Contribution à la Consultation publique de la Commission ...ec.europa.eu/competition/consultations/2011_collective_redress/... · collectif en droit boursier et financier est une

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    Rponse la consultation de la Commission europenne sur le recours

    collectif / Consultation on Collective Redress (avril 2011)

    Contribution dAlexandre BIARD, tudiant en Droit conomique 1

    Remarques liminaires :

    Les recours collectifs2 donnant lieu des prises de positions trs contrastes selon les Etats-

    membres voire, comme en France, des situations de blocage - on ne peut que saluer linitiative de la

    Commission europenne destine poser les bases dune discussion objective et constructive. Il sagit l

    dune dmarche importante tant les termes mmes du dbat souffrent de la mauvaise image vhicule par

    les class actions amricaines dnonces pour leurs drapages. Il est aujourdhui ncessaire que lexprience

    nord-amricaine agisse non pas comme un repoussoir, mais soit au contraire considre comme un

    contre-modle instructif permettant didentifier les difficults afin dviter de les reproduire.

    La consultation de la Commission europenne sur les recours collectifs appelle deux remarques

    pralables :

    A lheure o une grande majorit des citoyens europens peine distinguer limpact des

    politiques europennes sur leur vie quotidienne et o un sentiment gnral dhostilit slve

    lgard des marchs, le dbat sur les recours collectif sannonce comme un enjeu politique de

    premier ordre pour lUnion europenne. Il sagit de donner aux consommateurs et aux petites et

    moyennes entreprises (PME) la possibilit de se faire entendre de manire audible, et par del de

    sriger en interlocuteurs srieux des principaux acteurs conomiques. Plus gnralement,

    lintroduction de recours collectifs doit encourager une meilleure organisation de la socit civile

    lchelle europenne afin que celle-ci puisse tre mieux entendue sur les sujets qui la concernent

    directement. Cet enjeu politique est fondamental pour lUnion europenne dans la mesure o les

    quelques cinq cent millions de citoyens europens sont autant de consommateurs europens,

    ceux-ci reprsentant aujourdhui lun des relais les plus concrets et les plus solides des politiques

    europennes. Nanmoins, si la dmarche est en elle-mme louable, de nombreux cueils

    menacent les autorits europennes, au premier rang desquels un risque dtre influences par le

    temps des victimes 3, penchant de nos socits actuelles tendant replacer les plus faibles au

    centre des proccupations politiques, juridiques, sociales et conomiques. Si lintrt des

    consommateurs doit en effet tre pris en compte, il est nanmoins ncessaire de veiller ce que

    celui-ci ne devienne pas in fine un frein la comptitivit conomique des entreprises

    europennes, et partant lintrt gnral. Cest donc sous le signe de lquilibre des intrts en

    prsence que toute discussion sur les recours collectifs doit aujourdhui se placer.

    Par ailleurs, il convient de garder lesprit que les actions collectives jouent la fois le rle de

    bouclier pour les consommateurs et les PME, mais galement de glaive pour les autorits

    nationales et europennes. Le recours collectif peut en effet tre dune grande utilit pour lutter

    contre les fautes dites lucratives , pratiques illgales o le gain escompt par lentreprise qui

    1 Sincres remerciements Monsieur le Conseiller la Cour de cassation Thierry Fossier pour ses prcieux conseils et remarques dans llaboration de cette contribution. 2La prsente contribution utilise indistinctement les termes recours collectifs et actions de groupe 3 C.Eliacheff & D. Soulez-Larivire, Le temps des victimes, Paris, Albin Michel, 2007

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    enfreint les rgles savre in fine suprieur lamende potentiellement encourue. Le recours

    collectif, par sa fonction dissuasive, est donc susceptible de reprsenter un complment prcieux

    laction des autorits publiques. Linstauration dune telle procdure cre pour les entreprises se

    livrant des pratiques illicites un univers inquitant o toute victime potentielle peut jouer le rle

    de vigie.

    La prsente contribution souhaite apporter certains lments de rflexions sur des points particuliers

    de la consultation publique.

    I. Les recours collectif en pratique

    Le champ dapplication : des actions collectives limites des

    domaines prcis (questions 33 et 34)

    Lefficacit des actions collectives requiert que celles-ci soient rserves des domaines prcis dans

    lesquels des dommages de masse ont pu tre causs sans que les consommateurs/petites et moyennes

    entreprises pris individuellement aient une incitation suffisante pour agir en justice. Ce dcouragement

    peut tre li aux lourds frais de justice devant tre engags - et qui, le cas chant, peuvent excder le

    prjudice effectivement subi -, lintimidation que peut ressentir le consommateur face aux grandes

    entreprises, ou encore lincertitude du rsultat4. On ne peut non plus ngliger dans la pratique la

    rticence que peut avoir un agent conomique pouser une cause gnrale au risque dy perdre son image

    ou son individualit.

    Il convient dtablir une distinction entre la rparation, dune part, des dommages sriels (un mme

    dommage causant des prjudices diffrents dune victime une autre) et, dautre part, des dommages

    collectifs (dommage lintrt gnral), ces deux types de dommages tant susceptibles de conduire une

    action collective. Si les domaines du droit de la concurrence et du droit de la consommation sont tout

    particulirement viss, laction collective pourrait galement tre utile en droit boursier et financier, et

    ventuellement pour la protection de lenvironnement.

    - Une action de groupe pour certaines infractions au droit boursier et financier: Si lintroduction dun recours

    collectif en droit boursier et financier est une tape majeure, il convient l encore

    dimmdiatement circonscrire son champ dapplication. Il est en effet ncessaire de veiller ce

    que celui-ci ne puisse tre utilis par des actionnaires en raison de simples mauvais choix

    stratgiques des dirigeants. En revanche, laction collective retrouve toute sa pertinence pour les

    infractions financires et boursires portant atteinte la transparence des marchs : manipulation

    de cours, communication dinformations errones, prsentation de faux bilan ou encore dlit

    diniti. Dans de telles hypothses, il ny a en effet que peu de diffrences entre le consommateur

    victime dune entente anticoncurrentielle et un actionnaire flou par des dirigeants qui aurait

    maquill la sant financire de leur entreprise.

    - Une action de groupe pour la protection de lenvironnement : Bien que certainement plus difficile mettre

    en uvre en pratique, lopportunit dune action de groupe pour la protection de lenvironnement

    4 Sur ce point, cf. lintressant clairage de leurobaromtre Attitudes des consommateurs envers les ventes transfrontalires et la protection des consommateurs . www.ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_299_en.pdf

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    mrite nanmoins dtre prise en considration, en particulier pour des catastrophes cologiques

    et pour apprhender les consquences dune pollution diffuse, telle que celle provoque par une

    mare noire.

    Qui et par qui : la question des reprsentants et des reprsents

    (question 22)

    En premier lieu, le souci dviter une gnralisation du recours laction de groupe conduit

    ncessairement restreindre lopportunit dune telle procdure certaines entits reconnues et

    accrdites : associations de consommateurs, associations de patients (en cas de litiges portant sur des

    produits de sant), association de dfenses des actionnaires. Il convient cependant de noter que leur

    nombre devra demeurer restreint afin de permettre un meilleur dialogue et une meilleure visibilit auprs

    des citoyens europens, des entreprises et des autorits publiques tant nationales queuropennes.

    Lopportunit dun mcanisme dagrment par lautorit publique qui prendrait en compte titre non

    exhaustif - le nombre dadhrents, lanciennet de lassociation ou encore son objet statutaire, mriterait

    ainsi dtre envisage, sur le modle par exemple de larticle L.141-1 du Code franais de lenvironnement

    En second lieu, la question des reprsents soulve lpineux problme du choix dun modle bas sur

    lopt in ou sur lopt out. Si le mcanisme dopt in caractris par la prise en compte des demandes des

    consommateurs stant fait expressment connatre semble soulever moins de contestations, on observe

    nanmoins que les actions de groupe dans leur maturit semblent se tourner vers le modle dopt out5,

    ce dernier permettant daborder la catgorie de consommateurs concerns comme un groupe homogne,

    sans tablir de diffrence entre consommateurs avertis/non avertis. Cette considration mise part, il

    semble pour autant aujourdhui prfrable dencourager des recours collectifs sur un modle dopt in en

    partant de lide que la victime qui veut obtenir rparation peut effectivement y avoir accs, et qu

    linverse, celle qui ne fait pas deffort en ce sens en est exclue. Il semble en effet important que les recours

    collectifs ne se transforment pas en une politique dassistanat des consommateurs.

    Linformation des victimes : o, quand, comment ? (questions 13 et

    14)

    Linterdiction du dmarchage juridique en France6 est actuellement un vident obstacle

    la ncessaire information des victimes dans le cadre dune action de groupe. Lintroduction dun

    recours collectif requiert aujourdhui que cette interdiction soit repense, et sans doute gradue au

    nom du principe de proportionnalit. Sur ce sujet, larrt rendu le 5 avril 20117 par la Cour de

    Justice de lUnion Europenne doit tre soulign, en ce quil annonce une possible volution

    importante en la matire. Dans cet arrt qui, en lespce, visait la profession dexpert-comptable

    mais qui pourrait en ralit trs probablement concerner toutes les professions rglementes, y

    compris donc les avocats , la Cour a condamn la France, qui prohibe tout dmarchage

    publicitaire des experts-comptables au motif que Larticle 24, paragraphe 1, de la directive

    5 Ce fut le cas par exemple aux Etats-Unis en 1996, le sujet est actuellement en dbat au Royaume-Uni. 6 Loi 71-1130 du 31 dcembre 1971, article 66.4 7 CJUE, gde Ch., 5 avril 2011, aff. C-119/09

    http://www.dalloz-actualite.fr/document/cjue-gde-ch-5-avr-2011-aff-c-11909

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    2006/123/CE du Parlement europen et du Conseil, du 12 dcembre 2006, relative aux services dans le march

    intrieur, doit tre interprt en ce sens quil soppose une rglementation nationale qui interdit totalement aux

    membres dune profession rglemente, telle que la profession dexpert-comptable, deffectuer des actes de dmarchage

    . Il semble ds lors quune brche se soit ouverte, qui permettrait in fine aux avocats de pouvoir

    informer les victimes de lexistence de recours collectifs. En tout tat de cause, si telle est la voie

    qui devait tre choisie lavenir, tout dmarchage devra ncessairement se faire dans le respect

    des rgles dontologiques de la profession.

    En outre, linformation des victimes ncessite que soit organise une communication largie des

    dcisions des autorits spcialises et des jugements des tribunaux. Nombreux sont en effet les

    consommateurs/ PME qui, bien que victimes, nont dans les faits aucune ide de lexistence dun

    cartel ou dun abus de position dominante qui a pu tre sanctionn. Il semble par consquent

    ncessaire de dmocratiser laccs aux dcisions des autorits publiques afin que celles-ci ne

    soient plus rserves uniquement un groupe dinitis restreints. Ces plateformes dinformations

    utiliseraient les moyens de communication traditionnels tels que la tlvision, les journaux ou

    Internet. Pour aller plus loin, il serait intressant dorganiser lchelle de la Commission

    europenne un forum dinformation qui centraliserait les diffrentes dcisions des autorits

    spcialises et des tribunaux nationaux, ainsi que les procdures daction collective, et qui

    tiendrait jour lvolution des dossiers. Une telle institutionnalisation de linformation lchelle

    europenne est importante pour sassurer que tous les consommateurs/PME de lUnion

    Europenne puissent avoir recours cette procdure quel que soit leur pays de rsidence.

    Comment procder - Code de bonnes pratiques ou approche

    contraignante ? (question 6)

    Il existe au sein de lUnion Europenne une grande htrognit entre les Etats membres en

    matire de recours collectifs, certains ayant dj adopt un tel mcanisme dans leurs systmes

    juridiques nationaux, dautres stant montrs plus rservs. Si le code de bonne pratique savre

    plus respectueux des procdures de recours collectifs nationales dj existantes - et partant plus

    conforme au principe de subsidiarit - tout en pariant sur un alignement progressif sur les

    standards europens, il est craindre que de telles dispositions non-contraignantes ne constituent

    pas une incitation suffisante dans les pays o laction de groupe revient rgulirement au fil des

    dbats et de lactualit sans jamais simposer durablement. En France par exemple, discute

    depuis les annes 1980, la question du recours collectif fait figure de vritable serpent de mer qui

    a donn lieu dinnombrables discours et rapports, sans que jamais ces nombreuses initiatives ne

    dbouchent sur des mesures concrtes8. Ladoption de mesures contraignantes lchelle

    europenne parat ainsi ncessaire pour lutter contre linertie des pays en question.

    8 A titre non exhaustif, il est possible de mentionner la proposition de loi n324 du 30 octobre 2007 relative lintroduction de laction de groupe en France ; la proposition de loi n3055 du 26 avril 2006 visant instaurer les recours collectifs de consommateurs ; le projet de loi n3430 du 8 novembre 2006 en faveur des consommateurs, sans omettre les nombreux discours politiques et groupes de travail sur cette question. A titre dexemple,

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    Par ailleurs, il est possible de douter de lopportunit de procder par le biais de la soft law,

    dans une Union Europenne qui compte aujourdhui vingt-sept membres. Si telle tait loption

    qui devait finalement tre retenue, les propositions non-contraignantes de lUnion Europenne

    seraient certainement riches en enseignements au plan thorique, mais resteraient lettre morte

    dans la pratique faute de vritable volont politique dans les Etats-membres.

    Enfin, il est important dajouter que choisir la voie contraignante permettrait une

    harmonisation des procdures lchelle europenne favorable aux consommateurs europens et

    aux PME, puisque ceux-ci pourraient recourir cette procdure la fois dans leur pays et

    ltranger, et serait du mme coup susceptible de mettre un terme au forum shopping dans ce

    domaine.

    Une voie extrajudiciaire au pralable ? (questions 15 19)

    Il est ncessaire que les rflexions sur les recours collectifs et sur le rglement

    extrajudiciaire des litiges commerciaux soient menes conjointement, les tudes ayant montr que

    la plupart des class actions nord-amricaines sachevaient sur un processus de transaction entre

    lentreprise et les consommateurs. Sur ce point, on ne peut donc que saluer la consultation

    publique de la Commission europenne sur lutilisation des modes alternatifs de rglement des

    litiges commerciaux qui sest tenue de janvier mars 2011 et dont le bilan sera trs

    vraisemblablement riche denseignements.

    Lune des questions que pose le rglement extrajudiciaire des litiges concerne son

    articulation avec la procdure de recours collectifs et ainsi que lopportunit den faire une tape

    pralable obligatoire toute action de groupe. Sil est coutume de dire qu une mauvaise paix vaut

    mieux quune bonne guerre , instituer une phase de conciliation (ou de mdiation, ou darbitrage ou

    tout autre mode ngoci) comme pralable obligatoire tout recours collectif suscite nanmoins

    plusieurs interrogations dordre procdural : comment le dsaccord lors de la phase extrajudiciaire

    devra-t-il tre matrialis ? Ne risque-t-on pas un trop important allongement des procdures qui

    conduirait in fine ne rcompenser que les consommateurs les plus tenaces ? Pour ces raisons, la

    possibilit de recourir un rglement extrajudiciaire doit tre encadre dans des dlais strictement

    dfinis afin dviter toute manuvre dilatoire.

    lAutorit des Marchs Financiers (AMF) sest intresse dbut 2011 lopportunit dune action de groupe dans le domaine financier et boursier.

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    II. Efficacit des recours collectifs et articulation avec laction des autorits publiques spcialises

    Larticulation de laction de groupe avec laction des autorits

    publiques (question 3)

    Lintroduction dune action collective dans des domaines tels que le droit de la concurrence

    ou le secteur des marchs financiers, placs sous la supervision dautorits publiques spcialises,

    ncessite de dfinir avec prcision les modalits de larticulation action prive/action publique,

    afin que lune ne conduise pas la paralysie de lautre.

    Lhypothse dune action collective mene indpendamment ou paralllement laction publique,

    si elle est thoriquement possible, nen demeure pas moins compromise en pratique. Le droit de

    la responsabilit civile franais exigeant la preuve dun dommage, dune faute et dun lien de

    causalit entre la faute et le dommage, il sera manifestement difficile pour les participants

    laction de groupe de se passer de lanalyse de lautorit spcialise au vu de la grande technicit

    de ces sujets. A linverse, laction de groupe serait susceptible de nuire au bon droulement des

    investigations des autorits spcialises. Par exemple, lefficacit des dawn raids mens par les

    autorits de concurrence risquerait dtre limite, les entreprises faisant ou susceptibles de faire

    lobjet de recours collectif ayant pris soin de faire disparatre toute preuve potentiellement

    compromettante.

    Par consquent, laction collective la plus efficace serait premire vue celle qui sappuierait sur

    une dcision de lautorit spcialise (action dite follow on ). Pour autant, cette articulation laisse

    plusieurs questions en suspens : une dcision de lautorit de concurrence concluant une

    absence de condamnation ferait-elle automatiquement chouer tout recours collectif subsquent ?

    Cest ici la question de la finalit mme de laction des autorits spcialise et des recours

    collectifs qui mrite dtre pose. Si les autorits spcialises doivent tre les gardiennes dun

    ordre public conomique, doivent-elles galement par la mme occasion se faire arbitre de toutes

    les iniquits prives ? Formellement, cette volution ne se concevrait quau prix de la

    juridictionnalisation pure et simple des autorits de concurrence, ce qui reste encore lheure

    actuelle peu envisageable court terme.

    Par ailleurs, si le soutien dune dcision de lautorit spcialise permet dtablir la preuve de la

    faute, la question de la preuve du prjudice et du lien de causalit reste en suspens : il resterait par

    consquent un important travail probatoire raliser de la part des victimes afin dobtenir

    rparation.

    Il ne semble donc pas exister darticulation qui puisse la fois assurer lefficacit de laction

    collective et prserver laction des autorits spcialises. Certaines expriences trangres comme

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    le mcanisme allemand de procdure modle dans les litiges financiers ( Musterverfahren )

    peuvent savrer instructives. Sil ne sagit pas proprement parler dune action de groupe, cette

    procdure permet au juge de trancher par une seule et mme dcision des litiges prsentant des

    liens de connexit de fait et de droit.

    Cest par consquent une relation base sur lchange continu et le dialogue qui doit sinstaurer

    pour sassurer de lefficacit du recours collectif. En ltat, la publicit des dcisions de

    condamnation des autorits spcialises est le seul dispositif qui alerte, et ventuellement mobilise

    les victimes. Il est clair, pour autant, quil ne sagit l que dune passerelle, importante mais encore

    insuffisante, pour assurer une bonne articulation entre action publique et action collective.

    Comment assurer lefficacit de laction de groupe et viter les procs

    longs et coteux ?

    Eviter de longs et coteux procs exige quune coopration accrue entre les juridictions et les

    autorits spcialises soit instaure. Lefficacit des recours collectifs repose en effet sur le

    dialogue entre juridictions et autorits spcialises (i) et sur les modalits daccs aux preuves (ii).

    (i) Renforcer le dialogue avec les autorits spcialises :

    A lheure actuelle, les bases de ce dialogue existent mais demeurent encore limites dans la

    pratique9. Les autorits spcialises semblent elles-mmes peu enclines se plier ce procd qui,

    pourtant, savre tre dune grande efficacit. Dans son avis du 21 septembre 2006, lAutorit de

    la concurrence franaise relevait ainsi que les mcanisme de coopration existants, tant au niveau national

    que communautaire, nont pas pour objet de reporter sur les autorits de concurrence le travail dinstruction et

    danalyse qui incombe au juge et que laction de ces autorits ne doit pas tre limite dans la mise en

    uvre de cette mission premire par un nombre trop important de demandes davis visant trancher un litige

    priv 10. Si lheure est une regrettable sous-exploitation des facults de coopration entre

    juridictions et autorits spcialises, il faut sinterroger, linverse, sur les effets quentraneraient

    dabondantes demandes dassistance de la part de juridictions saisies de recours collectifs. Les

    autorits spcialises nayant pour la plupart pas les moyens ncessaires pour faire face de telles

    demandes, une situation de ce type provoquerait invitablement dimportant allongements de

    procdures, susceptibles de conduire une condamnation par la Cour Europenne des Droits de

    lHomme pour dni de justice. Ds lors, pour quune telle coopration soit possible et ne gnre

    pas un possible risque dtouffement, il sera ncessaire daccrotre les moyens tant financiers

    quhumains des autorits spcialises.

    ii. Laccs aux preuves

    9 1 demande davis auprs de lAutorit en 2008, 2 en 2006 et 2007. 10Autorit de la Concurrence (anciennement Conseil de la Concurrence), Avis du 21 septembre 2006 relatif lintroduction de laction de groupe en matire de pratiques anticoncurrentielles

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    A linverse des Etats-Unis, il nexiste pas en France de procdure de discovery permettant

    aux victimes dobtenir une communication gnrale de pices. Si linjonction de divulguer existe

    en droit franais, celle-ci exige du requrant quil identifie de manire suffisamment prcise la

    pice en question, ce qui permet aux entreprises, dans une grande majorit des cas, de garder

    pour elles les pices haute valeur probatoire.

    En conclusion - Un chantier venir : larticulation entre recours collectifs et

    procdure de clmence

    Si la rflexion sur les recours collectifs est aujourdhui rendue ncessaire par les volutions

    de la sphre conomique et les attentes des consommateurs, la Commission europenne sera

    confronte dans un futur trs proche dimportantes problmatiques plus spcifiques, parmi

    lesquelles larticulation entre les procdures de clmence en droit de la concurrence et les recours

    collectifs. Le cadre de cette consultation publique ntait sans doute pas le lieu appropri pour

    discuter dune telle question puisque la problmatique des recours collectifs ne saurait se limiter

    au seul droit de la concurrence et vise un champ plus large. Nanmoins, il sagit l dune relle

    difficult quil faudra rsoudre dans les prochains mois, au risque de sacrifier lefficacit des

    programmes de clmence fleuron de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles la peur

    de recours collectifs. L encore, un quilibre devra tre trouv entre souci de coopration avec les

    entreprises et volont de rparer le prjudice des victimes.