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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES FACULTÉ DES SCIENCES APPLIQUÉES SERVICE DE CHIMIE ORGANIQUE CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA STRUCTURE ET DES PROPRIÉTÉS DES LAQUES DE GARANCE Jana SANYOVA Promoteurs : Prof Jacques Reisse Thèse présentée en vue Dr. Liliane Masschelein - Kleiner de l'obtention du grade de Directeur de l’IRPA Docteur en Sciences Appliquées Bruxelles 2000/2001

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA STRUCTURE ET DES PROPRIÉTÉS

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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES FACULTÉ DES SCIENCES APPLIQUÉES

SERVICE DE CHIMIE ORGANIQUE

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE

DE LA STRUCTURE ET

DES PROPRIÉTÉS

DES LAQUES DE GARANCE

Jana SANYOVA Promoteurs :

Prof Jacques Reisse Thèse présentée en vue Dr. Liliane Masschelein - Kleiner de l'obtention du grade de Directeur de l’IRPA Docteur en Sciences Appliquées

Bruxelles 2000/2001

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES FACULTÉ DES SCIENCES APPLIQUÉES

SERVICE DE CHIMIE ORGANIQUE

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE

DE LA STRUCTURE ET

DES PROPRIÉTÉS

DES LAQUES DE GARANCE

Jana SANYOVA Promoteurs :

Prof Jacques Reisse Thèse présentée en vue Dr. Liliane Masschelein - Kleiner de l'obtention du grade de Directeur de l’IRPA Docteur en Sciences Appliquées

Bruxelles 2000/2001

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TABLE DES MATIÈRES : I. I NTRODUCTION GÉNÉRALE : OBJET DE CE TRAVAIL 1 I.1. Garance, teintures et laques 1 I.2. Définitions : laques, pigments, complexes, chélates 3 I.3. Complexes anthraquinones-aluminium 4 I.4. Extraction des colorants présents dans les laques 5 I.5. Composition, couleur et vieillissement des laques 6 I.6. Annexes 6 II. L A GARANCE À TRAVERS LES ÂGES 7 II.1. Introduction 7 II.2. Description botanique 8 II.3. Cultures anciennes 9 II.4. Colorants de la garance et chimie organique du XIXe siècle 10 II.5. Teintures, "rouge turc" 11 II.6. Laques 12

II.6.1. Terminologie 12 II.6.2. Laque et teinturiers, origine de la laque 13 II.6.3. Le "secret" de la préparation des laques de garance 14 II.6.4. Utilisation des laques de garance comme pigments artistiques 16 II.6.5. Préparation de la laque de garance - procédé 17

II.6.5.1. Extraction 18 II.6.5.2. Substrats et mordants 19

II.6.6. Falsification 22

III. É TUDE SPECTROSCOPIQUE DES COMPLEXES D'ANTHRAQUINONES

ET D'ALUMINIUM 23 III.1. Introduction 23 III.2. Complexes alizarine-aluminium : étude bibliographique 24 III.3. Rappels théoriques : complexes, stabilité et spéciation 29 III.3.1. Définitions: 29

Complexes, ligands, chélates, degré de complexation, spéciation III.3.2. Stabilité des complexes : nature et nombre des liaisons de complexation 29 III.3.3. Équilibres, constantes et diagrammes de spéciation 31

III.3.3.1. Effet des concentration sur la répartition en formes

libres ou associées 32

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III.3.3.2. Effet de dilution 34 III.3.3.3. Dissociation ou association successives 36 III.3.3.4. Constantes successives et constantes globales 37 III.3.3.5. Nombre moyen de protonation ou de complexation 38 III.3.3. 6. Compétition entre protonation et complexation:

cas du HF 39 III.3.3. 7. Compétition entre protonation et complexation :

cas d'un ortho-diphénol 42 III.3.3. 8. Conclusions 44 III.4. Spectres d'absorption dans le visible 45

III.4.1. Introduction 45 III.4.2. Alizarine 48

III.4.2.1. Couleurs et spectres de l'alizarine dans différents solvants en l'absence d'ions d'aluminium 48

III.4.2.2. Complexes de l'alizarine et de l'aluminium à pH 5-6 51 III.4.2.3. Complexes de l'alizarine et de l'aluminium

à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 52

III.4.3. Quinizarine 55

III.4. 3.1. Couleurs et spectres de la quinizarine dans différents solvants en l'absence d'ions d'aluminium 55 III.4. 3.2. Complexes de la quinizarine et de l'aluminium

à pH 5-6 56 III.4.3.3. Complexes de la quinizarine et de l'aluminium

à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 57 III.4. 4. Purpurine 58

III.4.4.1. Couleurs et spectres de la purpurine dans différents solvants en l'absence d'aluminium 58

III.4.4.2. Complexes de la purpurine et de l'aluminium à pH 5-6 60

III.4.4.3. Complexes de la purpurine et de l'aluminium à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 61

III.4.5. Spectres de solides : poudres d'alizarine et de laques d'alizarine

et d'aluminium 63 III.4.6. Résumé et conclusions 65

III.5. ESI - MS 66 III.5.1. Introduction 66 III.5.2. Matériel et méthodes 66 III.5.3. Résultats 67

iii

III.5.4. Discussion 68 III.5.4. 1. Signification des séries de pics à intervalles réguliers :

perte de chaînons neutres 68 III.5.4. 2. Oligomères de complexes d'alizarine

(intervalle m/z 288) 69 III.5.4. 3. Nœud de réticulation (m/z 1202,5) 70 III.5.4. 3.1. Réticulation par bifurcation des chaînes 71

III.5.4. 3.2. Réticulation par liaisons latérales entre chaînes 71

III.5.5. Résumé et conclusions 73 III.6. SIMS 74

III.6.1. Introduction 74 III.6.2. ToF-S-SIMS : principe 74

III.6.3. Matériel et méthodes 74 III.6.3. 1. Préparation des échantillons 74 III.6.3. 2. Équipement 75

III.6.4. Résultats et discussion 75

III.6.4. 1. Alizarine (PM 240) 75 III.6.4. 2. Quinizarine (PM 240) 76

III.6.4. 3. Purpurine (PM 256) 78

III.6.5. Résumé et conclusions 78 III.7. FTIR 79

III.7.1. Introduction 79 III.7.2. Résultats 80 III.7.3. Discussion 86 III.8. Étude spectroscopique des complexes alizarine-aluminium :

Résumé et conclusions 87 III.8.1. Structure et couleur des complexes 87

III.8.2. Stabilité des complexes en solution 88 IV. M ÉTHODES D'EXTRACTION ET D 'ANALYSES 89 IV.1. Introduction 89

iv

IV.2. Matériel et méthodes 90 IV.2.1. Extraction 90 IV.2.2. Analyse par HPLC 90 IV.2.3. Molécules de référence 91

IV.2.4. Chromatogrammes 91 IV.2.5. Étalonnage 93 IV.2.6. Reproductibilité des analyses 93 IV.3. Extraction par HF/Li+/DTPA 94 IV.4. Rationalisation de la méthode d'extraction : rôle du pH et des ions F-

dans la libération de l'alizarine 96 IV.4.1. Extraction et décomplexation de l'alizarine 96 IV.4.2. Dissociation des complexes en solution par l'éluent H3PO4

lors de l'alnalyse par HPLC 98 IV.4.3. Dissociation des particules de laques en suspension par

l'éluent H3PO4 lors de l'alnalyse par HPLC 100 IV.4.4. Rôles de l'ion F+ et du DTPA 101

IV.5. Résumé et conclusions 101 V. INFLUENCE DE DIFFÉRENTS PARAMÈTRES SUR LA COMPOSITION , LA COULEUR ET LA STABILITÉ DES LAQUES 103 V.1. Introduction 103 V.2. Préparation des laques et des laines teintes 104 V.3. Résumés des modes opératoires de référence 105 V.4. Rendements des préparations de laques 106

V.4.1. Calcul des quantités de laque attendues 106 V.4.2. Comparaison avec les quantités obtenues 107

V.5. État physique des laques. 109 V.6. Composition chimique des laques 113

V.6.1. Thermogravimétrie : estimation des teneurs en aluminium,

alizarine et eau d'adsorption. 113 V.6.2. ICP : teneurs en aluminium et potassium 116 V.6.3. HPLC : teneurs en alizarine et autres colorants 121

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques 126

V.7.1. Introduction 126 V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la

laque RT2 et d'une laine teinte de référence 131

V.7.2.1. Spectres de réflectance 132

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V.7.2.2. Spectres d'absorbance. 132 V.7.2.3. Diagrammes rg et xy 133 V.7.2.4. Diagrammes a*b* 135

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons

(poudres pressées ou fixées sur filtre) 136

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones de synthèse 142

V.7.4.1. Alizarine 142 V.7.4.2. Purpurine 146 V.7.4.3. Quinizarine 147 V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones 148 V.7.4.5. Acide rubérythrique 149 V.7.4.6. Discussion 150

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées 153

V.7.5.1. Température du bain d'extraction 156 V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine :

"laque de Kopp" 157 V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction

des colorants 158 V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction 159 V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation 160 V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine 161 V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes 162 V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacées utilisées 163 V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées :

résumé et conclusions 166 V.8. Résistance au vieillissement 167

V.8.1. Évolution dans les diagrammes xy et a*b* 167 V.8.2. Vitesse de décoloration et grades de résistance 173 V.8.3. Composition après vieillissement 175

V.9. Composition, couleur et stabilité des laques : résumé et conclusions 177

V.9.1. État physique et composition 177 V.9.2. Couleur et photodégradation 177 V.9.3. Conclusions 178

VI. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS GÉNÉRALES 179 V.1. Résumé 179

vi

V.1.1. Structure chimiques des laques d’hydroxyanthraquinones 179

VI.1.2. Stabilité thermodynamique des complexes et implications pour les méthodes d’analyse des laques 180

VI.1.3. Composition, propriétés et couleurs des laques d’anthraquinones de synthèse et d’extraits de Rubiacées 180

VI.1.4. Résistance au vieillissement 181

VI.2. Conclusions 182 VII. B IBLIOGRAPHIE 185 ANNEXES:

A1. MATÉRIEL ET MÉTHODES 199

A1.1. Origine des plantes, des échantillons de référence et des réactifs 199 A1.1.1. Plantes 199 A1.1.2. Anthraquinones de référence 199 A1.1.3. Laque de garance commerciales 200

A1.1.4. Réactifs 201 A1.2. Préparation des laques et autres échantillons 202

A1.2.1. Six modes opératoires de référence: Aliz4, AD-Aliz1, RT2, RT-L1, RT17, RT27 202

A1.2.2. Autres modes opératoires. Aliz0, RT19, RT26 204 A1.2.3. Liste des échantillons préparés au laboratoire 205 A1.3. Méthodes de caractérisation et d'analyse 208

A1.3.1. UV-vis spectrophotométrie 208

A1.3.2. ES-MS 208 A1.3.3. ToF SIMS 208

A1.3.4. FTIR 208 A1.3.5. HPLC 209 A1.3.6. Granulométrie par diffraction de la lumière 209 A1.3.7. Microdiffraction des rayons X 210

A1.3.8. Surface spécifique (BET) 210 A1.3.9. Analyse thermogravimétrique (TGA) 211 A1.3.10. ICP - AES 211 A1.3.11. Microspectrophotométrie en refléxion (colorimétrie) 212 A1.3.12. Vieillissement accéléré (Xenotest) 212

vii

A2. TEXTES ANCIENS CONCERNANT LA GARANCE 215

A2.1. Vitruve (Ier s. av J.C): 218 Chapitre XIV. Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux

A2.2. Papyrus de Stockholm (IIIe s.): 218

recette 112. Teinture en rose 218 recette 159. Teinture en pourpre à la garance 218

A2.3. Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.) : 218

Chap. clxxv. Pandius et Chap. clxxxviij. Item 219 A2.4. Théophile (fin XIe - début XIIe s.):

Liber III, Cap. XCIV. Staining Bone Red 219

A2.5. Jehan Le Bègue (1431): 183. As before. - You make the same sinopis in a different manner 219 LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors are, particulary lakes, which are used for want of other colors 220 LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various substances in various manners 220

A2.6. Violon Varnish (1550 - 1750):

Fermentation of Madder 220 Preparation of Potassium Rosinate Solution 221 Preparation of Red Aluminium Rosinate 221

A2.7. Neri A. (1612) :

Cap. CXVI. Lacca di Chermesi per pittori 221 Cap. CXVII. Maestra per cavare il colore dal chermesi 222 Cap. CXVIII. Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello 223 A2.7.1. Traduction anglaise par Christopher Merrett (1662):

Chap. CXVIII Lake of Brasil and Madder very fair 223 A2.7.1. Traduction allemande par Johanes Kunckel (1689):

Das 118. Chapitel. Im 118. Chapitel 224 A2.8. Marggraf M. (1753) : 224

A2.8.1. Diderot D. & D'Alembert M. (1777) : Lacque artificielle. Laque rouge fort durable, propre à la

peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff 224

A2.8.2. Pfingsten J. H. (1789): Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die Maler, welche verlohren gegangen war und wieder

entdeck ist: von Herrn Markgraf 227

viii

A2.9. de Massoul C. (1797): Lake from vegetables substances 227 A2.10. Tingry P. F. (1803) :

Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance 228

A2.10.1. Edition anglaise de Tingry P. F. (1830) : Carminated lake from Madder 228 Another process for Madder Lake 229

A2.11. Marcucci L. (1816) :

Cap. I. Delle lacche vegetabili, Lacca rossa di Robbia 229

A2.12. Leuch J. CH. (1829) : Action de la lumière, encre rouge 230 A2.13. Mérimée J.-F.-L.(1830) : Laque de garance 230 A2.14. Schmidt CH. (1857): Kraplack 234 A2.15. Goovaerts A. (1896) : Ordonnances faictes pour les paintres

et voiriers de la ville et cité de Tournay Art. 44 235

A2.16. Perkin A.G. / Everest A.E. (1918) : Kopp's Process for the Extraction of Madder 237 Commercial Preparations of Madder 237

Madder lakes 238 A2.17. Schweppe H. / Winter J. (1997):

Purpurine madder lake. D'après Pubetz A.(1872) 239 Madder Lakes. D'après De Puyster B.(1920) 239 Rose madder (pink madder). D'après Cohn C. (1930) 240 Alizarine lake. D'après Wagner H. (1939) 240

A3. UTILISATION DE LA GARANCE DANS LES ŒUVRES D 'ART 241 A4. SPECTRES ET FORMULES DES COMPOSANTS DE RT 245 A5. SPECTRES OBTENUS PAR TOF-SIMS 251 A6. RECHERCHE D 'UNE MÉTHODE D 'EXTRACTION PRÉSERVANT LES

PRÉCURSEURS 259 A6.1. Hydrolyse par HCl 259

A6.2. Hydrolyse par acide trifluoroacétique 261 A6.3. Extraction par les solvants seuls 263 A6.4. Extraction par les agents chélatants 263 A6.5. Extraction par les agent chélatant / Li2CO3 / HF/DTPA 265

A6.6. Résumé 266 A7. APPLICATION DE LA MÉTHODE L IF /HF/DTPA À QUELQUES

ÉCHANTILLONS DE GLACIS PRÉLEVÉS DANS DES ŒUVRES D'ART 267

I. I NTRODUCTION : OBJET ET PLAN DE CE TRAVAIL I.1. Garance, teintures et laques (II) La garance des teinturiers, Rubia tinctorum L., est une plante de la famille des Rubiacées. Les différents colorants présents dans les Rubiacées appartiennent à la famille chimique des anthraquinones : ils ont tous le même squelette de base, auquel s'ajoutent des groupements (hydroxyles, glycosiles, carboxyles ...) qui en modulent les propriétés et les couleurs. Les deux plus célèbres sont l'alizarine et la purpurine (fig. I.1). La découverte d'une voie de synthèse de l'alizarine par Graebe et Lieberman en 1868 peut être considérée comme un des principaux fondements historiques du développement de la chimie organique et de la production de colorants synthétiques. (a) (b) (c)

Fig.I.1. Structures chimiques de l'anthraquinone (a), de l'alizarine (b) et de la purpurine (c).

La garance a été utilisée à travers les siècles pour teinter des tissus. La belle teinte rouge a été obtenue le plus souvent par un mordant à l'aluminium (alun) qui forme avec les colorants des complexes qui se fixent sur la fibre de textile ou précipitent et sédimentent dans le fond du bain. Ce sédiment présentant les qualités esthétiques de la teinture à la garance offre en outre l'avantage d'être insoluble et de pouvoir par conséquent être utilisé comme pigment organique - laque (cfr § II.2 où sont discutées les différentes significations des termes "laque" et "pigment"). Comment ne pas voir là l'origine de l'usage de la laque de la garance dans les arts picturaux ? Pline décrit les habitudes des teinturiers tyriens (Tyr, actuel Liban), qui séchaient l'écume collectée dans le bain de leurs cuves et vendaient au prix fort la poudre pourpre aux peintres. Au XVIIe siècle encore, les teinturiers vénitiens laissaient

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évaporer les bains épuisés pour obtenir les laques utilisées par les artistes (Caniparius, 1619). On connaît par les textes diverses applications dans les arts décoratifs: craie imbibée de son extrait (Vitruve); os, ivoire, corne teints par bain (Théophile); résine de lierre colorée par cuisson en sa présence (Jean Le Bègue) en sont des exemples (cfr annexe 2). On serait tenté de considérer, vu la pauvreté des sources, que l'emploi de la garance comme pigment n'avait pas une grande importance à une époque où pourtant sa place dans la vie économique et culturelle, particulièrement dans le domaine de la teinturerie, laisse supposer le contraire. L'absence de recettes de laques de garance avant le XVIIe siècle (Neri, 1612), alors que la littérature contemporaine offre nombre de recettes de laques d'autres sources, telles que le brésil, le kermès ou la gaude, intrigue de la même manière. L'apport de la chimie à la connaissance des matériaux et des techniques artistiques a depuis lors permis de confirmer l'intuition selon laquelle la laque de garance était bel et bien utilisée depuis l'Antiquité et les exemples ne manquent pas (cfr annexe 3). Au XIX e siècle, des chimistes comme Chaptal (1809) ou Russel (1892) suggèrent d'après leurs analyses la présence de garance dans des pigments gréco-romains, mais leurs résultats restent cependant à prendre avec précaution, car leurs méthodes d'analyses ne permettaient pas de séparer les constituants d'un mélange. Les techniques d'analyse chromatographique ont donné un nouvel essor à l'identification des colorants présents dans les laques. Masschelein (1967, 1968) a développé une méthode d'analyse des laques par chromatographie en couche mince (TLC) et confirmé la présence d'alizarine et de purpurine dans des peintures et sculptures médiévales de nos régions (Didier et al, 1990). Ensuite une méthode d'extraction et d'analyse quantitative par la chromatographie liquide à haute pression (HPLC), développée pour les colorants des textiles (Wouters, 1985, 1989), appliquée à une série d'échantillons de laques anciennes, nous a également permis de détecter ces deux colorants dans des couches picturales (Sanyova, 1993; Sanyova/Wouters, 1993; Kirby/White, 1996; Sanyova, 1999). L'HPLC est à l'heure actuelle la technique la plus utilisée pour les analyses des laques et des colorants de textile. Elle permet aussi la comparaison entre les proportions d'alizarine et de purpurine dans des laques et dans des teintures anciennes (Wouters, 1987, 1990, 1993). Sur les fibres on trouve en général plus d'alizarine, réputée plus stable au vieillissement, que de purpurine. Par contre dans les échantillons de laques anciennes on trouve plus de purpurine que d'alizarine et il n'est pas exceptionnel qu'on trouve des laques de garance qui ne contiennent que de la purpurine (Kühn, 1990b et 1993; Sanyova/Wouters, 1993; Karmous et al, 1995 et résultats non publiés) Les raisons de ces différences de composition entre teintures et laques restent à déterminer. Une hypothèse serait l'utilisation d'espèces végétales différentes, comme le suggèrent les interprétations d'analyses de textiles par Schweppe (1976), Masschelein/Maes (1978), Hendriks (1989) ou Wouters (1993) qui ont montré la présence de purpurine mais pas d'alizarine. Il se peut aussi que ces différences trouvent leur origine dans l'âge (Hill/Richter, 1937) ou les conditions de culture de la plante, ou dans la méthode de préparation des laques (Kopp, 1864; Kühn, 1990b). Il est également possible que la purpurine, identifiée après une hydrolyse acide dans les échantillons, se trouve dans les laques (ou les fibres) sous forme de

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pseudopurpurine, laquelle est aussi stable à la lumière que l'alizarine (Saunders, 1990; Schweppe/Winter, 1997). Afin de pouvoir vérifier cette hypothèse, il faut utiliser une méthode d'extraction plus douce qui n'affecte pas les anthraquinones aux groupements susceptibles d'être hydrolysés : carboxyle ou glycosyle (chapitre IV). I.2. Définitions : laques, pigments, complexes, chélates Les mots "laque" et "pigment" peuvent être pris dans de nombreux sens différents, et il faut, avant d'aller plus loin, définir ceux qui leur sont donnés ici. Le mot laque peut signifier : résine végétale (laque de Chine), colorant et résine d'origine animale (laque indienne, gomme laque) ou pigment organique composé d'un substrat inorganique (par exemple l'alumine) sur lequel est fixé le colorant. D'autres significations encore sont dérivées des trois premières. Les laques de garance dont il est question ici ne sont ni des vernis, ni des résines colorées mais bien des pigments organiques formés par la complexation et l'adsorption du colorant organique sur un substrat inorganique, le plus souvent des précipités d'alumine. Le mot pigment, du latin pigmentum, possède les définitions suivantes selon les domaines où il est employé: substance colorée produite par un être vivant (hémoglobine, pigment biliaire, urinaire, etc.) - en biochimie, matière colorante végétale (chlorophylle, anthocyanines) - en botanique et matière colorante insoluble dans l'eau, couleur en poudre - en peinture A nouveau ces différentes significations sont distinctes : la chlorophylle, par exemple, est un pigment au sens de la première définition mais pas de la troisième, puisqu'elle est soluble dans l'eau. Le pigment artistique est insoluble dans le liant avec lequel il forme la peinture. Même en partant d'une signification donnée, les spécialistes de différents domaines ont tendance à remodeler la définition en fonction de leur approche et de leurs centres d'intérêt propres, de la peinture à la botanique en passant par la chimie. Il y a un certain consensus sur le sens des mots pigment et laque dans le cadre de la technologie des colorants. Herbst et Hunger (1993) séparent les colorants en teintures et pigments, selon qu'ils sont appliqués sous forme dissoute ou insoluble, et les pigments en inorganiques et organiques ou laques. Une définition plus élaborée est donnée par Taylor et Marks (1966) : une laque est un pigment insoluble dans l'eau, formé, à partir d'un colorant quelque peu soluble dans l'eau, par un processus de chélatation ou de formation d'un sel, processus dans lequel la présence d'un substrat est nécessaire et ce substrat forme une partie intégrante du produit final. Zollinger (1991) propose "sels, insolubles dans l'eau, de colorants ("dyes") anioniques ou cationiques", définition qui met déjà plus l'accent sur l'aspect chimique, c.- à.- d. la formation de sels ou complexes cation-colorant, et néglige le substrat décrit dans la définition précédente.

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Pour les bio- et phytochimistes, les mots "colorant" et "pigment" sont souvent synonymes, comme on peut le voir par exemple dans la description par Harborne (1988) des anthocyanines comme des pigments solubles dans l'eau intensément colorés. Nous adoptons dans ce travail la définition de Taylor et Marks (1966) donnée ci-dessus, selon laquelle le mot laque désigne un pigment constitué d'un sel ou un complexe cation-colorant, et du substrat, ici l'alumine. Il est encore utile de rappeler qu'un "complexe" est une association de plusieurs molécules ou ions, p. ex. ici une ou deux molécules d'alizarine, probablement déprotonées, et un ion Al+++. Un "chélate", du mot grec signifiant pince de crabe, est un complexe dans lequel la molécule organique n'est pas liée au cation par une seule mais par plusieurs liaisons. On dit p. ex. que l'EDTA est en agent chélatant ou agent complexant "hexadentate", parce que, à pH suffisamment élevé, il forme simultanément, par ses quatre carboxylates et ses deux atomes d'azote, six liaisons avec le cation. Grâce à ces multiples liaisons, les chélates sont plus stables que les complexes monodentates correspondants. I.3. Complexes antraquinones-aluminium (III) Dans le cas présent, les "complexes" dans les laques que nous étudions sont des associations entre anthraquinones et aluminium, dans lesquelles selon toute probabilité un ou plusieurs hydroxyles ont perdu leur proton au profit d'une liaison avec l'aluminium. Il est plus que probable qu'il s'agit de chélates bidentates, mais la question de savoir quels seraient les deux groupements impliqués dans le cas de l'alizarine est une des controverses les plus anciennes de la chimie, et n'est pas encore tranchée. Récemment encore, les travaux de Soubayrol (1996) et ceux de Wunderlich (1993) les ont amenés à des conclusions opposées à ce sujet (cfr § III.2). Dans la structure proposée par Soubayrol, le "site de complexation" des complexes alizarine-aluminium comprendrait un groupement carbonyle et le groupement hydroxyle le plus proche. Dans celle déterminée par Wunderlich par diffraction des rayons X, il ne comprendrait pas de carbonyle, mais bien les deux hydroxyles voisins. Les deux structures globales proposées ont ceci en commun qu'elles sont de stœchiométrie 2:4 (Al2aliz4) : elles font intervenir quatre molécules d'alizarine, liées à deux atomes d'aluminium par un total de huit liaisons, et liées entre elles par des liaisons secondaires. Il faut cependant noter que, dans les deux cas, les conclusions sont basées sur des "laques" préparées spécialement en fonction des techniques analytiques envisagées : par exemple celles de Wunderlich étaient en fait des complexes purifiés et recristallisés pour les rayons X. De plus l'aluminium avait été ajouté non pas en excès comme cela se fait d'habitude, mais en rapport 1:2 par rapport au colorant. Il est donc loin d'être certain que ces structures, même si elles ont été correctement interprétées, soient représentatives des laques. Il reste donc de nombreuses questions concernant la structure et la stabilité des complexes d'alizarine et d'aluminium, par exemple :

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- le site de complexation comprend-il un hydroxyle et un carbonyle, ou deux hydroxyles ? - se peut-il que ces deux sites coexistent, ou existent chacun dans certaines conditions ? - si les deux sites peuvent se former, en quoi leurs propriétés spectroscopiques, et en particulier leurs couleurs, différent-elles ? - en quoi les complexes dans les solides diffèrent-ils des complexes dans la solution aqueuse à partir de laquelle la laque est précipitée ? - dans les laques, l'alizarine est-elle "chimisorbée" (fixée par des liaisons semi-covalentes à un atome d'aluminium constitutif de l'alumine) ou "physisorbée" sous forme de complexe (simple adsorption physique du complexe aluminium-alizarine, entité indépendante, sur l'alumine) ? - quels sont les aspects de la structure des complexes qui sont indispensables à leur couleur, et quels sont ceux qui au contraire peuvent varier en fonction des conditions, sans affecter leur potentialités à l'utilisation comme laque ? - est-il possible de mesurer la stabilité de ces complexes, en vue d'une part de contribuer à l'élucidation de leur structure par comparaison avec des complexes connus, et d'autre part de mieux connaître les conditions susceptibles de les dissocier et les extraire des laques à analyser ? Dans le troisième chapitre de ce travail, nous essayons d'apporter des éléments de réponse à ces questions par l'étude des complexes en solution diluée (spectres UV-visible), dans les gels élastiques formés dans certaines conditions (spectres de masse ES-MS) et dans des laques - pigments, c.à.d. plus riches en aluminium qu'en colorant (spectres FTIR et spectres de masse SIMS). I.4. Extraction des colorants présents dans les laques (IV) Une application directe d'une meilleure connaissance de la stabilité des complexes est la nécessaire mise au point d'une méthode d'extraction douce, susceptible de décomplexer l'aluminium et ainsi libérer les colorants, sans hydrolyser ceux-ci, pour pouvoir les analyser par HPLC. Cette extraction se fait généralement à l'aide d'un acide concentré (HCl 6 M), à pH inférieur à zéro. Ce pH est largement suffisant pour, par simple compétition entre ions H+ et Al+++, entraîner la dissociation des complexes en solution, mais ne suffit pas toujours à dissocier tous les complexes pris dans la laque, et surtout conduit à l'hydrolyse des plusieurs colorants potentiellement présents dans les laques de garance, ne laissant principalement que l'alizarine et la purpurine. Le chapitre IV. montre comment, grâce à l'addition d'agents destinés à complexer l'aluminium, on peut utiliser un pH plus élevé (pH 1,5-2). Cette méthode préserve les colorants que HCl 6 M aurait hydrolysé, et donne en outre de meilleurs rendements dans l'extraction de l'alizarine.

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I.5. Composition, couleur, et vieillissement des laques (V) L'outil nouveau que constitue la méthode d'extraction douce décrite plus haut permet une analyse plus fine de la composition des laques de garance, et de l'influence de différents paramètres sur leur composition, leur couleur et leur vieillissement. Pour l'historien d'art, il est important de disposer non seulement de résultats d'analyse détaillés et fiables, mais aussi des points de comparaison et des critères d'interprétation permettant, à partir de ces résultats d'analyses, d'inférer les techniques picturales passées. Or, peu de choses sont encore connues sur les relations entre mode de préparation des laques et espèce végétale utilisée d'une part, composition, couleur et résistance au vieillissement d'autre part. Le cinquième chapitre de ce travail décrit la préparation, dans différentes conditions, d'une série de laques d'anthraquinones de synthèse et d'extraits de diverses Rubiacées, la caractérisation de leur composition et de leur couleur, et une étude exploratoire sur les paramètres affectant leur résistance au vieillissement. I.6. Annexes Afin d'alléger le texte, un certain nombre d'éléments ont été reportés en annexe. L'annexe 1 donne la liste complète des échantillons décrits dans le texte, le détail des modes opératoires de préparation de référence et leurs variantes, et les conditions expérimentales des spectrométries et autres techniques de caractérisation. L'annexe 2 décrit quelques "recettes" de préparation des laques trouvées dans les textes historiques. L'annexe 3 donne la liste des œuvres d'art dans lesquelles une laque de garance a été identifiée par différentes méthodes d'analyses. L'annexe 4 donne les spectres UV-visible et les formules chimiques des différents composants de la garance cités dans le texte et/ou analysés par HPLC-UV. L'annexe 5 donne les spectres de masse des colorants et des laques obtenues par ToF-SIMS. L'annexe 6 décrit certaines observations complémentaires faites lors de la recherche d'une méthode d'extraction appropriée. L'annexe 7 est une liste d'échantillons d'œuvres d'art qui ont pu être analysés à l'aide de la méthode d'extraction décrite dans ce travail.

II. L A GARANCE À TRAVERS LES ÂGES II.1. Introduction Jusqu'à la découverte des colorants de synthèse, la garance des teinturiers, a été dans nos régions la principale source de colorant rouge. Connue depuis l'antiquité, elle a autrefois été cultivée sur de grandes étendues et constitué un enjeu économique important. On la trouve encore de nos jours à l'état sauvage, surtout dans les environs des anciennes aires de culture (Cardon/Chatenet, 1990; Delamare/Guineau, 1999). Elle est cultivée localement à la demande des artistes, pour la préparation des laques1, ou des pharmaciens, qui l'utilisent pour certains médicaments (Krizsán et al., 1996). L'intérêt pour cette plante s'est ravivé ces dernières années dans le cadre de la recherche de colorants naturels en chimie alimentaire, bien qu’elle s'avère ne pas être totalement inoffensive parce qu'elle contient également des substances mutagènes, telle la lucidine (Kawasaki et al., 1992; Krizsán et al., 1996). L'extrait aqueux n'est toutefois pas mutagène. La plupart des noms utilisés pour désigner la garance proviennent de l'une ou l'autre racine signifiant "rouge". En latin c'est le mot "rubia" ou " herba rubia " ("rubea"), en grec "erythrodanon" ou "ereuthrodanon", en vieux français "warantia", "warencia" (André, 1949, 1956, 1985). Merrifield (1849) donne une série de noms rencontrés dans les manuscrits qu'elle a étudiés: Rubea Tinctoria, Robbia overo Roza di Fiandra, Sandis, Granza, Garancia, Rubea Major et Waranz. Les noms actuels ou récents de la garance sont en néerlandais krap, meekrap, crap, crapmede, en allemand Krapp ou Färberrothe, en anglais madder, en italien robbia, en espagnol rubia. Dans les pays méditerranéens on appelle la racine de garance lizari ou alizari, de l'arabe al'-usàra, "le jus" (Cardon/Chatenet, 1990; Schaefer, 1941). Ce mot a donné son nom à l'alizarine, le colorant principal de la garance. L'alizarine et d'autres colorants de la garance des teinturiers peuvent également être obtenus à partir de divers autres espèces de la famille des Rubiacées? Souvent d'ailleurs le même nom est utilisé pour plusieurs espèces voisines. Aussi par

1 On peut acheter des racines de garance séchées et broyées dans les établissements suivants: Droguerie Le Lion, Kremer, Senelier

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exemple dans l'antiquité romaine le mot expressif "lappa" désignant plusieurs plantes grimpantes dont la garance des teinturiers (R. tinctorum), la garance sauvage (R. peregrina) et le gratteron (Galium aparine L.) (André, 1985). Aujourd'hui encore en Bosnie-Herzegovine, une certaine confusion règne à ce propos : un même nom pourrait désigner la garance sauvage, l'aspérule des teinturiers et plusieurs espèces de gallium (Cardon/Chatenet, 1990). Les spécialistes en chimie des colorants tels que Schweppe et Winter (1997) ou Kirby (1996), regroupent donc sous le nom de laque de garance (madder lake) des laques des Rubiacées. II.2. Description botanique La famille des Rubiacées comprend environ six mille espèces, regroupées en cinq cents genres. Dans nos régions, les rubiacées sont représentées par les six genres Rubia, Galium, Asperula, Vaillantia, Crucinella et Sherardia, avec soixante et une espèces principales. La garance est une plante herbacée, vivace, grimpante, commune en Europe méridionale (Espagne, Italie, Midi de la France). Les tiges droites à section carrée sont munies d'aiguillons crochus. Les feuilles sont lancéolées, groupées avec les stipules en verticilles de quatre à six ensembles. Les fleurs très petites, blanc crème (couleur de miel), sont groupées en cymes à l'aisselle des feuilles au bout de la tige. Elles fleurissent en juillet. Les fruits sont de petites baies d'abord rouges puis noires, lisses, brillantes et mûres en septembre. A l'automne la partie aérienne de la plante meurt. Seule la racine survit. Ces racines, la partie la plus riche en colorants, sont de section ronde, très ramifiées. Sur la coupe transversale de la racine (Decaisne 1837, planche 8, fig.6 = ici fig.II.1) on observe quatre parties :

Fig. II.1 Coupe transversale d'une racine de garance,

déssiné par Decaisne (1837), planche 8, fig.6.

a - assise épidermique (écorce, appelée "billon" par les fabricants)

b - parenchyme cortical, phloème (une espèce de liège, appelé "aubier des fabricants" )

c - couche des cellules allongées ( vaisseaux propres) d - système vasculaire, xylème (centre ligneux, cœur )

Les colorants ne sont pas répartis uniformément. Ils se trouvent en plus grande concentration sous l'écorce, dans le phloème. Les recherches de Hill et Richter

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(1937) ont également montré que l'alizarine se trouve surtout dans la partie extérieure du phloème et la pseudopurpurine et rubiadine dans sa partie intérieure. L'écorce, elle, en contient en quantité plus faible, avec beaucoup de tanins, ce qui rend les couleurs obtenues plus foncées. D'autre part, au cours de la vie de la plante, la concentration en colorants augmente, principalement la pseudopurpurine et l'alizarine, et leur rapport se modifie au profit de l'alizarine. Hill et Richter (1937) ont observé que dans les rubiacées en général, l'alizarine ne se trouve pas dans les jeunes plantes et dans les tiges fines, tandis que la galiosine (précurseur de la pseudopurpurine) y est abondante. La qualité du sol et le climat influencent également la composition en colorants (Leuch, 1829; Decaisne, 1837; le comte de Gasparin, 1857; Schützenberger, 1857; Boussingault, 1857). En octobre ou novembre on arrache les plantes âgées d'au moins dix-huit mois, lorsque les racines contiennent une quantité suffisante de colorants. Dans les garancières du Midi de la France, on récoltait la racine au bout de trois ans, et en Iran au bout de sept. Dans le sud de la France les racines sont séchées à l'ombre pendant trois à quatre jours, puis battues pour les débarrasser de la terre. En Hollande (Zélande) où il fait humide, elles sont séchées dans des chambres chauffées. La racine (3 - 6 mm d'épaisseur) est alors brune à l'extérieur et jaune-orange à l'intérieur, et facile à casser. Après séchage, les racines débarrassées de la terre sont soit moulues avec leur écorce (garance "robée"), soit séparées d'abord de celle-ci par battage et moulues ensuite (garance "non robée"). II.3. Cultures anciennes Pline l'Ancien (Livre XXXIV, chap. LVI, LVII) et son contemporain Dioscoride signalent que la garance est cultivée dans les champs d'oliviers près de Ravenne en Italie, et qu'elle y existe aussi à l'état sauvage (Schaefer, 1941). Au VIIIe siècle, le "Capitulare de villis" témoigne de l'importance accordée à la garance sur les terres de l'empire de Charlemagne (Leggett, 1944; Brunello, 1973). À la fin du XVe siècle les Pays-Bas septentrionaux connaissent une standardisation de la production, ce qui rend la qualité reproductible et leur garance fort appréciée dans toute l'Europe (Schaefer, 1941; Chenincer, 2000). Á partir du XVIIIe siècle, la France apparaît comme un concurrent sérieux des Pays-Bas. La production française représente pendant quelques décennies au XVIII e siècle la moitié de la production mondiale (Perkin/Everest, 1918; Schaefer, 1941). La découverte en 1868 de l'alizarine de synthèse et sa commercialisation mirent un terme à ces cultures.

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II.4. Colorants de la garance et chimie organique du XIX e siècle La structure chimique de base des colorants présents dans la garance est l'anthraquinone dont les hydrogènes sont substitués par des fonctions comme hydroxyles, glycosiles, carboxyles, méthyles, hydroxyméthyl... qui modifient les propriétés chimiques et physique. Les deux colorants principaux sont l'alizarine et la pseudopurpurine (ce dernier donne la purpurine par décarboxylation), mais on peut y trouver également de l'anthragallol, la munjistine, la lucidine, la rubiadine, la xanthopurpurine et d'autres encore. On trouvera en annexe 3 la liste des composants isolés et identifiés que nous avons repérés dans la littérature. Ces colorants se trouvent dans la plante, soit sous forme de glycosides, soit libres. La racine en contient la plus grande proportion, 2 à 3,5%. Burnett et Thompson (1968) ont isolé 19 anthraquinones d'une garance de plus d'un an d'âge, mais seulement 4 d'une racine d'un an. Schweppe (1992) rapporte que Rubia tinctorum L. renferme en totalité 28 dérivés d'anthraquinone. Cinq d'entre eux sont des O-glycosides: l'acide rubérythrique (alizarine-2-β-primvéroside, le plus important par sa concentration), la galiosine (pseudopurpurine-2-β-primvéroside), la rubiadine-3-β-primvéroside, la rubiadine-3-β-glucoside, et de la lucidine-3-β-primvéroside. Il y a aussi un C-glycoside, la rubianine (rubiadine-2-C-glucoside). Kawasaki et al (1992) décrivent la séparation, à partir de l'extrait dans le chloroforme et le méthanol, de vingt molécules, dont certaines diffèrent de celles citées par Schweppe. Ces molécules ont été identifiées par ES-MS, RMN et UV-VIS spectrométrie et sont également reprises dans le tableau en annexe 4. À coté de ces anthraquinones colorées ou non, la racine produit des métabolites biologiquement actifs, dérivés de la naphtoquinone (molugin, lapachol méthyle éther et scopoletin) ou du benzène (3-alkyl ester de l'acide phérulique) (Kawasaki et al., 1992), ainsi que des enzymes, des tanins, des pectines. Les anthraquinones de la garance ont été le sujet d'un grand nombre de recherches scientifiques au XIXe siècle. Robiquet et Colin sont parvenus à isoler l'alizarine de la garance en 1826, et en 1828 ils ont commercialisé un produit appelé "Garancine", une poudre brune, avec un pouvoir tinctorial quatre à cinq fois plus élevé que celui de la garance. La "Garancine" est obtenue par décoction des racines de garance dans de l'acide sulfurique concentré (Perkin/Everst, 1918; Schweppe/Winter, 1997). En 1851 Schunck isole un composé qu'il appelle rubiadine, et Rocheler, la même année, purifie l'acide rubérythrique, dont la formule exacte est définie par Liebermann et Bergami en 1887 (Perkin/Everest, 1918; Schweppe/Winter, 1997). Kopp est parvenu en 1861 à séparer la purpurine de l'alizarine par un procédé basé sur la différence de résistance de leurs précurseurs à l'hydrolyse (Perkin/Everest, 1918, cfr Annexe 2). Son produit, contenant essentiellement de la purpurine, est commercialisé sous le nom "purpurine de Kopp". Schützemberger et Schiffert ont démontré en 1864 que ce produit contient non seulement de la purpurine, mais aussi de la pseudopurpurine, de la xanthopurpurine et de la munjistine.

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La synthèse de l'alizarine (brevet déposé à Londres en 1869 par Graebe et Lieberman) a réorienté l'intérêt des chimistes organiciens vers la recherche des nouveaux colorants, qui allait transformer en industrie l'art de la teinturerie, avec des implications économiques importantes en Europe (Chenincer, 2000). La fabrication de l'alizarine est mise au point très vite après la découverte et déjà en 1872 elle représente 50% du chiffre d'affaires total de la production des colorants en Allemagne. Cette concurrence va ruiner en moins de 15 ans les cultures de la garance aux Pays-Bas et en France. L'Allemagne devient le principal producteur de ces colorants et en 1914 cette production représente 88% du marché mondial (Delamare/Guineau, 1999). II.5. Teintures, "rouge turc" La garance a été utilisée à travers les siècles dans l'art des teinturiers, ce dont témoignent les sources historiques ainsi que les nombreuses analyses de fragments de textiles. Elle a été identifiée sur des textiles de la civilisation de la vallée de l'Indus, à Mohenjo Daro (3000 av. J.C.) (Hofmann, 1989; Chenincer, 2000). Un autre exemple de son utilisation très ancienne est constitué par les textiles égyptiens des dix-huitième et vingtième dynasties, entre le XVIe et le Xe siècle av. J.C. (Schweppe/Winter, 1997; Wouters et al., 1990). D'après Brunello (1973) on l'utilisait à cette époque avec un mordant d'aluminium. Elle est mentionnée dans les recettes néo-babyloniennes du VIIe siècle av. J.C. pour la teinture de la laine (Frinkel). Au premier siècle de notre ère, Pline l'Ancien, citant son contemporain Dioscoride, mentionne que la plante appelée "rubia" sert à la teinture des laines et des cheveux, et au tannage de cuirs (André, 1972). Les recettes de teintures rose et pourpre à la garance sont aussi données dans le Papyrus de Stockholm (Papyrus Holmiensis) de la fin du IIIe ou du début du IVe siècle, traduit et discuté par Haleux (1981) (cfr annexe 2). Plusieurs études ont montré sa présence abondante dans les textiles coptes (Masschelein-Kleiner/Maes, 1978; Wouters, 1993). À partir du XIIIe siècle, les manuscrits et les traités contenant les recettes et les règlements des teinturiers se multiplient. Le plus ancien règlement indépendant des teinturiers vénitiens "Capitolaribus de Tinctorum" date de 1243, et est suivi par d'autres règlements de guildes en Italie, France, Espagne, Angleterre, Pays-Bas ou Allemagne, dont Brunello (1973) donne une description exhaustive. Ces œuvres, parfois rééditées comme Tbouck vã Wondre, Brussel, 1513 (Braekman, 1986) ou Plictho de l'arte de tentori, 1548 (Edelstein/Borghetty, 1969), demeurent une source de renseignements très importante. Le célèbre "rouge d'Andrinople" appelé aussi "rouge turc" ou "rouge des Indes" était une teinture de garance sur coton. Les propriétés physico-chimiques des anthraquinones rendent leur fixation sur le coton aussi difficile qu'elle est facile sur la laine. Le secret qui permettait de contourner ces difficultés résidait dans la préparation du coton, et a assuré la prospérité des régions dans lesquelles cette

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teinture était pratiquée. Il est à noter qu'il s'agit d'une des méthodes les plus compliquées de teinture connues. La technique, développée en Inde, s'est répandue via la Perse, l'Arménie, la Syrie jusqu'à la Turquie, il y a mille ans. Elle consiste en une dizaine de longues opérations y compris la préparation du coton «...une hallucinante succession de bains d'huile ou de graisse - rances de préférence - allant, suivant les pays, du suif à l'huile de baleine ou de poisson, additionnées de cendre de bois et de fiente de mouton, de bouse de vache ou de crottes de chiens...» (Cardon/Chatenet, 1990). À partir du XVIIIe siècle, ce procédé est très souvent étudié et les pays qui maîtrisent son secret se multiplient. Le sujet reste attrayant même pour les scientifiques du XXe siècle et plusieurs thèses en chimie lui ont été consacrées (Hoffmann, 1937; Rutishauser, 1940; Kiel/Heertjes, 1963; Roussel, 1984; Wunderlich, 1993; Soubayrol, 1996) II.6. Laques La garance a aussi été utilisée pour la préparation de "laques" de teinte rose, rouge, brune et pourpre, utilisées comme pigment organique dans l'art pictural. Une grande confusion règne quant à la définition du mot « laque », comme d'ailleurs du mot «pigment». Bien que nous ayons déjà très brièvement décrit dans l'introduction différentes significations possibles du mot "laque", il n'est pas inutile de revenir à cette question car encore aujourd'hui on rencontre régulièrement un emploi inapproprié de ce mot. II.6.1. Terminologie Le mot « laque » possède trois significations principales auxquelles s’ajoutent des sens dérivés. On peut, en résumé, synthétiser de la façon suivante l'étymologie et les définitions qui en sont habituellement données : LAQUE (N. f., réfection de lache (1500) est un emprunt à l’arabe lakk, lui même repris au persan lãk, qui dérive du sanskrit lãksã qui a deux significations : tache et cent mille (symbole de quantité XIVe s.) (Rey, 1992). 1 / (N.f.) gomme-résine rouge-brun, fournie par des arbres de la famille des Anacardiacées: Rhus vernicifera (laque de Chine et du Japon) et Rhus succedanea (laque du Vietnam et de Taiwan) et Melanorrhoea usitata (laque de Birmanie) (Niimura, Miyakoshi, 1999, Grand Larousse, 1960) (N.m.) objets d'art préparés à partir de cette résine

2 / (N.f). pigment organique, obtenu par la précipitation d'une matière colorante organique soluble, naturelle ou artificielle, sur un support généralement minéral (Roberts/ Etherington, 1999; Kirk/Othmer, 1985).

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3 / (N.f.) laque - insecte (Kerria lacca Kerr, 1782) une des cochenilles à laque produisant une substance résineuse colorée par un colorant rouge (laque indienne) (Cardon/Chatenet, 1990)

(N.m.) masse résineuse sombre produite par la cochenille à laque (sous-genre Kerria Targioni-Tozzetti, 1884), appelée plus communément gomme-laque ou "shellac" en anglais (Cardon/Chatenet, 1990; Roberts/Etherington, 1999). Par analogie le terme s'applique dès le XVIe siècle à un vernis coloré ou à une peinture transparente (1548), puis aussi à une préparation culinaire de couleur rouge qui enduit un mets (1896), ainsi qu'à un produit qui fixe la chevelure (1957), inventé aux États-Unis en 1955 et employé en France dès 1956 (Rey, 1992). Les ouvrages encyclopédiques plus anciens présentent des notices plutôt confuses. Ainsi le Dictionnaire universel de Furetière (1690) mélange-t-il allègrement toutes les acceptions possibles du terme, y compris le sens "grand nombre" du sanscrit. On y lit en particulier : «Laque, subst. fém.

Espèce de gomme dont on fait la cire d'Espagne. Elle se fait aux Indes par un concours d'une infinité de petits moucherons qui s'amassent sur de petits bâtons gluants qu'on dispose exprès pour les attirer, on les ratisse ensuite. Il y a aussi une gomme laque qui dégoutte des arbres qui sont dans le pays de Siam, Cambodge, Peru. On fait de la fine laque de l'extrait ou de la lie, de la cochenille, qui sert aux teinturiers .»

Plus loin, dans ses explications sur la laque - pigment pour les artistes, Furetière fait la distinction entre les laques produites naturellement qui se forment au fond des bains après plusieurs teintures («... la laque naturelle, il s'en fait de la lie et fondrée2 de plusieurs teintures pour les peintres...»), et les laques artificielles, préparées à partir d’extraits de plantes et d'insectes subissant des traitement variés. Cette expression "laque artificielle" sera encore utilisée par Diderot et d'Alembert un siècle plus tard (1777) (cfr annexe 2). II.6.2. Laque et teinturiers. Origine de la laque

La préparation de ces "laques artificielles" est sans doute liée à l'art des teinturiers, et on peut supposer que c'est l'esprit d'économie de ces artisans qui a valorisé les bains "épuisés" de colorant en faisant sécher les suspensions contenant ces belles poudres (cfr § I.1). Pline raconte dans son XXXVe livre, chap. XXVI, qu'on fabrique les couleurs en imprégnant de teinture de la craie en même temps que les étoffes à teindre en pourpre et que la craie absorbe cette couleur plus vite que la laine. Ensuite il mentionne de la garance utilisée de la même manière. Ce texte rappelle la recette de Vitruve (cfr annexe 2), qui aurait pu lui servir de source, car l'œuvre de Vitruve se trouve citée dans la "bibliographie" de Pline (Livre I) .

2fondrée n.f. (XVIe s.) ~ Lie, sédiment (Greimas/Keane, (1992), p.299, sub verbo "fondrer").

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On a fait, dans le passé, l'hypothèse que c'est la teinture à "laque indienne" (laccha en italien), qui est à l'origine du mot laque - pigment (lacca en italien), parce que les premières laques provenaient justement des bains de cette teinture. Caniparius, un écrivain vénitien, décrit en 1619 les pratiques des teinturiers de laisser évaporer le déchet du bain de laque indienne pour obtenir de la laque artificielle utilisée par les peintres (Caniparius, 1619; Perkin/Everest, 1918). Mérimée écrit également : «... Il est assez probable que les premières laques employées en Europe venaient de l'Inde et provenaient de la résine-laque, très abondante dans ce pays, et de laquelle on retire une matière colorante pourpre, fort recherchée aujourd'hui pour la teinture...» (Mérimée, 1830) Des laques préparées à partir de chutes de textile teint, reprises dans de nombreux textes médiévaux, témoignent aussi de la collaboration entre les peintres et les teinturiers. Ces documents sont surtout fréquents entre le XIVe et le XVIe siècle, spécialement en ce qui concerne le kermès et la cochenille (Neri, 1612; Kirby, 1987; Saunders/Kirby, 1994). II.6.3. Le "secret" de la préparation des laques de garance

La laque de garance occupe parmi toutes ces laques rouges une position privilégiée. Elle est considérée comme la plus belle et la plus stable. Mais elle est aussi la plus difficile à préparer correctement! On s'en rend bien compte, en lisant les 20 pages de Mérimée (1830) à propos de la préparation de cette laque. Mérimée tient compte des recherches chimiques contemporaines, il applique de nombreux procédés d'extraction à l'acide sulfurique, l'acide "muriatique" (HCl) ou au "sous-carbonate de soude" (NaHCO3), mais il est visiblement dépassé par toutes les réactions acido-basiques complexes des "matières pourpre, violette et fauve" ou de la "matière extractive brune" comme il appelle les composants de la garance (cfr annexe 2, § A2.13). Les recueils de recettes médiévaux sont avares d'informations à propos des laques de garance, contrairement à toute attente, vu l'importance de la culture de la plante, son large emploi en teinture et l'abondance des recettes pour les autres laques rouges, de la cochenille, de la laque indienne, et surtout pour celles du bois rouge (Caesalpinia sp.), cependant critiqué pour sa faible stabilité à la lumière. Les historiens s'accordent à estimer que l'absence de recettes de laque de garance dans les sources antérieures au XVIIe siècle (recette de Neri en 1612, cfr § A2.7), ne signifie pas qu'elle n'a pas été employée dans la pratique des artistes (Diderot/d'Alembert, 1777; Mérimée, 1830; Merrifield, 1849; Thomson, 1937; Laurie, 1967) Une explication s'impose tout naturellement, à savoir que la préparation difficile de la laque de garance, était un secret, soigneusement gardé par les peintres, et transmis oralement dans les ateliers. Dans les sources, du Xe au XIXe siècle, se dessine une évolution des pratiques des peintres, qui corrobore aussi cette interprétation. Mérimée décrit cette évolution de la manière suivante: « Pendant long-temps, les peintres préparèrent ou firent préparer sous leurs yeux les couleurs, les huiles et les vernis qu'ils emploient. Les élèves étaient chargés de

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ce soin: c'est par là que commençait leur apprentissage; de sorte qu'avant de manier le pinceau, ils étaient déjà instruits de ce qu'il convient de faire pour rendre la peinture durable. Dans la suite, ces détails devinrent exclusivement l'occupation de marchands, qui songèrent bien plus à leur profit qu'à la conservation des tableaux.» Les manuscrits antérieurs au XVe siècle sont le plus souvent des compilations des sources précédentes, souvent transcrites par des profanes en la matière, obscures, dépourvues des détails importants permettant d'obtenir une bonne couleur. La recette n° 183 du recueil de Jean Le Bègue en est un exemple (cfr annexe 2, §A2.5). Au XVI e siècle, lorsque l'imprimerie est déjà bien répandue et que les publications se multiplient, on remarque la volonté de dévoiler les secrets (Piemontese, 1564; Merrifield, 18493) et les traités du XVIIe deviennent de plus en plus spécialisés et théoriques. On voit apparaître les encyclopédies (Furetière, 1690). L'apprentissage des peintres dans les ateliers disparaît petit à petit au profit d'un enseignement plus théorique dans les Académies4. Malgré cette "explosion" des traités au XVIIe siècle, nous n'avons trouvé qu'une seule recette pour la laque de garance, le n° 118 de l'Arte vetraria de Antonio Neri (1612). Celle-ci ne donne pas les détails nécessaires pour l'extraction de la garance, mais est en réalité une adaptation d'une autre recette, celle d'une laque préparée au départ de laine teinte à la cochenille (cfr annexe 2, § A2.7). Il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle (Margraaf, 1753) pour trouver une laque de garance bien décrite en détail, qui met en évidence sa différence d'avec les autres préparations. Cette recette est présentée dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1777) sous le titre "laque artificielle", ainsi que dans un traité de Pfingsten (1789), comme un secret perdu et retrouvé par M. Margraaf (cfr annexe 2, § A2.8). À la fin du XVIIIe siècle on trouve encore une description abrégée mais bien claire de la préparation de la garance dans le traité sur l'art de la peinture et de la composition des couleurs par de Masoul (1797) (cfr annexe 2, § A2.9). La laque de garance ne perd pas sa position privilégiée au XIXe siècle. Les traités des couleurs sont abondants et les recettes de laque de garance sont parfois noyées au milieu de renseignements sur les recherches des chimistes, ce qui rend ces recettes difficiles à comprendre et à reproduire. Les applications de la recherche sur la garance, notamment l'isolement des colorants principaux, permettent le développement de nouvelles laques contenant essentiellement l'un de ces colorants, celles d'alizarine (préparée au départ de la "Garancine" cfr annexe 2, §A2.16), et de purpurine et/ou pseudopurpurine (laque de la "Purpurine de Kopp" cfr annexe 2, §A2.16). Après la découverte de la synthèse de l'alizarine puis d'autres colorants, on commence à disposer des laques de nouvelle génération, qui remplacent les laques naturelles. Toutfois les laques de garance n'ont pas tout à fait disparu, et sont fabriquées encore aujourd'hui, bien sûr en quantité beaucoup moins importante qu'au XIXe siècle.

3 Manuscrit de Bologne - "Segreti per colori" , Manuscrit de la bibliothèque Marciana de Venise - " Secreti diversi" . 4 L'Académie Royale de Peinture et de Sculpture à Paris a été créée en 1648, l'Académie des Sciences en 1666.

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Aujourd'hui on compte sous le nom "laques de garance" les laques provenant de la Rubia tinctorum L. et des espèces voisines (Kirby/White, 1996 ; Chenciner, 2000), d'un mélange de garance et d'alizarine synthétisée, ainsi que de l'alizarine, de la purpurine ou de la pseudopurpurine isolées de la garance ou synthétisées (Schweppe/Winter, 1997; Color Index, 1971). Elles sont classées dans le "Color Index" (1971) dans deux groupes de colorants, C.I. Pigment Red 83 , n° 58.000:1 et C.I. Natural Red 9. Dans ce dernier paragraphe on trouve la description des laques du XIXe siècle: la laque de la "Garancine" (n° 75330) et la laque de "Purpurine de Kopp" (n° 75420). Elles sont utilisées pour préparer les couleurs artistiques (aquarelles, crayons), les encres d'impression, les vernis colorés. Elles sont employées aussi pour la coloration des plastiques, des dentifrices ou en cosmétologie (Color index, 1971). II.6.4. Utilisation des laques de garance comme pigments artistiques Les hypothèses sur l'utilisation des laques de garance avant le XVIIIe siècle ne sont toutefois pas fondées uniquement sur ces rares informations et les déductions que l'on peut tirer de l'existence du commerce de la garance. On dispose, à ce sujet, de plus en plus souvent de renseignements provenant des études actuelles de laques provenant des œuvres d'art. Les méthodes analytiques et leur fiabilité ont évolué depuis les premières analyses qui datent du XIXe siècle, de la microchimie en passant par les méthodes spectroscopiques (UV-vis, IR, Raman), puis vers les méthodes chromatographiques, permettant de séparer les composants (cfr § I.1). Dans la liste chronologique d'analyses publiées qui ont mis en évidence la présence de la laque de garance (cfr annexe 3), on voit qu'elle était utilisée comme fard cosmétique à Carthage au IIIe siècle av. J.C. (Karmous et al., 1995), ou comme pigment au IIIe siècle av. J.C. en Grèce (Wallert, 1995) et à Corinthe au IIe siècle av. J.C. (Farnsworth, 1951). Elle a été identifiée parmi les pigments dans la boutique d'un marchand de couleurs à Pompéi (Schweppe/Winter, 1997), et sur des peintures murales à Stabies près de Naples et à Vaison-la-Romaine en Provence (Guichart et al., 1990; Barbet, 1997). On peut également trouver la laque de garance parmi les matériaux de l'ancienne Égypte (Lucas, 1934; Horak, 1998). Ensuite, la garance a été identifiée dans les pigments d'enluminures françaises des XII e et XIIIe siècles, étudiés par Flieder (1968). Masschelein a identifié par TLC (Serck et al., 1978) une laque de garance sur une sculpture du XIIIe siècle5. Un nombre plus important d'œuvres des XIVe - XVe siècles ont été soumises à l'examen de laboratoire et on a constaté que les laques de garance sont régulièrement présentes dans les glacis rouges ou les couches roses et violettes. D'après Kirby et White (1996) la garance était le colorant le plus important en Europe du Nord (Flandre, Hollande, Allemagne) aux XVe et XVIe siècles, ce que confirment nos analyses de retables anversois et bruxellois de cette période (Sanyova/Wouters, 1993) ainsi que les nombreuses analyses de peintures et de sculptures allemandes (Kühn, 1985; 1990a; 1990b; 1993; Brachert et al., 1981; Taubert, 1978). Au XVIe siècle, on remarque plus fréquemment, à coté de la

5 La sculpture en bois polychromé remonte aux alentours de l'an Mil. Les polychromies des XIe et XII e siècles ne comportent que des pigments minéraux, au XIII e siècle apparaissent des glacis (couches transparentes colorées) contenant de la laque rouge.

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garance, la présence d'un autre colorant, comme du kermès, de la cochenille ou du bois rouge (Kirby/White, 1996, Sanyova/Wouters, 1993). Les analyses des substrats sont malheureusement moins souvent présentées. Les laques égyptiennes ont pour substrat le sulfate de calcium (Lucas, 1934; Horak, 1998) et les laques gréco-romaines de l'alumine (Farnsworth, 1951). Les laques régulièrement trouvées dans le peintures et les polychromies de nos régions contiennent de l'alumine et du carbonate de calcium6. II.6.5. Préparation de la laque de garance - procédé

La grande diversité de nuances des laques de garance, due à leur mode de préparation, est mentionnée par les fabriquants de pigments et de peintures pour les artistes, par exemple Watin (Baudrimont, 1882) Blockx (1922). On y lit: «…La laque de garance est une combinaison de la matière colorante de la garance avec l'alumine; elle se trouve dans le commerce à l'état rose, rouge, brun. Sous le nom de laque de Smyrne, on vend des produits remarquables par leur éclat, leur transparence, leur solidité; il y en a de roses, de pourpres, de brunes, de jaunes, avec toutes les nuances intermédiaires.» (Baudrimont, 1882) «…laques de garance rose, rouge, pourpre - composées d'alumine et du principe colorant de la racine de garance ou alizarine. La nuance des laques de garances naturelles varie du rose pâle jusqu'au rouge sang intense; les unes sont plus pourprées que les autres, suivant leur mode de fabrication et la qualité des racines employées. » (Blockx, 1922)

Ils n'ont, bien sûr, pas dévoilé leurs secrets, mais il est clair que les paramètres de la préparation jouent une rôle décisif dans l'obtention de la couleur et de la teinte d'une laque de garance. La préparation de ces laques comprend en général l'extraction des colorants de la plante ou du textile teint, la complexation (ou formation d'un sel) de ces colorants avec un métal et la fixation de ce complexe / sel sur un substrat. Le précipité (laque) est ensuite lavé, filtré et séché. Le schéma de cette préparation est esquissé dans la figure II.2.

6 Ce carbonate de calcium est partiellement transformé en sulfate de calcium par la réaction avec le sulfate d'aluminium (cfr § I.6.5.2)

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1/ Extraction extraction des précurseurs solubles

dans l'eau, déglycolysation de ces précurseurs en aglycones

2/ Complexation complexation des aglycones avec

un cation métallique (Al3+, Fe3+, Cr3+, Ca2+, Ba2+…)

3/ Fixation sur un substrat précipitation du substrat (alumine,

gypse, blanc fixe) en présence de colorant ou addition du substrat préparé (craie)

4/ Rinçage, séchage et broyage filtration du précipité, rinçage,

séchage et broyage

Fig. II.2. Schéma de préparation d'une laque de garance.

II.6.5.1. Extraction C'est sans doute la première phase, à savoir l'extraction, qui est la plus complexe. Il est probable qu'antérieurement au XVIIIe siècle, avant que ne puisse être appliquée l'approche scientifique à ce problème, il était difficile d'obtenir une bonne qualité de laque de garance. Il était beaucoup plus aisé d'extraire des colorants d'autres sources biologiques, telles que cochenille, kermès, bois rouge, leur teinte n'est pas aussi nuancée, et d'ailleurs les recettes de ces laques antérieures au XVIIIe s. ne manquent pas. Au XIXe siècle, l'isolement des anthraquinones de garance et l'influence des conditions de l'extraction sont de mieux en mieux comprises. Le choix de la plante, la durée, la température ou le pH du bain d'extraction, peuvent modifier la quantité et la composition des colorants extraits, et donc affecter la qualité de la laque. Quant à la plante, c'est son âge, sa provenance ou la partie utilisée qui vont conditionner la composition qualitative et quantitative des extraits. La garance de Hollande était très recherchée et souvent recommandée dans les recettes, car la rigueur dans sa culture garantissait la reproductibilité de la bonne qualité de la plante. De plus, le tamisage des racines séchées broyées permettait de séparer l'écorce de l'intérieur des grosses racines. Leuch (1829) décrit les fractions des produits hollandais ainsi: « Onberoofder. Composée de toute la racine de la garance, de bois et écorce. Twee en één. Composée de 2/3 de la racine, et 1/3 de partie extérieure. Eén en één. Composée d'égale partie de racine entière et de partie intérieure seulement.

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Mullen ou korte. Poussière de vannage, qui est principalement composée de poussière de l'écorce et des petites racines. Elle n'est pas aussi bonne pour le rouge; elle est ordinairement employée pour les noirs et les bruns.» La durée d'extraction, la température et le pH influencent l'importance des réactions enzymatiques et affecte l'extraction d'autres substances, comme par exemple les tanins. On sait déjà que les colorants qu'on cherche à extraire se trouvent dans la plante sous forme glycosidique (cfr annexe 4). Le glycoside le moins résistant à l'hydrolyse enzymatique est la galiosine, qui est transformée en pseudopurpurine (0,005mg de racines extrait dans 3 ml d'eau à 18°C) en moins de 20 minutes, (Hill/Richter, 1937). Vient ensuite le primvéroside de la lucidine. Le précurseur le plus stable est l'acide rubérythrique. A température élevée (100°C) ou à pH acide, les enzymes sont dénaturés. La déglycosilation est donc chimique, et beaucoup plus lente que la déglycolysation enzymatique. Une température élevée peut également provoquer la décarboxylation de la pseudopurpurine en purpurine, qui est moins stable à la lumière, et modifier ainsi la stabilité de la laque finale. Les aglycones libérés par hydrolyse enzymatique ou chimique sont très peu solubles dans l'eau et précipitent. Une extraction prolongée peut ainsi diminuer le rendement final de l'extraction, suite à l'adsorption des aglycones sur les débris des racines et leur élimination par la filtration. Inversement une température élevée lors de l'extraction augmente le rendement final, en favorisant l'extraction des glycosides tout en inhibant leur hydrolyse et la précipitation des aglycones. Les traités et les manuscrits du XIVe au XVIe siècle mentionnent souvent une extraction indirecte, à partir de déchets de textiles teints à la cochenille ou au kermès. Comme on ne dispose d'aucune recette de laque de garance de cette période, on ne peut que faire l'hypothèse que cette méthode a été également appliquée aux teintures de garance. On peut poursuivre ce raisonnement et estimer que les difficultés liées à l'extraction des matières indésirables de la plante pourraient être résolu par cette technique indirecte. En effet, la laine mordancée à l'aluminium et plongée dans un bain avec des racines de garance fixe uniquement les molécules susceptibles se complexer avec ce métal. Dans un deuxième temps, la récupération des colorants se fait par dissolution en milieu basique et précipitation sous forme de laque par addition de sulfate d'aluminium. Il est vrai aussi que cette méthode d'extraction indirecte est plus économique, car on utilise les chutes de textile et on limite les pertes de colorant. L'influence de ces deux modes d'extraction sur la stabilité des laques à la lumière a été étudiée à la National Gallery de Londres par Kirby et Saunders (1994). Selon eux, les pigments préparés directement à partir des sources biologiques seraient plus stables que ceux préparés à partir de déchets de textile. II.6.5.2. Substrats et mordants Gettens et Stout (1966) notent que les vraies laques sont précipitées sur les substrats transparents tel que l'alumine, craie ou gypse, mais aujourd'hui, par

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extension du mot "laque", on inclut parmi les substrats d'autres matériaux au faible pouvoir couvrant, par exemple le sulfate de baryum (blanc fixe), l'oxyde de zinc (blanc de zinc) et l'oxyde d'étain. Les recettes de laques de garance du XVIIe au XIXe siècle que nous avons consultées indiquent presque toujours de l'alumine comme substrat, à l'exception de l'encre de Leuch (1829), qui met un peu de craie dans l'extrait de garance comment le rapportent déjà Vitruve au Ier siècle av. J.C. et Heraclius au Xe s. (cfr annexe 2, § A2.1 et A2.5). Nos analyses de routine de laques prélevées dans des œuvres d'art, montrent souvent la présence de calcium à côté de l'aluminium. Il est intéressant de donner un exemple de ce type de laque, trouvé sur une polychromie du retable anversois d'Opitter (1540), dans le manteau d'un soldat du "Couronnement d'épines". Les analyses indiquent que le substrat est de la craie et le mordant (métal complexant), de l'aluminium. Les complexes colorant-aluminium sont ainsi adsorbés à la surface de la craie. Sur la photo (figure II.3) de la coupe transversale d'un échantillon prélevé sur la pièce mentionnée plus haut, on observe un gros grain de carbonate de calcium (+/-100 µm) dont la surface, est rouge. Fig. II.3. Coupe transversale d'un grain du carbonate de calcium (manteau d'un soldat du retable sculpté d'Opitter). Les analyses par SEM EDX (figure II.4) montrent que cette coloration rouge coïncide avec la présence d'aluminium. On voit également du soufre, (sous forme de sulfate de calcium), disposé de manière discontinue à la surface du grain. a b c Fig. II.4. Cartes de répartition du calcium (a), de l'aluminium (b) et du soufre (c) sur la

coupe de la figure II.3.

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On peut supposer sur base de ces analyses que cette laque est un exemple du procédé particulier de préparation dans lequel, au lieu de neutraliser le mélange de colorants et d'alun par une base soluble, on y ajoute de la craie. Celle-ci devient alors le substrat, sur lequel se fixent les complexes de colorants et d'aluminium et dont la surface est partiellement transformé en sulfate de calcium. Nous n'avons jamais rencontré une recette décrivant une telle procédure pour la laque de garance, bien qu'il n'en manque pas pour d'autres colorants. Il est possible que les auteurs des recettes qui recommandent d'ajouter de la craie dans l'extrait de garance sans passer par la complexation avec l'aluminium (Vitruve, Heraclius et Leuch, cfr annexe 2), omettent de dire une chose "évidente pour eux", à savoir que cet extrait contient déjà de l'alun, mais cela reste une hypothèse. Dans la plupart des cas, depuis Neri (1612) jusqu'à De Puster (1920) (cfr l'annexe 2) le mélange de colorants et d'alun est neutralisé par une base soluble (carbonate de sodium, de potassium ...), ce qui entraîne la précipitation de l'aluminium en excès sous forme d'alumine. Celle-ci est alors le substrat, à la surface et/ou dans la masse duquel se fixent les complexes colorés. Dans les procédés modernes (Wagner, 1939; Taylor/Marks, 1966; Patton, 1973; Color index, 1971), l'alumine est d'ailleurs précipitée avant l'addition du colorant. Pour modifier le substrat, on ajoute parfois du chlorure de baryum. Le baryum précipite les sulfates de l'aluminium, et ce précipité de BaSO4, lui-même un pigment appelé "blanc fixe", fait partie du substrat. On remplace parfois le BaCl2 par du CaCl2 : on obtient alors un précipité de gypse (CaSO4), constituant de la laque appelé "satin white" (Taylor/Marks, 1966).

Al 2(SO4) 3 + 3 Na2CO3 + 3 H2O → 2 Al(OH) 3 + 3 Na2SO4 + 3CO2 3 Na2SO4 + 3 BaCl2 → BaSO4 + 6 NaCl

On peut remplacer le sel d'aluminium par d'autres, comme par exemple le sel d'étain (IV), de baryum, de fer (III), de plomb, de magnésium, de calcium ou de cuivre. On obtient alors des laques des couleurs suivantes: rose (Sn), pourpre (Ca, Ba, Pb), brun-noir (Fe), violet (Mg) ou jaune (Cu) (Soubayrol, 1996; Pratt, 1947). D'autres métaux que l'aluminium sont introduits dans l'industrie des teintures au XVI e siècle, et leur utilisation augmente progressivement aux siècles suivants. Pour les laques, cette pratique ne commence qu'à la fin du XVIII e siècle, et reste moins fréquente (Kirby, 1987). Dans notre série de recettes, le premier procédé, qui conseille d'utiliser l'étain pour faire une laque de garance et pernambouc, est celui de Gürth, cité par Schmidt en 1857. On trouve encore des exemples d'addition d'acétate de plomb à l'extrait de garance dans des procédés décrits par Tingry (1803) et par Perkin et Everest (1918). La présence de fer, impureté naturelle de l'alun était à éviter, justement parce qu'il est complexé préférentiellement par l'alizarine, et lui donne une couleur brun-noir. Même en faible quantité, il assombrit le rouge brillant des laques de garance. Deux variétés d'alun commercial sont le plus souvent citées: l'alun de Rome, le plus pur, et l'alun de roche, considéré comme impur (Baudrimont, 1882). Dans la littérature moderne sur les pigments organiques (Pratt, 1947; Patton, 1973), et bien que les recettes de préparation en soient absentes, on trouve l'énumération de laques d'alizarine contenant différents cations et donnant les couleurs suivantes: aluminium (rouge), fer (brun noir), étain (rouge), calcium

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(pourpre rouge), magnésium (violet). Les couleurs des laques de garance données par Schweppe et Winter (1997) diffèrent légèrement des précédentes, mais correspondent à celles trouvées dans le Color Index (1971): rouge et orange pour l'aluminium, rouge et rouge bleuâtre pour le calcium, pourpre et violet pour le fer.

II.6.6. Falsification Les recherches destinées à définir la composition des différentes sortes de produits de garance (racines moulues ou laques) mises sur le marché, afin d'en évaluer la qualité, ont mis en évidence différentes falsifications. Baudrimont (1882) donne dans son encyclopédie de la falsification la liste des matériaux utilisés à cette fin. Des racines entières ou en poudre ont été additionnées d'eau, de brique pilée, d'ocre rouge ou jaune, de sable, de sciure de bois, de bois de campêche ou de brésil, de garance déjà utilisée ... Parmi les falsifications de laques de garance, on retrouve des laques de bois rouge, ou bien des laques rehaussées avec du carmin et de la laque carminée (Baudrimont, 1882).

III. É TUDE SPECTROSCOPIQUE DES COMPLEXES D'ANTHRAQUINONES ET D 'ALUMINIUM

III.1. Introduction

Le contexte et les objectifs principaux de cette étude spectroscopique ont été déjà été décrits dans l'introduction générale : il s'agit de déterminer si possible la structure ("site de complexation") du ou des complexes formés, et de mesurer leurs constantes de stabilité. Ces deux questions sont liées, puisque la stabilité des complexes dépend de la nature et du nombre des liaisons, et donc du site de complexation. Rappelons que celui-ci serait selon certains auteurs constitué par le carbonyle (O-9) et l'hydroxyle (déprotoné) le plus proche (O-1), selon d'autres par les deux hydroxyles (O-1 et O-2, déprotonés). Dans la suite de ce texte, nous appellerons "céto-phénolate" et "diphénolate" ces deux sites de complexation hypothétiques.

a/ b/

Fig. III. 1. Sites de complexation "céto-phénolate" (a) et "diphénolate" (b).

Ce chapitre commence par une brève étude bibliographique des différentes structures qui ont été proposées pour les complexes d'alizarine et d'aluminium. Suit un rappel théorique sur les complexes, leurs équilibres, l'influence du pH et les diagrammes de spéciation. L'interprétation des résultats expérimentaux de l'étude par spectrométrie UV-visible est basée sur certaines propriétés de ces diagrammes de spéciation. Les complexes aluminiques sont rouges, alors que la forme acide (H2aliz) est jaune. Il est donc aisé de déterminer, par spectrométrie UV-visible ou par simple observation visuelle, dans quelles conditions de pH et de concentration en aluminium les complexes peuvent se former en solution aqueuse diluée. Les diagrammes de spéciation expérimentaux ainsi obtenus peuvent nous donner à la

Al +++

O O-

OH

Al +++

O

O-

O-

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fois la formule (AlHaliz++, Alaliz+ ...) et la constante de stabilité des complexes formés dans différentes conditions. La structure des complexes n'est pas nécessairement la même dans les laques et dans les solutions aqueuses diluées. Au départ d'une solution plus concentrée (alizarine : sodium : aluminium en rapport molaire 2:1:1), nous avons obtenu un gel élastique, ce qui implique que des polymères ont été formés. Les spectres de masse (ES-MS) de ce gel confirment ce fait et permettent de déduire la composition des complexes formant les "chaînons" de ces polymères. Enfin, des laques sous forme solide ont été étudiées par spectrométrie infra-rouge (FTIR) et par spectrométrie de masse (SIMS). En SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry), le solide est bombardé par des ions lourds tels que Ga+, qui éjectent de la surface du solide des fragments de celui-ci, analysés par le spectromètre de masse. En FTIR, les positions de celles des bandes de vibration qui sont influencées par l'environnement du carbonyle peuvent, par comparaison avec les spectres d'autres anthraquinones, donner des informations sur le site de complexation. III.2. Complexes alizarine-aluminium : étude bibliographique En 1893 Liebermann (Gerstner, 1959), sur base du fait que la quinizarine, contrairement à l'alizarine, ne serait pas un colorant "à mordant"1, a conclu que l'aluminium dans ses complexes avec l'alizarine était lié simultanément aux deux fonctions phénols déprotonées (site de complexation que nous appelons diphénolate, (fig. III.2) plutôt qu'aux fonctions carbonyle en C-9 et phénolate en C-1 (site céto-phénolate).

Fig. III. 2. Structure du complexe alizarine-aluminium proposée par Lieberman en 1893.

Cette hypothèse aurait pu être confirmée ou infirmée par le caractère à mordant ou non de l'hystazarine (2,3-dihydroxyanthraquinone), mais cette molécule n'était pas disponible à l'époque. Il faut d'autre part mentionner que les différents auteurs ne s'accordaient pas toujours sur le caractère mordant ou non des colorants. Dans la revue de Gerstner (1959) on voit que Noelting (1902) considère comme mordants aussi bien la quinizarine que l'hystazarine, alors que Bucherer les range parmi les "non-mordants". En 1911 Pfeiffer a montré que, en solution dans le benzol, l'étain sous forme de SnCl4 se liait, avec élimination d'une molécule d'HCl et donc déprotonation de la fonction hydroxyle, à une série de molécules porteuses d'un site de complexation 1 le caractère "à mordant" d'un colorant est son aptitude à former un chélate avec un métal

complexant, le "mordant"

O

O O

O

AlOH

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de type céto-phénolate hexagonal (ortho-hydroxy-acétophénone, alizarine, quinizarine) mais pas à la méta-hydroxy-acétophénone, ni à l'hystazarine (fig. III.3), pourtant potentiellement porteuses d'un site de type diphénolate.

o-hydroxy-acétophenone m-hydroxy-acétophenone

alizarine hystazarine Fig. III. 3. Fixation ou non du SnCl4 (en solution dans le benzol avec élimination de HCl), en

fonction de la présence ou non d'un hydroxyle en position ortho par rapport au carbonyle, selon Pfeiffer (1911).

Inversement, lors de la recristallisation des hydroxyanthraquinones à partir d'une solution dans la pyridine, les molécules telles que l'alizarine, la purpurine et l'hystazarine, qui ont toutes un hydroxyle en position C-2, fixent une molécule de pyridine, alors que la quinizarine n'en fixe aucune. Pfeiffer en a conclu que l'hydroxyle en C-2 est beaucoup plus acide que celui en C-1, à cause de la stabilisation de ce dernier par la formation d'un pont hydrogène avec le carbonyle proche (cycle hexagonal, analogue à celui formé avec l'aluminium). Or les complexes d'alizarine et d'étain préparés par Pfeiffer coloraient la soie et la laine grâce au caractère hydrophobe de celles-ci, mais pas le coton. La teinture d'alizarine sur coton, célèbre sous le nom de "rouge d'Andrinople", est constituée non seulement d'alizarine et d'aluminium, mais aussi de calcium. Pfeiffer a donc avancé l'hypothèse que l'aluminium serait lié au carbonyle et à l'hydroxyle en C-1 (site céto-phénol), tandis que le cation neutraliserait l'hydroxyle en C-2 et jouerait un rôle important dans la fixation du complexe sur le coton. En 1937 Hoffman a obtenu dans la pyridine un précipité de micro-cristaux, auquel il a attribué une structure (fig.III.4) dans laquelle deux complexes [Al(aliz)2]

+ sont liés l'un à l'autre par trois ions calcium, via des liaisons (O-2)-Ca-(O-2) et Al--OH-Ca--OH-Al. Deux molécules de pyridine et sept molécules d'eau complètent la formule.

O

O

OH

O

SnCl3

O

O

OH

OH

O

OHO O

SnCl3

26

Fig. III. 4. Structure du complexe de l'alizarine - aluminium - calcium cristallisé dans la pyridine, selon Hoffman (1937).

Partant de l'hypothèse que le rouge d'Andrinople devrait avoir une structure chimique bien définie et donc idépendant du mode de préparation, Fierz-David et Rutishauer (1940) ont préparé des laques en milieu aqueux aussi bien qu'organique, et ont proposé une structure (fig.III.5) assez proche de celle de Hoffman mais avec une seule liaison Al-O-Ca par atome d'aluminium, au lieu de deux.

Fig. III. 5. Structure du complexe alizarine-aluminium-calcium préparés en milieux aqueux et organique, proposée par Fierz-David et Rutishauser (1940).

Kiel et Heertjes (1963) ont jugé cette stoechiométrie (Al : alizarine : Ca 2:4:3) et l'existence de liaisons Al-O-Ca-O-Al peu probables, et ont étudié la composition et les propriétés de laques purifiées. La structure qu'ils en ont déduite (fig. III.6) est de stoechiométrie Al:alizarine:Al (1:2:1) ([Al(aliz)2(OH)(H2O)].Ca)). L'aluminium y est lié de manière covalente au carbonyle et au phénolate en C-1, à un ion OH- et une molécule d'eau. La liaison entre le calcium et le phénolate en C-2 n'est qu'ionique, et n'implique pas de position bien définie pour l'ion calcium.

H2O

Al

H2O

H2O

N

H2OH2O

H2O

HOCa

HO

HO

O

OO

OCa

O

O

O

O

Al

O

O

O

O

Ca

O

O

O

O

HO

N

H2O

O

O

O

O

Ca

O Ca O

O

O

O

O

Al

O

O

O

O

Ca O

O O

O

H2O

AlH2O

H2O

H2O

H2O

27

Fig. III. 6. Structure du complexe alizarine-aluminium-calcium préparé en milieux aqueux, selon Kiel et Heertjes (1963).

Le modèle de Kiel et Heertjes a fait autorité pendant de nombreuses années, mais plus récemment Wunderlich (1993) et Soubayrol (1996) ont tous deux proposé des structures dans lesquelles deux complexes [Al(aliz)2]

- sont liés l'un à l'autre par des ponts d'oxygène ("µ-O-" et "µ-OH") entre les atomes d'aluminium ( fig.III.7).

Fig. III. 7. Ponts "µ-O-" (a) et "µ-OH" (b) des structures proposées par Wunderlich (1993) et Soubayrol (1996) pour le complexe alizarine-aluminium

Dans la structure proposée par Wunderlich (1993), le site de complexation de l'aluminium est le diphénolate, tandis que la sphère de coordination du calcium englobe le carbonyle (O-9) et l'hydroxyle en O-1 (fig. III.8). Cette structure a été proposée sur base des diagrammes de diffraction des rayons X de monocristaux obtenus dans le diméthylformamide.

Fig. III. 8. Structure du complexe alizarine- aluminium- calcium crystallisé dans le DMF, proposée par Wunderlich (1993).

Inversement, dans le modèle de Soubayrol (fig.III.9), chaque ion Al est lié à deux dianions d'alizarine par leurs sites "céto-phénolates", et chaque molécule d'alizarine est liée à une molécule de l'autre complexe (Al(aliz)2)

- par des liaisons carbonyle (O-10) - eau - phénolate (O-2). La charge résiduelle (4-) du cœur du

AlAl

OH

OHAl

O

Al

O

28

complexe [(Al(aliz)2)-2(OH)-2]

4-, due à la déprotonation des hydroxyles en O-2, est compensée par p. ex. quatre ions Na+, dont deux contribueraient à la stabilité des complexes en s'intercalant entre les cycles aromatiques superposés de deux molécules d'alizarine ("sandwich benzénique", fig.III.10). Fig. III. 9.

Structure du complexe alizarine-aluminium- sodium préparé en milieux aqueux et dans le methanol, proposée par Soubayrol (1996).

Fig. III. 10. Vue en perspective d'une moitié de la structure proposée par Soubayrol (cfr fig. III.9) : ion Na+ en "sandwich benzénique" et ponts H2O entre molécules d'alizarine. De Hoffman à Soubayrol, toutes les structures proposées l'ont été sur base d'échantillons qui avaient été soit préparés en milieu organique soit purifiés jusqu'à l'obtention de laques qui peuvent être très différentes de celles obtenues par les méthodes traditionnelles, en milieu aqueux et en présence d'un excès d'aluminium. Certains auteurs estiment que la ressemblance de couleur garantit la représentativité de leurs laques purifiées, mais il est connu que par exemple la couleur dépend essentiellement du cation multivalent au cœur du complexe (Al, Fe, Cr...) et que la nature du cation secondaire alcalin ou alcalino-terreux l'influence peu (Gerstner, 1959, référence 19). Il est dès lors évident que certains détails de la structure globale du complexe peuvent être changés sans pour autant modifier la couleur. Il faut donc essayer d'établir la limite entre les caractéristiques essentielles des laques, responsables de leurs couleurs, et leurs caractéristiques secondaires, qui peuvent varier avec le mode de préparation.

Dans la présente étude, nous essayons entre autres de tracer cette limite, et de vérifier si le site de complexation est de type céto-phénolate ou diphénolate

29

III.3. Rappels théoriques : complexes, stabilité et spéciation Les structures et les propriétés des chélates en solution aqueuse sont très bien décrites et expliquées par exemple dans le livre de Chaberek et Martell (1959). Nous nous limitons ici à rappeler quelques définitions et notions indispensables pour la discussion. III.3.1. Définitions :

Complexes, ligands, chélates, degré de complexation, spéciation Le mot "complexe" peut, selon le domaine particulier de la chimie dans lequel il est utilisé, désigner des entités très différentes : associations molécule-molécule, molécule-ion, ion-ion, en phase liquide, gazeuse, et même solide. Le point commun de ces différents complexes, en phase liquide ou gazeuse, est qu'ils sont des associations spontanées et réversibles. Il y a donc généralement équilibre entre complexes et ions ou molécules libres. Cette définition des complexes par leur caractère réversible ne s'applique bien sûr qu'aux phases liquide ou gazeuse. Quand on parle de complexes en phase solide, c'est généralement parce qu'il s'agit de précipités d'associations considérées en solution comme des complexes. On appelle "ligands" les molécules (NH3, RCOO-...) ou anions inorganiques (F-, CN-...) associés au cation. Dans une même molécule il peut y avoir plusieurs groupements distincts liés simultanément au cation. On parle alors de ligand bidentate, tridentate, etc. Par exemple, l'EDTA4-, un des agents complexants les plus puissants connus, est un ligand "hexadentate" grâce à ses quatre fonctions carboxylates (RCOO-) et ses deux fonctions amines (R3N), et doit à ces six liaisons l'exceptionnelle stabilité de ses complexes. On appelle "chélate", du mot grec signifiant pince de crabe, tout complexe formé d'un cation et d'un ligand bi- ou multidentate. Le § III.3.2 rappelle de manière qualitative l'influence de la nature et du nombre de liaisons de complexation sur la stabilité des complexes en solution aqueuse. Le § III.3.3 est consacré aux aspects quantitatifs des équilibres de complexation, et montrent comment on peut, qu'on s'intéresse au cation ou au ligand, prévoir dans quelles conditions de pH et concentrations l'espèce majoritaire sera la forme libre ou tel ou tel complexe. Cette spéciation est loin de se réduire à une curiosité académique : les équilibres de complexation, d'autant plus subtils que le plus souvent plusieurs cations et ligands différents sont en présence, sont d'une importance fondamentale aussi bien dans de nombreux processus biologiques (l'hémoglobine et la chlorophylle, pour ne citer qu'elles, sont des chélates) et environnementaux (séquestration ou transfert de cations, dans le sol et les eaux, par les acides humiques, les citrates, etc.), que dans des procédés industriels (tannage, certaines polymérisations, pigments ...) et analytiques (titrages de cations).

30

III.3.2. Stabilité des complexes : nature et nombre des liaisons de complexation

Les grandes différences entre les constantes de stabilité des différents complexes s'expliquent essentiellement par la nature des liaisons (degré de covalence), et par leur nombre (effet chélate). Les liaisons sont souvent décrites comme électrostatiques (ioniques), semi-covalentes, ou purement covalentes, tout en sachant que la composante électrostatique n'est jamais nulle quand les entités associées sont des ions (Al3+, H+, F- ...) ou des dipôles (H2O, NH3 ...). On dit qu'une liaison est semi-covalente, lorsque des orbitales du ligand et du cation se recombinent entre elles, ce qui permet à certains électrons d'occuper des orbitales plus basses en énergie que celles du cation et du ligand pris séparément. Ces recombinaisons d'orbitales modifient souvent les spectres (UV-vis., RPE ...) du ligand et/ou du cation, ce qui permet de les détecter et les étudier. L'énergie totale de complexation, dans des complexes à caractère semi-covalent, peut être décomposée en une composante électrostatique et une composante semi-covalente. Les cations alcalins et alcalino-terreux forment des liaisons purement ioniques. Par contre les métaux de transition et d'autres cations comme Al3+, forment avec divers ligands des liaisons semi-covalentes plus ou moins fortes, et leurs constantes de complexation sont généralement beaucoup plus élevées que celles des alcalino-terreux. Pour un même ligand, la stabilité des complexes suit généralement les tendances suivantes : - selon la charge : monovalents << divalents < trivalents - parmi les divalents : alcalino-terreux << Fe < Co < Ni < Cu - parmi les trivalents : Al < Fe Les constantes de complexation des alcalino-terreux et surtout des alcalins sont généralement tellement faibles que la complexation peut être négligée. Les chélates tels que ceux de l'EDTA4- font exception grâce aux nombre élevé de liaisons (quatre liaisons ioniques simultanées). Même dans ce cas, les constantes de stabilité sont beaucoup plus faibles que quand il y a liaison semi-covalente : log K(M-EDTA) = log ([M-EDTA(4-n)-]/[M n+].[EDTA4-]) = 10,6 (Mn+ = Ca2+), 18,8 (Cu2+), et 16,1 (Al3+). Pour un même cation, on observe généralement les tendances suivantes : - selon les fonctions chimiques : carbonyle << éther, alcool < ion carboxylate < amine < ions énolate et OH- - selon le nombre de liaison (effet chélate): monodentate < bidentate La première séquence est valable surtout pour les métaux de transition : l'ion Al3+, contrairement à ceux-ci, n'a qu'une très faible tendance à se lier aux ligands azotés. On constate que la stabilité des complexes croît avec la basicité des ligands. Les ligands peu basiques comme les alcools et les éthers forment avec les cations des liaisons dont l'énergie diffère peu de celle des liaisons d'hydratation. Rappelons

31

que toute complexation en solution aqueuse correspond en fait au déplacement d'une ou plusieurs des molécules d'eau d'hydratation du cation par le ligand, même si on omet généralement ces molécules d'eau dans l'écriture de la réaction. Par exemple la complexation de l'ion Al+++ par un alcool, écrite de manière simplifiée

Al+++ + ROH � Al(ROH)+++ correspond en fait à

Al(H2O)6+++ + ROH � Al(ROH)(H2O)5

+++ + H2O L'énergie libérée par cette réaction étant très faible, la formation des complexes alcool - cation est négligeable. La complexation n'est importante qu'avec les ligands basiques (RNH2, RCOO-, RO-…). Pour ceux-ci le proton entre en compétition avec le cation multivalent et il se formera en fonction des cations soit le complexe soit la forme acide du ligand (RNH3

+, RCOOH, ROH…). Les éventuelles modifications des spectres, soit du ligand soit du cation, donnent d'abord l'information qualitative qu'il y a bien modification des orbitales et donc liaison semi-covalente. Elles peuvent ensuite donner des informations plus précises sur la nature et la stabilité de ces liaisons, soit directement par la nature de l'effet spectroscopique observé, soit indirectement en permettant de mesurer le degré de complexation dans différentes conditions, et donc la valeur de la constante de stabilité. Celle-ci permet bien souvent, par comparaison avec d'autres complexes connus, d'élucider la nature exacte de la ou des liaisons. III.3.3. Équilibres, constantes et diagrammes de spéciation Le degré de complexation à l'équilibre est déterminé par la "loi d'action des masses", traduite mathématiquement par la constance du rapport entre concentrations de complexe et de molécule et ion libres. Ce rapport est appelé "constante de complexation", ou encore "de formation", "de stabilité", ou "d'association". Pour le complexe Al-EDTA cette constante est définie par KAl-EDTA = [AlEDTA -] / [Al 3+].[EDTA4-]. Les constantes ainsi définies en termes de concentrations (mole/L) varient avec entre autres la force ionique de la solution. On les appelle parfois constantes conditionnelles, pour les distinguer des constantes dites "vraies". Dans ces dernières les concentrations sont remplacées par les activités, égales aux concentrations multipliées par les coefficients d'activité, qui sont fonction surtout de la force ionique. Dans le cadre de ce travail, seules les constantes conditionnelles sont utilisées, et leurs unités (mole/L, ...) sont omises. On utilise aussi parfois la constante "de dissociation" ou "d'instabilité", définie comme l'inverse de la constante d'association. L'analogie entre constante de dissociation et constante d'acidité n'est pas que formelle : de bien des façons la protonation, l'association entre le proton et la base A (p. ex. NH3, CH3COO-), peut être considérée comme un cas particulier de complexation, et la compétition entre les ions H+ et les autres cations pour

32

s'associer aux molécules basiques joue un rôle central dans les subtils équilibres de complexation en solution. III.3.3.1. Effet des concentrations sur la répartition en formes libres ou

associées Une des notions de base de la chimie des solutions aqueuses est qu'un acide faible comme l'acide acétique (fig. III.11) sera, en solution aqueuse, majoritairement sous forme protonée à pH acide ([CH3COOH] > [CH3COO-]) et déprotonée à pH basique ([CH3COO-] > [CH3COOH]), et que l'égalité entre ces deux formes ([CH3COOH] = [CH3COO-]) sera atteinte quand le pH sera égal au pKHA (= -log KHA), en d'autres termes quand la concentration [H+] sera égale à la constante de dissociation KHA.

Fig. III. 11. Spéciation de l'acide acétique en fonction du pH. L'équivalent pour les complexes (fig. III.12) est que la molécule complexante ou ligand "L" (RNH2, RCOO-...) sera majoritairement sous forme de complexe ([ML] > [L]) ou sous forme libre ([L] > [ML]), selon que la concentration en cation "M" libre (Ca2+, Cu2+, Al3+...) sera supérieure ou inférieure à une certaine limite, égale à nouveau à la constante de dissociation, c.-à-d. à l'inverse de la constante d'association : [ML] > [L] ⇔ [M] > 1/KML Pour donner un exemple concret : [AlF++] > [F-] ⇔ [Al +++] > 1/KAlF = 10-6,1 mol/L

0 2 4 6 8 100.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

CH3COO -CH3COOH

pH = pK(HA->H+A) = 4,75

[A] / ([A]+[HA]),degré de déprotonation

[HA] / ([A]+[HA]),degré de protonation

pH

33

Inversement le cation sera lui aussi majoritairement sous forme libre ou sous forme de complexe (fig.III.13), selon que la concentration en ligand libre est inférieure ou supérieure à la même constante d'association : [ML] > [M] ⇔ [L] > 1/KML ou, dans l'exemple, [AlF++] > [Al +++] ⇔ [F-] > 1/KAlF = 10-6,1 mol/L

Fig. III. 12. Spéciation du fluor en fonction de log [Al+++].

Fig. III. 13. Spéciation de l'aluminium en fonction de log [F-].

-10 -8 -6 -4 -2 00.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0AlF++F-

log [Al+++] = - log K(Al+F->AlF) = - 6,1

[L] / ([L]+[ML]) [ML] / ([L]+[ML])

log [M] (log [Al+++])

-10 -8 -6 -4 -2 00.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Al+++ AlF++

log [F-] = - log K(Al+F->AlF) = - 6,1

[M] / ([M]+[ML]) [ML] / ([M]+[ML])

log [L] (log [F-])

34

Une conséquence pratique de ces relations est que, si par exemple le degré de complexation du cation peut être mesuré grâce à une différence entre les spectres UV-visible du complexe et de la forme libre, comme c'est parfois le cas avec les métaux de transition (Cu2+, Ni2+...) la constante d'association est donnée par la concentration en ligand au "virage", c.-à-d. au point auquel [ML] = [L] : [ML] = [M] ⇔ [L] = 1/KML Inversement si c'est le degré de complexation du ligand qui peut être mesuré grâce à une modification de son spectre UV-visible, comme c'est le cas avec les complexes aluminium-alizarine, la constante d'association est donnée par la concentration en cation au "virage", du jaune au rouge pour les complexes aluminium-alizarine : [ML] = [L] ⇔ [M] = 1/KML III.3.3.2. Effet de la dilution Un autre point commun entre dissociation acide et dissociation de complexes est que, toujours suite à la loi d'action des masses, un acide autant qu'un complexe est d'autant plus dissocié que la solution est diluée. La figure III.14 montre le degré de dissociation de l'acide fluorhydrique (HF, pK = 3,2) en fonction de la concentration totale, en l'absence d'autre soluté et d'autre réaction, ce qui implique que tous les ions H+ proviennent du HF et donc que [H+] = [F-]. On peut aisément montrer que, dans ces conditions ([H+] = [F-]), à l'équilibre ([H+].[F-] = K.[HF]) et au "virage" ([F-] = [HF]), la concentration totale ([F-]+[HF]) est égale à deux fois la concentration en protons (HFtot = [F-] + [HF] = 2.[F-] = 2.[H+]). Donc les courbes de HF et F- se croisent à log HFtot = log K + log 2 = -3,2 + 0,3 = -2,9. Bien sûr la condition [H+] = [F-] n'est plus strictement respectée quand il y a autoprotolyse de l'eau (pH ~ 7) ou, si la solution est en équilibre avec l'atmosphère (dissociation de l'acide carbonique dissout (pH ~ 5,65)). On peut voir sur la figure III.16. que les corrections pour l'autoprotolyse et la carbonatation font plafonner le pH à ~7 et ~5,65 respectivement, mais n'affectent pas de manière visible les courbes de répartition [F-]/[HF], qui se croisent à pH beaucoup plus faible.

35

Fig. III. 14. Spéciation (degré de dissociation) de HF en fonction de la concentration

totale (en absence de toute autre réaction) et pH d'une solution HF en fonction de la concentration totale (avec correction pour l'autoprotolyse d'eau et de la carbonatation).

De la même manière, si on met en solution équimolaire un cation tel que l'aluminium et un agent complexant tel que le fluorure, on n'aura de complexes en quantités non négligeables que si les concentrations totales en aluminium et en fluorure sont plus élevées que la valeur numérique de la constante de dissociation de AlF2+ (= 10-6,1 M = 0,8 µM) (fig. III.15).

Fig. III. 15. Spéciation (degré de dissociation) de AlF++ en fonction de la

concentration totale (en absence de tout autre réaction).

-8 -6 -4 -2 00.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

HFH+, F -

log K (HF->H+F) + log 2 = -2.9 (pK - log 2 = 2.9)

log K (HF->H+F) = -3.2 (pK = 3.2)

log HA tot = log A tot (= log HFtot = log Ftot = log ([HF]+[F-])

-8 -6 -4 -2 0

autoprotolyse (pH -> 7)carbonatation (pH -> 5,65)

HF (pK = 3,2)acide fort (pK < -2)

HFF -

log A tot (log Ftot, log ([HF]+[F-])

0

2

4

6

8

pK = pH = 3,2

pH

log Ftot = -pK + log 2 = -2,9

-10 -50.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

log K (AlF->Al+F) = -6,1 log K (AlF->Al+F) + log 2 = -5,8

AlF++Al+++, F-

log M tot = log L tot (= log Altot = log Ftot = log ([Al+++]+[AlF++])

36

III.3.3.3. Dissociations ou associations successives L'acide carbonique est caractérisé par deux valeurs de pk successives (6,4 et 10,3), notées pour cette raison avec un k minuscule. En conséquence les trois formes, H2CO3, HCO3

- et CO32- dominent chacune dans une certaine gamme de pH (fig.

III.16).

Fig. III. 16. Spéciation de l'acide carbonique en fonction du pH.

De même l'ion Al3+ peut fixer, par additions successives, jusqu'à six ions F-. Les constantes de complexation successives (log ki = [AlFi

(3-i)+] / [AlF i-1(4-i)+].[F-]) sont

les suivantes : log k1 = [AlF2+] / [Al 3+].[F-] = 6,1 log k2 = [AlF2

+] / [AlF2+].[F-] = 5,0 log k3 = 3,85 log k4 = 2,7 log k5 = 1,6 log k6 = 0,5 Chacun des complexes successifs AlFi est majoritaire dans une certaine gamme de concentrations en ions F- libres (ki < [F-] < ki+1) (fig. III.17).

4 6 8 10 12 140.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

CO3

--HCO3

-H2CO3

pk(H2A->H+HA) = pH = 6,4 pk(HA->H+A) =

pH = 10,3

[H2A] / ([H2A]+[HA]+[A]) [HA] / ([H2A]+[HA]+[A]) [A] / ([H2A]+[HA]+[A])

pH

37

Fig. III.17. Spéciation de l'aluminium en fonction de log [F-].

III.3.3.4. Constantes successives et constantes globales On peut, pour les déprotonations comme pour les complexations, considérer la réaction globale plutôt qu'une seule étape, p. ex. : H2CO3 → 2 H+ + CO3

2- Al3+ + 4 F- → AlF4

- avec pK (H2CO3 → 2 H + HCO3) = pk (H2CO3 → H + HCO3) + pk (HCO3 → H + CO3) =

6,4 + 10,3 = 16,7

log K (Al + 4 F → AlF4) = Εi log ki = Εi log k (AlF(i-1) + F → AlFi) On distingue d'habitude les constantes globales des constantes successives par l'emploi de majuscules (Ki) et de minuscules (ki) respectivement, p. ex. : K4 = K (Al + 4 F → AlF4) = k1 . k2 . k3 . k4

Charlot (1963) applique également cette convention aux constantes d'acidité, et utilise même l'indice "1" pour le premier proton fixé (p.ex. pk(diss)1 = -log ([CO3

2-

].[H+]/[HCO3-]) et non le premier proton libéré (pk1 = -log ([HCO3

-

].[H+]/[H2CO3]). Nous n'appliquerons pas cette convention supplémentaire, parce qu'elle n'a pas été retenue par l'usage, bien qu'elle ait eu l'avantage d'uniformiser, dans la direction de l'association croissante, la numérotation des constantes de protonation et de complexation.

-10 -8 -6 -4 -2 00.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

AlF6

---

AlF5

--AlF4

-AlF3AlF2

+AlF++

Al+++

log [F-]

38

III.3.3.5. Nombre moyen de protonation ou de complexation On peut définir pour le carbonate un "nombre moyen de protonation" Nmoy(H) = (2.[H2CO3]+[HCO3

-]) / CO3 tot, et pour l'aluminium un "nombre moyen de complexation" Nmoy(F) = ( Εi.[AlF i]) / Al tot. Dans le cas de l'acide carbonique, les deux étapes de déprotonation sont bien distinctes (fig.III.18). On peut aisément montrer que le nombre moyen de protonation est de 1,5 à pH = pk1 = 6,4, et de 0,5 à pH = pk2 = 10,3.

Fig. III. 18. Nombre moyen de protonation du carbonate en fonction du pH. Comme on l'a déjà vu à la figure III.17 (Répartition de l'aluminium en fonction de la concentration en ions F- libres), les constantes de formation des complexes successifs AlFi sont trop proches l'une de l'autre pour que les concentrations en complexes de AlF2+ à AlF5

2- puissent dépasser deux tiers de l'aluminium total. En conséquence, le nombre moyen de complexation augmente presque linéairement en fonction de log [F-] (fig.III.19). Cependant il reste possible, si une telle courbe peut être obtenue expérimentalement, de déterminer combien de ligands (ions F-) peuvent être fixés par ion Al3+, et quelles sont les valeurs des constantes de complexation successives (log ki = log [F-] quand Nmoy(F) = i-0,5). Nombre des constantes d'équilibre publiées dans la littérature ont été calculées à l'aide de méthodes dérivées de ce principe. Pour la mesure du degré de complexation, on a classiquement recours à l'abaissement du pH (déplacement d'ions H+, à partir de HF par exemple) qu'entraîne la formation des complexes. Cette baisse du pH est due à la compétition entre le proton (H+) et le cation (Al3+) pour le ligand (F-), sujet du paragraphe suivant.

4 6 8 10 12 140.0

0.5

1.0

1.5

2.0

n moy

(H)

HCO3

-

CO3

-- + H+

HCO3

- + H+

H2CO3

nmoy(H) = (2.[H2CO3] + [HCO3

-]) / CO3 tot

pK(H2A->H+HA) = pH = 6,4

pK(HA->H+A) = pH = 10,3

pH

39

Fig. III. 19. Nombre moyen de complexation de l'aluminium en fonction de log [F-]. III.3.3.6. Compétition entre protonation et complexation : cas du HF

Pour qu'une solution soit à l'équilibre thermodynamique, toutes les réactions réversibles possibles doivent être à l'équilibre simultanément. Les concentrations s'ajustent donc pour que soient respectées toutes les équations d'équilibre. Par exemple, l'addition de sulfate d'aluminium à une solution de HF entraîne la formation de complexes AlF2+, AlF2

+, etc., et donc diminue la concentration en fluorure libre [F-], ce qui à son tour entraîne la dissociation de molécules de HF et donc la libération de protons et la baisse de pH. On peut donc, d'un point de vue thermodynamique, considérer la réaction comme le déplacement du proton par l'aluminium, même si les deux étapes, libération de proton et fixation de l'aluminium, sont successives et non simultanées. On écrit alors la réaction sous la forme HF + Al3+ � H+ + AlF2+

On utilise généralement, pour les "constantes d'échange" ou "constantes de déplacement" correspondantes, la lettre B: BAlF = B(HF+Al→H+AlF) = [AlF2+].[H+] / [HF].[Al 3+] Cette constante de déplacement ou d'échange est le produit des constantes des deux réactions (complexation et déprotonation) prises séparément : [AlF2+].[H+] / [HF].[Al 3+] = ([AlF2+]/ [F-].[Al 3+]) . ([F-].[H+] / [HF])

-10 -8 -6 -4 -2 00

1

2

3

4

5

6

nmoy(F) = 5,5 : log k6 = -log [F-] = 0,5

nmoy(F) = 4,5 : log k5 = -log [F-] = 1,6

nmoy(F) = 3,5 : log k4 = -log [F-] = 2,7

nmoy(F) = 2,5 : log k3 = -log [F-] = 3,85

nmoy(F) = 1,5 : log k2 = -log [F-] = 5

nmoy(F) = 0,5 : log k1 = -log [F-] = 6,1

n moy

(F)

AlF5

--

AlF4

-

AlF3

nmoy(F) = Εi (i.[AlFi]) / Al tot.

AlF6

---

AlF2

+

AlF++

Al+++

log [F-]

40

⇒ B (HF+Al→H+AlF) = K (Al+F→AlF) . K (HF→H+F) ⇒ log BAlF = log KAlF - pKHF = 6,1 - 3,2 = 2,9 Les relations entre ces réactions et les constantes correspondantes peuvent être représentées schématiquement comme suit :

Fig. III. 20. Schéma et constantes d'association et d'échange entre HF, F- et AlF++. La compétition entre protons et autres cations est en fait à la base de la méthode la plus classique et la plus largement applicable de détermination de la stabilité des complexes. Le pH est mesuré avec la plus grande précision possible pendant un titrage du ligand sous sa forme protonée (RCOOH, RNH3

+...). Cette première courbe de titrage permet de mesurer la constante d'acidité. Puis le titrage est recommencé, cette fois sur un mélange du ligand protoné et d'un sel du cation à complexer. L'anion de ce sel (NO3

-, ClO4-, SO4

2-...) est en général un complexant tellement faible qu'on peut le négliger dans le calcul des équilibres en solution. Suite à la compétition du cation pour le ligand, le pH est légèrement plus bas, tout au long de la courbe de titrage avant le virage, qu'en l'absence du cation. Cette baisse de pH permet de calculer successivement les concentrations en proton, ligand protoné, ligand déprotoné, complexe, et cation non complexé, et donc la constante d'échange et la constante de complexation. La constante d'échange et la constante de complexation sont aussi valables l'une que l'autre, quel que soit le pH. Dans les tables c'est le plus souvent la constante de complexation que l'on trouve. Cependant, quand la forme protonée (HF) excède largement la forme déprotonée (F-) (ici à pH < 3,2), la constante d'échange est à la fois plus pertinente et moins sujette à erreur. Le "diagramme de spéciation" de la figure III.21 le montre en délimitant, dans l'espace (log [H+], log [Al3+]) ou (pH, pAl), les domaines dans lesquels les espèces F-, AlF2+ et HF sont majoritaires (pour pouvoir négliger les complexes AlF2

+ à AlF63- dans l'élaboration de cette figure, on

a posé que en tout point la concentration totale en fluor est inférieure à la concentration totale en aluminium): - La limite entre les domaines de HF et de F- est verticale (pH = pK = 3,2), puisque l'aluminium n'intervient pas dans la réaction. L'éventuelle formation de complexes

log Béch = 2,9

log

Kas

s = 6

,1

log Kass = pKdiss = 3,2

AlF++

F-HF

41

d'aluminium se fera principalement aux dépens de l'espèce dominante, donc HF à pH < 3,2 et F- à pH > 3,2. - Inversement la limite entre les domaines de F- et de AlF2+ est horizontale (pAl = log K = 6,1), puisque aucun ion H+ n'intervient dans cette réaction : à pH > 3,2, le complexe domine quand log [Al3+] > -6,1. - Enfin, à pH < 3,2, la limite entre les domaines de HF et de AlF2+ est oblique, puisque H+ et Al3+ sont en compétition dans cette réaction. La pente est égale à 1, puisque un ion H+ est déplacé pour un ion Al3+ complexé. A titre d'exemple, voici comment la position de la limite AlF2+ / HF est calculée : elle est l'ensemble des points où [AlF2+] = [HF], d'où BAlF = [AlF2+].[H+] / [HF].[Al 3+] = [H+]/[Al 3+] ⇒ [Al3+] = [H+] / BAlF

⇒ log [Al3+] = log [H+] - log BAlF

⇒ pAl3+ = pH + log B = pH + 2,9

⇒ à pH 0 : pAl3+ = log B = 2,9

Fig. III. 21. Equilibre entre F-, AlF2+ et HF. Espèces majoritaires en fonction du pH et de log[Al+++].

8 6 4 2 0

8

6

4

2

0-8 -6 -4 -2 0

-8

-6

-4

-2

0

pH = pK = 3,2

log [Al+++] = - log K = -6,1

log [Al+++] = - log B = -2,9

H+ +

F- <

-> H

FAl+++ + F- <-> AlF++Al+

++ + H

F <->

AlF++ +

H+

F-HF

AlF++

log [H+]

log [Al +++]

pAl

pH

42

III.3.3.7. Compétition entre protonation et complexation : cas d'un ortho-diphénol

La valeur de la constante d'échange est d'autant plus importante que, dans la

pratique, le fort pouvoir complexant (log kass élevé) d'un ligand est souvent tempéré par une tendance à peu près aussi forte à la protonation (pk d'acidité élevé). Le domaine de pH dans lequel la forme dominante est le ligand déprotoné sera donc d'autant plus restreint. Ainsi par exemple les catéchols (ortho-diphénols) ont généralement, sous leur forme totalement déprotonée (L2-), des constantes de complexation de l'aluminium très élevées (log K > 16), mais ont également des pK successifs assez élevés (pk1 ~ 6, pk2 ~ 10, pKtot ~ 16), ce qui d'une part restreint à pH > 10 le domaine dans lequel le dianion peut être majoritaire, et d'autre part ramène la constante d'échange

BAlL++ = [AlL +].[H+]2 / [H2L].[Al 3+] à une valeur finalement plus faible (log B ~ 0) que celle de HF calculée ci-dessus (log B = 2,9). De plus la stoechiométrie de la réaction (deux H+ pour un Al3+) accentue l'influence du pH sur le degré de complexation, comme nous allons le voir.

Imaginons p. ex. un catéchol (H2L) capable de former un complexe monodentate AlHL 2+ aussi bien qu'un complexe bidentate AlL+, et qui aurait comme constantes :

pk1 = pkH2L = 6,5 (= - log [H+].[HL -]/[H2L] = log [H2L]/[H +].[HL -]) pk2 = pkHL- = 10,3 (= - log [H+].[L 2-]/[HL -] = log [HL-]/[H+].[L 2-]) log kAlL+ = 16 (= log [AlL+]/[Al 3+].[L --]) log kAlHL++ = 7 (= log [AlHL2+]/[Al 3+].[HL -])

On peut construire le schéma suivant : A partir de ces quatre constantes on peut en calculer une série d'autres :

a) constante d'acidité globale de la molécule: pKH2L = pkH2L + pkHL- = 6,5 + 10,3 = 16,8 b) constante d'acidité du complexe AlHL2+ : pkAlHL++ = - log kAlL- + pkHL+ + log kAlHL++ = -16 + 10,3 + 7 = 1,3 c) constante d'échange bAlHL++ : log bAlHL++ = - pkH2L + log kAlHL++ = -6,5 + 7 = 0,5 d) constante d'échange bAlL+ : log bAlL+ = - pkHL- + log kAlL+ = -10,3 + 16 = 5,7

log

k AlH

L++

= 7

log

k AlL

+ =

16

pkH2L = 6,5pkHL- = 10,3

AlL+ AlHL2+

L2- HL- H2L

43

e) constante d'échange globale : log BAlL+ = - pkH2L - pkHL- + log kAlL+ = -6,5 - 10,3 + 16 = -0,8 Ce qui permet de compléter le schéma de la manière suivante :

Fig. III. 22. Schéma et constantes de protonation et de complexation d'un catéchol en solution diluée.

On peut vérifier la cohérence du schéma: en additionnant ou soustrayant les constantes selon le sens des flèches, quelque soit l'itinéraire choisi, on aboutit à la même valeur.

Si on néglige à nouveau les complexes de stoechiométrie autre que 1:1 (Al(Haliz)2

+, Al(aliz)2-), donc si on se restreint à des concentrations en catéchol

relativement faibles, on peut construire le diagramme de spéciation de la figure III.23. Il est naturellement plus compliqué que celui du HF, mais on peut y constater qu'à nouveau les limites entre les différents domaines sont : - verticales quand seul le proton intervient dans la réaction (protonation de L-, HL- et AlL++ : pH = pk = 10,3, 6,5 et 1,3 respectivement) - horizontale quand seul l'aluminium intervient (Al3+ + L ↔ AlL : log [Al 3+] = log k = 16) - de pente 1 quand un proton est déplacé par un ion aluminium (HL + Al3+ ↔ AlL + H ; H2L + Al3+ ↔ AlHL + H) ; les intersections avec l'axe vertical (pH = 0) se situent à pAl3+ = log b = 0,5 et 6,7 respectivement - de pente 2 quand deux protons sont déplacés par un ion aluminium (H2L + Al3+ ↔ AlL + 2 H) ; l'intersection avec l'axe (pH = 0) se situe à log B = -0,8.

pK = pkH2L + pkHL- = 16,8

log

k AlH

L++

= 7

log BAlL+ = -0,8

pKAlHL++ = 1,3

log bAlHL++ = 0,5

log bAlL+ = 5,7lo

g k A

lL+

= 1

6

pkH2L = 6,5pkHL- = 10,3

AlL+ AlHL2+

L2- HL- H2L

44

Fig. III. 23. Equilibre entre les différentes formes possibles du catéchol en solution diluée et en présence d'aluminium (constante hypothétiques, cfr texte). Espèces majoritaires en fonction du pH et de log[Al+++].

III.3.3.8. Conclusions Le diagramme de spéciation du catéchol ci-dessus rappelle qu'on doit s'attendre à ce que la nature des complexes, ainsi que la concentration en aluminium nécessaire à leur formation, dépendent du pH. Ce schéma n'est d'ailleurs valable que pour des concentrations en catéchol suffisamment faibles pour qu'on puisse négliger les complexes de stoechiométrie 1:2. Dans le cas où inversement la concentration en catéchol serait suffisamment élevée pour que la majorité des complexes soient de stoechiométrie 1:2, les pentes des limites entre les domaines des différentes formes seraient à nouveau égales au nombre de protons déplacés par la réaction : pente 2 pour les réactions (Al3+ + 2 HL- → AlL 2

- + 2 H+) et (Al3+ + 2 H2L → Al(HL) 2+ + 2

H+), pente 4 pour la réaction (Al3+ + 2 H2L → AlL 2- + 4 H+).

Dans le § III.4 (spectres UV-visible des anthraquinones et de leurs complexes aluminiques) cette propriété des diagrammes de spéciation sera mise à profit pour déterminer la formule des complexes formés à certains pH et concentrations en aluminium.

14 12 10 8 6 4 2 0 -220

18

16

14

12

10

8

6

4

2

0

-2-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

-20

-18

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2 pAl = log bAlHL++ = 0,5

pH = pkAlHL++

= 1,3

pH = pkH2L = 6,5pH = pkHL-

= 10,3

pAl = log kAlL+ = 16

Al + H

2L <

-> H

AlL + H

H +

AlL

<->

HA

lL

Al +

H2L

<->

AlL

+ 2

H

H+

HL

<->

H2L

Al + H

L <->

AlL

+ H

H +

L <

-> H

L

Al + L <-> AlL

HAlL 2+

AlL +

L2- HL-

H2L

log [H+]

log [Al+

++]pA

l

pH

45

III.4. Spectres d'absorption dans le visible III.4.1 . Introduction La spectroscopie UV-visible peut donner des informations sur les complexes de manière directe, par l'existence, la position et les caractéristiques de l'une ou l'autre bande d'absorption, ou indirecte, par les conditions dans lesquelles telle ou telle bande peut être observée, et donc la nature des réactions éventuellement subies par ces complexes, et leurs constantes d'équilibre. Les informations indirectes sont par exemple le pH limite au-dessous duquel un complexe se dissocie suite à la compétition des protons. Comme dans le cas des études de la complexation par pH-métrie (§ III.3.6), la stoechiométrie de la réaction et la constante de stabilité des complexes peuvent alors être estimées par des calculs qui tiennent compte de la constante d'acidité du ligand (RCOOH, NH4

+, ROH...), supposée connue, et des concentrations à l'équilibre. Les méthodes pH-métriques, les plus utilisées pour la détermination des constantes de stabilité des complexes en solution aqueuse, ne sont pas applicables ici, parce que les anthraquinones sont tellement peu solubles dans l'eau, et donc tellement peu concentrées en solution aqueuse, que l'effet que leur déprotonation peut avoir sur le pH n'est pas détectable. Par contre, même en solution relativement diluée (10-5 à 10-6 mol/L, soit 2,5 à 0,25 mg/L), la formation de complexes alizarine-aluminium s'accompagne d'un changement du spectre dans le visible et donc de la couleur, du jaune de la forme protonée au rouge des complexes, aisément détectable à l'œil nu. On peut donc, en faisant varier les rapports H+/Al+++ et en observant le virage, déterminer expérimentalement une partie du diagramme de spéciation en fonction de log [H+] et log [Al3+], décrit théoriquement aux § III.3.6 et III.3.7). Comme on l'a vu à la figure III.23, dans l'espace (log [H+], log [Al3+]), la pente de la droite séparant le domaine du complexe de celui de la forme acide est égale au nombre de protons déplacés par la complexation. Cette pente sera donc par exemple de 2 si la réaction observée est la formation d'un complexe de stoechiométrie 1:1 et de type diphénolate à partir de la forme acide de l'alizarine (H2aliz + Al3+ → Al(aliz)+ + 2 H+).

D'autres auteurs ont utilisé les spectres UV pour obtenir indirectement des informations sur la complexation. Les méthodes de calcul par lesquelles les constantes sont dérivées des résultats expérimentaux sont souvent difficiles à suivre, et parfois inappropriées. Ainsi les "courbes de formation" de Masoud et al. (1984) sont manifestement faussées par l'un ou l'autre artefact. Elles sont normales, c.-à-d. croissantes, avec la 1-OH-anthraquinone, mais elles sont décroissantes avec l'alizarine. Si elles étaient correctes, cela voudrait dire qu'une addition d'alizarine entraînerait une diminution de la concentration en complexe. Or, de la même manière que par exemple une augmentation de la concentration en ions H+ (diminution du pH) ne peut qu'entraîner une augmentation et non une diminution des rapports [H2CO3]/[HCO3

-] et [HCO3-

]/[CO32-], une augmentation de la concentration en alizarine ne peut qu'entraîner une

46

augmentation et non une diminution du degré de complexation (rapport complexes / alizarine non complexée). Les stoechiométries et les sites de complexation proposés par ces auteurs sont tout aussi improbables, comme par exemple le site tridentate impliquant à la fois le carbonyle et les deux oxygènes phénoliques, qui est impossible en raison de la distance séparant le carbonyle de l'oxygène phénolique en C-2. Utilisant d'autres méthodes graphiques, Biryuk et al. (1968) concluent à une stoechiométrie 1:2 (Al(aliz)2

-), qui, bien qu'éventuellement majoritaire dans certaines conditions, n'est certainement possible que si la stoechiométrie 1:1 (Al(aliz)+ ou Al(Haliz)2+) l'est aussi. Le complexe majoritaire sera alors probablement, comme c'est le cas pour AlF2+ et AlF2

+ (fig.III.17), de stoechiométrie 1:1 ou 1:2 selon que la concentration en ligand est plus ou moins faible. Selon Pilipenko et al. (1970), l'évolution progressive des spectres avec le pH montrerait que l'aluminium est lié aux deux phénols en C-1 et C-2, tous deux sous forme protonée (Al(H2aliz)3+) à pH 3-4, un des deux déprotoné (Al(Haliz)2+) à pH 6,5-7. Cette conclusion semble contestable. En effet, comme il a déjà été rappelé au § III.3.2, la complexation de l'ion Al3+ par l'alizarine sous forme H2aliz reviendrait en fait à remplacer deux liaisons Al3+-H2O par deux liaisons Al3+-ROH. L'avantage numérique des molécules d'eau sur les molécules d'alizarine n'étant pas compensé par une forte exothermicité de la réaction, le nombre de complexes de ce type ne peut être que négligeable. Par contre, la liaison entre l'ion Al+++ et le groupement phénolate est suffisamment forte pour que le complexe AlHaliz++ soit majoritaire dans une certaine gamme de pH et de concentration en aluminium, comme le montre le diagramme de spéciation du catéchol de la fig.III.23. Dans le cas du catéchol, une fois la stabilité du complexe assurée par cette liaison forte avec le groupement phénolate, une liaison secondaire peut éventuellement se former avec le second groupement phénol, non déprotoné. Cependant cette liaison ne contribuera pas de manière significative à la stabilité des complexes. Dans le cas de l'alizarine, une liaison secondaire peut se former avec le carbonyle. Les carbonyles isolés ne sont pas de meilleurs complexants que l'eau ou les alcools, mais ici les atomes d'oxygène en C-9 (carbonyle) et en C-1 (phénolate) sont en résonance, et le caractère quasi-aromatique du cycle hexagonal formé avec l'Al 3+ contribue significativement à la stabilité du chélate ainsi formé. Il est donc plus probable que, en solution modérément acide, l'aluminium prenne la place du proton de la fonction phénol en C-1, et soit comme lui stabilisé par une liaison secondaire avec le carbonyle (site céto-phénolate). En solution neutre ou basique, il se peut que le second proton phénolique soit déplacé, et que la liaison secondaire avec le carbonyle soit remplacée par une deuxième liaison forte avec le second phénolate. La conclusion de Pilipenko et al. (1970) pourra être confirmée ou infirmée expérimentalement en introduisant l'influence des concentrations en H+ et Al3+ sur la complexation: la formation de Al(H2aliz)3+ serait indépendante du pH, contrairement à la formation de Al(Haliz)2+.

47

L'objectif des expériences décrites ci-dessous est d'identifier les complexes formés dans différentes conditions et d'estimer leur stabilité. L'alizarine, la quinizarine et la purpurine sont étudiées successivement. Pour chacune de ces trois molécules, les spectres de la forme neutre (p. ex. H2aliz) et du monoanion (p. ex. Haliz-) sont d'abord observés dans différents solvants. Puis les spectres des complexes obtenus à différents pH sont comparés. Les formules, les structures et les constantes de stabilité des complexes sont déduites des rapports [Al 3+]/[H+] nécessaires à leur formation.

48

III.4.2. Alizarine III.4.2.1. Couleurs et spectres de l'alizarine dans différents solvants, en

l'absence d'ions aluminium L'alizarine est un acide faible. Les constantes d'acidité mesurées par Masoud et al. (1984) sont pK1 = 6,5 +/- 0,2 et pK2 = 10,3 +/- 0,2 (dans 0,14 M NaClO4). Le pK1 mesuré par Biryuk et al. (1968) (dans 40 % éthanol) est très proche (6,71). La déprotonation de l'alizarine entraîne à la fois une augmentation de l'intensité (effet hyperchrome) et un déplacement vers les plus grandes longueurs d'onde (effet bathochrome, ou "red shift") de la bande d'absorption de l'alizarine dans le visible. Concrètement, l'alizarine diprotonée (H2aliz, pH < 6) est jaune pâle, son monoanion (Haliz-, pH entre 7 et 10) est rouge plus intense, et le dianion (aliz--, pH > 11) violet très intense. On peut distinguer le spectre (dans l'eau, avec 10 % MeOH) des trois formes, H2aliz, Haliz- et aliz--, sur la figure III.24. La forme jaune H2aliz (pH < 6) absorbe faiblement à 428 nm, la forme rouge Haliz- (pH 7 à 10) plus fortement à 520 nm. Le dianion aliz-- (pH > 11) est bleu-violet et présente deux maxima, à 570 et 610 nm.

Fig. III. 24. Spectres UV-vis de l'alizarine dans l'eau (44µM) à différents pH.

C'est le virage jaune-rouge, à un pH proche de la neutralité, qui a fait de l'alizarine un des principaux indicateurs colorés pour les titrages acide-base. Le second virage est peu utile, et n'est en fait observé que si on a pris soin d'éviter la carbonatation des solutions de NaOH ou KOH utilisées, dont le pH effectif peut sinon être inférieur de plusieurs unités au pH théorique. Les tampons basiques au borate ne peuvent être utilisés pour observer la couleur du dianion, parce qu'ils modifient cette couleur en formant des complexes borate-alizarine. De plus les anthraquinones ne résistent pas très longtemps à un milieu fortement basique, et la couleur violette des solutions perd rapidement de son intensité.

300 400 500 600 7000.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

610 nm570 nm

Aliz--

AlizH-520 nm

AlizH2428 nm

pH 1 (HClO4) pH 1 (HClO4) (x4) pH 6 (citr.) pH 6,5 (phosph.) pH 7 (phosph.) pH 8 (phosph.) pH 12 (KOH) pH 13 (KOH)

abs

(AU

)

wl (nm)

49

Le solvant influence relativement peu la position de la bande d'absorption de l'alizarine neutre (H2aliz), toujours située entre 420 et 435 nm (fig.III.25). Par contre la bande d'absorption du monoanion (Haliz-) subit un effet bathochrome (red shift) prononcé dans les solvants organiques : de 520 nm dans l'eau (fig.III.24), elle passe à 570 nm dans le DMF (fig.III.26). C'est suite au transfert d'un proton vers une molécule de solvant que le monoanion de l'alizarine apparaît dans les solvants organiques relativement basiques comme le DMF. La figure III. 27 permet de vérifier que dans le DMF, l'éthanol, le méthanol, l'acétonitrile et l'acétone, le degré de déprotonation augmente avec la dilution, comme on peut s'y attendre avec un acide faible en solution diluée (§ III.3.3.2). Parallèlement, la couleur des solutions est de moins en moins intense et passe du jaune à différentes nuances de jaune-vert. Le maximum de la bande d'absorption du monoanion se situe à environ 540 nm dans le méthanol et l'acétone, 548 nm dans l'éthanol, 560 nm dans l'acétonitrile, et 570 nm dans le DMF. Fig III. 25. Spectres dans le visible de l'alizarine 100 à 200 µM dans différents solvants.

Fig. III.26. Spectres dans le visible de l'alizarine à différentes concentrations dans le DMF.

400 450 500 550 600 650

DMF430 nm

eau428 nm ?

éthanol433 nm

méthanol429 nm

CHCl3426 nm

acétone425 nm

CH3CN421 nm

CH3CN acétone CHCl3 MeOH DMF EtOH

wl (nm)

400 500 6000.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

AlizH-,570 nm

AlizH2,430 nm

200 µM 140 µM 80 µM 40 µM 20 µM 10 µMA

bs (

AU

)

wl (nm)

50

Fig. III. 27. Spectres dans le visible de l'alizarine à différentes concentrations dans six solvants organiques.

Wunderlich et al. (1994) aussi ont observé, dans un mélange DMF:eau 9:1, des maxima de l'ordre de 432 nm pour l'alizarine diprotonée et 567 nm pour le monoanion, bleu-violet. Le dianion, bleu-azur, absorbait à 592 nm et 636 nm, soit un "red shift" de 20 à 30 nm par rapport à son spectre dans l'eau (570 et 610 nm, fig. III.24).

400 450 500 550 600 650

CH3CN

AlizH-AlizH2

560 nm

414-422 nm

100 µM 80 µM 40 µM 20 µM 8 µM

nm400 450 500 550 600 650

acétone

423-425 nm

200 µM 10 µM

nm

400 450 500 550 600 650

CHCl3

426 nm

200 µM 100 µM 80 µM 40 µM 20 µM 8 µM

nm400 450 500 550 600 650

MeOH

429-432 nm

200 µM 100 µM 80 µM

40 µM 20 µM 8 µM

nm

400 450 500 550 600 650

EtOH

546 nm445 nm

432-437 nm

200 µM 100 µM 80 µM 40 µM 20 µM 8 µM

nm400 450 500 550 600 650

DMF570 nm

430 nm 200 µM 140 µM 80 µM 40 µM 20 µM 10 µM

nm

51

III.4.2.2. Complexes d'alizarine et d'aluminium à pH 5-6 Le pH d'une solution aqueuse diluée d'alizarine (5 g/L, soit 20 µM, dans 1 % méthanol) est d'environ 5,9. L'alizarine y est donc majoritairement (80%) sous forme acide, et la couleur est jaune (bande à 430 nm). Le titrage spectrométrique (les spectres ont été corrigés pour la dilution) de cette solution par une solution de sulfate d'aluminium 107 µM (215 µM en aluminium, pH ~4,75) fait passer la solution du jaune au rouge, ce qui correspond au remplacement de la bande d'adsorption à 430 nm par une bande à 484 nm (fig.III.28). Cette longueur d'onde est plus basse de ~35 nm que celle du monoanion Haliz- (~520 nm), qui de toute façon ne devrait apparaître qu'à pH plus élevé. La bande à 484 nm est donc bien due à un complexe. Le spectre n'évolue que jusqu'à un rapport Al/aliz d'environ 2. La plupart des molécules d'alizarine sont alors sous forme de complexes, et le spectre résultant est pratiquement celui du complexe pur.

Fig. III. 28. Spectres d'alizarine 20 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante.

Le même déplacement de la bande d'absorption, de ~ 430 nm à ~ 484 nm suite à l'addition de sulfate d'aluminium, est encore observé avec une solution encore dix fois plus diluée en alizarine (0,5 mg/L, 2 µM, pH approximatifs 6,6 à 5,5) (fig. III.29). Mais cette fois l'évolution du spectre avec le rapport Al/aliz continue jusqu'au moins Al/aliz = 10, ce qui indique que seule une partie de l'alizarine est complexée, même en présence de dix fois plus d'aluminium. On approche donc des limites de dilution au-delà desquelles les complexes ne se forment pas (§ III.3.3.2). On constate d'ailleurs, probablement pour la même raison, un épaulement vers 520 nm sur le spectre de l'alizarine 2 µM avant addition d'aluminium ce qui trahit un degré de dissociation (formation de Haliz-) plus important que pour l'alizarine 20µM.

200 300 400 500 600 700 8000.00

0.05

0.10

0.15

0.20

0.25

0.30

0.35

0.40

0.45

0.50

0.55

M/L (Al/aliz) = 0,1 0,5 0,5 1 1,5 2 2,5 3 4 5

abs

(AU

) (

corr

. pou

r di

l.)

wl (nm)

0 1 20.00

0.02

0.04

0.06

0.08

0.10

0.12

abs

(AU

) (

corr

. po

ur d

il.)

M/L (Al/aliz)

52

Fig. III. 29. Spectres d'alizarine 2 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante. III.4.2.3. Complexes d'alizarine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 : compétition

entre H+ et Al3+ On a vu plus haut (§ III.3.7 et III.3.8) que, si la complexation implique le déplacement de un ou deux protons, alors il doit y avoir, pour chaque concentration donnée en ions aluminium libres [Al3+], un pH limite au-dessous duquel la concentration en protons est suffisante pour, par compétition, empêcher que l'alizarine ne se lie avec l'aluminium. La solution sera donc rouge au-dessus de ce pH, jaune au-dessous. Ce pH sera fonction de [Al3+], et la pente de cette fonction sera déterminée par la stoechiométrie de la réaction (fig.III.23). On peut vérifier l'existence de ce virage, et son interdépendance avec la concentration en aluminium, en observant sur photo la couleur des tubes à essai (fig. III.30). Chacun de ces tubes contient une solution d'alizarine (10 µM), de sulfate d'aluminium (de 0,25 à 25 mM, soit 0,5 à 50 mM Al), et d'HClO4 (500 à 0,5 mM, soit des pH approximatifs de 0,3 à 3,3), dans 25% MeOH). À la plus haute concentration en aluminium (50 mM, première rangée sur la photo), le virage entre la forme protonée H2aliz (jaune) et le complexe (rouge) se situe entre pH 1,6 et pH 2,3, c.-à-d. à concentration en proton [H+] entre 25 et 5 mM. À concentration en aluminium dix fois plus faible (5 mM, deuxième rangée), le virage se situe une unité pH plus haut, entre 2,6 et 3,3 ([H+] entre 2,5 et 0,5 mM). Finalement, à concentration dix fois plus faible encore (Al3+ 500 µM), le virage n'est pas observable sur la photo : il se situe probablement entre pH 3,6 et 4,3 ([H+] entre 250 et 50 µM)., donc en-dehors de la gamme de pH étudiée ici. Dans ces solutions, les ions aluminium sont en tel excès par rapport à l'alizarine que, même quand celle-ci est majoritairement sous forme de complexes (solutions rouges), on peut faire l'approximation que la concentration en aluminium libre [Al3+]

200 300 400 500 600 700 8000.00

0.05

0.10

abs

(AU

)

wl (nm)

400 500 6000.000

0.005

0.010

0.015M/L (Al/aliz) =

0 0,1 0,5 0,9 1,8

abs

(AU

)wl (nm)

53

est pratiquement égale à la concentration totale, notée CAl. De même, [H+] est pratiquement égal à la concentration totale en acide perchlorique, notée CHClO4. Les "axes" log CHClO4 et log CAl de ce montage photographique peuvent dès lors être considérés comme équivalents aux axes log [H+] et log [Al3+] du diagramme théorique de spéciation de la fig.III.23. Cette simple expérience permet donc en quelque sorte d'illustrer, grâce au changement de couleur de l'alizarine, une fraction du diagramme de spéciation de l'alizarine, correspondant au coin supérieur droit ([H+] et [[Al3+] relativement élevées) du diagramme de la fig III.23. La figure III.31 montre la fraction du diagramme de spéciation observée expérimentalement, et trois extrapolations au reste du diagramme, compatibles avec les résultats expérimentaux. Dans la zone entre pH = 0,3 et 3,3, la pente de la frontière entre les domaines du complexe rouge et de H2aliz jaune est égale à 1 : le rapport [H+]/[Al 3+] au virage est constant. Cela implique qu'il y a un proton déplacé pour chaque ion aluminium complexé, et que le complexe formé est Al(Haliz)2+. H2aliz + Al3+ � Al(Haliz)2+ + H+ On peut donc exclure la formation, à ces pH, du complexe "diphénolate", qui libérerait deux protons pour chaque ion aluminium complexé. Pour la même raison, on peut exclure dans les présentes conditions expérimentales (faible concentration en alizarine, et large excès d'Al3+ par rapport à l'alizarine) la formation d'un complexe de stoechiométrie 1:2 (Al(Haliz)2

+), parce que lui aussi libérerait deux protons par aluminium complexé (§ III.8).

Fig. III. 30. Alizarine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+.

Fig. III. 31. Spéciation de l'alizarine 10 µM en fonction du pH et de log [Al3+] : trois possibilités

(pkcompl = 3.6; 6 et 7) compatibles avec les résultats expérimentaux à pH 0,3-33.

14 12 10 8 6 4 2 0 -216

14

12

10

8

6

4

2

0

-2-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

pkcompl = 7pkcompl = 6pkcompl = 3,6

HAlL ++

AlL +

L-- HL-

H2L

log [H+]

log [Al +

++]

pAl

pH

14 12 10 8 6 4 2 0 -216

14

12

10

8

6

4

2

0

-2-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

HAlL ++

AlL +

L-- HL-

H2L

log [H+]

log [Al +

++]

pAl

pH

14 12 10 8 6 4 2 0 -216

14

12

10

8

6

4

2

0

-2-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

-16

-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

H A lL++

A lL+

L-- HL-

H2L

log [H+]

log [Al

++

+]

pAl

pH

54

La valeur du rapport [H+]/[Al 3+] au virage donne la valeur de la constante de déplacement : BAl(HAliz) = [Al(Haliz)2+].[H+] / [H2aliz].[Al 3+] = [H+] / [Al 3+] = 0,1 à 0,5 log BAl(Haliz) = -1 à -0,3 En utilisant 6,5 comme valeur de pk1, on peut calculer la valeur de la constante d'association : log KAl(Haliz) = log [Al(Haliz)2+]/[Haliz-].[Al 3+] = log BAl(Haliz) + pk1 = 5,5 à 6,2 Le spectre de ces complexes, obtenus à pH 2 à 3 en présence d'aluminium 50 à 5 mM, est pratiquement identique au spectre des complexes obtenus précédemment à pH 5 à 6 en présence d'aluminium 40 µM. La fig.III.32 permet de comparer les spectres des quatre formes : alizarine diprotonée (H2aliz, 426 - 430 nm), complexe aluminique (AlHaliz++, 484 - 488 nm), monoanion (Haliz-, 520 nm) et dianion (aliz--, 534 nm). On peut conclure de la ressemblance des spectres à pH 2 - 3 et 5 - 6 que soit il s'agit du même complexe, soit les éventuelles différences entre les complexes n'affectent leurs spectres que de manière négligeable. Nous reviendrons sur ce point au § III.4.5, dans lequel les spectres sont comparés également à ceux d'une laque en poudre.

Fig. III. 32. Résumé : spectres dans le visible de l'alizarine et de ses complexes avec l'aluminium.

400 500 600

484-488 nm

610 nm

570 nm520 nm426 nmcomplexes Al Aliz--AlizH-

AlizH2

aliz 10 µM (25% MeOH), Al 25 mM, pH 0,3 (HClO4) aliz 10 µM, Al 25 mM, pH 3,3 (HClO4) aliz 20 µM (1% MeOH), Al 20 µM, pH 6 aliz 10 µM, pH 1 (HClO4) aliz 10 µM, pH 7 (phosph.) aliz 10 µM, pH 13 (KOH)

wl (nm)

55

III.4.3. Quinizarine III.4.3.1. Couleurs et spectres de la quinizarine dans différents solvants, en

l'absence d'ions aluminium La quinizarine est moins acide encore que l'alizarine (index Merck : pK1 = 9,5 ; Kiraly et Martin (1982) : pk1 = 9,92 +/- 0,01, pk2 13,7 +/- 0,01), et plus difficile à solubiliser dans l'eau. Dans une solution aqueuse (H2O/MeOH, 96/4, V/V) la quinizarine donne des solutions légèrement basiques (pH 8), suggérant qu'une partie se trouve sous forme de sel, le plus probablement de quinizarinate de sodium. La présence de sodium dans cette quinizarine a été confirmée par les analyses SIMS. Après quelques heures, le pH n'est plus que de 6,5, sans doute à cause de la carbonatation. A ce pH comme à pH 1, le spectre dans le visible est constitué d'une bande relativement large, dont le maximum se situe vers 468 nm. Dans le méthanol et plus encore dans l'éthanol, on peut distinguer cinq bandes très proches l'une de l'autre, vers 458, 468, 482, 500 et 514 nm (fig.III.33).

Fig. III. 33. Influence du solvant sur le spectre dans le visible de la quinizarine. Au-dessus de pH 11, la solution aqueuse (10% MeOH) passe au violet et le spectre montre deux bandes d'absorption, mal résolues, à 556 et 594 nm (fig.III.34). Cette couleur s'estompe progressivement suite à l'hydrolyse basique de la quinizarine.

400 450 500 550 600 650

498-500 nm

456-458 nm467-469 nm

480-482 nm

512-514 nm

Quin 39 µM / 17:83 MeOH:H20 Quin 19 µM / MeOH Quin 37 µM / EtOH

wl (nm)

56

Fig. III. 34. Spectres dans le visible de la quinizarine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH. III.4.3.2. Complexes de quinizarine et d'aluminium à pH 5-6 L'effet de l'addition de sulfate d'aluminium (107 µM, pH 4,75) sur le spectre d'une solution de quinizarine (24 µM, H2O/MeOH 9/1, V/V) est beaucoup moins marqué (fig.III.35) que celui observé avec l'alizarine (fig.III.37), au moins en partie parce que, en l'absence d'aluminium, le maximum de la bande d'absorption de la quinizarine (env. 468 nm) est déjà proche de celui des complexes alizarine-aluminium (484-488 nm). L'addition d'aluminium diminue l'intensité de cette bande d'absorption et en modifie la forme. Quand l'aluminium est en large excès (173 µM, soit Al3+/aliz = 7,2) le maximum est situé vers 482 nm, et deux épaulements sont visibles vers 515 et 550 nm.

Fig. III. 35. Spectres de quinizarine 24 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante.

200 300 400 500 600 700 8000.0

0.1

0.2

0.3251 nm

M/L = 0 M/L = 1,6 M/L = 2,3 M/L = 7,2

abs

(AU

) (c

orr.

pou

r di

l.)

wl (nm)

400 450 500 550 600 6500.00

0.02

0.04

0.06

468 nm

482 nm

515 nm

550 nm

400 450 500 550 600 650

468 nm 594 nm560 nm

pH ~10

pH ~12

pH 3

pH 9

pH ~13

pH 3 (HClO4) pH 9 (phosph.) KOH 0,1 mM (pH ~10) KOH 10 mM (pH ~12) KOH 100 mM (pH ~13)

wl (nm)

57

III.4.3.3. Complexes de quinizarine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 : compétition entre H+ et Al+++

En présence de sulfate d'aluminium 2,5 et 25 mM (Al3+ 5 et 50 mM), un virage peut être observé (fig.III.36) approximativement aux mêmes pH qu'avec l'alizarine (pH 1,6-2,3 à 50 mM Al3+, pH 2,6-3,3 à 5 mM Al3+). Il s'agit donc à nouveau de complexes de type céto-phénolate, les seuls d'ailleurs que peut former la quinizarine. Ces complexes sont de teinte magenta. Leurs spectres d'absorption dans le visible présentent trois maxima, situés à 556 nm, 517 nm et 486 nm par ordre d 'intensité décroissante (fig.III.37). La constante de déplacement est située dans la même fourchette que celle de l'alizarine : (§ III.4.2.3) : log B = -1 à -0,3.

Fig. III. 36. Quinizarine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+. A nouveau, les spectres des complexes semblent indépendants du pH au moins jusque pH 6 (fig.III.37).

Fig. III. 37. Résumé : spectres dans le visible de la quinizarine et de ses complexes avec l'aluminium.

400 450 500 550 600 650

486 nm

594 nm556 nm

517 nm

470 nm

Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 0 (HClO4), 25% MeOH Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 2,3 (HClO4), 25% MeOH Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 4,4, 25% MeOH Quin 40 µM, Al 25 mM, pH 4,4, 10% MeOH Quin 40 µM, Al 25 µM, pH 8 (phosph.), 10% MeOH Quin 40 µM, pH 6 (citr.), 10% MeOH Quin 40 µM, pH ~13 (KOH 0,1 M), 10% MeOH

wl (nm)

58

III.4.4. Purpurine III.4.4.1. Couleurs et spectres de la purpurine dans différents solvants,

en l'absence d'ions aluminium La purpurine, légèrement plus acide que l'alizarine, donne en solution aqueuse des solutions jaunes et roses à pH acide (large maximum entre 425 et 500 nm, épaulement vers 520 nm), rouges entre pH 6 et pH 8 (max. vers 510 nm, épaulement vers 540-550 nm). A partir de pH 10, une couleur bleu-violet intense apparaît, mais disparaît si rapidement que les solutions étaient déjà presque incolores quand les spectres ont été pris, d'où l'absence de bande d'absorption significative dans le visible (fig.III.38 et III.39). Fig. III. 38. Spectres UV-vis de la purpurine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH. Fig. III. 39. Spectres dans le visible de la purpurine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH.

200 300 400 500 600 7000.0

0.2

0.4

0.6

0.8

pH 1pH 10-11

pH 6-7

pH 4

pH 1 (HClO4) pH 4 (HClO4) pH 6 (cit.) pH 7 (phos.) pH ~10 (KOH) pH ~11 (KOH)

abs.

(A

U)

wl (nm)

400 450 500 550 600 650

pH 11-13

pH 10

pH 1-4pH 6-8 : 509 nm

pH 1 (HClO4) pH 2 (HClO4) pH 4 (HClO4) pH 6 (cit.) pH 6,5 (cit.) pH 7 (phos.) pH 8 (phos.) pH ~10 (KOH) pH ~11 (KOH) pH ~12 (KOH) pH ~13 (KOH)

wl (nm)

59

Les bandes sont à nouveau caractérisées par une largeur moindre dans les solvants organiques (fig.III.40 et III.41). Dans le chloroforme, l'acétone et l'acétonitrile, les spectres sont indépendants de la concentration entre 10 et 40 µM. Les maxima dans ces trois solvants sont à 484, 482 et 478 nm respectivement, avec des épaulements vers 455 nm et 510 nm. Il s'agit probablement là du spectre de la forme protonée (H3purp, neutre), qui donne dans l'eau un très large maximum entre 425 et 500 nm (fig.III.38). Dans MeOH et EtOH, il y a clairement équilibre entre deux formes. La forme neutre, prédominante à plus haute concentration (40 µM), absorbe surtout vers 485 nm, comme dans les trois solvants précédents. La forme déprotonée (H2purp-, monoanion), dont l'importance relative augmente avec la dilution (§ III.3.3.2), absorbe à 513 nm dans le MeOH et 522 nm dans l'EtOH, avec des épaulements vers 485 et 550 nm. Puisque son coefficient d'absorption molaire est probablement, comme celui du monoanion de l'alizarine, beaucoup plus élevé que celui de la forme neutre, le fait que son spectre domine ne signifie pas nécessairement qu'il est majoritaire en solution. Dans le DMF, le maximum d'absorption d'une solution 80 µM se situe déjà vers 530 nm, avec des épaulements vers 460, 550 et 600 nm. Avec la dilution, les bandes aux plus hautes longueurs d'onde (550 et 600 nm) augmentent par rapport à celles à 460 et 550 nm. Les spectres obtenus sont probablement à nouveau dus à la superposition des spectres de la forme neutre et du monoanion en proportions variables. Il y a donc, comme pour l'alizarine, peu d'influence du solvant sur la forme neutre, mais un effet hyperchrome et bathochrome plus ou moins prononcé sur les bandes du monoanion.

Fig. III. 40. Spectres dans le visible de la purpurine dans différents solvants.

400 450 500 550 600 650

H2purp -H

3purp

450-455 nm

EtOH : 522 nm

550 nm

MeOH : 513 nmCHCl3 : 484 nmacét. : 481 nm

CH3CN : 478 nm 40 µM, CHCl3 20 µM, CHCl3 10 µM, CHCl3 40 µM, CH3CN 20 µM, CH3CN 10 µM, CH3CN 40 µM, acétone 20 µM, acétone 10 µM, acétone 40 µM, EtOH 10 µM, EtOH 40 µM, MeOH 10 µM, MeOH

wl (nm)

60

Fig. III. 41. Spectres dans le visible de la purpurine dans le DMF III.4.4.2. Complexes de la purpurine et de l'aluminium à pH 5-6 En solution aqueuse diluée non tamponnée (1% MeOH, 14 µM, pH 6,5), la purpurine est majoritairement sous forme monoanionique et donne un groupe d'au moins trois bandes d'absorption, avec un maximum vers 508 nm. Le titrage d'une solution aqueuse de purpurine 14 µM par une solution de sulfate d'aluminium fait apparaître deux maxima à 497 et 530 nm, et un épaulement vers 468 nm (fig.III.42). En intensité, l'absorption évolue relativement peu : elle diminue légèrement en valeur absolue, augmente légèrement en valeur corrigée pour la dilution. Par contre la forme du spectre continue à évoluer régulièrement jusque au moins M/L = 25. Fig. III. 42. Spectres de purpurine 14 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante

400 450 500 550 600 650

460 nm 600 nm

550 nm530 nm

80 µM, DMF 40 µM, DMF 20 µM, DMF 10 µM, DMF

wl (nm)

400 450 500 550 600 6500.00

0.05

0.10

0.15

468 nm

508 nm

497 nm530 nm

M/L = 0 M/L = 1,08 M/L = 7,71 M/L = 12,3

abs

(AU

) (c

orr.

pou

r di

l.)

wl (nm)

61

III.4.4.3. Complexes de purpurine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 : compétition entre H+ et Al3+

Les pH en-dessous desquels l'acidité empêche la complexation sont plus bas d'une unité que ceux observés avec l'alizarine et la quinizarine. En conséquence, un virage supplémentaire peut être observé sur la fig.III.43. Les trois virages se situent à pH 0,6-1,3 à 50 mM Al3+, pH 1,6-2,3 à 5 mM Al3+, et pH 2,6-3,3 à 0,5 mM Al3+ (fig.III.43). A nouveau, la pente séparant le domaine de la forme protonée (H3purp, neutre) jaune de celui du complexe rouge est égale à 1 (un changement d'une unité de log(Al3+) déplace d'une unité le pH du virage jaune-rouge). Il s'agit donc à nouveau de complexes céto-phénolates de stoechiométrie 1:1, et la réaction peut s'écrire

H3purp + Al3+ � Al(H2purp)2+ + H+ Cette fois le virage se situe entre [H+]/[Al 3+] = 1 et [H+]/[Al 3+] = 5. La constante de déplacement (B Al(H2purp) = [Al(H2purp)2+].[H+]/[H3purp].[Al3+]) est donc située entre 1 et 5 (log B entre 0 et 0,7), soit dix fois plus haut que celles de l'alizarine et de la quinizarine (B entre 0,1 et 0,5, log B entre -1 et -0,3).

Fig. III. 43. Purpurine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+ Les spectres des complexes présentent deux maxima, à 505 et 542 nm en présence d'aluminium 50 mM (fig.III.44), et à 500 et 530 nm aux plus faibles concentrations (fig.III.45 et III.40).

62

Fig. III. 44. Spectres dans le visible de la purpurine (100 µM, 25% MeOH) en présence d'Al3+

50 mM, à différents pH. Fig. III. 45. Spectres dans le visible de la purpurine (100 µM, 25% MeOH) en présence d'Al3+

50 µM à 50 mM, à différents pH.

400 500 600

Al > 50 µM

Al 50 µM

complexes (pH 3,3 - 4,9)

500 nm 530 nm

Al (5mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3 Al (5mM)/ HClO4 (0mM)/ pH 3,8 Al (0,5mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3 Al (0,5 mM)/ HClO4 (0 mM)/ pH 4,3 Al (50 µM)/ HClO4 (0 mM)/ pH 4,9

wl (nm)

400 500 600

complexes (pH > 1,3)

H3purp (pH < 1,3)

457 nm

480 nm 505 nm 542 nm Al (50mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3 Al (50mM)/ HClO4 (2,5mM)/ pH 2,6 Al (50mM)/ HClO4 (5mM)/ pH 2,3 Al (50mM)/ HClO4 (25mM)/ pH 1,6 Al (50mM)/ HClO4 (50mM)/ pH 1,3 Al (50mM)/ HClO4 (100mM)/ pH 1 Al (50mM)/ HClO4 (250mM)/ pH 0,6 Al (50mM)/ HClO4 (500mM)/ pH 0,3

wl (nm)

63

Fig. III. 46. Résumé : spectres dans le visible de la purpurine et de ses complexes avec

l'aluminium.

III.4.5. Spectres de solides :

poudres d'alizarine et de laques d'alizarine et d'aluminium Pour caractériser la couleur d'un solide, on mesure son spectre en réflexion. Ensuite on extrait de ce spectre trois "coordonnées colorimétriques", qui permettent de comparer de manière objective et standardisée la couleur de ce solide, telle qu'elle sera perçue par un "observateur de référence" sous une lumière définie. La relation entre spectre et coordonnées colorimétriques est expliquée en détail au § V.7, dans lequel les couleurs de différentes laques sont comparées. A ce stade-ci, nous nous contentons de présenter à titre d'exemple les spectres de poudres d'alizarine pure et d'une laque typique, afin de les comparer aux spectres de solutions (fig.III.47). La comparaison des spectres d'alizarine en solution et en poudre montre que les bandes d'absorption sont, dans les solides, fortement élargies, surtout vers les longueurs d'onde élevées. Si on fait abstraction de cet élargissement, le spectre de la laque est tout à fait comparable à ceux des complexes en solution acide ou neutre.

400 450 500 550 600 650

complexes (Al 5 mM),~500 et ~530 nm

complexes (Al 50 mM),~505 et ~540 nm

Hpurp-- et/ou purp---

H2purp-,~510 nm

H3purp,~480 nm

purp 100 µM (25% MeOH), Al 50mM, pH 0,3 (HClO4) purp 40 µM (10% MeOH), pH 6 (citr.) purp 100 µM (25% MeOH), Al 5mM, pH 3,3 (HClO4) purp 100 µM (25% MeOH), Al 50 mM, pH 3,3 (HClO4) purp 40 µM (10% MeOH), pH ~11 (KOH)

wl (nm)

64

On peut conclure de cette ressemblance entre les spectres que : - soit il s'agit, dans les solutions neutres et dans la laque, des mêmes complexes qu'en solution acide, et donc de Al(Haliz)2+ (ou éventuellement Al(aliz)2

+), de site céto-phénolate ; - soit les formules et les structures des complexes diffèrent, mais en n'affectant les spectres dans le visible que de manière négligeable. Par rapport aux complexes Al(Haliz)2

+ de site céto-phénolate formés en solution acide, les principales différences qu'on peut envisager sont : - de stoechiométrie : Al(aliz)2

+ - de formule : Al(aliz)+ et/ou Al(aliz)2

- - de structure : dans Al(aliz)+ et Al(aliz)2

-, le site de complexation peut être céto-phénolate ou diphénolate Nous revenons sur ce point à la fin du chapitre III, après les études de suspensions et de laques par d'autres méthodes spectroscopiques.

Fig. III. 47. Comparaison des spectres d'alizarine et de ses complexes dans le visible, en solution (spectres d'absorption) et en solide (spectres de réflexion).

400 450 500 550 600 650

aliz2-

Haliz-poudresolnpoudre

H2Aliz : complexes Al :soln

aliz 10 µM (25% MeOH), Al 25 mM, pH 0,3 (HClO4) aliz 10 µM, Al 25 mM, pH 3,3 (HClO4) aliz 20 µM (1% MeOH), Al 20 µM, pH 6 aliz poudre aliz4 poudre aliz 10 µM, pH 7 (phosph.)

wl (nm)

65

III.4.6. Résumé et conclusions En l'absence d'aluminium, l'alizarine sous forme protonée (H2aliz, pH < 6) donne des solutions aqueuses jaunes (absorption max. à 420 nm), le monoanion (Haliz-, 7 < pH < 10) des solutions rouges (520 nm), et le dianion (aliz2-, pH > 11) des solutions bleu-violet (570 + 610 nm). La quinizarine et la purpurine sous forme protonée absorbent à plusieurs longueurs d'onde dans la région 430-520 nm, ce qui confère à leurs solutions une teinte jaune-orange. Le solvant peut influencer fortement le spectre des monoanions en solution, et dans une moindre mesure celui des dianions. En présence d'ions aluminium en concentration suffisante, une coloration intense apparaît, due à une bande à 484-488 nm dans le cas de l'alizarine, et à plusieurs bandes entre 470 et 560 nm dans ceux de la quinizarine et de la purpurine. Les figures III.32, III.37 et III.46 permettent de comparer, pour les trois molécules, les spectres de la forme protonée, du monoanion et des complexes. Les complexes ne se forment, à trois concentrations différentes en aluminium (50, 0,5 et 0,05 mM) qu'à partir d'un pH tel que le rapport [H+]/[Al 3+] soit inférieur à une certaine valeur constante, égale à 0,1 pour l'alizarine et la quinizarine, et à 1 pour la purpurine (fig.III.29, III.36 et III.43). Quand le rapport [H+]/[Al 3+] est cinq fois plus élevé que cette valeur, la compétition des protons empêche la complexation. Le fait que le "virage" entre le complexe et la forme protonée (H2aliz, H2quin, H3purp) se fasse ainsi à rapport [H+]/[Al 3+] constant démontre (§.III.6 à III.8 et III.4.2.3) que les complexes formés sont respectivement Al(Haliz)2+, Al(Hquin)2+ et Al(H2purp)2+. Le site de complexation est donc constitué d'un groupement phénol déprotoné, et plus que probablement du carbonyle proche (site "céto-phénolate"). Les constantes de déplacement sont tirées directement des rapports [H+]/[Al 3+] aux virages : - pour l'alizarine et la quinizarine :

log B = log [Al(HL)2+].[H+]/[Al 3+].[H2L] = -1 à -0,3 - pour la purpurine :

log B = log [Al(H2purp)2+].[H+]/[Al 3+].[H3purp] = 0 à 0,7 La constance du rapport [H+]/[Al 3+] au "virage" de complexation a été observée expérimentalement entre pH 0,6 et pH 3,3. Il est malheureusement impossible de vérifier par la même méthode que les complexes formés à pH 5-6 obéissent à la même loi, à cause de la dilution excessive que cela impliquerait (Al3+ < 10 µM, colorant < 1 µM). Cependant les spectres des complexes d'alizarine en solution neutre, ainsi d'ailleurs que les spectres de laques, différent peu de ceux des complexes en solution acide, identifiés comme Al(Haliz)2+ de site céto-phénolate. Cela implique que soit tous ces complexes sont de même type, soit les éventuelles différences n'en affectent pas les couleurs.

66

III.5. Spectres ES-MS de complexes alizarine-aluminium en solution semi-gélifiée

III.5.1. Introduction Les équilibres de complexation de l'aluminium en solution de colorant diluée nous ont permis de montrer que les complexes formés dans ces conditions sont constitués d'un ion aluminium (Al+++) et d'un monoanion du colorant (AlHaliz++, AlHquin++ et AlH2purp++), et que le site de complexation est donc le "céto-phénolate". Cependant il est fort possible que les complexes formés dans les solutions plus concentrées utilisées pour la préparation des laques soient différents. En particulier on peut envisager une stoechiométrie 1 : 2 (p. ex. Al(Haliz)2

+) si le colorant est en excès par rapport à l'aluminium. Les laques de Soubayrol (1996) ont été préparées dans des conditions de ce type : de l'alizarine, de la soude et du sulfate d'aluminium ont été mis en solution en rapport molaire c(aliz) : c(NaOH) : c(Al) 2:5:1 (§ A1.2, annexe 1). Dans les mêmes conditions et avec 12,5 g d'alizarine par litre (50 mM), nous avons obtenu une suspension colloïdale, que nous avons étudiée par spectrométrie de masse avec "electrospray" (ES-MS). Cette technique permet de détecter les ions et complexes avec la charge (z) qui était la leur en solution, et non une charge artificielle due au bombardement de l'échantillon par des ions, comme dans la spectrométrie SIMS utilisée plus loin pour les laques sous forme solide. Au repos, la suspension colloïdale, rouge comme les solutions diluées étudiées par spectroscopie UV-visible, s'est lentement transformée en un gel élastique, ce qui suggère la formation de chaînes polymères de complexes alizarine-aluminium. Les spectres de masse, pris avant la gélification, permettent de confirmer la formation de chaînes polymères et de déterminer la composition de celles-ci. III.5.2. Matériel et méthodes Dans la source "electrospray", l'échantillon liquide est pompé à faible débit à travers un capillaire dont l'extrémité est soumise, à pression atmosphérique, à un fort champ électrique. À la sortie du capillaire, les charges présentes dans le liquide s'accumulent à la surface, et le liquide se rompt en fines gouttelettes hautement chargées. Le solvant s'évapore ensuite, réduisant encore la taille des gouttelettes jusqu'à ce que, sous l'effet de la charge de surface croissante, les ions s'en désorbent (De Hoffmann, 1994). Cette technique nous permet d'observer les espèces intactes, y compris les complexes formés par des liaisons non-covalentes, originellement présentes dans la suspension sub-micronique de la laque d'alizarine préparée dans le milieu aqueux. Les spectres ont été réalisés sur un spectromètre de masse à trappe d'ions, modèle "LCQ" de ThermoQuest Finnigan, (Labo de démonstration, Veenendaal ), équipé d'une source "electrospray". L'échantillon est introduit par injection directe via une

67

seringue automatique au faible débit de 3µL/min ("nano-electrospray"). Les spectres ont été enregistrés en modes positif et négatif dans la gamme de 200 à 4000 amu . III.5.3. Résultats

L'aluminium (sulfate), l'alizarine et le NaOH en rapport molaire 1:2:5 en suspension aqueuse à 90°C (préparation de laque selon la méthode de Soubayrol, (cfr plus haut) : sulfate d'aluminium 12,5 mM, alizarine 50 mM, et NaOH 125 mM) forment une suspension colloïdale très fine, qui après quelques jours de repos à température ambiante se transforme en un gel élastique. Un spectre ES-MS de la suspension, avant la gélification totale de celle-ci, donne en mode positif (fig. III.48) un grand pic à m/z apparent 1202,5, suivi par une série de six pics séparés chaque fois de 288 à 289 unités m/z (1490,6 - 1779,9 - 2068,1 - 2357 - 2644,9 - 2993,1 ; intervalle moyen 288,4). Le spectre en mode négatif est dominé par une série de pics espacés de 142 (141,9) unités m/z, dont le premier se trouve à m/z 119 (118,9). Après dilution par un même volume de méthanol et sonication pendant 10 minutes, ces pics sont remplacés par ceux à 505 (505,3) en mode positif (fig. III.49.) et 503 (503,3) en mode négatif, obtenus également par SIMS de laques solides (§ III.6.4.1.), et attribués respectivement aux complexes positifs [(HAliz) 2Al] + et négatifs [(Aliz)2Al] -.

Fig. III.48. Spectre de masse, ES-MS en mode positif de la suspension gélifiante

« Aliz 0 ».

68

Fig. III.49. Spectre de masse en mode positif de la suspension gélifiante « Aliz 0 »

après sonication de 10 minutes et de dilution par le MeOH 1/1.

III.5.4. Discussion

III.5.4.1. Signification des séries de pics à intervalles réguliers : perte

de chaînons neutres par des oligomères Une série de pics régulièrement espacés est généralement due à une série de

polymères, ou plutôt d'oligomères, tous de même charge mais de degré de polymérisation différents. La charge est donc due à une des extrémités de la chaîne, ou éventuellement aux deux. Par exemple, en mode négatif, la série observée (m/z = 119 + n.142) est attribuée à des oligomères de sulfate de sodium : [NaSO4

- + n.Na2SO4] (masse exacte 119,05 + n. 142,04). Le premier pic (m/z 118,9) est dû au fragment monochargé NaSO4

- (m = 119,05, z = -1), le second (m/z 260,7) au fragment [NaSO4

- + Na2SO4] (m = 261,1, z = -1), lui aussi monochargé. La distance entre les pics correspond donc à la masse des maillons neutres constituant l'oligomère, divisée par la charge de celui-ci (si le fragment de départ était SO4

-- et non NaSO4-, les pics se trouveraient à m/z = 96/2 = 48, (96+142)/2 =

119, etc., avec donc des intervalles de 142/2 = 71). Dans les spectres en mode négatif de mélanges d'alizarine et de sulfate d'aluminium neutralisés par KOH plutôt que NaOH, on retrouve une série analogue de pics séparés cette fois de 173,8 unités m/z en moyenne (K2SO4 : m = 174,26).

69

III.5.4.2. Oligomères de complexes d'alizarine (intervalle m/z 288) En mode positif, la série observée à m/z = 1202,5 + n. 288,4 est plus intéressante que celle observé en mode négatif (fig. III.48), car elle ne semble pas pouvoir être attribuée à des oligomères inorganiques (sulfates). Or la transformation d'une suspension en un gel élastique, observée après la prise des spectres, implique la formation d'un réseau tridimensionnel, constitué de chaînes polymères liées l'une à l'autre par des liaisons (points ou nœuds de réticulation) stables. Les pics espacés de 288 unités m/z doivent donc correspondre à différents précurseurs oligomères, de degré de polymérisation croissants.

La masse apparente des chaînons neutres est 288,4, ou un multiple de 288,4 si la charge globale de l'oligomère auquel ils appartiennent est supérieure à 1. Or il se fait que dans toute combinaison imaginable d'ions Al+++, Na+ et K+, et de molécules ou ions organiques composés de C, H, et O, le nombre de masse m est pair si z est pair, et impair si z est impair. Le chaînon étant neutre, son nombre de masse doit donc être pair : 288 si la charge de l'oligomère est +1, et 576 ou éventuellement 578 si cette charge est +2. Or, puisque le gel ne se forme qu'en la présence simultanée d'aluminium et d'alizarine, il doit se trouver au moins un ion Al et une molécule d'alizarine par chaînon. Le nombre de masse de l'espèce (Aliz--

Al+++), monocationique, est 265 (masse exacte 265,04). Il faudrait donc, pour arriver à un neutre de masse 288, y ajouter une combinaison d'atomes donnant une masse 23 et une charge négative, ce qui ne semble pas possible.

Si par contre la charge des fragments détectés (m/z = 1202,5) est +2, alors la masse de ceux-ci est en réalité 2405, et celle des chaînons neutres 2 x 288 = 576. La combinaison de deux molécules d'alizarine (monoanion HAliz-), un ion Al, un oxygène, un proton et trois molécules d'eau est neutre et donne le nombre de masse voulu 576 (masse exacte 576,17). Dans ce cas le site de complexation serait probablement le céto-phénolate, et la formule du chaînon serait Al+++(Haliz-)2(OH-) (H2O)3. Si le site était le diphénolate, les deux protons supplémentaires déplacés par l'aluminium devraient être réaffectés aux molécules d'eau, ce qui donnerait soit Al+++(aliz--)2(OH-)(H3O

+)2(H2O) soit Al+++(aliz--)2(H3O+)(H2O)3, deux éventualités

nettement moins plausibles que la première. Ces résultats suggèrent donc une structure polymère composée de

complexes de type céto-phénolate monochargés (Al(Haliz)2)+, neutralisés et

enchaînés l'un à l'autre par des liaisons Al-O-Al. Les deux liaisons Al-O(-Al) de chaque ion Al seraient situés à deux sommets opposés de l'octaèdre de coordination. Les quatre sommets restants, situés dans le plan "équatorial", perpendiculaire à l'axe ...-O-Al-O-Al-..., seraient occupés par les quatre atomes d'oxygène des sites céto-phénolates des deux ions Haliz-. Ces derniers seraient donc coplanaires, et perpendiculaires à l'axe de la chaîne (figure III.50).

70

Fig. III.50. Structure proposée pour les oligomères de complexes alizarine- aluminium dans la solution gélifiante.

III.5.4.3. Noeuds de réticulation (m/z 1202,5) Les fragments oligomères détectés à m/z = 1202,5, porteurs comme on l'a

vu plus haut de deux charges positives, sont probablement des noeuds de réticulation plus résistants à la fragmentation que les entre-noeuds linéaires.

L'interprétation de leur masse est moins univoque que celle des fragments

neutres. Pour les raisons données plus haut, le nombre de masse doit être pair si le fragment est doublement chargé, et peut donc être en principe 2404 ou 2406 mais pas 2405 (s'ils étaient monochargés, leur masse pourrait être 1203 mais pas 1202). Cependant pour des masses aussi élevées, la différence entre le nombre de masse (somme des masses des atomes, arrondies à l'unité) et la masse précise peut approcher d'une unité. La différence entre la masse réelle et la masse mesurée expérimentalement peut également augmenter.

On peut imaginer a priori au moins deux types de nœuds de réticulation : (a) bifurcations des chaînes ...Al-O-Al-O...ou (b) liaisons latérales entre chaînes non ramifiées.

+H+3H2O

m = 576z = 0

n

71

III.5.4.3.1. (a) Réticulation par bifurcation des chaînes ...-Al-O-Al-O-... : p.ex. ...-Al-O-Al-(O-Al-...)2

Dans ce premier cas, l'ion Al au centre de la ramification serait lié non pas à deux ions Haliz- et deux -O-Al..., mais à au moins trois groupements -O-Al-... et au plus un ion Haliz-. On peut par exemple imaginer un "cœur" AlO4, reliant quatre complexes [Al(Haliz)2]

+ (fig. III.51), et complété par 3 H+ et 16 H2O (m = 2402, masse précise = 2402,71, z = 2). Il est aussi possible de compléter par 2 H+, 15 H20 et 1 Na+ (m = 2406, masse précise = 2406,68, z = 2. Ces deux possibilités, ainsi que probablement d'autres, donnent la charge attendue z = 2, mais diffèrent de 1 à 3 amu de la masse observée 2405. De plus il reste à vérifier si elles sont possibles d'un point de vue stérique.

Fig. III.51. Nœuds de réticulation du gel alizarine-aluminium : hypothèse (a) III.5.4.3.2. (b) Réticulation par liaisons latérales entre chaînes Si les oligomères sont bien formés de complexes (Haliz)2Al+ reliés entre eux par des ponts Al-O-Al, les molécules d'alizarine des complexes successifs sont probablement, comme indiqué plus haut, dans des plans parallèles entre eux et perpendiculaires à l'axe Al-O-Al. Les chaînes seraient donc comparables à des rameaux de plantes (fig. III.50) à chaque niveau desquels deux feuilles (les molécules d'alizarine) situées de part et d'autre de la tige (la chaîne Al-O-Al), s'étalent dans un plan perpendiculaire à celle-ci. On peut imaginer que deux

O O

OO

72

chaînes parallèles entre elles s'interpénètrent, chacune glissant une ou plusieurs de ses molécules d'alizarine entre celles de l'autre (fig. III.52.). Les interactions entre cycles aromatiques stabiliseraient ces liaisons entre chaînes polymères, au point de permettre la formation du gel élastique observé. On peut par ailleurs envisager que certains des espaces entre molécules d'alizarine soient occupés par des ions Na+ ou autres, pris dans des "sandwiches dibenzéniques" comme dans les structures proposées par Soubayrol.

Fig. III.52. Réticulation par liaisons latérales entre chaînes.

Dans cette hypothèse, la masse recherchée (2405) pour le noeud de réticulation peut être obtenue par la combinaison de dix-sept molécules d'eau, deux Na+, et deux rameaux parallèles, chacun constitué de deux complexes Al(Haliz)2

+ reliés par un oxygène, soit [{(Haliz)2Al-O-Al(Haliz)2)} 2.Na2.(H2O)17 ]++ (m = 2404, masse précise = 2404,70, z = 2).

73

III.5.5. Résumé et conclusions L'aluminium, l'alizarine et le NaOH en rapport 1:2:5 en suspension aqueuse à 90°C forment après repos un gel élastique. Ceci implique la formation d'un réseau tridimensionnel, constitué de chaînes oligo- ou polymères linéaires, liées l'une à l'autre ("cross-linked") par des liaisons stables, de nature analogue ou non à celles liant entre eux les chaînons. Le poids moléculaire de ces chaînons nous est donné par les spectres ESMS. En effet la perte d'un ou plusieurs chaînons neutres, par des fragments probablement dicationiques, donne naissance, dans le spectre electrospray-MS en mode positif, à une série de pics espacés de 288,4 unité m/z. Les chaînons neutres seraient donc de masse 288 x 2 = 576, compatible avec la formule [Al+++(Haliz-)2(OH-)(H2O)3], donc avec le site de complexation céto-phénolate. Ils formeraient des chaînes linéaires alternant Al et O, avec, pour chaque couple Al-O, deux ions AlizH-, un proton et trois molécules d'eau. Les ions Haliz- seraient situés dans un même plan perpendiculaire à l'axe de la chaîne, et occuperaient par leurs sites céto-phénolates les quatre positions restées libres dans l'octaèdre de coordination de l'Al.

Le premier pic de la série, à m/z = 1202,5, serait dû aux nœuds de

réticulation, dicationiques et moins facilement fragmentés que les entre-nœuds neutres. Au moins deux hypothèses distinctes peuvent être proposées quant à leur nature : bifurcation des chaînes Al-O-Al, et interpénétration des molécules d'alizarine de deux chaînes parallèles. La première hypothèse permet d'imaginer des combinaisons proches (m = 2402 et 2406, masses exactes = 2402,7 et 2406,7) de la masse observée (m=2505, z=2), mais est peu plausible d'un point de vue stérique. La seconde permet de proposer la combinaison [{(Haliz)2Al-O-Al(Haliz)2)} 2.Na2.(H2O)17 ]

++, de masse théorique 2404,7, soit seulement 0,3 amu de différence avec la masse observée, et donc parfaitement compatible avec les résultats expérimentaux. Les ions Na+ pourraient être pris en sandwich entre les cycles benzéniques des deux chaînes parallèles et contribuer ainsi à la réticulation. On ne peut cependant exclure que le pic observé corresponde en fait à un autre type de structure encore, et que la réticulation des gels mette en jeu un autre mécanisme que ceux qui ont été proposés ici.

74

III.6. SIMS III.6.1. Introduction Les virages de couleur des anthraquinones en solution aqueuse diluée (§ III.4) et les spectres de masse des oligomères de complexes d'alizarine et d'aluminium en solution plus concentrée (§ III.5) ont montré que le site de complexation était le "céto-phénolate" dans les deux cas, mais que la stoechimoétrie dépendait de la concentration : (1:1) en solution diluée (aliz 2 - 20 µM, Al en excès), (1:2) et oligomères de complexes (1:2) en solution plus concentrée (aliz 50 mM, Al 25 mM). On peut s'attendre à ce que, lors de la préparation d'une laque, le passage à l'état solide par précipitation basique modifie encore la forme et la stoechiométrie des complexes. La spectrométrie de masse SIMS permet de déterminer la masse des constituants présents à la surface d'un échantillon solide. Nous l'avons appliquée à trois laques de référence, d'alizarine, de quinizarine et de purpurine respectivement. III.6.2. ToF -S-SIMS : principes Contrairement à la spectrométrie ES-MS dans laquelle la charge naturelle des composés en solution ou en suspension est préservée, la technique SIMS, qui met en jeu de relativement hautes énergies, induit fréquemment des transferts d'électrons (on peut observer des fragments de charge inattendue, comme CH4O

+, O-, etc.), avec comme conséquence que la charge des ions détectés n'est pas nécessairement représentative de leur état dans le solide. La spectrométrie S-SIMS (Static Secondary Ion Mass Spectrometry) permet de caractériser des constituants de la dernière couche mono-moléculaire d'un échantillon organique ou inorganique en phase solide (Van Vaeck and al., 1999). Elle est basée sur l'analyse des ions secondaires éjectés de la surface de l'échantillon suite au bombardement de celle-ci par un faisceau d'ions primaires (Ga+, Cs+, Xe+) avec une énergie de l'ordre du keV. Ce faisceau peut être focalisé avec un diamètre submicronique, ce qui range cette méthode parmi les méthodes micro-analytiques. Le mode statique, contrairement au mode dynamique, implique un débit d'ions primaires n'excédant pas 1012 ions par cm², c'est à dire 1 ion primaire par 1000 atomes de la surface analysée (Bertrand / Weng, 1996). Le détecteur, qui sépare les différentes masses par leur temps de vol ("ToF") plus ou moins long, permet, grâce à sa haute résolution, la détection de faibles débits d'ions secondaires. De plus la gamme des masses des ions qui peuvent être détectés s'étend au moins jusque m/z = 10.000, ce qui permet l'analyse des polymères. III.6.3. Matériel et méthodes III.6.3.1. Préparation des échantillons Les échantillons sous forme de poudre de trois laques (ALIZ 4, QUI 2 et PU 2) et des trois molécules de références correspondantes (alizarine (Sigma), quinizarine

75

(Extrasynthèse) et purpurine (Sigma)), ont été pressés sur une feuille d'indium utilisée comme support. Le mode de préparation des laques est décrit en détail aux § V.3 et A1.2. Les concentrations de départ dans les solutions dont ont été précipitées ces laques étaient 2 mM anthraquinone et 10 mM Al2(SO4)3 (20 mM Al+++, rapport M/L = 10). III.6.3.2. Équipement Les spectres SIMS en mode statique (positif et négatif), ont été obtenus à l'aide d'un spectromètre de masse à haute résolution à temps de vol (ToF) de la firme Charles Evans and Associates, au laboratoire de Physico-Chimie et de Physique des Matériaux de l'UCL. La surface des poudres était bombardée avec un faisceau pulsé (duré de pulsation 5 ns) d'ions primaires de 69Ga+ (15 keV) finement focalisé (diamètre 0.5µm). La surface balayée par ce faisceau était de dimensions 130 µm x 130 µm. Le temps d'acquisition est 5 minutes pour chaque spectre, ce qui correspond à flux total des ions primaires ~1012 ions/cm² , et garantit donc une analyse en mode statique (Poleunis et al, 1997). Les ions secondaires désorbés de la surface de l'échantillon sont accélérés jusqu'à une énergie cinétique de 3keV (l'énergie initiale est négligeable) avant leur séparation d'après leur temps de vol à travers un tunnel de 2 m de long, qui est proportionnel à la racine carrée de leur masse (2µs = 1m/z, 63 µs = 1000 m/z). III.6.4. Résultats et discussion Les spectres SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et leurs laques (Aliz4, Qui2, Pu2) en modes positif et négatif sont donnés à l'annexe 5. III.6.4. 1. Alizarine (PM 240) En mode positif, la laque donne un pic à 505 m/z, attribuable à l'espèce [Al(Haliz)2]

+, dans laquelle le site de complexation est forcément le céto-phénolate. En mode négatif, le pic est situé à 503 m/z, correspondant à l'espèce [Al(aliz)2]

-. Le site de complexation peut y être soit le diphénolate soit à nouveau le céto-phenolate (voir au § III.2, la structure proposée par Kiel et Heertjes, dans lesquelles le site est céto-phénolate mais le deuxième phénol également est déprotoné). Le fait que des complexes de stoechiométrie 1:1 ne soient pas détectés n'implique pas leur absence. En effet dans de tels complexes il reste à l'atome d'aluminium la possibilité de former jusqu'à quatre liaisons avec des atomes d'oxygène de l'alumine. On peut donc s'attendre à ce qu'ils soient beaucoup plus difficiles à éjecter intacts de la surface de l'alumine

76

Fig. III.53. Structure du complexe Al(Haliz)2

+ (m = 505, z = +1) détectés en mode positif.

Fig. III.54. Deux structures possibles pour les complexes alizarine-aluminium détectés à m/z

= 503 en mode négatif : site céto-phénolate (a) et diphénolate (b).

III.6.4.2. Quinizarine (PM 240) En mode positif, la laque de quinizarine donne un pic à 505 m/z, comme l'alizarine, plus une série de pics à 770, 1035 et 1299 m/z. Par contre en mode négatif, elle ne donne pas un pic à 503 m/z comme l'alizarine, mais à nouveau un pic à 505 m/z.

O

O

Al

O

OO

O

O

O

O

O

O

O

Al

O

O

O

O

Al(aliz)2, m = 503, z = -1

a b

HO

O

O

O

Al

O

O

OH

O

Al(Haliz)2, m = 505, z = +1

77

Celui-ci est attribué à l'ion Al(Hquin)2 normalement positif, ce qui rappelle que la haute énergie d'ionisation (15keV) utilisée en SIMS peut entraîner la formation d'ions de charge inattendue. L'absence du pic à m/z 503, attribué dans le cas de l'alizarine à l'espèce [Al(aliz)2]

-, peut indiquer deux choses : (1) soit le site de complexation dans [Al(aliz)2]

- est diphénolate et donc naturellement impossible avec la quinizarine, (2) soit il est céto-phénolate et devrait être possible avec la quinizarine, mais le second hydroxyle de celle-ci, situé en C-4, naturellement moins acide que l'hydroxyle en C-2 et beaucoup plus éloigné de l'aluminium que celui-ci, perd moins facilement son proton. Les intervalles réguliers (m/z 265, 265 et 264) entre les pics observés en mode positif suggèrent immédiatement une structure polymère de type Hquin-Al-quin-Al-quin ... (fig.III.55), rendue possible par la présence de deux sites céto-phénolates sur les molécules de quinizarine. Fig. III.55. Structure de l'oligomère de complexe (Hquin-Al-quin-Al-Hquin)+

(m/z = 770, z = +1; cfr text) détecté en mode positif. La masse de [Alquin]+, c.à.d. une molécule de quinizarine dianionique et un ion aluminium, fait bien 265 unités de masse. Par contre un tel chaînon est chargé, et la charge globale devrait augmenter d'une unité pour chaque chaînon [Alquin]+ ajouté. Les ions oligomères devraient alors être détectés à m/z 770/2 = 385, 1035/3 = 345, et 1300/4 = 325. À nouveau c'est suite aux hautes énergies impliquées dans les processus d'ionisation et désorption que les oligomères sont partiellement déchargés, et détectés comme monochargés.

O

O

O

O

O

OH

O

O

Al

O

O

O

O

Al

O

OHO

O

78

III.6.4.3. Purpurine (PM 256) La laque de purpurine n'a donné aucun pic significatif. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cela. Dotée de trois sites potentiels de complexation, la purpurine pourrait former des oligomères non linéaires plus difficiles à désorber que les complexes bimoléculaires de l'alizarine ou les oligomères linéaires de la quinizarine. La structure de ces complexes peut également être trop diversifiée, entraînant une distribution du signal sur un trop grand nombre d'ions. Le troisième hydroxyle de la purpurine peut encore former, avec l'alumine du substrat ou avec d'autres molécules, des liaisons qui défavoriseraient la désorption. III.6.5. Résumé et conclusions

Les laques d'alizarine donnent en SIMS des complexes [Al(Haliz)2]

+ et [Al (aliz)2]-

. La stoechiométrie des premiers implique un site céto-phénolate, tandis que celle des seconds est compatible avec l'un ou l'autre site. Les laques de quinizarine ne donnent que les premiers, plus une série d'oligomères de formule [Hquin-Al-quin-Al-...], rendus possibles par la présence de deux sites céto-phénolates sur chaque molécule. Il n'est donc pas nécessaire que le colorant soit en excès par rapport à l'aluminium pour qu'au moins une partie se trouve sous forme de complexes de stoechiométrie 1:2 (p. ex. [Al(Haliz)2]

+ ) se forment. L'aluminium excédentaire précipite sous forme d'alumine. On peut supposer que les complexes sont chimisorbés à la surface de l'alumine à la fois par leurs fonctions phénols et par leur ion aluminium. Cette dernière liaison, entre l'aluminium du complexe et un atome d'oxygène de l'alumine, remplace la liaison Al-O-Al des oligomères de complexes observés par ES-MS (§ III.5) à rapport M/L = 1/2. L'excès d'aluminium empêche donc la polymérisation des complexes et la formation d'une suspension trop fine ou d'un gel, et permet la précipitation d'une laque dont les propriétés physiques, à part la couleur, sont proches de celles de l'alumine qui est leur constituant principal.

79

III.7. FTIR III.7.1. Introduction

La bande d’absorption des carbonyles entre 1600 et 1700 cm-1 est fort sensible à l’environnement de ceux-ci, et est donc susceptible de nous renseigner sur leur éventuelle implication dans la chélatation de l’aluminium. Ainsi par exemple dans le cas des substances humiques une augmentation des bandes à 1600 et 1400 cm-1 indique la participation des carboxylates à la complexation (Tan, 1978, cité par Stevenson et Vance, 1989).

Les carbonyles de l’anthraquinone non substituée absorbent tous deux à 1675 cm-1. Ceux de la 2-OH-AQ absorbent à une longueur d'onde légèrement plus faible, 1667 cm-1. Quand un des carbonyles est voisin d'un hydroxyle, comme avec la 1-OH-AQ et l'alizarine, une seconde bande apparaît vers 1630 cm-1. Quand les deux carbonyles sont voisins d'un hydroxyle (quinizarine, purpuine), on n'observe plus que cette seconde bande vers 1630 cm-1.

L'interprétation de ce déplacement d'une des bandes C=O vers les nombres

d'onde plus faible reste controversée dans la littérature. Hilbert et al. (1936) (réf 4 de Bloom et al., 1959) l'ont attribué à ce qui a été appelé plus tard "chélation conjuguée" de l'hydrogène. Selon Bloom et al. (1959), les spectres de la 2-NH2-AQ seraient en désaccord avec cette interprétation. En effet la bande d'un des deux carbonyles de cette molécule est déplacée plus bas encore (1625 cm-1) que celle du carbonyle en C-9 de la 1-OH-AQ (1631 cm-1), alors que la fonction amine en C-2 est trop éloignée des carbonyles pour une liaison hydrogène intermoléculaire. Ce déplacement serait donc selon eux plutôt dû à une modification de la répartition de la densité électronique sous l'effet des substituants. Puisque l'influence de la fonction amine se fait sentir à plusieurs liaisons de distance, il s'agirait principalement d'un effet mésomère, donneur d'électrons. L'oxygène ou l'azote en C-1 peut en effet transmettre par résonance un électron à l'oxygène du carbonyle en C-9 (fig. III.56), ce qui modifie la constante de force de la liaison C=O et donc la position de la bande IR correspondante.

a/ b/ Fig. III. 56. Résonance entre l'oxygène (a) ou l'azote (b) en C-1 et l'oxygène du

carbonyle du C-9.

O

O

OH

O

H

O

O

OH

H

H

N

O

OH

N

H

HO

O

O

OH

H

O

(+)(-)

(-) (+)

80

L'azote en C-2 peut également jouer un rôle de donneur mésomère, mais cette fois au second carbonyle, en C-10 (fig.III.57). Bloom et al. (1959) pensent que, dans le cas des hydroxyanthraquinones également, la chélatation de l'hydrogène n'a qu'un effet indirect sur le spectre IR, par sa contribution à la stabilité des formes dans lesquelles l'oxygène en C-1 est ionisé et donc fortement donneur d'électrons.

Fig. III. 57. Résonance entre l'azote en C-2 et l'oxygène du carbonyle du C-9. Quoi qu'il en soit, il est intéressant d'examiner les modifications de ces

absorptions lors de la complexation de Al+++ qui accompagne la formation des laques. III.7.2. Résultats

Les principales bandes d’absorption observées (fig.III.58 à III.65) sur les spectres de diverses anthraquinones, alumines et préparations d’anthraquinones et d’aluminium, sont résumées dans le tableau III.1, et détaillées dans le tableau III.2.

Ces spectres d’anthraquinones pures confirment les attributions proposées par Hilbert et al. (1936), Bloom et al. (1959) et Kiel et Heertjes (1963). L’anthraquinone (non hydroxylée) absorbe à 1673 cm-1, l’alizarine et l’acide rubérythrique (OH en C-1) à 1660/1634 et 1665/1634 cm-1, la quinizarine et la purpurine (OH en C-1 et C-4) à 1630 et 1621 cm-1. Les bandes à 1621-1630 cm-1 correspondent donc bien aux groupes carbonyles avec un hydroxyle voisin.

La plupart des bandes d’absorption des anthraquinones, dont celle à env. 1630 cm-1, coïncident avec l’une ou l’autre de celles des alumines. La bande à env. 1673 cm-1 fait heureusement exception, ce qui permet d’observer sa disparition des spectres des laques d’alizarine. L'absence de cette bande peut également être constatée sur les nombreux spectres de laques d'alizarine publiés dans la littérature (Masschelein, 1967; Schweppe, 1993, 1997; Sinclair, 1989; Duff et al., 1988). Nous avons de plus observé que même un simple mélange physique d’alizarine et d'alumine passe, au broyage, du jaune pâle au rose, changement de teinte symptomatique d’une réaction de complexation, avec une disparition simultanée de la bande à env. 1670 cm-1.

O

O

N

H

H(+)

(-)

O

O

H

HN

81

Tableau III. 1. Interprétation des principales bandes d'absorption IR observées sur les spectres des anthraquinones et des leurs laques.

nombre d’onde (cm-1) anthraquinones alumine

~1660 C=O libre

~1630 C=O « chélaté » (C=O..H, C=O..M) AlOH

~1580 vibration système aromatique

~1530 vibration système aromatique AlOH

~1460 vibration système aromatique AlOH

~1400 AlOH

Tableau III. 2. Principales bandes d'absorption des spectres IR d'alumine, des

anthraquinones et de leurs laques.

IR Absorption [cm -1]

~1660 ~1630 ~1580 ~1530 ~1456 ~1400

alumine pptn. 1627 1527 (pt) 1464

alumine TLC 1633 1527 1389

alumine std 1638 1530

anthraquinon (AQ) 1673 1632 (ép) 1581 1473 1451

AQ / alumine (1/1) 1673 1632 (ép) 1581 1514(ép) 1471 1450

AQ / alumine (1/10) 1675 1633 1586 1513 1439

AQ / Al2(SO4)3 (1/6) 1673 1627 1588 1465

Al2(SO4)3 1672

alizarine 1660 1634 1588 1457

Aliz 0 (M/L=0.5) 1641 1589 1525 1464

Aliz 2 (M/L = 2) 1637 1588 1527 1464

Aliz 1 (M/L = 7.5) 1639 1592 1466

Alizarine + alumine 1636 1593 1517 1463

AD - Aliz6 6 1634 1528 1399

AD - ALIZ 4 (sur SiO2) 1640

AD - Aliz 8 (alumine std.) 1635 1521 1393

quinizarine 1630 1588 1452

QUI 1 (M/L = 2) 1628 1582 1528 1449

QUI 2 (M/L = 10) 1628 1580 1527 1447

purpurine 1621 1581 1460 1436

PU 2 (M/L=10) 1624 1573 1532 1455 1378

ALPU (M/L = 10) 1634 1583 1527 1466

ALQU (1/1, M/L = 10) 1630 1581 1527 1463

AcRub (pral + prlc) 1665 1634 1594 1454

AR1 (M/L =2) 1627 1588 1530 (ép) 1422

pt = petit ép = épaulement

82

Fig. III.58. Spectre IR de l'anthraquinone non substituée (KBr pastille).

Fig. III.59. Spectre IR de l'alizarine (KBr pastille).

615

693

810

937

1164

1283

1581

1673

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

70

%Tr

ansm

ittan

ce

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

713

1193

1292

1457

158816

341660

3373,73

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

70

75

80

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

83

Fig. III.60. Spectre IR de la quinizarine (KBr pastille).

Fig. III.61. Spectre IR de la purpurine (KBr pastille).

578

697

726

788

873

964

1025

1069

1115

121912

57

1312

1357

1451

1587

1630

3447,73

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

1174

1287

1436

1581

1620

3393

35

40

45

50

55

60

65

70

75

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

84

Fig. III.62. Spectre IR de l'acide rubérythrique technique (KBr pastille).

Fig. III.63. Spectre IR de l'alumine précipitée (KBr pastille).

606,00

1115,24

1464,21

1626,91

2357,76

2857,01

2924,49

3447,91

3753,34

46

48

50

52

54

56

58

60

62

64

66

68

70

72

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

912

996

1057

1132

1297

1368

1417

1454

1594

163416

65

2928

3399 10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

85

Fig. III.64. Spectre IR de la laque Aliz 3 (M/L = 2) (KBr pastille).

Fig. III.65. Spectre IR de l'alizarine broyé avec l'alumine précipitée (KBr pastille).

612

1115

1289

1463

1517

1588

1636

3433

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

65

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

594

671

717

766

838

1020

1282

1354

1466

1526

1589

1639

3434 40

45

50

55

60

65

70

75

80

%Transmittance

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000

Wavenumbers (cm-1)

86

III.7.3. Discussion

La disparition de la bande de 1670 cm-1 et la présence d'une en 1630 cm-1 pourrait amener à conclure que le carbonyle intervient bien dans la complexation de l'aluminium par l'alizarine et donc que le site est la céto-phénolate. Or il faut se rappeler que cette bande n’est justement pas due au carbonyle en C-9 mais à celui en C-10, beaucoup trop éloigné des hydroxyles pour former avec eux un site de chélatation. Il ne peut pas non plus complexer l'aluminium à lui tout seul : nous avons vérifié que, dans le cas de l’anthraquinone non substituée, ni la teinte visible ni l’absorption à 1675 cm-1 ne sont affectées par broyage avec l'alumine, contrairement au cas de l'alizarine. Le déplacement de la bande du carbonyle en C-10 dans le spectre de l'alizarine est donc probablement la conséquence de la déprotonation de l'hydroxyle en C-2, qui augmente son pouvoir donneur d'électrons. Comme dans le cas de la 2-NH2-AQ (§ III.7.1), c'est par effet mésomère que l'influence du groupe donneur d'électrons en C-2 est ressentie par le carbonyle en C-10.

Inversement la déprotonation de l'hydroxyle en C-2 ne permet pas non plus

de conclure que le site de complexation est le "diphénolate". Elle peut être due à la formation d'une liaison avec l'ion aluminium (site diphénolate), mais la charge négative peut aussi être compensée à distance par l'un ou l'autre cation, comme dans le modèle de Kiel et Heertjes (1963) (site céto-phénolate).

87

III.8. Étude spectroscopique des complexes alizarine-aluminium : résumé général et conclusions

III.8.1. Structure et couleur des complexes

La couleur rouge ou jaune (fig.III.30) de solutions d'alizarine et d'aluminium diluées (alizarine 10 µM) et acides (pH ≤ 3,3) et les spectres ES-MS de solutions plus concentrées (alizarine 50 mM, Al2(SO4)3 12.5 mM, et NaOH 125 mM) et gélifiantes montrent que, dans ces deux types de conditions, l'alizarine dans les complexes se trouve sous forme de monoanion (Haliz-), et le site de complexation est donc céto-phénolate (fig. III.1(a) : aluminium lié simultanément avec les fonctions carbonyle en C-9 et phénolate en C-1). La stoechiométrie est 1:1 (Al(Haliz)2

+) dans les solutions diluées, 1:2 (Al(Haliz)2+) dans les solutions

gélifiantes. Dans ces dernières, les complexes polymérisent par des liaisons Al-O-Al (fig.III.48).

A la surface des laques solides, on détecte par spectrométrie s-SIMS les mêmes complexes (Al(Haliz)2

+), mais aussi des complexes (Al(aliz)2-) dans

lesquels l'alizarine se trouve sous forme de dianion. Les premiers ne peuvent à nouveau être que de site céto-phénolate. Dans les seconds, il est possible que l'aluminium soit lié à la seconde fonction phénolate, et que le site soit alors plutôt le diphénolate (fig. III.1(b)). Cependant il est également possible que ces complexes correspondent au modèle de Kiel et Heertjes (fig.III.6), dans lequel le site de complexation est encore le céto-phénolate, et le second phénolate est compensé par l'un ou l'autre cation sans intervention d'une liaison à caractère covalent.

Les spectres IR semblent confirmer la déprotonation du second hydroxyle. Cette déprotonation de l'hydroxyle en C-2 affecte peu la couleur des complexes : le rouge des laques est très proche de celui des complexes en solution (λmax ~ 485 nm et ~ 500 nm respectivement, fig.III.47). Il est d'ailleurs connu (Gerstner, 1959, p. 54) que, dans les laques mixtes, la couleur est influencée surtout par la nature du cation central (Al, Fe, Cr ...) lié au site céto-phénolate, et très peu par celle du second cation. Il semble dès lors que la couleur caractéristique des laques et des complexes en solution soit essentiellement due à la chélatation de l'aluminium par des liaisons carbonyle-aluminum et phénolate-aluminium, avec donc formation d'un cycle hexagonal.

La stoechiométrie des complexes et la déprotonation de l'hydroxyle en C-2 sont donc, du point de vue de la couleur des complexes, sans grande importance. On peut en conclure que les complexes de stoechiométrie 2:4 obtenus par Soubayrol sont des cas particuliers, et que la ressemblance de couleur n'implique pas qu'ils sont représentatifs des complexes en solution ou dans les laques classiques. De même les complexes obtenus par Wunderlich sont des cas particuliers, stables seulement dans une atmosphère saturée en DMF, et ne sont pas

88

représentatifs des vraies laques. Dans celles-ci, la stoechiométrie est plus probablement 1:2, les complexes sont chimisorbés sur l'alumine qui joue le rôle de substrat, et la couleur est due à la complexation de l'aluminium en site céto-phénolate. III.8.2. Stabilité des complexes en solution

En solution acide, la compétition entre ions H+ et Al3+ pour le site de complexation peut empêcher la formation de complexes aluminiques, ou entraîner la dissociation de ceux-ci s'ils sont déjà formés. Les constantes d'échange (p.ex. logbAlHaliz = log ([AlHaliz 2+] . [H+] / [Al 3+] . [H2aliz])) sont de l'ordre de -1 à -0,3 pour l'alizarine et la quinizarine, de 0 à 0,7 pour la purpurine. L'importance de ce processus pour l'analyse des laques est évidente : pour pouvoir être analysés par HPLC, les colorants doivent d'abord être extraits de leurs complexes dans les laques.

IV. M ETHODE D 'EXTRACTION ET D 'ANALYSE IV.1. Introduction L'analyse chromatographique des colorants constituants des laques dans les couches picturales des œuvres d'art pose un problème majeur : leur extraction sans modification de leur structure. La méthode classiquement utilisée est l'extraction à l'aide d'un acide fort (HCl, H2SO4), à concentration élevée dans un mélange eau/solvant organique (Masschelein, 1968; Schweppe, 1977, 1988; Walert, 1986; Wouters, 1989; Sanyova/Wouters, 1993). Dans la méthode d'extraction proposée par J. Wouters (1989), par exemple, l'échantillon est hydrolysé par l'HCl 6 M dans un mélange méthanol : eau 1:1 à chaud (100°C) pendant 10 minutes, évaporé à sec sous vide, puis repris dans un solvant organique pour l'analyse par HPLC. Or cette méthode a été développée non pour les laques mais pour les textiles, et présente l'inconvénient de détruire ou modifier certains des constituants. Ainsi par exemple l'acide rubérythrique, primvéroside (glycoside précurseur) de l'alizarine, est transformé en son aglycone, l'alizarine. De même la pseudopurpurine (3-carboxy-, 1,2,4-trihydroxyanthraquinone) et le primvéroside de la purpurine sont dégradés en purpurine. Compte tenu de l'importance de cette étape d'extraction qui conditionne la pertinence de toutes les conclusions qui peuvent être tirées des analyses ultérieures, nous avons cherché une méthode d'extraction plus douce, susceptible de fournir des rendements satisfaisants en aglycones tout en préservant les différents précurseurs. Après de nombreux essais (différents pH, acides, températures, solvants, agents complexants) sur une laque de garance (Rubia tinctorum L.) (annexe 6), une telle méthode a été trouvée : l'extraction à température ambiante par un mélange

HF/Li+/DTPA à pH 1,5. Elle a été utilisée, en parallèle avec la méthode classique à l'HCl 6N, pour l'extraction de dizaines d'échantillons de différentes laques avant et après vieillissement (§ V.6.3, V.7.5 et V.8.3), et de quelques échantillons d'oeuvres d'art (annexe 7). Ces nombreuses analyses ont confirmé que des précurseurs étaient présents dans les laques que nous avons préparées à partir de

diverses Rubiacées, et étaient récupérés par la méthode HF/Li+/DTPA. De plus les

90

rendements en alizarine étaient régulièrement plus élevés qu'avec l'extraction par HCl 6 M (§ IV.3). Le rôle et l'importance des différents ingrédients dans l'extraction de l'alizarine ont alors été étudiés, cette fois sur une laque préparée à partir d'alizarine synthétique.

Ces derniers essais ont montré le rôle central de l'ion F-, qui libère l'alizarine en

complexant l'aluminium, et ont permis de rationaliser la méthode (§ IV.4). IV.2. Matériel et méthodes IV.2.1. Extraction a/ HCl 6M dans MeOH/H2O. Extraction par HCl 6 M : la laque (0,2 à 0,3 mg) est mise en suspension dans 250 µL de solution HCl 6 M (MeOH/H2O, 1/1). Après 10 min. à ébullition dans un bloc chauffant, la suspension, de couleur jaune, est évaporée à sec sous vide. Le résidu est repris dans 50 µL d'un mélange MeOH/H2O 1/1, qui prend une teinte jaune à rose. Après filtration de ce mélange (0,5 µm), 20 µL sont analysés par HPLC. b/ HF/LiF/DTPA. Extraction par HF/LiF/DTPA : la laque est mise en suspension dans 300 µL de solution HF 2 M, LiF 120 mM, et DTPA 4 mM (H2O/MeOH/DMF/AcEt 2/1/1/1), à température ambiante. La laque se décolore rapidement. Le surnageant jaune est filtré (0,5 µm) pour l'analyse par HPLC. Note: Le pH du mélange HF/LiF/DTPA n'a pas été mesuré, le HF concentré pouvant détériorer les électrodes pH en verre. Mais on peut calculer que, le HF étant un acide relativement faible (pKa 3,2), le pH théorique d'une solution aqueuse 2 M devrait être 1,5. Le LiF et le DTPA, beaucoup moins concentrés que le HF, ne devraient pas modifier le pH de plus de quelques dixièmes d'unité. Il a été vérifié que les pH mesurés dans des solutions aqueuses de HF moins concentrées (0,2 et 0,02 M) correspondaient bien, à moins de 0,1 près, aux pH calculés (1,9 et 2,5). L'extraction se fait donc à pH beaucoup plus élevé que dans la méthode à l'HCl 6 M (pH < 0). IV.2.2. Analyses par HPLC Système HPLC : Pompe : Waters 616, à quatre solvants Injection : vanne manuelle Rheodyne, boucle de 20 µL colonne : Lichrosorb RP18 (Merck), 5µm, 4 x 125 mm Détecteur: UV-vis à barrettes de diodes ("DAD"), Waters 991

91

Méthode : La méthode HPLC utilisée est celle développée par J. Wouters (1989). Éluants : A : méthanol grade HPLC (Merck) B : eau (MilliQ)

C : acide phosphorique (Acros, 5% dans eau MilliQ, soit 0,1 M, pH 1,2) Débit : 1,2 ml min-1 Gradient : de 0 à 3 min : isocratique, 30% A, 60% B, 10% C

de 3 à 29 min : gradient linéaire, jusque 80% A, 10% B, 10% C de 29 à 30 min : isocratique, 80% A, 10% B, 10% C

La concentration en acide phosphorique est donc maintenue constante à 0,5 %, soit 0,01 M, ce qui en solution aqueuse donnerait un pH de 1,7. Le pH mesuré dans l'éluant à 15 min, soit environ 55 % méthanol, est de 2,1. Les spectres sont enregistrés entre 200 et 800 nm, et le chromatogramme est intégré à 255 nm. IV.2.3. Molécules de référence Les molécules suivantes sont d'origine commerciale : alizarine : Sigma, 98% ; purpurine : Sigma ; quinizarine : Extrasynthèse, 97% ; acide rubérythrique (primvéroside de l'alizarine : Extrasynthèse, grade technique (ce dernier s'est avéré être un mélange à peu près 1:1 d'acide rubérythrique et du primvéroside de la lucidine). La munjistine, la pseudopurpurine, la lucidine et la xanthopurpurine ont été offertes par le prof. Thomson, de l'université d'Aberdeen, au Dr J. Wouters. La pseudopurpurine, la rubiadine, et les primvérosides de l'alizarine (acide rubérythrique), de la lucidine et de la rubiadine ont été offertes par le prof. Golikov au Dr J. Wouters. IV.2.4. Chromatogrammes Un exemple de chromatogramme est donné à la figure IV.1. Il s'agit d'un extrait par HF/Li2CO3/DTPA d'une laque de Rubia tinctorum L. ("RT4"). On peut y voir les pics correspondant à l'alizarine, la purpurine, la rubiadine, l'anthragallol, et la pseudopurpurine, et ceux des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine. Ces pics ont été identifiés par comparaison des temps de rétention et des spectres UV-vis avec ceux des molécules de référence (annexe 4). La molécule non identifiée à tR = 27' pourrait être un précurseur de la purpurine : sa disparition après hydrolyse acide semble corrélée avec une augmentation de la concentration de celle-ci. Une autre inconnue a été souvent détectée (à tR = 7,5') dans les toutes premières minutes de l'extraction aqueuse de racines de Rubiacées. Elle est rapidement hydrolysée en pseudopurpurine par les enzymes libérés par les racines. Il pourrait s'agir du 1-β-D-primvéroside de la pseudopurpurine, appelé galiosine (Hill/ Richter, 1937). Les spectres UV-vis de ces deux inconnues (7,5' et 27') sont fort semblables (annexe 4).

92

Fig. IV.1. Chromatogramme extrait de la laque RT4 par HF/LiF/DTPA.

Tabl. IV.1. Temps de rétention et abréviations utilisées pour les molécules de référence (les formules et les spectres se trouvent en annexe 4).

Nom usuel Abreviation Temps de rétention

Alizarine 1,2-Dihydroxyanthraquinone al (aliz) 19

Xanthopurpurine 1,3-Dihydroxyanthraquinone xp 21,8

Quinizarine 1,4-Dihydroxyanthraquinone qu (qui) 26,9

Anthragallol 1,2,3-Trihydroxyanthraquinone ag 17,4

Purpurine 1,2,4-Trihydroxyanthraquinone pu (purp) 21,6

Rubiadine 1,3-Dihydroxy-2-methylanthraquinone ru 26

Lucidine 1,3-Dihydroxy-2-hydroxymethylanthraquinone lc 19,3

Munjistine 1,3-Dihydroxy-2-carboxyanthraquinone mu 18,3

Pseudopurpurine 1,2,4-Trihydroxy-3-carboxyanthraquinone pp 18,9

Galiosine Pseudopurpurine-1-β-O-primvéroside pp-pr 7,5

Acide rubérythrique Alizarine 2-β-O-primvéroside al-pr 12

Lucidin primvéroside Lucidine - 3-β-O-primvéroside lc-pr 13

Rubiadine primvéroside Rubiadine- 3-β-O-primvéroside ru-pr 17,5

INC 27 composant de Rubia tinctorum L. à 27' inc 27 27

6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

detail de 23' à 25'

Au.

s / m

g

temps

alizarineprimvéroside

lucidineprimvéroside

anthragallol

alizarine

pseudopurpurine

pupurine

inc 2724 25

-0.008

-0.006

xanthopurpurinerubiadine

93

IV.2.5. Étalonnage La plupart des molécules de référence n'étaient pas disponibles en quantité suffisante pour réaliser un étalonnage satisfaisant. Pour la xanthopurpurine, la pseudopurpurine, la munjistine et la rubiadine, nous avons utilisé la pente de la droite d'étalonnage de l'alizarine, corrigée par les coefficients calculés par J. Wouters (1985) sur base des coefficients molaires aux maxima d'absorption donnés par Thomson (1971) et des spectres observés. Les coefficients pour la lucidine et l'anthragallol, qui n'étaient pas donnés par Wouters, ont été calculés de la même manière Pour le primvéroside de l'alizarine, un rapport de coefficient molaire (primv. / aliz) de 0,8 a été calculé sur base des analyses des échantillons ACRUB et AR2 (rapports 0,80 et 0,83 respectivement), pour lesquels l'extraction par LiF donnait la quantité de précurseur, alors que l'extraction par HCl fournissait la quantité d'alizarine équivalente. Pour le primvéroside de la lucidine, le même coefficient 0,80 est utilisé. IV.2.6. Reproductibilité des analyses Les quantités de laque disponibles pour analyse sont le plus souvent extrêmement faibles, qu'il s'agisse de prélèvements d'œuvre d'art ou d'échantillons de laques récupérés après des tests de vieillissement. Cela a pour conséquence des incertitudes concernant les pesées (surtout au-dessous du mg), et plus encore quant à la représentativité des échantillons. Un test des balances analytiques utilisées au laboratoire, par une série de pesées d'alizarine pure et dosages par HPLC, a montré que la RSD, bonne au-dessus du mg (< 3% à 1-1,2 mg) passe à 17% pour des poids de l'ordre de 0,2 à 0,3 mg. Avec la laque "RT1" (annexe 1), la RSD sur quatre extractions d'environ 0,2 mg par HCl 6 M à 100°C était encore nettement plus élevée (46% pour l'alizarine), probablement à cause de l'hétérogénéité de la laque. Si les erreurs de pesée n'affectent que le calcul des teneurs absolues, les problèmes d'hétérogénéité par contre peuvent modifier également les rapports apparents entre les différents constituants. De fait les rapports purpurine/alizarine dans ces quatre extraits variaient entre 0,7 et 1,4, avec une moyenne de 1,08 et une RSD de 30%. Il est donc important de ne pas oublier, lors de l'interprétation des résultats d'analyse, cette variabilité importante des résultats liée à la nature même des échantillons examinés.

94

IV.3. Extraction par HF/Li +/DTPA La figure IV.2 permet de comparer le chromatogramme de l'extrait de la laque de garance RT2 par HF/LiF/DTPA, et celui d'un extrait de la même laque par HCl 6 M. Le premier chromatogramme confirme que des précurseurs (primvérosides de l'alizarine et de la lucidine, pseudopurpurine, et molécule non identifiée à 27') sont présents dans la laque. Le second montre que ceux-ci sont hydrolysés par l'extraction par HCl 6 M. La transformation de la pseudopurpurine en purpurine par décarboxylation est particulièrement évidente. On retrouve aussi moins d'alizarine dans cet extrait, alors que l'hydrolyse de son précurseur aurait dû au contraire en augmenter la teneur.

Fig. IV.2. Chromatogramme de l'extrait de la laque RT2 par HF/LiF/DTPA à 20°C

(bleu) et par HCl à 100°C (rouge). Le plus faible rendement en alizarine est encore plus évident dans la fig. IV.3, dans laquelle les rendements d'extraction d'une série de laques d'alizarine synthétique sont comparés pour les deux méthodes d'extraction. Ces rendements d’extraction sont calculés en considérant une laque idéale, c.-à.-d. constituée d’un mélange de complexe et d’alumine, en proportions fixées par les réactifs utilisés. Pour ces calculs approximatifs, on a supposé que les formules des

5 10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

HF 4N / Li+/ DTPA HCl 6N

anthragallol

précurseurs

de lucidine

précurseur

d'alizarine

inc 27

pseudopurpurinealizarine purpurine

OD

/ m

g

temps

95

complexes étaient analogues à celles des complexes décrits par Soubayrol (1996), soit par exemple, pour la laque neutralisée par du bicarbonate de potassium, Al2(µ-OH)2(C14H6O4)4(H2O)6K4. Le pourcentage idéal en alizarine calculé pour cet exemple est égal à 240 / (1304/4 + 78*(M/L - 1/2)), où M/L est le rapport molaire aluminium/alizarine dans les réactifs, 240 g/mol est le PM de l’alizarine, 1304 g/mol celui du complexe, et 78 g/mol celui de l’alumine Al(OH)3 formée par l’aluminium en excès. Le calcul tient donc compte d’une eau de constitution estimée à 1,5 molécules par molécule d’alizarine, mais pas de l’eau d’hydratation.

Fig. IV.3. Extraction des laques ALIZ 1 à ALIZ 8 HF/LiF/DTPA et par HCl.

Extraction des laques d'alizarine synth. par HCl et HF/LiF/DTPA

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1.0

ALIZ ALIZ 1 ALIZ 2' ALIZ 3 ALIZ 4 ALIZ 5 ALIZ 6 ALIZ 7 ALIZ 8

rend

emen

t

HCl 6M / 100°C HF 2M/LiF 0.12M/DTPA 4mM / 20°C

96

IV.4. Rationalisation de la méthode d'extraction : rôles du pH et des ions F- dans la libération de l'alizarine

IV.4.1. Extraction et décomplexation de l'alizarine Des essais complémentaires ont montré qu'en fait l'addition d'un sel de Li

+ (LiF ou

Li 2CO3) et de DTPA à l'HF ne semble pas améliorer les rendements d'extraction, tels que mesurés par HPLC. Les principales différences avec l'extraction par HCl 6 M seraient donc le pH et la présence d'ions F-.

Les ions F- sont connus pour former des complexes très stables avec l'Al+++

(Nordstrom / May, 1989; Robinson, 1993). Duval (1957) rapporte que cette réaction a été mise à profit dans différentes méthodes de titrage, soit des ions Al

+++,

soit des ions F-, et que le HF déplace l'aluminium ainsi que d'autres cations de leurs complexes, notamment de leurs laques colorées. Les ions H

+, quant à eux, entrent en compétition avec l'aluminium pour l'alizarine.

Nous avons vu (§ III.4.2) qu'en solution aqueuse un rapport [H+]/[Al 3+] de 0,5 est suffisant pour déplacer l'aluminium de ses complexes avec l'alizarine. Dans le cas des extractions de laques, il est fort probable que le rapport [H+]/[Al 3+] nécessaire pour déplacer l'aluminium soit plus élevé, et donc le pH plus acide, pour deux raisons. D'une part la libération de l'aluminium à partir des laques exige probablement des conditions plus drastiques que la dissociation des complexes en solution. D'une part la présence de solvants organiques dans le mélange d'extraction (eau:DMF:MeOH 2:1:1) augmente la solubilité des colorants, mais diminue celle des ions Al3+ et devrait donc défavoriser la dissociation des complexes.

La présence d'ions F-, en diminuant très fortement la concentration en ions Al+++ libre, doit permettre d'élever le pH du virage. Ce qui est une autre manière de dire

que les ions F- et H+ coopéreraient pour libérer l'alizarine, l'un en captant

l'aluminium, l'autre en le remplaçant auprès de l'alizarine. La fig IV.4 montre les couleurs d'une série d'extraits de la laque préparée à partir d'alizarine synthétique "Aliz4", décrite plus en détail en annexe 1, § A1.2.1. Trois acides (HCl, TFA et HF) sont comparés à même pH (1,5 avant mélange avec le DMF et le MeOH) et à trois températures. Dans chacun des tubes à essai, environ 2,5 mg de laque ont été mis en suspension dans un mélange de 500 µL de solution aqueuse de l'acide à pH 1,5 (HCl 30 mM, TFA 30 mM et HF 2 M) et 500 µL de DMF : MeOH 1:1.

97

Fig. IV.4. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HF, HCl et TFA (pH ~1.5) à trois températures différentes.

Cette laque ayant une teneur en aluminium (partiellement sous forme d'alumine) d'environ 30% en poids, la quantité totale d'aluminium est de l'ordre de 0,75 mg dans 1 mL, soit ~30 mM. S'il s'agissait non d'une laque en suspension dans un mélange H2O/DMF/MeOH mais de complexes en solution aqueuse, le virage rouge-jaune de décomplexation devrait (§ III.4.2) se situer à une concentration [H+] entre 0,5 et 0,1 fois 30 mM, soit un pH entre 1,8 et 2,5. Or ici seuls les extraits par HF sont jaunes, et même ceux-ci contiennent encore des traces de laque rouge, surtout à basse température. Il y a donc, comme on pouvait s'y attendre, à la fois solubilisation incomplète des laques quel que soit l'acide, et non-décomplexation de l'aluminium dans HCl et TFA. La figure IV.5 permet de situer les pH des virages de décomplexation par les trois acides HF, HCl et TFA. Avec HCl et TFA à pH 0,2, le surnageant est jaune, ce qui indique que les complexes solubilisés ont été dissociés, mais l'important dépôt rouge qui subsiste montre qu'une fraction non négligeable de la laque n'est toujours pas dissoute. Même à pH inférieur à 0, des traces de laque sont encore visibles. Inversement avec HF le virage jaune-rouge du surnageant se situe entre pH 1,9 et 2,1. A pH 1,9, il reste assez bien de laque non solubilisée, mais à pH 1,5, pratiquement toute la laque est solubilisée. L'extraction peut donc se faire dans HF à ce pH de 1,5, suffisamment élevé pour éviter l'hydrolyse des précurseurs.

98

Fig. IV.5. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HF, HCl et TFA à différents pH. IV.4.2. Dissociation des complexes en solution par l'éluant H3PO4 lors de

l'analyse par HPLC

Une constatation surprenante à première vue est que, si on analyse par HPLC les surnageants rouges, on ne détecte pas les complexes, à la sortie de la colonne HPLC, mais bien la molécule libre, identifiable par son temps de rétention et par son spectre (absorption à 430 nm, et donc couleur jaune). Les teneurs mesurées se situent entre 75 et 100% de celles des extraits par HF (fig.IV.6).

99

Fig. IV.6. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HCl, TFA et HF à 100°C et à 20°C

L'alizarine, injectée sous forme de complexes sur la colonne HPLC, est donc libérée au cours de l'étape de séparation. Le pH de l'éluant étant légèrement plus élevé que celui des extraits, la seule explication semble être la complexation de l'aluminium par les ions phosphates de l'éluant. De fait, une fois mélangé (1:1) avec l'éluant, l'extrait par HCl 30 mM est devenu jaune. Utilisé dans les mêmes conditions que les autres acides (fig. IV.7), l'H3PO4 5% (0,1 M, pH 1,2) a donné une solution jaune, mais n'a décoloré qu'une partie de la laque. Les ions phosphates restent donc moins efficaces que les fluorures pour libérer l'alizarine des ses laques.

Fig. IV.7. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par H3PO4, H2SO4 ou HClO4 à différents pH.

extraction ALIZ4 par HF, HCl, TFA

0

10

20

30

40

50

60

70

HCl 100°C HCl 20°C TFA 100°C TFA 20°C HF 100°C HF 20°C

rdt [

%]

100

Ceci est probablement dû surtout à leur trop grande taille, qui non seulement ralentit leur diffusion dans le substrat (mélange d'alumine et de complexes alizarine-aluminium), mais les empêche d'atteindre les ions Al+++ séquestrés au cœur des complexes.

IV.4.3. Dissociation des particules de laques en suspension par l'éluant H3PO4 lors de l'analyse par HPLC

Puisque les ions phosphates sont capables d'extraire une partie de l'alizarine même d'une laque solide (fig.IV.7), la turbidité dans les surnageants des extraits par HCl et TFA laisse supposer que l'alizarine qui y a été détectée par HPLC s'y trouvait en fait sous forme de particules trop fines pour être retenues par le filtre 0,5 µm, et n'a été libérée de ces particules qu'après l'injection sur la colonne HPLC, au contact de l'éluant. Ceci a été vérifié par une seconde analyse des mêmes extraits, après centrifugation (10 ' à 10 000 RCF): les teneurs des extraits par HCl et TFA diminuent de 10 à 45%, contrairement à celles des extraits par HF (fig. IV.8).

Fig. IV.8. Extraits de laque ALIZ 4 par HCl, TFA et HF centrifugée ou non avant l'injection dans le système HPLC.

L'éluant HPLC pallie donc, mais partiellement et de manière peu reproductible, le manque d'efficacité de l'HCl et du TFA à pH > 1. Une conséquence en est que la comparaison des teneurs mesurées par HPLC n'est pas un bon critère de l'efficacité de la méthode d'extraction, qui peut être vérifiée d'une manière à la fois plus aisée et plus sûre par un simple contrôle visuel de la couleur et de la limpidité des extraits.

comparaison filtration / centrifugation

0

10

20

30

40

50

60

70

HCl 100°

C

HCl 20°C

TFA 100°C

TFA 20°C

HF 100°C

HF 20°

C

H3PO4/D

FOM

rdt.

%

filtr

centrif

101

IV.4.4. Rôles de l'ion F + et du DTPA Ceci nous amène à reconsidérer les rôles du lithium et de l'agent chélatant, DTPA ou DFOM. Il a été dit au début de ce paragraphe que ces deux réactifs n'amélioraient pas de manière significative les rendements de l'extraction par HF, mesurés par HPLC. Or les extraits obtenus en présence de HF, Li+ et DTPA sont tout à fait limpides (fig. IV.5), contrairement aux extraits par HF seul, HF + LiF et HF + DFOM, qui sont jaunes, mais parfois légèrement troubles et/ou dans lesquels on peut encore détecter la présence de grains rouges de laque. Il semble donc que la combinaison du lithium et de l'agent chélatant, sans avoir un rôle aussi central que celui de la combinaison des ions H+ et F-, complète l'action de ceux-ci. IV.5. Résumé et conclusions Les méthodes classiques d'extraction des colorants des laques dans les couches picturales des œuvres d'art utilisent des acides concentrés (HCl 6 M, H2SO4 1,8M), et ont dès lors le désavantage d'hydrolyser certaines molécules plus fragiles que l'alizarine ou la purpurine, comme les précurseurs glycosidiques de celles-ci ou la pseudopurpurine. Une acidité modérée permet d'éviter cette hydrolyse (pH 1,5 dans la solution aqueuse avant mélange 1:1 avec le DMF:MeOH 1:1). Avec les acides chlorhydrique et trifluoroacétique, ce pH est insuffisant pour assurer la solubilisation des laques et la dissociation des complexes alizarine-aluminium : un dépôt rouge important subsiste, et le surnageant est rouge. Avec l'acide fluorhydrique, la complexation de l'aluminium par les ions fluorures permet la dissociation des complexes solubilisés (le surnageant est jaune) jusque pH > 1,9, et la solubilisation quasiment totale de la laque (le dépôt rouge est éliminé presque totalement) jusque pH > 1,5. Il s'avère que les conditions d'élution (éluant H3PO4), lors de l'analyse par HPLC, sont propices à la dissociation des complexes. Il est dès lors possible d'injecter des solutions de complexes (surnageants rouges), et même des suspensions de fines particules de laque en suspension (surnageants troubles), et de détecter, à la sortie de la colonne HPLC, au moins une partie de l'alizarine sous sa forme libre. L'addition de LiF et de DTPA au mélange d'extraction permet de parfaire la solubilisation des laques (disparition du dépôt rouge) et de la dissociation des complexes (disparition du trouble dans le surnageant) dans les échantillons, avant leur injection dans le système HPLC.

102

V. INFLUENCE DE DIFFÉRENTS PARAMÈTRES SUR LA COMPOSITIO N, LA COULEUR ET LA STABILITÉ DES LAQUES

V.1. Introduction Il est utile, avant toute chose, de rappeler ce que l'on entend par laque dans le contexte de ce travail. Une laque est un pigment organique insoluble dans l'eau, formé, à partir d'un colorant quelque peu soluble dans l'eau, par un processus de chélatation ou de formation d'un sel, processus dans lequel la présence d'un substrat est nécessaire et ce substrat forme une partie intégrante du produit final (§ I.2). Il apparaît donc qu'une laque est un mélange, de stoechiométrie variable, impliquant une ou plusieurs molécules colorées et un support solide. Colorants et support interagissent et il y a simultanément chimi- et physisorption. La couleur telle que perçue par l'observateur d'un objet peint avec une laque dépendra bien évidemment d'un ensemble de facteurs et pas uniquement du spectre d'absorption des colorants tel qu'il peut être mesuré en solution grâce à un spectrophotomètre. Par ailleurs, pour l'historien d'art, il est important de pouvoir analyser une laque ancienne pour en retrouver si possible les constituants initiaux et en inférer les techniques picturales passées. Cette tâche est difficile compte tenu du phénomène extrêmement complexe de vieillissement des laques dans leur milieux d'application - peinture. Dans la pratique de l'identification des colorants tels que l'alizarine et la purpurine dans des œuvres d'art anciennes, on rencontre fréquemment des problèmes non seulement d'extraction (comme déjà discuté au chap. IV), mais aussi d'interprétation des résultats, suite à l'absence de recherche systématique sur la composition des laques et sur leur résistance à la lumière, en fonction de leur origine végétale ou animale et de leur mode de préparation. Nous avons préparé par des techniques standardisées une série de laques au départ de molécules de synthèse et aussi d'extraits de Rubiacées, et étudié les relations entre leur composition chimique, leurs caractéristiques physiques, leur couleur et

104

leur résistance au vieillissement. Nous nous posions entre autres les questions suivantes :

- le mode de préparation des laques influence-t-il leur composition et leur résistance au vieillissement? - des précurseurs glycosidiques des anthraquinones peuvent-ils être retrouvés dans les laques ? - si oui, quelle influence ont-ils sur la couleur ? - dans quelle mesure la composition, avant ou après vieillissement, permet- elle de déterminer la nature de la plante à partir de laquelle la laque a été préparée ?

V.2. Préparation des laques et des laines teintes Les recettes du passé, dont quelques-unes sont présentées à l'annexe 2, sont souvent obscures. Pour ce travail, nous nous sommes inspirées de la recette d'extraction des colorants et de préparation des laques à partir de racines de "garance", décrite par Marcucci en 1816 (Marcucci, 1816), qui a la qualité d'indiquer les proportions. Nous l'avons appliquée à neuf Rubiacées européennes différentes et en avons fait varier différents paramètres. Nous avons aussi préparé des laques à partir d'anthraquinones de synthèse, ainsi que d'anthraquinones préalablement fixées sur de la laine, selon le procédé, couramment utilisé dans le passé, de récupération des colorants à partir de chutes de textiles teints (Kirby, 1987). Enfin nous avons appliqué, toujours à Rubia tinctorum L., la méthode de Kopp au XIXe siècle (Perkin/Everest, 1918; Schweppe, 1992; Schweppe/Winter, 1997), qui permet, grâce à la précipitation sélective des précurseurs, de préparer une laque contenant de la purpurine mais pas d'alizarine. Quelques laques encore ont été préparées selon de tout autres modes opératoires, inspirés d'autres auteurs, ou achetées dans le commerce. Parmi les nombreux modes opératoires différents de préparation de tous ces échantillons, six ont été choisis comme références (§A1.2.1 de l'annexe 1). Trois autres ("Aliz0", "RT19" et "RT26") diffèrent sensiblement des précedents et sont décrit en annexe 1 (§ A1.2.2). La plupart des autres modes opératoires peuvent être considérés comme des variantes de ces six modes opératoires de référence qui sont résumés ci-dessous, et détaillés dans l'annexe 1. Les différences par rapport au mode opératoire de référence (rapport aluminium/colorant, température, base utilisée pour la précipitation...) sont données dans le texte au fur et à mesure que sont décrits les échantillons et leurs caractéristiques. La liste systématique de tous les échantillons est donnée dans le tableau A1.5 de l'annexe 1.

105

V.3. Résumés des modes opératoires de référence (cfr annexe 1). - mode op. "Aliz4", laque d'alizarine de synthèse : complexation avec l'aluminium en rapport molaire Al/colorant (M/L) = 10 à température ambiante, précipitation du complexe par K2CO3. - mode op. "AD Aliz1", laque d'alizarine de synthèse, préparée par adsorption (chimisorbtion) de la solution méthanolique de l'alizarine sur un substrat commercial (alumine ou silice). - mode op. "RT2", laque d'extrait de Rubia tinctorum L. : extraction des colorants à partir de racines pendant 1h à 60°C, complexation avec l'aluminium, précipitation par K2CO3. - mode op. "RT-L1", laine teinte : mordançage de la laine par l'alun en présence de tartrate de sodium et potassium pendant 45 min à 100°C, puis teinture dans un bain contenant des racines, 1 h à 60 °C. - mode op. "RT17", laque de colorant récupéré de laine teinte : extraction, dans K2CO3 pendant 2 h à 60°C, des colorants d'une des laines teintes, puis complexation et précipitation par l'alun. - mode op. "RT27" laque d'extrait de Rubia tinctorum L. d'après la recette de Marcucci (cfr annexe 2): extraction des colorants à partir de racines à l'eau bouillante, complexation avec l'aluminium, précipitation par Na2CO3.

106

V.4. Rendements des préparations de laques Après leur précipitation, les laques ont été récupérées par filtration, rincées à l'eau distillée sur le filtre, puis séchées trois jours à l'air, à température ambiante et à l'abri de la lumière. Elles ont ensuite été pesées sur leur filtre, afin de vérifier si les quantités obtenues sont proches de celles qu'on pouvait attendre. V.4.1. Calcul des quantités de laque attendues Dans le cas des laques d'anthraquinones de synthèse, les quantités exactes d'aluminium et de colorant mises en oeuvre lors de la préparation sont connues. Il est donc possible d'estimer le poids de laque qu'on peut espérer obtenir, en supposant que toute l'alizarine présente se retrouve sous forme de complexes, et l'aluminium en excès sous forme d'alumine. La formule attribuée aux complexes influençant les résultats de ces calculs, ils ont été faits sur base de trois formules hypothétiques (ou des formules équivalentes après remplacement de K par Na ou de l'alizarine par la purpurine ou un autre colorant) :

(a) aliz4Al 2(µ-OH)2K4(H20)6 : PM 1304, 4,1% Al, 74% alizarine, 12% K (b) aliz2AlK : PM 542, 5% Al, 89% alizarine, 7,2%K (c) aliz2AlH : PM 504, 5,4% Al, 95% alizarine

La formule (a) a été proposée par Soubayrol (1996) (cfr fig.III.9), et est équivalente à celle proposée par Wunderlich (1993) (cfr fig.III.8), après remplacement des 2 Ca par 4 K et des 4 DMF par 4 H2O. La formule (b) est proche de celle proposée par Kiel et Hertjes en 1963 (cfr fig.III.6). Par exemple le poids de laque attendu (mg), si la laque est composée du complexe de PM 1304 et d'alumine non hydratée, est calculé en multipliant le nombre de mmole d'alizarine par (1304/4 + 78 (Al/aliz - 1/2)). Comme dans les laques l'alumine est généralement en large excès par rapport au complexe (le calcul de sa contribution théorique au poids sec des laques donne environ 25%, 70% et 92% pour les rapports aluminium/colorant 2, 10 et 50 respectivement), les trois hypothèses donnent finalement des résultats très proches. Il serait encore possible de supposer qu'aucun complexe colorant-aluminium n'est formé, et que les laques sont constituées d'un mélange d'alumine et de colorants, sous forme de grains ou adsorbés sur l'alumine. Les quantités attendues seraient pratiquement identiques à celles données par l'hypothèse (b) ci-dessus. Dans le cas des laques d'extraits de racines, tous ces calculs sont impossibles, la quantité exacte de colorants mis en œuvre n'étant pas connue. On peut seulement calculer la quantité de "laque", ou plutôt d'alumine pure, qu'on aurait récupéré si on avait omis les micro-fragments de racines lors de la préparation, et si tout l'aluminium se retrouvait donc sous forme d'Al(OH)3.

107

V.4.2. Comparaison avec les quantités obtenues Le poids des laques d'anthraquinones commerciales est généralement plus élevé que calculé (tableau V.1). Pour les laques de rapport aluminium/colorant proche de 10, le rapport entre quantité obtenue et quantité attendue est systématiquement de l'ordre de 1,25 (de 1,21 +/- 0,09 à 1,30 +/- 0,10 selon l'hypothèse de calcul). Cette différence entre poids mesurés et poids attendus est due principalement à l'eau d'hydratation de l'alumine. Nous reviendrons sur ce problème ultérieurement. Si on compare, pour l'ensemble des laques, les quantités obtenues avec celles qu'on aurait attendues si les laques se réduisaient à de l'alumine pure, les rapports sont 1,94 +/- 0,64 pour les laques d'anthraquinones commerciales en général, 1,70 +/- 0,17 pour celles dont le rapport aluminium/colorant est proche de 10, et 2,3 +/- 1 pour les laques d'extraits de racine (tableau V.2). Ces excès de 94%, 70% et 130%, par rapport à la quantité maximale d'alumine non hydratée récupérable, sont trop élevés pour être entièrement dus à l'hydratation de l'alumine effectivement présente. Ils confirment donc que les laques obtenues ne contiennent pas que de l'alumine, et que l'extraction des colorants des racines est réussie, en ce sens qu'une quantité relativement importante de composés d'origine végétale se retrouve incorporée dans les laques d'extraits de racine. Tableau V.1. Laques d'anthraquinones commerciales : quantités de réactifs (colorant : 1

mmole total, sauf Aliz1 : 0.43 mmole), rendements.

rendement apparent

mmole Al [g] laque (a) (b) (c)

ALIZ 1 3.2 0.498 1.33 1.42 1.46

ALIZ 2 2 0.389 0.88 1.00 1.06

ALIZ 3 2 0.450 1.02 1.16 1.22

ALIZ 4 10 1.350 1.27 1.33 1.36

ALIZ 5 10 1.214 1.14 1.20 1.22

ALIZ 6 50 2.872 0.69 0.69 0.70

ALIZ 7 10 1.283 1.22 1.28 1.29

ALIZ 8 12.5 1.497 1.18 1.24 1.26

ALPU 10 1.199 1.12 1.18 1.20

ALQU 10 1.124 1.05 1.11 1.13

COL3 10 1.279 1.19 1.26 1.28

COL4 10 1.454 1.27 1.33 1.36

PU 1 2 0.553 1.21 1.37 1.44

PU 2 10 1.249 1.15 1.21 1.24

PU 3 10 1.399 1.29 1.36 1.39

AR 1 2 0.339 0.45 0.49 0.50

AR 2 10 1.217 0.89 0.92 0.94

QUI 1 2 0.441 1.00 1.14 1.20

QUI 2 10 1.422 1.33 1.41 1.43

sur toutes les laques : moy. 1.09 1.16 1.19

SD 0.23 0.24 0.25

%RSD 21.10 20.83 20.86

sur les laques de M/L~10 : moy. 1,21 1,28 1,30

SD 0,09 0,10 0,10

%RSD 7,3 7,5 7,6 (a)-(c) : alumine + complexes de type (a) à (c), cfr texte

108

Tableau V.2. Laques d'extraits de racines : quantités de réactifs, rendements.

Echantillon racine [g] alun1 [g] Al [g] laque [g]

RT1 2.00 1.476 0.084 0.404

RT2 2.01 1.509 0.086 0.575

RT3 1.99 1.501 0.085 0.403

RT4 2.01 1.507 0.086 0.464

RT5 2.00 1.497 0.085 0.399

RT6 1.99 1.437 0.082 0.417

RT7 1.99 1.501 0.085 0.485

RT8 2.00 1.494 0.085 0.489

RT9 2.01 1.502 0.086 2.091

RT10 1.99 1.504 0.086 0.464

RT11 2.00 1.517 0.086 0.568

RT13 2.01 1.502 0.086 0.478

RT14 2.00 3.061 0.174 1.707

RT15 2.01 1.501 0.085 0.534

RT16 (laine) 2.262 1.131 0.064 0.600

RT17 (laine) 2.432 1.513 0.086 0.797

RT18 (laine) 2.412 3.349 0.191 0.958

RT19 0.18 0.150 0.008 0.045

RT27 10.01 6.67 0.380 2.251

RT28 10.00 6.67 0.380 2.203

RT29 10.00 6.67 0.380 2.203

RP2 2.01 1.506 0.086 0.503

RP3 2.01 1.502 0.086 0.444

RP7 1.99 1.497 0.085 0.472

RP12 2.00 1.494 0.085 0.452

GA2 2.04 1.518 0.086 0.458

GA3 2.01 1.503 0.086 0.464

GA8 1.99 1.450 0.085 0.512

GB2 2.02 1.489 0.085 0.454

GM2 1.98 1.509 0.086 0.530

GM3 2.00 1.502 0.086 0.433

GM8 2.01 1.503 0.086 0.452

GO2 2.01 1.509 0.086 0.469

GS2 1.92 1.499 0.085 0.451

GS3 1.99 1.503 0.086 0.439

GS8 2.03 1.510 0.086 0.488

GV2 1.99 1.507 0.086 0.468

GV3 2.00 1.503 0.086 0.450

GV12 2.00 1.505 0.086 0.428

AT2 2.04 1.505 0.086 0.436 1 alun = KAl(SO4)2.12H2O 2 g de racines utilisés pour teindre les ~2g de laine, dont les colorants ont été ensuite réextraits

109

V.5. État physique des laques Certains des précipités étaient très fins (p.ex. Aliz2), et même parfois proches de colloïdes (Aliz 0, 3 et 5, préparées à haute température). Le filtre de porosité 50 µm était alors insuffisant, et la filtration était répétée avec des porosités de 10 ou 0,45 µm. À l'inverse la laque Qui2 (quinizarine, M/L = 10) par exemple a donné une pâte brune, qui en séchant est passée au rose-violet. La plupart des laques, soit parce qu'elles formaient des pâtes (en général, les laques contenant de la quinizarine) soit parce qu'elles contenaient de gros grains, ont été broyées dans un mortier après séchage. L'observation des laques au microscope optique (grossissement 200 à 400) montre que les poudres obtenues sont essentiellement constituées de grains d'alumine colorée, dont la taille peut approcher les 100 µm. Les photos sur la fig. V.1 montrent la laque Aliz4 (M/L = 10, temp. amb.), observée sous forme de poudre fixée sur un filtre Millipore en ester de cellulose (MF HA013), lui-même placé sur un fond blanc ou sur un fond noir, sous une lumière incidente polarisée ou non. Le fond noir permet de mieux distinguer les grains individuels et leur taille. La lumière polarisée supprime les reflets à la surface des grains. Les grains les plus gros sont au moins aussi colorés que les plus petits. Nous verrons plus loin que leur coloration résiste aussi beaucoup mieux au vieillissement, ce qui suggère que la substance colorante n'est pas simplement adsorbée à la surface externe des grains, mais qu'elles se trouve à l'intérieur de ceux-ci, que ce soit à la surface des pores ou dans la masse de l'alumine. a b ||

100 µm c Fig. V.1.

Laque Aliz4 vue au microscope optique en conditions d'éclairage différentes : (a) lumière incidente sur fond blanc, (b) lumière incidente sur fond noir et (c) lumière incidente polarisée sur fond noir.

110

La distribution granulométrique d'une laque typique (RT29, laque de Rubia tinctorum L., recette Marcucci (annexe 1) , pptn par Na2CO3), fig. V.4) est donnée aux figures V.2 (distribution en volume) et V.3 (distribution en nombre). Une sonication legère, permet de dissocier les éventuels agrégats, et de s'assurer que la distribution granulométrique observée est bien celle des grains individuels et non d'agrégats de ceux-ci. La sonication plus longue casse aussi les grains. Le "mode" (maximum de la distribution) en nombre est de 0,93 µm (6,4% des grains ont un diamètres entre 0,89 et 0,97 µm), alors que le mode en volume est de 51 µm (les grains entre 48,9 et 53,5 µm forment 5,1% du volume total de la laque). Le point d'inflexion vers 20 µm dans la courbe de distribution en volume suggère nettement l'existence de deux populations, une de ~50 µm, l'autre de 5-10 µm.

Fig. V.2. Courbes de la distribution granulométrique (en volume) avant et après

sonication de la laque RT29 pendant 30 sec.

Fig. V.3. Courbes de la distribution granulométrique (en nombre) avant et après sonication de la laque RT29 pendant 30 sec.

111

|| || 100 µm 100 µm

Fig. V.4. Laque de garance (RT29) vue au microscope sous lumière incidente polarisée à deux grossissements différents.

Aucune cristallinité des laques n'a pu être détectée par diffraction des rayons X. Les surfaces spécifiques des laques (fig. V.5), mesurées par adsorption / désorption d'azote et d'hélium (méthode B.E.T.), sont du même ordre de grandeur (96 +/- 18 m2/g) que celles de l'alumine précipitée en l'absence de colorants (échantillon "Al 2O3 ppté.", 93 m2/g) et de l'alumine TLC (échantillon "AD - PU 3", constitué de purpurine adsorbée sur une alumine TLC, 134 m2/g). Elles sont essentiellement dues à la porosité interne de l'alumine. Les laques d'alizarine aliz2 (25°C) et aliz3 (90°C), de faible rapport Al/aliz (=2), font exception, avec seulement 2 à 4 m²/g, proches des 3 à 13 m2/g des poudres d'anthraquinones synthétiques. Ces faibles valeurs sont typiques de grains de quelques microns dépourvus de porosité interne : des grains sphériques de 1 µm et de densité 1 donneraient 6 m2/g. Inversement il faudrait descendre à 60 nm pour atteindre, avec des grains sphériques dépourvus de porosité, les 100 m2/g des laques riches en alumine, et à 12 nm pour atteindre les 500 m2/g de l'échantillon "AD-aliz4", alizarine adsorbée sur une silice.

112

Fig. V.5. Surface spécifique (m²/g) des laques par la méthode B.E.T.

1497

14

102118

76113

6089

5769

712

91107108

7795

368

10493

98135

470483

135106

92106

102114

102113

7109

7386

8474

6962

256

5834

4040

97107

98117

102126

103104

102102

ALIZALIZ 1ALIZ 2ALIZ 3ALIZ 4ALIZ 5ALIZ 6ALIZ 7ALIZ 8ALPUALQUCOL 3COL 4PURPPU 1PU 2PU 3AR 1AR 2

QUINIZQUI 1QUI 2

Al2O3 ppté.Al2O3 std.Al2O3 TLC

SiO2AD-ALIZ 4

RT 1RT 2RT 3RT 4RT 5RT 6RT 7RT 8RT 9

RT 10RT 11RT 13RT 15RT 16RT 17RT 18RT 20RT 21RT 22RT 23RT 24RT 25RP 2GA 2GA 3GB 2GM 2GM 3GO 2GS 2GV 2AT 2

0 50 100 150 480 500

m² / g

113

V.6. Composition chimique des laques V.6.1. Thermogravimétrie :

estimation des teneurs en aluminium, alizarine et eau d'adsorption Les courbes thermogravimétriques d'une alumine, de d'alizarine pure, et de quelques laques sont données à la fig V.6.

Fig. V.6. Analyse thermogravimétrique (TGA).

Selon Sato et al (1980), l'eau adsorbée sur l'alumine s'élimine vers 130 °C, l'eau de constitution vers 250-350 °C. Sur la courbe de l'alumine de la figure V.6 ces deux étapes ne peuvent être séparées. La légère perte de poids vers 850 °C est probablement due au passage de l'alumine de la forme η à la forme θ (Léonard et al., 1969). À 1000 °C il ne reste que de l'Al2O3, qui permet de calculer une teneur en aluminium de 30% en poids, correspondant à une teneur initiale en Al(OH)3 de 86% Les 14% restant sont probablement l'eau adsorbée (Al(OH)3. nH20, n = 0,8). L'alizarine en poudre sublime entre 250 et 350 °C, et la fraction non sublimée se décompose entre 450 et 550 °C. Cette dernière correspond peut-être à la fraction sous forme sodique (HalizNa) dans l'échantillon commercial. La courbe de perte en poids d'une laque typique (aliz5, Al/aliz = 10) commence comme celle de l'alumine, avec perte d'eau (~33%) jusque vers 350 °C. Ensuite l'alizarine (~17%) se décompose entre 400 et 550 °C.

0 200 400 600 800 10000

20

40

60

80

100

perte d'eau

décomposition de l'alizarine

sublimationde l'alizarine

alumine

AlPu

aliz6aliz5

aliz3

alizarine

% p

erte

Température (°C)

114

La courbe de la laque Aliz3, plus pauvre en aluminium (Al/aliz = 2) confirme cette interprétation. Le premier saut, correspondant à la perte d'eau par l'alumine, y est plus petit (perte de ~15%), tandis que le second, correspondant à la sublimation et la décomposition de l'alizarine, y est plus grand (perte de ~50%). Il semble donc que quantitativement on puisse non seulement calculer la teneur en aluminium à partir du résidu à 1000 °C, mais aussi estimer la teneur en alizarine (ou alizarine + purpurine) à partir de la perte en poids vers 400 - 550°C. Les teneurs en aluminium et en alizarine ainsi obtenues (Tableau V.3) sont assez proches des teneurs attendues sur base des calculs décrits plus haut (exemple de calcul : le pourcentage en aluminium, si la laque est composée du complexe de PM 1304 et d'alumine, est donné par %Al = 100 x 27 x Al/aliz / (1304/4 + (Al/aliz - 1/2) x 78)). Dans les cas de l'alumine et des laques de rapport aluminium/colorant élevé, on trouve légèrement (5% à 25%) moins d'aluminium que prévu, probablement surtout parce que l'eau adsorbée sur l'alumine a été négligée dans le calcul des valeurs attendues.

Tableau V.3. Teneurs en aluminium et en alizarine, mesurées par thermogravimétrie.

% aluminium : % alizarine :

calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type :

exp : calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type :

exp :

Échan- tillon :

Rapport Al/aliz :

(a) (b) (c) (a) (b) (c)

alumine 34,6 29,6 0 0

Aliz 0 0 100 98

AlPu 10 25,1 26,5 27,0 22,8 23,1 24,3 24,8 20

Aliz2 2 12,2 13,9 14,6 17,5 54,2 61,9 65,0 33

Aliz3 2 12,2 13,9 14,6 16,9 54,2 61,9 65,0 50

Aliz5 10 25,3 26,7 27,2 24,4 22,5 23,7 24,2 17

Aliz6 50 32,2 32,7 32,8 24,9 5,7 5,8 5,8 5

La TGA confirme donc que les laques sont assimilables à des alumines colorées, que leur composition est proche de celle qu'on peut attendre sur base des proportions de réactifs utilisés, et que, en équilibre avec l'atmosphère, elles adsorbent probablement de 5 à 25% de leur poids en eau. La courbe de perte en poids donnée par Soubayrol (1996) pour son complexe (aluminium : alizarine : NaOH en rapport molaire 1:2:5) a une allure à première vue similaire à celles présentées ici, avec une perte de ~15% par déshydratation avant 300 °C, puis une seconde perte de 15 à 20%. Il y a cependant deux différences : la seconde perte en poids se situe à température beaucoup plus élevée (550 - 650 °C) que sur nos courbes, et le résidu à 800 °C fait encore 65% du poids initial. Sur base de la composition attribuée par Soubayrol à son complexe, le résidu final devrait être composé de Al2O3 et Na2O en rapport molaire 1:2, et on peut calculer qu'un résidu de 65% correspondrait à des teneurs de 16% en

115

aluminium et 26% en sodium, soit quatre fois plus qu'attendu. Les conditions expérimentales choisies par Soubayrol diffèrent des nôtres en deux points, qui tous deux peuvent contribuer à expliquer les différences dans les résultats. D'une part l'atmosphère de son expérience était inerte (N2), ce qui peut avoir retardé ou empêché la décomposition de l'alizarine. D'autre part le gradient de température était assez élevé (5 °C/min.), peut-être trop élevé pour que l'équilibre ait été atteint: dans des expériences préliminaires, nous avions constaté que dans nos conditions 3 °C / min était déjà un peu trop rapide, et les courbes de la figure V.6 ont été obtenues à 2 °C/min. L'interprétation proposée par Soubayrol pour cette courbe est qu'on peut y distinguer les deux familles de molécules d'eau d'hydratation qu'il attribue à son complexe : quatre molécules fortement liées, deux moins liées. Or dans la zone 0-300 °C, cette courbe est tout à fait comparable aux nôtres, et il semble très hasardeux d'essayer d'y distinguer plusieurs populations de molécules d'eau.

116

V.6.2. ICP : teneurs en aluminium et potassium Dans les formules proposées dans la littérature, les complexes aluminiques d'alizarine contiennent souvent, en plus de l'aluminium, un cation alcalin (K+, Na+) ou alcalino-terreux (Ca++), provenant de la base utilisée dans la préparation de la laque, dans notre cas le carbonate de potassium (à l'exception de "Aliz0", mode op. de Soubayrol : Al / aliz / NaOH en rapports molaires 1/2/5). Les teneurs en aluminium et en potassium dans les laques, mesurées par ICP, sont données dans les tableaux V.4 et V.5. Tableau V.4. Laques d'anthraquinones commerciales: teneur en aluminium et

potassium, valeurs attendues et mesurées par ICP. % aluminium : % potassium :

calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type :

calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type:

Échan- tillon :

Rapport Al/aliz :

(a) (b) (c) exp :

(a) (b) (c) exp :

ALIZ 0 0 0 0 0,07 0 0 --

ALIZ 0 0,5 4,35 5,13 5,36 4,29 0 0 - 0

ALIZ 1 7,4 23,12 24,69 25,28 25,1 4,51 2,41 - 2,1

ALIZ 2 2 12,19 13,92 14,63 22,2 8,8 5,03 - 2,3

ALIZ 3 2 12,19 13,92 14,63 19,8 8,8 5,03 - 2,9

ALIZ 4 10 25,3 26,68 27,19 30,6 3,66 1,93 - 0,3

ALIZ 5 10 25,3 26,68 27,19 32,5 3,66 1,93 - 0,7

ALIZ 6 50 32,24 32,67 32,82 34,7 0,93 0,47 - 0,4

ALIZ 7 10 25,69 26,89 27,19 35,4 0 0 - 0

ALIZ 8 12,5 26,74 27,96 28,41 32 3,09 1,62 - 0,6

ALPU 10 25,12 26,47 26,97 33,6 3,63 1,91 - 0,6

ALQU 10 25,3 26,68 27,19 28,5 3,66 1,93 - 0,9

COL3 10 25,18 26,54 27,04 27,8 3,64 1,92 - 0,1

COL4 10 23,53 24,71 25,15 28,3 3,4 1,78 - 0,3

PURPU 10 0 0 -- 0,1 0 0 - 0,3

PU 1 2 11,76 13,37 14,03 21,2 8,5 4,83 - 0,8

PU 2 10 24,93 26,26 26,76 27,2 3,6 1,9 - 1,8

PU 3 10 24,93 26,26 26,76 32,8 3,6 1,9 - 0,8

ACRUB 0 0 -- -- 0,1 0 0 - 7,4

AR 1 2 7,21 7,78 8 16,3 5,21 2,81 0,3

AR 2 10 19,66 20,49 20,79 25,3 2,84 1,48 - 0,6

QUINIZ 0 0 0 -- 0 0 0 - 0,5

QUI 1 2 12,19 13,92 14,63 19,6 8,8 5,03 - 0

QUI 2 10 25,3 26,68 27,19 33,4 3,66 1,93 - 0,8

ALUMINE -- 34,62 34,62 34,62 39,7 0 0 - 3,2

La figure V.7 permet de comparer, pour les laques d'anthraquinones commerciales, teneurs mesurées et teneurs attendues, calculées comme décrit plus haut (§ V.4.1) pour des mélanges d'alumine et de complexes des types hypothétiques (a), (b) et (c). On trouve régulièrement un peu plus d'aluminium que prévu, y compris pour l'alumine pure (40% au lieu des 35% théoriques). Les rapports entre teneur

117

mesurée et teneur attendue sont de 1,35+/-0,31 et 1,22+/-0,25 pour des complexes de type (a) et (c) respectivement.

Fig. V.7. Teneur en aluminium et en potassium des laques des anthraquinones commerciales, mesurés par ICP.

ALI

Z

ALI

Z 0

ALI

Z 1

ALI

Z 2

ALI

Z 3

ALI

Z 4

ALI

Z 5

ALI

Z 6

ALI

Z 7

ALI

Z 8

ALP

U

ALQ

U

CO

L3

CO

L4

PU

RP

U

PU

1

PU

2

PU

3

AC

RU

B

AR

1

AR

2

QU

INIZ

QU

I 1

QU

I 2

ALU

MIN

E

0

2

4

6

8

% K

ALI

Z

ALI

Z 0

ALI

Z 1

ALI

Z 2

ALI

Z 3

ALI

Z 4

ALI

Z 5

ALI

Z 6

ALI

Z 7

ALI

Z 8

ALP

U

ALQ

U

CO

L3

CO

L4

PU

RP

U

PU

1

PU

2

PU

3

AC

RU

B

AR

1

AR

2

QU

INIZ

QU

I 1

QU

I 2

ALU

MIN

E

0

10

20

30

40

% A

l

exp. (ICP) calc. (alum. + compl. type Aliz4Al2(µ-OH)2K4(H20)6) calc. (alum. + compl. type Aliz2AlK) calc. (alum. + compl. type Aliz2AlH)

118

Tableau V.5. Laques des plantes de la famille des Rubiacées: teneur en aluminium et en potassium, mesuré par ICP et teneur maximales possible (cfr texte - poids Al utilisé / poids laque obtenu).

% aluminium : % potassium :

Èchantillon : calculé (cfr texte) :

exp. : calculé

(cfr texte) : exp. :

RT1 20.8 24.2 17.1 2.2

RT2 15.0 21.6 17.4 2.5

RT3 21.2 19.8 15.4 2.1

RT4 18.5 20.8 15.7 2.0

RT5 21.3 27.3 15.4 1.9

RT6 19.6 21.5 16.2 1.5

RT7 17.6 22.4 17.4 2.0

RT8 17.4 23.1 18.7 2.2

RT9 4.1 4.0 0.0 0.0

RT10 18.5 23.5 18.7 0.5

RT11 15.2 17.5 13.0 2.1

RT13 17.9 21.0 15.5 1.9

RT14 10.2 23.0 0.0 0.9

RT15 16.0 22.2 0.0 0.8

RT16 10.7 17.3 0.0 4.7

RT17 10.8 17.7 22.2 5.9

RT18 19.9 23.1 12.7 10.1

RT19 18.8 21.9 16.5 3.9

RT26 29.0 17.9 0.6 0.0

RT27 17.3 21.3 0.0 0.1

RT28 17.3 21.5 29.3 0.0

RT29 17.3 22.2 0.0 0.0

RP2 17.1 25.9 19.9 2.5

RP3 19.3 27.2 20.5 1.9

RP7 18.1 23.5 21.6 2.5

RP12 18.8 22.2 19.5 1.9

GA2 18.9 22.8 16.0 0.7

GA3 18.5 22.0 15.1 1.7

GA8 16.7 21.5 20.8 2.3

GB2 18.7 22.3 21.1 2.2

GM2 16.2 21.2 20.9 1.9

GM3 19.8 23.1 18.7 1.6

GM8 18.9 26.3 21.5 2.4

GO2 18.3 22.1 17.3 2.0

GS2 18.9 23.1 18.8 1.8

GS3 19.5 25.0 19.6 2.0

GS8 17.6 20.0 20.5 1.9

GV2 18.3 27.8 19.1 2.3

GV3 19.0 25.3 17.4 1.4

GV12 20.0 25.0 19.0 2.0

AT2 19.7 27.3 20.2 2.6

119

On peut également calculer la teneur maximale possible en aluminium, sur base de la quantité de sulfate d'aluminium utilisé et du poids de laque récupérée. Ce calcul, contrairement au précédent, est applicable aussi aux laques d'extraits de racine. On s'aperçoit que les teneurs mesurées sont systématiquement trop élevées, avec un rapport de 1,27 +/- 0,24 pour les laques préparées à partir d'extraits de racine (tabl. V.5 et fig. V.8), et 1,46 +/- 0,31 pour les laques d'anthraquinones commerciales. Il y a donc bien une surestimation systématique de l'aluminium dans nos mesures par ICP. L'hydratation des laques ne peut être invoquée, parce qu'elle entraînerait au contraire une diminution de la teneur apparente en aluminium. Une seule explication que nous puissions suggérer consiste en une erreur systématique de pesée. Inversement on retrouve généralement très peu de potassium, et certainement beaucoup moins que prévu. Il semble donc que dans la plupart des cas, si les complexes aluminiques sont porteurs de charges négatives, celles-ci sont compensées plutôt par des ions H+ (H3O

+) que par des cations alcalins. Trois laques seulement (Aliz1, 2 et 3, rapports Al/aliz = 7,4; 2 et 2 respectivement) contiennent du potassium en quantités approchant celles calculées à partir de la formule ((aliz2Al)K). Il est possible qu'il fasse partie intégrante du complexe, mais sa présence pourrait aussi résulter d'un lavage moins efficace de ces laques après leur filtration.

120

Fig. V.8. Teneurs en aluminium et en potassium des laques des plantes de la

famille des Rubiacées mesuré par ICP.

AT2GV12

GV3GV2GS8GS3GS2GO2GM8GM3GM2GB2GA8GA3GA2

RP12RP7RP3RP2

RT29RT28RT27

RT26 RT25 RT24 RT23 RT22 RT21 RT20 RT19RT18RT17RT16RT15RT14RT13RT11RT10RT9RT8RT7RT6RT5RT4RT3RT2RT1

0 10 20 30

% Al

Al%calc. % Al (ICP)

0 2 4 6 8 10

% K

%K (ICP)

121

V.6.3. HPLC : teneurs en alizarine et autres colorants Les teneurs en colorants dans les laques, mesurées par HPLC (§ IV.2.2) après extraction par les méthodes LiF et HA décrites au § IV.2.1, sont données en détail dans les tableaux V.6, V.7, V.8, V.9, V.10 et V.11. Pour les laques d'anthraquinones commerciales, ces teneurs mesurées sont comparées aux teneurs attendues, calculées pour les formules hypothétiques (a) à (c) décrites plus haut (§ V.4.1). Tableau V.6. Teneurs (%) en alizarine dans les laques d'anthraquinones commerciales,

mesurées par HPLC et calculées.

Rendements apparents Rap port

mesuré après extraction par :

calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type : extraction par LiF extraction par HCl

Échan tillon

Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)

ALIZ 0 74 61.9 100 100 100 0.74 0.74 0.74 0.62 0.62 0.62

ALIZ 0 0.5 60 31.5 76.8 90.5 94.6 0.78 0.66 0.63 0.41 0.35 0.33

ALIZ 1 7.4 13 2.1 27.5 29.4 30.1 0.48 0.45 0.44 0.08 0.07 0.07

ALIZ 2 2 34 1.2 53.7 61.3 64.6 0.64 0.56 0.53 0.02 0.02 0.02

ALIZ 3 2 31 0.6 53.7 61.3 64.6 0.59 0.51 0.49 0.01 0.01 0.01

ALIZ 4 10 10 2.3 22.3 23.5 24.0 0.44 0.42 0.41 0.10 0.10 0.10

ALIZ 5 10 7.3 0.9 22.3 23.5 24.0 0.33 0.31 0.30 0.04 0.04 0.04

ALIZ 6 50 4.1 2.8 5.7 5.8 5.8 0.72 0.71 0.70 0.48 0.48 0.48

ALIZ 7 10 16 6.5 22.7 23.7 23.9 0.71 0.68 0.67 0.29 0.27 0.27

ALIZ 8 12.5 9.1 2.2 18.9 19.7 20.0 0.48 0.46 0.45 0.12 0.11 0.11

ALPU 10 10 6.2 11.1 11.7 11.9 0.91 0.86 0.85 0.56 0.53 0.52

ALQU 10 5.0 4.6 11.2 11.8 12.0 0.45 0.43 0.42 0.41 0.39 0.38

COL3 10 5.5 3.5 7.4 7.8 7.9 0.74 0.70 0.69 0.47 0.45 0.44

COL4 10 4.0 1.6 5.2 5.5 5.6 0.77 0.73 0.72 0.32 0.30 0.30

ACRUB 0 0.1 4.6 0 0 0 - - - - - -

AR 1 2 0.2 2.2 0 0 0 - - - - - -

AR 2 10 0.04 0.6 0 0 0 - - - - - -

moy 0.63 0.59 0.57 0.28 0.27 0.26

sd 0.17 0.16 0.16 0.22 0.21 0.21

RSD 26.6 27.3 27.8 76.7 78.0 78.5

122

Tableau V. 7. Teneurs (%) en purpurine dans les laques d'anthraquinones commerciales, mesurées par HPLC et calculées.

Rendements apparents Rap

port

mesuré ap. extraction par :

calculé (cfr texte) pour alumine + compl. de type : extraction par LiF extraction par HCl

Èchantillon

Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)

PURP 0 53 72 100 100 100 0.53 0.53 0.53 0.72 0.72 0.72

PU 1 2 20 0.7 55.34 62.87 66.06 0.36 0.31 0.30 0.01 0.01 0.01

PU 2 10 17 2.7 23.45 24.71 25.19 0.73 0.69 0.68 0.12 0.11 0.11

PU 3 10 19 0.8 23.45 24.71 25.19 0.80 0.76 0.74 0.04 0.03 0.03

ALPU 10 11 2.7 11.81 12.45 12.69 0.92 0.87 0.86 0.23 0.22 0.21

COL3 10 6.8 1.4 7.90 8.32 8.49 0.87 0.82 0.81 0.18 0.17 0.16

COL4 10 4.6 0.8 5.53 5.81 5.92 0.82 0.78 0.77 0.15 0.14 0.14

moy 0.72 0.68 0.67 0.21 0.20 0.18

sd 0.20 0.20 0.19 0.24 0.24 0.23

RSD 28.3 28.8 29.0 116.4 120.1 126.9

Tableau V. 8. Teneurs (%) en quinizarine dans les laques d'anthraquinones

commerciales, mesurées par HPLC et calculées.

Rendements apparents Rap port

mesuré ap. extraction par :

calculé (cfr texte) pour alumine + complexe de type : extraction par LiF extraction par HCl

Èchan tillon

Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)

QUINIZ 0 79 70 100 100 100 0.79 0.79 0.79 0.70 0.70 0.70

QUI 1 2 36 2.7 53.72 61.34 64.59 0.66 0.58 0.55 0.05 0.04 0.04

QUI 2 10 19 1.9 22.31 23.52 23.98 0.86 0.81 0.80 0.08 0.08 0.08

ALQU 10 7.6 3.9 11.15 11.76 11.99 0.68 0.65 0.64 0.35 0.33 0.33

COL3 10 4.6 3.1 7.40 7.80 7.95 0.62 0.59 0.58 0.42 0.40 0.39

COL4 10 4.0 1.7 5.19 5.45 5.55 0.77 0.73 0.72 0.33 0.31 0.30

moy 0.73 0.69 0.68 0.32 0.31 0.31

sd 0.09 0.10 0.11 0.24 0.24 0.24

RSD 12.2 14.6 15.7 73.8 76.4 77.5

Pour l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, les rapports entre teneurs mesurées et teneurs attendues, calculées pour les formules hypothétiques (a) à (c) décrites plus haut (§ V.4.1), sont de l'ordre de 0,6 - 0,7 et 0,2 - 0,3 pour les extractions par LiF et HA respectivement (voir aussi fig. IV.3, § IV.3). Le rendement d'extraction est manifestement meilleur avec LiF, mais reste inférieur à 1. Ceci s'explique certainement en partie, mais en partie seulement, par le taux d'hydratation probable de 5 à 25% des laques, dont il n'a pas été tenu compte dans le calcul des teneurs

123

attendues. Le reste de la différence peut être dû à l'incertitude sur les pesées ou une extraction incomplète du colorant, mais aussi à une teneur éventuellement plus faible qu'attendue, suite à la perte d'une partie du colorant (en solution ou en très petites particules) lors de la filtration des laques. Tableau V. 9. Teneurs (%) en primvéroside de l'alizarine et de la lucidine dans les laques d'anthraquinones commerciales, mesurées par HPLC (après extraction par

LiF) et calculées.

Rap port

mesuré après extraction par LiF:

calculé (cfr texte) pour alumine + complexe de type :

Rendements apparents Echantil

lon Al/col pral prlc

pral+ prlc

pral / prlc

(a) (b) (c) (a) (b) (c)

ACRUB 0 9.7 9.1 18.8 1.07 100 100 100 0.19 0.19 0.19

AR 1 2 9.7 7.8 17.5 1.24 72.63 78.39 80.65 0.24 0.22 0.22

AR 2 10 1.3 1.0 2.3 1.29 39.62 41.27 41.89 0.06 0.06 0.06

COL4 10 0.8 0.2 1.0 4.02 11.85 12.45 12.67 0.08 0.08 0.07

moy 0.14 0.14 0.13

sd 0.09 0.08 0.08

RSD 61.1 60.3 60.1

L'acide rubérythrique commercial s'est avéré être un mélange de primvérosides de l'alizarine et de la lucidine (§ IV.2.2.3). L'extraction par HCl des laques préparées à partir de ce mélange hydrolyse les glycosides et ne donne qu'un peu d'alizarine (0,6% à 4,6%, tabl. V.9). L'extraction par LiF permet de récupérer une partie des glycosides (par exemple 10% d'acide rubérythrique et 8% de précurseur de la lucidine dans la laque AR1, rapport Al/colorant 2), mais moins du quart de la valeur attendue (73 à 81% dans la laque AR1).

124

Tableau V. 10. Teneur des colorants (mg colorant / g de laque) dans les laques des plantes de la famille des Rubiacées, mesurés par HPLC après extraction par LiF.

mg/g pral prlc ag pp al pu ru inc. à 27'

some rdt

plante* RT1 13 2.6 1.5 9.6 7.2 0.7 0.2 23 58 11.7 RT2 3.3 1.6 0.5 7.2 5.4 0.5 0.0 7.7 26 7.5 RT3 62 57 0.0 11 2.6 2.4 0.0 0.5 135 27.1 RT4 17 21 1.4 24 10 1.9 0.1 12 87 20.2 RT5 0.8 2.2 0.4 1.1 2.1 0.4 0.0 2.6 9.5 5.9 RT6 10 11 0.1 1.6 2.5 0.2 0.0 2.0 28 5.8 RT7 2.7 3.3 0.6 2.2 5.4 0.5 0.1 9.1 24 5.8 RT8 0.0 0.0 0.6 5.2 8.1 2.1 0.0 11 27 6.5 RT9 0.3 0.1 0.1 0.7 1.7 0.1 0.0 2.0 5.0 5.2 RT10 3.4 3.3 0.6 7.9 7.2 1.1 0.1 11 34 7.9 RT11 0.6 0.3 1.8 0.0 20 3.1 0.0 24 50 14.2 RT13 0.0 0.0 0.4 0.0 2.1 1.8 0.0 3.8 8.0 1.9 RT14 13 6.4 0.5 1.9 4.1 0.4 0.0 3.7 30 25.4 RT15 12 6.2 0.9 6.5 6.7 0.8 0.1 9.9 43 11.3 RT16 0.0 0.0 0.2 0.2 1.5 0.7 0.0 0.4 3.0 0.8 RT17 0.0 0.0 0.2 4.0 4.0 3.3 0.3 1.0 13 4.2 RT18 0.0 0.0 0.0 0.5 0.7 0.1 0.0 0.0 1.4 0.6 RT19 0.2 0.1 0.0 9.1 0.0 1.3 0.0 0.0 11 2.7 RT20 0.7 0.0 2.0 0.0 5.8 15 0.0 1.0 24 RT20 0.6 0.0 1.3 0.0 4.5 12 0.0 0.3 20 RT21 0.0 0.0 0.0 0.0 14 244 0.0 0.0 258 RT22 0.0 0.0 0.0 0.0 1.9 42 0.0 0.0 44 RT23 0.0 0.0 0.0 101 0.0 31 0.0 0.0 132 RT24 0.0 0.0 0.0 1.6 0.0 0.2 0.0 0.0 1.7 RT25 0.0 0.0 0.0 6.5 0.0 3.1 0.0 0.0 9.6

**com.

RT26 0.6 0.0 1.0 8.0 11 0.7 0.2 24 47 13.9 RT27 0.6 0.2 0.0 0.4 1.4 0.4 0.0 0.0 3.4 0.7 RT28 0.3 0.1 0.0 5.4 5.2 0.8 0.0 0.0 14 3.0 RT29 0.6 0.6 0.4 0.2 2.9 0.6 0.0 0.0 5.3 1.2 RT31 0.0 0.0 1.7 4.0 9.7 0.0 0.0 0.0 16 com. RP2 0.0 0.0 0.1 0.9 0.0 0.2 0.0 1.5 2.8 0.7 RP3 0.0 0.5 0.2 1.5 0.0 0.4 0.0 0.3 2.9 0.7 RP7 0.0 0.2 0.3 1.1 0.0 0.1 2.8 0.0 4.6 1.1 RP12 0.0 0.0 0.0 1.0 0.3 0.0 0.3 0.0 1.6 0.4 GA2 0.0 1.4 0.2 5.6 0.0 0.5 0.1 4.7 12 2.8 GA3 0.0 4.9 0.0 9.4 1.0 0.0 0.0 0.0 15 3.5 GA8 0.0 0.0 0.0 0.7 0.0 1.1 0.0 0.9 3.6 0.9 GB2 0.0 0.0 0.4 0.2 6.1 0.5 0.1 2.7 10 2.2 GM2 0.0 0.0 0.0 1.2 1.1 0.2 0.0 1.1 3.6 1.0 GM3 0.0 4.1 0.0 3.0 0.7 0.7 0.1 0.0 8.7 1.9 GM8 0.0 0.0 0.1 0.6 0.0 0.5 0.0 0.0 1.1 0.3 GO2 0.0 0.1 0.0 0.5 0.0 0.1 0.0 0.2 1.6 0.4 GS2 0.0 1.3 0.2 0.3 2.6 0.3 0.0 1.8 6.7 1.6 GS3 0.0 3.3 0.0 2.6 0.6 0.4 0.0 0.2 7.0 1.6 GS8 0.0 0.0 0.0 0.8 0.7 0.5 0.0 0.9 2.8 0.7 GV2 0.0 0.1 0.0 0.3 0.0 0.0 0.0 0.1 0.4 0.1 GV3 0.0 0.4 0.0 0.6 0.0 0.1 0.0 0.0 1.0 0.2 GV12 0.0 0.0 0.0 0.1 0.1 0.1 0.0 0.2 0.4 0.1 AT2 0.0 4.9 2.2 4.9 0.2 0.6 4.6 7.6 25 5.3

*rdt mg colorants /g racines **com. laque de garance commerciale

125

Tableau V. 11. Teneur des colorants (mg colorant / g de laque) dans les laques des plantes de la famille des Rubiacées, mesurés par HPLC après extraction par HCl.

mg/g ag al pu ru inc. à 27' some rdt [%] plante

RT1 0.7 4.8 4.9 0.1 3.4 14 2.9

RT2 0.8 4.3 6.3 0 2 14 4 RT3 0.4 23 35 0.3 0 59 11.9

RT4 0.8 9.7 22 0 4.6 38 8.7 RT5 0 1.5 1.2 0 0.8 3.7 2.3 RT6 0 4.9 2.2 0.1 0.6 8.2 1.7

RT7 1.7 19 7.9 0 12 41 10 RT8 0.4 2.9 5.9 0 1.3 11 2.7 RT9 0 0.5 0.8 0 0.3 1.7 1.8

RT10 0.6 5.3 9.4 0 2.5 19 4.3 RT11 0.4 5.1 4.3 0 4.6 15 4.1 RT13 0.1 1.5 1.9 0.1 0.8 4.5 1.1

RT14 0.4 7.3 6.3 0 1 15 12.8 RT15 0.6 12 16 0.1 4.3 33 8.7 RT16 0.4 1.5 1.1 0.2 0 3.2 0.9

RT17 0.1 0.9 1.5 0 0 2.5 0.8 RT18 0 0 0 0 0 1.2 0.5 RT19 0 0 9.2 0 0 9.5 2.4

RT20 3 0 0 0 0 3 com.* RT26 1.2 10 27 0.2 3.6 44 12.8 RT31 0.3 1.8 0 0 0 3 com.*

RP2 0 0 0.3 0 0.4 0.7 0.2 RP3 0 0 0.5 0 0 0.5 0.1 RP7 0.1 0 0.2 0.2 1.1 1.8 0.4

RP12 0 0 1.2 0 0 1.3 0.3 GA2 0.2 0 9.8 0.2 1.3 12 2.6 GA3 0.2 1.4 10 0.3 0 12 2.8

GA8 0 0 0.5 0 0 1.1 0.3 GB2 0.3 2.9 3.4 0.1 0.2 6.9 1.6 GM2 0.1 0.5 1.6 0.1 0.1 2.6 0.7

GM3 0 0.6 2.8 0.5 0 3.9 0.8 GM8 0.1 0.1 0.5 0 0.3 1.1 0.3 GO2 0.9 0 0.6 0 0 1.8 0.4

GS2 0.1 0.7 1.6 0 0 31 0.7 GS3 0.9 0.5 1.4 0.1 0 2.8 0.6 GS8 0 0.2 0.1 0 0 0.4 0.1

GV2 0 0 0.04 0 0 0 0.01 GV3 0 0 0.2 0 0 0.3 0.1 GV12 0 0 0.2 0 0 0.3 0.1

AT2 1.5 0 3.7 1.2 0 7.9 1.7 AT2-2 0 0 0.1 0.1 0 0.2 0.1

com.* = laque de garance commerciale L'effet de différents paramètres sur la composition des laques sera abordé en même temps que leur effet sur la couleur, après la description de la méthode de caractérisation et quantification des couleurs.

126

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques V.7.1. Introduction Il va être fait appel dans l'étude des couleurs à des notions relativement peu familières en chimie, dont il peut être utile d'expliquer d'abord la signification. La caractérisation des couleurs est une question particulièrement complexe, dont les différents aspects sont traités en détail dans de nombreux manuels (Hunter/Harold, 1987; Henry, 1980; Corno-Martin, 1981). Nous nous contenterons ici d'esquisser la démarche et les méthodes permettant de calculer, à partir des spectres de réflectance, les paramètres "xyz" et "L*a*b*" ou "L*C*h*" pour un "observateur de référence". Dans le paragraphe suivant nous les illustrerons par les exemples d'une laine bleue et d'une laque rouge. La couleur est une perception, contrairement au spectre (d'émission, de réflectance ou de transmittance) qui, elle, est une caractéristique physique intrinsèque d'un objet, indépendante de l'observateur. Pour des raisons neuro-physiologiques, l'ensemble des couleurs que peut percevoir un être humain forme un espace tridimensionnel fini. C'est pourquoi on peut décrire une couleur de différentes manières, chaque fois par une combinaison de trois paramètres: RGB (composantes primaires rouge, verte et bleue, XYZ ("tristimulus"), L*a*b* (luminosité et positions sur un axe vert-rouge et un axe bleu-jaune), L*C*h* (luminosité, saturation et teinte). Chacune de ces combinaisons de trois paramètres correspond à une manière différente de structurer l'espace des couleurs et d'y choisir un système de coordonnées. Le système RGB est né de la constatation empirique que toutes les teintes perceptibles peuvent être reproduites par la combinaison de trois lumières monochromatiques dites "primaires". On utilise, par tradition et par commodité, la combinaison rouge-vert-bleu [700 - 546.1 - 435.6 nm]. Historiquement, les paramètres RGB de la couleur d'un objet étaient souvent déterminés dans des "colorimètres trichromatiques", par comparaison visuelle avec la couleur résultant du mélange de trois rayons lumineux rouge, vert et bleu sur une surface blanche. Mais la perception de la couleur n'est pas constante d'un individu à l'autre. Pour contourner ce problème et pour pouvoir caractériser la couleur à l'aide des spectrophotomètres de plus en plus utilisés par l'industrie (Hunter/Harold, 1992), la CIE (Commission Internationale de l'Éclairage) a proposé en 1931 des "fonctions colorimétriques" permettant de calculer les paramètres RGB à l'aide de transformations linéaires des spectres, ajustées afin de donner un résultat aussi proche que possible que celui de la moyenne des observateurs humains. Ces fonctions de réponse neurophysiologique rmoy, gmoy et bmoy, constituées des composantes RGB de chaque longueur d'onde monochromatique, forment l'"observateur de référence colorimétrique CIE 1931". Les paramètres RGB sont issus de transformations linéaires des spectres. En conséquence, l'espace (RGB) a la propriété de respecter l'additivité des couleurs : toute couleur obtenue par combinaison de deux lumières colorées donnera une couleur située sur la droite reliant les couleurs des deux lumières utilisées. Les valeurs absolues des coordonnées RGB dépendent de l'intensité de la lumière. Pour la comparaison des couleurs, les valeurs relatives (rgb) (où r = R/(R+G+B), etc)

127

sont plus appropriées. Les diagrammes (r,g) respectent eux aussi l'additivité des couleurs (fig. V.8). Les coordonnées des trois primaires (R;G;B) y sont les sommets du triangle ((0,1), (1,0), (0,0)) : vert pur (g = 1, r = b = 0), rouge pur (r = 1, g = b = 0) et bleu pur (b = 1, r = g = 0)). Toutes les couleurs qu'on peut obtenir par une combinaison de deux primaires se trouvent sur la droite qui les relie, et toutes celles qu'on peut obtenir par une combinaison de trois primaires se trouvent dans le triangle qu'elle délimitent. Les couleurs des lumières monochromatiques, dites "couleurs spectrales", forment une courbe qui part du bleu (r = 0, g = 0), passe par le bleu-vert ou cyan (r < 0, g > 0) avant d'atteindre le vert (r = 0, g = 1), puis par le jaune et l'orange (r + g = ~1) avant d'atteindre le rouge (r = 1, g = 0). La droite reliant le bleu ( 435,6 nm, r = 0, g = 0) au rouge (700 nm, r = 1, g = 0) est le lieu des couleurs dites "non spectrales", les pourpres, qui ne correspondent à aucune lumière monochromatique. Toutes les couleurs perceptibles se trouvent dans la région délimitée par la courbe des couleurs spectrales et la droite des couleurs non spectrales. Quelque part vers le centre de cette région se situe la couleur d'un objet parfaitement réfléchissant, et donc en principe blanc. Le point D65 sur la figure V.8. représente la couleur d'un tel objet quand il est éclairé par l'illuminant de référence D65 (éclairé perpendiculairement, et observé à un angle solide de 2° avec la perpendiculaire). Suite à la propriété d'additivité géométrique décrite plus haut, toutes les couleurs situées sur un même segment de droite reliant le blanc (ici le point D65) et une couleur spectrale seront un mélange de cette couleur et de blanc : elles auront la même teinte que la couleur spectrale, et seront d'autant plus saturées qu'elles sont proches de celle-ci. La longueur d'onde de la couleur spectrale est appelée "dominante" de la teinte. Elle est généralement proche de, mais pas égale à la longueur d'onde du maximum dans le spectre de réflectance. Fig. V.8. Diagramme rg (CIE), explications.

495

500

505

510 515

520

525

530

535

540

545

550

555560560

565570

575580580

585590

600610620

700705710715720725730735740745750755760765770775780380465

470475

480

485485

490

495

-1 0 1

1

2

XYZ12400.opj, Grrgwl, Tue, 000425 18:37

FDom.

D65

F

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R+G+B))

couleurs spectrales (bleu à vert à rouge)

couleurs qu'on ne peut pas obtenir par mélange des primaires RGB

couleurs qu'on peut obtenir par mélange des primaires RGB

mélange des primaires bleue et verte

surface blanche sous illuminant D65, 2°490 nm,

"dominante" de la couleur F

couleurs non-spectrales (pourpres)

primaire bleue (B), 435,6 nm

primaire rouge (R), 700 nm

primaire verte (G), 546,1 nm

128

Un problème du système RGB est que si toutes les teintes peuvent être reproduites par un mélange des trois primaires, elles n'atteignent généralement pas la saturation d'une couleur spectrale pure. Cela s'observe aisément sur le diagramme (r,g) (fig. V.8). Le bleu-vert obtenu par addition de lumières bleue et verte (435.6 et 546.1 nm) sera plus blanchâtre que celui d'une lumière monochromatique à 490 nm. Celui-ci peut malgré cela être décrit par des paramètres RGB, mais en attribuant une valeur négative au paramètre R. Dans la pratique il est bien sûr impossible d'envoyer une quantité négative de lumière rouge sur la surface blanche. Pour mesurer un paramètre R négatif à l'aide d'un colorimètre trichromatique, on ajouterait donc la quantité équivalente de lumière rouge à la lumière blanche frappant l'objet bleu-vert dont on veut mesurer la couleur. Pour éviter que l'un des paramètres puisse avoir une valeur négative, la CIE a complété l'"observateur de référence" par une deuxième série de trois fonctions colorimétriques (xmoy, ymoy, zmoy), basées cette fois sur des primaires imaginaires. Étant imaginaires, et ne correspondant donc à aucune longueur d'onde réelle, ces primaires ne peuvent bien sûr pas être utilisées pour construire un colorimètre trichromatique. Elles ne sont qu'une fiction mathématique permettant d'extraire des spectres de nouveaux paramètres, appelés "tristimulus" et notés XYZ (ou leurs valeurs relatives xyz, où x = X/(X+Y+Z), etc), beaucoup plus proches des paramètres significatifs pour l'observateur que sont la luminosité, la saturation et la teinte. Mathématiquement, le passage des paramètres RGB aux paramètres XYZ correspond à une transformation linéaire de l'espace RGB et une redéfinition des axes, qui permettent de n'avoir que des coordonnées positives pour toutes les couleurs existantes, et d'associer un des axes (Y) à la perception de luminosité. Dans ce but, la fonction colorimétrique ymoy a été posée égale à la "fonction de luminosité", qui traduit la relation entre la perception de luminosité et l'énergie physique réelle du rayonnement à chaque longueur d'onde, et dont le maximum se situe vers le milieu du spectre (520 nm). La transformation d'axes peut être visualisée en comparant le diagramme de chromaticité (x,y) (fig. V.9) au diagramme (r,g) (fig. V.8). Dans le nouveau système d'axes (x,y), les anciens axes r et g se superposent aux droites reliant les primaires B-R et B-G respectivement. On voit que toutes les couleurs réelles se situent maintenant dans le quadrant positif du diagramme. Le changement d'axes correspondant au passage à des primaires imaginaires peut donc être vu comme une manière de gauchir l'espace et prendre du recul (déplacer l'origine) par rapport aux couleurs réelles pour les resituer à des coordonnées positives. Comme le diagramme (r,g), le diagramme de chromaticité (x,y) respecte l'additivité des couleurs. Les régions des différentes couleurs sont plus équilibrées et mieux réparties autour du point blanc, et la coordonnée (y) donne une bonne idée de la luminosité relative. Par contre, étant issu de transformations linéaires du spectre, l'espace XYZ reste peu fidèle au caractère non linéaire de la perception de la couleur : la même distance entre deux points XYZ peut correspondre à une

129

différence de couleur frappante ou imperceptible, selon la région de l'espace XYZ dans laquelle ils se trouvent.

Fig. V.9. Diagramme xy (CIE), explications.

485

490

495

380460

470475

480

485

610620

630700780

580585

590595

600605

560565

570575

580

495

500

505

510

515520525

530535

540545

550555

560

XYZ12400.opj, Grxywl, Tue, 000425 18:40

couleurs qu'on ne peut pas obtenir par mélange des primaires RGB

couleurs qu'on peut obtenir par mélange des primaires RGB

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R

+G+B))

A BD65

primaire imaginaire Z

primaire imaginaire Y

primaire imaginaire X

y (

= Y

/ (X

+Y+

Z))

x (= X / (X+Y+Z))couleurs non-spectrales (pourpres)

primaire bleue (B), 435,6 nm

primaire rouge (R), 700 nm

primaire verte (G), 546,1 nm

130

Pour tenter de définir un espace de couleurs aussi régulier et isotrope que possible en termes de résolution entre les couleurs, de nouveaux paramètres, L*a*b* et L*C*h*, fonctions de la racine cubique des paramètres XYZ, ont été proposés par la CIE en 1976 (fig.V.10). Ces fonctions ont été définies de manière à ce que l'axe vertical (L*) corresponde le plus fidèlement possible à la luminosité. Sur cet axe, la teinte est nulle (a* = b* = 0) : il va donc du noir (L* = 0) au blanc (L* = 100). L'axe a* va du vert (a* < 0) au rouge (a* > 0), et l'axe b* du bleu (b* < 0) au jaune (b* > 0). Une verticale parallèle à l'axe L* mais distinct de celui-ci ira par exemple d'un bleu très sombre à un bleu très clair. Les coordonnées L*C*h* sont la version cylindrique des coordonnées L*a*b* : C* est la saturation, et h* (paramètre angulaire) la teinte. L'espace ainsi défini ressemble à l'"arbre des couleurs" de Munsell (Taylor / Marks, 1966). La distance entre deux couleurs, égale à la racine carrée de ((∆(L*) 2+∆(a*)2+∆(b*)2), est notée ∆(E). Un ∆(E) égal à 1 est à peu près la plus petite différence perceptible entre deux couleurs pour un observateur moyen.

Fig. V.10. Diagramme a*b* (CIE), explications.

C*h*

b* <

0b*

> 0

a* < 0 a* > 0

XYZ12400.opj, GrLabcoul, Tue, 000425 18:42

131

V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la laque RT2 et d'une laine teinte de référence

À titre d'exemples, les figures V.12 et V.13 donnent les spectres (obtenus par microspectrophotométrie en réflectance), sous forme linéaire (R) et logarithmique (absorbance A = log (1/R)), et les positions dans les diagrammes (r,g), (x,y) et (a*,b*), de la laque RT2 (fig. V.11), et de la laine bleue N° 8, référence classique dans les études de stabilité à la lumière (fig. V.11). La laque RT2 a été étudiée sous deux formes: poudre pressée sur une lame de verre, et, en vue des études de vieillissement, poudre fixée sur un filtre Millipore spécial (§ V.7.3). La laine était entourée autour d'une lame de verre. À chaque fois, deux spectres ont été pris dans deux zones différentes de l'échantillon.

Fig. V.11. Vue au microscope de la laque RT2 (gr. 200x) et de la laine bleue de référence N°8 (gr. 50x) .

Fig. V.12. Spectre de réflectance de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

400 450 500 550 600 650 700

0.1

0.2

0.3

455 nm

590 nm

510 nm

laine bleue,STD 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

R

wl (nm)

132

Fig. V.13. Spectre d'absorbance (A = log(1/R)) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

V.7.2.1. Spectres de réflectance Les spectres de réflectance (fig.V.12) de la laine montrent qu'elle réfléchit le bleu (430-490 nm : R > 14%), avec un maximum vers 455 nm, et absorbe le vert et surtout le rouge (530-715 nm : R < 9%). Inversement la laque RT2, pressée ou filtrée, absorbe le bleu et le vert, et réfléchit le rouge. Cependant la laque pressée réfléchit beaucoup plus de rouge (R ~ 30%) que la laque filtrée (R ~ 10%), alors que toutes deux ont la même faible réflectance dans le bleu lointain (~ 9% à 380 nm). Cette composante bleue doit donc faire tendre la couleur vers le violet surtout pour la laque sur filtre. Avec la laine bleue, les deux spectres pris dans des zones différentes de la laine bleue sont quasiment identiques. Par contre avec la laque pressée il y a une différence de 3 % à 700 nm, et avec la laque sur filtre une différence de 1,5 % entre 380 et 550 nm, attribuables à l'hétérogénéité des échantillons.

V.7.2.2. Spectres d'absorbance Les spectres d'absorbance (A(réfl) = log(1/R)) donnent bien sûr une courbe d'allure identique mais inversée (fig.V.13). On y distingue mieux les positions des maxima d'absorbance de la laine vers 590 nm et de la laque vers 510 nm. C'est cette fois entre les deux spectres de la laque filtrée qu'il y a le plus de différence : 0,2 entre 450 et 550 nm, contre 0,05 à 700 nm pour la laque pressée.

400 450 500 550 600 650 7000.6

0.8

1.0

1.2

1.4

1.6

455 nm

590 nm

510 nm

laine bleue,STD 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

RFLX_EX1.opj, GrABS, Thu, 000427 17:40

log

(1/R

)

wl (nm)

133

V.7.2.3. Diagrammes rg et xy La couleur de la laine bleue, calculée pour l'illuminant D65 à partir des spectres de réflectance, se situe dans les diagrammes (r,g) et (x,y) (fig.V.14 et V.15) entre le point blanc (D65) et la région bleue de la courbe des couleurs spectrales. La "longueur d'onde dominante" (intersection de la droite passant par la couleur et le point D65 avec la courbe des couleurs spectrales) est 480 nm, légèrement plus élevée que le maximum de réflectance (455 nm). Suite à la présence d'une composante bleue dans les spectres de réflectance des deux échantillons de laque RT2, les droites passant par le point D65 et par les couleurs des deux échantillons, dans les diagrammes (r,g) et (x,y), ne coupent pas la courbe des couleurs spectrales, mais la droite des pourpres. Ce caractère pourpre est, comme attendu, plus marqué pour la laque sur filtre que pour la laque pressée. Dans les deux diagrammes, la différence de couleur entre deux zones de l'échantillon paraît plus grande pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

Fig. V.14. Exemple : Cordonnées colorimétriques rg (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

.

-1 0 1

1

2

dominante :480 nm

laine bleue,std 8

laque RT2,pressée

D65

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R+G+B))

laque RT2,sur filtre

134

Fig. V.15. Exemple : Coordonnées colorimétriques xy (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

0 1

1

XYZ12400.opj, Grexemplesxy, Tue, 000425 18:49

dominante :480 nm

laine bleue,std 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R

+G+B))D65

y (

= Y

/ (X

+Y+

Z))

x (= X / (X+Y+Z))

135

V.7.2.4. Diagrammes a*b* Dans le diagramme (a*,b*), la couleur de la laine est très proche de l'axe b*, côté bleu (b* < 0). Celles des deux échantillons de laque RT2 sont proches de l'axe a*, côté rouge (a* > 0). La couleur de la laque sur filtre est plus près de l'origine, donc moins saturée, et plus proche des pourpres (h* ~ -2 contre ~ 13) que celle de la laque pressée. La différence de couleur entre deux zones de l'échantillon est ici aussi plus importante pour la laque sur filtre (∆Ε=4,5) que pour la laque pressée (∆Ε=1,8). Elle reste cependant faible par rapport aux 16 à 20 unités qui séparent la laque sur filtre de la laque pressée.

Fig. V.16. Exemple : Coordonnées colorimétriques a*b* (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

-10 0 10 20 30 40

-40

-30

-20

-10

0

10

laque RT2,sur filtre

laine bleue,std 8

laque RT2,presséelaque RT2,

sur filtreD65

b*

a*

136

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons (poudres pressées ou fixées sur filtre)

Dans ce travail, deux séries de mesures des couleurs des laques ont été réalisées : d'une part, une sélection de laques d'anthraquinones de synthèse et de laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtres, en vue des études de vieillissement (tabl. V.13 et V.14), et d'autre part l'ensemble des laques d'extraits de Rubiacées, sous forme de poudres pressées (tabl. V.12). Or les figures V.14 à V.16 montrent qu'il y a une différence significative entre les couleurs que peut donner une même laque, selon qu'elle est pressée sur une lame de verre ou fixée sur un filtre en ester de cellulose (Millipore MF HA013). Heureusement, les positions relatives des couleurs de laques différentes ne sont que peu affectées, comme on peut le voir p.ex. sur la figure V.17 (coordonnées (a*,b*) de quatre laques de Rubia tinctorum L., pressées et sur filtre). On peut donc comparer entre elles les couleurs de laques différentes, à condition de veiller à ce qu'elles soient dans le même état physique.

Fig. V.17. Laques pressées et laques sur filtre : déplacement des couleurs dans le diagramme a*, b* (CIE)

0 10 20 30 40

0

10

20

RT2 RT9

RT10

RT15

RT2 RT9

RT10

RT15

pressées sur filtre

b* (

CIE

)

a* (CIE)

137

Fig. V.18. Alizarine, purpurine, quinizarine et leurs laques, Aliz5, Pu3, Qui2.

Poudres vues au microscope (gr. 200x), peintures sur toile

138

Tableau V.12 Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres pressées sur lame de verre.

L* a* b* C h x y Y

RT1 34 37 15 40 23 0.49 0.32 8

RT2 29 37 8 38 13 0.47 0.30 6

RT3 31 39 26 47 33 0.54 0.34 7

RT4 24 34 11 36 18 0.49 0.31 4

RT5 43 32 13 35 22 0.44 0.33 13

RT6 40 38 23 44 31 0.49 0.34 11

RT7 47 21 13 25 31 0.40 0.34 16

RT8 26 33 8 34 13 0.46 0.30 5

RT9 69 31 9 32 16 0.39 0.32 39

RT10 28 36 12 38 19 0.49 0.31 5

RT11 28 33 15 36 24 0.49 0.32 6

RT13 39 18 11 21 30 0.40 0.34 11

RT14 38 36 18 40 27 0.48 0.33 10

RT15 31 34 16 38 26 0.49 0.33 7

RT16 58 25 10 27 22 0.39 0.33 26

RT17 47 37 7 38 11 0.42 0.31 16

RT18 75 20 11 23 29 0.37 0.34 49

RT19 66 38 -4 39 -6 0.37 0.29 35

RT20 42 34 13 37 20 0.45 0.32 12.2

RT21 25 34 9 36 15 0.49 0.30 4.5

RT22 37 43 4 43 5 0.45 0.28 10

RT23 33 44 6 45 8 0.47 0.28 8

RT24 68 46 -3 46 -3 0.39 0.29 38

RT25 56 54 1 54 1 0.42 0.28 24

RT26 38 38 9 39 14 0.45 0.31 10

RT27 51 27 9 28 18 0.40 0.32 19

RT28 50 32 7 33 13 0.41 0.31 18

RT29 50 32 10 33 18 0.42 0.32 18

RT30 19 21 14 25 34 0.48 0.35 3

RT31 53 47 20 51 23 0.48 0.32 20.8

RP2 54 29 6 29 12 0.39 0.32 22

RP3 47 32 7 32 12 0.41 0.31 16

RP7 46 20 11 23 29 0.40 0.34 15.5

RP12 57 25 9 27 20 0.39 0.33 24.5

GA2 36 29 9 30 16 0.43 0.32 9

GA3 34 31 14 34 25 0.46 0.33 8

GA8 41 19 6 20 18 0.39 0.33 11.7

GB2 38 32 11 34 19 0.44 0.32 10.3

GM2 46 34 9 35 15 0.42 0.31 16

GM3 37 33 14 36 24 0.46 0.33 10

GM8 47 21 6 22 17 0.39 0.32 16.0

GS2 41 31 11 33 20 0.43 0.32 12

GS3 43 35 16 38 25 0.46 0.33 13

GS8 50 24 9 26 19 0.40 0.33 18.7

GV2 60 18 8 20 24 0.37 0.33 28

GV3 56 23 11 25 26 0.39 0.34 24

GV12 55 8 10 13 53 0.36 0.35 22.9

AT2 31 24 12 27 27 0.44 0.34 7

139

Fig. V.19. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant

entre parenthèses). Poudres vues au microscope (gr. x200)

140

Tableau V.13. Cordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et de la laine teinte par Rubia tinctorum L.

L* a* b* C h x y Y RT1 25 24 6 25 15 0.43 0.31 5 RT2 25 24 0 23 1 0.40 0.29 4 RT3 23 24 15 28 31 0.48 0.34 4 RT6 32 18 6 19 19 0.39 0.33 7 RT7 26 24 8 25 18 0.44 0.32 5 RT9 58 10 1 10 6 0.33 0.32 25 RT10 23 25 4 25 10 0.43 0.30 4 RT15 24 20 9 22 23 0.43 0.33 4 RT17 42 29 3 29 6 0.40 0.30 12 RT19 62 25 -11 27 -23 0.33 0.28 30 RT24 58 32 -12 35 -21 0.34 0.27 26 RP2 44 10 -7 13 -35 0.31 0.30 19 GA2 29 20 3 20 8 0.39 0.31 6 GB2 32 20 3 21 9 0.39 0.31 7 GM2 38 16 -4 17 -14 0.34 0.30 13 GS2 36 21 6 22 15 0.39 0.32 9 GV2 53 7 -3 8 -19 0.32 0.32 25 AT2 27 17 6 17 19 0.39 0.33 5 RT-L2 21 24 10 26 23 0.47 0.32 3

Tableau V.14. Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des anthraquinones de

synthèse, de leurs laques, sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et des laines teintes par ces anthraquinones.

M/L L* a* b* C* h* x y Y Aliz 38 17 39 42 67 0.49 0.42 10.3 Aliz 0 0.5 19 18 13 22 35 0.47 0.35 2.7 Aliz 1 7.4 16 19 9 21 26 0.46 0.33 2.1 Aliz 2 2 23 3 5 6 62 0.35 0.35 3.8 Aliz 3 2 22 7 3 8 23 0.36 0.33 3.5 Aliz 4 10 21 18 8 19 24 0.43 0.33 3.1 Aliz 5 10 18 19 8 21 24 0.45 0.33 2.5 Aliz 6 50 43 22 6 23 16 0.39 0.32 13.0 Aliz 7 10 19 19 9 21 25 0.45 0.33 12.8 Aliz 8 12.5 19 18 8 20 24 0.44 0.33 2.7 AlPu 10 31 30 9 32 17 0.45 0.31 6.7 AlQu 10 29 36 5 36 9 0.46 0.29 5.8 col3 10 37 38 6 39 8 0.44 0.29 9.3 col4 10 28 29 1 29 2 0.41 0.29 5.6 Purp 24 4 6 7 58 0.36 0.35 4.1 Pu 1 2 16 13 6 14 27 0.41 0.33 2.0 Pu 2 10 20 24 4 24 11 0.44 0.30 2.9 Pu 3 10 21 30 8 31 14 0.48 0.30 3.1 AcRub 20 15 8 17 28 0.42 0.34 2.9 AR 1 2 26 23 19 30 39 0.49 0.36 4.6 AR 2 10 44 19 14 24 35 0.41 0.35 14.0 Quiniz 32 12 15 19 51 0.41 0.37 7.3 Qui 1 2 22 15 10 18 32 0.42 0.34 3.6 Qui 2 10 19 32 -4 32 52 0.42 0.25 2.7 Aliz-L2 28 37 15 40 23 0.51 0.31 5 Pu-L2 31 44 22 49 27 0.55 0.32 7 Qui-L1 47 36 20 41 29 0.46 0.34 16

141

Fig. V.20. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre

parenthèses). Vue macroscopique des poudres.

142

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones de synthèse La figure V.18 montre les aspects de l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, et d'exemples de leurs laques, sous trois formes: poudres fixées sur filtre (photographiées au microscope), poudres posées sur de la porcelaine (photographie digitale), et peintures sur toile (liant paraloïd ; digitalisées par scanner). Les figures suivantes (V.19 à V.21 et V.23) montrent l'ensemble des laques préparées à partir d'anthraquinones de synthèse, respectivement sous forme de poudres fixées sur filtre, de poudres posées sur porcelaine, de peintures sur toile et de peintures sur papier. On savait déjà (chap. IV) que, comme attendu, la teneur en colorants dans les laques d'anthraquinones de synthèse, mesurée par HPLC, diminue avec le rapport aluminium / colorant M/L, de ~ 60% (Aliz0, M/L = 0,5) à ~ 4% (Aliz6, M/L = 50). On peut voir sur les figures V.18, V.19, V.20, V.21 et V.23 que la couleur aussi est influencée principalement par ce paramètre.

143

Fig. V.21. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre parenthèses). Peintures sur papier.

144

V.7.4.1. Alizarine On peut voir sur les figures V.18 à V.21 que l'alizarine sans aluminium est orange (poudre) à orange-brun (peinture). Rappelons qu'en solution l'alizarine est jaune sous sa forme acide (pH < 6) et rouge sous sa forme monodéprotonée (monophénolate, 7 < pH < 10), propriété à la base de son utilité comme indicateur de pH. Il est probable que la couleur orange de la poudre d'alizarine synthétique utilisée ici est partiellement due à ce qu'une partie se trouve non sous forme acide mais sous forme de sel. De fait de faibles quantités de sodium et d'aluminium ont été détectées dans l'alizarine à l'occasion de l'étude par spectrométrie de masse SIMS. Les laques de rapport M/L = ~10 sont rouge foncé à rouge brun. Les laques Aliz2 et Aliz3, de rapport M/L = 2, sont rouge-brun (fig. V.20 et V.21). Inversement la laque Aliz6, de rapport M/L = 50, est d'un rouge tirant sur le rose sous forme de poudre (fig. V.19. et V. 20), et donne la couleur la plus belle et la plus lumineuse sous forme de peinture sur toile (fig. V. 21 et V. 20). Les spectres d'absorbance (log (1/R)) (fig. V.22) des laques rouges (M/L = 10) sur filtres présentent une large bande d'absorption culminant vers 500 nm. En comparaison, les spectres des laques brunes (M/L = 2) sont beaucoup plus plats, et inversement la bande d'absorption de la laque Aliz6 (M/L = 50), en plus d'être moins intense, est légèrement plus étroite. Fig.V.22. Spectres d'absorbance (log (1/R) Dans le diagramme a*,b*(CIE), figure V.24, la couleur orange de l'alizarine pure se situe bien au-dessus (a* = 17, b* = 39, h* = 67°) de celles des laques d'alizarine. La saturation (C*, distance par rapport à l'origine) de ces dernières augmente avec le rapport M/L : du brun (M/L = 2, a* = 3 à 7, b* = 3 à 5, C* = 6 à 8) au rouge (M/L ~ 10, a* = 18 à 19, b* = 8 à 9, C* = 19 à 21), puis au rouge encore légèrement plus saturé de la laque Aliz6 (M/L = 50, a* = 22, b* = 6, C* = 23). Tous les échantillons ont une luminosité (L*) relativement basse (L* = 16 à 23), sauf l'alizarine pure (L* = 38) et la laque la plus riche en alumine (Aliz6, M/L = 50, L* = 43).

400 450 500 550 600 650 700 7500.5

1.0

1.5

2.0

500 nm(laques)

ALIZ 4,5,7,8 M/L 10

ALIZ 2, 3, M/L 2

ALIZ 6, M/L 50

alizarine

430 nm(alizarine)

log(

1/R

)

wl (nm)

145

Fig. V.23. Anthraquinones de synthèse et leurs laques. Peintures sur toile.

146

Comme dans le cas de la laque RT2 décrite en exemple plus haut, il y a une certaine composante bleue dans la couleur des laques, due à l'absorbance plus faible au-dessous de ~ 430 nm, et qui peut tirer leur teinte vers le pourpre. L'influence de la température de préparation de la laque dépend du rapport M/L. À M/L = 2, une température élevée donne une couleur plus saturée (laques Aliz2 et Aliz3, préparées à température ambiante et 90 °C : a* = 3 et 7 respectivement). À M/L = 10, aucune différence significative n'est observée.

Fig.V.24. Diagramme a*b* (CIE) de l'alizarine, ses laques (Aliz 1-8) et de la laine teinte par alizarine (Aliz-L2)

Toujours à M/L ~ 10, il n'y a pas non plus de modification significative de la couleur quand la laque a été précipitée par Na2CO3 (Aliz7) plutôt que K2CO3 , ni quand le K2CO3 est ajouté avant le sulfate d'aluminium à la suspension d'alizarine (Aliz8). La couleur de la laine teinte à l'alizarine est beaucoup plus saturée que celles des laques (fig.V.24) V.7.4.2. Purpurine La purpurine pure, en poudre ou en peinture, n'est pas orange comme l'alizarine, mais brune (figures V.18 à V.21 et V23). Par contre les laques sont d'un rouge foncé proche de celui des laques d'alizarine (figures V.18 à V.21 et V.23). Sur filtre, le spectre d'absorbance de la purpurine est relativement plat (fig.V.25). L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L dans le bleu et le vert (450-

10 20 30 40

0

10

20

30

40

Aliz - L2

M/L > 2

M/L = 2

Alizarine

Aliz6

Aliz1,4,5,7,8

Aliz3Aliz2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

147

550 nm) et diminue dans le rouge (> 600 nm). Deux maxima d'absorption peuvent être distingués, à ~505 et ~540 nm.

Fig.V.25. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la purpurine et de ses laques. Les coordonnées colorimétriques du brun de la purpurine (a* = 4, b* = 6, C* = 7) sont proches de l'origine (fig.V.26). La luminosité (L* = 24) est plus faible que celle de l'alizarine. Les coordonnées des laques (M/L = 2 : a* = 13, C* = 14 ; M/L = 10 : a* = 24-30, C* = 24-31) indiquent que leur rouge est plus saturé que celui des laques d'alizarine de même rapport M/L.

Fig.V.26. Diagramme a*b* (CIE) de la purpurine, ses laques (Pu1 - 3) et de la laine

teinte par purpurine (Pu-L2).

À M/L = 10, la couleur est encore plus intense si la laque a été préparée à 90 °C (Pu3 : a* = 30) qu'à température ambiante (Pu1 : a* = 24), alors qu'à ce rapport M/L les laques d'alizarine n'étaient pas affectées par la température.

0 10 20 30 40

10

20 Pu - L2

M/L > 2M/L = 2

Pu3

Pu2Pu1

Purpurine

b* (

CIE

)

a* (CIE)

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0

540 nm

PU 2,3 ; M/L 10

PU1, M/L 2purpurine

505 nm

log

(1/R

)

wl (nm)

148

V.7.4.3. Quinizarine En poudre ou en peinture, la quinizarine pure est brun-orange, et les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont respectivement rouge et rouge-violet (fig. V.18 à V.21 et V.23). Sur filtre, la quinizarine absorbe fortement entre 400 - 580 nm (fig.V.27). L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L et se déplace vers les plus hautes longueurs d'onde dans la région 450-600 nm, avec des maxima à ~520 et ~565 nm. Inversement elle diminue fortement au-dessous de 450 nm, ce qui explique la tendance au violet. Fig.V.27. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la quinizarine et de ses laques. Les coordonnées colorimétriques (fig. V.28) de la quinizarine la situent dans un orange moins saturé (C* = 19) et plus proche du rouge (b* = 15, h* = 51°) que celui de l'alizarine (C* = 42, b* = 39, h* = 67°). L'évolution de la couleur des laques vers le rouge puis le rouge-violet se traduit dans le diagramme (a*,b*) par un déplacement vers la droite (plus de rouge) et vers le bas (plus de bleu) (M/L = 2 : a* = 15, b* = 10, h* = 32° ; M/L = 10 : a* = 32, b* = -4, h* = -7°).

Fig.V.28. Diagramme a*b* (CIE) de la quinizarine, ses laques (Qui1 - 2) et de la laine teinte par quinizarine (Qui-L2).

0 10 20 30 40

-10

0

10

20Qui - L1

M/L > 2

M/L = 2

Qui2

Qui1

Quinizarine

b*C

IE

a* CIE

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0

532 nm

QUI 1, M/L 2

430 nm

525 nm

QUI 2, M/L 10

Quinizarine

567 nm

log

(1/R

)

wl (nm)

149

V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones Les laques AlPu, AlQu et AlPuQu ont été préparées à partir de mélanges alizarine/purpurine, alizarine/quinizarine et alizarine/purpurine/quinizarine, à concentration totale en colorants constante. Les poudres (fig.V.19 et V.20) et les peintures (fig.V.21 et V.23) sont de beaux rouges, avec des variations dans les teintes qui reflètent leur composition. Ainsi celles qui contiennent de la quinizarine tirent sur le violet. Les coordonnées colorimétriques de ces laques déposées sur filtre (fig.V.29) indiquent qu'elles sont plus saturées (a* = 28-37, C* = 29-39) que les laques de même rapport M/L ne contenant qu'une anthraquinone (Aliz4 à Aliz8, a* = 18-22, C* = 19-23 ; Pu2, a* = 24, C* = 24 ; Qui2, a* = 32, C* = 32). Elles sont aussi moins jaunes ou plus pourpres (h* = 2°-17°) que les laques d'alizarine (h* = 16°-25°)

Fig.V.29. Diagramme a*b* (CIE) des laques de mélanges d'anthraquinones (AlPu,

AlQui, 3col et 4col). V.7.4.5. Acide rubérythrique Comme déjà dit plus haut (§ IV.2.2.3 et V.6.3), l'échantillon d'acide rubérythrique utilisé ici n'est pas une molécule de synthèse mais un extrait commercial, qui contient en fait non seulement de l'acide rubérythrique vrai (1-OH, 2-O-primvéroside), précurseur de l'alizarine, mais aussi un autre glycoside (1-OH, 2-CH2-O-primvéroside, 3-OH), précurseur de la lucidine. En poudre, ce mélange est brun-rouge, avec aussi des grains jaunes (fig.V.19 et V.20). Une très petite quantité d'acide rubérythrique pur, obtenue par séparation par HPLC à pH 2,5, était parfaitement jaune après séchage.

10 20 30 40

0

10 AlPu

AlQu col3

col4

M/L = 10

b* (

CIE

)

a* (CIE)

150

Les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont rouge et rouge-orange respectivement. En peinture (fig.V.21 et V.23), le mélange sans aluminium est jaune-brun, et les laques sont rouge et orange respectivement. Sur filtre, l'absorbance (fig. V.30) diminue avec le rapport M/L, surtout entre 500 et 600 nm, ce qui explique la tendance à l'orange. Les coordonnées colorimétriques (fig.V.31) vont du brun-rouge du mélange sans aluminium (a* = 15, b* = 8, h* = 28°) au rouge-orange des laques (a* = 19-23, b* = 14-19, h* = 35°-39°).

Fig.V.30. Spectres d'absorbance (log (1/R) de l'acide rubérythrique et de ses laques (AR1 - 2).

Fig.V.31. Diagramme a*b* (CIE) de l'acide rubérythrique et de ses laques (AR1 - 2).

10 20 30

0

10

20

30

AcRub

AR1

AR2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0482 nm

AR 2, M/L 10

AR 1, M/L 2

acide rubérythrique492 nm

log(

1/R

)

wl (nm)

151

V.7.4.6. Discussion Deux explications peuvent être données au fait que les laques aux couleurs les plus saturées soient les plus riches non pas en colorant, comme on s'y serait attendu, mais au contraire en alumine. La première serait que l'excès de colorant (M/L = 2 : teneur théorique ~ 60%) assombrisse la couleur et ainsi la désature. Mais on s'attendrait alors à ce que la luminosité des laques soit plus faible à M/L = 2 qu'à M/L = 10, ce qui n'est pas le cas. De plus il semble peu probable que cette explication puisse être invoquée dans le cas de la couleur de la laque Aliz6 de rapport M/L = 50, qui, malgré plus grande dilution dans le blanc de l'alumine reste légèrement plus saturée que celles des laques de rapport M/L ~10. Une autre explication serait le degré de complexation. En effet la réaction de complexation n'est pas complète, comme on peut le voir sur les photos au microscope : il reste des grains de colorant non complexé, d'autant plus visibles que leur teinte diffère de celle des complexes. La proportion de colorant qui se complexe avec l'aluminium devrait logiquement augmenter avec le rapport M/L. Cette évolution est particulièrement nette dans le cas de la quinizarine, dont les photos au microscope (fig. V.19) montrent que la laque de rapport M/L = 2 est constituée d'un mélange de grains brun-orange (quinizarine non complexée) et rouge-violet (alumine colorée par les complexes). Comme on l'a vu sur le diagramme (a*,b*), ce mélange produit une couleur intermédiaire, en saturation mais aussi en teinte (tendance au violet, diminution de b*), entre celles de la quinizarine pure et de la laque de rapport M/L = 10. L'influence de la température de préparation sur la couleur des laques est en accord avec cette hypothèse. La température accélère la dissolution des colorants et leur complexation avec l'aluminium, et la couleur finale est plus saturée. Ce phénomène est observé avec les laques Aliz2 et Aliz3 (M/L = 2) et Pu2 et Pu3 (M/L = 10), mais pas avec Aliz4 et Aliz5 (M/L = 10). Apparemment, avec l'alizarine, un rapport M/L = 10 est suffisant pour que la réaction se fasse facilement même à température ambiante. A l'observation au microscope, la diminution de la proportion de grains de colorant non complexé avec le rapport M/L semble plus forte pour l'alizarine que pour la purpurine et surtout la quinizarine. Cette séquence résulte probablement des différences de solubilité et de constante de complexation des molécules avec l'aluminium.

152

Fig. V.32. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Vue macroscopique des poudres.

153

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées Les compositions des laques d'extraits de Rubiacées sont données dans les tableaux V.10 (après l'extraction par LiF) et V.11 (après l'extraction par HCl) introduits précédemment. Leurs couleurs, sous forme de poudres et de peintures sur toile, peuvent être observées sur les figures V.32, V.34 et V.35. Les coordonnées colorimétriques de ces laques sont rassemblées à la figure V.33 (pressées sur lame de verre). Elles sont centrées sur une région (a* = 30-37, b* = 8-15) (fig. V.33). Comme on l'a déjà vu plus haut (§ V.7.3), les positions dans les diagrammes (a*,b*) (fig. V.17) indiquent que les couleurs sont systématiquement plus saturées quand les laques sont pressées sur des lamelles de verre que quand elles sont fixées sur les filtres Millipore (§ V.7.3). Fig.V.33. Diagramme a*b* (CIE) des laques d'extrait de Rubiacées (poudres pressées). Nous allons maintenant observer l'influence de quelques paramètres sur la composition et la couleur.

0 10 20 30 40 50

0

10

20

30

RT1

RT2

RT3

RT4

RT5

RT6

RT7

RT8 RT9

RT10

RT11

RT13

RT14

RT15

RT16

RT17

RT18

RT19

RT22

RT23

RT24

RT25

RT26RT27

RT28

RT29

RT30

RP2

GA2

GA3

GM2

GM3

GS2

GS3

GV2

GV3 AT2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

154

Fig. V.34. Laques de Rubia tinctorum L. Peintures sur toile.

155

Fig. V.35. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Peintures sur toile.

156

V.7.5.1. Température du bain d'extraction Les laques RT1, RT2 et RT3 (fig. V.32 et V.34) ont été préparées par extraction de racines de Rubia tinctorum L. pendant 60 min. à 20°C, 60°C et 90°C respectivement, puis addition du KAl(SO4)2 et précipitation par K2CO3 (mode op. "RT2" et variantes, § V.2, V.3 et annexe 1, tabl. A1.5). Les compositions en colorants, mesurées par HPLC (fig. V.36), sont données dans le tableau V.10 et V.11 (§ V.6.3).

Fig.V.36. Chromatogrammes des laques RT1 (20°C), RT2 (60°C) et RT3 (90°C) après extraction par LiF.

On retrouve dans les trois laques de l'alizarine (2,6 à 7,2 mg/g), de la pseudopurpurine (7,2 à 11 mg/g) et de la purpurine (0,5 à 2,4 mg/g). La principale différence entre les laques est la teneur en deux glycosides, l'acide rubérythrique et le précurseur de la lucidine : faible à 60°C (3,2 et 1,6 mg/g), mais élevée à 20°C (13 et 2,6 mg/g), et encore plus élevée à 90°C (61 et 57 mg/g). Cela s'explique par l'influence de la température sur l'activité enzymatique, responsable de l'hydrolyse des glycosides : elle est moins élevée à 20°C qu'à 60°C, et totalement inhibée à 90°C par dénaturation des enzymes. On retrouve d'ailleurs à 90°C d'autres glycosides, précurseurs de la pseudopurpurine, qui sont absents des laques préparées à 20°C et 60°C. La perte des précurseurs à 20°C et 60°C ne se traduit cependant pas par une augmentation équivalente de la teneur en aglycones, probablement à cause de la faible solubilité de ceux-ci, qui fait que la plus grosse partie est perdue, adsorbée sur les débris de racines, lors de la filtration.

Fig.V.37. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT1, RT2, RT3, (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

30

RT1

RT2

RT3

Température

b* (

CIE

)

a* (CIE)

5 10 15 20 25

0

2

4

6

8

inc. à 27

purpurineanthragallol

alizarinepseudopurpurine

primvéroside de lucidine

primvéroside d'alizarine

20 °C

60 °C

90 °C

précurseurs depseudopurpurine

Au.

s*10

/ m

g

minutes

157

La présence des glycosides se traduit dans les couleurs par une légère tendance à l'orange (fig.V.32 et V.34), visible aussi bien dans les coordonnées colorimétriques des laques fixées sur filtre que des laques pressées : la valeur de b* est la plus élevée pour RT3 (90°C) et la plus basse pour RT2 (60 °), alors que a* reste à peu près constante (fig. V.37, tabl. V.12 et V.13). V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine : "laque de Kopp" Au siècle passé le chimiste allemand Kopp a proposé un traitement de la garance permettant de séparer la pseudopurpurine1 de l'alizarine (Perkin/Everest, 1918; Schweppe et Winter, 1997). Cette séparation est basée sur la plus grande résistance de l'acide rubérythrique, précurseur de l'alizarine, à l'hydrolyse en milieu acide. Nous nous sommes inspirés de cette procédure pour la préparation de RT19, laque de pseudopurpurine. Les morceaux de racine ont été plongés une heure dans une solution d'acide sulfurique 1% (~ 0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après élimination des débris de racine par filtration, la solution a été chauffée à 60°C pendant une demi-heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se sont transformés en pseudopurpurine, qui a précipité, tandis que l'acide rubérythrique a résisté à l'hydrolyse et est resté en solution. Le précipité rouge a été récupéré par filtration, puis redissout dans le sulfate d'aluminium pour la formation des complexes avec l'aluminium, qui ont été précipités par ajout de K2CO3. Comme prévu la laque ainsi obtenue contenait surtout de la pseudopurpurine (2 mg/g). Elle contenait aussi un peu de purpurine (0,2 mg/g) et des traces d'acide rubérythrique (0,02 mg/g), mais pas d'alizarine. La poudre est d'un rose (fig.V.32 et V.34) fort proche de celui d'une laque commerciale (RT24 : "Garance rose clair" de Blockx, cfr. annexe 1), dont le colorant principal est aussi la pseudopurpurine, mais en quantité plus faible (1,6 mg/g). On peut supposer que cette laque a aussi été préparée par une variante de la méthode de Kopp. Dans son Compendium pour les artistes, Blockx ne livre pas son secret mais précise que les nuances des différentes laques de garance sont obtenues par des variations du mode de préparation. Pressées ou sur filtre, les deux laques ont des valeurs négatives de b* (-3 à -12) et h* (-3° à -23°) (fig.V.38), ce qui indique que leur couleur est plus pourpre ou moins orange que celle des laques d'alizarine. Fig.V.38. Diagramme a*b* (CIE) des laques de pseudopurpurine, (poudres pressées et sur filtre).

1 Qui donne la purpurine par décarboxylation.

10 20 30 40 50

-10

0

10

RT19RT24

RT19 RT24

pressée sur filtre

Laques RT19 et RT24

b* (

CIE

)

a* (CIE)

158

V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction des colorants Lors de la préparation des laques RT8 et RT13, les racines ont macéré dans l'eau à température ambiante un et dix jours respectivement avant l'extraction à 60°C. L'alizarine, de 5,4 mg/g (laque de référence RT2), monte à 8 mg/g (RT8, un jour de macération) puis retombe à 2 mg/g (RT13, dix jours) (fig. V.39, tabl. V.10). La pseudopurpurine tombe de 7,2 mg/g à 5,2 mg/g puis à 0, et les faibles quantités de glycosides encore présents après 1 h (ac. rub. 3,2 mg/g, préc. luc. 1,6 mg/g) ont disparu après 24 h.

Fig.V.39. Chromatogrammes des laques RT8 (24h), RT2 (1h) et RT13 (240h) après extraction par LiF.

La laque RT8 est d'un rouge proche de celui de la laque de référence RT2. Par contre la laque RT13 est brune (fig.V.32, V.34 et V.40), probablement à la fois à cause de la disparition de l'alizarine et de la pseudopurpurine, par précipitation à la surface des débris de racines enlevés à la filtration, et de l'extraction progressive de tannins. Fig.V.40. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT2, RT8 et RT13 (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

RT1

RT8

RT13

Temps de macération

b*

(CIE

)

a* (CIE)

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5 24 heures (RT8)

240 heures (RT13)

1heure (RT2)

inc. à 27'

précurseurde lucidine

précurseurd'alizarine

anthragallol

purpurine

alizarine

pseudopurpurine

AU

s*10

/mg

temps [min]

159

V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction Dans le passé, les extractions des colorants végétaux pouvaient se faire à différents pH; neutre dans "l'eau claire", acide dans les solutions de sulfate d'aluminium, basique dans la "lessive de bois". Pour nos laques RT6 et RT7 (fig. V.32 et V.35), les extractions des colorants des racines se sont faites dans des solutions de sulfate d'aluminium (pH 4) et de K2CO3 (pH 8) respectivement.

Après l'extraction dans le sulfate d'aluminium (RT6, pH 4) on retrouve un peu de glycosides (précurseurs de l'alizarine et de la lucidine, 10 et 11 mg/g) et très peu d'aglycones (pseudopurpurine, alizarine, purpurine). La dégradation des glycosides par les enzymes a pu être inhibée par le pH et par la forte concentration en aluminium. Il est aussi possible que les aglycones, d'autant moins solubles que le pH est acide, et les éventuels complexes avec l'aluminium aient été perdus lors de la filtration des restes de racines. La laque RT7 (K2CO3, pH 8) contient autant d'alizarine (5,4 mg/g) que la laque RT2, mais nettement moins de pseudopurpurine (2,2 mg/g contre 7,2 mg/g), probablement hydrolysée (fig. V.41). Fig.V.41. Chromatogrammes des laques RT6 (pH 4), RT7 (pH 8) et RT2 (pH 6) après extraction par LiF. Des trois laques, la RT6, riche en glycosides et pauvre en aglycones, a la couleur la moins saturée (fig.V.42). Bien que ce soit peu visible à l’œil nu, le rouge de la RT7, riche en alizarine mais pauvre en pseudopurpurine, est légèrement plus orange (ou moins pourpre) que celui de la RT2.

Fig.V.42. Diagramme a*b* (CIE) de laques RT6, RT7 et RT2, (poudres pressées). 10 20 30 40

0

10

20

RT2

RT6

RT7

pH

b* (

CIE

)

a* (CIE)

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

purpurine

pH 4 (RT6)

pH 6 (RT2)

pH 8 (RT7)

inc. à 27'

précurseurde lucidine

précurseurd'alizarine

anthragallol

alizarine

pseudopurpurine

RT2 RT6 RT7

AU

s*10

/mg

temps [min]

160

V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation Dans les anciennes recettes on trouve des variations des bases utilisées lors de l'étape de précipitation, le plus souvent le carbonate de potassium mais aussi de sodium ou de calcium, éventuellement des urines (annexe A2). Pour une série de laques, nous avons choisi d'autres bases que le K2CO3 : CaCO3 (RT9), Na2CO3 (RT10) et NH3 (RT15). La laque RT9 se distingue nettement des autres par sa couleur rose pâle (fig.V.32 et V.34). Les chromatogrammes (fig.V.43) confirment que cette laque est la moins riche en colorants. La teneur en glycosides, le rapport alizarine / pseudopurpurine et les coordonnées b* et h* (fig.V.44) des trois autres laques croissent dans le sens RT2 (K2CO3) < RT10 (Na2CO3) < RT15 (NH3).

Fig.V.43. Chromatogrammes des laques RT10 (Na2CO3), RT2 (K2CO3), RT15 (NH4OH) et RT9 (CaCO3) après extraction par LiF.

Fig.V.44. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT2, RT9, RT10 et RT15 (poudres pressées).

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

CaCO3 (RT9)

NH4OH (RT15)

K2CO3 (RT2)

Na2CO3 (RT10)

précurseurde lucidine

anthragallol

inc. à 27'

purpurine

précurseurd'alizarine

pseudopurpurine

alizarineRTPARAM2.opj, Graph1, Tue, 000425 15:11

AU

s*10

/mg

temps [min]

10 20 30 40

10

20

RT2 RT9

RT10

RT15 Base

b*

(CIE

)

a* (CIE)

161

V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine Les anthraquinones ne sont pas réparties régulièrement dans la racine de garance (§ II. 2). La partie ligneuse à l'intérieur de la racine en contient plus que l'écorce, dans laquelle on trouve aussi des tanins. Les laques RT4 et RT5 ont été préparées à partir d'extraits non pas de la racine entière coupée en morceaux, mais respectivement de l'intérieur et de l'écorce de la racine. La première est foncée, la seconde claire (fig.V.32 et V.34). Dans les coordonnées colorimétriques (poudres pressées) cette différence se traduit surtout par la luminosité L* : 23 (intérieur) < 28 (racine entière) < 42 (écorce). La laque RT4 (intérieur) est très riche en aglycones et glycosides (fig.V.45) : elle contient assez bien d'alizarine (10 mg/g) et surtout de la pseudopurpurine (24 mg/g), ainsi que des précurseurs de l'alizarine (17 mg/g) et de la lucidine (21 mg/g). Inversement la laque RT5 (écorce) est très pauvre en colorants, et contient deux fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que d'alizarine (2 mg/g).

Fig.V.45. Chromatogrammes des laques RT4 (intérieur), RT2 (racine complète), et RT5 (écorce) après extraction par LiF.

. Fig.V.46.

Diagramme a*b* (CIE) des laques RT4, RT2 et RT5 (poudres pressées).

5 10 15 20 25

0

1

2

3

4

5

6

7

intérieur (RT4)

écorce (RT5)

racine complète (RT2)

Au.

s*10

/ m

g

temps (minutes)

primvéroside d'alizarine

primvéroside de lucidine

anthragallol

alizarine

pseudopurpurine

purpurine

inc. à 27

10 20 30 40

10

20

RT2

RT4 RT5

intérieur ou écorce

b* (

CIE

)

a* (CIE)

162

La RT4, riche en glycosides mais aussi en pseudopurpurine (tendance au rouge ou au pourpre), n'est que légèrement plus orange (b* = 11, h = 18°) que la RT2 (b* = 8, h = 13°). La RT5, pourtant pauvre en glycosides, tire plus vers l'orange (b* = 13, h = 22°) que la RT4 et le RT2, probablement à cause du rapport alizarine/pseudopurpurine élevé (fig.V.46). V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes Le procédé de préparation des laques à partir des colorants récupérés de textile teint a été couramment utilisé dans la période du XIVe au XVIe siècle (Kirby 1987). Il est surtout rapporté au sujet de colorants d'insectes (cochenille, kermès), mais, selon Saunders et Kirby (1994), était probablement le mode principal de fabrication des laques, non seulement pour ces colorants, mais aussi pour la garance. Il faut noter que très peu de recettes de laques de garance de cette époque ont été trouvées, soit parce qu'elles ont été perdues, soit parce que ces laques étaient d'un usage si commun et répandu, ce que confirment nos analyses d'œuvres d'art de l'époque (Sanyova, Wouters 1994), que personne ne voyait l'intérêt de coucher sur papier ce que tous savaient. La laque RT17 a été préparée à partir de colorants récupérés d'un échantillon de la laine RT-L2 par extraction dans K2CO3. Cette laine avait été teinte par Rubia tinctorum L. dans un bain à 90°C après mordançage au sulfate d'aluminium (description de mordançage et de teinture se trouvent en annexe 1, § A1.2.1, Référence 3). Pour la laque RT16, un autre échantillon de la même laine a été extrait dans une suspension de cendres de chêne. Pour RT18, une autre laine, RT-L1, teinte à 60°C, a été extraite par K2CO3. La couleur de RT17 est proche de celle de RT2 (fig.V.47). Celles de RT16 et RT18 sont moins saturées, la première parce que l'extraction à la cendre de chêne est moins efficace, la seconde parce que la laine teinte à 60°C est plus pâle et pauvre en colorants.

Fig.V.47. Diagramme a*b* (CIE) de la laine teinte par Rubia tinctorum L., RT-L2, et des laques RT2, RT16, RT17, RT18 (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

RT2

RT16

RT17

RT18

RT-L2

Laine et laques des laines

b*(laques) b*(laine)

b* (

CIE

)

a* (CIE)

163

V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacée utilisée Les sources alternatives des colorants anthraquinoniques sont connues. Le choix de la plante ainsi que son âge et son environnement peuvent mener à de grandes différences en quantité et en proportions dans les colorants extraits. Hill et Richter (1937) ont trouvé de la pseudopurpurine dans leurs échantillons de chacune des 23 espèces différentes de Rubiacées qu'ils ont étudiées, mais n'ont trouvé d'alizarine que dans certaines d'entre elles (Rubia tinctorum L., Galium mollugo L. et des traces dans Galium verum L.), et seulement dans des plantes d'un certain âge. Nous avons préparé des laques à partir de huit Rubiacées autres que Rubia tinctorum L., des trois genres Rubia, Asperula et Galium : Rubia peregrina L. (RP), Asperula tinctoria L. (AT), Galium aparine (GA), Galium boreale L. (GB), Galium molugo L. (GM), Galium odoratum L. (Scop.) (GO) aussi appelée Asperula odorata L., Galium sylvaticum L. (GS) et Galium verum L. (GV). L'origine des échantillons de ces plantes est donnée dans le tableau A1.1. Plusieurs nous ont été offerts par M. Van Belle, du Jardin Botanique National (JBN) de Meise. D'autres ont été collectés dans la nature, et leur identification a été confirmée par Mme Billet du JBN. Le mode opératoire de référence "RT2" a été appliqué à toutes, et la variante "RT3" (extraction à 90°C) à RP, GA, GM, GS et GV. Les laques sont identifiées par les initiales de la plante, suivie du numéro du mode opératoire (p.ex. AT2, GM3). Les compositions de deux de ces laques, RT2, RP2 et GV2, peuvent être comparées à celle de la RT2 dans le chromatogramme de la figure V.48). La laque de Rubia peregrina L. contient cinq fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que Rubia tinctorum L., et peu ou pas d'alizarine. La laque de Galium verum L. est encore plus pauvre, avec seulement 0,2 à 0,3 mg/g de son principal colorant, la pseudopurpurine. Fig.V.48. Chromatogrammes des laques RT2 , RP2, et GA2, après extraction par LiF.

5 10 15 20 25

0.0

0.1

0.2

0.3

alizarineprécurseur de lucidine

précurseur d'alizarine

inc. à 27'

purpurine

alizarine

pseudopurpurine

(x 2,5)

(x 0,15)

RUBIA PEREGRINA

GALIUM VERUM

RUBIA TINCTORUM

Au.

s*10

/ m

g

temps (minutes)

164

Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en quantité appréciable (fig. V.49) que dans la laque de GB2 (Galium boreale L., 6,1 mg/g), et de pseudopurpurine que dans GA2 (Galium aparine L., 5,6 mg/g ) et AT2 (Asperula tinctoria L., 4,9 mg/g). Cette dernière contient également une quantité importante des précurseurs de la lucidine (4,9 mg/g), trois fois plus que RT2. Fig.V.49. Composition des laques préparées à partir de différentes Rubiacées

(HPLC, extraction par LiF) Notre échantillon de Galium mollugo L. contenait un peu d'alizarine, comme celui de Hill et Richter. Par contre notre Rubia peregrina L. contenait sept fois moins de pseudopurpurine que notre Rubia tinctorum L., alors que l'échantillon de Hill et Richter en était particulièrement riche (1,5 fois plus que leur Rubia tinctorum L.). Galium aparine L., le gaillet gratteron tellement commun dans nos régions, est une plante annuelle. Notre échantillon, récolté en automne, ne pouvait donc être vieux de plus de quelques mois. Il ne contenait pas d'alizarine, comme on peut s'y attendre avec une plante aussi jeune. Par contre la teneur en pseudopurpurine est presque aussi élevée que dans Rubia tinctorum L. (rapport 8:10), alors qu'elle est assez faible dans l'échantillon de Hill et Richter (rapport 3:10). Ces comparaisons confirment la grande variabilité des teneurs et proportions de colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons d'une même espèce. Comme avec Rubia tinctorum L., les laques contiennent systématiquement plus de précurseurs de la lucidine et de pseudopurpurine quand elles ont été préparées après extraction à 90°C (fig.V.50).

RT2 RP2 GA2 GB2 GM2 GO2 GS2 GV2 AT20

2

4

6

mg

colo

rant

/ g

laqu

e

al pp pral prlc

165

Fig.V.50. Influence de la température de préparation des laques des Rubiacées sur leur composition en précurseur de la lucidine et en pseudopurpurine. (HPLC, extraction par LiF)

Les laques GA2, GA3 et AT2 (figures V.32 et V.35), bien que riches en pseudopurpurine (5,6, 9,4 et 4,9 mg/g) et pauvres en alizarine (0, 0,2 et 1 mg/g), ne sont pas roses comme les laques de pseudopurpurine RT19 (recette adaptée de Kopp) et RT24 (laque commerciale, Blockx), mais au contraire au moins aussi oranges que RT2, comme en attestent leurs positions dans le diagramme (a*,b*) (h* = 16°, 25° et 27° contre 13°) (fig. V.51). Cette tendance à l'orange peut être attribuée aux précurseurs de la lucidine et probablement aussi à l'inconnue à ~27' (seul pic plus important sur le chromatogramme de GA2 que sur celui de RT2).

Fig.V.51. Diagramme a*b* (CIE) des laques préparées des Rubiacées (poudres

pressées).

RT RP GA GM GS GV0

2

4

6

8

10

12pseudopurpurine

2 (60°C) 3 (90°C)

RT RP GA GM GS GV0

1

2

3

4

5

60 précurseur de la lucidine

mg

colo

rant

/ g

laqu

e 2 (60°C) 3 (90°C)

0 10 20 30 40

10

20

30

GS3GM3GA3

GB2GS2GM2GA2

RP2

AT2

GV2 RT2

GV3

RT3

RP3

Recette 2 et 3

b* (

CIE

)

a* (CIE)

166

V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées : résumé et conclusions Les principaux colorants retrouvés dans nos laques de Rubia tinctorum L. après hydrolyse par la méthode LiF sont la pseudopurpurine, l'alizarine et les précurseurs de l'alizarine et de la lucidine. Des quatre, seule l'alizarine est détectée après hydrolyse par la méthode à l'HCl 6 M. Une partie de la pseudopurpurine est détectée sous forme de purpurine. Les couleurs des laques couvrent une large gamme de nuances : rouges, pourpres, oranges, bruns, violets, roses.... Les diagrammes colorimétriques montrent qu'à part la nature du colorant, le principal facteur influençant la couleur est le rapport aluminium / colorant, qui augmente la saturation de la teinte (C*, distance par rapport à l'origine), même si la couleur peut parfois paraître plus "pâle", ce qui relève en fait de la luminosité (L*, axe vertical) et non de la saturation (distance par rapport à cet axe). L'évolution de la couleur avec le rapport aluminium / colorant dépend du ou des colorants présent(s) : les complexes aluminiques de la pseudopurpurine et de la purpurine tirent la teinte vers le pourpre (paramètre angulaire h* plus faible ou négatif), ceux des autres colorants (de l'alizarine et des glycosides ?) vers l'orange (h* plus élevé). Il est possible d'augmenter la teneur en précurseurs et en pseudopurpurine en inhibant par la température l'activité enzymatique lors de l'extraction. Il est aussi possible, grâce à la méthode de Kopp, d'extraire sélectivement la pseudopurpurine afin d'obtenir une nuance rose (dont la teinte tire vers le pourpre). La teneur en colorants dans les Rubiacées autres que Rubia tinctorum L. est relativement faible, à l'exception de Galium boreale L. (alizarine), Galium aparine L. (pseudopurpurine) et Asperula tinctoria L. (pseudopurpurine et précurseur de la lucidine). Elle est aussi beaucoup plus faible dans l'écorce que dans l'intérieur de la racine de Rubia tinctorum L. Avec les laques pauvres en alizarine et/ou en pseudopurpurine, la couleur est plus aléatoire à cause de la contribution des constituants secondaires tels que l'anthragallol, la xanthopurpurine ou la rubiadine.

167

V.8. Résistance au vieillissement La résistance de la couleur d'une laque exposée à la lumière dépendra non seulement d'une série de facteurs propres à celle-ci (teneurs et nature des colorants et des autres constituants) mais aussi de la présence de liants et éventuellement d'additifs, d'une couche de vernis, etc. Dans cette étude exploratoire, les laques ont été comparées en l'absence de tout liant ou additif. Pour ce faire, elles ont été fixées par filtration sur des filtres spéciaux en ester de cellulose (Millipore, 0,45 µm), qu'un mélange d'acétate d'amyle et d'éthyle ramollit suffisamment pour qu'il emprisonne les grains par la base et les retienne après séchage (Jedwab, 1991). Les laques ont été soumises sous cette forme à un test de vieillissement accéléré par une lampe à arc au xénon (à l'éclairement énergétique 765 W/m² ~ 180 000 lux) par exposition à une dose de l'éclairement lumineux plusieurs milliers de fois supérieure à la dose normalement reçue par une œuvre d'art en exposition dans un musée (Saudners, 1994; Thomson, 1967). La température de l'air dans l'enceinte de l'appareil a été entretenu à 22±3°C par une ventilation permanente et l'humidité relative a oscillé autour 45 % ± 10%. La description de l'appareil (Suntest CPS+) et de la méthode d'expérience est détaillée en annexe 1, § A13.12. Les spectres (microspectrophotométrie en réflectance, MSP 400 Zeiss, cfr § A1.3.11) ont été enregistrés à différentes étapes du vieillissement. A l'issue de ce test, de pratique courante dans l'industrie, la courbe de décoloration ∆E en fonction du temps, où ∆E est la racine carrée de ((∆L*) 2 + (∆a*)2 + (∆b*)2)), est comparée à celles de huit échantillons de référence (laines teintes en bleu par les colorants de différente stabilité, cfr § A1.3.12), et un grade de stabilité de 1 à 8 est attribué. La méthodologie est détaillée en annexe 1, § A1.3.12. Quelques-uns des échantillons après vieillissement peuvent être vus sur la figure V.52. À chaque fois une moitié de l'échantillon a été protégée de la lumière par une feuille d'aluminium, afin de servir de témoin et de s'assurer que le vieillissement observé est bien dû à la photodégradation et non à un autre processus. On constate d'une part que les plus gros grains gardent le mieux leur couleur, et d'autre part, avec les anthraquinones de synthèse et leurs laques, que le vieillissement est d'autant plus rapide que le colorant est dilué dans l'alumine. V.8.1. Évolution dans les diagrammes de chromaticité L'évolution des paramètres (x,y) et (a*,b*) de laines, d'anthraquinones et de laques, en 5 à 15 jours d'exposition à la lumière intense, peut être observée aux figures V.53 à V.59 Sur toutes ces figures, les couleurs évoluent et convergent plus ou moins rapidement vers la région centrale des blancs (ou gris).

168

Fig. V.52. Sélection des échantillons (anthraquinones, ses laques et laques des

plantes) soumis au vieillissement, dont la moitié à gauche a été protégée.

169

Fig. V.53. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration des références - laines bleues. Les noms des échantillons sont à l'origine de la courbe (point t0). Fig. V.54. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration de l'alizarine, ses laques et de la laine teinte par alizarine.

-10 0 10 20 30 40

-10

0

10

20

30

40

Aliz6

Alizarine

Aliz - L2

Aliz2Aliz4

b* (

CIE

)

a* (CIE)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

Alizarine

y (C

IE)

x (CIE)

Aliz2

Aliz4Aliz6

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8y

(CIE

)

x (CIE)

laine 6

laine 1

laine 3

laine 8

-10 0 10 20 30 40

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

laine8

laine6

laine1

laine3

b* (

CIE

)

a* (CIE)

170

Fig. V.55. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration de la purpurine et de ses laques. Fig. V.56. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration de la quinizarine et de ses laques.

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

y (C

IE)

x (CIE)

Pu1Purpurine

Pu2

-10 -5 0 5 10 15 20 25 30

-10

-5

0

5

10

15

20

Pu2

Pu1Purpurineb*

(C

IE)

a* (CIE)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

y (C

IE)

x (CIE)

Qui1

Quinizarine

Qui2

-5 0 5 10 15 20 25 30 35

-10

-5

0

5

10

15

20

25

Qui1

Qui2

Quinizarine

b* (

CIE

)

a* (CIE)

171

Fig. V.57. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration de l'"acide rubérythrique" (commercial) et de ses laques. Fig. V.58. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration des laques de mélanges d'anthraqinones.

-5 0 5 10 15 20 25 30

-10

-5

0

5

10

15

20

25

AR2

AR1

AcRub

b* (

CIE

)a* (CIE)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

y (C

IE)

x (CIE)

AR1

AR2 ACRUB

-5 0 5 10 15 20 25 30 35 40

-10

-5

0

5

10

15

col4

col3AlQu

AlPu

b* (

CIE

)

a* (CIE)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

y (C

IE)

x (CIE)

AlPu

col 4 AlQucol3

172

Fig. V.59. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration des laques de Rubia tinctorum L. Une exception manifeste, aussi bien sur les diagrammes xy que sur les diagrammes a*b*, est le mélange vendu comme acide rubérythrique, dont la couleur évolue dans une direction toute différente de celles de ses laques. Il perd l'essentiel de sa couleur initiale brun-orange (a* = 15, b* = 8) dès les premières heures, puis se stabilise dans un brun-jaune (a* = 0 - 4, b* = 8 -10). Il est probable que la décoloration initiale rapide n'est due ni à l'acide rubérythrique proprement dit, ni au précurseur de la lucidine également présent, mais à d'autres impuretés encore, et que l'élimination de ces impuretés lors de la préparation des laques explique le comportement plus classique de celles-ci. On peut aussi distinguer des différences entres les couleurs finales vers lesquelles tendent les laines d'une part, et les laques sur filtre d'autre part. Les laines, après décoloration totale, sont jaunâtres (b* > 0) plutôt que blanches, d'où par exemple le détour de la référence 1 par une teinte verdâtre (a* < 0) avant de continuer vers le jaune pâle, couleur de la laine vieillie (après quinze jours elle atteint a* = -0,7 et b* = 10). La référence 8, la plus résistante à la lumière, ne pâlit pratiquement pas sur les quinze jours de vieillissement accéléré. Dans le cas des laques, après leur décoloration totale, la couleur bleuâtre du filtre transparaît et tire les couleurs finales, surtout celles d'extraits de Rubiacées, vers un point proche de l'axe b*, côté négatif cette fois (b* = -10). La laque RT9, peu colorée mais contenant de la craie, couvre mieux le filtre et tend vers un blanc plus pur après vieillissement (b* = -2).

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8y

(CIE

)

x (CIE)

RT6RT3RT9

RT2

-5 0 5 10 15 20 25 30

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

RT9

RT6

RT3

RT7

RT2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

173

V.8.2. Vitesse de décoloration et grades de résistance Pour attribuer un grade de stabilité, on met en graphique ∆E en fonction du temps, et on compare la courbe obtenue à celles de laines bleues de référence. On peut voir un exemple à la figure V.60.

Fig. V.60. Exemples d'attribution de grade de stabilité. On y distingue bien l'évolution progressive, de la laine 1, très vite décolorée, jusqu'à la laine 8, la plus stable. La laine 4 a donné une courbe plus atypique et a été omise. La courbe de la laque Aliz1, par exemple, se situant entre celles des laines 5 et 6, un grade 5-6 lui a été attribuée. Il peut arriver qu'une courbe de décoloration plafonne non parce que la couleur de la laque est stable mais parce qu'elle est déjà presque au bout de son processus de vieillissement, comme par exemple la laque RT9 (fig.V.59). La décoloration initiale très rapide lui vaut un grade de 1-2 seulement, même si la courbe coupe ensuite celles des laines 3 à 5. Les grades attribués aux différents échantillons sont donnés dans le tableau suivant. Tableau V.15. Grade de stabilité à la lumière des échantillons soumis au xenotest. Anthraquinones de synth. et leurs laques laques d'extrait des Rubiacéees

nom grade nom grade

Aliz 7 - 8 RT1 3 - 4

Aliz1 5 - 6 RT2 3 - 4

Aliz2 7 - 8 RT3 4 - 5

Aliz3 7 - 8 RT6 2 - 3

0 20 40 60 80 100 120

0

5

10

15

20

25

aliz-L2

laine5

aliz6

laine1 laine2 laine3

alizarine

aliz3laine8laine7

laine6

aliz1

aliz4

∆E

heures

174

Aliz4 5 - 6 RT7 4 - 5

Aliz5 4 - 6 RT9 1 - 2

Aliz6 3 - 4 RT10 2 - 3

Aliz7 5 - 6 RT15 3 - 4

Aliz8 4 - 5 RT17 3 - 4

AcRub 0 - 1 RT19 2 - 3

AR1 4 - 5 RT24 1 - 2

AR2 2 - 3 AT2 4 - 5

Purp. 8 GA2 3 - 4

Pu1 6 - 7 GB2 3 - 4

Pu2 3 - 4 GM2 2 - 3

Pu3 3 - 4 GS2 2 - 3

Quiniz 6 - 7 GV2 3 - 4

Qui1 6 - 7 RP2 1

Qui2 4 - 5 Laines teintes

AlPu 4 - 5 Aliz L2 8

AlQu 4 - 5 Purp - L2 6 - 7

col3 3 - 4 Qui L1 4 - 5

col4 3 - 4 RT -L2

Ces grades sont élevés (>6) pour les anthraquinones pures et leurs laques de rapport aluminium/colorant = 2, ils sont moyens (3-6) pour les laques plus riches en aluminium. La figure V.61 montre bien, pour les laques d'alizarine, de purpurine et de quinizarine, cette relation entre teneur en colorant et grade de stabilité. On y vérifie aussi que les laques d'alizarine sont légèrement plus résistantes que les laques de purpurine.

Fig. V.61. Grade de stabilité des laques anthraquinones de synthèse en fonction de la concentration en colorant.

0 100 200 300 400 500 600 7003

4

5

6

7

8

Aliz1

Aliz2, 3

Aliz5

Aliz4, 7

Aliz6

Aliz8

Pu1

Pu2, 3Qui2

Qui1

grad

e

mg aliz / g laque (calc)

175

Sur les photos de la figure V.62 on constate que les plus gros grains se décolorent moins vite que les plus petits. Malgré cela les laques de granulométrie plus fine parce que préparées à 90°C (Aliz3, Aliz5 et Pu3) sont aussi stables, ou à peine moins, que les laques correspondantes préparées à température ambiante (Aliz2, Aliz4 et Pu2) (tabl.V.15 et fig.V.62). L'effet de la granulométrie sur la stabilité des couleurs est donc beaucoup plus faible que celui de la concentration en complexes colorants (fig.V.61).

Fig. V.62. Effet de la température de la préparation des laques (entre

parenthèses) sur leur granulométrie et la stabilité à la lumière. La décoloration plus lente des gros grains pourrait a priori s'expliquer par la protection des colorants au cœur de ceux-ci, soit par absorption de la lumière par les couches externes, soit par ralentissement de la diffusion de l'oxygène, si celui-ci contribue à la dégradation. Cependant les laques, composées principalement d'alumine, ont une porosité et donc une surface spécifique importantes et largement indépendantes de la taille de grains. L'oxygène, qui peut contribuer à la dégradation des colorants, est libre de diffuser assez librement à l'intérieur des grains. La première explication semble donc la plus plausible: la décoloration progresserait à partir de la surface externe des grains. La vitesse de décoloration, exprimée par exemple en microns par jour, serait d'autant plus faible que la concentration en colorants, et donc l'absorption de la lumière par les couches externes, sont importantes. Dans des peintures, le liant et le vernis limiteraient en plus la diffusion de l'oxygène, ce qui pourrait ralentir encore le vieillissement.

La couleur de la laine teinte à l'alizarine Aliz-L2 est très résistante, ce qui est en bon accord avec la supposition que la photodégradation est oxydative, quand on tient compte du fait la laine est réductrice. Inversement on a retrouvé des traces de munjistine dans l'échantillon d'acide rubérythrique commercial après vieillissement : celle-ci pourrait provenir de la déglycosilation du primvéroside de la lucidine, suivie de l'oxydation de groupement -CH2OH en -COOH. V.8.3. Composition après vieillissement Il aurait été intéressant de suivre la composition chimique des laques au cours du vieillissement accéléré, mais cela était impossible, car le nombre d'échantillons

176

nécessaires aurait alors dépassé la capacité de l'appareil. Les laques n'ont donc été récupérées et analysées par HPLC qu'à la fin du test, quand beaucoup étaient déjà totalement décolorées. Les résultats sont donnés dans le tableau V.16. On retrouve un peu d'alizarine, de purpurine, ou des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine, mais toujours en quantités très faibles, inférieures à un dixième des quantités de départ. Même les poudres d'anthraquinones pures avaient perdu plus de 90% du colorant originellement présent, malgré l'apparente stabilité de leur couleur. Aucune trace de pseudopurpurine n'a été retrouvée, même dans les laques qui en étaient riches au départ.

Tableau V.16. Teneurs en mg de colorant par g de laque des échantillons vieillis, mesurées par HPLC après extraction par HCl et par LiF.

mg colorant / g laque nom après extraction par HCl nom après extraction par LiF

al pu qui pra1 prlc al pu qui Aliz 54.13 0 0 Aliz 0 0 40.12 0 0 Aliz1 0.70 0 0 Aliz2 1.85 0 0 Aliz2 0 0 15.45 0 0 Aliz3 1.99 0 0 Aliz3 0 0 3.93 0 0 Aliz4 0.05 0 0 Aliz5 0.08 0 0 Aliz5 0 0 0.85 0 0 Aliz6 0.01 0 0 Aliz6 0 0 0.40 0 0 Aliz7 0.03 0 0 Aliz8 0.05 0 0 AcRub 0 0 0 AcRub 0 0 0.27 0 0 AR 1 0 0 0 AR 1 0.33 0.05 0.02 0.012 0 AR 2 0 0 0 AR 2 0 0 0.01 0 0 AlPu 0.16 0.05 0 AlQu 0.20 0 0.215 AlQu 0 0 0.24 0.013 0.60 col3 0.06 0.045 0.032 col3 0 0 0.09 0.72 0 col4 0.01 0 0.003 Purp. 0.16 3.28 0 Purp. 0 0 0 46.5 0 Pu1 0.03 0.26 0 Pu2 0.04 0.17 0 Pu3 0.01 0 0 Pu3 0 0 0.01 1 0 Quiniz. 0.02 0.01 3.185 Quiniz. 0 0 0 0.41 50.11 Qui1 0 0 0.688 Qui1 0 0 0.12 0 17.35 Qui2 0 0 0.113 RT 1 0.02 0 0 RT 1 0 0 0.07 0 0 RT 2 0.007 0 0 RT 2 0 0 0.03 0 0 RT 3 0 0 0 RT 3 0.17 0.07 0.02 RT 6 0.003 0 0 0 0 0 0 0 RT 7 0.018 0 0 RT 7 0 0 0.037 0 0 RT 10 0.013 0.005 0 RT 10 0 0 0.038 0 0 RT 19 0.002 0 0 RT 19 0 0 0.010 RT 24 0.002 0 0 0 0 0 RT 15 0.003 0 0 0 0 0 0 0 RT 17 0.004 0 0 RT 17 0 0 0.014 0 0 GV 2 0.002 0 0 GV 2 0 0 0.003 0 0 GA 2 0 0 0 GA 2 0 0 0 0 0 GB 2 0.018 0.003 0 GB 2 0 0 0.030 0 0 GS 2 0.002 0 0 GS 2 0 0 0.016 0 0 GM 2 0.004 0 0 GM 2 0 0 0.013 0 0 AT 2 0 0 0 AT 2 0 0 0.015 0 0 RP 2 0.002 0 0 RP 2 0 0 0.013 0 0

177

V.9. Composition, couleur et stabilité des laques : résumé et conclusions V.9.1. État physique et composition Le constituant principal des laques étudiées ici est une alumine amorphe et poreuse. Elle leur confère une surface spécifique élevée (~100 m2/g), indépendante de la taille des grains, et une certaine hydratation (de l'ordre de 15% de son poids). Les teneurs en colorants mesurées par HPLC après extraction au LiF sont généralement de quelques mg par g, et, pour les laques d'anthraquinones de synthèse pour lesquelles ce calcul est possible, proches des teneurs idéales attendues sur base des proportions des réactifs mis en œuvre. Dans les laques d'extraits de Rubia tinctorum L., on retrouve principalement de la pseudopurpurine, de l'alizarine, les primvérosides précurseurs de l'alizarine (acide rubérythrique) et de la lucidine, et un composé non identifié qui sort beaucoup plus tard sur les chromatogrammes. L'extraction par HCl ne permet de détecter que l'alizarine et la purpurine, la première en rendement inférieur à celui obtenu par extraction par LiF, et la seconde, formée surtout par décarboxylation de la pseudopurpurine par l'HCl, en quantités inférieures à celles de pseudopurpurine présentes avant extraction. Les conditions d'extraction influencent fortement les quantités et les proportions de colorants dans les laques. Par exemple une extraction à 90°C, en bloquant l'activité enzymatique, donne des rendements très élevés en primvérosides. Il est même possible d'obtenir une laque de Rubia tinctorum sans alizarine, en extrayant sélectivement la pseudopurpurine selon la méthode de Kopp. Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en quantité appréciable que dans la laque de G. boreale L., et de pseudopurpurine que dans celles de G. aparine et A. tinctoria. Cette dernière contient également une quantité importante de précurseur de la lucidine. Les comparaisons avec les résultats de Hill et Richter (1937) confirment la grande variabilité des teneurs et proportions de colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons d'une même espèce. V.9.2. Couleur et photodégradation Avec les laques d'anthraquinones de synthèse (alizarine, purpurine et quinizarine) et de l'extrait commercial (primvérosides), les principaux facteurs affectant la couleur sont le rapport aluminum/colorant et la nature du colorant. La teinte est d'autant plus saturée (loin de l'origine, dans les diagrammes chromatiques a*b*) que la teneur en colorant est faible (rapport aluminium/colorant élevé), ce qu'on peut probablement attribuer à un meilleur degré de complexation (pourcentage du colorant formant des complexes) grâce au large excès d'aluminium. Par rapport aux complexes d'alizarine ou de purpurine, ceux de quinizarine tirent plus sur le pourpre, ceux des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine sur l'orange. L'alizarine résiste légèrement mieux à la photodégradation que la purpurine. Les primvérosides sont assez stables, et peuvent être retrouvés même après vieillissement. Par contre il ne reste que des traces de la pseudopurpurine. Mais à

178

nouveau le principal facteur influençant la stabilité est le rapport aluminium/colorant : les teintes des laques moins riches en colorant, bien que plus saturées, vieillissent plus vite. La photodégradation est probablement oxydative : la laine, réductrice, préserve la teinte de l'alizarine bien plus longtemps que les laques. Souvent les grains plus gros gardent leur couleur plus longtemps que les autres. Comme la présence de l'oxygène nécessaire à la réaction, si celle-ci est bien oxydative, est assurée jusqu'au cœur des grains par les nombreux pores de l'alumine, la plus grande stabilité des colorants dans les gros grains s'explique probablement par le simple fait que les couches externes protègent l'intérieur en absorbant la lumière, et ce d'autant plus que la teneur en colorant est élevée. V.9.3. Conclusions Pour revenir aux questions posées au début de ce chapitre, on peut donc leur apporter les réponses suivantes : - le mode de préparation des laques, l'espèce et l'origine de la plante influencent fortement la composition des laques; - la pseudopurpurine et les primvérosides de l'alizarine et de la lucidine sont souvent présents en quantités importantes dans les laques, alors qu'inversement la purpurine n'en est qu'un constituant mineur; - les primvérosides tirent la teinte vers l'orange, la pseudopurpurine vers le pourpre; - tant de facteurs peuvent jouer un rôle qu'il est difficile d'identifier avec certitude l'espèce utilisée en se basant sur la composition de la laque.

126

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques V.7.1. Introduction Il va être fait appel dans l'étude des couleurs à des notions relativement peu familières en chimie, dont il peut être utile d'expliquer d'abord la signification. La caractérisation des couleurs est une question particulièrement complexe, dont les différents aspects sont traités en détail dans de nombreux manuels (Hunter/Harold, 1987; Henry, 1980; Corno-Martin, 1981). Nous nous contenterons ici d'esquisser la démarche et les méthodes permettant de calculer, à partir des spectres de réflectance, les paramètres "xyz" et "L*a*b*" ou "L*C*h*" pour un "observateur de référence". Dans le paragraphe suivant nous les illustrerons par les exemples d'une laine bleue et d'une laque rouge. La couleur est une perception, contrairement au spectre (d'émission, de réflectance ou de transmittance) qui, elle, est une caractéristique physique intrinsèque d'un objet, indépendante de l'observateur. Pour des raisons neuro-physiologiques, l'ensemble des couleurs que peut percevoir un être humain forme un espace tridimensionnel fini. C'est pourquoi on peut décrire une couleur de différentes manières, chaque fois par une combinaison de trois paramètres: RGB (composantes primaires rouge, verte et bleue, XYZ ("tristimulus"), L*a*b* (luminosité et positions sur un axe vert-rouge et un axe bleu-jaune), L*C*h* (luminosité, saturation et teinte). Chacune de ces combinaisons de trois paramètres correspond à une manière différente de structurer l'espace des couleurs et d'y choisir un système de coordonnées. Le système RGB est né de la constatation empirique que toutes les teintes perceptibles peuvent être reproduites par la combinaison de trois lumières monochromatiques dites "primaires". On utilise, par tradition et par commodité, la combinaison rouge-vert-bleu [700 - 546.1 - 435.6 nm]. Historiquement, les paramètres RGB de la couleur d'un objet étaient souvent déterminés dans des "colorimètres trichromatiques", par comparaison visuelle avec la couleur résultant du mélange de trois rayons lumineux rouge, vert et bleu sur une surface blanche. Mais la perception de la couleur n'est pas constante d'un individu à l'autre. Pour contourner ce problème et pour pouvoir caractériser la couleur à l'aide des spectrophotomètres de plus en plus utilisés par l'industrie (Hunter/Harold, 1992), la CIE (Commission Internationale de l'Éclairage) a proposé en 1931 des "fonctions colorimétriques" permettant de calculer les paramètres RGB à l'aide de transformations linéaires des spectres, ajustées afin de donner un résultat aussi proche que possible que celui de la moyenne des observateurs humains. Ces fonctions de réponse neurophysiologique rmoy, gmoy et bmoy, constituées des composantes RGB de chaque longueur d'onde monochromatique, forment l'"observateur de référence colorimétrique CIE 1931". Les paramètres RGB sont issus de transformations linéaires des spectres. En conséquence, l'espace (RGB) a la propriété de respecter l'additivité des couleurs : toute couleur obtenue par combinaison de deux lumières colorées donnera une couleur située sur la droite reliant les couleurs des deux lumières utilisées. Les valeurs absolues des coordonnées RGB dépendent de l'intensité de la lumière. Pour la comparaison des couleurs, les valeurs relatives (rgb) (où r = R/(R+G+B), etc)

127

sont plus appropriées. Les diagrammes (r,g) respectent eux aussi l'additivité des couleurs (fig. V.8). Les coordonnées des trois primaires (R;G;B) y sont les sommets du triangle ((0,1), (1,0), (0,0)) : vert pur (g = 1, r = b = 0), rouge pur (r = 1, g = b = 0) et bleu pur (b = 1, r = g = 0)). Toutes les couleurs qu'on peut obtenir par une combinaison de deux primaires se trouvent sur la droite qui les relie, et toutes celles qu'on peut obtenir par une combinaison de trois primaires se trouvent dans le triangle qu'elle délimitent. Les couleurs des lumières monochromatiques, dites "couleurs spectrales", forment une courbe qui part du bleu (r = 0, g = 0), passe par le bleu-vert ou cyan (r < 0, g > 0) avant d'atteindre le vert (r = 0, g = 1), puis par le jaune et l'orange (r + g = ~1) avant d'atteindre le rouge (r = 1, g = 0). La droite reliant le bleu ( 435,6 nm, r = 0, g = 0) au rouge (700 nm, r = 1, g = 0) est le lieu des couleurs dites "non spectrales", les pourpres, qui ne correspondent à aucune lumière monochromatique. Toutes les couleurs perceptibles se trouvent dans la région délimitée par la courbe des couleurs spectrales et la droite des couleurs non spectrales. Quelque part vers le centre de cette région se situe la couleur d'un objet parfaitement réfléchissant, et donc en principe blanc. Le point D65 sur la figure V.8. représente la couleur d'un tel objet quand il est éclairé par l'illuminant de référence D65 (éclairé perpendiculairement, et observé à un angle solide de 2° avec la perpendiculaire). Suite à la propriété d'additivité géométrique décrite plus haut, toutes les couleurs situées sur un même segment de droite reliant le blanc (ici le point D65) et une couleur spectrale seront un mélange de cette couleur et de blanc : elles auront la même teinte que la couleur spectrale, et seront d'autant plus saturées qu'elles sont proches de celle-ci. La longueur d'onde de la couleur spectrale est appelée "dominante" de la teinte. Elle est généralement proche de, mais pas égale à la longueur d'onde du maximum dans le spectre de réflectance. Fig. V.8. Diagramme rg (CIE), explications.

495

500

505

510 515

520

525

530

535

540

545

550

555560560

565570

575580580

585590

600610620

700705710715720725730735740745750755760765770775780380465

470475

480

485485

490

495

-1 0 1

1

2

XYZ12400.opj, Grrgwl, Tue, 000425 18:37

FDom.

D65

F

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R+G+B))

couleurs spectrales (bleu à vert à rouge)

couleurs qu'on ne peut pas obtenir par mélange des primaires RGB

couleurs qu'on peut obtenir par mélange des primaires RGB

mélange des primaires bleue et verte

surface blanche sous illuminant D65, 2°490 nm,

"dominante" de la couleur F

couleurs non-spectrales (pourpres)

primaire bleue (B), 435,6 nm

primaire rouge (R), 700 nm

primaire verte (G), 546,1 nm

128

Un problème du système RGB est que si toutes les teintes peuvent être reproduites par un mélange des trois primaires, elles n'atteignent généralement pas la saturation d'une couleur spectrale pure. Cela s'observe aisément sur le diagramme (r,g) (fig. V.8). Le bleu-vert obtenu par addition de lumières bleue et verte (435.6 et 546.1 nm) sera plus blanchâtre que celui d'une lumière monochromatique à 490 nm. Celui-ci peut malgré cela être décrit par des paramètres RGB, mais en attribuant une valeur négative au paramètre R. Dans la pratique il est bien sûr impossible d'envoyer une quantité négative de lumière rouge sur la surface blanche. Pour mesurer un paramètre R négatif à l'aide d'un colorimètre trichromatique, on ajouterait donc la quantité équivalente de lumière rouge à la lumière blanche frappant l'objet bleu-vert dont on veut mesurer la couleur. Pour éviter que l'un des paramètres puisse avoir une valeur négative, la CIE a complété l'"observateur de référence" par une deuxième série de trois fonctions colorimétriques (xmoy, ymoy, zmoy), basées cette fois sur des primaires imaginaires. Étant imaginaires, et ne correspondant donc à aucune longueur d'onde réelle, ces primaires ne peuvent bien sûr pas être utilisées pour construire un colorimètre trichromatique. Elles ne sont qu'une fiction mathématique permettant d'extraire des spectres de nouveaux paramètres, appelés "tristimulus" et notés XYZ (ou leurs valeurs relatives xyz, où x = X/(X+Y+Z), etc), beaucoup plus proches des paramètres significatifs pour l'observateur que sont la luminosité, la saturation et la teinte. Mathématiquement, le passage des paramètres RGB aux paramètres XYZ correspond à une transformation linéaire de l'espace RGB et une redéfinition des axes, qui permettent de n'avoir que des coordonnées positives pour toutes les couleurs existantes, et d'associer un des axes (Y) à la perception de luminosité. Dans ce but, la fonction colorimétrique ymoy a été posée égale à la "fonction de luminosité", qui traduit la relation entre la perception de luminosité et l'énergie physique réelle du rayonnement à chaque longueur d'onde, et dont le maximum se situe vers le milieu du spectre (520 nm). La transformation d'axes peut être visualisée en comparant le diagramme de chromaticité (x,y) (fig. V.9) au diagramme (r,g) (fig. V.8). Dans le nouveau système d'axes (x,y), les anciens axes r et g se superposent aux droites reliant les primaires B-R et B-G respectivement. On voit que toutes les couleurs réelles se situent maintenant dans le quadrant positif du diagramme. Le changement d'axes correspondant au passage à des primaires imaginaires peut donc être vu comme une manière de gauchir l'espace et prendre du recul (déplacer l'origine) par rapport aux couleurs réelles pour les resituer à des coordonnées positives. Comme le diagramme (r,g), le diagramme de chromaticité (x,y) respecte l'additivité des couleurs. Les régions des différentes couleurs sont plus équilibrées et mieux réparties autour du point blanc, et la coordonnée (y) donne une bonne idée de la luminosité relative. Par contre, étant issu de transformations linéaires du spectre, l'espace XYZ reste peu fidèle au caractère non linéaire de la perception de la couleur : la même distance entre deux points XYZ peut correspondre à une

129

différence de couleur frappante ou imperceptible, selon la région de l'espace XYZ dans laquelle ils se trouvent.

Fig. V.9. Diagramme xy (CIE), explications.

485

490

495

380460

470475

480

485

610620

630700780

580585

590595

600605

560565

570575

580

495

500

505

510

515520525

530535

540545

550555

560

XYZ12400.opj, Grxywl, Tue, 000425 18:40

couleurs qu'on ne peut pas obtenir par mélange des primaires RGB

couleurs qu'on peut obtenir par mélange des primaires RGB

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R

+G+B))

A BD65

primaire imaginaire Z

primaire imaginaire Y

primaire imaginaire X

y (

= Y

/ (X

+Y+

Z))

x (= X / (X+Y+Z))couleurs non-spectrales (pourpres)

primaire bleue (B), 435,6 nm

primaire rouge (R), 700 nm

primaire verte (G), 546,1 nm

130

Pour tenter de définir un espace de couleurs aussi régulier et isotrope que possible en termes de résolution entre les couleurs, de nouveaux paramètres, L*a*b* et L*C*h*, fonctions de la racine cubique des paramètres XYZ, ont été proposés par la CIE en 1976 (fig.V.10). Ces fonctions ont été définies de manière à ce que l'axe vertical (L*) corresponde le plus fidèlement possible à la luminosité. Sur cet axe, la teinte est nulle (a* = b* = 0) : il va donc du noir (L* = 0) au blanc (L* = 100). L'axe a* va du vert (a* < 0) au rouge (a* > 0), et l'axe b* du bleu (b* < 0) au jaune (b* > 0). Une verticale parallèle à l'axe L* mais distinct de celui-ci ira par exemple d'un bleu très sombre à un bleu très clair. Les coordonnées L*C*h* sont la version cylindrique des coordonnées L*a*b* : C* est la saturation, et h* (paramètre angulaire) la teinte. L'espace ainsi défini ressemble à l'"arbre des couleurs" de Munsell (Taylor / Marks, 1966). La distance entre deux couleurs, égale à la racine carrée de ((∆(L*) 2+∆(a*)2+∆(b*)2), est notée ∆(E). Un ∆(E) égal à 1 est à peu près la plus petite différence perceptible entre deux couleurs pour un observateur moyen.

Fig. V.10. Diagramme a*b* (CIE), explications.

C*h*

b* <

0b*

> 0

a* < 0 a* > 0

XYZ12400.opj, GrLabcoul, Tue, 000425 18:42

131

V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la laque RT2 et d'une laine teinte de référence

À titre d'exemples, les figures V.12 et V.13 donnent les spectres (obtenus par microspectrophotométrie en réflectance), sous forme linéaire (R) et logarithmique (absorbance A = log (1/R)), et les positions dans les diagrammes (r,g), (x,y) et (a*,b*), de la laque RT2 (fig. V.11), et de la laine bleue N° 8, référence classique dans les études de stabilité à la lumière (fig. V.11). La laque RT2 a été étudiée sous deux formes: poudre pressée sur une lame de verre, et, en vue des études de vieillissement, poudre fixée sur un filtre Millipore spécial (§ V.7.3). La laine était entourée autour d'une lame de verre. À chaque fois, deux spectres ont été pris dans deux zones différentes de l'échantillon.

Fig. V.11. Vue au microscope de la laque RT2 (gr. 200x) et de la laine bleue de référence N°8 (gr. 50x) .

Fig. V.12. Spectre de réflectance de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

400 450 500 550 600 650 700

0.1

0.2

0.3

455 nm

590 nm

510 nm

laine bleue,STD 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

R

wl (nm)

132

Fig. V.13. Spectre d'absorbance (A = log(1/R)) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

V.7.2.1. Spectres de réflectance Les spectres de réflectance (fig.V.12) de la laine montrent qu'elle réfléchit le bleu (430-490 nm : R > 14%), avec un maximum vers 455 nm, et absorbe le vert et surtout le rouge (530-715 nm : R < 9%). Inversement la laque RT2, pressée ou filtrée, absorbe le bleu et le vert, et réfléchit le rouge. Cependant la laque pressée réfléchit beaucoup plus de rouge (R ~ 30%) que la laque filtrée (R ~ 10%), alors que toutes deux ont la même faible réflectance dans le bleu lointain (~ 9% à 380 nm). Cette composante bleue doit donc faire tendre la couleur vers le violet surtout pour la laque sur filtre. Avec la laine bleue, les deux spectres pris dans des zones différentes de la laine bleue sont quasiment identiques. Par contre avec la laque pressée il y a une différence de 3 % à 700 nm, et avec la laque sur filtre une différence de 1,5 % entre 380 et 550 nm, attribuables à l'hétérogénéité des échantillons.

V.7.2.2. Spectres d'absorbance Les spectres d'absorbance (A(réfl) = log(1/R)) donnent bien sûr une courbe d'allure identique mais inversée (fig.V.13). On y distingue mieux les positions des maxima d'absorbance de la laine vers 590 nm et de la laque vers 510 nm. C'est cette fois entre les deux spectres de la laque filtrée qu'il y a le plus de différence : 0,2 entre 450 et 550 nm, contre 0,05 à 700 nm pour la laque pressée.

400 450 500 550 600 650 7000.6

0.8

1.0

1.2

1.4

1.6

455 nm

590 nm

510 nm

laine bleue,STD 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

RFLX_EX1.opj, GrABS, Thu, 000427 17:40

log

(1/R

)

wl (nm)

133

V.7.2.3. Diagrammes rg et xy La couleur de la laine bleue, calculée pour l'illuminant D65 à partir des spectres de réflectance, se situe dans les diagrammes (r,g) et (x,y) (fig.V.14 et V.15) entre le point blanc (D65) et la région bleue de la courbe des couleurs spectrales. La "longueur d'onde dominante" (intersection de la droite passant par la couleur et le point D65 avec la courbe des couleurs spectrales) est 480 nm, légèrement plus élevée que le maximum de réflectance (455 nm). Suite à la présence d'une composante bleue dans les spectres de réflectance des deux échantillons de laque RT2, les droites passant par le point D65 et par les couleurs des deux échantillons, dans les diagrammes (r,g) et (x,y), ne coupent pas la courbe des couleurs spectrales, mais la droite des pourpres. Ce caractère pourpre est, comme attendu, plus marqué pour la laque sur filtre que pour la laque pressée. Dans les deux diagrammes, la différence de couleur entre deux zones de l'échantillon paraît plus grande pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

Fig. V.14. Exemple : Cordonnées colorimétriques rg (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

.

-1 0 1

1

2

dominante :480 nm

laine bleue,std 8

laque RT2,pressée

D65

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R+G+B))

laque RT2,sur filtre

134

Fig. V.15. Exemple : Coordonnées colorimétriques xy (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

0 1

1

XYZ12400.opj, Grexemplesxy, Tue, 000425 18:49

dominante :480 nm

laine bleue,std 8

laque RT2,pressée

laque RT2,sur filtre

g (

= G

/ (R

+G+B

))

r (= R / (R

+G+B))D65

y (

= Y

/ (X

+Y+

Z))

x (= X / (X+Y+Z))

135

V.7.2.4. Diagrammes a*b* Dans le diagramme (a*,b*), la couleur de la laine est très proche de l'axe b*, côté bleu (b* < 0). Celles des deux échantillons de laque RT2 sont proches de l'axe a*, côté rouge (a* > 0). La couleur de la laque sur filtre est plus près de l'origine, donc moins saturée, et plus proche des pourpres (h* ~ -2 contre ~ 13) que celle de la laque pressée. La différence de couleur entre deux zones de l'échantillon est ici aussi plus importante pour la laque sur filtre (∆Ε=4,5) que pour la laque pressée (∆Ε=1,8). Elle reste cependant faible par rapport aux 16 à 20 unités qui séparent la laque sur filtre de la laque pressée.

Fig. V.16. Exemple : Coordonnées colorimétriques a*b* (CIE) de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.

-10 0 10 20 30 40

-40

-30

-20

-10

0

10

laque RT2,sur filtre

laine bleue,std 8

laque RT2,presséelaque RT2,

sur filtreD65

b*

a*

136

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons (poudres pressées ou fixées sur filtre)

Dans ce travail, deux séries de mesures des couleurs des laques ont été réalisées : d'une part, une sélection de laques d'anthraquinones de synthèse et de laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtres, en vue des études de vieillissement (tabl. V.13 et V.14), et d'autre part l'ensemble des laques d'extraits de Rubiacées, sous forme de poudres pressées (tabl. V.12). Or les figures V.14 à V.16 montrent qu'il y a une différence significative entre les couleurs que peut donner une même laque, selon qu'elle est pressée sur une lame de verre ou fixée sur un filtre en ester de cellulose (Millipore MF HA013). Heureusement, les positions relatives des couleurs de laques différentes ne sont que peu affectées, comme on peut le voir p.ex. sur la figure V.17 (coordonnées (a*,b*) de quatre laques de Rubia tinctorum L., pressées et sur filtre). On peut donc comparer entre elles les couleurs de laques différentes, à condition de veiller à ce qu'elles soient dans le même état physique.

Fig. V.17. Laques pressées et laques sur filtre : déplacement des couleurs dans le diagramme a*, b* (CIE)

0 10 20 30 40

0

10

20

RT2 RT9

RT10

RT15

RT2 RT9

RT10

RT15

pressées sur filtre

b* (

CIE

)

a* (CIE)

137

Fig. V.18. Alizarine, purpurine, quinizarine et leurs laques, Aliz5, Pu3, Qui2.

Poudres vues au microscope (gr. 200x), peintures sur toile

138

Tableau V.12 Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres pressées sur lame de verre.

L* a* b* C h x y Y

RT1 34 37 15 40 23 0.49 0.32 8

RT2 29 37 8 38 13 0.47 0.30 6

RT3 31 39 26 47 33 0.54 0.34 7

RT4 24 34 11 36 18 0.49 0.31 4

RT5 43 32 13 35 22 0.44 0.33 13

RT6 40 38 23 44 31 0.49 0.34 11

RT7 47 21 13 25 31 0.40 0.34 16

RT8 26 33 8 34 13 0.46 0.30 5

RT9 69 31 9 32 16 0.39 0.32 39

RT10 28 36 12 38 19 0.49 0.31 5

RT11 28 33 15 36 24 0.49 0.32 6

RT13 39 18 11 21 30 0.40 0.34 11

RT14 38 36 18 40 27 0.48 0.33 10

RT15 31 34 16 38 26 0.49 0.33 7

RT16 58 25 10 27 22 0.39 0.33 26

RT17 47 37 7 38 11 0.42 0.31 16

RT18 75 20 11 23 29 0.37 0.34 49

RT19 66 38 -4 39 -6 0.37 0.29 35

RT20 42 34 13 37 20 0.45 0.32 12.2

RT21 25 34 9 36 15 0.49 0.30 4.5

RT22 37 43 4 43 5 0.45 0.28 10

RT23 33 44 6 45 8 0.47 0.28 8

RT24 68 46 -3 46 -3 0.39 0.29 38

RT25 56 54 1 54 1 0.42 0.28 24

RT26 38 38 9 39 14 0.45 0.31 10

RT27 51 27 9 28 18 0.40 0.32 19

RT28 50 32 7 33 13 0.41 0.31 18

RT29 50 32 10 33 18 0.42 0.32 18

RT30 19 21 14 25 34 0.48 0.35 3

RT31 53 47 20 51 23 0.48 0.32 20.8

RP2 54 29 6 29 12 0.39 0.32 22

RP3 47 32 7 32 12 0.41 0.31 16

RP7 46 20 11 23 29 0.40 0.34 15.5

RP12 57 25 9 27 20 0.39 0.33 24.5

GA2 36 29 9 30 16 0.43 0.32 9

GA3 34 31 14 34 25 0.46 0.33 8

GA8 41 19 6 20 18 0.39 0.33 11.7

GB2 38 32 11 34 19 0.44 0.32 10.3

GM2 46 34 9 35 15 0.42 0.31 16

GM3 37 33 14 36 24 0.46 0.33 10

GM8 47 21 6 22 17 0.39 0.32 16.0

GS2 41 31 11 33 20 0.43 0.32 12

GS3 43 35 16 38 25 0.46 0.33 13

GS8 50 24 9 26 19 0.40 0.33 18.7

GV2 60 18 8 20 24 0.37 0.33 28

GV3 56 23 11 25 26 0.39 0.34 24

GV12 55 8 10 13 53 0.36 0.35 22.9

AT2 31 24 12 27 27 0.44 0.34 7

139

Fig. V.19. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant

entre parenthèses). Poudres vues au microscope (gr. x200)

140

Tableau V.13. Cordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et de la laine teinte par Rubia tinctorum L.

L* a* b* C h x y Y RT1 25 24 6 25 15 0.43 0.31 5 RT2 25 24 0 23 1 0.40 0.29 4 RT3 23 24 15 28 31 0.48 0.34 4 RT6 32 18 6 19 19 0.39 0.33 7 RT7 26 24 8 25 18 0.44 0.32 5 RT9 58 10 1 10 6 0.33 0.32 25 RT10 23 25 4 25 10 0.43 0.30 4 RT15 24 20 9 22 23 0.43 0.33 4 RT17 42 29 3 29 6 0.40 0.30 12 RT19 62 25 -11 27 -23 0.33 0.28 30 RT24 58 32 -12 35 -21 0.34 0.27 26 RP2 44 10 -7 13 -35 0.31 0.30 19 GA2 29 20 3 20 8 0.39 0.31 6 GB2 32 20 3 21 9 0.39 0.31 7 GM2 38 16 -4 17 -14 0.34 0.30 13 GS2 36 21 6 22 15 0.39 0.32 9 GV2 53 7 -3 8 -19 0.32 0.32 25 AT2 27 17 6 17 19 0.39 0.33 5 RT-L2 21 24 10 26 23 0.47 0.32 3

Tableau V.14. Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des anthraquinones de

synthèse, de leurs laques, sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et des laines teintes par ces anthraquinones.

M/L L* a* b* C* h* x y Y Aliz 38 17 39 42 67 0.49 0.42 10.3 Aliz 0 0.5 19 18 13 22 35 0.47 0.35 2.7 Aliz 1 7.4 16 19 9 21 26 0.46 0.33 2.1 Aliz 2 2 23 3 5 6 62 0.35 0.35 3.8 Aliz 3 2 22 7 3 8 23 0.36 0.33 3.5 Aliz 4 10 21 18 8 19 24 0.43 0.33 3.1 Aliz 5 10 18 19 8 21 24 0.45 0.33 2.5 Aliz 6 50 43 22 6 23 16 0.39 0.32 13.0 Aliz 7 10 19 19 9 21 25 0.45 0.33 12.8 Aliz 8 12.5 19 18 8 20 24 0.44 0.33 2.7 AlPu 10 31 30 9 32 17 0.45 0.31 6.7 AlQu 10 29 36 5 36 9 0.46 0.29 5.8 col3 10 37 38 6 39 8 0.44 0.29 9.3 col4 10 28 29 1 29 2 0.41 0.29 5.6 Purp 24 4 6 7 58 0.36 0.35 4.1 Pu 1 2 16 13 6 14 27 0.41 0.33 2.0 Pu 2 10 20 24 4 24 11 0.44 0.30 2.9 Pu 3 10 21 30 8 31 14 0.48 0.30 3.1 AcRub 20 15 8 17 28 0.42 0.34 2.9 AR 1 2 26 23 19 30 39 0.49 0.36 4.6 AR 2 10 44 19 14 24 35 0.41 0.35 14.0 Quiniz 32 12 15 19 51 0.41 0.37 7.3 Qui 1 2 22 15 10 18 32 0.42 0.34 3.6 Qui 2 10 19 32 -4 32 52 0.42 0.25 2.7 Aliz-L2 28 37 15 40 23 0.51 0.31 5 Pu-L2 31 44 22 49 27 0.55 0.32 7 Qui-L1 47 36 20 41 29 0.46 0.34 16

141

Fig. V.20. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre

parenthèses). Vue macroscopique des poudres.

142

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones de synthèse La figure V.18 montre les aspects de l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, et d'exemples de leurs laques, sous trois formes: poudres fixées sur filtre (photographiées au microscope), poudres posées sur de la porcelaine (photographie digitale), et peintures sur toile (liant paraloïd ; digitalisées par scanner). Les figures suivantes (V.19 à V.21 et V.23) montrent l'ensemble des laques préparées à partir d'anthraquinones de synthèse, respectivement sous forme de poudres fixées sur filtre, de poudres posées sur porcelaine, de peintures sur toile et de peintures sur papier. On savait déjà (chap. IV) que, comme attendu, la teneur en colorants dans les laques d'anthraquinones de synthèse, mesurée par HPLC, diminue avec le rapport aluminium / colorant M/L, de ~ 60% (Aliz0, M/L = 0,5) à ~ 4% (Aliz6, M/L = 50). On peut voir sur les figures V.18, V.19, V.20, V.21 et V.23 que la couleur aussi est influencée principalement par ce paramètre.

143

Fig. V.21. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre parenthèses). Peintures sur papier.

144

V.7.4.1. Alizarine On peut voir sur les figures V.18 à V.21 que l'alizarine sans aluminium est orange (poudre) à orange-brun (peinture). Rappelons qu'en solution l'alizarine est jaune sous sa forme acide (pH < 6) et rouge sous sa forme monodéprotonée (monophénolate, 7 < pH < 10), propriété à la base de son utilité comme indicateur de pH. Il est probable que la couleur orange de la poudre d'alizarine synthétique utilisée ici est partiellement due à ce qu'une partie se trouve non sous forme acide mais sous forme de sel. De fait de faibles quantités de sodium et d'aluminium ont été détectées dans l'alizarine à l'occasion de l'étude par spectrométrie de masse SIMS. Les laques de rapport M/L = ~10 sont rouge foncé à rouge brun. Les laques Aliz2 et Aliz3, de rapport M/L = 2, sont rouge-brun (fig. V.20 et V.21). Inversement la laque Aliz6, de rapport M/L = 50, est d'un rouge tirant sur le rose sous forme de poudre (fig. V.19. et V. 20), et donne la couleur la plus belle et la plus lumineuse sous forme de peinture sur toile (fig. V. 21 et V. 20). Les spectres d'absorbance (log (1/R)) (fig. V.22) des laques rouges (M/L = 10) sur filtres présentent une large bande d'absorption culminant vers 500 nm. En comparaison, les spectres des laques brunes (M/L = 2) sont beaucoup plus plats, et inversement la bande d'absorption de la laque Aliz6 (M/L = 50), en plus d'être moins intense, est légèrement plus étroite. Fig.V.22. Spectres d'absorbance (log (1/R) Dans le diagramme a*,b*(CIE), figure V.24, la couleur orange de l'alizarine pure se situe bien au-dessus (a* = 17, b* = 39, h* = 67°) de celles des laques d'alizarine. La saturation (C*, distance par rapport à l'origine) de ces dernières augmente avec le rapport M/L : du brun (M/L = 2, a* = 3 à 7, b* = 3 à 5, C* = 6 à 8) au rouge (M/L ~ 10, a* = 18 à 19, b* = 8 à 9, C* = 19 à 21), puis au rouge encore légèrement plus saturé de la laque Aliz6 (M/L = 50, a* = 22, b* = 6, C* = 23). Tous les échantillons ont une luminosité (L*) relativement basse (L* = 16 à 23), sauf l'alizarine pure (L* = 38) et la laque la plus riche en alumine (Aliz6, M/L = 50, L* = 43).

400 450 500 550 600 650 700 7500.5

1.0

1.5

2.0

500 nm(laques)

ALIZ 4,5,7,8 M/L 10

ALIZ 2, 3, M/L 2

ALIZ 6, M/L 50

alizarine

430 nm(alizarine)

log(

1/R

)

wl (nm)

145

Fig. V.23. Anthraquinones de synthèse et leurs laques. Peintures sur toile.

146

Comme dans le cas de la laque RT2 décrite en exemple plus haut, il y a une certaine composante bleue dans la couleur des laques, due à l'absorbance plus faible au-dessous de ~ 430 nm, et qui peut tirer leur teinte vers le pourpre. L'influence de la température de préparation de la laque dépend du rapport M/L. À M/L = 2, une température élevée donne une couleur plus saturée (laques Aliz2 et Aliz3, préparées à température ambiante et 90 °C : a* = 3 et 7 respectivement). À M/L = 10, aucune différence significative n'est observée.

Fig.V.24. Diagramme a*b* (CIE) de l'alizarine, ses laques (Aliz 1-8) et de la laine teinte par alizarine (Aliz-L2)

Toujours à M/L ~ 10, il n'y a pas non plus de modification significative de la couleur quand la laque a été précipitée par Na2CO3 (Aliz7) plutôt que K2CO3 , ni quand le K2CO3 est ajouté avant le sulfate d'aluminium à la suspension d'alizarine (Aliz8). La couleur de la laine teinte à l'alizarine est beaucoup plus saturée que celles des laques (fig.V.24) V.7.4.2. Purpurine La purpurine pure, en poudre ou en peinture, n'est pas orange comme l'alizarine, mais brune (figures V.18 à V.21 et V23). Par contre les laques sont d'un rouge foncé proche de celui des laques d'alizarine (figures V.18 à V.21 et V.23). Sur filtre, le spectre d'absorbance de la purpurine est relativement plat (fig.V.25). L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L dans le bleu et le vert (450-

10 20 30 40

0

10

20

30

40

Aliz - L2

M/L > 2

M/L = 2

Alizarine

Aliz6

Aliz1,4,5,7,8

Aliz3Aliz2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

147

550 nm) et diminue dans le rouge (> 600 nm). Deux maxima d'absorption peuvent être distingués, à ~505 et ~540 nm.

Fig.V.25. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la purpurine et de ses laques. Les coordonnées colorimétriques du brun de la purpurine (a* = 4, b* = 6, C* = 7) sont proches de l'origine (fig.V.26). La luminosité (L* = 24) est plus faible que celle de l'alizarine. Les coordonnées des laques (M/L = 2 : a* = 13, C* = 14 ; M/L = 10 : a* = 24-30, C* = 24-31) indiquent que leur rouge est plus saturé que celui des laques d'alizarine de même rapport M/L.

Fig.V.26. Diagramme a*b* (CIE) de la purpurine, ses laques (Pu1 - 3) et de la laine

teinte par purpurine (Pu-L2).

À M/L = 10, la couleur est encore plus intense si la laque a été préparée à 90 °C (Pu3 : a* = 30) qu'à température ambiante (Pu1 : a* = 24), alors qu'à ce rapport M/L les laques d'alizarine n'étaient pas affectées par la température.

0 10 20 30 40

10

20 Pu - L2

M/L > 2M/L = 2

Pu3

Pu2Pu1

Purpurine

b* (

CIE

)

a* (CIE)

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0

540 nm

PU 2,3 ; M/L 10

PU1, M/L 2purpurine

505 nm

log

(1/R

)

wl (nm)

148

V.7.4.3. Quinizarine En poudre ou en peinture, la quinizarine pure est brun-orange, et les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont respectivement rouge et rouge-violet (fig. V.18 à V.21 et V.23). Sur filtre, la quinizarine absorbe fortement entre 400 - 580 nm (fig.V.27). L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L et se déplace vers les plus hautes longueurs d'onde dans la région 450-600 nm, avec des maxima à ~520 et ~565 nm. Inversement elle diminue fortement au-dessous de 450 nm, ce qui explique la tendance au violet. Fig.V.27. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la quinizarine et de ses laques. Les coordonnées colorimétriques (fig. V.28) de la quinizarine la situent dans un orange moins saturé (C* = 19) et plus proche du rouge (b* = 15, h* = 51°) que celui de l'alizarine (C* = 42, b* = 39, h* = 67°). L'évolution de la couleur des laques vers le rouge puis le rouge-violet se traduit dans le diagramme (a*,b*) par un déplacement vers la droite (plus de rouge) et vers le bas (plus de bleu) (M/L = 2 : a* = 15, b* = 10, h* = 32° ; M/L = 10 : a* = 32, b* = -4, h* = -7°).

Fig.V.28. Diagramme a*b* (CIE) de la quinizarine, ses laques (Qui1 - 2) et de la laine teinte par quinizarine (Qui-L2).

0 10 20 30 40

-10

0

10

20Qui - L1

M/L > 2

M/L = 2

Qui2

Qui1

Quinizarine

b*C

IE

a* CIE

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0

532 nm

QUI 1, M/L 2

430 nm

525 nm

QUI 2, M/L 10

Quinizarine

567 nm

log

(1/R

)

wl (nm)

149

V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones Les laques AlPu, AlQu et AlPuQu ont été préparées à partir de mélanges alizarine/purpurine, alizarine/quinizarine et alizarine/purpurine/quinizarine, à concentration totale en colorants constante. Les poudres (fig.V.19 et V.20) et les peintures (fig.V.21 et V.23) sont de beaux rouges, avec des variations dans les teintes qui reflètent leur composition. Ainsi celles qui contiennent de la quinizarine tirent sur le violet. Les coordonnées colorimétriques de ces laques déposées sur filtre (fig.V.29) indiquent qu'elles sont plus saturées (a* = 28-37, C* = 29-39) que les laques de même rapport M/L ne contenant qu'une anthraquinone (Aliz4 à Aliz8, a* = 18-22, C* = 19-23 ; Pu2, a* = 24, C* = 24 ; Qui2, a* = 32, C* = 32). Elles sont aussi moins jaunes ou plus pourpres (h* = 2°-17°) que les laques d'alizarine (h* = 16°-25°)

Fig.V.29. Diagramme a*b* (CIE) des laques de mélanges d'anthraquinones (AlPu,

AlQui, 3col et 4col). V.7.4.5. Acide rubérythrique Comme déjà dit plus haut (§ IV.2.2.3 et V.6.3), l'échantillon d'acide rubérythrique utilisé ici n'est pas une molécule de synthèse mais un extrait commercial, qui contient en fait non seulement de l'acide rubérythrique vrai (1-OH, 2-O-primvéroside), précurseur de l'alizarine, mais aussi un autre glycoside (1-OH, 2-CH2-O-primvéroside, 3-OH), précurseur de la lucidine. En poudre, ce mélange est brun-rouge, avec aussi des grains jaunes (fig.V.19 et V.20). Une très petite quantité d'acide rubérythrique pur, obtenue par séparation par HPLC à pH 2,5, était parfaitement jaune après séchage.

10 20 30 40

0

10 AlPu

AlQu col3

col4

M/L = 10

b* (

CIE

)

a* (CIE)

150

Les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont rouge et rouge-orange respectivement. En peinture (fig.V.21 et V.23), le mélange sans aluminium est jaune-brun, et les laques sont rouge et orange respectivement. Sur filtre, l'absorbance (fig. V.30) diminue avec le rapport M/L, surtout entre 500 et 600 nm, ce qui explique la tendance à l'orange. Les coordonnées colorimétriques (fig.V.31) vont du brun-rouge du mélange sans aluminium (a* = 15, b* = 8, h* = 28°) au rouge-orange des laques (a* = 19-23, b* = 14-19, h* = 35°-39°).

Fig.V.30. Spectres d'absorbance (log (1/R) de l'acide rubérythrique et de ses laques (AR1 - 2).

Fig.V.31. Diagramme a*b* (CIE) de l'acide rubérythrique et de ses laques (AR1 - 2).

10 20 30

0

10

20

30

AcRub

AR1

AR2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

400 500 600 7000.5

1.0

1.5

2.0482 nm

AR 2, M/L 10

AR 1, M/L 2

acide rubérythrique492 nm

log(

1/R

)

wl (nm)

151

V.7.4.6. Discussion Deux explications peuvent être données au fait que les laques aux couleurs les plus saturées soient les plus riches non pas en colorant, comme on s'y serait attendu, mais au contraire en alumine. La première serait que l'excès de colorant (M/L = 2 : teneur théorique ~ 60%) assombrisse la couleur et ainsi la désature. Mais on s'attendrait alors à ce que la luminosité des laques soit plus faible à M/L = 2 qu'à M/L = 10, ce qui n'est pas le cas. De plus il semble peu probable que cette explication puisse être invoquée dans le cas de la couleur de la laque Aliz6 de rapport M/L = 50, qui, malgré plus grande dilution dans le blanc de l'alumine reste légèrement plus saturée que celles des laques de rapport M/L ~10. Une autre explication serait le degré de complexation. En effet la réaction de complexation n'est pas complète, comme on peut le voir sur les photos au microscope : il reste des grains de colorant non complexé, d'autant plus visibles que leur teinte diffère de celle des complexes. La proportion de colorant qui se complexe avec l'aluminium devrait logiquement augmenter avec le rapport M/L. Cette évolution est particulièrement nette dans le cas de la quinizarine, dont les photos au microscope (fig. V.19) montrent que la laque de rapport M/L = 2 est constituée d'un mélange de grains brun-orange (quinizarine non complexée) et rouge-violet (alumine colorée par les complexes). Comme on l'a vu sur le diagramme (a*,b*), ce mélange produit une couleur intermédiaire, en saturation mais aussi en teinte (tendance au violet, diminution de b*), entre celles de la quinizarine pure et de la laque de rapport M/L = 10. L'influence de la température de préparation sur la couleur des laques est en accord avec cette hypothèse. La température accélère la dissolution des colorants et leur complexation avec l'aluminium, et la couleur finale est plus saturée. Ce phénomène est observé avec les laques Aliz2 et Aliz3 (M/L = 2) et Pu2 et Pu3 (M/L = 10), mais pas avec Aliz4 et Aliz5 (M/L = 10). Apparemment, avec l'alizarine, un rapport M/L = 10 est suffisant pour que la réaction se fasse facilement même à température ambiante. A l'observation au microscope, la diminution de la proportion de grains de colorant non complexé avec le rapport M/L semble plus forte pour l'alizarine que pour la purpurine et surtout la quinizarine. Cette séquence résulte probablement des différences de solubilité et de constante de complexation des molécules avec l'aluminium.

152

Fig. V.32. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Vue macroscopique des poudres.

153

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées Les compositions des laques d'extraits de Rubiacées sont données dans les tableaux V.10 (après l'extraction par LiF) et V.11 (après l'extraction par HCl) introduits précédemment. Leurs couleurs, sous forme de poudres et de peintures sur toile, peuvent être observées sur les figures V.32, V.34 et V.35. Les coordonnées colorimétriques de ces laques sont rassemblées à la figure V.33 (pressées sur lame de verre). Elles sont centrées sur une région (a* = 30-37, b* = 8-15) (fig. V.33). Comme on l'a déjà vu plus haut (§ V.7.3), les positions dans les diagrammes (a*,b*) (fig. V.17) indiquent que les couleurs sont systématiquement plus saturées quand les laques sont pressées sur des lamelles de verre que quand elles sont fixées sur les filtres Millipore (§ V.7.3). Fig.V.33. Diagramme a*b* (CIE) des laques d'extrait de Rubiacées (poudres pressées). Nous allons maintenant observer l'influence de quelques paramètres sur la composition et la couleur.

0 10 20 30 40 50

0

10

20

30

RT1

RT2

RT3

RT4

RT5

RT6

RT7

RT8 RT9

RT10

RT11

RT13

RT14

RT15

RT16

RT17

RT18

RT19

RT22

RT23

RT24

RT25

RT26RT27

RT28

RT29

RT30

RP2

GA2

GA3

GM2

GM3

GS2

GS3

GV2

GV3 AT2

b* (

CIE

)

a* (CIE)

154

Fig. V.34. Laques de Rubia tinctorum L. Peintures sur toile.

155

Fig. V.35. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Peintures sur toile.

156

V.7.5.1. Température du bain d'extraction Les laques RT1, RT2 et RT3 (fig. V.32 et V.34) ont été préparées par extraction de racines de Rubia tinctorum L. pendant 60 min. à 20°C, 60°C et 90°C respectivement, puis addition du KAl(SO4)2 et précipitation par K2CO3 (mode op. "RT2" et variantes, § V.2, V.3 et annexe 1, tabl. A1.5). Les compositions en colorants, mesurées par HPLC (fig. V.36), sont données dans le tableau V.10 et V.11 (§ V.6.3).

Fig.V.36. Chromatogrammes des laques RT1 (20°C), RT2 (60°C) et RT3 (90°C) après extraction par LiF.

On retrouve dans les trois laques de l'alizarine (2,6 à 7,2 mg/g), de la pseudopurpurine (7,2 à 11 mg/g) et de la purpurine (0,5 à 2,4 mg/g). La principale différence entre les laques est la teneur en deux glycosides, l'acide rubérythrique et le précurseur de la lucidine : faible à 60°C (3,2 et 1,6 mg/g), mais élevée à 20°C (13 et 2,6 mg/g), et encore plus élevée à 90°C (61 et 57 mg/g). Cela s'explique par l'influence de la température sur l'activité enzymatique, responsable de l'hydrolyse des glycosides : elle est moins élevée à 20°C qu'à 60°C, et totalement inhibée à 90°C par dénaturation des enzymes. On retrouve d'ailleurs à 90°C d'autres glycosides, précurseurs de la pseudopurpurine, qui sont absents des laques préparées à 20°C et 60°C. La perte des précurseurs à 20°C et 60°C ne se traduit cependant pas par une augmentation équivalente de la teneur en aglycones, probablement à cause de la faible solubilité de ceux-ci, qui fait que la plus grosse partie est perdue, adsorbée sur les débris de racines, lors de la filtration.

Fig.V.37. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT1, RT2, RT3, (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

30

RT1

RT2

RT3

Température

b* (

CIE

)

a* (CIE)

5 10 15 20 25

0

2

4

6

8

inc. à 27

purpurineanthragallol

alizarinepseudopurpurine

primvéroside de lucidine

primvéroside d'alizarine

20 °C

60 °C

90 °C

précurseurs depseudopurpurine

Au.

s*10

/ m

g

minutes

157

La présence des glycosides se traduit dans les couleurs par une légère tendance à l'orange (fig.V.32 et V.34), visible aussi bien dans les coordonnées colorimétriques des laques fixées sur filtre que des laques pressées : la valeur de b* est la plus élevée pour RT3 (90°C) et la plus basse pour RT2 (60 °), alors que a* reste à peu près constante (fig. V.37, tabl. V.12 et V.13). V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine : "laque de Kopp" Au siècle passé le chimiste allemand Kopp a proposé un traitement de la garance permettant de séparer la pseudopurpurine1 de l'alizarine (Perkin/Everest, 1918; Schweppe et Winter, 1997). Cette séparation est basée sur la plus grande résistance de l'acide rubérythrique, précurseur de l'alizarine, à l'hydrolyse en milieu acide. Nous nous sommes inspirés de cette procédure pour la préparation de RT19, laque de pseudopurpurine. Les morceaux de racine ont été plongés une heure dans une solution d'acide sulfurique 1% (~ 0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après élimination des débris de racine par filtration, la solution a été chauffée à 60°C pendant une demi-heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se sont transformés en pseudopurpurine, qui a précipité, tandis que l'acide rubérythrique a résisté à l'hydrolyse et est resté en solution. Le précipité rouge a été récupéré par filtration, puis redissout dans le sulfate d'aluminium pour la formation des complexes avec l'aluminium, qui ont été précipités par ajout de K2CO3. Comme prévu la laque ainsi obtenue contenait surtout de la pseudopurpurine (2 mg/g). Elle contenait aussi un peu de purpurine (0,2 mg/g) et des traces d'acide rubérythrique (0,02 mg/g), mais pas d'alizarine. La poudre est d'un rose (fig.V.32 et V.34) fort proche de celui d'une laque commerciale (RT24 : "Garance rose clair" de Blockx, cfr. annexe 1), dont le colorant principal est aussi la pseudopurpurine, mais en quantité plus faible (1,6 mg/g). On peut supposer que cette laque a aussi été préparée par une variante de la méthode de Kopp. Dans son Compendium pour les artistes, Blockx ne livre pas son secret mais précise que les nuances des différentes laques de garance sont obtenues par des variations du mode de préparation. Pressées ou sur filtre, les deux laques ont des valeurs négatives de b* (-3 à -12) et h* (-3° à -23°) (fig.V.38), ce qui indique que leur couleur est plus pourpre ou moins orange que celle des laques d'alizarine. Fig.V.38. Diagramme a*b* (CIE) des laques de pseudopurpurine, (poudres pressées et sur filtre).

1 Qui donne la purpurine par décarboxylation.

10 20 30 40 50

-10

0

10

RT19RT24

RT19 RT24

pressée sur filtre

Laques RT19 et RT24

b* (

CIE

)

a* (CIE)

158

V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction des colorants Lors de la préparation des laques RT8 et RT13, les racines ont macéré dans l'eau à température ambiante un et dix jours respectivement avant l'extraction à 60°C. L'alizarine, de 5,4 mg/g (laque de référence RT2), monte à 8 mg/g (RT8, un jour de macération) puis retombe à 2 mg/g (RT13, dix jours) (fig. V.39, tabl. V.10). La pseudopurpurine tombe de 7,2 mg/g à 5,2 mg/g puis à 0, et les faibles quantités de glycosides encore présents après 1 h (ac. rub. 3,2 mg/g, préc. luc. 1,6 mg/g) ont disparu après 24 h.

Fig.V.39. Chromatogrammes des laques RT8 (24h), RT2 (1h) et RT13 (240h) après extraction par LiF.

La laque RT8 est d'un rouge proche de celui de la laque de référence RT2. Par contre la laque RT13 est brune (fig.V.32, V.34 et V.40), probablement à la fois à cause de la disparition de l'alizarine et de la pseudopurpurine, par précipitation à la surface des débris de racines enlevés à la filtration, et de l'extraction progressive de tannins. Fig.V.40. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT2, RT8 et RT13 (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

RT1

RT8

RT13

Temps de macération

b*

(CIE

)

a* (CIE)

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5 24 heures (RT8)

240 heures (RT13)

1heure (RT2)

inc. à 27'

précurseurde lucidine

précurseurd'alizarine

anthragallol

purpurine

alizarine

pseudopurpurine

AU

s*10

/mg

temps [min]

159

V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction Dans le passé, les extractions des colorants végétaux pouvaient se faire à différents pH; neutre dans "l'eau claire", acide dans les solutions de sulfate d'aluminium, basique dans la "lessive de bois". Pour nos laques RT6 et RT7 (fig. V.32 et V.35), les extractions des colorants des racines se sont faites dans des solutions de sulfate d'aluminium (pH 4) et de K2CO3 (pH 8) respectivement.

Après l'extraction dans le sulfate d'aluminium (RT6, pH 4) on retrouve un peu de glycosides (précurseurs de l'alizarine et de la lucidine, 10 et 11 mg/g) et très peu d'aglycones (pseudopurpurine, alizarine, purpurine). La dégradation des glycosides par les enzymes a pu être inhibée par le pH et par la forte concentration en aluminium. Il est aussi possible que les aglycones, d'autant moins solubles que le pH est acide, et les éventuels complexes avec l'aluminium aient été perdus lors de la filtration des restes de racines. La laque RT7 (K2CO3, pH 8) contient autant d'alizarine (5,4 mg/g) que la laque RT2, mais nettement moins de pseudopurpurine (2,2 mg/g contre 7,2 mg/g), probablement hydrolysée (fig. V.41). Fig.V.41. Chromatogrammes des laques RT6 (pH 4), RT7 (pH 8) et RT2 (pH 6) après extraction par LiF. Des trois laques, la RT6, riche en glycosides et pauvre en aglycones, a la couleur la moins saturée (fig.V.42). Bien que ce soit peu visible à l’œil nu, le rouge de la RT7, riche en alizarine mais pauvre en pseudopurpurine, est légèrement plus orange (ou moins pourpre) que celui de la RT2.

Fig.V.42. Diagramme a*b* (CIE) de laques RT6, RT7 et RT2, (poudres pressées). 10 20 30 40

0

10

20

RT2

RT6

RT7

pH

b* (

CIE

)

a* (CIE)

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

purpurine

pH 4 (RT6)

pH 6 (RT2)

pH 8 (RT7)

inc. à 27'

précurseurde lucidine

précurseurd'alizarine

anthragallol

alizarine

pseudopurpurine

RT2 RT6 RT7

AU

s*10

/mg

temps [min]

160

V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation Dans les anciennes recettes on trouve des variations des bases utilisées lors de l'étape de précipitation, le plus souvent le carbonate de potassium mais aussi de sodium ou de calcium, éventuellement des urines (annexe A2). Pour une série de laques, nous avons choisi d'autres bases que le K2CO3 : CaCO3 (RT9), Na2CO3 (RT10) et NH3 (RT15). La laque RT9 se distingue nettement des autres par sa couleur rose pâle (fig.V.32 et V.34). Les chromatogrammes (fig.V.43) confirment que cette laque est la moins riche en colorants. La teneur en glycosides, le rapport alizarine / pseudopurpurine et les coordonnées b* et h* (fig.V.44) des trois autres laques croissent dans le sens RT2 (K2CO3) < RT10 (Na2CO3) < RT15 (NH3).

Fig.V.43. Chromatogrammes des laques RT10 (Na2CO3), RT2 (K2CO3), RT15 (NH4OH) et RT9 (CaCO3) après extraction par LiF.

Fig.V.44. Diagramme a*b* (CIE) des laques RT2, RT9, RT10 et RT15 (poudres pressées).

10 15 20 25

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

CaCO3 (RT9)

NH4OH (RT15)

K2CO3 (RT2)

Na2CO3 (RT10)

précurseurde lucidine

anthragallol

inc. à 27'

purpurine

précurseurd'alizarine

pseudopurpurine

alizarineRTPARAM2.opj, Graph1, Tue, 000425 15:11

AU

s*10

/mg

temps [min]

10 20 30 40

10

20

RT2 RT9

RT10

RT15 Base

b*

(CIE

)

a* (CIE)

161

V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine Les anthraquinones ne sont pas réparties régulièrement dans la racine de garance (§ II. 2). La partie ligneuse à l'intérieur de la racine en contient plus que l'écorce, dans laquelle on trouve aussi des tanins. Les laques RT4 et RT5 ont été préparées à partir d'extraits non pas de la racine entière coupée en morceaux, mais respectivement de l'intérieur et de l'écorce de la racine. La première est foncée, la seconde claire (fig.V.32 et V.34). Dans les coordonnées colorimétriques (poudres pressées) cette différence se traduit surtout par la luminosité L* : 23 (intérieur) < 28 (racine entière) < 42 (écorce). La laque RT4 (intérieur) est très riche en aglycones et glycosides (fig.V.45) : elle contient assez bien d'alizarine (10 mg/g) et surtout de la pseudopurpurine (24 mg/g), ainsi que des précurseurs de l'alizarine (17 mg/g) et de la lucidine (21 mg/g). Inversement la laque RT5 (écorce) est très pauvre en colorants, et contient deux fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que d'alizarine (2 mg/g).

Fig.V.45. Chromatogrammes des laques RT4 (intérieur), RT2 (racine complète), et RT5 (écorce) après extraction par LiF.

. Fig.V.46.

Diagramme a*b* (CIE) des laques RT4, RT2 et RT5 (poudres pressées).

5 10 15 20 25

0

1

2

3

4

5

6

7

intérieur (RT4)

écorce (RT5)

racine complète (RT2)

Au.

s*10

/ m

g

temps (minutes)

primvéroside d'alizarine

primvéroside de lucidine

anthragallol

alizarine

pseudopurpurine

purpurine

inc. à 27

10 20 30 40

10

20

RT2

RT4 RT5

intérieur ou écorce

b* (

CIE

)

a* (CIE)

162

La RT4, riche en glycosides mais aussi en pseudopurpurine (tendance au rouge ou au pourpre), n'est que légèrement plus orange (b* = 11, h = 18°) que la RT2 (b* = 8, h = 13°). La RT5, pourtant pauvre en glycosides, tire plus vers l'orange (b* = 13, h = 22°) que la RT4 et le RT2, probablement à cause du rapport alizarine/pseudopurpurine élevé (fig.V.46). V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes Le procédé de préparation des laques à partir des colorants récupérés de textile teint a été couramment utilisé dans la période du XIVe au XVIe siècle (Kirby 1987). Il est surtout rapporté au sujet de colorants d'insectes (cochenille, kermès), mais, selon Saunders et Kirby (1994), était probablement le mode principal de fabrication des laques, non seulement pour ces colorants, mais aussi pour la garance. Il faut noter que très peu de recettes de laques de garance de cette époque ont été trouvées, soit parce qu'elles ont été perdues, soit parce que ces laques étaient d'un usage si commun et répandu, ce que confirment nos analyses d'œuvres d'art de l'époque (Sanyova, Wouters 1994), que personne ne voyait l'intérêt de coucher sur papier ce que tous savaient. La laque RT17 a été préparée à partir de colorants récupérés d'un échantillon de la laine RT-L2 par extraction dans K2CO3. Cette laine avait été teinte par Rubia tinctorum L. dans un bain à 90°C après mordançage au sulfate d'aluminium (description de mordançage et de teinture se trouvent en annexe 1, § A1.2.1, Référence 3). Pour la laque RT16, un autre échantillon de la même laine a été extrait dans une suspension de cendres de chêne. Pour RT18, une autre laine, RT-L1, teinte à 60°C, a été extraite par K2CO3. La couleur de RT17 est proche de celle de RT2 (fig.V.47). Celles de RT16 et RT18 sont moins saturées, la première parce que l'extraction à la cendre de chêne est moins efficace, la seconde parce que la laine teinte à 60°C est plus pâle et pauvre en colorants.

Fig.V.47. Diagramme a*b* (CIE) de la laine teinte par Rubia tinctorum L., RT-L2, et des laques RT2, RT16, RT17, RT18 (poudres pressées).

10 20 30 40

0

10

20

RT2

RT16

RT17

RT18

RT-L2

Laine et laques des laines

b*(laques) b*(laine)

b* (

CIE

)

a* (CIE)

163

V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacée utilisée Les sources alternatives des colorants anthraquinoniques sont connues. Le choix de la plante ainsi que son âge et son environnement peuvent mener à de grandes différences en quantité et en proportions dans les colorants extraits. Hill et Richter (1937) ont trouvé de la pseudopurpurine dans leurs échantillons de chacune des 23 espèces différentes de Rubiacées qu'ils ont étudiées, mais n'ont trouvé d'alizarine que dans certaines d'entre elles (Rubia tinctorum L., Galium mollugo L. et des traces dans Galium verum L.), et seulement dans des plantes d'un certain âge. Nous avons préparé des laques à partir de huit Rubiacées autres que Rubia tinctorum L., des trois genres Rubia, Asperula et Galium : Rubia peregrina L. (RP), Asperula tinctoria L. (AT), Galium aparine (GA), Galium boreale L. (GB), Galium molugo L. (GM), Galium odoratum L. (Scop.) (GO) aussi appelée Asperula odorata L., Galium sylvaticum L. (GS) et Galium verum L. (GV). L'origine des échantillons de ces plantes est donnée dans le tableau A1.1. Plusieurs nous ont été offerts par M. Van Belle, du Jardin Botanique National (JBN) de Meise. D'autres ont été collectés dans la nature, et leur identification a été confirmée par Mme Billet du JBN. Le mode opératoire de référence "RT2" a été appliqué à toutes, et la variante "RT3" (extraction à 90°C) à RP, GA, GM, GS et GV. Les laques sont identifiées par les initiales de la plante, suivie du numéro du mode opératoire (p.ex. AT2, GM3). Les compositions de deux de ces laques, RT2, RP2 et GV2, peuvent être comparées à celle de la RT2 dans le chromatogramme de la figure V.48). La laque de Rubia peregrina L. contient cinq fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que Rubia tinctorum L., et peu ou pas d'alizarine. La laque de Galium verum L. est encore plus pauvre, avec seulement 0,2 à 0,3 mg/g de son principal colorant, la pseudopurpurine. Fig.V.48. Chromatogrammes des laques RT2 , RP2, et GA2, après extraction par LiF.

5 10 15 20 25

0.0

0.1

0.2

0.3

alizarineprécurseur de lucidine

précurseur d'alizarine

inc. à 27'

purpurine

alizarine

pseudopurpurine

(x 2,5)

(x 0,15)

RUBIA PEREGRINA

GALIUM VERUM

RUBIA TINCTORUM

Au.

s*10

/ m

g

temps (minutes)

164

Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en quantité appréciable (fig. V.49) que dans la laque de GB2 (Galium boreale L., 6,1 mg/g), et de pseudopurpurine que dans GA2 (Galium aparine L., 5,6 mg/g ) et AT2 (Asperula tinctoria L., 4,9 mg/g). Cette dernière contient également une quantité importante des précurseurs de la lucidine (4,9 mg/g), trois fois plus que RT2. Fig.V.49. Composition des laques préparées à partir de différentes Rubiacées

(HPLC, extraction par LiF) Notre échantillon de Galium mollugo L. contenait un peu d'alizarine, comme celui de Hill et Richter. Par contre notre Rubia peregrina L. contenait sept fois moins de pseudopurpurine que notre Rubia tinctorum L., alors que l'échantillon de Hill et Richter en était particulièrement riche (1,5 fois plus que leur Rubia tinctorum L.). Galium aparine L., le gaillet gratteron tellement commun dans nos régions, est une plante annuelle. Notre échantillon, récolté en automne, ne pouvait donc être vieux de plus de quelques mois. Il ne contenait pas d'alizarine, comme on peut s'y attendre avec une plante aussi jeune. Par contre la teneur en pseudopurpurine est presque aussi élevée que dans Rubia tinctorum L. (rapport 8:10), alors qu'elle est assez faible dans l'échantillon de Hill et Richter (rapport 3:10). Ces comparaisons confirment la grande variabilité des teneurs et proportions de colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons d'une même espèce. Comme avec Rubia tinctorum L., les laques contiennent systématiquement plus de précurseurs de la lucidine et de pseudopurpurine quand elles ont été préparées après extraction à 90°C (fig.V.50).

RT2 RP2 GA2 GB2 GM2 GO2 GS2 GV2 AT20

2

4

6

mg

colo

rant

/ g

laqu

e

al pp pral prlc

165

Fig.V.50. Influence de la température de préparation des laques des Rubiacées sur leur composition en précurseur de la lucidine et en pseudopurpurine. (HPLC, extraction par LiF)

Les laques GA2, GA3 et AT2 (figures V.32 et V.35), bien que riches en pseudopurpurine (5,6, 9,4 et 4,9 mg/g) et pauvres en alizarine (0, 0,2 et 1 mg/g), ne sont pas roses comme les laques de pseudopurpurine RT19 (recette adaptée de Kopp) et RT24 (laque commerciale, Blockx), mais au contraire au moins aussi oranges que RT2, comme en attestent leurs positions dans le diagramme (a*,b*) (h* = 16°, 25° et 27° contre 13°) (fig. V.51). Cette tendance à l'orange peut être attribuée aux précurseurs de la lucidine et probablement aussi à l'inconnue à ~27' (seul pic plus important sur le chromatogramme de GA2 que sur celui de RT2).

Fig.V.51. Diagramme a*b* (CIE) des laques préparées des Rubiacées (poudres

pressées).

RT RP GA GM GS GV0

2

4

6

8

10

12pseudopurpurine

2 (60°C) 3 (90°C)

RT RP GA GM GS GV0

1

2

3

4

5

60 précurseur de la lucidine

mg

colo

rant

/ g

laqu

e 2 (60°C) 3 (90°C)

0 10 20 30 40

10

20

30

GS3GM3GA3

GB2GS2GM2GA2

RP2

AT2

GV2 RT2

GV3

RT3

RP3

Recette 2 et 3

b* (

CIE

)

a* (CIE)

166

V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées : résumé et conclusions Les principaux colorants retrouvés dans nos laques de Rubia tinctorum L. après hydrolyse par la méthode LiF sont la pseudopurpurine, l'alizarine et les précurseurs de l'alizarine et de la lucidine. Des quatre, seule l'alizarine est détectée après hydrolyse par la méthode à l'HCl 6 M. Une partie de la pseudopurpurine est détectée sous forme de purpurine. Les couleurs des laques couvrent une large gamme de nuances : rouges, pourpres, oranges, bruns, violets, roses.... Les diagrammes colorimétriques montrent qu'à part la nature du colorant, le principal facteur influençant la couleur est le rapport aluminium / colorant, qui augmente la saturation de la teinte (C*, distance par rapport à l'origine), même si la couleur peut parfois paraître plus "pâle", ce qui relève en fait de la luminosité (L*, axe vertical) et non de la saturation (distance par rapport à cet axe). L'évolution de la couleur avec le rapport aluminium / colorant dépend du ou des colorants présent(s) : les complexes aluminiques de la pseudopurpurine et de la purpurine tirent la teinte vers le pourpre (paramètre angulaire h* plus faible ou négatif), ceux des autres colorants (de l'alizarine et des glycosides ?) vers l'orange (h* plus élevé). Il est possible d'augmenter la teneur en précurseurs et en pseudopurpurine en inhibant par la température l'activité enzymatique lors de l'extraction. Il est aussi possible, grâce à la méthode de Kopp, d'extraire sélectivement la pseudopurpurine afin d'obtenir une nuance rose (dont la teinte tire vers le pourpre). La teneur en colorants dans les Rubiacées autres que Rubia tinctorum L. est relativement faible, à l'exception de Galium boreale L. (alizarine), Galium aparine L. (pseudopurpurine) et Asperula tinctoria L. (pseudopurpurine et précurseur de la lucidine). Elle est aussi beaucoup plus faible dans l'écorce que dans l'intérieur de la racine de Rubia tinctorum L. Avec les laques pauvres en alizarine et/ou en pseudopurpurine, la couleur est plus aléatoire à cause de la contribution des constituants secondaires tels que l'anthragallol, la xanthopurpurine ou la rubiadine.

167

V.8. Résistance au vieillissement La résistance de la couleur d'une laque exposée à la lumière dépendra non seulement d'une série de facteurs propres à celle-ci (teneurs et nature des colorants et des autres constituants) mais aussi de la présence de liants et éventuellement d'additifs, d'une couche de vernis, etc. Dans cette étude exploratoire, les laques ont été comparées en l'absence de tout liant ou additif. Pour ce faire, elles ont été fixées par filtration sur des filtres spéciaux en ester de cellulose (Millipore, 0,45 µm), qu'un mélange d'acétate d'amyle et d'éthyle ramollit suffisamment pour qu'il emprisonne les grains par la base et les retienne après séchage (Jedwab, 1991). Les laques ont été soumises sous cette forme à un test de vieillissement accéléré par une lampe à arc au xénon (à l'éclairement énergétique 765 W/m² ~ 180 000 lux) par exposition à une dose de l'éclairement lumineux plusieurs milliers de fois supérieure à la dose normalement reçue par une œuvre d'art en exposition dans un musée (Saudners, 1994; Thomson, 1967). La température de l'air dans l'enceinte de l'appareil a été entretenu à 22±3°C par une ventilation permanente et l'humidité relative a oscillé autour 45 % ± 10%. La description de l'appareil (Suntest CPS+) et de la méthode d'expérience est détaillée en annexe 1, § A13.12. Les spectres (microspectrophotométrie en réflectance, MSP 400 Zeiss, cfr § A1.3.11) ont été enregistrés à différentes étapes du vieillissement. A l'issue de ce test, de pratique courante dans l'industrie, la courbe de décoloration ∆E en fonction du temps, où ∆E est la racine carrée de ((∆L*) 2 + (∆a*)2 + (∆b*)2)), est comparée à celles de huit échantillons de référence (laines teintes en bleu par les colorants de différente stabilité, cfr § A1.3.12), et un grade de stabilité de 1 à 8 est attribué. La méthodologie est détaillée en annexe 1, § A1.3.12. Quelques-uns des échantillons après vieillissement peuvent être vus sur la figure V.52. À chaque fois une moitié de l'échantillon a été protégée de la lumière par une feuille d'aluminium, afin de servir de témoin et de s'assurer que le vieillissement observé est bien dû à la photodégradation et non à un autre processus. On constate d'une part que les plus gros grains gardent le mieux leur couleur, et d'autre part, avec les anthraquinones de synthèse et leurs laques, que le vieillissement est d'autant plus rapide que le colorant est dilué dans l'alumine. V.8.1. Évolution dans les diagrammes de chromaticité L'évolution des paramètres (x,y) et (a*,b*) de laines, d'anthraquinones et de laques, en 5 à 15 jours d'exposition à la lumière intense, peut être observée aux figures V.53 à V.59 Sur toutes ces figures, les couleurs évoluent et convergent plus ou moins rapidement vers la région centrale des blancs (ou gris).

168

Fig. V.52. Sélection des échantillons (anthraquinones, ses laques et laques des

plantes) soumis au vieillissement, dont la moitié à gauche a été protégée.

169

Fig. V.53. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration des références - laines bleues. Les noms des échantillons sont à l'origine de la courbe (point t0). Fig. V.54. Diagrammes xy et a*b* (CIE) de la décoloration de l'alizarine, ses laques et de la laine teinte par alizarine.

-10 0 10 20 30 40

-10

0

10

20

30

40

Aliz6

Alizarine

Aliz - L2

Aliz2Aliz4

b* (

CIE

)

a* (CIE)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8

Alizarine

y (C

IE)

x (CIE)

Aliz2

Aliz4Aliz6

0.0 0.2 0.4 0.6 0.80.0

0.2

0.4

0.6

0.8y

(CIE

)

x (CIE)

laine 6

laine 1

laine 3

laine 8

-10 0 10 20 30 40

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

laine8

laine6

laine1

laine3

b* (

CIE

)

a* (CIE)

179

VI. RÉSUMÉ GÉNÉRAL ET CONCLUSIONS

VI.1. Résumé

VI.1.1. Structure chimique des laques des hydroxyanthraquinones Les laques de garance et la teinture connue sous le nom de rouge d'Andrinople, dont les procédés de fabrication étaient souvent des secrets jalousement gardés, ont depuis longtemps éveillé l'intérêt des chimistes. Le premier mode opératoire de laque de garance décrit scientifiquement est dû à Marggrave en 1754, chimiste allemand célèbre surtout pour la découverte du sucre de betterave, mais aussi des formules du gypse (1750) et de l'alumine (1754). L'élucidation de la structure chimique de l'alizarine par Graebe en 1868 est une des étapes fondatrices de la chimie organique. Il a ensuite vite été reconnu que, dans les laques, l'alizarine se trouve sous forme de complexes d'aluminium. Plusieurs structures ont été proposées dans la littérature pour les complexes d'alizarine et d'aluminium. Le site de complexation de l'aluminium y est constitué soit (Hoffmann, 1937, Fierz-David et Rutishauser, 1940 ; Kiel et Heertjes, 1963; Soubayrol, 1996 ) par les fonctions carbonyle en C-9 et phénolate en C-1 (site appelé ici céto-phénolate), soit (Lieberman, 1893; Wunderlich, 1993) par les deux fonctions phénolates en C-1 et C-2 (site diphénolate). Le rapport aluminium : alizarine est de 1:2 dans les structures proposées par Kiel et Heertjes et de 2:4 dans celles proposées par Hoffmann, Fierz-David et Rutishauser, Wunderlich et Soubayrol. Nos résultats montrent que, au moins en solution aqueuse diluée et acide, le site de complexation est le céto-phénolate et la stoechiométrie 1:1 (spectres UV-vis., § III.4.2). En solution plus concentrée et neutre ou légèrement basique, il peut également se former des complexes de stoechiométrie 1:2, dont la couleur est par ailleurs pratiquement identique à celle des complexes de stoechiométrie 1:1. Quand les réactifs sont mis en présence en rapport stoechiométrique et neutralisés par NaOH (aluminium:alizarine:NaOH 1:2:5), les complexes 1:2 ainsi formés peuvent même polymériser en formant entre eux des liaisons Al-O-Al (spectres ES-MS de suspensions gélifiantes, § III.5). Cependant, dans la pratique de la préparation des laques, aujourd'hui comme dans le passé, l'aluminium est présent en large excès par rapport à l'alizarine. Dans ces conditions, les complexes, au lieu de polymériser, s'adsorbent à la surface des grains d'alumine formés par l'aluminium en excès (spectres SIMS de laque en poudre, § III.6). Nous n'avons trouvé aucune indication de la formation de complexes 2:4, tels que ceux synthétisés par

180

Hofmann, Fierz-David et Rutishauer, Wunderlich ou Soubayrol. Il est probable que de tels complexes ne sont, comme les gels que nous avons obtenus dans certaines conditions, que des cas particuliers, non représentatifs de la structure des laques réelles. L'hypothèse de Fierz-David et Rutishauer, selon laquelle le rouge d'Andrinople doit être caractérisé par une structure chimique bien définie et indépendante des conditions de préparation, semble donc devoir être revue à la baisse : la caractéristique essentielle des laques d'alizarine et du rouge d'Andrinople se ramènerait à la chélatation de l'aluminium par le site céto-phénolate de l'alizarine, et à la couleur rouge qui en résulte. La stoechiométrie des complexes et leur état physique ne seraient que des caractéristiques secondaires. Dans le cas des laques utilisées comme pigments, il s'agirait de complexes 1:2 et probablement aussi 1:1, adsorbés sur les grains d'alumine via des liaisons Al-O-Al. VI.1.2. Stabilité thermodynamique des complexes

et implications pour les méthodes d'analyse des laques La compétition entre ions H+ et Al3+ pour les phénolates est à la base de la libération des molécules d'alizarine dans les méthodes classiques d'extraction des colorants des laques par un acide pour leur analyse par HPLC. Nos résultats (§ III.4.2.3) montrent que la concentration en ions H+ nécessaire pour libérer les colorants est proportionnelle à la concentration en ions Al3+ en solution. Dans la pratique, le pH nécessaire est très bas (généralement < 1), ce qui a pour conséquence négative d'hydrolyser certaines des molécules colorantes constitutives des laques. L'addition d'ions F- (en remplaçant l'acide chlorhydrique par de l'acide fluorhydrique) permet de pallier ce problème. En formant des complexes avec les ions Al3+, les ions F- relèvent assez le pH minimum d'extraction pour éviter l'hydrolyse des colorants moins stables (glycosides, pseudopurpurine...), et donnent de plus des rendements d'extraction souvent meilleurs que ceux obtenus avec les autres acides (HCl, H2SO4, TFA) (§ IV.4). L'addition d'ions Li+, qui par leur petite taille peuvent plus facilement se glisser à l'intérieur des complexes, et d'agents chélatants tels que le DFOM, qui contribuent à capter les ions Al3+, améliore encore l'extraction des colorants. VI.1.3. Composition, propriétés et couleurs des laques

d'anthraquinones de synthèse et d'extraits de Rubiacées Des propriétés telles la granulométrie, la porosité et l'hygroscopicité des laques sont celles de l'alumine qui constitue leur substrat. Quand des réactifs de synthèse sont utilisés, la composition finale des laques est proche de celle attendue sur base des quantités de réactifs, colorant et sulfate d'aluminium, mis en œuvre. Les analyses de différentes laques d'extraits de Rubiacées montrent : - la présence fréquente de pseudopurpurine et de glycosides précurseurs de l'alizarine (acide rubérythrique) et de la lucidine; ces colorants ne sont détectés qu'après extraction à pH ~2 (extraction par HF), parce qu'à pH plus acide (extraction par HCl) ils sont hydrolysés.

181

- la teneur en différents colorants est influencée non seulement par l'espèce de plante utilisée (Rubia tinctorum L., Asperula tinctoria L., Galium verum L...), mais aussi par le mode de préparation des laques : il est même possible, comme l'avait déjà indiqué Kopp au XIXe siècle, de préparer à partir de Rubia tinctorum, pourtant riche en alizarine, une laque ne contenant que de la pseudopurpurine. Ces constatations imposent la prudence dans l'interprétation de la composition des laques, et justifient le choix d'auteurs tels que Kirby/White (1996) et Schweppe/ Winter (1997) d'appeler "laque de garance" toute laque de Rubiacées, sans distinction de l'espèce végétale utilisée. La couleur apparente et les spectres dans le visible des chélates aluminium-anthraquinone (alizarine, purpurine ou quinizarine) sont bien distincts de ceux des mêmes colorants en l'absence d'aluminium. Les paramètres L*a*b* et leur équivalent en coordonnées cylindriques L*C*h*, calculés à partir des spectres de réflectance, permettent de caractériser de manière objective la couleur des objets, telle qu'elle serait perçue sous une lumière de spectre donné et par un "observateur de référence", en termes de luminosité (L*, axe incolore noir-gris-blanc), teinte (terme angulaire, h*= tan (b*/a*)), et saturation (C* = racine carrée de ((a*)2+(b*)2), distance par rapport à l'axe incolore) (§ V.7.1). On constate que la teinte des laques dépend surtout de la nature des colorants présents sous forme de chélates d'aluminium : la purpurine et la pseudopurpurine tendent vers un rouge plus pourpre (h* et b* négatifs ou faiblement positifs), l'alizarine et les autres colorants vers un rouge plus orange (h* et b* plus élevés). La saturation dépend surtout du rapport aluminium/colorant, et augmente avec celui-ci, ce qu'on peut attribuer à un meilleur rendement de la formation de complexes quand l'aluminium est présent en plus large excès (§ V.7). VI.1.4. Résistance au vieillissement Alors que la structure chimique de base essentielle et responsable de la couleur des laques et du rouge d'Andrinople, à savoir le chélate d'aluminium de site céto-phenolique, est probablement la même dans les laques modernes et anciennes, ces dernières résistent généralement beaucoup mieux à l'épreuve du temps. Pour mieux comprendre les facteurs affectant la permanence des laques, une approche est de soumettre des laques préparées dans des conditions connues à des tests de vieillissement accéléré par une lampe à arc de xénon. Une première étude de ce type a été menée sur des laques sous forme de poudres fixées sur des filtres. L'évolution des couleurs en fonction du temps d'exposition suggère que les laques d'alizarine sont légèrement plus stables que celles de quinizarine et de purpurine. L'analyse des laques de Rubiacées après vieillissement montrent que : - dans les laques fort concentrées au départ, la majorité des colorants peut être dégradée sans que la couleur perceptible ait fort changé - on retrouve des glycosides même après vieillissement, alors que la pseudopurpurine disparaît totalement, peut-être transformée en purpurine par décarboxylation.

182

A l'observation au microscope, on constate que les grains les plus petits ont tendance à décolorer plus vite. Cependant globalement le principal facteur affectant l'évolution de la couleur n'est pas la granulométrie mais la concentration en colorants. Il semble donc que les complexes de colorants adsorbés à la surface de la porosité interne des grains d'alumine soient protégés de la lumière par les complexes adsorbés dans les couches plus externes, et que cette protection soit proportionnelle à la concentration en colorant. La photodégradation est probablement oxydative. Elle est d'ailleurs beaucoup plus lente pour les teintures d'alizarine sur laine, grâce probablement aux propriétés réductrices de la laine. Il faut donc s'attendre à ce que, dans les polychromies, la présence des liants ralentisse le vieillissement en limitant la diffusion de l'oxygène, ce qui n'était pas le cas dans nos laques poreuses vieillies au contact de l'air. C'est là un des aspects que la suite des études de vieillissement accéléré devrait tenter d'éclaircir. VI.2. Conclusions Le recours aux sciences exactes dans le cadre de l’étude des œuvres d’art s’est particulièrement développé à partir des années Trente du XXe siècle. Les musées font régulièrement appel au concours de chimistes, de physiciens, de biologistes… afin de s’assurer de l’authenticité ou de l’intégrité d’un objet, de déterminer ses conditions de conservation, d’identifier les techniques et les matériaux utilisés par les artistes. Ils répondent ainsi à une demande commune des historiens et des amateurs d’art qui, de plus en plus, portent leur intérêt sur l’ensemble des éléments intervenant au sein du processus de création. Le présent travail s'inscrit dans un programme de recherche destiné à améliorer l'identification des colorants organiques dans les objets de musée. Depuis les temps le plus reculés l'homme a en effet eu le goût de la couleur et il s'est efforcé de trouver les matériaux et les techniques pour apporter cette qualité aux objets qu'il fabriquait. Les colorants naturels sont abondamment utilisés pour teindre les textiles mais aussi pour obtenir des laques picturales. L'identification de ces substances est importante non seulement du point de vue de l'étude des technologies, mais aussi pour guider le choix des conditions de conservation et parfois pour apporter une aide à la datation d'un objet ou d'une intervention sur cet objet. Les progrès de la chimie et le perfectionnement des méthodes d’analyse, qui permettent de réduire la taille des échantillons à prélever, offrent au chercheur la possibilité de juger de la validité des livres de recettes et de percer les "secrets d’atelier". En effet, les artistes étaient et restent aujourd’hui encore peu enclins à décrire les techniques qui sont les leurs, et dans le passé ces techniques faisaient, volontairement ou non, partie d’une connaissance tenue secrète. La tâche des chimistes d’aujourd’hui s’apparente à l’enquête du détective et est rendue difficile par l’état même des composants analysés, suite au processus de vieillissement qui touche toutes les œuvres et de façon plus intense celles qui sont demeurées à l’air et à la lumière, subissant les effets d’un environnement parfois peu favorable. C’est le cas des sculptures polychromées et des peintures du Moyen Âge et de la Renaissance qui retiennent plus particulièrement notre attention.

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Le travail de détective précédemment évoqué est donc délicat et ceci d’autant plus que le scientifique ne peut abîmer l’œuvre d’art qu’il soumet à l’analyse : il doit donc nécessairement utiliser le plus souvent des méthodes de microanalyse et donc des techniques très sensibles adaptées à des micro-échantillons. Au cours de ce travail, nous avons tenté d’appliquer à l’étude des laques de garance une approche intégrée en nous intéressant tout autant aux techniques d’extraction des colorants au départ du végétal qu’à la fabrication des laques par complexation des substances anthraquinoniques avec le cation aluminium, à l’étude des colorants et laques qu’à l’extraction des colorants au départ de laques modernes et anciennes, aux études spectroscopiques qu’aux méthodes permettant de quantifier l’impression visuelle de couleur. Cette liste de sujets abordés n’est pas exhaustive, mais elle permet de comprendre notre démarche qui a consisté à pousser aussi loin qu’il nous était possible, l’étude d’une classe importante de substances et matériaux colorants, en envisageant certaines questions importantes auxquelles l’historien d’art attend des réponses. Nous avons ainsi abordé le problème extrêmement difficile du vieillissement, mais nous considérons que ce que nous avons pu faire dans ce domaine constitue au mieux une ébauche de ce qui devrait être fait. Les transformations des vernis laques, pigments, matériaux support, constituent sans aucun doute un des défis scientifiques les plus ardus que rencontre le chimiste qui étudie des œuvres d’art. Les simulations par vieillissement accéléré constituent une des voies d’approche du problème et c’est celle que nous avons adoptée. Les quelques expériences que nous avons pu mener débouchent sur une conclusion évidente : pour être conduite à terme une telle étude requièrerait des années de travail. En effet, il conviendrait de pouvoir effectuer de véritables études de cinétique de dégradation en analysant à intervalles réguliers les produits formés sur de longues périodes de temps dans des conditions d’irradiation différentes. L’hypothèse de base de ces simulations selon laquelle une irradiation à haute intensité durant un temps court donne une image de l’effet d’une irradiation à faible intensité durant des temps très longs, devrait pouvoir être testée. Tout laisse à croire qu’il s’agit là au mieux d’une hypothèse grossière : la coloration de la peau par irradiation solaire une demi-heure chaque jour pendant quatorze jours n’est pas la même que celle obtenue par une irradiation de sept heures consécutives ! Certes, cette comparaison est imparfaite et doit être considérée comme une boutade. Elle doit toutefois nous rappeler que l’apport de l’expérimentation au problème du vieillissement n’est pas aussi simple qu’il ne pourrait paraître. A l’issue de cette thèse, nous considérons donc que ce problème du vieillissement des œuvres d’art reste l’une des grandes questions auxquelles les chimistes doivent tenter d’apporter des réponses. Un autre problème à la solution duquel nous pensons avoir contribué de manière plus positive est celui de l’extraction des colorants au départ d’une laque en veillant à limiter les transformations chimiques provoquées par l’extraction elle-même. Ceci étant, dans ce domaine aussi des recherches complémentaires devraient être entreprises.

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Enfin, nous avons veillé dans ce travail à comparer des laques préparées selon les recettes anciennes à des complexes anthraquinones–Al3+ tels que les chimistes travaillant selon les standards actuels peuvent les préparer. Lorsque l’on oriente ses recherches dans le domaine de la chimie au service de l’histoire de l’art, ou de la restauration des œuvres d’art, il faut toujours garder en mémoire que l’on doit faire aussi œuvre d’historien. Les éléments d’une recette ancienne ne peuvent être ignorés sur la seule base de ce qu’ils nous apparaissent inutiles, voir absurdes compte tenu des connaissances scientifiques d’aujourd’hui. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine des laques dont la structure est complexe et pour lesquelles la présence "d’impuretés" peut avoir une incidence majeure sur la couleur telle que nous la voyons et sur sa stabilité. C’est sur cette dernière remarque que nous clôturerons cette conclusion : une œuvre d’art est destinée à être vue le plus souvent et jugée sur base de critères subjectifs. C’est un objet élaboré dans un contexte historique donné. Ces aspects : "subjectivité" et "historicité" doivent pouvoir être intégrés à la démarche scientifique du chimiste qui s’occupe d’œuvres d’art. Ce n’est pas toujours aisé !

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ANNEXES

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ANNEXE 1 A1. MATÉRIEL ET MÉTHODES

A1.1. Origine des plantes, réactifs et échantillons de colorants A1.1.1. Plantes

Plusieurs échantillons de Rubiacées nous ont été offerts par M. Van Belle, du Jardin Botanique National (JBN) de Meise. D'autres ont été collectés dans la nature. Leur identification a été confirmée par Mme Billet du JBN. Ils sont repris dans le tableau A1.1 avec l'abréviation utilisée pour signaler les laques préparées à partir de ces plantes.

Tableau A1.1. : Origine des échantillons de Rubiacées.

code nom(s) latin(s) nom(s) vulgaire(s) caractéristique origine

RT Rubia tinctorum L. Garance des teinturiers vivace JBN, plein air

RP Rubia peregrina L. Garance sauvage vivace région de Poitiers, plein air

AT Asperula tinctoria L. Aspérule des teinturiers vivace JBN, plein air

GA Galium aparine L. Gaillet gratteron annuelle Bruxelles, plein air

GB Galium boreale L. Gaillet boréale vivace JBN, cultivée en pot

GM Galium molugo L; Gaillet blanc, Caille-lait blanc vivace JBN, plein air

GO Galium odoratum L.(Scop.) Asperula odorata L.

Aspérule odorante vivace JBN, plein air

GS Galium sylvaticum L. Gaillet de bois vivace JBN, cultivée en pot

GV Galium verum L. Gaillet vrai, Caille-lait jaune vivace JBN, cultivée en pot

A1.1.2. Anthraquinones de références (cfr § IV.2.3)

Quelques anthraquinones ont été fournies par Sigma et Extrasynthèse. D'autres ont été offertes au Dr Wouters par le prof. Thomson de l'Université d'Aberdeen et par le prof. Golikov de l'Université de Moscou. Ils sont repris dans le tableau A1.2 avec les codes utilisés dans ce travail. Tableau A1.2. Origine des anthraquinones synthétisés ou isolés de plantes.

code Description et origine

al Alizarine, 98%, Sigma

pu Purpurine, 98%, Sigma

qui Quinizarine, 97%, Extrasynthèse

xp Xanthopurpurine offerte par le prof. Thompson,

ru Rubiadine offerte par le prof. Thompson

198

mu Munjistine offerte par le prof. Thompson

pp Pseudopurpurine offerte par le prof. Thompson et par prof. Golikov

lc Lucidine offerte par le prof. Thompson

pral Primvéroside de l'alizarine offert par le prof. Golikov

prlc Primvéroside de la lucidine offert par le prof. Golikov

prru Primvéroside de la rubiadine offert par le prof. Golikov

AcRub Acide rubérythrique technique, Extrasynthèse, mélange des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine

A1.1.3. Laques de garance commerciales Les laques de garance commerciales (tabl. A1.3) utilisées pour la comparaison avec les laques préparées au laboratoire, ont été fournies par Kremer (Allgäu, D-88317 Aichstetten) et par Blockx. Ces dernières ne sont plus fabriquées depuis la deuxième guerre mondiale et ont été offertes par M. Blockx à M. Corremans, premier directeur de l'IRPA, dans les années 50 - communication personnelle de M. Blockx jr. Une série de laques (tabl. A1.5) a été préparée en adsorbant les anthraquinones sur des substrats commerciaux (tabl. A1.3).

Tableau A1.3. Laques de garance et substrats d'origine commerciale.

code Description et origine

Laques de garance

RT 20 Kremer 3720*B, - rouge moyen

RT 21 Blockx - carmin

RT 22 Blockx - rose foncé

RT 23 Blockx - pourpre

RT 24 Blockx - rose claire

RT 25 Blockx - rose

RT 31 Kremer 3720*C, - rouge clair

Substrats

Al 2O3 TLC Camag, Aluminiumoxid für die Dünnschicht-Chromatographie

Al 2O3 std Merck AG. Oxyde d'aluminium standardisé d'après Brockman

SiO2 Merck, Gel de silice (60 – 120) pour la chromatographie sur colonnes, granulométrie 63 - 200µm

199

A1.1.4. Réactifs

Tableau A1.4. Origine, grade et masse moléculaire (M) des réactifs.

Formule / abrev. M Description et origine

H2O 18,0 Milli-Q

K2CO3 138,2 grade p.a., (anhydre) Merck

Na2CO3 106 grade p.a., (anhydre) Merck

Li 2CO3 73,9 grade p.a., 99%, May & Baker

CaCO3 100.1 grade p.a., Janssen Chimica

NH4OH 17,0 grade p.a., min. 25 %, Merck

NaOH 40,0 en pastille, grade p.a. , Merck

Al 2(SO4)3.18H2O 666,4 grade p.a., 97%, Aldrich, A.C.S. reagent

KAl(SO4)2.12H2O 474,4 grade p.a., 99,5%, Janssen Chimica

LiF 25,9 grade p.a., 99,98%, Acros Organics

KBr 119,0 FT-IR grade, 99+%, Aldrich,

AcEt (C4H8O2) 88,1 Acétate d'éthyle, grade p.a., Acros Organics

MeOH (CH4O) 32,0 grade HPLC, Acros Organics

DMF (C3H7NO) 73,1 grade spectrophotométrique, 99%, Acros Organics

Chloroform (CHCl3) 119,4 grade spectrophotométrique, 99%, Acros Organics

Acetone (C3H6O) 58,1 grade p.a., Acros Organics

AcAmyle (C7H14O2) 130,2 Acétate d'amyle, grade p.a., 97%, Janssen Chimica

MEK (C4H8O) 72,1 Ethyle méthyle cétone, grade extra pure, Merck

EDTA (C10H14N2Na2O8) 372,2 Titriplex III - sel disodique de l'acide ethylènediamino

tetraacetique

DTPA (C14H23N3O10) 393,4 Acide diethylènetriaminepentacétique, grade p.a., 97%,

Acros Organics

Tartrate de K (C4H5KO6) 188,2 grade p.a., 99%, Aldrich

TFA 114,0 Acide trifluoroacétique

HF 20,0 grade p.a., 38 - 40 %, Merck

HCl 36,5 grade p.a., 37 %, Merck

HNO3 63,1 grade p.a., Acros Organics

H2SO4 98,1 grade p.a., Acros Organics

H3PO4 98,0 grade p.a., 85%, Acros Organics

HClO4 100,4 grade p.a., Acros Organics

Varsapon NZ9 détergent non ionique, typa PVAL, René Dejonghe

200

A1.2. Préparation des laques et autres échantillons Les six modes opératoires de référence, dont un résumé a été donné au début du chapitre IV, sont détaillés ci-dessous (A1.2.1) Il sont suivi de trois modes opératoires qui ne peuvent pas être considéreé comme des variantes des précédents (A1.2.2). Le tableau A1.5. donne pour chacun des échantillons le mode opératoire de référence les détails par lesquels sa préparation en diffère. A1.2.1. Six modes opératoires de référence: "Aliz4", "AD Aliz1", RT2",

"RT-L1", "RT17", "RT27" Référence 1: "Aliz4", exemples de laque d'anthraquinone de synthèse Une suspension d'alizarine (241 mg ou 1 mmol dans 500 mL H2O, pH ~ 4,4) a été soumise pendant 10 minutes à un bain à ultra-sons, puis agitée à l'aide d'un barreau magnétique pendant 10 minutes à température ambiante (Notons que, selon l'index Merck, la solubilité de l'alizarine dans l'eau à 25 °C n'est que de 2,5 µM, soit mille fois moins que la concentration de la suspension préparée ici). Après addition de 50 mL d'une solution de sulfate d'aluminium chaude (Al2(SO4)3.18H2O, à 66,6 g/L ou 100 mM, pH ~ 2,8, 95 °C, soit un rapport Al/aliz de 10), elle est restée 10 minutes sous agitation. La suspension rouge ainsi obtenue (pH ~ 3,3) a été neutralisée par K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7. Un précipité a commencé à se former dès les premiers ajouts de K2CO3. La suspension a été filtrée sur papier filtre noir de porosité ~ 50 µm. Le filtrat était incolore. Le précipité sur le filtre a ensuite été lavé abondamment avec de l'eau distillée. Le précipité, rouge foncé, a été séché pendant 72 h, à l'air mais à l'abri de la lumière. Après rinçage, le précipité a été pesé sur le filtre puis récupéré et broyé à l'aide d'un pilon et d'un mortier. Référence 2: "AD Aliz1", exemple de laque d'anthraquinone de synthèse

adsorbé sur un substrat commercial Cinq ml d'une solution méthanolique d'alizarine (20mg/L) sont versés sur un gramme de l'alumine TLC (granulométrie <1µm). L'alumine devient immédiatement rose et le surnageant incolore. La poudre rose est lavée à l'eau distillée et séchée. Référence 3: "RT-L1", exemple de laine teinte

(Dalby 1985; Duff et Sinclair 1989 ) a) Mordançage La laine est lavée avec une solution à 3 % de "Varsapon NZ9" (détergent non ionique, type R-O(CH2CH2O)n-1- CH2CH2OH), et soigneusement rincée d'abord à l'eau courante, puis à l'eau déminéralisée. Après essorage, elle est conditionnée à 65% d'humidité relative et à 20°C pendant 48 heures.

201

25 g de fibres sont agités dans 750 ml d'une solution contenant 2.5g (10% du poids de la laine) du sulfate d'aluminium et de potassium (KAl(SO4) 3.12H2O) et 2.0 g (8% du poids de la laine) de tartrate de potassium (KOOC-CH(OH)-CH(OH)-COOH) à température ambiante. La suspension est portée à 100°C en 60 minutes, maintenue à cette température pendant 45 min., puis ramenée lentement à température ambiante. Les fibres sont rincées d'abord à l'eau courante, puis à l'eau déminéralisée. A nouveau, après essorage, la laine est conditionnée à 65% d'humidité relative et à 20°C pendant 48 heures. b) Teinture Un lot de la laine mordancée (~5g) est ajouté au bain de teinture constitué de 150 ml d'eau distillé et 5 g de racines de garance coupées en morceaux de 0.5 à 1 cm (rapport laine : garance : eau 1:1:30). La température est amenée très lentement (30 minutes) à 60°C et y est maintenue pendant 60 minutes. On laisse la laine teinte dans le bain jusqu'au refroidissement à la température ambiante. Elle est ensuite abondamment rincée Référence 4: "RT2",

exemple de laque d'extrait de Rubiacées : recette standardisée Deux grammes de racines, coupées en morceaux de +/- 2 mm, éventuellement macérées dans l'eau à température ambiante (variantes RT8, RT13, RP12, GM8, GS8, GV12) sont plongés dans 150 mL d'eau distillée (pH 6,5), chauffée à 60°C. Le mélange est agité à l'aide d'un barreau magnétique et maintenu à 60 °C pendant une heure. Le pH de la solution change de 5,94 à 5,65. Après une heure, le volume du bain d'extraction est ramené à 200 mL, puis filtré. Dix mL d'une solution de sulfate d'aluminium et de potassium chaude (+/- 90 °C, 1,5 g KAl(SO4) 3.12H2O par 10 mL, pH 2,9) sont ajoutés au filtrat, qui devient orange-rouge. Cette solution est neutralisée par K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7. Référence 5: "RT17", exemple de laque de colorant récupéré de laine teinte 2,4 g de laine teinte à la garance ("RT-L2") sont plongés dans 75 mL de solution de K2CO3 (0,1M, pH 11,5) chauffée à 60°C et maintenue à cette température pendant 120 minutes. Les colorants de la teinture sont partiellement extraits et dissout donnant une solution rouge-violet. La laine, qui devient plus foncée encore qu'au départ, est séparée de cette solution. Cette dernière est neutralisée par la solution aqueuse de l'alun (KAl(SO4) 3.12H2O) chaude (+/- 90 °C, 150 g/L ou 0,3M, pH = 2,9). Référence 6: "RT27", exemple de laque préparée d'après la "recette Marcucci", (annexe 2) Deux grammes de racines broyées ont été plongés dans 30 ml d'eau distillée et portés à l'ébullition. Cette température a été maintenue pendant 35 minutes, jusqu'à ce que le volume de l'eau soit réduit à 24 ml. Les racines ont été séparées encore chaudes par filtration sur un tissu de coton puis ont été essorées pour en extraire la

202

solution (brun-rouge). Dans cette solution a été ajouté de l'alun (1,4g ou 2,8 mmol). La suspension formée a été transvasée dans un récipient contenant du Na2CO3 (0,5g dans 2 ml ou 2,4 mmol). La laque précipitée a été filtrée, lavée et séchée à l'air à l'abri de la lumière, pesée sur le filtre puis récupérée et broyée dans un mortier.

A1.2.2. Autres modes opératoires "Aliz0", reproduction de la laque préparée et étudiée par P. Soubayrol (1996) Le mélange, dans 40 ml d'eau distillée, d'alizarine (480 mg ou 2 mmol), d'hydroxyde de sodium (200 mg ou 5 mmol) et de sulfate d'aluminium (Al2(SO4)3.18 H2O, 335 mg ou 0,5 mmol ~ 1mmol Al+++), est agité à l'aide d'un

barreau magnétique pendant 60 minutes au bain-marie. La suspension rouge foncé est très fine et passe entièrement par le filtre de porosité 10 µm. Les particules sont invisibles à l'œil nu. La séparation quantitative des phases liquide et solide n'est pas possible par le filtre de porosité 10 µm. Une partie de cette suspension a été mise de côté et s'est lentement transformée en un gel élastique. Des spectres ES-MS (§ III.5) ont été pris pendant la phase de gélification. L'autre partie a été centrifugée, filtrée sur filtre Millipore 0,2 µm et rincée abondamment avec de l'eau distillée. Le précipité rouge foncé récupéré sur le filtre a été séché pendant 72 h, à l'air mais à l'abri de la lumière, puis récupéré et broyé dans un mortier. "RT19", laque de pseudopurpurine (cfr "laque de Kopp" annexe 2) Les morceaux de racines (2g) sont plongés une heure dans une solution d'acide sulfurique 1% (~0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après élimination des débris de racines par filtration, la solution est chauffée à 60°C pendant une demi-heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se transforment en pseudopurpurine, qui précipite, tandis que l'acide rubérythrique résiste à l'hydrolyse et reste en solution. Le précipité rouge est récupéré par filtration, puis redissout dans l'alun pour la formation des complexes avec l'aluminium, qui sont ensuite précipités par ajout de K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7. La laque a été ensuite filtrée, lavée, séchée et broyée. "RT26", laque préparée d'après la "recette Tingry" , cfr annexe 2 Les morceaux de racines (2g) ont été mis dans un sac en coton et triturés dans un mortier avec 2,5 ml d'eau distillée, puis essorés. Cette opération a été répétée 10 fois. Tout le liquide récupéré (+/- 5 ml de couleur brun - rouge) a été porté à ébullition et on a observé la formation d'un précipité. Ensuite nous avons versé cette suspension dans une solution bouillante de sulfate d'aluminium et de potassium (KAl(SO4) 3.12H2O, 1,5 g dans 1,2ml d'eau). Puis tout en mélangeant, on a ajouté 1 ml de la solution saturée de K2CO3 (500mg/ml ou 3,6M). On a laissé

203

refroidir et décanter le précipité rouge (laque), ensuite on filtre. Le filtrat était jaune. La laque sur le filtre a été ensuite filtrée, lavée, séchée et broyée. A1.2.3. Liste des échantillons préparés au laboratoire Tableau A1.5. Liste de échantillons et des détails pour lesquels leurs préparation

diffère des modes opératoire de référence

n° code Description Mod op.

Mode opératoire :"Aliz0"

01 Aliz0 M/L (=Al 3+ / Aliz) = 0,5, 90°C, (alizarine, NaOH , Al2(SO4)3, 18 H2O) Aliz0

Mode opératoire de référence 1: "Aliz4"

02 Aliz1 M/L = 7,4; 80°C

03 Aliz2 M/L = 2; temp. ambiante; Al (ajouté à froid),

04 Aliz2' M/L = 2; temp. ambiante; Al (alun préchauffé )

05 Aliz3 M/L = 2; 90°C; (aspect colloïdal)

06 Aliz4 M/L = 10; temp. ambiante

07 Aliz5 M/L = 10; 90°C; (aspect colloïdal)

08 Aliz6 M/L = 50; 90°C;

09 Aliz7 M/L = 10; 90°C; précip. Na2CO3

10 Aliz 8 M/L = 12.5; 90°C; 'alizarine dans K2CO3; titration par alun;

11 AlPu M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / purpurine =1/1

12 AlQu M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / quinizarine =1/1

13 3col M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / quinizarine / purpurine =1/1/1

14 4col M/L = 10; temp. amb.; alizarine/quinizarine/purpurine/ac. rubér. =1/1/1/1

15 Pu1 M/L = 2; temp. ambiante, purpurine

16 Pu2 M/L = 10; temp. ambiante, purpurine

17 Pu3 M/L = 10; 90°C, purpurine

18 AR 1 M/L = 2; temp. ambiante; acide rubérythrique

19 AR 2 M/L = 10; temp. ambiante; acide rubérythrique

20 Qui1 M/L = 2; temp. ambiante; quinizarine

21 Qui2 M/L = 10; temp. ambiante; quinizarine

22 Al 2O3 pptn. pas de colorant

Aliz4

204

Mode opératoire de référence 2: "AD - Aliz1"

23 AD-Aliz1 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)

24 AD-Aliz 2 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur le gel de silice (violacé)

25 AD-Aliz3 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur le gel de silice (violacé)

26 AD-Aliz4 0,312mg d’alizarine adsorbée sur le de silice (violacé f.)

27 AD-Aliz5 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)

28 AD-Aliz6 0,312 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)

29 AD-Aliz7 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine std. (rose)

30 AD-Aliz8 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine std. (rose)

31 AD-Aliz9 0,146 mg d’alizarine sur la cire de polyéthylène (incol)

32 AD-Pu1 0,114 mg de purpurine sur le gel de silice (rose - violet)

33 AD-Pu2 0,114 mg de purpurine sur l'alumine std. (rose)

34 AD-Pu3 0,114 mg de purpurine sur l'alumine TLC (rose)

35 AD-Qui 1 0,145 mg quinizarine sur le gel de silice (rose)

36 AD-Qui2 0,145 mg quinizarine sur l'alumine std. (rose)

AD-Aliz1

Mode opératoire de référence 3: "RT-L1"

37 ALIZ-L1 137 mg alizarine, 4,9g laine , bain H2O, 60°C

38 ALIZ-L2 153 mg alizarine, 4,9g laine, bain H2O /MeOH 9/1, 80°C

39 PURP-L1 152 mg purpurine, 4,4g laine, bain H2O, 60°C

40 PURP-L2 150 mg purpurine, 4,8g laine, bain H2O /MeOH 9/1, 80°C

41 QUI-L1 105 mg quinizarine, 2,3g laine , bain H2O 60°C

42 RT-L1 2.5 g racines de garance des teinturiers, 2,3g laine, bain H2O, 60°C

43 RT-L2 2.5g racines de garance des teinturiers, 2,5g laine, bain H2O, 90°C

RT-L1

Mode opératoire de référence 4: "RT2"

44 RT 1 extraction à 20°C

45 RT 2 racines complètes, extraction 1h, 60°C, + KAl(SO4)2.12H2O, précip. K2CO3

46 RT 3 extraction à 90°C

47 RT 4 intérieur de racine

48 RT 5 écorce de racine

49 RT 6 extraction à pH=4 (0,066g KAl(SO4)2.12 H2O)

50 RT 7 extraction à pH=8 (30 mM K2CO3)

51 RT 8 macération 24 h ,

52 RT 9 précipitation CaCO3

RT2

205

53 RT 10 précipitation Na2CO3

54 RT 11 extraction à pH=4 (1.5 mM KAl(SO4)2.12H2O) après 24 h de macération

55 RT 13 macération 240 h

56 RT 14 (erreur: 2x 3 mmole KAl(SO4)2.12H2O), précip. NH4OH

57 RT 15 précipitation NH4OH

RT2

Mode opératoire de référence 5: "RT 17"

58 RT 16 Laine teinte à 90°C, colorants récupérés dans de la cendre de chêne, laque préparée à partir de ce colorant

59 RT 17 colorants récupérés dans K2CO3

60 RT 18 laine teinte à 60°C, colorants récupérés dans K2CO3

RT 17

Mode opératoire "RT 19"

61 RT 19 laque de pseudopurpurine (laque de “Kopp”) RT 19

Mode opératoire "RT 26"

62 RT 26 recette "Tingry" RT 26

Mode opératoire de référence 6: "RT 27"

63 RT 27 recette "Marcucci"

64 RT 28 RT27, précipitation K2CO3

65 RT 29 RT27, sauf que la laque est décantée pendant 48h

RT 27

Mode opératoire de référence 4: "RT 2"

66 RP 2 Rubia peregrina L.

67 RP 3 Rubia peregrina L., extraction à. 90°C

68 RP7 Rubia peregrina L., extraction à pH 8 (dans K2CO3 20 mM),

69 RP12 Rubia peregrina L., macération 48 h

70 GA 2 Galium aparine L.

71 GA 3 Galium aparine L., extraction à 90°C

72 GA8 Galium aparine L., macération 24 h

73 GB 2 Galium boreale L.

74 GO 2 Galium odoratum L.(Asperula odorata L.)

75 GM 2 Galium molugo L.

76 GM 3 Galium molugo L., extraction à 90°C

77 GM8 Galium molugo L., macération 24 h

RT 2

206

78 GS 2 Galium sylvaticum L.

79 GS 3 Galium sylvaticum L., extraction à 90°C

80 GS 8 Galium sylvaticum L., macération 24 h

81 GV 2 Galium verum L.

82 GV 3 Galium verum L., extraction à 90°C

83 GV12 Galium verum L., macération 48 h

83 AT 2 Asperula tinctoria L.

RT 2

A1.3. Méthodes de caractérisation et d'analyse A1.3.1. UV-vis spectrophotométrie ULB, Service de chimie organique (Faculté des Sciences Appliquées) Spectrophotométrie des solutions des anthraquinones commerciales. Les échantillons ont été solubilisés dans l'eau ou dans un solvant organique et placés dans des cellules en quartz. Les spectres UV-Vis ont été enregristrés à l'aide d'un spectrophotomètre de firme Hewlet Packard, modèle HP 8452 A à barrette de diodes et/ou de Perkin Elmer, modèle Lambda 40 à monochromateur avec la sélection des longueurs d’ondes. A1.3.2. ES-MS (Electro-Spray Mass Spectrometry) LCQ Finigan, TermoQuest (Veenendael, laboratoire de démonstration) Spectrométrie de masse de la suspension gélifiante "Aliz0". La préparation de l'échantillon analysé par cette méthode est décrite dans le § A1.2.2 "Aliz 0". Il s'agit de la suspension gélifiante obtenue lors de la préparation d'une laque sur base du mode opératoire de Subayrol (1996). L'équipement (spectromètre de masse "LCQ" de Finigan) et la méthode d'analyse sont décrits dans le § III.5.2. A1.3.3. ToF SIMS (Time-of-Flight Secondary Ion Mass Spectrometry). Unité PCPM – UCL, LLN Spectrométrie de masse des fragment désorbés de la surface des poudres. Préparation des échantillons: Les poudres des anthraquinones de synthèse (alizarine purpurine et quinizarine) et de leurs laques (Aliz4, PU2, Qui2, cfr § A1.2.3) ont été pressées sur une feuille d'indium. Équipement, le spectromètre de masse ("SIMS" de Charles Evans and Associates) et la méthode d'analyse sont décrits dans le § III.6.3.

207

A1.3.4. FTIR (Furier Transform Infra-Red spectrometry) IRPA Spectrométrie infrarouge des poudres. Préparation des échantillons. Le mélange de KBr et de nos échantillons (anthraquinones synthétisé et leurs laques) en poudre est homogénéisé dans un mortier d'agate et pressé sous forme de pastilles transparentes. Équipement: NICOLET 5DXC Méthode d’analyse: KBr pastille comprimée Source du rayonnement IR: Ni-Cr filament (1200 - 1250°C) Détecteur : MCT (Mercury-Cadmium-Terurid) Intervalle de nombre d'onde: 4000 - 400 cm-1 (longueurs d'onde : 2,5 - 25 µm) A1.3.5. HPLC (High Performance Liquid Chromatography) IRPA Teneur en colorants des extraits des plantes et des laques. Deux méthodes d'extraction (§ IV.2.1) des colorants à partir des laques et des plantes ont été appliquées parallèlement. La première est l'extraction par le HCl 6N dans un mélange MeOH/H2O, 1/1, et la deuxième l'extraction par HF 2N /LiF / DTPA dans un mélange H2O/MeOH/DMF/AcEt, 2/1/1/1, avant l'injection dans HPLC. Le chapitre IV est consacré au développement de cette deuxième méthode d'extraction cfr IV.3. L'équipement et la méthodes d'analyse des extraits par HPLC sont décrit au § IV.2.2. A1.3.6. Granulométrie par diffraction de la lumière ULB, département de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées) Mesure de la distribution granulométrique (en nombre et en volume) des laques. Préparation des échantillons: Les laques sont sous forme de poudres hétérodisperses. La suspension aqueuse de ces poudres (~0,1g dans 25 ml d’eau dist.) est soumise au bain à l'ultrasons de l'appareil (Coulter LS130) pendant 20 secondes afin de disperser les agrégats. Équipement : Coulter LS 130 équipé d'une cellule PIDS Principe : Diffraction du faisceau du laser par les particules dispersées

dans un liquide qui passe par une cellule de diffraction (3 mm d'épaisseur) en direction perpendiculaire au faisceau. Ce faisceau laser dévié de sa trajectoire est ensuite focalisé par une double lentille de Fourier sur les cellules de détection.

208

Détecteur : 126 photodiodes en trois séries pour des angles de diffraction différents, pour les grosses, moyennes et petites particules

Source de la lumière: laser à 750 nm , 4 mW Gamme particules de 0,4 µm à 800 µm de diamètre Pour les particules plus petites que la longueur d'onde de la lumière (de 0,1 à 0,4µm) on utilise une cellule PIDS (Polarisation Intensity Differential Scattering). Ce dispositif permet de mesurer le rapport entre la longueur d’onde de la lumière et la taille de la particule. A1.3.7. Diffraction des rayons X

(GADDS - General Area Detector Diffraction System) ULB, Service de Géochimie, (Faculté des Sciences) recherche de la structure cristalline des laques Préparation des échantillons : ~50 mg d’échantillons sont broyés dans le mortier en agate, puis pressés sur un support en aluminium. Équipement : GADDS (Siemens ) Surface analysée: 500µm Détecteur : HI-STAR X-ray source : Tube de Cu (2000W) avec monochromateur en graphite gamme de 2θ : de -110° à +160° A1.3.8. Surfaces spécifiques (méthode BET) ULB, Service de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées) Mesure de la surface spécifique due à la porosité interne des poudres des anthraquinones et de leurs laques. Principe de la méthode: La méthode est basée sur l'adsorption physique d'un gaz inerte, à une température constante, sur la surface accessible aux molécules de gaz. L'équation de Brunauer, Emet et Teller permet d'évaluer à basse pression le volume d'une couche monomoléculaire adsorbée à la surface. p = pression partielle du gaz adsorbé po = tension de vapeur (pression de vapeur à saturation) Vads = volume de gaz adsorbé à la pression p Vm = volume de gaz nécessaire pour couvrir la surface d'une couche monomoléculaire c = constante liée à la chaleur moyenne d'adsorption de la couche monomoléculaire du gaz.

p

p p V

c

c V

p

p c Va d s m m( )0 0

1 1 1

−⋅ = −

⋅⋅ +

209

La constante c est d'habitude très grande, ce qui permet de faire les approximations c-1 = c et 1/c.Vm = 0, d'où En portant le terme de gauche ((p / (p0-p)) (1/Vads)) en graphique en fonction de (p/p0), on obtient une droite dont la pente (1/Vm) est inversement proportionnelle au volume d'une monocouche de gaz adsorbé, et donc à la surface du solide accessible à ce gaz. Équipement: Les mesures ont été réalisées sur un appareil Micromeritics 2200, sous un mélange azote / hélium, 3/7. L'échantillon préalablement dégazé est plongé dans l'azote liquide afin de provoquer l'adsorption, et ramené ensuite à température ambiante pour la désorption. L'appareil calcule et affiche la surface de l'échantillon à partir du volume de gaz désorbé. A1.3.9. Analyses thermogravimétriques (TGA) ULB, Service de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées) Estimation des teneurs en colorants, aluminium et eau d'adsorption des laques. Équipement: La TGA permet de suivre les variation de poids d'un échantillon en fonction de la température. L'équipement est composé d'une thermobalance (microbalance Setaram mtb 10-8) à fléau à laquelle sont suspendus deux creusets en quartz, l'un avec l'échantillon pesé avec précision et l'autre avec une référence. Les deux creusets sont introduits dans un four allant jusqu'à 1000°C, équipé d'un système de programmation de température. Nous avons utilisé un gradient de 2°C par minute. La perte de poids et la température sont transmises à un enregistreur graphique. A1.3.10. ICP - AES

(Induced Coupled Plasma-Atomic Emission Spectrometry) CERVA, Tervuren Analyse quantitative de l'aluminium et du potassium. Préparation des échantillon : Environ 1 mg d'échantillons est solubilisé dans 1 ml de HNO3 (conc.). Les échantillons avec un dépôt ont été chauffés à 60°C et soniqués dans le bain à l'ultra-sons pendant 25 min.

Équipement: Les mesures par spectrométrie d’émission atomique ont été réalisées dans un plasma d’argon à couplage inductif (ICP-AES) de marque Varian, modèle Liberty 220 (Mulgrave, Australie). Il s’agit d’un spectromètre sous vide à sélection séquentielle des longueurs d’onde à l’aide d’un monochromateur. L’échantillon,

p

p p V V

p

pa d s m( )0 0

1 1

−⋅ = ⋅

210

sélectionné et distribué par un passeur automatique (Varian SPS-5) est amené sous forme d’aérosol par l’intermédiaire d’une pompe péristaltique et après passage d’un nébuliseur pneumatique (type V-groove) et d’une chambre de brouillard cyclonique (les deux Glass Expansion, Australie) dans le plasma (argon ionisé, température entre 3 000 et 10 000°C) ou a lieu l’atomisation et l’excitation). L’étalonnage de la méthode est préalablement réalisé à l’aide de solutions aqueuses multi-éléments acidifiées (2% HNO

3). Les éléments ont été mesurés aux longueurs

d’onde suivantes : Al 396.15 nm, K 769. 87 nm. Comme il s’agit d’une méthode comparative, les inconnues sont comparées à une droite d’étalonnage préalablement établie pour chaque élément. Les valeurs obtenues des concentrations trouvées en solution sont ensuite automatiquement recalculées pour les poids (en solide) et volumes (mise en solution) analysés de l’échantillon.

A1.3.11. Microspectrophotométrie en réflexion (colorimétrie) INCC, Bruxelles Mesures des coordonnées colorimétriques des poudres avant et pendant le test de vieillissement (Les rapports entre spectres de réflectances et coordonnées colorimétriques sont expliqués dans le § V.7.1- 4) Préparation des échantillons (cfr § V.7.3): Les échantillons (poudres) ont été pressés sur une lame de verre et/ou fixés sur un filtre Millipore en ester de cellulose (MF HA013) en vue des études de vieillissement. Équipement: MSP 400 Microscope - spectrophotomètre (Zeiss) Détecteur : PDA (à barrette de diodes) connecté au microscope par les fibres optiques. Microscope AXIOTECH (Zeiss) Source de lumière : lampe halogène de 100 W type de mesure: réflexion diffuse, fond noir géométrie : 45° / 0° objectif 10x référence standard blanc, surface du PTFE1 pressé A1.3.12. Vieillissement accéléré (Xenotest) IRPA - INCC Tests de vieillissement accéléré des poudres, attribution de grade de la résistence à la lumière. Principe: Le vieillissement accéléré est un test qui permet d'évaluer, en temps relativement court, la stabilité physique et chimique des matériaux à long terme. Le deuxième objectif de ces tests est d'élucider les réactions chimiques (mécanisme de

1 polytetrafluorethylène

211

dégradation) et leurs conséquences physiques (décoloration ou coloration par des produit de vieillissement, désintégration, perte d'adhésion ou solubilité...). Un échantillon est exposé à la lumière artificielle dans des conditions prescrites, à côté de huit échantillons de référence de laine teinte en bleu (tabl. A1.6). La résistance à la lumière est évaluée par comparaison de la dégradation des échantillons avec celle des références. Elle s’échelonne de 1 (très faible solidité) à 8 (très haute solidité des teintures).

Tableau A1.6. Liste de références de laines bleues pour le vieillissement Référence Colorants (selon Color index)

1 CI Acid Blue 104

2 CI Acid Blue 109

3 CI Acid Blue 83

4 CI Acid Blue 121

5 CI Acid Blue 47

6 CI Acid Blue 23

7 CI Solubilized Vat Blue 5

8 CI Solubilized Vat Blue 8

Préparation des échantillons: Les laques étudiées sont pesées (ca 2 - 3 mg) et lavées dans 20 - 30 ml d'eau distillée dans le bain à ultra-sons pendant 15 minutes, ensuite filtrées sur un filtre Millipore quadrillé (MF HA013, en esters de cellulose) avec des pores de diamètre 0.45 µm. Le filtre avec la laque régulièrement répartie est séché et ensuite collé sur une lame de verre à l'aide d'un mélange d'acétates d'éthyle et d'amyle (Jedwab, 1991). Les lames de verre avec les laques déposées sur le filtre sont observées au microscope optique. Deux carrés les plus représentatifs sont choisis, chacun dans une moitié du filtre. Il sont marqués de manière à les reconnaître pour chaque mesure de spectre, le premier d'une croix et l'autre de deux barres parallèles. Une moitié de l'échantillon est couverte avec une feuille d'aluminium. Le carré marqué de deux barres, mesuré avant et après le test, sert de témoin, pour évaluer l'influence de la température et de l'humidité. Équipement: Appareillage SUNTEST CPS+ de la firme Rycobel, à lampe à arc de xénon comme source de rayonnement, et à refroidissement par air SUNCOOL. La lampe (puissance 1600 W) éclairement énergétique 765 W / m² (~180 klux)) est entourée d’un système de filtres constitué d’un cylindre en quartz (absorbe les radiations inférieurs au 270 nm), d’un cylindre additionnel de verre spécial pour les UV (290 nm) et d’un cylindre de filtre à chaleur pour réduire de manière régulière le rayonnement IR. L’espace entre la lampe à arc de xénon et le dispositif de filtration est refroidi par un courant d’air qui est évacué à l’extérieur de l’appareil. La surface de la zone irradiée est de 500 cm²

212

L’appareil d’exposition est maintenu dans une enceinte isolée afin de réduire les effets des variations de la température ambiante. Un système de ventilation fournit un volume d’air variable dans la chambre d’essai et sur les échantillons. La température de l’air (22°C ± 3°C) et du panneau noir (35°C± 2°C) est automatiquement contrôlé en modifiant la proportion du mélange d’air frais de laboratoire et d’air chaud de l’appareil. L’appareil est également équipé d’une minuterie afin de contrôler la durée d’exposition.

215

ANNEXE 2

A2. TEXTES ANCIENS CONCERNANT LA GARANCE L'étude de recettes anciennes, leur reconstruction et le vieillissement accéléré des matériaux produits, nous permet d'interpréter les résultats d'analyse des matériaux anciens. Ainsi l'étude des sources écrites du passé est un des outils de la recherche de matériaux et des techniques anciennes, dans notre cas la préparation des laques de garance ou son utilisation dans l'art pictural, par exemple pour teindre la laine, l'ivoire ou une résine. Parmi ces sources historiques on compte des notes des artistes ou des anecdotes racontées par leurs amis (Cennini 1437, de Mayerne 1620, Mérimée 1830) et d'un autre coté les traités des fabricants de couleurs (Watin 1772, Tingry 1803, Marcucci 1816). Nous présentons, dans l'ordre chronologique, une série de transcriptions des textes anciens mentionant l'utilisation de la garance dans la préparation des matériaux artistiques, en premier lieu des laques, mais aussi des glacis, des vernis colorés, des textiles ou de l'ivoire teints. Ces transcriptions proviennent des textes originaux, lorsqu'ils étaient disponibles ou/et de leur traduction plus récente. Nos sources sont les suivantes: Vitruve (I er s. av J.C.): De l'architecture Liou B., Zuinghedau M., Cam M-T. (1995): De l'architecture, Livre VII, Texte établi et traduit par Bernard Liou et Michel Zuinghedau, commenté par Marie-Thérèse Cam. Paris, Les Belles Lettres p. 37. Chapitre XIV. Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux. Papyrus de Stockholm (IIIe s.) Halleux R. (1981) : Les alchimistes grecs. Paris, Les Belles Lettres p. 140. recette 112. - Teinture en rose p. 151. recette 159. - Teinture en pourpre à la garance Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.) Sir Th. Phillipps (1847), Preparation of Pigments during the Middle Ages. Archeologia, vol. XXXII p. 221. Chap. clxxv. Pandius p. 223. Chap. clxxxviij. Item Théophile (fin XI e - début XII e s.) De Diuersis Artibus. Dodwell C.R. (1961): Theophilus. The Various Arts. Translated from the Latin De Diuersis Artibus. Thoma Nelson and Sons, London p.168. Liber III, Cap. XCIV. Staining Bone Red. Jehan Le Bègue (1431) Experimenta coloribus.

(compilation par Archérius entre 1392 - 1414) Merrifield M.P. (1967): Original Treatises on Arts of Painting, London 1849, reprint Dover, New York p. 144. n°183. As before. - You make the same sinopis in a different manner. -

(MS of Petrus de S. Audemar) p. 248. LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors are, particulary

lakes, which are used for want of other colors. (Eraclius de coloribus et artibus Romanorum )

p. 250. LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various substances in various manners. (Eraclius de coloribus et artibus Romanorum)

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Violon Varnish (1550 - 1750) Michelman J. (1946), Violon Varnish. A plausible Re-creation of the Varnish Used by the Italian Violon Makers Between the Years 1550 and 1750, AD. Cincinnati, Ohio p. 59. Fermentation of Madder. p. 38. Preparation of Potassium Rosinate Solution p. 80. Preparation of Red Aluminium Rosinate Neri A. (1612) : L’arte vetraria Neri Antonio (1612): L’arte vetraria distinta in libri sette del R.P. Antonio Neri, fiorentino. Ne quali si scoprono, effetti maravigliosi, & insegnano secreti bellissimi del vetro, nel fuoco, & altre cose curiose . p. 99. Lacca di Chermesi per pittori. Cap. CXVI. p. 100. Maestra per cavare il colore dal chermesi. Cap. CXVII. p. 102. Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello. Cap. CXVIII. Merrett Ch.(1662) : The Art of Glass wherein are show the wayes to make and colour Glass, Pastes, Enamels, Lakes, and other Curiosities. Written in Italian by Antonio Neri, and Translated into English, with some observations on the Author. London p. 178. Lake of Brasil and Madder very fair. Chap. CXVIII. Kunckel J. (1689): Ars Vitraria Experimentalis oder Vollkommene Glasmacher-Kunst. Frankfurt und Leipzig. Fac-simile réalisé en 1992, Geor Olms Verlag, Hildesheim p. 168. Im 118. Chapitel. (Commentaire au chapitre 118.) Marggraf A.S. (1753) 1/ Diderot D. & D'Alembert M. (1777) : Supplément à l'encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métier, par une société de gens de lettres. Tome troisième. Amsterdam chez M.Rey. Nouvelle impression en fac-similé de la première édition de 1777 Stuttgart - Bad Cannstatt 1967. p. 696. Lacque artificielle, (Chymie, Peinture.) Laque rouge fort durable, propre à

la peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff. 2/ Pfingsten J. H. (1789): Farbenmaterialen. Berlin, p. 267. Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die Maler, welche

verlohren gegangen war und wieder entdeck ist: von Herrn Markgraf. Massoul C. de (1797): A Treatise on the Art of Painting and the Composition of Colours. London p. 208. Lake from vegetables substances. Tingry P. F. (1803) : Traité théorique et pratique sur l'art de faire et d'appliquer les vernis. Genève p. 72. Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance. Tingry P. F. (1830) : The Painter's and Colourman's Complete Guide. 3rd ed., Sherwood, Gilbert & Piper, London p. 119. Carminated lake from Madder. p. 120. Another process for Madder Lake. Marcucci L. (1816) : Saggio analitico-chimico sopra i colori minerali, 2 ed, Rome, 1816, p.120. Cap. I. Delle lacche vegetabili p.121. Lacca rossa di Robbia

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Leuch J. CH. (1829) : Traité complet des propriétés et de l'emploi des matières tinctoriales et des couleurs. Traduit de l'allemand. Revu pour la partie chimique par M.E. Péclet. Première partie. Matières tinctoriales. Paris à la Librairie Scientifique-Industrielle de Mahler et Cie p. 278. Action de la lumière, encre rouge. Mérimée J.-F.-L.(1830) : De la peinture à l'huile, ou des procédés matériels employés dans ce genre de peinture, depuis Hubert et Jean Van Eyck jusqu'à nos jours, Paris (fac-simile réalisé en 1981 pour EREC Puteaux). p. 144. Laque de garance. Schmidt CH. (1857): Vollständiges Farbenlaboratorium oder Anweisung zur Bereitung in der Malerei, Staffirmalerei, Illumination, Fabrication bunter Papiere und Tapeten gebräuchlicge Farben und namentlich der Erd-und Metall- oder Oxydfarben, Lackfarben, Saftfarben, Honigfarben, Pastell- und Tuschfarben. 1. Auflage Weimar 1841 (Neuer Schauplatz der Künste und Handwerke Bd. 117), p. 159. Kraplack

Goovaerts A. (1896) : Les ordonnances données en 1480, à Tournai, aux métiers des peintres et des verriers. Compte rendu des séances de la Commission Royale d'Histoire, ou Recueil de ses Bulletins, 5e série, VI. p. 147. Ordonnaces faictes pour les paintres et voiriers de la ville et cité de

Tournay. p. 178-180. Art. 44. Perkin A.G. / Everest A.E. (1918): The Natural Organic Colouring Matters. Longmans, Green and Co., London p. 27. Kopp's Process for the Extraction of Madder. p. 32 - 33 Commercial Preparations of Madder p. 623 - 23. Madder lakes. Schweppe H. / Winter J. (1997): Madder and Alizarin. dans "Artists' Pigments - A Handbook of their History and Characteristics", vol. 3, ed. E.West FitzHugh, Nat. Gall. of Art, Wash. - Oxford Univ. Press, Oxford p. 122. Purpurine madder lake. D'après Pubetz A.(1872) : Praktisches Handbuch

der gesamten Färberei und Druckerei, Berlin p. 298 -321 Krapp und Krapplack.

p. 123. Rose madder (pink madder). D'après Cohn C. (1930): Farbstoffe, natürliche, dans Ullmanns Enzyclopädie der technischen Chemie 5, p.135- 136.

p. 123. Madder Lakes. D'après De Puyster B.(1920) : Use of Organic Dyestuffs in the Manufacture of Lakes: 9. Lokao - Mdder - Persian Berries, dans Color Trade Journal 7, p. 25, 28 - 31

p. 123. Alizarine lake. D'après Wagner H. (1939): Die Körperfarben, 2nd ed. Stuttgart, p. 340 et 408.

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_________________ A2.1. Vitruve (Ie s. av. JC)

Chapitre 14: Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux.

1. On fait aussi des couleurs pourpres en teignant de la craie avec la racine de la garance, et à partir de l'Hysgine, tout comme à partir d'autres fleurs on obtient d'autres couleurs. c'est ainsi que les peintres de revêtements, lorsqu'ils veulent imiter le sil attique, jettent dans un récipient, avec de l'eau, des violettes séchées, et les mettent au feu à bouillir; ensuite, quand la décoction est à point, ils la versent dans un linge, puis, l'exprimant avec les mains, recueillent dans un mortier l'eau colorée par les violettes; ils y versent de la craie, la broient, et obtiennent du sil attique. _________________ A2.2. Papyrus de Stockholm (IIIe s.) 112. Teinture en rose: Teignez en rose comme suit : saupoudrez de cendre les pelotes de laine, faite pénétrer, lavez avec le jus de la terre à potier, rincez, mordancez comme écrit plus haut (plusieurs recettes de mordançage : alun (100), alun + urine (102); alun + fleur de cuivre + noix de galle (99) scorie de fer + vinaigre(98), chaux, alun, urine, bain successifs (107)). Après le mordançage, rincez à l'eau de mer. Ayez de l'eau de pluie chaude au point de n'y pouvoir plonger la main. Ensuite, prenez de la racine séchée (garance) et pilée finement, un quart de mine par mine de laine, et un quart de chénice de farine de haricots. Mêlez ensemble en versant du vinaigre blanc. Saupoudrez-en le chaudron, remuez, mettez les laines dans le chaudron et remuez de nouveau constamment pour homogénéiser. Quand elles vous paraîtront avoir absorbé, donnez l'éclat par l'alun, rincez à l'eau de mer, séchez à l'ombre en prenant garde à la fumée. 159. Teinture en pourpre à la garance. Bleuissez les laines, saupoudrez de cendre et foulez convenablement. Ensuite, exprimez le jus de la terre à potier, lavez-y la laine bleuie, rincez dans l'eau de mer et mordancez. Vous verrez si le mordançage est bon quand la laine se déposera dans la cuve et que le liquide sera transparent. Ensuite, chauffez de l'eau de pluie, au point de ne pouvoir y plonger la main. Délayez de la racine, c'est à dire de la garance séchée, pilée, tamisée, dans du vinaigre blanc en poids de 1/2 mine par mine de la laine, et délayez à nouveau avec la garance 1/4 de chénice de farine de haricot. Ensuite, mettez dans un chaudron, remuez, ensuite mettez la laine en remuant constamment, rendez homogène, enlevez, rincez à l'eau de mer. Si vous voulez donner une belle couleur indélébile, donnez de l'éclat avec de l'alun, rincez de nouveau à l'eau de mer, séchez à l'ombre en vous gardant de la fumée. _________________ A2.3. Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.) Les recettes 175 à 189 décrivent un procédé de teinture en rouge appelé "pandius", dont le sens est obscur (Berthelot 1893). Deux de ces alinéas (188 et 189) utilisent l'extrait de garance "coctio rubiae".

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Pandius. CLXXV. Mitte vermiculum libram j. coccarin libram j. (Coccarin nascitur, sicut supra dictum est, in foliis ceri) cinnaberin ; j, lazurin primi ; j. commisces ; tere diligenter in mortario, et mitte de urina expumata libras XV. coques in cacabo novo, donec ad dimidiam partem veniat ipsa urina. Postea pisa grana, cum cinnaberin trita, in lintheolo delava, sicut supra continentur, donec consumetur. Item CLXXXVIIJ. Cinnaberin ; j. iotta conchilii ; j. coction rubiae ; coction finisci simul; teres primum cinnaberin semotim ; post hoc commisces omnia, et repones in vase vitreo, sicut et cetera. Item CLXXXVIIIJ. Tolles iottam rubiae, et addis gallae ; iij. teresque utiliter ; tolles ex iotta rubiae libram ij. et mittes in vase vitreo cum ipsa galla trita, et dimittes par ij. dies infundi : post haes colas, et addas calcitrin z. j. cinnabarin solidos ij. utrumque teres, et mittes ea cum supradictis rebus, et decoques donec veniat ad tertiam partem. _________________ A2.4. Théophile (fin XIe - début XII e s.) XCIV. Staining Bone Red There is a plant called madder (herba rubrica), the root of which is long, slender and red. It is dug up, dried in the sun, pounded in a mortar with a pestle, lye is poured over it and it is heated in an unused pot. After it has been well boiled, the tusk of an elephant, or bone of a fish, or horn of stag, becomes red when placed in it. From these bones or horns, one can make knops in turned work for the crosiers of bishops and abbots, and smaller knops appropriate for various uses. When you have turned these with sharp tools, you smooth them with shave-grass, then, collecting the scrapings in a linen cloth, you rub vigorously on top of the work as it is rotated and they will shine all over. You can also polish horn handles, hunting horns in a cloth but, finally, do not forget to rub them over with walnut oil. _________________ A2.5. Jehan Le Bègue (1431) 1/MS of Petrus de S. Audemar (Pierre de St. Omer)

183. As before. - To make the same sinopis in a different manner. If you wish to make excellent sinopis, take lac, that is the gum of ivy, and madder, and boil it for a short time in a jar with water, and afterwards take it out of the jar, and let it cool a little. Then grind it well in a mortar, and strain it through a cloth, squeezing it well out, and afterwards heat it carefully in a basin or saucer, taking care not to let it boil, but only simmer. And while it is on the fire put it frequently with twig upon your rod to try it; if it is thick enough, remove it from the fire, and let it cool and harden, so that you may be able to make it into cakes, cut it up, and put it into a small hole, and keep it for use.

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2/ MS of Eraclius de coloribus et artibus Romanorum.

LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors are, particulary lakes, which are used for want of other colors.

It is evident that all colours are corrupted by mixing them ; although, indeed, in tempering "folium", lime made from hard stone is used, lest the colour should fade for want of body. For when "folium" is distempered with a pernicious quantity of albumen, that is white of egg, it can [not?] be employed with great beaty and advantage. The juice of dragon's blood, and "sandis", that is, madder - is used either pure or with red chalk; other juice of a similar kind are also mixed with green or yellow earth. "Crisicula" [chrysocolla] comes from Macedon, and is dug in copper mines. Indicus by its name shows whence it is brought.

LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various substances in various manners. Purple colours are also made by straining [a decoction of] boiled madder roots. So also other colours are dyed with flowers. Thus, when painters wish to imitate sil atticum they put dried violets (Viola lutea) into a vase of water over the fire to boil, and, when boiled down, they are strained through a linen cloth, and rubbed down in a mortar with chalk, and so a colour like sil atticum is made. In the same manner, tempering "vaccinium" with milk, a very elegant purple colour is made ; so the herb which is called "litea" (Reseda luteola) gives out an azure juice ; and a very deep green colour is also made. Thes are called "infectivi"; and are used for want simple colours. In the same manner, also, mixing formosa or angularia with glass, they make colours with it. _________________ A2.6. Vernis de garance utilisé par les luthiers Italiens entre 1550 et 1750

(interprétations de l'auteur, sans faire les références à ses sources) 1/ Fermentation of Madder p. 59. 2/ Preparation of Potassium Rosinate Solution p. 38. 3/ Preparation of Red Aluminium Rosinate p. 80.

1/ Fermentation of Madder. 1200 cc. 1% Acetic Acid 120 gms. Ground Madder Root The madder was powdered, RT, Dutch assay, Penick. It was suspended in the dilute acetic acid solution with shaking so that thorough wetting occurred. The top of the container remained open to the air and was merely covered with a piece of screening or netting. The fermentation was permitted to continue for 24 hours in warm weather and longer in cooler weather. The mixture was filtered on the cloth, and the madder was washed with very little water, about 250 cc. to avoid loss of the colouring matter. The residue on the cloth was removed to a plate and permitted to dry thoroughly; the filtrate was discarded. The madder lost 15 to 20 % of this original weight in the fermentation and filtration. Acetic acid may be preferable to tartaric acid as the latter is completely non volatile and may remain in the madder requiring more thorough washing, with accompanying loss of colouring matter.

221

2/ Preparation of Potassium Rosinate Solution 3000 cc. 1 % Potassium Hydroxide Solution 170 gms. Gum Rosin, WW Grade

The rosin should be in the form of small, clear pieces; powdered rosin that has been exposed to air and oxidation should be rejected. The rosin is used in slight excess as the resulting solution can be readily decanted from the undissolved residue. The potassium hydroxide water solution is very dilute; about 1,0 % of a good commercial grade is satisfactory; if it is more concentrated, then more rosin is added until a slight excess of rosin remains undissolved. After standing four to six days in a tightly stoppered bottle, with frequent shaking, nearly all of the rosin dissolves and the solution acquires an amber colour. If warm water is used, the solution of the rosin in the lye is more rapid. The bottle is then permitted to stand for a few more days whereupon the clear solution of the potassium rosinate may be decanted from residue.

3/ Preparation of Red Aluminium Rosinate

100cc. Potassium Rosinate Solution (2/) 20 cc. Ethyl Alcohol 2 gms. Dried Madder Extract (1/) 80 cc. Water 4 cc 5% Potassium Hydroxide Solution 70 cc. 5% Alum solution The dried madder extract was completely soluble in the alcohol after warming. This solution (10%) was added to the 80 cc. water, and the yellow mixture was then poured into the potassium rosinate solution. Insufficient alkali was present to solubilize all the madder extract, which necessitated the addition of 5 % KOH solution. More alum solution than usual was required to produce an acid reaction because of the extra alkali added. The filtrate gave a slight precipitate with diluted NH4OH solution indicating a very small excess of aluminium salt The resin produced in this preparation possessed the desired properties for varnish - making. It was completely soluble in turpentine, and this solution yielded a transparent film that was red in colour. A varnish was prepared containing 2,0 gms. resin, 4 cc. turpentine, and 2 cc. raw linseed oil; the varnish was clear and the film on glass was transparent. _________________ A2.7. Neri A. (1612): L'arte vetraria. Lacca di Chermesi per pittori. Cap. CXVI. Piglia libra una di cimatura di panni lani bianchi, che siano di lana fine, tiene questa cimatura in acqua fresca per uno giorno, poi spremi bene, & questo si fa per le-[p. 100]varli l’untuosita che ha quando si cima, che se li da sopra di cotenna, poi allumina questa in questo modo cioè. Piglia oncie quattro di allume di roccha, & oncie due di tartaro crudo polverizzato messo in paioletto piccolo contre fiaschi di acqua in circa, come cominciera a bollire, metti drento la cimatura, & lassala bollire drento per meza hora a fuoco lento, poi levala dal

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fuoco, & lassala freddare per sei hore, poi cava la cimatura, & lavala con l’acqua chiara, & lassavela stare per due hore poi spremi bene la cimatura dall’acqua è lasciala asciugare.

Maestra per cavare il colore dal chermesi. Cap. CXVII. Acqua fresca fiaschi quattro, crusca di grano libre quattro, Pilatro di levante oncie un quarto, sieno Greco oncie un quarto, metti in paiuolo ogni cosa, & lassa sopra fuoco, che venghi tiepida l’acqua, che vi possa tenere dentro le mani, & levala del fuoco, & cuopri il paiuolo, con panno acciò il colore vi si mantenga assai lassa cosi per ventiquattro hore, poi decanta questa liscia, o Maestra per il suo uso. Piglia poi un paiuolo pulito, & drento metti tre fiaschi di acqua fresca, & un fiasco di detta maestra, & quando bolle metti il chermesi pesto in questa maniera, in uno mortaio di bronzo pesta oncie una di chermisi, & passalo per staccio che si pesto bene, passando tante volte, che tutto passi per staccio, da ultimo piglia un poco di tartaro crudo, & pestalo nel mortaio, & il tartaro piglierà tutto la tintura attaccata al fondo del mortaio, & del pestello. questo tartaro mescolalo con il chermesi stacciato, & come l’acqua del paiuolo bolle metti drento tutto il chermesi, & lassa tingere l’acqua, per il dire di uno Miserere. Piglia poi la cimatura di sopra alluminata, che prima sia stata in una catinella di acqua fresca per mezza hora, & quando l’acqua è bene tinta dal chermesi, piglia la cimatura & spremila bene da l’acqua, & cosi buttala nel paiuolo, & con un bastoncello rivolgi bene la cimatura nel paiuolo, acciò si tinga bene, & lassa stare sopra fuoco meza hora, pero che bolla pianamente, poi leva dal fuoco il paiuolo, & cava la cimatura mescolando con legno pulito, & mettila [p. 101] in una catinella piena di acqua fresca & in capo di meza hora scola tutta l’acqua,& metti nuova acqua fresca, poi scolo,& spremi bene, & metti a sciugare [sic] in luogo che non vi calchi polvere tenendola distesa, acciò non muffassi, & riscaldassi, avvertasi, che il fuoco sia sempre lento bene, perche con fuoco gagliardo la tintura piglia il nero, di-poi farai una lisciain questa maniera, cioè. Piglia cenere di Sermenti, o di Salci, o altra cenere di legne dolcie, mettila sopra uno canovaccio lino addoppiato, & sopra metti acqua fresca pianamente, & lassa colare in una Catinella, & ritorna il colato sopra le cenere due volte, & lassa la liscia posare ventiquattro hore, acciò la cenere dia in fondo, & sia ben pulita, e chiara., e allora decante in altra catinella lassando la terrestreità a parte che non é [sic] buona. Piglia di questa liffia [sic], mettila in un paiuolo pulito, & dentro a freddo metti la cimatura tinta in chermisi & fa bollire a fuoco temperatissimo, che in questa maniera la liscia si tingera in colore rosso, & esubererà la tintura dalla cimatura, & per prima piglia in poco di cimatura, & spremila bene, & se la troverai iscolorita leva dal fuoco il paiuolo che sara segno che la liscia havera esuberato la tintura del chermisi dalla cimatura. Habbi una calza di panno lino, che stia sospesa sopra una catinella grande capace, & per questa calza di panno lino cola tutta la tintura del paiuolo, & la cimatura ancora vadi nella calza, quando è scolata spremi la calza ove[sic] è la cimatura, per aver tutta la acimatura poi lava la calza da i peli della cimatura arrovesciandola acciò venghi pulita & netta. Poi habbi oncie dodici di allume di rocca polverizzata, & messo in un bicchiere grande d’acqua fresca, & lassalo stare tanto che tutta l’allume si dissolva nell’acqua, come è dissoluto tutto in acqua accomoda bene la sua calza di panno lino bene lavata da’ peli della cimatura, sopra duoi bastoni, che stia sospesa in aria, & larga in bocca, e stretta in fondo bene, che sia cucite a foggia di piramide tonda, & sotto la calza si tenga una

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catinella pulita, poi piglia acqua alluminata del bicchiere, & butta la tutta nella catinella dove è la tintura del chermesi, che di subito vedrai che detta acqua fara separare la tintura del chermesi, come un Congulo, allora con un pignatta pulito butta sopra la cal-[p. 102]-za tutta la detta tintura, e liscia, che la liscia colera dalle calze chiara, & la tintura del chermesi si attachera alla calza, e come è ben colata tutta l’acqua, se per sorte colassi alquanto colorita tornala di nuovo sopra la calza, & cosi lascera tutta la tintura nella calza, & la lissia [sic] a questa seconda volta colera biancha, & scarica di tintura, & la tintura rimarrà tutta nella calza, allora piglierai uno mestoligno di legno pulito, & di su la calza va mestiando la lissia, la quale vi sara attaccata grossa bene, habbi a ordine mattoni nuovi cotti, & sopra essi distendivi pezzuole di lino, & sopra queste pezzuole distendi la Lacca, che staccherai della calza, & lassala asciugare bene, distendendola non molto grossa, acciò asciughi presto, che quando sta troppo ne l’humido muffa, & fa brutto colore, però si potra quando il mattone hara succiato di molta humidità, pigliare un’altro mattone nuovo, che in questa guisa secchera più presto, come è secca, si lieva dalle pezzuole line, che sara Lacca buona per pittori, come io più volte ho fatto in Pisa, avvertendo che se il colore fusse troppo carico se li dia più allume di roccho, & se è troppo scarico manco allume di roccho, che cosi si fanno colori secondo i gusti, e volonta.

Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello. Cap. CXVIII. Se vuoi cavare la laccha da questi materiali da ciascuno da per se, farai in tutto, & per tutto, come sopra si dice del chermisi, tingendo l’acqua con uno di questi materiali, però non darai tanto allume per oncia, come dai al chermisi ha la tintura più profonda che non ha il verzino, & la robbia pero gli darai la sua proportione, che con la pratica troverrai, & anco a una libra di cimatura darai più verzino, o robbia, perche non hanno tanta tintura, un pezzo quanto ha il chermisi, & in questa maniera haverai lacca assai belle per pittori, con manco spesa, che non è con il chermisi, & quella della robbia in particolare verra bellissima & di colore assai vistolo. _________________ A2.7.1. Neri - traduction anglaise par Christopher Merrett (1662)

Lake of Brasil and Madder very fair. Chap. CXVIII. If you would make a Lake of these materials each of them by themselves, you shall do in every thing as befor said of Cochineel, colouring the water with one of these materials, but you shal not use to much Alum by an ounce as you did in Cochineel, for Cochineel hath it's tincture deeper than Brasil, & Madder have. Wherfore you shall give them their proportion, which you shall find by practice. And also to one pound of Flox you shall use more Brasil or Madder, for they have not so great a tincture weight to weight as Cochineel hath. And in this manner you shal have a very fair Lake for Painters, and with less charge than from Cochineel, and that from Madder in particular will arrise most fair and very fightly. _________________

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_________________ A2.7.2. Neri - traduction allemande par Johannes Kunckel (1689)

Das 118. Chapitel.

Eine sehr schoene Lacca aus dem Brasilien=Holz und der Faerbe=Roethe1 zu extrahiren. Wann man aus dem Brasilien=holz oder dergleichen Specien eine Laccam extrahiren will; so muss man auf eben solche Art / wie oben von den Kermesin=Beeren ist vermeldet worden / verfahren / Jedoch also das man auf jede Unz des Brasilien=Holzes oder Faerber=Roethe / weniger von dem Alaun / als zu den Kermesin=Beeren / nehme, denn es lieget in den Beeren die Farb tieffer , verborgen / und stecket viel fester ? derinnen / als in den andern benden. Derowegen mus man den den Alaun mit Maas und Bescheibenheit / welches die Ubung lehren wird / hinzu lezen. Uber dieses / so mus man auf jedes Pfund der Wolle / mehr von dem Holz oder der Faerber=Roethe nehmen / dennsie haben weniger Farb / als die Kermesin=Beer ben sich : und solche Weise wird man aus diesen benden fuer die Mahler eine sehr schoene Laccam bereiten koennen / auch mit geringern Untosten / als aus den Kermesin=Beeren. Insonderheit kan solche mit der Faerber=Roethe geschehen / als welche eine serh schoene Laccam von herrlicher Farb zu geben pfleget.

Commentaire de Kunckel au chapitre 118, page 168:

Im 118. Chapitel Hat der Autor gelehrt / wie man eine Lacca aus der Brasilie machen sol. Diesen Modum bin ich gesolget / und habe selbigen ganz richtig befunden / nachdeme habe ichs einen guten Freund gewiesen der macht sie noch auf den heutigen Tag / und verkaufft solche denen Mahlern mit guten Nuzen / als welchen sie weisn solche wol tieffet (wie die Mahler reden) sonderlich dienstlich ist. Das Zugiessen des Alauns gibt sich selber. Imuebringen hat hierinnen der Autor das geringste nicht verhalten. Was aber _________________ A2.8. Marggraf A.S. (1753) Andreas Sigismund Marggraf (Berlin 1709 - 1782), chimiste allemand, membre de l'Académie des sciences de Berlin, directeuer de laboratoire de cette Académie. Il est surtout connu pour avoir obtenu le premier, en 1747, le sucre de bettrave en état solide. Mais on lui doit d'autres découvertes, notamment celle de l'acide formique (1749), de la magnésie et de l'alumine (1754), de l'anhydre phosphorique. Il a établi la formule de gypse (1750), distingué les sels de sodium et de potassium par la coloration donnée à la flamme etc. (Grand Larousse, 1963)

1 Garance

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A2.8.1. Diderot D., d'Alembert M. (1777) :

Lacque artificielle (chymie. Peinture.) Laque rouge fort durable, propre à la peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff.

Personne n'ignore combien les bons peintres font de cas des couleurs qui joignent à la beauté la durée; & en effet, quelques perfections qu'ils mettent dans les productions de leur art, si les couleurs qu'ils y emploient s'effacent, soit d'abord, soit à la longue, le tableau perd tout son prix & ne ressemble plus à celui qui étoit sorti des mains du peintre. C'est ce qui engage ces artistes à soumettre aux plus fortes épreuves les couleurs qu'ils veulent employer. Pour cet effet ils prennent, autant que je le sais, celle qui soutiennent le plus long-tems l'action des rayons du soleil, & ne s'y ternissent pas. Ils broient les couleurs avec un peu d'huile du pavôt par expression, & font avec ces couleurs une ou plusieurs raies sur les vitres d'une fenêtre qui soit l'exposition du soleil la plus forte & la plus longue; & ils jugent de leur durabilité par le tems plus ou moins long pendant lequel elles s'y soutiennent. La couleur qui survit, pour ainsi dire, à toutes les autres, est d'autant plus estimée qu'elle subsiste le plus long-tems. En 1753, quelques amis, dit M. Margraff, me donnerent une semblable couleur rouge, qu'ils tenoient de M. Pesne, célèbre peintre de la cour de Berlin, qui l'employoit comme une des plus durables, mais dont la composition étoit demeurée inconnue à la mort d'un homme qui la fournissoit, & qui en possédoit seul la préparation, me priant de la retrouver, s'il étoit possible. Le total n'alloit pas au delà d'une demi-dragme; ce qui n'empêcha pas que je ne tentasse l'entreprise, & ne fisse les expériences suivantes. Je posai un peu de cette couleur sur la lanque humide, & je remarquai qu'elle avoit été attirée par la lanque & y étoit demeurée attachée. Là-dessus j'en jettai un peu dans l'esprit de nitre; je ne remarquai point d'effervescence, mais la solution du mêlange se fit fort tranquillement, sans que la surface s'élevât le moins du monde, d'où je conclus que la base de cette couleur étoit une terre précipitée de l'alun par un alkali, & ensuite bien édulcorée, à laquelle s'attachoient les parties de tel ou tel corps coloré, & souffroit en même tems la précipitation. La base étant ainsi connue, il s'agissoit de trouver la partie colorante. Comme la cochenille passe pour donner une des couleurs rouges les plus belles & les plus durables, & qu'on en fait aussi de belles lacques pour la peinture, j'essayai d'en lier la substance colorée avec une terre d'alun. Je fis bouillir diverses quantités de cochenille pulvérisée avec de bon alun de Rome & autant d'eau qu'il convenoit; je filtrai la décoction par un papier brouillard; je précipitai la lessive colorée au moyen d'une solution nette de sel alkali fixe, préparé du tartre, je l'édulcorai avec de l'eau bouillante, je la fis sécher, & j'obtins quelques couleurs, belles à la vérité, mais inférieures néanmoins pour la beauté & pour la durée à celle qu'on m'avoit donnée; elles tiroient plus au cramoisi, & ne soutenoient pas long-tems les rayons du soleil, qui les privoient bientôt de leur lustre. Je remarquerai ici que dans la préparation des couleurs susdites & de celles dont j'ai encore à parler, je ne me suis servi que de l'alun de Rome, parce qu'il ne contient point de parties martiales, & que j'ai toujours employé de l'eau distillée nette. J'ai suivi les mêmes procédés pour diverses épreuves faites avec des grains de kermès, avec de la gomme lacque en bâtons, avec ces grains qu'on trouve aux racines du polyganum cocciferum, comme aussi avec toutes sortes de bois de teinture, tels que celui de Fernambuc & autres; quelques-uns donnoient à la vérité d'assez beaux produits, mais aucuns ne soutenoient long-tems les rayons du soleil, quelques-uns même s'y ternissoient d'abord : sur-tout il ne s'en trouvoit point qui égalât la laque que j'avois reçue, par rapport à la vivacité de la couleur, d'un rouge de sang enflammé.

Là-dessus je pensai à la garance, dont on fait un très-grand usage dans la teinture. On en trouve chez tous les droguistes, mais de qualités fort différentes. La meilleure, qui est celle de Hollande, coûte 12 à 16 gros la livre. J'en pris deux onces, auxquelles je joignis autant d'alun de Rome le plus pur & le mieux choisi. Je fis dissoudre l'alun dans un pot vernissé, où j'avois mis auparavant trois quartes d'eau distillée que

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j'avois fait bouillir; je remis le pot au feu & l'en retirai aussi-tôt que l'eau commença à bouillir; je jettai ensuite la quantité susdite de garance dans cette eau bouillante, je lui fis faire encore un ou deux bouillons, je retirai le tout du feu, & je filtrai le mêlange par un filtre double papier blanc. Je laissai reposer pendant une nuit cette liqueur, afin que le peu de poussiere qui pouvoit avoir passé par le filtre, allât entièrement à fond. Je versai tout doucement l'eau colorée d'un rouge clair dans le vaisseau de terre qui avoit été de nouveau nettoyé; je fis chauffer encore une fois le tout, & je versai dessus une solution de sel de tartre tout-à-fait limpide & aussi claire que de l'eau, jusqu'à ce que la garance eût cessé de se précipiter. Je mis le précipité coloré sur un nouveau filtre double, je fis entièrement écouler le fluide, & je versai sur la poudre rouge qui demeurée dans le filtre de l'eau qui passoit au travers n'eût plus aucun goût salin; après quoi je fis sécher entièrement la couleur sur un fourneau modérément chauffé, & elle se trouva du plus beau rouge foncé, parfaitement semblable à la couleur qui m'avoit été donnée, & même d'une plus belle apparence.

J'envoyai aussi-tôt à mes amis de cette couleur, afin qu'ils en donnassent à M. Pesne pour l'éprouver, & à quelques temps delà, ils m'assurent que c'étoit non-seulement la couleur perdue que j'avois retrouvé, mais qu'elle étoit beaucoup plus belle, & qu'il résultoit des épreuves auxquelles on l'avoit soumise, qu'elle seroit parfaitement durable. J'en ai moi-même tracé des raies sur une vitre, après l'avoir mêlée, comme je l'ai dit ci-dessus, avec de l'huile de pavot; & depuis seize ans il n'est arrivé aucun changement à cette couleur qui demeure aussi belle qu'elle l'étoit le premier jour. Ainsi elle est fort préférable à toutes celles qu'on pourroit tirer tant de la cochenille que d'autres végétaux.

On voit aisément que cette couleur, par rapport aux drogues qui y entrent, sera beaucoup moins coûteuse que celle qu'on feroit avec la cochenille ; cependant la grande quantité d'eau distillée qu'il faut employer pour son édulcoration, en augmente assez considérablement le prix; & si l'on vuoloit substituer de l'eau crue, fût-elle de rivière ou de pluie, la couleur ne deviendroit jamais aussi belle qu'avec de l'eau distillée.

C'est en prenant, comme on l'a dit, parties égales de garance & d'alun, qu'on obtient la couleur désirée, mais si l'on change les proportions dans la préparation, cela donne toutes sortes de nuances de la même couleur. Deux parties de garance avec une partie d'alun donnent une couleur fort foncée. J'ai pris encore une demi-partie de garance & une partie d'alun, & les ayant traitées de la manière susdite, le produit a été fort beau, mais plus clair. J'ai aussi tiré une couleur agréable d'une partie de garance avec deux parties d'alun, mais encore de la claire. Une partie de garance & quatre parties d'alun font un très beau rouge couleur de rose; & les variations répondent ainsi aux autres changement que souffrent dans la préparation les proportions entre la garance & l'alun.

Au lieu de verser sur l'extraction qui venoit de parties égales de garance & alun, une solution de sel de tartre, je servis pour la précipitation, d'une solution de lessive de sang, composée de parties égales de sang, & d'une partie de sel de tartre , comme je l'ai enseigné, dit M Margraff, dans mes Œuvres chymiques, tome I, p. 127. Cela me donna aussi une belle couleur, mais beaucoup plus pâle que celle qu'avoit produite la solution de l'alkali le plus pur. Je mêlai aussi quelque peu de cette extraction avec de la solution de regne minéral, & j'eus de même un rouge, mais moins beau, je versai sur cette extraction quelques gouttes de solution d'étain, qui réchauffe beaucoup la couleur rouge de la cochenille, je n'obtins pas pourtant une couleur aussi belle que la premiere, mais elle étoit plus noirâtre.

J'ai exactement mêlé ensemble le précipité que l'alkali avoit tiré d'une once d'alun de Rome dissous dans de l'eau & qui avoit été auparavant édulcoré au mieux, avec l'extraction filtrée de la solution d'une once de garance & d'une demi-dragme de sel de tertre; & ayant de nouveau soigneusement édulcoré le tout avec de l'eau bouillante. J'ai obtenu par ce moyen une couleur, belle à la vérité, mais pâle.

J'ai encore cherché à insinuer les parties colorantes de la garance dans une terre calcaire en faisant bouillir le tout avec un peu de sel de tartre; je filtrai la solution qui avoit beaucoup de peine à passer à travers le papier; je versai là-dessus une bonne quantité de solution de craie avec l'acide de nitre; il se précipita quelque chose; j'y versai

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de nouveau un peu de sel de tartre dissous, jusqu'à ce que toute la craie de la solution que j'y avois précédemment mêlé, se fût précipitée; je fis ensuite l'édulcoration sur le filtre, & j'obtins un précipité d'une couleur médiocrement foncée, mais qui après avoir été desséchée, se laissa dissoudre tout de suite, en écumant avec force, dans l'acide tant du nitre que du sel, aussi bien que dans le vinaigre concentré & distillé; & dans celui-ci il trouva après que toute la terre calcaire eût été dissoute par le vinaigre, une substance rouge qui s'attachoit aux doigts comme une espèce de résine.

Toutes ces couleurs, en particulier celle où entre la terre d'alun, sont fort utiles pour les peintures à l'eau sur des murs, & s'y conservent sans moindre changement, tout aussi bien que la peinture à l'huile; seulement elle ne sont pas aussi brillantes. Un examen plus particulier de la garance que j'ai entrepris, me mettra peut-être en état de fournir de plus grands détail sur la belle couleur que je n'aurois jamais cru se trouver renfermée dans ce végétal & pouvoir en être tirée. _________________ A2.8.2. Pfingsten J.H. (1789)

Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die Maler, welche verlohren gegangen war und wieder entdeck ist: von Herrn Markgraf.

Endlich nahm ich der besten Färberröthe 2 Unzen, und eben so viel des besten Römischen Alauns, lösete den Alaun in 3 Quartier destilliertem Wasser in einem glasurten Topf auf, setzte ihn an das Feuer, und nahm ihn wieder weg, sobald das Wasser zu kochen anfing. Ich warf die Färberröthe hinein, und liess es einigemals aufstossen, und da es kalt geworden, durch doppeltes weisses Löschpapier gehen. Diese Färbebrühe liess ich einige Zeit stehen, damit sich die feinen mit durchgegangenen Unreinikeiten zu Boden setzen mögten. In die abgegossene und etwas erwärmte Farbe goss ich langsam klar aufgelöstes Weinsteinsalz, und zwar so lange, bis sich alle Teilchen präzipitiert hatten. Diesen Niedeschlag süsste ich öfters mit reinem kochenden destillierten Wasser aus, bis kein salziger Geschmack mehr bemerkt werden konnte, und trocknete ihn auf einem mässig warmen Ofen. Auf diese Weise bekam ich eine sehr schöne dunkelrote Farbe. ________________ A2.9. de Massoul C. (1797):

Lake from vegetables substances. "Lake from vegetable substances : Alum-Earth, impregnated with a colouring principle extracted from different plants, or Lees (kal) of plants. The general way of making it, is to bake coloured vegetable substance with Alum, and to precipitate the tincture with fixed Alkali, or to colour Alum-Earth, newly precipitated. To produce the finest Lake, precipitate the tincture by means of a solution of tin. Florentine, or Chinese, and all Red Lakes of solid colour are extracted from Cochineal, Kermes or Madder. For artificial Lakes they use Brazil and Fernambouc Wood. The Lake the least liable to change, is that extracted from madder. To make this Lake take Roman Alum; when it boils, add some Madder coarsely pulverized - then boil it several times, and when cold, filter it through a cloth ; afterwards heat it sufficiently to take off the chill, and precipitate it with a solution of vegetable fixed Alkali, after which it is washed and dried. _________________

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_________________ A2.10. Tingry P. F. (1803) Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance. L'expérience d'ailleurs éclaire assez vite sur la connaissance des choses convenables de la substance principale et des réactifs. On fait bouillir 1 partie de la garance dans 12 - 15 parties d'eau propre et on continue l'ébullition jusqu'à ce que la liqueur du bain soit réduite à 2 livres (2 parties) environ (978,29g). On passe cette décoction par un linge fort que l'on exprime, on ajoute à la décoction 4 once de l'alun (122,28g). La teinte alors est d'un beau rouge écarlate, qu'elle conserve, si on fait le mélange avec un argile propre. Dans ce cas on expose la bouillie épaisse qui en résulte sur un filtre à linge qui reçoit un simple lavage pour emporter l'excédent de l'alun. La laque qu'on retire des séchoirs conserve cette couleur primitive éclatante donnée par l'alun. Mais si pour le travail de cette laque on agit par décomposition en présentant au bain une liqueur alcaline, l'alun se décompose prive le bain de son mordant et la laque qu'on obtient après les lavages subséquents paroît avec la couleur du bain de garance sans addition, elle est d'un rouge brun. Pour ce second travail, il faudroit employer 7 - 8 onces de l'alun (244,57 g) pour chaque livre de garance (487,14 g). Ce genre de laque obtenue par décomposition est très fine, mais elle n'a pas le rouge vif qu'on recherche; on peut cependant le lui procurer si on détrempe avec eau alumineuse le précipité lavé et avant qu'il soit sec. Si on aiguise le bain aluminé de garance avec l'acétate de Pb (sel de saturne) ou avec l'arséniate de potasse (sel neutre arsenical) on obtient par l'addition du Na2CO3 (alcali

minéral) une laque rose, dont la couleur est plus ou moins développée. _________________ A2.10.1. Tingry P. F. (1830)

Carminated lake from Madder. Notwithstanding the unfavourable opinion entertained in regard to lakes extracted from vegetables, a colouring substance is found in the root of madder, to which the addition of alum gives a very warm tone of exceedingly bright purple red, and of such durability as places this lake far above that obtained from a decoction of Brasil wood. Boil one part of madder in from twelve to fifteen parts of water till it be reduced to about two parts. Then strain the decoction trough a piece of strong linen cloth, which must be well squeezed : and add to the decoction four ounces of alum. The tint is then a beautiful bright red, which the matter will retain if it be mixed with proper clay. In this case expose the thick liquid which is thus produced on a linen filter, and subject it to one washing to remove the alum. The lake when taken from the driers, will retain this bright primitive colour given by the alum. But if in the process for making this lake decomposition be employed, by mixing an alkali with the solution, the alum which is decomposed deprives the solution of its mordant, and the lake obtain after the subsequent washing appears of the colour of madder bath without any addition : it is of reddish brown. In the second operation seven or eight ounces of alum ought to be employed for each pound of madder. This kind of lake, obtained by decomposition, is exceedingly fine ; but it does not possess that bright red colour so much sought after : it may, however, be communicated to it, if the washed precipitate be mixed before it be dry with solution of alum. If arseniate of potash or sugar of lead be added to the solution of alum and madder, a rose-coloured lake will be obtained on the addition of carbonate of soda. It is

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that marked N°3 in the comparative table. The following is another process of obtaining lake from madder, communicated to the Society of Arts by Sir H.C. Engelfield, a few years since.

Another process for Madder Lake. Enclose two ounces troy of the finest crop madder in a bag of fine and strong calico, large enough to hold three or four time as much. Put it into a large marble or porcelain mortar, and pour on it a pint of cold, clear soft water. press the bag in every direction, and pound and rub it about with pestle as much as can be done without tearing it; and when the water is loaded with colour, pour it off. repeat this process till the water comes off slightly tinged, for which about five pints will be sufficient. Heat all the liquor in an earthen or silver vessel till it near boiling, and then pour it into a large basin, into which a troy ounce of alum dissolved in a pint of boiling soft water has been previously put. Stir the mixture together, and while stirring, pour in gently about an ounce and half of saturated solution of subcarbonate of potash. Let it stand till cold to settle ; pour off the clear yellow liquor; add to the precipitate a quart of boiling soft water, stirring it well; and when cold separate, by filtration, the lake, which should weight half an ounce. If less alum be employed the colour will be same-what deeper; with less than three-fourths of an ounce the whole of colouring matter will not unite with the alumina. Fresh madder root is equal, if not superior to the dry. _________________ A2.11. Marcucci L. (1816)

Delle lacche vegetabili Vendedo che la sola parte estrattiva colorata ottenuta per mezzo dell'acqua dal vegetabile, non formava che delle tinture senza corpo, le quali o poco, o nulla sarebbero state atte agli usi per la pittura, a tale effetto si è cercato di darle un corpo unendola con una terra sottile, che potesse abbracciare, ed a questa combinazione gli si è dato il nome di Lacca. Due sono li mezzi posti in opera per ottenerla, e sono, o decomponendo per mezzo di un alcali l'allune di rocca, o solfato d'allumina, che prima si era posta nella tintura, ed in questo modo si precipita l'allumina unita alla parte colorante, e si ha la lacca. O si cerca d'impregnare qualche terra argillosa con ripetute imerzioni di tinture colorante ben cariche, e si viene in tal modo ad ottenere la stessa come si vedrà nel porre in opera, questi metodi nelle diverse operazioni.

Lacca rossa di Rubbia. Questa si fa colla decozione della detta radice, la quale è conosciuta sotto diversi nomi perchè i Francesi la chiamano Garance, i tedeschi KrappWurzel, ed è la rubbia Tinctorum de Linneo, la medesima alligna in molte parti, ma la migliore è quella che ci viene dalla Zelanda. Il metodo di fare questa lacca, è di porre in un vaso di terre inverniciato ben grande libre 15 (5086gr,08) di acqua, ed una lib. (339gr,07) di rubbia di Zelanda, e si fa bollire finchè sia ridotto il fluido à libre 12. (4068gr,86) si filtra per tela forte, e con aspressione si fa sortire tutto il fluido, a questo vi si uniscono oncie otto (226gr,05) di allume di rocca, si passa il liquore in altro vaso, dove vi sia una libra (339gr,07) di acqua piovana che tenga in soluzione oncie tre (84 gr,77) di sale de tartaro alcalino, o carbonato di potassa, si formerà all'istante la precipitazione accompagnata da effervescenza, per cui resterà sulla superficie del liquore della schiuma, che si deve togliere, indi si raccoglie il precipitato sopra di un filtro di tela guarnito di carta suga, e

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sopra il medesimo, si lava con acqua tiepida per lavarle il sapore di salso, e si fa seccare all' ombra. Volendola di un colore più scuro si aumenta la dose della rubia, se vuole di colore di rosa, la radice prima di adoperarla si lava co dell'acqua. La sudetta lacca si può anche ottenere senza la precipitazione dell'allume anzi il Sig. Tingry è di sentimento che il colore resti più vago, e si fa con unire la bolitura calda che vi sieno discolte sole tre oncie (84 gr,77) di allume, ad una terra argillosa pura, questa poi si raccoglie sopra il filtro, ed è sufficiente una sola lavatura per levarle l'allume eccedente. Io sono di sentimento che la decomposizione dell'allume si possa fare prima di unirla alla decozione, e quando questa è ben lavata si può farne uso invece della terra, che possa superare l'allumina nella bianchezza, e nella sottigliezza della grana. Questa fra le lacche vegetabili è la più stabile e sembra che ripeta la sua stabilità dell'esser una tintura ricavata da una radice, alla quale sia communicata la parte colorante da sostanze minerali nell' interno della terra. E del suo stabile colore non se ne può dubitare, essendo stata adoperata dai pittori del secolo XV., il quale costantemente si vede che regge anche a' tempi nostri, mentre nell'epoca delli sudetti sapiamo che non era giunta a noi la cocciglia, giacchè si sà, che venne la prima volta in Inghilterra nell'anno 1665, epoca posteriore dei grandi coloristi Italiani, e Fiamminghi. Il processo sudetto per la formazione di questa lacca, può servire per fare tutte le altre lacche vegetabili, con le tinture estratte dai legni, fiori e radici, ma poche sono quelle stabili nel colore. _________________ A2.12. Leuchs J. Ch. (1829):

Action de la lumière. La lumière détruit très vite la matière colorante de la racine de la garance; aussi on la préserve avec soin de la lumière dans le séchage et au moulin. L'infusion de garance dans laquelle on ajoute de la craie, concentrée jusqu'à ce qu'on obtienne une encre rouge, laisse sur papier des traits qui deviennent jaunes au soleil. La chaleur est aussi très-préjudiciable à la couleur de la garance. _________________ A2.13. Mérimée J.-F.-L. (1830):

Laque de garance.

La laque de garance est non seulement la plus solide des couleurs extraites des matières tinctoriales, elle est aussi celle qui donne les rouges les plus purs. J'ai déjà fait voir qu'elle était connue des anciens et qu'elle a du être employée dès le XV. siècle.

Pour préparer cette laque, Néri prescrit de teindre d'abord avec de la garance des tontures de laine, et lorsqu'elles sont chargées d'autant de teinture qu'elles peuvent en prendre, de les faire débouillir dans une lessive de cendres, puis de précipiter avec de l'alun la matière colorante, contenue dans le débouilli.

Je crois qu'il y a erreur dans cette description. La matière colorante pourpre contenue dans la garance est très peu soluble dans les alcalis non caustiques, tels que celui d'une lessive de cendres . il faut faire l'inverse, c'est à dire dissoudre dans une solution d'alun la matière colorante contenue dans la teinture, et précipiter par un alcali. J'ai obtenu, par

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ce moyen, de la laque très brillante. Je pense aussi qu'en employant de la potasse caustique, on dissoudrait complètement la laine et avec elle la matière colorante 2.

Après l'importation de la cochenille en Europe, le carmin et les laques brillantes qu'on en obtient durent faire abandonner l'emploi de la laque de garance, dont la préparation présente beaucoup plus de difficultés; aussi elle n'était plus connue lorsqu'en 1754 Margraaf trouva un procédé qu'il publia quelques années après, et que l'on a inséré depuis dans l'Encyclopédie. Ce procédé consiste à extraire, au moyen d'une solution d'alun la matière colorante de la garance, et à la précipiter par le sous-carbonate de potasse; à laver ensuite ce précipité avec de l'eau bouillante, afin d'en séparer la matière fauve qui s'y trouve mêlée et la ternit. Pour ce lavage, Margraaf prescrit comme condition essentielle l'emploi de l'eau distillée: dès lors, son procédé n'est pas exécutable en grand. On pourrait, il est vrai, substituer à l'eau distillée de l'eau légèrement alcaline, qui dissoudrait la plus grande partie de la matière fauve sans attaquer sensiblement la couleur pourpre. J'en ai fait l'essai, et je suis parvenu à préparer, par cet avivage, une assez belle laque couleur de sang. Je suis- même persuadé qu'on peut l'obtenir beaucoup plus belle : je ne l'ai pas cherché, parce que le procédé suivant m'a donné le moyen de préparer des laques d'un rouge pur, et qu'il ne présente d'autre difficulté que l'emploi d'une prodigieuse quantité d'eau. Il est fondé sur la différence de solubilité de plusieurs matières colorantes, qui, dans la garance sont réunies avec la couleur pourpre, et dont il faut la débarrasser si l'on veut obtenir cette couleur dans toute sa pureté. Il y en a deux qui paraissent distinctes, l'une fauve et l'autre violette. La première, qui est la plus abondante, se dissout aisément dans l'eau, et mieux encore dans une eau alcaline. La couleur pourpre n'est pas attaquée sensiblement, même à chaud, par les sous-carbonates alcalins, et elle est soluble dans de l'eau d'alun. Ces données indiquent un moyen de séparer le rouge pur de la couleur fauve, qui ternirait la laque. Si l'on fait bouillir de la garance dans de l'eau tenant en dissolution du sous-carbonate de soude, on en extrait une grande quantité de couleur aussi intense et aussi brune qu'une forte décoction de café. Cette teinture ne parait pas contenir de matière colorante pourpre, du moins le coton aluné n'y prend qu'une couleur nankin. Si on lave ensuite cette garance sur un filtre, les premières eaux qui s'écoulent sont encore très colorées, cependant, à force d'eau, la teinte du liquide s'éclaircit; mais il en faut un volume prodigieux avant qu'elle sorte claire du filtre; et arrivée à ce point, si l'on emploie de l'eau chaude, elle dissout encore une grande quantité de matières colorantes fauves.

A mesure que cette matière est dissoute et entraînée par l'eau, le filtre se colore en violet et la garance prend une teinte violâtre. L'eau acidulée par l'acide muriatique dissout cette couleur, et fait virer la garance à la teinte orangée sale, qu'elle avait avant le lavage; la liqueur, filtrée, est d'un jaune clair, et l'alcali en précipite une matière d'un violet peu brillant, semblable à la couleur que prend le coton dans un bain de garance lorsqu'au lieu d'alun on emploie pour mordant une dissolution de fer.

Dans ce précipité, la couleur violette est fixée sur une base calcaire provenant sans doute de l'eau employée dans le lavage, et en partie de la garance même.

Après avoir, 'à deux ou trois reprises, versé sur le filtre de l'eau acidulée, le liquide qui s'écoule, ne contenant plus de base calcaire, ne laisse plus rien précipiter par les alcalis; mais sa couleur jaune est aussitôt virée en cramoisi plus ou moins foncé et brillant. L'alun y détermine un précipité violet. Lorsqu'on a retiré par ces lavages la plus grande partie des matières fauves et violettes, si 1) on verse sur la garance une- solution chaude d'alun. on voit aussitôt filtrer une teinture écarlate très brillante" de laquelle les alcalis précipitent une laque rose, plus ou moins intense, suivant la proportion d'alun employée. Il n'est pas nécessaire que la solution d'alun soit chaude; mais si on la verse froide, il faut vingt-quatre heures d'infusion pour qu'elle dissolve tout ce qu'elle peut dissoudre de la

2 J'ai lieu de croire que si on commençait par laver avec de l'eau acidulée la laine teinte, la

lessive alcaline dissoudrait ensuite la matière colorante, surtout à l'aide de la chaleur.

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matière pourpre. On ne parvient pas, au moyen du lavage, à enlever complètement la matière fauve et autres; d'ailleurs elles sont solubles dans l'eau d'alun c'est pourquoi les premières portions qui filtrent donnent la laque la plus brillante, et si l'on range les précipités d'après l'ordre d'écoulement des liquides dont on les a retirés, les derniers de la série seront les plus pâles et les plus altérés par le mélange de la matière fauve. D'après cet exposé, il semble que rien ne soit plus facile que de préparer en grand de belles laques de garance, et qu'il suffise d'établir un filtre d'une capacité telle qu'on puisse laver à la fois beaucoup de garance jusqu'à ce qu'elle soit dégagée des différentes matières qui peuvent ternir la laque. On serait bientôt arrêté par une difficulté dont il est important d'être prévenu. La garance contient une telle quantité de matière gommeuse et sucrée, que la première teinture qui s'en dégage se prend en gelée, si elle n'est étendue de beaucoup d'eau. L'écoulement se ralentit à mesure du refroidissement du liquide, et s'arrête enfin totalement. On prévient cet engorgement du filtre en versant d'abord la décoction sur une toile serrée, d'où on l'exprime en pliant la toile et en la tordant fortement. Lorsque le liquide est écoulé, on développe la toile et l'on verse sur le marc de l'eau bouillante, que l'on exprime de la même manière. Deux lavages semblables suffisent pour dégager toute la matière gommeuse, alors le filtre ne peut Plus s'engorger3: d'ailleurs, on le dispose de manière que l'eau traverse la garance de bas en haut et sous une forte pression.

Voici comment je conçois l'appareil. Je suppose un baquet en sapin, d'une capacité proportionnées la quantité de garance que l'on veut laver, mais toujours beaucoup plus large que haut. A 2 ou 3 centimètres du fond, on placerait une claie en osier recouverte d'un feutre ou d'une toile de coton. Cette espèce de diaphragme devrait s'adapter exactement au baquet, sans laisser aucun vide au pourtour. Sur ce diaphragme, on étendrait la couche de garance, qui ne devait avoir guère plus de i5 à .2o centimètres d'épaisseur; car le lavage s'opérera d'autant plus facilement que l'eau aura une couche plus mince à traverser. Pour contenir cette garance dans sa position, on la couvrirait avec un second diaphragme, composé, comme le premier, d'une claie garnie d'un feutre ou d'un tissu assez serré pour que le liquide passe parfaitement clair. Ce second diaphragme devrait être fixé très solidement, avec des barres transversales retenues par des vis en bois : c'est lui qui doit supporter tout l'effort de la pression de l'eau. Au dessus, il y aurait un robinet pour l'écoulement de l'eau ; il y en aurait un semblable au fond du baquet, afin qu'on pût, lorsque le lavage serait terminé, faire sortir l'eau restée dans la couche de garance. C'est par le fond du baquet que l'eau entrerait pour sortir par le robinet supérieur . on l'introduirait à l'aide d'un tube en plomb, de 12 à 15 centimètres de diamètre; et le robinet servant à l'émission serait proportionné à la quantité de l'eau affluente.Enfin ce tube communiquerait à un réservoir placé autant ait dessus du baquet que le permettraient les localités et la résistance de l'appareil.On sait que les liquides pèsent en raison de leur base, multipliée par leur hauteur : ainsi, quel que fût le diamètre du baquet, chaque grain de garance serait pressé par la petite colon ne d'eau contenue dans le tube, tout aussi fortement que si ce tube avait le diamètre du haquet. Le lavage, exécuté de cette manière, se ferait donc plus rapidement et avec une moindre quantité d'eau. Il est indispensable qu'il y ait dans cet appareil un petit tube communiquant avec le fond du baquet, et dépassant le robinet supérieur : ce tube servirait au dégagement de l'air au moment de l'introduction de l'eau. Il pourrait être en verre.

3 Ou peut, à ce moment, délayer la garance dans de l'eau acidulée par l'acide muriatique,

l'écoulement de l'eau en devient plus rapide.

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Précipitation de la laque.

On peut employer également le sous-carbonate de soude ou le sous-carbonate de potasse. Si on emploie le dernier, il est bon que la solution reste assez long-temps à l'air pour absorber la quantité d'acide carbonique dont elle peut se saturer par son contact avec l'air atmosphérique. Lorsqu'on emploie un alcali caustique, la laque paraît très foncée lorsqu'elle est sèche; mais elle est très dure et vitreuse, comme l'émail. dans sa cassure; enfin lorsqu'elle est réduite en poudre, elle est très pâle. Au contraire, lorsque l'alcali est très carbonate, la laque a peu d'intensité, est friable dans les doigts; mais lorsqu'on la broie à l'huile ou à la gomme, elle reprend beaucoup de vigueur. On peut aussi précipiter la laque avec le borate de soude il n'y a alors qu'une portion de l'alumine précipitée, et c'est un avantages surtout lorsque le lavage de la garance n'a pas été poussé assez loin. J'ai obtenu, par ce moyen, d'assez belles laques de garance qui avait été lavée seulement pendant deux jours; je n'avais précipité qu'à moitié la dissolution alunée. Cette laque était vitreuse et presque noire, étant sèche; mais ayant été de nouveau broyée à l'eau, elle resta pulvérulente, et, broyée à l'huile, elle avait beaucoup d'intensité. De quelque espèce d'alcali qu'on se serve pour précipiter la dissolution de la matière pourpre de la garance, il convient de ne pas précipiter la totalité de la matière colorante. La portion de la couleur fauve qui a pu être dissoute par l'alun reste dans le liquide surnageant, et le précipité est d'autant plus beau qu'il est en moindre proportion. Ainsi, en fractionnant les précipités, on obtient plusieurs qualités de laque, dont l'intensité et l'éclat décroissent prodigieusement, mais qui sont toujours d'un emploi avantageux dans beaucoup de circonstances où l'on n'a pas besoin de rouges brillants.

Quoique l'alun ait une grande affinité pour la matière colorante rose de la garance, cependant elle n'en dissout à la fois qu'une certaine proportion, et je n'ai pu parvenir, en concentrant cette dissolution par l'évaporation, à la rendre assez intense pour en faire une encre rouge : aussi est-il très difficile d'obtenir une laque de garance d'un rouge pur et en même temps très intense. Le seul moyen que je connaisse est d'enlever une portion d'alumine qui s'y trouve en excès. Or, la soude caustique a la propriété de dissoudre l'alumine sans toucher à la couleur; elle la modifie et la fait virer au cramoisi; mais on détruit cette teinte par un lavage avec de l'eau pure. Avec les eaux de lavage qui contiennent les couleurs fauves de la garance, ainsi qu'une très petite proportion de couleur brillante, on préparerait aisément des laques brunes, susceptibles d'être employées comme les stils de grain - on peut donc utiliser ces eaux, en réunissant dans un tonneau les eaux alcalines, et dans un autre les eaux acides, auxquelles on ajouterait le résidu des dissolutions obtenues par l'alun et non complètement précipitées ; on décanterait la partie claire de ces eaux, et on les précipiterait l'une par l'autre. On laverait ensuite ces laques jusqu'à ce que l'eau en sorte claire - par ce moyen, on enlèverait avec les sels une partie de la matière gommeuse restée dans les précipités.

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_________________ A2.14. Schmidt CH. (1857):

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_________________ A2.15. Goovaerts A. (1896) :

Ordonnances faictes pour les paintres et voiriers4 de la ville et cité de Tournay.

27 novembre 1480.

Art. 44. Item que does en avant il ne soit personne aucune qui puist ouvrer de painture, en nulle manière que ce soit, ou puist estre, soit des couleurs, ostieux5 et estophes6 appartenants ausdiets paintres cyaprès déclaré : c'est assavoir pour ledicts hostieulx, pinchiaux7, brousses8, trinques, renelz, grateuses, et tous autres ostieux, appartenant audit mestier; ne

4 Voiriers pour verriers. 5 Ostieux ou hostieulx pour outils. 6 Estophes pour métaux. 7 Pinchiaux pour pinceaux. 8 Brousses pour brosses.

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aussi des estophes, comme fin or, or partit, or clinquant, rgent, foelle de batteur, piau de tainte de toutes coulleurs, ne de toutes autres estophes, dont on use à présent audit mestier ; ne aussi des coulleurs, comme blancq de plonc9, chéruse10, blanc et noir commun, et azur de Liège, vermeillon 11, mynne12, roze13, sinopre14, lac15, graynne16, florée de warance17, brésil, azur18, chendre d'azur19, florée20, inde21, lecquemous22, foel23, vert de gris24, vert de montaigne25, vert de vessie, vert de glay, machicot26, orpieument27, okere28, brun d'ausoire, rouge commun, bol arménicq29, ne de toutes autres coulleurs lesquelles se destempent à olle, ou vernis, à colle ou gomme, ou choses semblables, se ceulx qui dessusdicts couleurs, ostieux et estophes useroient, n'avoient à ce faire esté premiers receuz, sur encourre en dix solz tournois d'amende, celui ou ceulx et pour chascune fois que ains le feroient.

9 Le blanc de plomb aussi dit ceruse pure, parce que c'est la plus beau blanc dont on puisse se servir en einture. 10 Chéruse pour céruse. La céruse est du blanc de plomb broyé avec de la craie ou marne. 11 Pour vermillon. Il y avait le vermillon véritable, fait de cinabre et le vermillon d'Angleterre, qui n'est qu'un mélange de cinabre et de minium. 12 Mynne pour minium, chaux de plomb pulvérisé, d'un beau rouge orange, très vif. 13 Roze pour rose, teinte qui s'obtient par un peu de carmin, une pointe de vermillon et du blanc de plomb. 14 Sinopre pour sinople, c'est-à-dire vert. 15 Lac pour laque. Il y avait la laque fine de venise, faite de cochenille, et la laque rouge, faite de craie teinte de bois d'écarlate, de boit du Brésil ou autres. 16 Graynne pour graine. On composait des jaunes qu'on appelait stil-de-grain. La graine d'Avignon, qui servait à les faire, provient d'un arbrisseau nommé petit noirprun. 17 Warance pour garance. 18 Azur se disait en général de toute belle couleur bleu de ciel. 19 Chendre d'azur dite aussi cendre bleue. On la trouve dans les mines de cuivre en Pologne et aussi peu en Auvergne. 20 Florée pour indigo moyen. 21 L'inde, plus clair et plus vive que l'indigo. 22 Lecquemous, c'est-à-dire tournesol. 23 Feul était une teinte bleue. 24 Vert-de-gris aussi dit verdet, préparé surtout en languedoc et en Provence. 25 Vert-de-montagne aussi dit vert-de-Hongrie, minéral qu'on trouve en petits grains comme du sable dans les montagnes de Kernhausen, en Hongrie; broyé il fait foncer les couleurs. 26 Machicot pour massicot, qui est de la céruse opu de blanc de plomb, calciné per un feu modéré; il y avait de trois sortes : du blanc jaunâtres, du jaune et du doré. 27 Orpieument pour orpiment, qui est une couleur jaune. 28 Okere pour ocre. 29 Bolarménicq pour bol d'Arménie, terre onctueuse et argileuse, douce, fragile, de couleur rouge ou jaune. Autrefois, le bol d'Arménie venait du Levant et surtout d'Arménie.

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_________________ A2.16. Perkin A.G. , Everest A.E. (1918)

Kopp's Process for the Extraction of Madder. Based on this assumption, the commercial process of Kopp was devised, and this is specially interesting as it afford a fairly complete method for the isolation of the phenolic constituents of this dyestuff. Ground Madder is extracted with a cold aqueous solution of sulphurous acid, and the solution, after addition of 2 - 3 pr cent. of hydrochloric acid (33 per cent.), is heated to 60°C. A red flocculent precipitate of purpurin is thus thrown down which was collected, washed, dried, and sold under the name of "commercial purpurin" or "Kopp's purpurin"30. This product was until recently prepared to a very small extent in France for the manufacture of a rose-red lake, and for this purpose gives results differing in some respect from those produced by artificial dyestuff. Kopp's purpurin, in fact is not pure purpurin, but consists mainly of a mixture of this colouring matter with three other substances : pseudo-purpurin, purpuroxanthin, and carboxylic acid or munjistin.

Commercial Preparations of Madder. Garancine. The preparation of this product result from the observation in 1827 of Robiquet and Colin, that by treating ground madder with an equal weight of concentrated sulphuric acid the various principles of the madder were destroyed with the exception of the colouring matter alizarine. We know further that the glucoside of the root is decomposed by the action of the acid. This first product was termed "charbon sulphurique", but soon the method of its preparation was slightly altered, and it then received the name "garancine". Garancine is made by mixing, in the wooden tank with false bottom, 100kilos. ground madder, 1000 litres water, and 2 kilos. sulphuric acid, 168°T (sp. gr. 1,84), stirring up and allowing the whole macerate for about twelve hours. The liquid is then drawn off, the residue mixed with a little water and 30 kilos. strong sulphuric acid, and the whole boiled for 2 - 3 hours. After running off the acid liquor, the garancine remaining is washed with water till free from acid, drained, pressed, dried and ground. The colouring power of garancine is three to four times that of good madder. it dyes more readily, giving yellower toned reds and pinks, and greyer lilacs. They are not so fast to soap as the madder colours, but since, in the case of printed calicoes, the unmordanted white parts are not so much soiled in the dye-bath, the operation of soaping can be omitted. Garanceux or Spent Garancine was introduced in 1843 by L. Schwartz of Mulhouse. It was simply a low quality of garancine prepared in the above manner from the spent madder of the dye-bath, and made by each calico-printer for himself, by way of economy. Its colouring power is about one-fourth that of good garancine. Flowers of Madder was first made in 1851 by Julian and Rogner of Sorgues. It can be prepared by macerating ground madder with sulphuric acid (1 - 2 per cent. on the weight of madder), then washing, draining, pressing, drying, and grinding. In this manner all soluble, mucilaginous, and sugary matter, etc., is removed, decomposition of the glucoside by fermentation occurs, and residue has nearly double the colouring power of the original

30 C.I. Natural Red 15

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madder. The waste liquor were neutralised, allowed to ferment with the addition of yeast, and the distilled to gain the alcohol. 100 kilos. madder yielded 45 - 60 kilos. flowers of madder and 10 litres alcohol, suitable for making varnish, etc. Commercial Alizarine or Pincoffin was introduced in 1852 by Schunck and Pincoff, who prepared it by submitting ordinary garancine to the action if high pressure and superheated (150°C.à steam. By this treatment the veratin and rubiretin present in the garancine were said to be destroyed, while the alizarin remained intact, and the product yielded in consequence more brilliant purples, and less soaping was required to clear the white or unmordanted portions of printed calicoes.

Madder lakes In the preparation of madder-lake extraction of madder with boiling water was avoided, in order not to dissolve those impurities which would cause the production of less brilliant lake. It was usual, first of all, to decompose the glucoside of the madder, and thus increase the actual colouring matter, by a steeping in slightly tepid water and allowing the mixture to ferment for twenty-four hours, the to wash with cold water and extract with alum solution at 60-70°C, employing about equal weight of madder and alum. The hot filtered alum solution of colouring matter was precipitated as an alumina lake by adding sodium carbonate and the precipitate was washed. 1/ Another method was to precipitate impurities from a hot filtered decoction of madder by adding a small quantity of lead acetate, then filtered, add solution of alum and precipitate with sodium carbonate. 2/ Matters could be arranged as to precipitate basic aluminium sulphate instead of aluminium hydroxide, namely, by adding an insufficiency of sodium carbonate to the cooled solution af alum and colouring matter and then boil the mixture. 3/ Garancine was preferable to madder for preparing madder-lake, since it does not contain any of colouring matter in the form of glycoside ruberythric acid, and the soluble impurities have also been for the most part removed. Thus 1 kilo garancine was repeatedly extracted for several hours with 20 litre of boiling water containing 0.25 - 0.5 kilo alum, and the solution filtered hot through flannel. On cooling, the colouring matter separated from the filtrate as flocculent precipitate. This was collected and dissolved in ammonia, and the filtered solution precipitated with alum, or stannous chloride, or a mixture of both. The colour intensity of the lake varied with proportions of ammonia and precipitant employed.31 4/ So-called "crystallised madder - lake" were such as contained a certain quantity of potassium or sodium sulphate, etc. 5/ Madder-pink-lake was simply madder-lake diluted with about seven parts of "blanc fixe" (precipitated barium sulphate) _________________ A2.17. Schweppe H., Winter J. (1997) A2.17.1. Pubetz A. (1872)

Manufacture of madder lakes Pubetz (1872) describe the manufacture of madder lakes. Madder lakes can be manufactured either from madder or madder preparation such as garancine or Kopp's

31 C.I. Natural Red 10, n° 75330

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purpurin. The madder or the garancine is extracted by boiling it with an alum solution and precipitated with a soda potassium arsenate or borax solution. Before extraction, sugar can be removed from the madder by an alcoholic fermentation. The quality of madder lake depends significantly on alum extract being precipitated hot; otherwise the free alizarin, which separates as brown material from the alum solution during cooling, will colour the madder lake brown. Madder lakes, according to the type of manufacture, possess various red colours. Purpurin madder lake is prepared from one part purpurin (or Kopp's purpurin) combined with one part alum; the product is finely pulverised and washed with cold water. A yellowish red liquid runs off, which yields a rose-red lake at 80°C with addition of a small amount of soda. The extracted residue is treated with a 5% alum solution, the solution is filtered boiling and is then saturated with magnesium carbonate until red flakes appears. In this fashion a beautiful red lake is obtained. A2.17.2. De Puyster B. (1920)

Three examples of madder lakes. a/ For a fine quality product ground madder is allowed to stand for twenty-four hours in water at 27°C to 38°C; then an alum solution is added that contains approximately the same amount of alum as the madder used. The mixture is heated to 71°C, the liquid is filtered and the madder lake is precipitated with sodium carbonate. Exceeding the temperatures given above should be avoided as undesirable products, which may influence the colour and brilliance of the madder lake, will otherwise be dissolved by the alum solution. b/ For a madder lake of moderate quality, the manufacturing process can be changed as follow: 100 lbs. of ground madder is put into a fine-mesh cloth bag in a tank to which 250 gallons of water is added in small portions until the colouring matter is completely extracted. The solution is filtered, brought to a boil, and a solution of 100 lbs. alum in 150 gallons if water is added, followed by 75 lbs. of potassium carbonate in 60 gallons of water under constant agitation. The solution is allowed to stand for twelve hours and the precipitated madder lake filtered off to avoid the extraction of brown products and tannins, which are produced upon longer cooking. The lake is dried at a moderate temperature. c/ To prepare madder lake from garancine : 100 lbs. of garancine is boiled for three hours with 250 gallons of water; 100 lbs. of alum dissolved in water is then added and combined solution is boiled for two hours. It is the filtered hot though a flannel cloth, and a solution of 1 3/4 lbs. of tin (II) chloride in water is added, using only enough to ensure complete precipitation of the alumina lake; the alumina lake is filtered off using a flannel cloth, the residue is rinsed well with water and dried at a moderate temperature. A2.17.3. Cohn C. (1930)

Rose madder (pink madder) Rose madder (pink madder) is prepared by extracting powdered madder for one day with cold 3% to 4% sulfurous acid. Sulfuric acid, about 2%, is added to the extract, which is heated to 55°C. The purpurin carboxylic acid (pseudopurpurin), which precipitated in flakes, is redissolved in alum solution. The lake is precipitated from the liquid, warmed to 70°C, by the addition of soda (4.5 - 5 kg to 30 kg of alum). If the precipitation of rose

240

madder is performed on chalk (calcium carbonate) a brighter shade of color lakes can be obtain by dissolving the pseudopurpurin in sodium hydroxide solution and precipitating with aluminium sulfate. A2.17.4. Wagner H. (1939)

Alizarin lake. According to Wagner (1939), aluminium sulphate (100g) is dissolved in 1000 ml of water at 60°C; it is treated with a solution of 50 g of anhydrous soda in 100 ml of water and the precipitated aluminium hydroxide is rinsed once with water. To this hydroxide is added in sequence 20 g sodium phosphate dissolved in 200 ml of water, 30 g calcium chloride dissolved in 300 ml of water, and a paste of 200 g alizarin mixed with 40 g of Turkey red oil (sulfated castor oil, a surfactant), and 200 ml of water. The mixture is diluted to 5000 ml and boiled for six hours with replenishment of the water. After cooling, the alizarin-alumina-calcium lake is filtered of and dried at the lowest possible temperature.

241

ANNEXE 3

A3. LAQUES DE GARANCE DANS LES ŒUVRES D'ART Recherche bibliographique

Origine, période

objet, auteur, titre

échantillon Méthode d'analyse

référence bibliographique

résultats

Carthage, nécropole punique III e s. av. J.C.

fard cosmétique, trouvé dans un coquillage

poudre rose en forme de cônes

HPLC Karmous et al., 1995

garance (mu et pu) sur argile

Grèce, 320 - 280 av. J.C.

bassin en marbre, polychromé

peinture pourpre

FS, UVS, TLC, XRF,

Wallert, 1995 garance sauvage, purpurine sur calcite

Égypte , période gréco-romaine Ie s. av. J.C.

pot de peinture d'une tombe de Hawara

poudre rose UVS Russel, 1892 cité par Lucas, 1934; Schweppe /Winter, 1997

garance sur gypse (comparaison avec purpurine)

Égypte , période gréco-romaine Ie s. av. J.C.

cartonnage de momie

peinture rose-violacé

non précisée

Horak, 1998 garance

Corinthe, II e s. av. J.C.

amas de pigments roses trouvé dans un puits

poudre rose-violacé

spectro -photométrie de réflexion

Farnsworth, 1951

garance sur alumine (comparaison avec purpurine)

Pompéi, Ie s. av. J.C.

Atelier de peintre poudre rose tests micro chimiques?

Chaptal, 1809 cité par Schweppe /Winter, 1997

garance sur alumine

Stabies, Vaison-la-Romaine Ie s. ap. J.C.

Peintures murales peinture violette composée de bleu et rose

micro-Raman

Guichard/Guineau, 1990

garance sur alumine (comparaison avec l'extrait de garance)

Paris, XI e s.

n° 10 B.N. lat 1390: Vie de Saint-Aubin

enluminure IR Flieder, 1968 identification non certaine

Paris, XI e s.

n° 10 B.N. lat 12117: S. Clément

enluminure IR Flieder, 1968 identification non certaine

Nord de la France, XIIe s.

Fragment 15 enluminure IR Flieder, 1968 identification non certaine

Diocèse de Bourges, XIIe s.

Fragment 16 enluminure IR Flieder, 1968 identification non certaine

Liège, 1240

Sedes Sapientiae de la Collégiale Saint-Jean

glacis rouge à la détrempe

TLC Serck et al, 1978/79

garance

Cologne, vers 1300

Fragment du retable de la Vierge, Annonciation

aile droite de l'Ange, couche violette

TLC Kühn, 1990a,b garance, bois rouge + azurite

242

Cologne, vers 1330

Apôtres Jean et Paul

Paul, estrade à gauche, couche violette

TLC Kühn, 1990a,b garance + azurite

Cologne, vers 1380-1400

Fragment de retable de sainte Elisabeth

extérieur du manteau, couche rose

TLC Kühn, 1990a,b garance (sans alizarine) + blanc de plomb

Byzance, XIV e - XVIII e s.

Icones byzantines et postbyzantines

glacis rouge TLC Vranopoulou, 1993

peut-être garance

Drove XIV e s.

Vierge trônant glacis rouge non précisée Brachert /Kobler (RealLexikon 1981) colonne 778

garance

Milan, XVe s. Léonard de Vinci : Cène

couches roses et tous les glacis rouges

microchimie Kühn 1985 garance

Cologne, 1400 - 1405

Maître de sainte Véronique: Petit Calvaire

glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance, bois rouge + azurite

Cologne, vers 1410

Maître ancien de la Sainte Parenté: Polyptyque de la Sainte Parenté

glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance

Cologne, 1400 - 1415

Maître de sainte Véronique: Vierge aux pois de senteur

glacis rouge brun

TLC Kühn, 1990a,b garance (pu sans alizarine)

Cologne, 1410 - 1420

Crucifixion non précisé TLC Kühn, 1990a,b garance

Cologne, 1411- 1413

Martyre de sainte Ursule devant la ville de Cologne

casque du premier soldat à gauche de la ville

TLC Kühn, 1990a,b garance+ blanc de Pb, jaune double oxyde, azurite, noir de charbon

Cologne, 1400 - 1415

Maître de sainte Véronique: Christ en croix avec Marie, Jean et sept apôtres

glacis rouge du manteau de Pierre

TLC Kühn, 1990a,b garance + azurite

Cologne, 1415 - 1420

Volet d'un triptyque, Ange et Marie de l'Annonciation

vêtement du Christ, gris violet

TLC Kühn, 1990a,b garance, blanc de Pb, azurite, noir de charbon

Cologne, 1417 - 1420

Calvaire de la famille Wasservass

cavalier droit, glacis rouge du brocart

TLC Kühn, 1990a,b garance

Cologne, 1420 - 1425

Grande Passion: Portement de la Croix

vêtement de l'homme à gauche, couche rouge

TLC Kühn, 1990a,b garance (pu sans alizarine)

Cologne, 1420 - 1425

Grande Passion: Flagellation du Christ

Drapé en haut à droite, couche rouge semi - transparente

TLC Kühn, 1990a,b garance (pu sans alizarine)

243

Gand, 1432 Van Eyck : Agneau Mystique

glacis rouge, agneau

HPLC Brikman et al., 1990

al, pu, + (mu, xp, ru, pp)

Bruxelles, 1440

R. van der Weyden: Exhumation de saint Hubert

robe rouge de la personne à gauche

HPLC Kirby/White, 1996

probablement garance

Cologne, 1440- 1450

Maître du Retable de Hersterbach : Retable de Hersterbach

fine couche de glacis rouge foncé sur or, arrière-plan, en haut à droite

TLC Kühn, 1990a garance

Cologne, vers 1445

Stefan Lochner: Polyptyque - coté intérieur: Saints Marc, Barbe et Luc, coté extérieur : Saints Ambroise, Cécile (?) et Augustin

- ombre rouge brun du manteau de Luc- manteau rouge de Cécile (?)

TLC Kühn, 1990a, 1993

garance (pu sans alizarine)

Louvain, 1460 D. Bouts : Vierge à l'Enfant avec les saints Pierre et Paul

robe de Paul HPLC Kirby/White, 1996

garance

Italie, 1456 Missale Romanum, enluminure

non précisé UVS, XRD Wallert, 1986 (a) garance sur carbonate de calcium

Nördlingen, 1462

Retable de Friedrich Herlin

couches de sang sombre et glacis

non précisée Taubert, 1978 garance

Liesborn, 1465-1490

Attribué au Maître de Liesborn: Crucifixion avec saints

glacis rouge, draperie du 2e personnage à gauche

HPLC Kirby/White, 1996

probablement garance

Rothenburg, 1466

Friedrich Herlin : Retable de saint Jacques

glacis rouge sur or du saint Jacques

TLC, IR, Taubert, 1978 garance

Liesborn, 1470-1480

Attribué au Maître de Liesborn: Vierge avec les saints Cosme et Damien

glacis rouge de la robe de saint Damien

HPLC Kirby/White, 1996

probablement garance

Louvain, 1475 -1500

Atelier de D. Bouts: Christ couronné d'épines

rouge de la robe du Christ

HPLC Kirby/White, 1996

garance

Anvers, 1495 - 1500

Retable de Korspel

glacis rouge (a), sang du Christ (b)

HPLC Sanyova/ Wouters, 1993

garance (a) garance+ kermès(b)

Allemagne, 1497

Attribué à Dürer : Père du peintre

fond rose sur le coté gauche

HPLC Kirby/White, 1996

garance

Cologne, vers 1499

Retable de saint Thomas

vêtement rouge foncé de l'Ange gauche

TLC Kühn, 1993 garance

Flandre, vers 1500

Maître de Saint Gilles: Saint Gilles et la biche

robe rouge du courtier

HPLC Kirby/White, 1996

garance + kermès

244

France, vers 1500

Maître de Moulin (Jean Hey) : Charlemagne et la rencontre de Joachim et d'Anne à la Porte dorée

glacis rouge du chapeau de Joachim (a); manteau rose de Charlemagne (b)

HPLC Kirby/White, 1996

garance (a), probablement garance (b)

Huy, 1510-1520

Retable de saint Quirin de Neuss de Huy

manteau de saint Quirin (sculp.)

HPLC Sanyova 1998 garance

Italie, 1520 - 1525

Altobello dei Melone: Portement de Croix

vêtement du Christ

HPLC Kirby/White, 1996

garance

Anvers, 1530 Retable de la Passion d'Oplinter

décor peint, robe B1, sgrafitto, manteau, bord

HPLC Sanyova, 1999 garance + kermès

Genly (Hainaut), 1535 - 40

Sainte Marguerite robe, lettre rouge

HPLC Sanyova 1996 garance + cochenille

Anvers, 1535 Retable d'Enghien glacis rouge sur or

HPLC Sanyova/ Wouters, 1993

garance + kermès, bois rouge

Anvers, 1555 Retable de Bouvignes

glacis rouge sur or

HPLC Sanyova/ Wouters, 1993

garance + kermès, bois rouge

Zurich, 1600 -1650

Verre peint: Vulcain surprend Mars et Vénus

couche rouge FTIR Haff, 1999 probablement garance sur alumine+ noir de charbon

Delft, 1655 Jan Vermeer : Christ dans la maison de Marthe et Marie

IR Kühn 1968 (cité par Schweppe 1997

garance

TLC Thin Layer Chromatography FTIR Fourier Transforme Infrared Spectroscopy IR Infrared Spectroscopy HPLC High Performance Liquid Chromatography UVS Ultraviolet-Visible Spectroscopy FS Fluorescence Spectroscopy XRF Energy Dispersive X-Ray Fluorescence XRD X-Ray Diffraction

245

ANNEXE 4

A4. FORMULES , SPECTRES ET QUELQUES PROPRIETES

DES COMPOSANTS DE RUBIA TINCTORUM L.

n° nom formule spectre UV-VIS couleur, solubilité références bibliographique

1

2-Hydroxy anthraquinone

EtOH:

242.5, 274, 340, 386nm

jaune

EtOH

Sch weppe, 1993; p. 201

2

Tectoquinone 2-Methyl anthraquinone

CHCl3 Kawassaki et al.,

1992

3

Alizarine

1,2-Dihydroxy anthraquinone

orange

EtOH, MeOH, H2O

(peu)

Schweppe, 1993; p. 200

C.I. 75330

4

Xanthopurpurine

1,3-Dihydroxy anthraquinone

jaune

EtOH, MeOH

Schweppe, 1993; p. 202

C.I. 75340

5

Quinizarine

1,4-Dihydroxy anthraquinone

orange

CH3COOH EtOH-

rouge alcalie-violet

Schweppe, 1993; p.Schweppe 204

C.I. 58050

6

Purpurine

1,2,4-Trihydroxy anthraquinone

rouge

EtOH, Ether H2O -mieux

qu'alizarine

Schweppe, 1993; p. 207

C.I. 75410

7

Anthragallol

1,2,3-Trihydroxy anthraquinone

orange

EtOH, Ether, CH3COOH

Schweppe, 1993; p. 206

C.I. 58200

O

O

OH

O

O

CH3

O

O

OH

OH

O

O

OH

OH

O

O

OH

OH

O

O

OH

OH

OH

O

O

OH

OH

OH

200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

248.1 nm

430.2 nm

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

203.3 nm

244.4 nm

281.9 nm

338.6 nm

414.9 nm

2 0 0 .0 0 2 5 0 .0 0 3 0 0 .0 0 3 5 0 .0 0 4 0 0 .0 0 4 5 0 .0 0 5 0 0 .0 0 5 5 0 .0 0 6 0 0 .0 0 6 5 0 .0 0 7 0 0 .0 0 7 5 0 .0 0

nm

2 0 3 . 3 n m

2 2 5 . 7 n m

2 4 8 . 1 n m

2 7 8 . 2 n m

3 2 7 .3 n m

4 8 0 . 2 n m

purpurine (pu) 24.068 m inutes, 200 - 798 @ 3.9 nm , from purpurine

200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00nm

203.5 nm

255.7 nm

293.1 nm 479.5 nm

200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

207.0 nm

244.4 nm

281.9 nm

411.0 nm

538.0 nm561.3 nm 627.2 nm670.0 nm708.9 nm736.1 nm759.5 nm775.0 n

246

8

2-Méthoxy anthraquinon

MeOH:

210, 272, 340, 390 nm

jaune pâle

EtOH

Thomson, 1971; p.370

9 1 - Hydroxy - 2 - méthyl antraquinone

MeOH:

230, 258, 275, 345, 388 nm

jaune

EtOH

Schweppe, 1993; p. 201

10 Alizarine-1- méthyl éther 2-Hydroxy - 1- méthoxy antraquinone

jaune pâle

EtOH

Schweppe, 1993; p. 202)

11 Alizarine- 2-méthylether 1-Hydroxy - 2 - méthoxy antraquinone

jaune

EtOH

Schweppe, 1993; p. 202

12 Alizarine- diméthylether 1,2 - Diméthoxy antraquinone

MeOH:

203, 231, 245, 288,340, 410 nm

MeOH Garland, 1986, Weinsma et al, 1986, (pas dans le Schweppe ni Thomson)

13

Xanthopurpurine - 3 - méthyl éther 1-Hydroxy - 3 - méthoxy antraquinone

jaune Thomson, 1971; p. 378

14 Xanthopurpurine diméthyléther 1,3-Diméthoxy anthraquinon

jaune Thomson, 1971; p. 378

15 Quinizarin 2-Hydroxyméthyl 1,4-Dihydroxy - 2 -hydroxy méthyl anthraquinone

jaune Schweppe, 1993; p. 205

16

Quinizarin acide 2-carboxylique 1,4-Dihydroxy -2 - carboxy anthraquinone

jaune - orange Schweppe, 1993;

p. 205)

17

Anthragalol - 2,3 - diméthyl éther 1Hydroxy - 2, 3 - diméthoxy anthraquinon

MeOH:

210, 250, 285, 410 nm

jaune

EtOH, MeOH

Schweppe, 1993; p. 206

18 Anthragalol - 3 - méthyléther 1,2-Dihydroxy - 3 - méthoxy anthraquinon

rouge-orange Schweppe, 1993; p. 206

O

O

OCH3

O

O

OH

CH3

O

O

OCH3

OH

O

O

OCH3

OCH3

O

O

OH

OCH3

O

O

OH

OCH3

O

O

OCH3

OCH3

OH

O

O

CH2OH

OH

O

O

OH

COOH

OH

O

O

OH

OCH3

OCH3

O

O

OH

OH

OCH3

247

19

Christofin

rouge orange Schweppe, 1993; p. 205

20

Lucidine

1,3-Dihydroxy - 2-hydroxyméthyl anthraquinone

jaune

EtOH

Schweppe, 1993; p. 203

21 Lucidine - 2-éthoxyméthyl

1,3-Dihydroxy-2 -ethoxyméthyl anthraquinone

EtOH, CHCl3 Kawassaki et al, 1992. (conversion de lucidine dans le EtOH bouillant?)

22 Lucidine - 2-méthoxyméthyl

1,3-Dihydroxy-2 -méthoxyméthyl anthraquinone

MeOH Kawassaki et al,

1992. (conversion de lucidine dans le MeOH bouillant?)

23 Rubiadine

1,3-Dihydroxy -2 - méthyl anthraquinone

jaune

EtOH, non soluble dans H2O et les

alcalies

Schweppe, 1993; p. 202

C.I. 75350

24

Rubiadine 1-méthyl éther

1-Méthoxy -2 -méthyl - 3-hydroxy anthraquinone

jaune

EtOH

Thomson, 1971; p. 379

25

Munjistine

1,3-Dihydroxy -2 - carboxy anthraquinone

orange Schweppe, 1993;

p. 203

26

Munjistine méthylester 1,3-Dihydroxy -2 - méthylesther anthraquinone

CHCl3 (en

quantité minime) Kawassaki et al., 1992

27

Pseudopurpurine 1,2,4-Trihydroxy - 3 - carboxy anthraquinone

brun rouge Schweppe, 1993; p. 207

C.I.75420 nat C.I.58220 syn

28

Nordamnacanthal 1,3-Dihydroxy -2 - carbaldehyde $ anthraquinone

jaunes

EtOH,CHCl3

Thomson, 1971; p. 382) Schweppe, 1992; p. 203

Kawassaki et al., 1992

O

O

OH

OH

O

H3C

O

O

OH

CH2OH

OH

O

O

OH

CH2OCH2CH3

OH

O

O

OH

CH2OCH3

OH

O

O

OH

CH3

OH

O

O

OCH3

CH3

OH

O

O

OH

COOH

OH

O

O

OH

COOCH3

OH

O

O

OH

OH

COOH

OH

O

O

OH

CHO

OH

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

203.3 nm

244.4 nm281.9 nm

414.9 nm

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

203.3 nm

244.4 nm

278.1 nm

414.9 nm

200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

248.0 nm

289.4 nm

418.7 nm

200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

203.3 nm

259.4 nm

491.7 nm

705.0 nm

248

29

Rubiadine-3-ββββ- D-primvéroside

orange Schweppe, 1993;

p. 203

Rubiadine-3-ββββ- primvéroside

orange Schweppe, 1993; p. 203

30

Rubiadine-3-ββββ- D-glucoside

Schweppe, 1993; p. 230

31

Acide rubérythrique = Alizarine 2β2β2β2β-D-primvéroside

Krizan 1996

Kawassaki et al., 1992

acide rubérytrique référence de Golikov 1

H2O, MeOH

32

Galiosine = Pseudopurpurine1β−β−β−β−D-primvéroside

Hill etRichter, 1937

Galiosine = Pseudopurpurine-1-ββββ-D- primvéroside

33

Rubianine

Jaune pâle

244,264,408nm

Schweppe, 1993; p. 203

34

Lucidine - 3-ββββ-D-primvéroside

35

primvéroside de la

lucidine

référence de Golikov 3

H2O, MeOH

nm200,00 400,00 600,00

203,2

244,3

266,8

407,2

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

259.3 nm

334.8 nm

414.9 nm

nm200,00 400,00 600,00

203,3

251,9

289,5

430,2

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00

nm

203.3 nm

266.9 nm

407.2 nm

O CH2O

HO

OHOH

OHO

OH

OH

O

O OH

O

COOH

O CH2O

HO

OHOH

OHO

OH

OH

O

O OH

O

O

O OH

CH3

O CH2O

HO

OHOH

OHO

OH

OHO

O

O OH

CH2OH

O CH2O

HO

OHOH

OHO

OH

OHO

O

O OH

CH3

O CH2OH

HO

OHOH

O

O

O OH

OH

O CH2OH

HO

OHOH

249

35

Molugine

Kawassaki et al, 1992

36

Scopoletine

CHCl3 Kawassaki et al, 1992

37

Lapachol méthyl éther

CHCl3 Kawassaki et al., 1992

38

Hexadecyl ferulate

CHCl3 Kawassaki et al., 1992

39

Octadecyl ferulate

CHCl3 Kawassaki et al., 1992

40

Icosyl ferulate

CHCl3 Kawassaki et al., 1992

COOCH3

OH

O

H3C

O OH3CO

HOO

O

OCH3

CH3

CH3

H3CO

HO

COO(CH2)15CH3

H3CO

HO

COO(CH2)17CH3

H3CO

HO

COO(CH2)19CH3

251

ANNEXE 5 A5. SPECTRES OBTENUS PAR TOF - SIMS.

Fig. A5.1. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs

laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 1 à 100 amu.

Ga+

Ga+H+ Na+

Al+

K+

CH3+

C3H5O2+

C3H5O3+

C2H8N+CH3O+

Na+

C2H3+

C3H7O+

Mass (m/z)

H+

Ga+

Ga+

Ca+

Na+

H+

NH4+ C3H7O+

C2H3+

CH3O+

H+Na+

Al+

K+

Mass (m/z)

Na+

H+

H+ Na+

Al+Ca+

C2H5O2+

CH3O+

C2H4O+

Al+

Ga+

K+

C3H5O2+

C3H5O3+

C5H12N+

Ga+

Mass (m/z)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Qui 2

Quinizarine

Pu 2

Purpurine

252

Fig. A5.2. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs

laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 100 à 300 amu.

Mass (m/z)

C8H5O3+

C8H5O3+

(AZ)+(QUI)+

(PU-CH3)+

(PU)+

(PU)+ 283+

Mass (m/z)

(QUI)+

(QUI)+

(QUI-Al)+

(QUI-AlO)+

Mass (m/z)

C8H5O3+

(AZ)+

(AZ)+

283+

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Purpurine

Pu 2

Quinizarine

Qui 2

Alizarine

Aliz 4

253

Fig. A5.3. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques

(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 300 à 600 amu.

Mass (m/z)

314+

477+

505+

(AZ2-Al)+

(QUI2-Al)+

Mass (m/z)

348+

369+

(QUI2-Al)+

Mass (m/z)

(AZ2-Al)+

(AZ2-Al)+

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Quinizarine

Purpurine

Qui 2

Pu 2

254

Fig. A5.4. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques

(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 800 à 1400 amu.

Mass (m/z)

Mass (m/z)

(QUI3-Al2)+

664+

995+

664+

(QUI4-Al3)+ (QUI5-Al4)+

Mass (m/z)

707+

811+

nToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Quinizarine

Qui 2

Purpurine

Pu 2

255

Fig. A5.5. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques

(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 10 à 50 amu.

Mass (m/z)

CH-

CH-

OH-

O-

C2H-

Cl- Cl-

OH-

O-

C2H-Cl- Cl-

C4H-

C4H-

Mass (m/z)

CH-

CH-

OH-

O-

C2H-

Cl-

Cl-

OH-

O-

C2H- Cl-

Cl-C4H-

C4H-

Mass (m/z)

C4H-

OH-

CH-

O-

CH-C2H- Cl-

Cl-

OH-

O-

C2H-

Cl-Cl-

C4H-

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Qui 2

Pu 2

Quinizarine

Purpurine

256

Fig. A5.6. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 50 à 300 amu.

Mass (m/z)

C6H-

(AZ)-

210-

(AZ)-

210-

HSO4-

C6H-

HSO4-

Mass (m/z)

(QUI)-

(QUI)-

207-

210-

HSO4-

SO3-

C6H-

fatty ac. fatty ac.

274-

HSO4-

C6H-

Mass (m/z)

(PU)-

HSO4-

C6H-

(PU)-

C6H-

HSO4-

AlO2-

C2H3O2-

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Quinizarine

Qui 2

Purpurine

Pu 2

257

Fig. A5.7. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs

laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 300 à 600 amu.

Mass (m/z)

(AZ2-Al)-

503-477-

319-

319-

533-

Mass (m/z)

(QUI2-Al)-

319-

427-

447-

478-

519-

447-476-

Mass (m/z)

303-

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Aliz 4

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Quinizarine

Qui 2

Pu 2

Purpurine

258

Fig. A5.8. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs

laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 600 à 1400 amu.

Qui 2

Mass (m/z)

768-

Mass (m/z)

(QUI3-Al2)-

(QUI4-Al3)- (QUI5-Al4)-

Mass (m/z)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

ToF

SIM

S In

tens

ity (

coun

ts)

Alizarine

Aliz 4

Quinizarine

Qui 2

Purpurine

Pu 2

259

ANNEXE 6 A6. RECHERCHE D 'UNE METHODE PRESERVANT LES PRIMVEROSIDES

ET AUTRES PRECURSEURS (LAQUE RT1) Dans les premiers essais, des échantillons d'environ 0,2 mg de laque de garance des teinturiers (Rubia tinctorum L.) RT1, décrite au chap. IV, ont été extraits par 250 µL d'HCl 6 N à 105 °C (Wouters, 1989), puis par des variantes de cette méthode, avec HCl dilué(§ A6.1) et TFA (§ A6.2). La teneur en alizarine de cette laque étant de l'ordre de 1%, la concentration dans ces extraits était au plus de l'ordre de 8 mg/L, soit 30 µM. Dans les essais suivants (solvants seuls, agents chélatants, HF/Li2CO3, § II.C.3 à II.C.5), suite à la présence d'importants résidus solides, l'évaporation de l'extrait a été remplacée par la filtration du surnageant. Le volume total, n'étant plus limité par le temps nécessaire à l'évaporation, a été porté à 1 mL, et la quantité d'échantillon à env. 10 mg (soit donc de l'ordre de 100 mg/L d'alizarine, ou 400 µM). A6.1. Hydrolyses par HCl Avec l'HCl ccé (6N, dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min. à 100°C ; évaporé à sec sous vide, repris dans le MeOH/H2O, 1/1) on retrouve principalement l'alizarine, la purpurine, et la molécule non identifiée baptisée " RT27 ", toutes trois à 6-7 µg/mg (fig.A6.1). Trois autres, l'anthragallol , la munjistine et la rubiadine, sont retrouvés à 0,5-1 µg/mg. Les RSD% calculés sur quatre expériences indépendantes sont importantes (40 - 70%) Fig. A6.1. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N dans MeOH/H2O 1/1; 10 min à 100°C.

extraction RT1 par HCl 6N

0

2

4

6

8

10

12

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

260

L'extraction à l'HCl plus dilué (0,6N) donne des résultats comparables (fig.A6.2) , compte tenu des barres d'erreur, pour les six molécules déjà citées. Toutefois on retrouve en plus environ 1 µg/mg des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine, ce qui confirme leur présence dans la laque et leur hydrolyse par l'HCl concentré. Il serait tentant d'attribuer la teneur légèrement plus élevée en alizarine, dans les extraits à l'HCl concentré, à l'hydrolyse de son primvéroside, mais on ne peut conclure de manière certaine, compte tenu des erreurs. Fig. A6. 2. Extraction de la laque "RT1" par HCl 0,6N dans MeOH/H2O 1/1; 10 min à 100°C. La redissolution dans le DMF, plutôt que dans le MeOH, donne des résultats très comparables (fig. A6.3), sauf pour le RT27, qui varie de manière apparemment assez aléatoire. Fig. A6.3. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N et 0,6Ndans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à

100°C, ensuite évaporation sous vide et redissolution dans MeOH ou DMF.

extraction de RT1 par HCl 0.6N

0

2

4

6

8

10

12µg

col

oran

t / m

g la

que

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

extraction de RT1 par HCl : influence de la conc. (6N, O,6N) et du solvant fina l (MeOH, DMF)

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. d s MeOH

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. d s DMF

HCl 0.6N ds. MeOH/H2O, pH 0.08, 100°C, évap., repr. ds MeOH

HCl 0.6N ds. MeOH/H2O, pH 0.08, 100°C, évap., repr. ds DMF

261

Plus encore que la dilution de l'acide, la diminution de la température d'extraction à 60°C permet d'améliorer nettement les rendements (fig.A6.4). On retrouve à la fois plus de primvéroside de l'alizarine (env. 3,5 µg/mg) et plus d'alizarine (env. 12,5 µg/mg), ce qui montre qu'il n'y a pas seulement moins de transformation du primvéroside en alizarine, mais aussi un meilleur rendement au total (16µg/mg au lieu de 7,5µg/mg). On détecte également, pour la première fois, de la pseudopurpurine (2,5 µg/mg). Par contre la purpurine chute de plus de 50%, ce qu'on peut certainement attribuer en grande partie à la non-décarboxylation de la pseudopurpurine. Il faut cependant mentionner que des pertes de purpurine non expliquées sont souvent observées, comme l'avait déjà constaté J. Wouters (1985). Fig. A6.4. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 60°C et à

100°C. A6.2. Hydrolyse par acide trifluoroacétique (TFA) Le TFA (pKa 0,3) est un acide fort, bien que moins que l'HCl (pKa -7). Les

concentrations utilisées ici, 0,05-10%, correspondent à 6mM - 1,3M, et donnent des pH compris entre 2,2 et 0,2. Les rendements apparents, croissants avec la concentration en TFA (fig. A6.5), sont meilleurs que ceux obtenus avec l'HCl (fig. A.6.6), sauf pour l'alizarine et la pseudopurpurine. Mais la diminution de l'alizarine (7,3 µg/mg, soit 30,3 µmole/g), par rapport d'extraction à l'HCl 6N à 60 °C (12,5 µg/mg, soit 52 µmole/g), est à peu près compensée par l'augmentation de son primvéroside, qui passe de 3,5 à 9,7 µg/mg (soit de 6,5 à 18,2 µmole/g). Celui-ci est donc encore hydrolysé à 50% au moins par le HCl 6 N à 60 °C.

extraction de RT1 par HCl : influence de la température (100°C, 60°C)

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 60°C, évap., repr. d s MeOH

262

Fig. A6.5. Extraction de la laque "RT1" par TFA de différentes concentrations (de 0,05% à 10%)

dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 100°C. Fig. A6.6. Extraction de la laque "RT1" par TFA 1,3M dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 100°C et

par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 60°C et à 100°C. A l'inverse, la pseudopurpurine, au moins partiellement préservée par l'HCl 6N à 60°C, est totalement absente dans des extraits au TFA à 100°C.

extraction de RT1 par TFA : influence de la concentration

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

TFA 0,05 % (6 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C,évap., repr. ds MeOHTFA 0,5 % (60 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap. ,repr. ds MeOHTFA 1 % (130 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C,évap., repr. dans MeOHTFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

extraction de RT1 par HCl à 100°C et à 60°C, et par TFA à 100°C

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 60°C, évap., repr. d s MeOH

TFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

263

A6.3. Extraction dans des solvants seuls Comme on pouvait s'y attendre, l'extraction par des solvants purs (10 mg de laque dans 1 mL solvant, 30 min à 90 °C à reflux, surnageant filtré sur 0,5 µm) donne des rendements très faibles (MeOH, DMF) à pratiquement nuls (AcEt) (fig. A6.7). Fig. A6.7. Extraction de la laque "RT1" par MeOH, par DMF et par acétate d'éthyle; 30 min à

90°C. A6.4. Extraction par EDTA et DTPA (agents chélatants) Les constantes de complexation de l'ion Al+++ par les chélatants classiques EDTA et DTPA sont de l'ordre de 17 et 19,5 respectivement (logK = 17,6 et 20,3, à force ionique µ = 0,01 M, dans la compilation de Norvell (1977 ), 16,5 et 18,7 à µ = 0,1 M dans celle de Orvig (1993)). Celles de quelques acides 1,2-hydroxy-benzene- et -naphatalene-sulfoniques, molécules porteuses comme l'alizarine d'un groupement alpha-diphénolate, vont de 14,9 à 16,6 (µ = 0,1 - 1 M)(Orvig 1993). Si, comme on peut le supposer, la constante d'association de l'alizarine est du même ordre de grandeur, l'EDTA et le DTPA devraient avoir une bonne chance, surtout en concentrations élevées, de libérer l'aluminium de ses complexes avec celle-ci. Cependant il faut rappeler que ces constantes expriment l'équilibre avec les formes totalement déprotonées des molécules (dianion de l'alizarine, tétraanion de l'EDTA, pentaanion du DTPA), qui sont très largement minoritaires en solution acide. La complexation est donc d'autant plus inhibée que le pH est bas, et ce de manière différente pour l'alizarine, l'EDTA et le DTPA en fonction de leurs différents pK. Dans la pratique, les rendements obtenus avec EDTA et DTPA à différents pH (figs. A6.8, A6.9 et A6.10) DTPA RT1 pH 2, DTPA RT1 pH 8,5, EDTA RT1) sont

extraction de RT1 par les solvants : MeOH, DMF, AcEt

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

MeOH 90°C DMF 90°C AcEt 90°C

264

relativement bons pour le primvéroside de l'alizarine et le inc. 27', mais faibles pour les autres molécules, et surtout pour l'alizarine et la purpurine. Il est possible que ceci s'explique par le jeu des concentrations et des constantes de complexation et d'acidité, qui mènerait finalement chaque fois à des équilibres en faveur des complexes de l'alizarine. Mais il se peut aussi qu'il s'agisse d'un problème non pas d'équilibre mais de cinétique, et que, dans les laques, l'aluminium soit trop bien séquestré pour être accessible aux molécules volumineuses que sont l'EDTA et le DTPA. Fig. A6.8. Extraction de la laque "RT1" par DTPA à pH 2,2 dans 80% de MeOH, DMF et AcEt; 30 min à 90°C. Fig. A6.9. Extraction de la laque "RT1" par DTPA à pH 8,3 dans 80% de MeOH, DMF et AcEt; 30 min à 90°C.

extraction de RT1 par DTPA (pH 8,5dans 80% de MeOH, DMF ou AcEt)

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/MeOH,1/4, 90°C

DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/DMF,1/4, 90°C

DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/AcEt,1/4, 90°C

extraction de RT1 par DTPA dans 80 % MeOH, DMF ou AcEt

0

2

4

6

8

10

12

pral ag pp pu RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

DTPA(15 mM, pH 2,2)/MeOH; 1/4, 90°C

DTPA(15 mM, pH 2,2)/DMF; 1/4, 90°C

DTPA(15 mM, pH 2,2)/AcEt; 1/4, 90°C

265

Fig. A6.10. Extraction de la laque "RT1" par EDTA à pH 2,8 (25%meOH) et le sel disodique d'EDTA à pH 4,6 (25 % de DMF ou AcEt). A6.5. Extraction par le mélange Li2CO3 / HF / DTPA Dans l'espoir que de petits ions puissent se glisser au cœur des complexes et les dissocier, des ions Li+ et F- ont été ajoutés au mélange d'extraction (Li2CO3 120 mM, HF 2,7 M, DTPA 4 mM, pH env. 2,5). Les résultats pour deux extractions, à deux rapports laque / solution différents (3 mg / 1650 µL et 0,3 mg / 425 µL), sont donnés à la fig. A6.11. Les rendements sont bons pour toutes les molécules. Les écarts entre les résultats des deux extractions sont inférieurs à 16% pour l'alizarine, les deux primvérosides et le inc. 27', mais de plus de 80% pour la purpurine. Fig. A6.11. Extraction de la laque "RT1" par Li2CO3 120 mM, HF 2,7 M, DTPA 4 mM, pH env.

2,5.

extraction de RT1 par EDTA (pH 2,8 - 4,5)dans 80% de MeOH, DMF ou AcEt

0

2

4

6

8

10

12

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

EDTA (3mM, pH 2,8)/MeOH; 1/4, 90°CEDTA-Na2 (134 mM, pH 4.6)/DMF; 1/4, 90°CEDTA-Na2 (134 mM, pH 4.6)/AcEt; 1/4, 90°C

extraction de RT1 par Li2CO3/HF

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

pral prlc ag pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C (9 mg laque / 1650 µL)

Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C (0.28 mg laque / 420 µL)

Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C, MOY

266

A6.6. Résumé Dans cette étude exploratoire, deux méthodes ont été trouvées, l'extraction à 100°C par TFA 1,3M (§A6.2) et l'extraction à température ambiante par un mélange HF/Li2CO3/DTPA (§ A6.5), qui permettent d'égaler les rendements en alizarine de la méthode HCl concentré à 100°C, tout en préservant les précurseurs tels que les primvérosides de l'alizarine et de la lucidine. Les rendements des trois méthodes pour la laque RT1 sont comparées à la figure A6.12. Fig. A6.12. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1 à 100°C, par TFA

1,3M 6N dans MeOH/H2O, 1/1 à 100°C et par Li2CO3 120 mM, HF 2,7 M, DTPA 4 mM, pH env. 2,5.

extraction de RT1 : comparaison HCl - TFA - Li2CO3/HF

0

2

4

6

8

10

12

14

16

pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

µg c

olor

ant /

mg

laqu

e

HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH

TFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C, MOY

267

ANNEXE 7

A7. APPLICATION DE LA METHODE L IF/HF/DTPA A QUELQUES

ECHANTILLONS DE GLACIS PRELEVES DANS DES TABLEAUX ET SCULPTURES.

Les colorants présents dans une dizaine d'échantillons de glacis (couches transparentes contenant des laques) rouges, prélevés sur des polychromies et des peintures dans le cadre des études entourant leur restauration à l'IRPA, ont pu être analysés après extraction par le mélange HF/LiF/DTPA. Bien qu'elle n'ait pas été optimisée pour les échantillons historiques, dans lesquels les laques sont enrobées dans des liants le plus souvent oléo-résineux et polymérisés par vieillissement, la méthode d'extraction par LiF/HF/DTPA a donné des résultats prometteurs. Huit des dix échantillons contenaient de l'alizarine(al) et de la purpurine (pu). Les deux autres contenaient respectivement de l'acide carminique (ca) de l'acide flavokermésique (fk) et de l'acide kermésique (ka), les principaux constituants de la cochenille et du kermès.

N° Oeuvre Localisation Description de l'échantillon

Composition

EH 1 St Jean Baptiste – sculpture XIXe s.

robe de St Jean Baptiste Glacis rouge sur or poli

2 fk, 47 al, 51 pu

EH 2 Retable de la Parenté, Bruges, XVIe s.

robe de Salomé, Glacis rouge sur or mat

37 al, 63 pu

EH 3 idem Raisin, élément végétal Glacis rouge sur une sous -couche bleue

100 ca

EH 4 idem Zébédée, poudre grattée au dos de la sculpture

Laque rose dans une couche opaque au dos de la statuette

39 al , 61 pu

EH 5 Retable Ham-sur-Heure 1470

Fragment Adoration des Mages, Gaspard

brocart appliqué, glacis rouge sur or mat

53 al, 47 pu

EH 6 idem Fragment Visitation, Zacharie, manteau, col

glacis rouge sur or 71 al, 29 pu

EH 7 idem Fragment Adoration des Mages, Balthazar, turban

Glacis rouge foncé sur argent

52 al, 48 pu

EH 8 Vierge à l'Enfant – XVe, peinture suiveur R.Van den Veyden

Fond doré avec le glacis en forme de gouttes (photo )

Glacis rouge sur or mat

100 ka

EH 9 Vierge à l'Enfant – XVe s., peinture

Fond doré avec le glacis en forme des gouttes

Glacis rouge sur or mat

44 ka, 5 al, 51 pu

EH 10 Berceau – bois polychrome – XVe s.

Décoration du bord Glacis rouge sur or poli 22 al, 78 pu