Contribution à l’étude de la physiopathologie de l’anémie ... · C’est tout naturellement à l’anatomie pathologique que je me destinais, jusqu’à ma première entrevue

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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

FACULTE DE MEDECINE

Laboratoire d’Hématologie, CHU-Brugmann

Promoteur : Eric Sariban

Contribution à l’étude de la physiopathologie de l’anémieet de la thrombocytopénie associées à une affection

néoplasique chez l’enfant

Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de docteur en sciences médicales

Francis Corazza

Année académique 2007-2008

Remerciements

En clôturant ce travail, loin d’être terminé, ma première pensée va à tous ces enfants,dont le courage et le bon sens m’ont souvent aidé à relativiser bien des choses, lorsque deretour dans l’environnement confortable et sécurisant du laboratoire, j’étais confronté à desproblèmes au combien futiles en regard de ce qu’ils endurent quotidiennement.

Une particularité lorsqu’on termine un tel travail à un âge aussi avancé (du moins pourdétenir une carte d’étudiant) est que la liste des personnes que l’on souhaite remercierrisque fort de constituer un annuaire plus volumineux que le travail lui-même. Peu importe.

Je dois ma première immersion dans un laboratoire au professeur Nicolas Dourov. Sapatience et ses talents de pédagogues m’ont aidé à me plonger dans l’univers de lamicroscopie électronique et à appréhender tous les secrets du monocyte.

C’est tout naturellement à l’anatomie pathologique que je me destinais, jusqu’à mapremière entrevue avec le professeur Pierre Fondu, qui eut tôt fait de me détourner duchemin conduisant vers les salles d’autopsie pour m’attirer dans les méandres dessinusoïdes médullaires. Choix que je n’ai jamais regretté. En me permettant de reprendrel’infrastructure du laboratoire mis en place à l’époque par le professeur Naets, tout en melaissant une grande liberté dans le choix des projets, il m’a permis, parallèlement auxactivités cliniques du laboratoire, de mener un travail de recherche parfois hésitant maiscombien enrichissant.

Dès cette époque j’ai eu la chance de bénéficier de l’expertise de Martine Guns qui m’aappris la plupart des techniques de base permettant la survie dans un laboratoire derecherche, à une époque où tout était « home-made ». Martine je te remercie infiniment pourta compétence, ta patience et ton bon sens, même en face de mes idées parfois un peuloufoques.

Depuis le premier jour, j’ai eu le plaisir de travailler avec Anne Demulder. Ensemblenous avons probablement partagé plus de temps que chacun d’entre nous avec nosconjoints respectifs. Je te remercie pour la patience dont tu as toujours fait preuve poursupporter mon caractère parfois « lunaire ».

L’arrivée d’Eric Sariban, eut l’effet d’un turbocompresseur sur les activités derecherche du laboratoire. Avec lui aucun problème ne peut rester sans solution plus d’unejournée. Aucun obstacle n’est infranchissable. Je lui suis profondément reconnaissant pourses conseils précieux et son soucis de la perfection.

Je reste convaincu qu’on ne peut être pleinement efficace que lorsque l’ambiance detravail est agréable. Celle-ci n’a pu être assurée que par l’esprit d’équipe régnant entre lesbiologistes du laboratoire. C’est lui qui nous a permis de franchir les obstacles qui se sontsuccédé au fil des années. Merci à vous tous de m’avoir plus d’une fois épargné les tâchesde routine collectives pour me permettre de finir ce travail qui n’en finissait pas. Merciégalement de nous avoir permis d’occuper des surfaces dans vos laboratoires respectifs etd’utiliser divers matériels. Grâce à votre solidarité nous avons pu maintenir nos activitésmalgré les déménagements successifs imposés par la reconstruction de notre hôpital.

Je n’aurais jamais pu clôturer ce travail sans l’aide efficace et enthousiaste deChristophe Hermans et ensuite de Stéphanie D’Hondt, Je les remercie pour leur compétenceet leur disponibilité.

Je dois également beaucoup à toutes et tous les technologues du laboratoired’hématologie et coagulation pour leur compétence et leur dévouement, même lorsque jeleur demandais des comptages cellulaires jusque très tard le soir.

Contrairement à un adage qui dit que le centre de tri d’un laboratoire est l’endroit où« tout se perd », je peux témoigner de l’extrême professionnalisme de toutes les personnesqui ont fait que tous les échantillons sont toujours arrivés là où on les attendait.

De même, je remercie les technicien(ne)s des autres laboratoires qui, plus d’une fois,m’ont aidé à retrouver les derniers micro-litres du prélèvement précieux qu’il nous fallaitabsolument.

Mes premières collaborations scientifiques, c’est aux néphrologues que je les doisavec Max Dratwa, Françoise Janssen et plus tard Maria Mesquita. Je leur suis trèsreconnaissant pour leur collaboration amicale dans des projets divers à une époque oùj’étais encore novice.

Au sein du laboratoire, quand un problème semble ne pas avoir de solution chacun setourne vers Quentin de Vinck. Merci pour toutes ces années de complicité et ces pausesréconfortantes. Merci Hanane pour ton enthousiasme et pour la relecture attentive de cetravail.

Je remercie du fond du cœur toute l’équipe de l’unité d’hématologie-oncologie del’Hôpital des Enfants : Alice Ferster, Christine Devalck, Nadira Azzi, les infirmières etinfirmiers pour toutes ces années de collaboration professionnelle et amicale. C’est grâce àvous tous que ceci fut possible.

Au fil de ces années, de nombreuses personnes m’ont aidé d’une manière ou d’uneautre, quel que fût leur rôle, je voudrais les remercier : Yves Beguin, Yves Benoît, Jean-Marie Giot, Alain Kentos, Chantal Debusscher, Mustapha Bettar, Nabil El Zein, BrigitteCantinieaux, Véronique Kerrels, Marc Buyse, Geneviève Sturbois, Anne Uyttebroeck,Jacques Beff, Marc Paron,

Je peux vous dire combien le fait d’être entouré d’une famille équilibrée et d’amisfidèles peut aider dans les moments de doutes. Qu’ils sachent tous, et ils se reconnaîtront,combien leurs encouragements ou tout simplement leur présence ont été importants !

Vous mes parents, même si quelques fois j’ai pu percevoir une lueur d’inquiétude dansvos regards, vous m’avez toujours fait entièrement confiance et soutenu depuis mespremières dissections de souris dans le garage jusqu’au jour ou je vous ai annoncé que monsouhait le plus profond était de travailler dans un laboratoire. Pour tout : merci.

Je dédie ce travail à mon épouse : merci pour ta patience et ton soutien, ainsi qu’à nosenfants : le plus beau cadeau que nous aient fait le hasard et la nécessité réunis.

A véronique, Quynh Anh et Ming Hai

Pour tout ce temps que je vous ai volé.

Quand bien nous pourrions être savants du savoir d’autrui,

Au moins sages ne pouvons-nous être que de notre propre sagesse.

Montaigne

Résumé de thèse

L’objectif de notre travail était de déterminer le rôle joué par l’érythropoïétine et la

thrombopoïétine, respectivement, dans l’anémie et la thrombocytopénie observées

chez des enfants souffrant d’une hémopathie maligne.

Par le dosage simultané de la forme soluble du récepteur de la transferrine et de

l’érythropoïétine dans le sérum nous avons montré que l’anémie observée chez ces

patients est bien la conséquence d’une réduction du nombre de progéniteurs

érythropoïétiques (atteinte médullaire centrale) mais que celle-ci n’est pas la

conséquence d’une production insuffisante d’érythropoïétine. Nous avons fait la

même observation chez des enfants souffrant d’une tumeur solide non

hématologique et chez des patients en cours de traitement par chimiothérapie.

Chez ces derniers patients, en appliquant un modèle de culture de moelle à long

terme, nous avons pu démontrer l’existence d’une altération du micro-

environnement médullaire, probablement induite par la chimiothérapie, se

traduisant par une réduction de son aptitude à supporter le développement de la

lignée érythroïde. Ceci expliquant au moins partiellement l’inadéquation de la

réponse érythropoïétique observée chez ces patients en réponse à l’anémie.

Dans la dernière partie du travail, nous avons montré que la thrombocytopénie très

fréquemment observée chez les patients leucémiques s’accompagne dans la

majorité des cas d’une élévation exponentielle de la concentration de

thrombopoïétine, excepté dans les cas de leucémies de la lignée myéloïde. Chez ces

derniers la concentration de thrombopoïétine est proche des valeurs observées chez

des sujets normaux alors qu’elle devrait être 10 à 100 fois plus élevée compte tenu

du nombre de plaquettes extrêmement bas. Nous avons pu montrer que ces taux

très bas sont la conséquence de la liaison de la thrombopoïétine à un récepteur

spécifique et fonctionnel présent à la surface des cellules leucémiques myéloïdes

qui, en l’utilisant comme facteur de croissance, (stimulant leur prolifération et

retardant leur mort cellulaire) « consomment » la thrombopoïétine présente dans le

sérum.

- 1 -

Liste des abréviations

ADN Acide désoxyribonucléiqueAP-1 Activating protein-1AREB Anémie réfractaire avec excès de blastesAREB-t Anémie réfractaire avec excès de blastes en transformationARN Acide ribonucléiquemARN Acide ribonucléique messagerASCO American society of clinical oncologyASH American society of hematologyBFU-E Burst forming unit – erythroidBMMNC Bone marrow mononucleated cellsCCL3 Chemokine (CC motif) ligand 3 (cfr MIP1)CCR1,5,9 CC chemokine receptors 1, 5, et 9CFU-E Colony forming unit – erythroidCFU-F Colony forming unit – fibroblastCFU-GEMM colony-forming unit – granulocyte, erythroid, monocyte, megakaryocyteCFU-GM Colony forming unit – granulocyte monocyteCMP Common myeloid progenitor CMPCNTF Ciliary neurotrophic factorEPO ErythropoïétineEPO-R Récepteur de l’érythropoïétineESA Erythropoiesis stimulating agentsFCS Fetal calf serumFDA Food and drug administrationFGF-4 Fibroblast growth factors 4FITC Fluoresceine isothiocyanateG-CSF Granulocyte colony-stimulating factorGM-CSF Granulocyte-macrophage colony-stimulating factorGMP granulocytic/macrophagic progenitorHb HémoglobineHC HydrocortisoneHIF-1 Hypoxia induced factor-1HIF-1 Hypoxia induced factor-1HOXB4 Produit du gene homéobox B4HOXA9 Produit du gene homéobox A9HPP-CFU High proliferative potential-colony forming unitHS Horse serumICAM Intercellular adhesion moleculesIL1 Interleukine 1IL3 Interleukine 3IL6 Interleukine 6IL11 Interleukine 11IL12 Interleukine 12IRMA Immunoradiometric assayLAL Leucémie aiguë lymphoblastiqueLAM Leucémie aiguë myéloblastiqueLIF Leukemia inhibitory factorLTBMC Long-term bone marrow culture (Culture de moelle à long terme)MAPK Mitogen-activated protein kinaseMDS Syndrome myélodysplasiqueMIP1 Macrophage inflammatory protein-1 (cfr CCL3)MEP Megakaryocytic/erythroid progenitorPTI Purpura thrombopénique idiopathiqueMpl Protéine codée par le gène c-mpl cfr TPO-Rc-mpl Myeloproliferative leukemia cellular proto-oncogene

- 2 -

v-mpl Myeloproliferative leukemia virus oncogenePI3K Phosphatidyl inositol 3 kinaseSDF-1 Stromal cell-derived factor-1SCF Stem cell factor (ligand du c-Kit)Shc src homology 2 domain-containing transduction proteinSHIP1 SH2 (Src homology 2)-containing inositol phosphatase-1SHU Syndrome hémolyse-urémieSOCs Suppressors of cytokine signallingSTAT Signal Transducers and Activators of Transcription proteinsTfR Forme soluble du récepteur de la transferrineTfR Récepteur de la transferrineTGF1 Transforming growth factor 1TNF Tumour necrosis factor TPO ThrombopoïétineTPO-R Récepteur de la thrombopoïétine cfr MplTRAP Thrombin receptor agonist peptideVEGF Vascular endothelial growth factorVHL Protéine de Von Hippel Lindau

- 3 -

Table des matières

I. Introduction ........................................................................................ 5

A. Physiologie de l’érythropoïèse ....................................................................................... 61. Les étapes de l’érythropoïèse ..................................................................................... 6

2. Contrôle par l’érythropoïétine : production, action, régulation.................................. 8

3. Rôle du micro-environnement médullaire dans le contrôle de l’hématopoïèse. ...... 10

4. Rôle des inhibiteurs de l’érythropoïèse .................................................................... 11

5. Mesure quantitative de l’érythropoïèse par le dosage de la forme soluble du

récepteur de la transferrine............................................................................................... 13

6. Relation entre la concentration d’érythropoïétine circulante et le taux

d’hémoglobine dans différentes formes d’anémie ........................................................... 15

B. Physiologie de la mégacaryopoïèse et de la thrombopoïèse ........................................ 161. Les étapes de la mégacaryopoïèse et de la thrombopoïèse ...................................... 16

2. Contrôle humoral de la mégacaryopoïèse ................................................................ 16

3. Mécanisme d’action de la thrombopoïétine. ............................................................ 17

a) Récepteur de la thrombopoïétine.......................................................................... 17b) Voies de transduction ........................................................................................... 18c) Rôle physiologique............................................................................................... 19d) Mécanisme de contrôle de la concentration de TPO circulante ........................... 20

4. Applications thérapeutiques et nouveaux agonistes de la TPO................................ 22

C. Anémie associée à une affection néoplasique .............................................................. 231. Caractéristiques de l’anémie associée au cancer...................................................... 23

2. Mécanismes de l’anémie associée au cancer............................................................ 24

a) Inhibition de l’érythropoïèse ................................................................................ 24b) Réduction de la durée de vie des hématies........................................................... 24c) Production insuffisante d’érythropoïétine ............................................................ 24d) Altération de l’utilisation du fer ........................................................................... 25

3. Traitement de l’anémie du cancer ............................................................................ 26

4. Traitement de l’anémie du cancer chez l’enfant ...................................................... 27

D. Mécanismes des altérations de l’érythropoïése induites par la chimiothérapie anti-cancéreuse. ........................................................................................................................... 29

1. Altérations de l’érythropoïèse induites par la chimiothérapie ................................. 29

2. Effets de la chimiothérapie sur les cellules souches ................................................ 29

3. Effet de la chimiothérapie sur la production d’érythropoïétine ............................... 29

4. Effet de la chimiothérapie sur le micro-environnement médullaire......................... 30

- 4 -

E. Physiopathologie de la thrombocytopénie associée à une hémopathie maligne. ......... 311. Thrombocytopénie et cancer : .................................................................................. 31

2. Mécanismes de la thrombocytopénie associée à une leucémie................................ 31

3. Mécanismes de la thrombocytopénie post-chimiotérapie ........................................ 32

4. Thrombopoïétine et leucémie................................................................................... 32

a) Expression du récepteur de la TPO par les cellules leucémiques ........................ 32b) Effets biologiques de la TPO sur les cellules leucémiques. ................................. 33

II. Objectifs du travail .......................................................................... 34

III. Résultats........................................................................................ 37

A. Anemia in children with cancer is associated with decreased erythropoietic activityand not with inadequate erythropoietin response. ................................................................ 37

1. Résumé ..................................................................................................................... 37

2. Discussion ................................................................................................................ 44

B. Bone marrow stroma damage induced by chemotherapy for acute lymphoblasticleukaemia in children. .......................................................................................................... 46

1. Résumé ..................................................................................................................... 46

2. Discussion ................................................................................................................ 52

C. Circulating thrombopoietin as an in vivo growth factor for blast cells in acute myeloidleukemia. .............................................................................................................................. 54

1. Résumé ..................................................................................................................... 54

2. Discussion ................................................................................................................ 64

IV. Discussion générale et conclusions .................................................... 68

V. Perspectives ...................................................................................... 71

VI. Table des figures............................................................................. 73

VII. Index............................................................................................. 74

VIII. Annexes......................................................................................... 75

A. Etude de l’expression du TPO-R par cytométrie en flux. ............................................ 75

B. Mesure de l’expression du TPO-R par le test de Kolmogorov-Smirnov. .................... 77

IX. Thèse annexe ................................................................................. 79

X. Bibliographie ..................................................................................... 81

- 5 -

I. Introduction

’anémie et la thrombocytopénie sont deux complications fréquentes des

néoplasies ainsi que de leur traitement.

L’anémie qui se rencontre chez 30 à 65 % des patients souffrant d’un

cancer affecte la qualité de vie et assombrit le pronostic de la maladie. Elle est

secondaire à la pathologie cancéreuse elle-même ou aux traitements

cytotoxiques administrés.

De même la thrombocytopénie complique plus de 60% des cycles de

chimiothérapie/radiothérapie et l’hémorragie massive reste l’une des principales

causes de mortalité chez ces patients. Elle est également très fréquente chez le

patient leucémique avant tout traitement.

L’érythropoïèse et la mégacaryopoïèse/thrombopoïèse sont chacune sous le

contrôle précis d’une hormone, respectivement l’érythropoïétine (EPO) et la

thrombopoïétine (TPO). De nombreux travaux se sont penchés sur les

mécanismes de développement de l’anémie et dans une moindre mesure de la

thrombocytopénie associée au cancer. L’objectif étant d’identifier si un déficit en

l’un des facteurs de croissance contrôlant ces lignées participe à la

physiopathologie de ces cytopénies et d’évaluer si l’administration d’une forme

exogène de ces facteurs pouvait constituer une option thérapeutique. C’est dans

ce contexte que s’inscrit notre travail entamé il y a déjà plus de 10 ans.

Le traitement par EPO recombinante permet une réduction de l’anémie et des

besoins transfusionnels chez de nombreux patients cancéreux (entre 40 et 85%)

bien que les doses nécessaires soient plus élevées que dans l’insuffisance rénale.

Récemment, l’effet de l’EPO sur la survie des patients cancéreux a fait l’objet

d’une controverse très vive, plusieurs études ayant suggéré un effet défavorable

sur l’évolution de la maladie cancéreuse. Quant à l’utilisation thérapeutique de la

TPO recombinante, elle fut interrompue en 2000 suite au développement

d’anticorps anti-TPO responsables d’une thrombocytopénie sévère chez des

volontaires sains. La mise au point de molécules mimant l’effet de la TPO tout en

évitant son effet immunogène a récemment redonné un nouvel élan aux projets

d’applications cliniques dans diverses formes de thrombocytopénie.

L’objectif principal de notre travail était de déterminer la place d’un éventuel

déficit en EPO et en TPO dans le développement de l’anémie et de la

thrombocytopénie observées chez des enfants souffrant d’une néoplasie.

L

- 6 -

A.Physiologie de l’érythropoïèse

La durée de vie des globules rouges est en moyenne de 120 jours, ce qui dans

une situation stable implique le renouvellement quotidien de 0.8 à 1% de

l’ensemble des hématies circulantes requérant la production de 2.5 x 1011

globules rouges. L’équilibre entre les hématies nouvellement produites et celles

qui sont éliminées maintient un pool d’hématies circulantes très stable. Une

réponse érythropoïétique est rapidement déclenchée dès que l’oxygénation

tissulaire (rénale) est compromise soit par réduction du nombre d’hématies soit

lorsqu’une capacité de transport d’oxygène accrue est nécessaire (réduction de

l’apport d’oxygène). Cette stimulation de l’érythropoïèse est intégrée dans une

boucle régulatrice dont nous allons succinctement rappeler les principales étapes.

1. Les étapes de l’érythropoïèse

Les hématies comme toutes les cellules sanguines sont issues des cellules

souches hématopoïétiques, celles-ci représentant à peine 0.1 % des cellules

médullaires. Ce pool de cellules souches se maintient dans un état stable, sans

déplétion, par division asymétrique en une cellule souche identique et une cellule

progénitrice s’engageant dans une voie de différenciation. Seulement 5% des

cellules souches sont en phase active du cycle cellulaire. Les autres, quiescentes

restent en phase G0 ou G1 du cycle cellulaire, état leur conférant une protection

contre les évènements génotoxiques1. Bien que la plupart des cellules souches

résident dans la moelle osseuse, un petit nombre d’entre elles ainsi que les

progéniteurs engagés circulent dans le sang périphérique. Les progéniteurs

érythroïdes se différencient selon un schéma comportant différentes étapes

décrites dans la Figure 1.

- 7 -

Figure 1 : Etapes de l’érythropoïèse.

(Hematology, basic principles and practice, 4th Ed. R. Hoffman)

Ces progéniteurs sont des cellules morphologiquement indistinctes des

progéniteurs des autres lignées hématopoïétiques. Les différents stades de

progéniteurs ont été définis par le type de colonies auxquelles ils donnent

naissance lorsqu’ils sont cultivés en milieu semi-solide. Ainsi, chaque BFU-E

(pour « Burst Forming Unit-Erythroid ») donne naissance après deux semaines

de culture à une grande colonie composée de multiples agrégats cellulaires plus

ou moins espacés pouvant contenir jusqu’à 30000 érythroblastes. Plus les

progéniteurs se différencient plus les colonies qu’ils génèrent sont de petite taille

et se développent rapidement. La CFU-E (Colony Forming Unit-Erythroid), stade

précédant immédiatement le proérythroblaste, forme une colonie de 7 à 50

érythroblastes en 7 jours. C’est à ce stade également que les composants de la

membrane et du cytosquelette commencent à apparaître parmi lesquels figurent

les antigènes érythrocytaires2 et les molécules d’adhésion3. Ces dernières sont

responsables, par leur interaction avec la matrice extracellulaire, de la

séquestration des précurseurs hématopoïétiques dans l’espace médullaire durant

leur prolifération et leur différentiation. C’est notamment la perte de certaines de

ces molécules d’adhésion qui permet aux réticulocytes d’être libérés de la moelle

osseuse lorsque leur différenciation est terminée4.

(CFU-GEMM)

- 8 -

2. Contrôle par l’érythropoïétine : production, action, régulation

Même si d’autres facteurs de croissance hématopoïétiques tels que le GM-CSF,

l’IL3 et le ligand du c-kit (SCF) influencent les étapes précoces de l’érythropoïèse

(CFU-GEMM, BFU-E), la production des hématies est essentiellement sous le

contrôle de l’ EPO. Celle-ci est produite pour 90% par les cellules interstitielles

péri-tubulaires du cortex rénal sous la dépendance de l’oxygénation tissulaire.

D’autres sites de production quantitativement moins significatifs ont été

documentés (foie, cerveau, testicule, poumon, rate, placenta, moelle osseuse,

ovaire). En réponse à l’hypoxie la sécrétion d’EPO s’accroît par recrutement d’un

plus grand nombre de cellules productrices. Ceci se traduit par une relation

exponentielle entre la concentration sérique d’EPO et l’hématocrite (ou la

concentration sanguine d’hémoglobine) classiquement observée chez des

patients dont la synthèse rénale d’EPO est intacte (Figure 2A).

Figure 2 : Relation entre le taux d’hémoglobine et la concentration sérique d’EPO.

Ce mode de régulation constitue la boucle de contrôle maintenant bien connue

(Figure 2B) : toute diminution du taux d’hémoglobine (ou de l’hématocrite) induit

une augmentation de la concentration sanguine d’EPO.

Après des années de recherche d’un hypothétique « senseur » de l’oxygène, on

sait maintenant que la production d’EPO est sous le contrôle de HIF-1 (Hypoxia

Inducible Factor), facteur de transcription composé de 2 sous-unités (HIF-1 et

A B

- 9 -

HIF-1) contrôlant l’expression d’une centaine de gènes connus, impliqués

notamment dans l’érythropoïèse et l’angiogénèse, parmi lesquels outre le gène

de l’EPO figurent ceux de la transferrine et du VEGF (Vascular endothelial growth

factor). En situation normale, une proline hydroxylase hydroxyle HIF-1 ce qui le

rend reconnaissable par la protéine VHL qui permet son ubiquitination le

destinant à être dégradé par le protéasome. Toute hypoxie tissulaire entraîne

une diminution de l’hydroxylation de HIF-1 se traduisant par une augmentation

de sa concentration intracellulaire avec pour conséquence une augmentation de

l’expression des gènes dont il a le contrôle, notamment celui de l’EPO5,6,7 (Figure

3).

Figure 3 : Contrôle de la production d’EPO par le facteur de transcription HIF-1.

(JT Prchal, N Engl J Med 2003, référence 7).

L’élimination de l’EPO reste mal comprise. Seule une faible quantité est détectée

dans les urines. Le rôle des cellules cibles (par le biais d’une internalisation du

complexe EPO/récepteur) dans l’élimination de l’EPO a été indirectement suggéré

dans de nombreuses situations cliniques et expérimentales8,9,10,11,12. Celle-ci

pourrait constituer une explication à l’observation qui avait déjà été faite il y a

plus de 40 ans que pour un même degré d’anémie la concentration d’EPO sérique

observée est plus élevée en cas d’aplasie médullaire (moelle pauvre en

- 10 -

progéniteurs érythroïdes) qu’en cas d’anémie hémolytique13 (moelle riche en

progéniteurs érythroïdes).

L’EPO permet la survie, la différenciation et la maturation des cellules

érythroïdes. Le point de contrôle majeur se situe probablement au niveau des

CFU-E, stade de progéniteurs où la densité de l’expression du récepteur de l’EPO

(EPO-R) atteint un maximum (Figure 5). Ce récepteur apparaît au stade BFU-E,

notamment sous l’effet de l’IL3 et du GM-CSF et diminue progressivement au

cours de la différenciation érythroblastique pour disparaître complètement dès le

stade réticulocyte. Les hématies n’expriment donc pas l’EPO-R ce qui, nous le

verrons, constitue une différence fondamentale entre l’érythropoïèse et la

thrombopoïèse. Des BFU-E et des CFU-E peuvent être générées en l’absence

d’EPO mais celle-ci est indispensable à la survie de ces dernières et à leur

différenciation terminale. Les données provenant de souris chez lesquelles le

gène de l’EPO ou de son récepteur a été inactivé (knock-out) démontrent le rôle

essentiel joué par cette hormone dans la production des hématies puisque ces

animaux meurent à l’âge gestationnel de 13 jours et montrent une absence

totale de cellules érythropoïétiques14. La similitude des observations faites chez

les animaux déficients soit en EPO soit en son récepteur confirme l’existence d’un

seul récepteur pour l’EPO et d’un seul ligand pour l’EPO-R.

3. Rôle du micro-environnement médullaire dans le contrôle de

l’hématopoïèse.

Dans les espaces médullaires, les cellules hématopoïétiques sont séquestrées

dans des îlots (niches) constitués par les cellules stromales qui produisent les

cytokines et facteurs de croissance nécessaires à leur développement. Le terme

de « cellules stromales » couvre une population hétérogène incluant des

fibroblastes, des macrophages, des cellules dendritiques, des cellules T, ainsi que

des ostéoblastes15. La matrice extracellulaire produite par ces cellules fournit un

support adhésif composé de collagène, fibronectine, réticuline, thrombospondine,

des protéoglycanes (héparan sulfates) et la laminine16. Par ailleurs, comme déjà

mentionné, un nombre important de molécules d’adhésion (intégrines, ICAM-

Intercellular adhesion molecules-, sélectines) sont exprimées à la surface des

cellules hématopoïétiques. L’intensité de leur expression varie au cours de la

- 11 -

maturation cellulaire de telle manière que les interactions entre les cellules

hématopoïétiques et la matrice extracellulaire contrôle la rétention des

précurseurs dans la moelle osseuse jusqu’à la phase finale de leur différenciation

et jouent probablement un rôle important dans le phénomène de « homing »

conduisant les cellules souches à rejoindre les espaces médullaires après

transplantation17,4.

4. Rôle des inhibiteurs de l’érythropoïèse

Le contrôle fin de la production des cellules sanguines repose sur un équilibre

délicat entre les facteurs de croissance hématopoïétiques et des facteurs

inhibiteurs de l’hématopoïèse. Les principales molécules inhibitrices de

l’érythropoïèse sont l’IL1, le TNF, les TGF, l’IFN et le MIP1 18, 19,20.

L’IL1 est produite essentiellement par les monocytes même si pratiquement

toutes les cellules peuvent l’exprimer. Elle ne semble pas influencer

l’hématopoïèse de manière directe mais en induisant l’expression d’autres

cytokines inhibant ou stimulant la croissance des progéniteurs. Les souris

doublement déficientes en IL1 et IL1 ne présentent pas d’anomalies

hématologiques. Cependant l’administration in vivo d’IL1 induit à court terme

une neutrophilie et accélère la récupération post-greffe et, à long-terme, une

anémie et une déplétion en CFU-E, notamment via la production d’IFN et de

TNF.

Le TNF produit essentiellement par les monocytes, lymphocytes et fibroblastes

en réponse à une inflammation, exerce un effet complexe qui résulte d’une

inhibition directe de l’hématopoïèse et d’un effet indirect par l’induction de la

production de facteurs de croissance21. Il semble que l’effet négatif l’emporte

globalement car les souris déficientes en récepteur TNFR1 (p55) présentent une

cellularité médullaire accrue, une hyperplasie des progéniteurs myéloïdes et

érythroïdes ainsi qu’une augmentation des cellules sanguines circulantes22.

Le TGF dont il existe au moins 4 isoformes (TGF1 en est le mieux étudié) est

impliqué dans le contrôle du cycle cellulaire de nombreuses cellules normales ou

néoplasiques. Il existe sous une forme latente qui est activée au contact de la

matrice extracellulaire. De manière isolée, le TGF n’exerce un effet inhibiteur

sur l’hématopoïèse que lorsqu’il est en présence d’autres facteurs dont il module

- 12 -

l’effet, notamment en modifiant l’expression de leur récepteur. Il s’agit

néanmoins d’un effet direct qui dépend du stade de différenciation de la cellule

cible : excepté sur la lignée plaquettaire dont il inhibe toutes les étapes, il inhibe

les stades peu différenciés et stimule la prolifération des stades tardifs de la

granulopoïèse (CFU-GM) et la différenciation terminale de l’érythropoïèse. Chez

l’animal, l’absence de TGF entraîne une réduction de 90% des progéniteurs

hématopoïétiques les plus primitifs suggérant un rôle essentiel dans

l’homéostasie de ces cellules.

Il faut également noter que les cellules néoplasiques secrètent de grandes

quantités de TGF qui pourrait jouer un rôle crucial dans le développement ou la

progression de la maladie cancéreuse en induisant une tolérance immune, en

stimulant l’angiogénèse et en favorisant l’essaimage de cellules métastatiques

dans certains tissus23,24.

Tous les interférons sont des inhibiteurs potentiels de l’hématopoïèse mais

l’IFN est l’un des plus puissants inhibiteurs de l’érythropoïèse25 . Le mécanisme

par lequel s’exerce cette inhibition implique l’induction d’une apoptose

(notamment par le biais de la formation de céramides), une « down-regulation »

de l’expression du récepteur de l’EPO et d’autres facteurs de croissance26 et la

formation de radicaux libres notamment par les macrophages voisins des

érythroblastes18. Par contre il stimule la prolifération et la différenciation des

CFU-GM.

Figure 4 : Facteurs stimulants et facteurs inhibiteurs influençant les différentes étapes de l’érythropoïèse.

Rectangles = stimulants, Ovales= inhibiteurs. (Bertero et al. Haematologica 1997 référence 20).

- 13 -

Enfin, véritable prototype de la famille des chemokines, le MIP1 également

appelé CCL3 fut initialement identifié comme un inhibiteur des cellules souches

hématopoïétiques. C’est en effet un inhibiteur du cycle cellulaire agissant

également sur les CFU-GEMM, BFU-E et CFU-GM27,28. Son administration in vivo a

pour effet une myélosuppression via un effet direct indépendant de toute autre

cytokine. Il faut noter qu’il existe de multiples redondances entre les chemokines

de telle sorte qu’une chemokine peut se lier à plus d’un récepteur (MIP1 peut

reconnaître CCR1, CCR5 et CCR9) et un récepteur peut fixer plusieurs membres

de la famille. Par son effet inhibiteur sur les cellules souches, il a été proposé

comme moyen de protection de l’hématopoïèse vis à vis des traitements

cytotoxiques29,30. Sa propension à former des polymères inactifs a nécessité la

création d’une forme génétiquement modifiée pour pouvoir être administré in

vivo31.

5. Mesure quantitative de l’érythropoïèse par le dosage de la

forme soluble du récepteur de la transferrine

La plupart des cellules de l’organisme expriment le récepteur de la transferrine

(TfR) qui représente la porte d’entrée pour le fer nécessaire à la synthèse des

protéines hémiques. Ils sont très abondants sur les cellules de la lignée rouge

synthétisant de l’hémoglobine (Figure 5).

- 14 -

Figure 5 : Expression des récepteurs de l’érythropoïétine et de la transferrine aux différentes étapes del’érythropoïèse.

Modifié d’après Hematology, Basic principles and practice 4th Ed. Hoffmann.

Ils atteignent un maximum de 800000/cellule sur les érythroblastes

polychromatophiles, pour redescendre à 100000/cellule sur les réticulocytes et

disparaître complètement sur les hématies mûres32,33. Une forme soluble du TfR

(sTfR) est produite par clivage enzymatique et se retrouve dans le sérum en

quantité proportionnelle à la totalité des récepteurs membranaires présents dans

l’organisme. Or 80% des sTfR sont localisés sur les cellules érythropoïétiques et

une relation constante existe entre les récepteurs membranaires et la forme

soluble présente dans le sérum, de telle sorte que le dosage du sTfR sérique offre

un reflet assez exact de la masse érythropoïétique médullaire34,35,36. Du moins en

l’absence de carence en fer car celle-ci a la propriété d’induire une augmentation

du nombre de récepteurs par cellule conduisant à une augmentation du sTfR

sérique en l’absence de stimulation de l’érythropoïèse37. L’expression du TfR

membranaire est comme celle de l’EPO ou du VEGF sous le contrôle du facteur

de transcription HIF1 et donc également inductible par l’hypoxie38,39 (Figure 3).

En présence d’un nombre normal de cellules souches hématopoïétiques et d’une

fonction médullaire normale, l’érythropoïèse et donc le sTfR sérique s’accroît en

fonction de la sévérité de l’anémie via une augmentation exponentielle du taux

- 15 -

d’EPO. Ceci se traduit par une relation exponentielle inverse entre la

concentration du sTfR et l’hématocrite, analogue à celle observée pour l’EPO.

6. Relation entre la concentration d’érythropoïétine circulante et

le taux d’hémoglobine dans différentes formes d’anémie

Comme nous l’avons signalé précédemment, lorsqu’une anémie est purement

d’origine centrale, on observe une élévation de la concentration sérique d’EPO

par le mécanisme déjà évoqué. Dans l’insuffisance rénale terminale, le déficit

sévère en EPO est la cause principale de l’anémie comme l’a démontré l’efficacité

du traitement par EPO recombinante. Cependant, dans diverses pathologies,

malgré une fonction rénale intacte, la production réactionnelle d’EPO semble

insuffisante par rapport aux valeurs attendues compte tenu du degré d’anémie. Il

s’agit notamment de l’anémie du prématuré, de l’anémie associée au SIDA40,41 ou

à l’arthrite rhumatoïde de l’adulte42, le myélome multiple43,44 l’anémie post-

transplantation allogénique45. Nous verrons cependant que dans le domaine de la

cancérologie, des résultats variables et parfois contradictoires ont été observés

(voir revue46).

En revanche, une production adéquate d’EPO a été observée dans l’anémie

ferriprive47 (généralement considérée comme la population de référence pour

définir l’adéquation de la production d’EPO) ainsi que dans l’aplasie médullaire48

et les syndromes myélodysplasiques49,50 où les taux sanguins d’EPO peuvent

même dépasser les valeurs attendues.

- 16 -

B. Physiologie de la mégacaryopoïèse et de la thrombopoïèse

1. Les étapes de la mégacaryopoïèse et de la thrombopoïèse

Les plaquettes sont de petits fragments cellulaires anucléés libérés dans le

torrent circulatoire par les mégacaryocytes. Comme toutes les cellules

hématopoïétiques, le développement des mégacaryocytes résulte d’une cascade

d’évènements sous le contrôle de cytokines et facteurs de croissance spécifiques.

Comme nous l’avons vu pour l’érythropoïèse, le micro-environnement médullaire

contribue également à ce processus. En particulier, les interactions entre les

mégacaryocytes médullaires et certains composants du stroma médullaire sont

critiques pour la production des plaquettes. Ainsi, le SDF-1 et le FGF-4, tous

deux produits par les cellules stromales, influent sur la migration des

mégacaryocytes du compartiment endostéal des cellules souches vers la zone

vascularisée des espaces médullaires où les mégacaryocytes adhèrent aux

sinusoïdes médullaires51. Cette interaction avec les cellules endothéliales semble

essentielle à la maturation terminale du mégacaryocyte et à la production

plaquettaire.

2. Contrôle humoral de la mégacaryopoïèse

Le taux de plaquettes circulantes varie d’un individu à l’autre, tout en restant

dans un intervalle relativement étroit chez un même sujet en situation normale.

En cas de nécessité, par exemple en cas de destruction immunologique des

plaquettes ou en phase de récupération après une chimiothérapie, la production

de plaquettes peut être multipliée par 10. Parmi les nombreuses cytokines

agissant sur la lignée plaquettaire, certaines stimulent la prolifération des

progéniteurs mégacaryocytaires52 (GM-CSF, IL3, IL6, IL11, IL12, Oncostatin M,

CNTF et l’EPO), d’autres agissent sur la maturation du mégacaryocyte et la

production de plaquettes53 (IL1, LIF).

Bien que l’existence d’un facteur thrombopoïétique spécifique fut suggérée dès

195854, ce n’est qu’en 1994 que la thrombopoïétine et son gène furent identifiés.

C’est l’étude d’un virus responsable d’un syndrome myéloprolifératif chez la

souris, de son oncogène (v-mpl) et du proto-oncogène cellulaire correspondant

- 17 -

(c-mpl) qui furent le point de départ de cette découverte55. En effet, par sa

séquence, ce dernier était apparenté à la famille des récepteurs des facteurs de

croissance. Dès lors, plusieurs équipes se lancèrent à la recherche du ligand de

ce nouveau récepteur orphelin. Methia et al. firent ensuite le lien entre ce

nouveau récepteur orphelin et la mégacaryopoïèse en montrant qu’un

oligonucléotide anti-sens spécifique du produit de ce gène abolissait électivement

la croissance des progéniteurs mégacaryocytaires in vitro56. Ces travaux

permirent le clonage du ligand de ce récepteur57,58,59,60,61 qui s’avéra être le

principal facteur de croissance contrôlant la thrombopoïèse que tant de travaux

avaient tenté d’identifier pendant plus de 30 ans.

La TPO est une glycoprotéine (comme tous les facteurs de croissance

hématopoïétiques) présentant une grande homologie de structure avec l’EPO

dont elle partage les 153 premiers acides aminés62, ainsi que de nombreuses

analogies. Les modèles animaux ont montré qu’en l’absence complète de TPO, le

taux de plaquettes sanguines est réduit de 90% mais les plaquettes produites

semblent fonctionnelles et morphologiquement normales. Aucun des facteurs

actuellement connus (IL6, IL11, IL3, EPO) ne semble à lui seul responsable de

cette production résiduelle. Cette situation est analogue à ce que l’on observe

chez des animaux déficients en G-CSF chez qui la production des polynucléaires

neutrophiles est fortement réduite mais non nulle63, ce qui diffère de

l’érythropoïèse comme déjà évoqué14.

3. Mécanisme d’action de la thrombopoïétine.

a) Récepteur de la thrombopoïétine

Le récepteur de la TPO (TPO-R), produit du proto-oncogène c-mpl, appartient à

la famille des récepteurs des facteurs de croissance hématopoïétiques de type I.

En plus d’un motif commun aux divers récepteurs des cytokines, ceux-ci

comportent un domaine intracellulaire contenant de courtes séquences capables

de se lier à diverses kinases intracellulaires et molécules de transduction.

Sur les cellules normales, ce récepteur est exprimé essentiellement sur les

plaquettes, les mégacaryocytes et leurs précurseurs, et dans une moindre

mesure sur les cellules endothéliales et dans le système nerveux central.

L’expression de ce récepteur semble constitutive mais sa densité d’expression est

- 18 -

modulée par son internalisation qui suit la fixation de la TPO. Il existe au moins 4

iso-formes de ce récepteur (par épissage alternatif) différant par leur activité

biologique64. Parmi ceux-ci certains comportent une délétion de la portion

intracellulaire (Mpl-K65) ou de la portion extracellulaire (Mpl-del66). L’isoforme

Mpl-tr qui comporte une délétion de la portion transmembranaire exerce un effet

négatif sur la réponse à la TPO probablement en induisant une diminution

d’expression de la forme sauvage du TPO-R. L’isoforme K quant à lui, est

incapable de transmettre un signal intracellulaire, cependant il ne semble pas

interférer avec la fonction du récepteur fonctionnel, étant incapable de former un

dimère avec lui67. Bien que la proportion de ces différents isoformes varie d’un

tissu à l’autre il n’y a actuellement pas de preuve qu’une régulation s’exerce par

ce biais. Néanmoins, la proportion de ces différents isoformes pourrait expliquer

la discordance observée sur certains types cellulaires entre l’expression du

récepteur et l’absence d’effet biologique de la TPO.

Le TPO-R est exprimé à un niveau relativement faible : on estime de 25 à 100 le

nombre de récepteurs présents à la surface d’une plaquette68,69.

b) Voies de transduction

La liaison de la TPO sur son récepteur induit une cascade d’évènements. La

plupart des connaissances à ce sujet proviennent de l’étude de l’EPO-R et de ses

mécanismes de transduction. Les deux récepteurs existent en l’absence de leur

ligand sous la forme d’un homodimère dont les portions intracellulaires sont

relativement éloignées. La fixation du ligand engendre une modification

conformationelle conduisant au rapprochement des domaines

intracytoplasmiques permettant aux deux molécules JAK qui y sont fixées de

s’activer mutuellement, ce qui représente la première étape de l’activation

intracellulaire. Ces kinases phosphorylent le récepteur lui-même et diverses

molécules impliquées dans le contrôle de la prolifération et de la survie : STATs,

PI3K, MAPKs et d’autres qui modèrent le signal intracellulaire : SHIP1

phosphatases, SOCs (Figure 6).

Les principales voies de transduction sont, d’une part la voie JAK/STAT impliquée

dans la stimulation de la prolifération, la voie de la PI3Kinase/Akt (prolifération

et différenciation) et la voie Shc/ras/MAPK qui conduit à une augmentation de

l’expression du gène c-fos 70,71,72 dont le produit Fos, en se combinant à Jun

- 19 -

forme le facteur de transcription AP-1 contrôlant l’expression de nombreux gènes

impliqués dans la prolifération, la différenciation et les fonctions cellulaires.

Figure 6 : Voies de transduction du récepteur de la thrombopoïétine.

(A. Geddis. Cytokine Growth Factor Rev 200262).

c) Rôle physiologique

La TPO agit sur les différentes étapes de la mégacaryopoïèse et de la

thrombopoïèse. Elle stimule la prolifération des progéniteurs mégacaryocytaires

et le phénomène d’endomitose conduisant à l’élargissement des mégacaryocytes.

Elle accroît ainsi non seulement le nombre de mégacaryocytes mais également

leur taille et leur ploïdie. Elle stimule également la maturation cytoplasmique du

mégacaryocyte permettant la formation de plaquettes fonctionnelles.

Comme nous l’avons vu, les plaquettes expriment un TPO-R fonctionnel. A une

concentration physiologique la TPO ne semble pas influencer à elle seule la

fonction plaquettaire mais elle augmente sa sensibilité aux divers agonistes

(ADP, collagène, TRAP) notamment via la voie de la PI3 kinase73,74. Cependant,

la signification in vivo de cette observation est incertaine, vu l’absence de

phénomènes d’activation plaquettaire ou de thromboses au cours des différents

essais cliniques ainsi que dans les divers modèles animaux investigués75.

- 20 -

Enfin, on sait par l’étude des souris dont les gènes de la TPO ou de son récepteur

ont été invalidés, que la TPO agit également au niveau de la cellule souche

hématopoïétique, vu la diminution de toutes les cellules sanguines observée chez

ces animaux76,77. En effet, les diverses voies de signalisation intracellulaire

activées par la TPO aboutissent notamment à une augmentation de l’expression

de facteurs de transcription tels HOXB478, HOXA979 et Fos70,80 dont l’importance

dans l’homéostasie du pool des cellules souche a été bien démontrée. La TPO

s’est d’ailleurs révélée être un excellent facteur d’amplification des cellules

souches in vitro81.

L’administration de TPO ne semble cependant pas avoir un effet significatif in

vivo sur la production de leucocytes et d’hématies.

d) Mécanisme de contrôle de la concentration de TPO circulante

Dès qu’une méthode de dosage de la TPO fut disponible, les premiers travaux

montrèrent que sa concentration circulante était inversement corrélée avec la

masse de plaquettes et de mégacaryocytes. Ainsi les patients présentant une

thrombocytopénie d’origine centrale telle qu’observée dans une aplasie

médullaire idiopathique ou secondaire à un traitement myélosuppresseur,

montraient une concentration sanguine très élevée de TPO82,83,84.

Or, L’ARN messager (mARN) de la TPO, abondamment exprimé dans le foie et

accessoirement dans les reins, ne semble pas augmenter dans la plupart des cas

de thrombocytopénie, ce qui suggère que la production de TPO est constante

dans ces organes85. Un autre argument en faveur d’une production constitutive

est le fait que chez des souris « knock-out » hémizygotes (souris chez lesquelles

un seul allèle du gène de la TPO a été inactivé) la concentration de TPO est

réduite de moitié par rapport aux souris normales. Ce qui confirme qu’il n’y a pas

d’augmentation compensatoire de l’expression du gène intact86.

Néanmoins, malgré cette expression constante, une boucle de régulation de la

concentration de TPO en fonction du taux de plaquettes a été clairement

identifiée. Ce retro-contrôle s’exerce au niveau de la consommation plutôt qu’au

niveau de la production, reposant sur l’élimination de la TPO circulante par le

biais de sa fixation sur les récepteurs plaquettaires et mégacaryocytaires (Figure

7). Ainsi, lorsque le taux de plaquettes sanguines s’effondre, le nombre de

- 21 -

récepteurs capables de fixer la TPO diminue. Celle-ci voit sa concentration

augmenter, stimulant la prolifération des mégacaryocytes et ramenant les

plaquettes à leur niveau normal. Plusieurs travaux ont montré que les plaquettes

exprimant un TPO-R fonctionnel étaient capables de fixer la TPO et d’internaliser

le complexe ainsi formé87,68,69. Inversément, les souris déficientes en TPO-R

montrent des taux de TPO très élevés88. Ce modèle a été confirmé par diverses

observations cliniques, notamment le taux de TPO très élevé chez un patient

thrombopénique chute rapidement après transfusion de plaquettes89.

Figure 7 : Régulation de la concentration circulante de TPO en fonction du taux de plaquettes.

(Kaushansky K. N Engl J Med. 1998 90).

- 22 -

Rapidement, il apparut que dans certaines situations cliniques la concentration

de TPO en fonction du taux de plaquettes ne correspondait pas aux valeurs

prédites par le modèle de contrôle proposé. Il s’agit notamment des

thrombocytopénies dues à une destruction excessive des plaquettes : purpura

thrombopénique idiopathique (PTI)91 ou syndrome hémolyse urémie (SHU)92. La

concentration de TPO relativement basse dans ces situations est généralement

attribuée à l’hyperplasie des mégacaryocytes médullaires qui contribuent

probablement à la consommation de la TPO. De même, dans les syndromes

myélodysplasiques de haut grade (associés à un excès de blastes) certains ont

décrit une concentration de TPO plus faible que dans les formes de bas grade et

ce pour un même degré de thrombocytopénie en évoquant l’hypothèse d’une

surexpression du récepteur93,94.

4. Applications thérapeutiques et nouveaux agonistes de la TPO

L’utilisation de certaines cytokines capables de stimuler la production de

plaquettes (IL3, IL6, IL11) avait été très décevante : effet thérapeutique minime

et/ou effets secondaires importants (fièvre, effets systémiques).

Les premiers essais cliniques de la TPO montrèrent un effet favorable sur le taux

de plaquettes circulantes dans diverses applications cliniques. Toutes les études

furent cependant interrompues après l’observation d’un anticorps neutralisant

réagissant de manière croisée avec la TPO endogène résultant en une

thrombocytopénie sévère chez des volontaires normaux95 .

Les efforts furent alors concentrés sur le développement d’agonistes non

immunogènes96,97. Il s’agit d’une part de peptides ne présentant pas d’homologie

de séquence avec la TPO native (AMG531), de petites molécules non peptidiques

actives par voie orale (eltrombopag98), et enfin, d’anticorps anti-TPO-R ayant un

effet agoniste. Des études cliniques sont en cours pour certaines de ces

molécules, notamment pour le traitement du PTI et de la thrombocytopénie

associée aux syndromes myélodysplasiques.

- 23 -

C. Anémie associée à une affection néoplasique

L’anémie est l’anomalie hématologique la plus fréquente chez les patients

présentant une affection néoplasique, touchant plus de 50% des patients99

ce

qui, à l’échelle des Etats Unis par exemple, représente plus de 900000

patients100. Une étude européenne a récemment évalué que 72 % des patients

avec une hémopathie maligne et 66 % des patients avec une tumeur solide

développent une anémie au cours de l’évolution de leur maladie101.

L’anémie étant un facteur pronostic indépendant de la survie, elle représente un

élément important dans le suivi de ces patients. Notamment, il est maintenant

bien démontré que l’anémie même modérée réduit l’efficacité de la radiothérapie

et de la chimiothérapie probablement en aggravant l’hypoxie tissulaire, facteur

de résistance au traitement102. Enfin, au cours des dix dernières années, une

attention plus importante a été accordée à l’impact de l’anémie sur la fatigue et,

d’une manière plus générale, sur la qualité de vie du patient, elle-même étant un

facteur pronostic majeur.

Les principaux facteurs potentiellement impliqués dans le développement de

l’anémie chez les patients cancéreux sont les saignements, l’hypersplénisme,

l’hémolyse, les déficiences nutritives, l’hémophagocytose, l’infiltration médullaire,

la chimiothérapie, la radiothérapie.

Cependant, même en l’absence de ces facteurs et à distance des traitements par

chimiothérapie ou radiothérapie l’anémie reste un événement fréquent chez ces

patients103. C’est à cette dernière forme que se réfère généralement le terme

d’anémie du cancer dont les mécanismes et les caractéristiques biologiques sont

similaires à ceux observés dans l’anémie inflammatoire (« anemia of chronic

disease » des anglo-saxons).

1. Caractéristiques de l’anémie associée au cancer

Il s’agit généralement d’une anémie hypoproliférative de moyenne importance

(Hb rarement inférieure à 8 g/dl) normocytaire ou légèrement microcytaire

typiquement observée chez des patients présentant une activation aiguë ou

chronique du système immunitaire telle qu’on peut voir lors d’une infection,

- 24 -

d’une maladie inflammatoire ou d’une néoplasie. L’une de ses caractéristiques

est une hypoferrémie malgré des réserves en fer abondantes dans le tissu

macrophagique.

2. Mécanismes de l’anémie associée au cancer

Chez l’adulte, les mécanismes physiopathologiques en ont été disséqués et sont

de 4 types (Figure 8):

a) Inhibition de l’érythropoïèse

Nous avons déjà mentionné l’existence d’inhibiteurs de l’érythropoïèse. Le rôle

joué par certaines cytokines inflammatoires (TNF, IL1, IFN, TGF) souvent

élevées dans ce contexte clinique a été bien démontré18, 104.

Notamment, le TNF, l’IL1 et l’IFN inhibent la croissance des progéniteurs

érythroïdes in vitro, effet qui peut être partiellement compensé en augmentant

considérablement la concentration d’EPO dans le milieu de culture104,105,106. De

même, l’injection de TNF induit une anémie chez la souris107.

b) Réduction de la durée de vie des hématies

On sait depuis longtemps que la durée de vie des hématies est réduite chez les

patients présentant une anémie inflammatoire telle que dans l’arthrite

rhumatoïde et ce d’une manière proportionnelle à la concentration d’IL1108. Il en

est de même chez des animaux exposés au TNF109. Cela peut s’expliquer par

une hémolyse prématurée (néocytolyse) secondaire au déficit en EPO110,111, par

une augmentation de l’érythrophagocytose secondaire à l’activation des

monocytes, ainsi que par une augmentation de la rigidité de la membrane

érythrocytaire secondaire à la production de radicaux libres qui représentent un

second messager pour de nombreuses cytokines inflammatoires112.

c) Production insuffisante d’érythropoïétine

Il a été démontré qu’à l’instar de l’anémie inflammatoire, l’anémie du cancer est

associée dans certains cas à une production d’EPO endogène insuffisante,

inappropriée compte tenu de la sévérité de l’anémie comparativement à d’autres

formes d’anémie d’origine extra-rénale113 (par exemple l’anémie ferriprive). Cette

- 25 -

observation a offert une base rationnelle au traitement par érythropoiétine

recombinante. Par la suite, une production insuffisante d’EPO a été bien

documentée dans le myélome multiple43,44, chez les patients ayant reçu un

traitement à base d’un dérivé du platine, par le biais de la toxicité rénale114,115,

ou une transplantation médullaire allogénique45.

Une production excessive d’IL1 et de TNF, outre son effet inhibiteur sur

l’érythropoïèse, pourrait également inhiber la production rénale d’EPO comme

montré en 1992 par Jelkmann116,117 et Faquin118 sur des cultures de cellules

d’hépatoblastome et sur des reins de rat perfusés ex-vivo. Cette inhibition est

probablement due, au moins en partie, à une production de radicaux libres qui

d’une part affectent les facteurs de transcription contrôlant l’expression de l’EPO

et d’autre part peuvent altérer les cellules rénales productrices d’EPO.

Ces cytokines peuvent ainsi affecter l’érythropoïèse à la fois en réduisant le taux

d’EPO et en réduisant son effet sur les progéniteurs.

d) Altération de l’utilisation du fer

Une des caractéristiques de l’anémie associée tant aux syndromes

inflammatoires qu’à un cancer est une altération du métabolisme du fer

consistant en une diminution de l’absorption intestinale du fer et sa séquestration

à l’intérieur des macrophages ce qui conduit à une diminution de sa disponibilité

pour la synthèse de l’hémoglobine.

Ces altérations sont probablement au moins en partie induites par les cytokines

inflammatoires. En effet, des souris auxquelles on injecte de manière répétée de

l’IL1 ou du TNF développent non seulement une anémie mais également une

hypoferrémie119.

Depuis peu, on sait que la plupart de ces altérations peuvent être reproduites au

moins en partie par une production excessive d’hepcidine120. Il s’agit d’un petit

peptide (25 aa) ayant une activité anti-bactérienne121 appartenant à la famille

des protéines de la phase aiguë et dont la concentration est influencée par le fer.

Son expression est également induite par les lipopolysaccharides et l’IL6 et est

inhibée par le TNF122. Une surexpression de l’hepcidine entraîne une anémie

ferriprive sévère chez la souris120,123. En cas d’inflammation, une souris déficiente

en hepcidine ne développe pas d’hypoferrémie ce qui démontre son rôle central

dans l’altération du métabolisme martial associée aux

- 26 -

syndromes inflammatoires122. C’est en liant et en induisant une rapide

internalisation de la ferroportine, transporteur membranaire permettant la

libération du fer hors du macrophage et son absorption à la base de l’entérocyte,

que l’hepcidine induit une hypoferrémie et une séquestration du fer dans les

macrophages124.

Figure 8 : Mécanismes potentiellement impliqués dans l’anémie associée au cancer.

(Adapté d’après Bohlius J, Nat Clin Pract Oncol. 2006125).

3. Traitement de l’anémie du cancer

Actuellement, nombreuses sont les études qui ont montré que l’EPO peut au

moins réduire la sévérité de l’anémie, les besoins transfusionnels et accroître la

« qualité de vie » chez le patient atteint d’un cancer. Cependant, de nombreux

patients ne répondent pas au traitement même avec des doses très élevées. Par

conséquent, malgré les recommandations internationales de traiter les patients

anémiques sous chimiothérapie, quelques études ayant évalué le rapport coût

bénéfice de ce traitement ont abouti à la conclusion que l’administration d’EPO

en routine génère globalement un bénéfice modéré par rapport au coût très

élevé. Alors que jusque là peu d’études avaient évalué l’impact du traitement par

EPO sur l’espérance de vie du patient, au cours de ces dernières années,

- 27 -

plusieurs travaux ont suscité une certaine inquiétude quant à d’éventuels effets

négatifs à long terme126,127,128. Il s’agit d’études randomisées qui ont démontré

soit une réduction de la survie soit une évolution défavorable de la maladie chez

des patients cancéreux recevant un agent stimulant l’érythropoïèse. Même si

pour certaines de ces études la méthodologie a été critiquée, l’inquiétude

suscitée fut suffisante pour justifier l’établissement de nouvelles recommandation

émises par l’ASH et l’ASCO129 ainsi qu’une mise en garde par la FDA130,131

mettant notamment l’accent sur un danger potentiel d’administrer des doses trop

élevées chez des patients ne recevant pas de chimiothérapie concomitante, et

déconseillant l’usage d’un agent stimulant l’érythropoïèse (ESA) chez des

patients présentant une pathologie cancéreuse potentiellement curable.

4. Traitement de l’anémie du cancer chez l’enfant

L’anémie est également une complication fréquente chez l’enfant atteint d’un

cancer et présente généralement, comme chez l’adulte, une étiologie multi-

factorielle. A la différence de ce qui fut décrit chez l’adulte, la majorité des

travaux, quoique moins nombreux, ayant étudié les taux d’EPO sérique chez

l’enfant atteint d’une néoplasie ont observé des valeurs élevées en fonction de la

sévérité de l’anémie, témoignant d’un mécanisme en feedback fonctionnant de

manière adéquate chez la plupart des patients132,133,134. Seule une fraction de

ceux-ci (20%) s’écartaient de la relation physiologique et montraient des valeurs

plus élevées ou plus basses que celles attendues132.

Comme chez l’adulte, l’anémie affecte non seulement la qualité de vie mais peut

avoir un impact négatif sur la réponse au traitement. Bien que les transfusions

sanguines soient un traitement efficace des symptômes de l’anémie, elles

peuvent conduire à des effets secondaires tels qu’infections, alloimmunisation, et

surcharge en fer.

Chez l’enfant, plus encore que chez l’adulte, l’efficacité de l’EPO dans le

traitement de l’anémie du cancer est encore l’objet de controverses. Les

premières études moins nombreuses et sur des effectifs plus réduits n’avaient

pas permis de démontrer de manière formelle une efficacité135,136,137,138.

- 28 -

Shankar et al ont récemment revu l’ensemble des études cliniques publiées139.

Sur les quelques études randomisées seules la moitié suggèrent une réduction

généralement modeste des besoins transfusionnels et une seule étude rapporte

un effet favorable sur la qualité de vie. Bien que la plupart du temps, ce point

n’ait pas été investigué, nous n’avons aucune preuve d’un effet favorable sur la

survie des patients.

En outre, de manière totalement inattendue, l’EPO combinée au G-CSF en

support du traitement intensif des neuroblastomes de mauvais pronostic semble

augmenter les besoins transfusionnels.140

Plus récemment, deux études randomisées un peu plus importantes n’ont pas

apporté d’information nouvelle141,142.

Enfin, les inquiétudes concernant l’impact négatif sur la survie, provenant des

récentes études chez l’adulte accroît davantage la réticence à utiliser l’EPO chez

l’enfant. La FDA a d’ailleurs récemment recommandé de ne pas utiliser l’EPO en

cas de néoplasie potentiellement curable, situation fréquente chez l’enfant.

- 29 -

D.Mécanismes des altérations de l’érythropoïése induites par la

chimiothérapie anti-cancéreuse.

1. Altérations de l’érythropoïèse induites par la chimiothérapie

Un effet myélosuppresseur variable est associé à la plupart des agents

cytostatiques utilisés dans le traitement du cancer. Leur action pour la plupart

ciblée sur les cellules en phase active du cycle cellulaire s’exerce principalement

sur les étapes de l’hématopoïèse associées à une prolifération

importante (stades CFU-E et erythroblastes pour l’érythropoïèse). Plus l’effet

cytotoxique est marqué et plus les stades précoces de l’érythropoïèse sont

affectés et plus le temps de récupération sera long.

2. Effets de la chimiothérapie sur les cellules souches

De nombreux travaux ont révélé l’existence d’une altération quantitative et

qualitative du pool de cellules souches hématopoïétiques pouvant persister très

longtemps après la fin du traitement d’un cancer, particulièrement après un

traitement intensif (leucémie myéloblastique, transplantation médullaire)143, 144,

145, 146, 147, 148, 149, 150, 151. Les mécanismes sous-jacents de cette atteinte sont

restés très longtemps mal compris. En effet, il n’est pas certain que l’effet

toxique de la chimiothérapie s’exerce de manière directe sur les cellules souches.

Celles-ci consistant en une population cellulaire relativement quiescente, elles ne

représentent théoriquement pas une cible privilégiée pour la majorité des

molécules utilisées dans le traitement du cancer, dont l’activité cytostatique

s’exerce préférentiellement sur les cellules en phase active du cycle cellulaire

(phase S, mitose).

3. Effet de la chimiothérapie sur la production d’érythropoïétine

Comme dans l’anémie du cancer, les dosages d’EPO chez les patients sous

chimiothérapie ont montré des résultats variables selon la maladie et la nature

du traitement. Dans l’étude de Miller et al, un certain nombre de patients

présentant des valeurs basses d’EPO étaient sous traitement113. Les molécules

ayant une toxicité rénale telles que les dérivés du platine, ont indéniablement un

- 30 -

effet négatif sur la production d’EPO152,153. Hormis ces molécules, le déficit en

EPO semble lié à la pathologie plutôt qu’au type de chimiothérapie reçu.

Inversement, plusieurs auteurs ont montré une élévation du taux d’EPO au cours

des deux premières semaines de traitement par chimiothérapie telle que le

méthotrexate à haute dose ; celle-ci débutant même chez certains patients avant

la moindre chute de l’hémoglobine154,8. Les mécanismes de cette élévation ne

sont pas clairs mais celle-ci pourrait être le témoin d’une forme de catabolisme

de l’EPO par les cellules érythropoïétiques bien que la rapidité d’élévation de

l’EPO dans certains cas évoque un effet plus direct de la molécule sur les cellules

rénales155,133.

4. Effet de la chimiothérapie sur le micro-environnement

médullaire.

Comme évoqué dans le chapitre I-A-3, le micro-environnement médullaire joue

un rôle essentiel dans la prolifération et la différenciation des progéniteurs

hématopoïétiques.

Plusieurs études ont montré le rôle essentiel joué par le micro-environnement

médullaire dans le maintien de l’intégrité du pool de cellules souches. Celles-ci

ont abouti ces dernières années à la définition du concept de « niche »

hématopoïétique156,157. Il est possible que les altérations du pool de cellules

souches soient une conséquence de l’effet délétère du traitement cytotoxique sur

le micro-environnement médullaire.

La chimiothérapie, particulièrement lorsque administrée à haute dose (tel qu’en

conditionnement d’une transplantation médullaire), affecte la capacité du stroma

à supporter l’hématopoïèse158,159,160. Bien qu’une réduction du nombre de

progéniteurs des cellules stromales (CFU-F) ait été invoquée158, il n’existe pas de

corrélation stricte entre leur nombre et la fonction de support exercée par le

stroma sur l’hématopoïèse151,160. Certains ont suggéré que l’altération de cette

fonction de support pouvait être associée à l’induction par certains agents de

chimiothérapie de la production de molécules inhibitrices161.

Un argument clinique fréquemment invoqué en faveur d’une altération du micro-

environnement médullaire est l’observation des résultats de transplantation

médullaire d’autant moins bon que le patient a reçu des cycles de traitement

intensifs et nombreux. En 2000 le groupe de Zanjani a apporté une

- 31 -

démonstration expérimentale de l’importance des cellules stromales en montrant

qu’après greffe de cellules souches humaines chez le fœtus de mouton, la

persistance des cellules greffées pouvait être accrue par co-transplantation de

cellules stromales autologues ou allogéniques162.

Bien que la chimiothérapie et la radiothérapie soient généralement considérées

comme des traitements affectant directement la cellule néoplasique il existe de

plus en plus de données indiquant que ces traitements agissent également sur

les cellules environnementales telles que le stroma tumoral, les cellules du

système immunitaire ainsi que le micro-environnement médullaire notamment en

induisant la production de cytokines. Ces effets « collatéraux » peuvent non

seulement participer au développement d’une partie des effets secondaires,

comme l’anémie, mais également renforcer l’action anti-tumorale du traitement

d’une manière significative163.

E. Physiopathologie de la thrombocytopénie associée à une

hémopathie maligne.

1. Thrombocytopénie et cancer :

La thrombocytopénie observée chez le patient souffrant d’une tumeur solide est

généralement attribuable au traitement par chimiothérapie et radiothérapie164.

Par contre, en cas de leucémie aiguë, elle est le plus souvent présente et sévère

avant tout traitement. Suite au succès des applications thérapeutiques des

formes recombinantes du G-CSF et surtout de l’EPO, beaucoup d’espoirs

reposèrent sur les potentialités thérapeutiques de la TPO recombinante. Comme

nous l’avons vu, après un intermède de quelques années, le développement de

nouveaux agonistes du TPO-R a réouvert de nouvelles perspectives

thérapeutiques et, en même temps, relancé le débat concernant l’expression

éventuelle du TPO-R par les cellules néoplasiques96.

2. Mécanismes de la thrombocytopénie associée à une leucémie

La thrombocytopénie présente dès le diagnostic dans la majorité des leucémies

est, comme les autres cytopénies, secondaire à l’infiltration médullaire massive

- 32 -

par les cellules blastiques et donc, associée à une réduction du nombre de

mégacaryocytes médullaires.

3. Mécanismes de la thrombocytopénie post-chimiotérapie

La thrombocytopénie est une observation quasi constante au cours du traitement

d’induction d’une leucémie aiguë et une complication fréquente du traitement des

tumeurs solides. Elle s’explique, à l’instar de l’anémie, par l’effet des agents

cytotoxiques qui la plupart du temps induisent une déplétion en précurseurs

hématopoïétiques ayant pour conséquence une réduction du nombre de cellules

sanguines qui persiste jusqu’à ce que le tissus hématopoïétique se reconstruise :

c’est l’aplasie post-chimiothérapie. La lignée mégacaryocytaire n’y fait pas

exception et les plaquettes sont souvent les dernières à rejoindre les valeurs

normales.

4. Thrombopoïétine et leucémie

a) Expression du récepteur de la TPO par les cellules leucémiques

L’expression du Mpl ou TPO-R a été observée tant au niveau du mARN165 qu’au

niveau protéique dans 40 à 80% des leucémies aiguës myéloblastiques,

quelqu’en soit le type morphologique ou l’immunophénotype, bien que,

proportionnellement, son expression ait été plus fréquemment observée dans les

formes érythroblastiques et mégacaryoblastiques166,167. Le nombre de récepteurs

a été estimé à 500 par blaste en moyenne (jusqu’à 2500) 168. Cette expression

est associée dans certaines séries à un mauvais pronostic : lien avec anomalie

cytogénétique défavorable169, taux plus faible de rémission complète170 ou plus

courte durée de rémission complète, voire de survie171. Cette valeur pronostique

reste valable après ajustement pour l’âge, la leucocytose, la cytogénétique ainsi

que l’expression du CD34.

De même, dans les syndromes myélodysplasiques, le TPO-R est exprimé dans un

tiers des cas et semble avoir une signification pronostique, étant associé à un

risque accru d’évolution en leucémie aiguë et une survie médiane plus courte172.

Les leucémies lymphoblastiques (LAL) ont été moins fréquemment étudiées et

des résultats contradictoires ont été observés. Alors que plusieurs

auteurs165,173,167 n’ont pas mis en évidence le TPO-R à la surface des blastes

- 33 -

lymphoïdes, Takeshita et al.168 l’ont détecté sur un faible nombre de LAL par une

mesure en cytométrie de la liaison de TPO marquée. Par la suite, Iijima et al.174

confirmèrent l’expression du TPO-R (mARN et protéine) par les blastes dans

13/17 lignées lymphoïdes B. La plus forte expression ayant été observée en

association avec une translocation impliquant le 11q23. Bien que le mARN fut

détecté dans 3 cas de lignées leucémiques T, aucune d’entre elles n’exprimait le

récepteur membranaire.

b) Effets biologiques de la TPO sur les cellules leucémiques.

L’effet de la TPO sur la prolifération ou la survie des cellules leucémiques a été

testé dans de nombreuses études. Selon les travaux, entre 20%175 et 70%173 des

leucémies myéloblastiques (LAM) exprimant le TPO-R montrent en présence de

TPO une réponse proliférative, une diminution de l’apoptose ou, plus rarement,

une différenciation mégacaryocytaire. De la même manière que pour

l’expression du récepteur, un effet de la TPO s’observe avec tous les types

morphologiques de LAM, même si cette réponse est plus fréquente et plus

intense avec les leucémies érythroïdes ou mégacaryoblastiques.

De manière similaire la TPO augmente la prolifération et la proportion de blastes

au départ de cellules médullaires de patients présentant une AREB176.

Enfin, les rares travaux ayant mis en évidence le récepteur sur des leucémies

lymphoïdes B ont également montré dans un faible nombre de cas, une réponse

proliférative en réponse à la TPO168,174, médiée par une phosphorylation de

JAK2174, effet suggérant la possibilité d’un TPO-R fonctionnel sur certaines

lignées leucémiques lymphoïdes.

- 34 -

II.Objectifs du travail

Les deux complications hématologiques les plus fréquentes des néoplasies et de

leur traitement sont l’anémie et la thrombocytopénie. L’existence pour chacune

de ces deux lignées d’un facteur de croissance « spécifique » -respectivement

l’EPO et la TPO- bien identifié et disponible sous plusieurs formes

pharmacologiques ont amené de nombreuses équipes à s’interroger sur leur

éventuelle implication dans le développement de diverses formes cliniques

d’anémies et de thrombocytopénies. La rareté des données pédiatriques à ce

sujet et le danger de transposer automatiquement à l’enfant des données

observées chez l’adulte nous a incité à explorer certains aspects

physiopathologiques de l’anémie et de la thrombocytopénie observées chez des

enfants souffrant d’une affection néoplasique.

Chapitre III. A :

Etant donné que :

1- La maladie cancéreuse induit fréquemment une activation du système

immunitaire s’accompagnant, comme dans les syndromes inflammatoires

chroniques, d’une production excessive de cytokines potentiellement

inhibitrices pour l’érythropoïèse.

2- L’effet inhibiteur de ces cytokines sur l’érythropoïèse peut s’exercer à deux

niveaux :

a. Elles peuvent inhiber la production rénale d’EPO116.

b. Elles peuvent également inhiber directement la prolifération des

progéniteurs érythroïdes malgré une concentration adéquate d’EPO.

3- Une production insuffisante d’EPO à été invoquée comme mécanisme de

l’anémie chez les patients adultes souffrant d’un cancer113.

4- Le traitement par EPO chez les patients cancéreux corrige au moins

partiellement l’anémie chez une majorité des patients adultes bien que les

doses nécessaires soient considérablement plus élevées que chez les

insuffisants rénaux.

5- Bien que moins nombreuses que chez l’adulte, certaines études cliniques

pédiatriques suggéraient une moindre efficacité de l’EPO dans le

traitement de l’anémie associée au cancer chez l’enfant.

- 35 -

Nous avons étudié la production d’EPO sérique chez des enfants chez qui un

diagnostic de leucémie ou de tumeur solide venait d’être posé. Ceci afin de

déterminer si comme chez l’adulte une production insuffisante d’EPO pouvait

expliquer l’anémie associée au cancer chez l’enfant. Afin d’objectiver la nature

centrale de l’anémie chez ces patients, nous avons quantifié la stimulation

érythropoïétique par le dosage du sTfR dans le sérum.

Nous avons également étudié un certain nombre de ces patients alors qu’ils

étaient en cours de traitement de leur affection néoplasique.

Chapitre III. B :

Etant donné que :

1- Au cours de la première partie de notre travail, nous avons constaté

l’existence d’une inhibition importante de l’érythropoïèse malgré une

concentration élevée d’EPO sérique et ce chez tous les patients, qu’ils

souffrent d’une leucémie ou d’une tumeur solide, ou qu’ils soient en cours

de traitement par chimiothérapie pour l’une de ces affections.

2- Les mécanismes de l’altération de l’hématopoïèse par la chimiothérapie ne

sont pas entièrement expliqués. En effet, les cellules souches et les

progéniteurs hématopoïétiques les plus primitifs responsables de la

reconstitution hématopoïétique à long terme sont, pour la plupart, dans un

état quiescent (étape G0 du cycle cellulaire) et de ce fait ne devraient pas

être une cible pour la plupart des agents de chimiothérapie. Cependant, il

a été démontré qu’il persiste après chimiothérapie intensive une altération

tant quantitative que qualitative des cellules souches hématopoïétiques

persistant très longtemps après la fin du traitement.

3- Il a été montré, in vitro, que certaines molécules utilisées en

chimiothérapie peuvent altérer le micro-environnement médullaire161.

Nous avons essayé de répondre aux questions suivantes :

- Le modèle de cultures de moelle à long-terme permet-il de

confirmer l’existence chez des enfants sous traitement d’entretien

pour une LAL d’une inhibition de l’érythropoïèse telle que reflétée

dans la première partie du travail.

- 36 -

- Si oui, le stroma médullaire reconstitué in vitro dans ce modèle

montre-t-il une altération qualitative ou produit-il des facteurs

inhibiteurs pouvant expliquer l’altération de l’hématopoïèse.

Chapitre III. C :

Etant donné que :

1- Après l’anémie, la thrombocytopénie est l’anomalie hématologique la plus

fréquente chez les patients présentant une maladie cancéreuse et ceci

étant particulièrement vrai pour les hémopathies malignes.

2- En cas de thrombocytopénie d’origine centrale (aplasie médullaire, purpura

amégacaryocytaire) la concentration de TPO circulante s’élève de manière

exponentielle, constituant une boucle de régulation analogue à celle de

l’EPO, bien que le mécanisme contrôlant la concentration circulante diffère

pour ces deux facteurs de croissance.

3- Dans certaines formes de thrombocytopénie la concentration de TPO

semble ne pas s’élever suffisamment par rapport aux valeurs attendues

compte tenu de la sévérité de la thrombocytopénie : il s’agit notamment

des syndromes myélodysplasiques s’accompagnant d’un excès de blastes.

Nous avons tenté de déterminer si l’élévation de la concentration de TPO en

réponse à la thrombocytopénie était adéquate chez des enfants présentant une

leucémie aiguë. En d’autres termes, si la boucle de régulation contrôlant la

mégacaryopoïèse et la thrombopoïèse est conservée chez ces patients.

- 37 -

III. Résultats

A.Anemia in children with cancer is associated with decreased

erythropoietic activity and not with inadequate erythropoietin

response.

F Corazza, Y Beguin, P Bergmann, M André, A Ferster, C Devalck, P Fondu, MBuyse, E Sariban.

Blood, 92 : 1793-1798, 1998.

1. Résumé

Le but de la première partie de notre travail fut d’évaluer si l’anémie affectant

fréquemment l’enfant souffrant d’une tumeur solide ou d’une leucémie, avant ou

pendant son traitement, s’accompagnait comme décrit chez l’adulte113, d’une

production insuffisante d’EPO. De plus, afin de déterminer si l’anémie de ces

patients était bien secondaire à une insuffisance médullaire (origine centrale)

nous avons quantifié la stimulation de l’érythropoïèse chez ces patients en

mesurant simultanément la concentration sérique du sTfR, dont nous avons

précédemment précisé la valeur en tant que marqueur quantitatif de

l’érythropoïèse36.

Nous avons mesuré par une méthode IRMA la concentration sérique de l’EPO

chez des enfants souffrant d’une leucémie (n=55) ou d’une tumeur solide (n=56)

au moment du diagnostic, avant tout traitement ou transfusion. Les valeurs

d’EPO furent exprimées en fonction de la concentration d’hémoglobine sanguine

telle que classiquement représentées. Afin d ‘évaluer l’adéquation de la

production d’EPO en réaction à l’anémie et à l’hypoxémie tissulaire qui en

découle, nous avons comparé cette relation avec celle observée dans un groupe

contrôle composé d’enfants présentant une anémie ferriprive. En effet, il a été

maintes fois démontré que ces patients présentent une production d’EPO intacte

et adéquate par rapport à la sévérité de l’anémie se traduisant par une