen de créer un lien différent entre les thérapeutes et les résidents.
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Visite de projets Par Vanessa Tichon, responsable du service Kangourou à Trempoline
Dans le cadre d’un stage ECEtt (voir www.ecett.eu), Vanessa a visité plusieurs centres thérapeutiques afin de trouver des réponses à son questionnement professionnel sur la toxicomanie des adolescents.
Mes motivations pour ce projet
Il y a maintenant trois ans, je suis allée, dans le cadre d’un voyage B, visiter plusieurs centres pour adolescents. J’ai été étonnée de voir que les méthodes des CT pouvaient être adaptées à ce public. Et cela fonctionnait même très bien. Il est clair que des choses ont été adaptées en fonction du public, notamment au niveau des horaires mais la pertinence d’un tel projet a été pour moi une révélation et l’envie d’aller plus loin est arrivée avec la création du projet pilote. Souvent nous avons des appels venant des familles de jeunes toxicomanes qui ne savent pas où s’adresser pour trouver l’aide nécessaire. Je pense que le projet présenté est ambitieux mais tient compte de la réalité tant au niveau de la population qu’au niveau du développement et de l’adaptation au changement environnementaux pour l’institution.
Présentation des idées retenues
J’ai effectué trois voyages. Pour développer mon projet j’ai décidé de m’appuyer sur ce que j’ai vu à Lodz, en Pologne, à Séville, en Espagne et à Thessalonique en Grèce. Je développerai plus en détail chaque centre. Mon projet d’implémentation est basé sur deux axes majeurs : les adolescents toxicomanes toujours insérés dans leur milieu originel et les adolescents toxicomanes désocialisés. Je pense qu’il est important de distingués ces différences. Le terme adolescent est vague, je le définis concrètement entre 14 et 20 ans
Centre Thérapeutique, Monar, Lodz, Pologne
Il s’agit d’une communauté thérapeutique pour jeunes ayant entre 16 et 24 ans. Ils fonctionnent comme une CT classique au niveau de l’organisation (structure, cadre, règles) ainsi qu’au niveau thérapeutique (groupe, entretiens individuels, etc.) la grande différence se situe au niveau de l’emploi du temps. Qui dit jeune dit « obligation scolaire » il faut donc en tenir compte. C’est pour cela que les jeunes durant la journée sont, pour la plupart, à l’extérieur de la communauté. Soit ils sont à l’école, soit ils sont en formation, soit ils font du bénévolat à l’extérieur. Les groupes, les réunions, les entretiens ont lieu en soirée ou le we.
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Une des grandes ressources de ce public est la »non-retenue » j’ai été positivement étonnée de la confrontation bienveillante qu’il pouvait y avoir entre eux. Il y a énormément de responsabilité laissé au groupe, qui se gère quasi de manière autonome.
Proyecto joven, Proyecto Hombre, Seville,
Espagne
Centre ambulatoire pour jeunes entre 14 et 21 ans. Ce centre fonctionne en soirée. Il y a plusieurs étapes dans le programme. Les jeunes vivent en famille et sont scolarisés pour la plupart. La durée du programme varie entre 10 et 14 mois. L’implication de la famille est primordiale. Ils viennent deux à trois fois par semaine (en fonction de leur niveau), ils fonctionnent avec des objectifs hebdomadaires présentés et évalués en groupe et de manière individuelle avec le référent. L’axe de travail est basé sur la responsabilité et les normes, sur les groupes d’auto-aide, la gestion des temps libre, le développement d’un réseau social, l’amélioration des relations familiales.
Concelling program, Kéthéa Thessalonique, Grèce
Il s’agit ici d’un centre ambulatoire pour jeunes entre 14 et 18 ans. Dans un premier temps l’équipe rencontre le jeune et sa famille. Ensuite chacun est vu individuellement, on traite la demande des deux parties. Le jeune et sa famille sont suivit individuellement et des unifamiliales sont organisées pour travailler la relation.
- Le travail avec le jeune : Il y a le centre dans lequel il vient passer une après midi par semaine avec d’autres jeunes suivis. Différentes activités sont organisées, c’est là que le lien se crée avec l’équipe. En plus de cela il a des entretiens individuels dans lesquels sont traités ses problèmes de dépendance et un travail relationnel avec sa famille. On peut aussi décider d’orienter le jeune vers un programme thérapeutique ou vers une thérapie brève (2 à 6 mois).
- La famille : Soutien de la famille via des groupes de solidarité, de soutien, de parole.
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Rompre le silence sur les signes de détresse afin de résoudre les problèmes de façon constructive
plutôt que d’attendre une crise grave.
Apprendre à gérer les comportements problématiques et à orienter, le cas échéant, vers des
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Atelier de sensibilisation avec les jeunes (de 16 à 18 ans)
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des assuétudes.
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