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40 PRÉVOYANCE > LE TROISIÈME PILIER 40 EXEL L’ESPRIT POSITIF DES MANAGERS MODERNES Rappelons tout d’abord que l’organisa- tion de la prévoyance en Suisse a pour but de protéger une personne contre le «risque structurel» que représente son vieillisse- ment. Il s’agit certes d’un phénomène natu- rel inéluctable, mais on peut se prémunir contre ses conséquences économiques. Si, depuis toujours, les êtres humains n’ont pas eu d’autres choix que l’obligation de trouver les moyens à leur porté pour assu- rer leurs vieux jours, les états ont mis beau- coup plus de temps à réaliser que la créa- tion de conditions-cadres favorisant des comportements «prévoyants» lui étaient également favorables. C’est notamment de cette constatation que naquit en 1948 la loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survi- vants (LAVS). Avant cela, l’individu n’avait que sa famille pour l’aider à faire face aux rigueurs économiques engendrées par le vieillissement. Avec le temps, des corpora- tions professionnelles lui apportèrent un soutien complémentaire. Les coûts qu’elles assumèrent de ce chef justifièrent des accords cartellaires sur les tarifs, dont cer- tains persistent encore de nos jours, en dépit du développement d’un état social qui a repris et complété leurs prestations. Il est ainsi intéressant de constater que les car- tels suisses ont eu notamment pour but de financer un embryon de sécurité social. Lorsque l’AVS vit le jour, il était clair pour le législateur que les rentes allouées aux futurs retraités n’avaient d’autre but que de couvrir le minimum vital. C’est tou- jours ainsi que doit être compris le but de ce «1 er pilier» de la prévoyance. Le but pour- suivi explique également la structure de financement de cette institution dite «de distribution». En effet, les prélèvements effectués sur les revenus de la génération active sont «distribuées» sous forme de rentes à la génération retraitée. L’AVS insti- tua donc une solidarité intergénérationnelle obligatoire. L’accumulation de richesse dans le pays et l’avènement de la société de consommation ont provoqué une réflexion du législateur sur le saut financier que représentait le passage de la période d’acti- vité à la retraite. Les motifs d’une extension des conditions-cadres de la prévoyance étaient posés, les «2 ème et 3 ème piliers» virent le jour au niveau fédéral en 1985 avec notamment l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP). A la différence du «1 er pilier», qui devait assurer le minimum vital, le but his- torique de la LPP a été de compléter la rente AVS à concurrence de 80% du dernier salaire perçu en phase de vie active. Le «3 ème pilier» avait lui pour but de compléter les deux premiers piliers afin d’atteindre les 100% du dernier salaire. Les buts spécifiques de la LPP amenèrent le législateur à choisir un système différent de financement de celui de l’AVS, celui de la «capitalisation». En résumé, chaque salarié, qui en remplit les critères, a l’obligation de cotiser pour lui-même et ainsi de se consti- tuer le capital propre sur la base duquel il pourra demander, à l’âge de la retraite, le versement du capital ou d’une rente. Le «3 ème pilier», quant à lui, n’est pas obli- gatoire. Il s’agit d’une épargne individuelle volontaire constituée par l’accumulation de versements annuels de montants défiscali- sés dont le plafond est révisé périodique- ment afin de tenir compte de l’inflation. Le système suisse de prévoyance présente ainsi diverses particularités: tout d’abord, l’assuré n’est jamais totalement libre dans le placement de son épargne salariale, même quand il pourrait y prétendre, notamment dans le cadre du «3 ème pilier» qu’il est seul à financer. Ensuite, la force de la solidarité structurelle de l’assurance est fonction de ses buts, selon qu’ils sont plus ou moins proches des besoins économi- ques vitaux des assurés. Finalement, la gestion de la prévoyance est largement décentralisée auprès d’institutions «ad hoc», séparées des entreprises auxquelles elles sont dédiées, l’état ne jouant qu’un rôle restreint. En quoi ces particularités consti- tuent-elles des avantages? Tout d’abord, le fait que la gestion des place- Tout le monde a entendu parler en Suisse du système de prévoyance à trois «piliers». Que cela signifie-t’il au juste et en quoi est-ce si différent des organisations mises en place par nos voisins? TEXTE > Pierre E. Michel LE SYSTÈME SUISSE DE PRÉVOYANCE À TROIS «PILIERS» HISTORIQUE ET AVANTAGES

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"Le système suisse de prévoyance à trois "piliers", historique et avantages"

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40 PRÉVOYANCE > LE TROISIÈME PILIER

40 EXEL L’ESPRIT POSITIF DES MANAGERS MODERNES

Rappelons tout d’abord que l’organisa-tion de la prévoyance en Suisse a pour butde protéger une personne contre le «risquestructurel» que représente son vieillisse-ment. Il s’agit certes d’un phénomène natu-rel inéluctable, mais on peut se prémunircontre ses conséquences économiques.Si, depuis toujours, les êtres humains n’ontpas eu d’autres choix que l’obligation detrouver les moyens à leur porté pour assu-rer leurs vieux jours, les états ont mis beau-coup plus de temps à réaliser que la créa-tion de conditions-cadres favorisant descomportements «prévoyants» lui étaientégalement favorables. C’est notamment decette constatation que naquit en 1948 la loifédérale sur l’assurance vieillesse et survi-vants (LAVS). Avant cela, l’individu n’avaitque sa famille pour l’aider à faire face auxrigueurs économiques engendrées par levieillissement. Avec le temps, des corpora-tions professionnelles lui apportèrent unsoutien complémentaire. Les coûts qu’ellesassumèrent de ce chef justifièrent desaccords cartellaires sur les tarifs, dont cer-tains persistent encore de nos jours, endépit du développement d’un état social quia repris et complété leurs prestations. Il estainsi intéressant de constater que les car-tels suisses ont eu notamment pour but definancer un embryon de sécurité social.

Lorsque l’AVS vit le jour, il était clairpour le législateur que les rentes allouées

aux futurs retraités n’avaient d’autre butque de couvrir le minimum vital. C’est tou-jours ainsi que doit être compris le but dece «1er pilier» de la prévoyance. Le but pour-suivi explique également la structure definancement de cette institution dite «dedistribution». En effet, les prélèvementseffectués sur les revenus de la générationactive sont «distribuées» sous forme derentes à la génération retraitée. L’AVS insti-tua donc une solidarité intergénérationnelleobligatoire.

L’accumulation de richesse dans lepays et l’avènement de la société deconsommation ont provoqué une réflexiondu législateur sur le saut financier quereprésentait le passage de la période d’acti-vité à la retraite. Les motifs d’une extensiondes conditions-cadres de la prévoyanceétaient posés, les «2ème et 3ème piliers» virentle jour au niveau fédéral en 1985 avecnotamment l’entrée en vigueur de la loifédérale sur la prévoyance professionnelle(LPP). A la différence du «1er pilier», quidevait assurer le minimum vital, le but his-torique de la LPP a été de compléter larente AVS à concurrence de 80% du derniersalaire perçu en phase de vie active. Le «3ème

pilier» avait lui pour but de compléter lesdeux premiers piliers afin d’atteindre les100% du dernier salaire.Les buts spécifiques de la LPP amenèrent lelégislateur à choisir un système différent de

financement de celui de l’AVS, celui de la«capitalisation». En résumé, chaque salarié,qui en remplit les critères, a l’obligation decotiser pour lui-même et ainsi de se consti-tuer le capital propre sur la base duquel ilpourra demander, à l’âge de la retraite, leversement du capital ou d’une rente.

Le «3ème pilier», quant à lui, n’est pas obli-gatoire. Il s’agit d’une épargne individuellevolontaire constituée par l’accumulation deversements annuels de montants défiscali-sés dont le plafond est révisé périodique-ment afin de tenir compte de l’inflation.Le système suisse de prévoyance présenteainsi diverses particularités: tout d’abord,l’assuré n’est jamais totalement libre dansle placement de son épargne salariale,même quand il pourrait y prétendre,notamment dans le cadre du «3ème pilier»qu’il est seul à financer. Ensuite, la force dela solidarité structurelle de l’assurance estfonction de ses buts, selon qu’ils sont plusou moins proches des besoins économi-ques vitaux des assurés. Finalement, lagestion de la prévoyance est largementdécentralisée auprès d’institutions «adhoc», séparées des entreprises auxquelleselles sont dédiées, l’état ne jouant qu’unrôle restreint.

En quoi ces particularités consti-tuent-elles des avantages? Toutd’abord, le fait que la gestion des place-

Tout le monde a entendu parler en Suisse du système de prévoyance àtrois «piliers». Que cela signifie-t’il au juste et en quoi est-ce si différent desorganisations mises en place par nos voisins?

TEXTE > Pierre E. Michel

LE SYSTÈME SUISSE DEPRÉVOYANCE À TROIS «PILIERS»HISTORIQUEET AVANTAGES

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ments ne soit pas laissée au libre arbitredes assurés nous a évité en 2000, lors del’éclatement de la «bulle Internet», les affressoufferts par les épargnants américains quiavaient jugé bon de soumettre leur épargnesalariale au régime «401k» les autorisant àplacer leur épargne en dépit de leur man-que de connaissance du domaine. Le faitque les régimes de financement soient dif-férents institue des pare-feux non négligea-bles, car il est peu probable que tous setarissent en même temps. L’organisationpartiellement décentralisée de la gestiondes actifs et de l’administration peut éviternotamment:>>> qu’une entreprise ne fasse main bassesur l’épargne de ses employés afin notam-ment de financer des investissements pro-pres ou d’en abuser,>>> qu’une erreur d’appréciation dans lagestion centralisée ne soit dommageable à

toute l’épargne salariale du pays ou quel’administration ne croisse de manièredémesurée, comme on a pu le constaterchez certains de nos voisins,>>> que l’état n’ait à financer des investis-sements structurels conséquents.A «La Collective de Prévoyance-Copré»,nous sommes convaincus que le systèmede prévoyance suisse, tel que conçu et sou-haité par le législateur, est excellent. Nouspratiquons les métiers de la prévoyancedepuis 1974. Cela signifie non seulementque nous les maîtrisons en théorie maisencore que nous en connaissons les limitespratiques. Souhaitant apporter notre pierreà la cohésion de cet édifice législatif remar-quable, nous en respectons l’esprit en

disant ce que nous faisons et en faisant ceque nous disons. Nous n’avons d’autresbénéficiaires de nos résultats que nos assu-rés et nous en sommes fiers.

Pierre E. Michel

La Collective de Prévoyance - Copré

Directeur de la Fondation,

Membre du Conseil.

www.copre.ch

«Les buts spécifiques de la LPPamenèrent le législateur à choisir unsystème différent de financement de

celui de l’AVS, celui de la capitalisation»