Corps Utopiques Rabelaisiens

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    1/18

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    rmand Colin

    LES CORPS UTOPIQUES RABELAISIENSAuthor(s): Louis MarinSource: Littrature, No. 21, LIEUX DE L'UTOPIE (FEVRIER 1976), pp. 35-51Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/23801815

    Accessed: 21-02-2016 02:03 UTC

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    2/18

    Louis

    Marin,

    the

    Johns Hopkins

    University.

    LES

    CORPS

    UTOPIQUES

    RABELAISIENS

    Le texte que je propose aujourd'hui, comme un lieu utopique parmi

    d'autres,

    a

    une

    double

    et intenable ambition : d'une

    part, parler

    de

    l'utopie,

    tenir un discours sur

    des

    textes

    qu'il

    est bien

    difficile

    de

    classer

    et

    qui

    semblent

    chapper

    une

    typologie

    des

    genres que,

    cependant,

    ils

    prsup

    posent

    1

    ;

    d'autre

    part,

    montrer

    que

    ce discours

    critique

    sur

    l'utopie

    est un

    discours

    intenable,

    non

    qu'il

    ne

    puisse

    tre tenu

    il

    est

    toujours

    possible

    de

    parler

    et

    d'crire

    propos

    d'un texte

    mais si exact et si

    rigoureux

    qu'il

    cherche

    tre

    et

    peut-tre proportionnellement

    son

    exacti

    tude

    et

    sa

    rigueur,

    ce discours

    laisse

    chapper

    ou

    plutt

    neutralise

    ce

    que

    le

    geste

    utopique indique,

    moins de maintenir active et efficace la contra

    diction insoutenable de cette double

    fin dans

    le

    propos

    mme

    qui

    le vise.

    Autrement

    dit,

    en

    proposant

    nouveau

    une

    rflexion sur

    l'utopie,

    ce

    n'est pas une simple application ou extension de l'tude que je lui ai consa

    cre et

    des thses

    qui

    la sous-tendaient2.

    Il

    s'agit

    de son cart

    ;

    sinon de

    sa

    critique,

    entendue

    ici-aujourd'hui,

    moins comme l'instauration d'une

    instance

    judicatoire

    qui

    la mesurerait

    l'aune

    du vrai et

    du

    faux,

    que

    comme une

    digression

    ou le

    dvoiement

    des

    trajets d'analyse

    dj

    parcourus.

    Un

    retour

    l'utopie qui

    est

    aussi un d-tour de mon discours sur

    l'utopie

    : en

    quoi,

    d'ores et

    dj,

    ce

    texte

    ici-aujourd'hui

    commence travailler.

    Discours sur

    l'utopie,

    discours intenable : les

    espaces

    de

    l'utopie, topo

    graphique,

    politique,

    conomique...

    jouent

    au sens

    o

    l'on dit

    que

    les

    pices

    d'un

    mcanisme,

    que

    les lments d'un

    systme,

    que

    les

    parties

    d'une

    totalit

    jouent, qu'ils

    ne

    sont

    pas parfaitement

    ajusts, qu'il

    y

    a de

    l'espace

    vide entre ces

    espaces

    pleins

    ou

    qu'aussi

    bien,

    en certains

    points,

    le mca

    nisme

    se coince

    par

    excs. Le discours

    tenu alors sur

    l'utopie consiste,

    par

    la lecture construite

    du

    texte,

    faire

    cohrer les

    espaces

    signifis

    par

    1.

    D'une

    faon gnrale,

    propos

    du

    genre utopique,

    on

    pourra

    consulter

    C. G.

    Du

    bois,

    Problmes

    de

    l'utopie,

    Archives

    des

    Lettres

    Modernes,

    n

    85,

    1968,

    I,

    Mnard,

    Paris.

    Voir

    galement Regis

    Messac,

    Esquisse

    d'une

    chronobibliographie

    des

    Utopies,

    Lausanne,

    Club

    Eutopia,

    2962

    (1962),

    P.

    Versins, Encyclopdie

    de

    l'Utopie,

    des

    voyages

    extraordinaires

    et de

    la

    science-fiction,

    Lausanne,

    1972

    ;

    et

    la mise au

    point

    de

    R.

    Trousson,

    Utopie

    et roman

    utopique

    in

    Revue

    des Scinces

    humaines,

    Lille

    III,

    n

    155, 1974-3,

    Il

    se

    produit

    ici un clatement

    du

    genre

    qui,

    la

    limite,

    rendrait

    toute

    tude structure

    impossible

    (p.

    368).

    Sur les

    problmes

    thoriques

    poss

    par

    la

    notion

    de

    genre,

    entre

    autres,

    G.-G.

    Granger,

    Essai

    d'une

    philosophie

    du

    style, Colin,

    Paris,

    1968, p.

    191-216

    et Claudio

    Gillen,

    Literature as

    System,

    Princeton, 1971, p.

    107

    159.

    2. Dans

    Utopiques, jeux

    d'espaces, Minuit,

    Coll.

    Critique,

    1973, p.

    15-50 et

    p.

    249

    256.

    35

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    le texte

    utopique,

    en

    remplissant

    de

    sa

    propre

    substance

    signifiante

    les

    espaces

    vides entre

    eux

    ou en

    expliquant

    les lieux textuels

    o ils

    s'impli

    quent.

    En dmontrant leurs

    jeux,

    en

    les articulant

    ou en les

    expliquant,

    le

    discours sur

    l'utopie

    les interdit

    par

    son

    propre

    inter-dire.

    Le

    quasi-systme

    de

    la construction

    utopique, par

    lui,

    devient un vrai

    systme,

    une totalit struc

    ture

    o,

    justement,

    il

    n'y

    a

    plus

    de

    jeu.

    Tout mon

    propos

    c'est

    l la

    double vise de ce

    texte,

    abruptement

    formule

    plus

    haut

    est de restituer

    au

    texte

    utopique

    son

    jeu,

    de le laisser

    jouer,

    et

    pour

    cela

    de

    dplacer

    le

    jeu

    du

    quasi-systme utopique,

    de

    ses

    non-consquences,

    de ses

    incohrences

    et de

    ses

    excs,

    de ses

    manques

    et de ses

    trop-pleins,

    vers

    la

    simple

    fantaisie,

    vers la ludicit du

    texte,

    de

    tirer de ce

    jeu,

    sans intention

    ni

    intrt

    spcu

    latif ou

    pratique,

    tous les

    bnfices

    du

    plaisir

    qu'il

    offre,

    pour

    se

    demander

    ultrieurement

    de

    quoi

    ce

    plaisir

    est

    la

    manifestation instantane3.

    Il

    s'agira

    ici de

    l'utopie

    rabelaisienne,

    de Thlme

    donc,

    par

    une sorte

    d'vidence

    doxique

    accepte

    comme telle et aussi

    d'un

    chapitre

    de la Vie

    trs

    Honorifique

    du

    grand Gargantua, pre

    de

    Pantagruel4

    que par

    un arbi

    traire aussi calcul

    qu'tait

    simplement

    accueillie l'vidence de

    l'utopie

    thl

    mite,

    nous lui

    superposerons

    :

    accepter

    Thlme

    comme

    reprsentation

    utopique pour apercevoir

    dans

    cette

    reprsentation,

    la fiction

    qui

    la

    produit

    et

    qu'elle

    dtourne de son libre

    jeu

    dans

    l'image,

    y reprer

    les

    marques

    de cette

    fiction,

    s'interroger

    sur

    ce

    que

    ces

    marques indiquent

    afin de faire

    jouer

    le texte

    au

    dtriment

    de

    la

    reprsentation qu'il

    signifie,

    et

    pour

    dcou

    vrir

    qu'en

    fin

    de

    compte,

    le texte de

    Rabelais

    est,

    avec

    bonheur,

    l'utopie

    mme,

    un immense

    corps-de-jouissance.

    Structure

    Que

    Thlme ait

    bien des traits

    caractristiques

    du

    genre

    utopique,

    structure dialogique des voix (Gargantua, Frre Jean), articulation par enca

    drement

    du

    rcit et de la

    description,

    fondation

    d'une institution

    par

    dli

    mitation

    d'un

    lieu

    et

    construction

    d'une

    architecture

    qui

    l'organise

    selon le

    principe, pour

    ne

    pas

    dire

    le

    mcanisme,

    de l'inversion dans le

    contraire

    historique

    et

    social,

    cela

    relve

    de

    l'vidence

    dont

    je

    viens de

    parler.

    Revenons sur ces diffrents

    points

    en

    marquant

    rapidement

    la

    structure

    syntagmatique

    du

    passage

    :

    1)

    Tout

    d'abord une

    nappe

    narrative,

    un

    rcit articul en

    deux

    squen

    ces.

    Comment

    Gargantua

    fit btir

    pour

    le moine

    l'abbaye

    de Thlme

    ;

    comment

    fut

    btie et

    dote

    l'abbaye

    des Thlmites :

    un dessein

    architec

    tural et

    son

    rsultat,

    le rcit d'une

    origine

    et

    l'occupation

    de cet

    espace

    d'origine par

    une

    reprsentation.

    Toutefois ces deux

    squences

    ont la carac

    tristique

    d'tre embotes l'une dans

    l'autre. Le rcit du

    projet

    fonctionne

    comme un

    cadre

    pour

    la

    description

    de son

    rsultat,

    mais cet

    encadrement

    est brouill en ce

    que

    le

    contenu des

    chapitres

    dborde ce

    qu'indique

    leur

    titre,

    le cadre narratif ne contient

    pas

    exactement

    l'image

    descriptive

    :

    celle-ci

    est

    dplace

    ;

    ainsi,

    le titre du

    chapitre

    52 n'en

    nomme

    que

    la

    premire

    partie

    puisque

    la

    deuxime

    expose

    quelques

    lments de

    la

    rgle

    de l'ordre de

    Frre

    Jean,

    les

    principes

    de

    l'institution

    ;

    mmes

    remarques

    propos

    du

    3. J'ai

    dvelopp

    ces

    remarques

    dans

    Le

    Neutre,

    le

    jeu

    :

    temps

    de

    l'Utopie

    in

    Discours

    de

    l'Utopie,

    coll.

    10/18, Paris,

    1976.

    4.

    Que je

    citerai dans l'dition de

    l'Intgrale,

    le

    Seuil,

    Rabelais,

    uvres

    compltes,

    tablie

    par

    G.

    Demerson, Paris,

    1973.

    Sur les

    utopies

    la

    Renaissance,

    voir

    E.

    Dermen

    ghem,

    Thomas Morus et les

    Utopistes

    de la

    Renaissance,

    Paris, Pion,

    1927 et les

    Utopies

    la

    Renaissance, colloque international,

    avril

    1961,

    Bruxelles,

    PUB

    et

    Paris,

    PUF, 1963.

    36

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    4/18

    chapitre

    53

    et

    plus complexes

    encore : les

    moyens

    de

    la construction

    (les

    dotations

    diverses)

    sont

    donns,

    en

    revanche,

    son rcit

    proprement

    dit

    est

    absent :

    nulle trace de l'dification

    elle-mme.

    Mais le rsultat de

    ce

    procs

    est

    longuement

    dcrit et

    de

    ce

    point

    de

    vue,

    l'interruption

    de la

    description

    par

    le

    pome

    de

    l'inscription

    n'en est

    point

    vritablement

    une

    puisqu'elle

    est

    une

    partie

    du discours

    qui

    se

    poursuit

    dans les

    chapitres

    suivants. L'ins

    cription

    a

    cependant

    un certain

    effet textuel de

    rupture

    :

    aprs

    elle,

    l'abbaye

    devient

    manoir.

    2)

    Ensuite

    une

    nappe descriptive

    dont la

    premire

    phase

    dveloppe

    la

    description

    amorce dans

    le

    rcit,

    comment tait

    le

    manoir des Thl

    mites

    ,

    pour

    se

    poursuivre

    dans celle des

    vtements

    des

    religieux

    et

    reli

    gieuses

    de Thlme et celle des

    rgles

    informant leur existence

    quotidienne.

    Quant

    l'nigme

    en

    forme de

    prophtie,

    il est

    remarquable

    qu'elle pointe

    le

    procs

    de

    construction

    oubli

    au

    chapitre

    53

    puisque

    c'est en

    creusant

    les fondements

    qu'elle

    fut

    trouve

    en

    une

    grande

    lame

    de bronze . Cette

    deuxime

    inscription

    porte

    bien un

    rcit,

    mais

    comme

    inscription,

    elle fait

    partie

    de la

    description

    elle-mme.

    Enfin

    le

    dialogue

    final entre

    Gargantua

    et

    Frre Jean

    renvoie,

    tout en le

    dplaant,

    au

    dialogue inaugural

    entre les

    deux

    protagonistes

    o

    ft

    dcide

    la cration

    de l'ordre.

    Le

    Dsir-Loi

    Ainsi dessine

    trs

    grands

    traits,

    la

    structure

    du texte

    fait

    apparatre

    une

    sorte d'rosion

    gnralise

    du rcit

    par

    la

    prsence

    insistante

    de

    l'image

    que porte

    la

    description

    : le dcor

    passe

    au

    premier

    plan

    ;

    le rcit

    encadre

    l'image

    mais il

    l'encadre

    de

    faon

    incertaine

    puisque

    la

    reprsentation

    a

    constamment tendance

    en sortir. Mais le rcit

    inaugural

    en est-il vraiment

    un ?

    Certes,

    ses

    points

    d'ancrage

    sont bien une srie de verbes au

    pass

    simple mais la plupart d'entre eux sont des verbes qui n'assertent pas un

    fait ou

    un vnement

    mais

    modifient

    une assertion

    : le rcit

    porte

    sur

    la

    modalit du

    dsir ou du

    vouloir. Aussi relve-t-il

    en

    fait moins

    de

    l'histoire

    que

    du

    discours,

    discours du dsir

    et de la

    loi,

    parole performative qui

    cre

    l'espace

    et

    le

    lieu,

    l'institution

    et

    l'architecture

    par

    le

    simple

    fait de se

    prof

    rer,

    mais

    qui,

    en

    mme

    temps,

    est nonce dans le

    constatif

    historique

    du

    pass

    narratif

    : dsir d'un

    seul,

    Instituteur

    de

    la

    loi,

    loi d'un

    dsir,

    et

    peut-tre,

    en

    fin de

    compte,

    cart entre

    le dsir

    et

    la loi

    que

    le

    nom

    de

    Thlme

    7

    porte

    inscrit

    en

    lui-mme

    puisque

    la volont

    de

    Dieu

    s'y

    accorde,

    sans

    que

    nulle

    part,

    ne soit vritablement

    problmatise

    l'aporie,

    avec le dsir

    de

    l'homme.

    Ainsi,

    comme

    souvent,

    le nom de

    l'Utopie

    manifeste dans

    son

    unit savante

    une scission.

    Thlme,

    ce n'est

    ni la volont

    divine ni le dsir

    humain

    et c'est

    l'un

    et

    l'autre.

    La

    reprsentation

    y

    effectue

    la

    synthse

    de

    la loi

    et du

    dsir

    dans l'cart

    producteur

    et de

    la loi et du

    dsir. Le

    jeu

    sur

    le nom ouvre une

    distance

    que

    la nomination

    couvre

    de son unit

    profratoire

    en faisant tre

    ce

    qu'elle

    nomme.

    5.

    Cf.,

    entre

    autres,

    Vtopiques, jeux

    d'espaces,

    p.

    53-86 et

    87-114.

    6.

    Cf.

    E.

    Benvniste,

    Problmes

    de

    linguistique

    gnrale,

    II,

    Gallimard,

    Paris,

    1974,

    p.

    187-189.

    7. Sur

    le

    nom

    Thlme,

    voir

    en

    particulier

    P.

    Nykrog,

    Thlme, Panurge

    et la

    dive

    Bouteille

    in

    Revue

    d'Histoire littraire

    de

    la

    France,

    juillet-septembre

    1965,

    n"

    3,

    p.

    385-397

    ;

    pour

    une autre

    rfrence

    toponymique,

    voir

    n

    1, p.

    1

    de

    l'dition

    de

    l'Abbaye

    de

    Thlme

    par

    Raoul

    Morcay,

    Droz, Giard, Genve-Lille,

    1949. Dans

    le

    mme

    sens,

    A.

    Lefranc,

    Les

    Navigations

    de

    Pantagruel, Leclerc,

    Paris,

    1905,

    p.

    4-5.

    On

    retrou

    vera

    les

    mmes

    tensions

    entre

    la

    gographie

    et

    l'tymologie

    avec

    le nom de

    l'le

    Utopie

    chez

    Th.

    More. Cf.

    nos

    remarques

    sur le

    nom

    propre

    en

    Utopie,

    dans

    Utopiques,

    p. 115-131.

    37

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    5/18

    Or cette

    mme

    dualit,

    nous

    la retrouvons

    tous les niveaux

    discur

    sifs

    du

    texte.

    Le

    principe

    fondamental

    de la

    construction de

    l'abbaye

    est

    celui

    de

    la contradiction : il

    s'agit

    d'instituer

    un

    ordre

    contradictoire

    de tous les

    autres,

    un

    ordre

    qui

    est moins l'anti-ordre

    que

    le non-ordre

    : moins un

    contraire

    qu'une

    ngation

    interne

    l'acte de

    parole

    qui

    simule,

    dans

    la

    nomination,

    la

    sphre

    indfinie

    des

    possibles

    tangente

    la ralit

    historique

    et

    sociale

    en cet

    unique point qu'est

    le

    non/nom

    8

    . Le

    premier

    trait de la

    nouvelle

    institution

    est

    cela

    ne

    nous

    surprendra pas

    un trait

    spatial

    :

    Premirement

    donc,

    dit

    Gargantua,

    il

    n'y

    faudra

    j

    btir murailles au

    circuit

    car toutes les autres

    abbayes

    sont

    firement mres.

    L'abbaye

    possible

    du Moine est

    situe dans le

    pays

    de

    Thlme : ce lieu est

    dj

    circonscription d'espace

    par

    un nom

    qui

    unifie et distancie

    la fois volont

    transcendante,

    loi et

    apptit

    naturel,

    impulsion,

    dsir. Or ce lieu de

    l'abbaye

    est un lieu

    non

    clos,

    ni ouvert

    puisqu'il

    est

    dj

    lieu,

    lieu-dit

    dans

    un nom

    qui

    le

    spcifie,

    ni ferm non

    plus puisqu'on

    n'y

    btira

    point

    de

    murailles

    au

    circuit

    ,

    pour

    le

    circonscrire

    9.

    On

    pourrait

    ritrer la mme

    analyse pour

    les autres

    caractristiques

    du nouvel

    ordre.

    Ainsi le

    rglement

    du

    temps

    dans

    l'abbaye-manoir

    ou

    celui du recrutement des

    pensionnaires

    :

    l'horaire

    clt

    le

    temps

    par

    la

    rptition,

    retour

    rgulier

    du

    mme

    symbolis par

    la sonne

    rie de

    la

    cloche,

    image

    mobile de l'ternit

    . Cette clture

    de

    Thlme

    sera

    neutralise,

    non

    pas par

    cette mauvaise

    a-temporalit,

    mais

    par

    la distri

    bution alatoire du contenu du

    temps

    selon les occasions et

    opportunits

    .

    Toutefois,

    l'intervention

    de la voix de

    Gargantua opre l'quivalence

    entre

    la libre

    disposition

    des activits selon les circonstances

    et

    les

    rgles

    dictes

    par

    bon sens

    et

    entendement, et,

    du mme

    coup,

    le

    fais ce

    que

    voudras

    au

    long

    des heures et des

    journes

    reviendra

    au

    mme

    :

    Si

    quelqu'un

    ou

    quelqu'une

    disait :

    *'

    beuvons

    ",

    tous buvaient

    ;

    si

    disaient

    jouons

    ,

    tous

    jouaient...

    De

    mme

    pour

    la

    sgrgation

    sexuelle

    ou les

    vux. La

    parole

    de la

    Loi-Dsir

    (de)

    Thlme,

    par

    le mcanisme

    de la

    contradiction,

    dict la

    rgle

    de

    la

    non-rgle.

    Mais celle-ci est une contradiction en elle

    mme,

    la contradiction de toute

    utopie,

    le

    jeu

    du double bind

    par

    o

    le dsir

    apparat

    comme

    toujours dj

    li

    et dtermin

    10

    :

    l'utopie,

    dans un

    mme et

    unique

    geste,

    ouvre

    l'espace

    neutre

    (ou autre)

    de l'cart entre le

    oui et le

    non,

    le lieu de nulle

    part

    et le comble

    par

    une

    image,

    une

    reprsen

    tation o les contraires

    pralablement

    neutraliss sont rconcilis harmo

    nieusement,

    mais dans

    l'imaginaire.

    Mme dualit

    au

    niveau de l'nonciation et

    de

    ses

    reprsentants

    dans

    le

    texte

    :

    le

    devis

    de

    l'abbaye

    est le

    fait

    du Moine

    :

    Gargantua

    voulait

    (le)

    faire

    abb

    de

    Seuill... il lui voult donner

    l'abbaye

    de

    Bourgueil...

    Oultroyez-moi

    de fonder

    une

    abbaye

    mon

    devis.

    Or,

    c'est

    Gargantua

    qui

    promulgue,

    dans un

    geste

    fondamental,

    le

    premier

    dispositif

    de

    la

    rgle

    :

    il

    n'y

    aura

    pas

    de murailles

    ;

    il en est de mme

    pour

    le

    rglement

    du

    temps

    :

    Car, disait Gargantua, la plus vraie perte du temps qu'il st tait de

    compter

    les heures.

    Certes,

    Gargantua

    et

    Frre Jean

    dialoguent

    mais c'est

    Gargantua

    qui parle,

    dict,

    promulgue,

    ordonne,

    dcrte,

    frre

    Jean se tait.

    Ds

    aprs

    le don de la

    terre et

    du

    lieu,

    l'ambigut

    de

    ce faux

    dialogue

    8.

    Les textes

    philosophiques

    fondamentaux

    sont ici

    Aristote,

    De

    l'Interprtation

    16

    a

    2,

    30

    ;

    Kant

    dans la

    Critique

    de la Raison

    pure

    sur

    la

    catgorie

    de

    la

    ngation

    et les

    jugements

    indfinis

    (Analytique

    transcendantale),

    et

    E.

    H

    Husserl,

    Ideen,

    3e

    partie,

    chapitre

    x.

    9.

    Sur

    le

    fonctionnement

    smantique

    de la

    catgorie

    du

    neutre,

    A.

    J.

    Greimas,

    Du

    Sens,

    Seuil,

    Paris,

    1970, p.

    141-145.

    10.

    Sur

    ce

    point,

    outre les

    rfrences freudiennes

    fondamentales

    (Au-del

    du

    prin

    cipe

    de

    Plaisir,

    Le Moi et le

    a,

    etc.),

    voir J.-F.

    Lyotard,

    Discours, Figure, Klincksieck,

    Paris, 1971, et en particulier, p. 269-270 et 354.

    38

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    6/18

    apparat

    au

    principe

    mme

    de

    la fondation

    :

    (Frre

    Jean) requit

    Gargantua

    qui/

    institut sa

    religion

    au contraire de toutes les autres.

    A

    qui

    donc ce

    il

    se

    rfre-t-il

    ?

    Frre Jean

    demande-t-il,

    lui le

    moine,

    Gargantua

    d'instituer

    son ordre au contraire

    de

    tous

    les autres

    ou

    requiert-il

    de Gar

    gantua

    qu'il

    institue,

    lui

    Gargantua,

    sa

    religion

    l'inverse

    des autres ? Plus

    gnralement,

    au-del de la connotation

    juridique

    et

    lgale

    des

    impersonnels

    ft

    ordonn,

    ft

    dcrt

    ...

    on

    peut

    se demander

    qui

    est le

    sujet

    instau

    rateur

    des lois ?

    Qui

    est

    le

    nomothte

    ?

    Est-ce

    la

    parole

    du Prince Donateur

    dans

    l'impersonnalit

    du

    Soi de l'Etat

    ?

    Sont-ce

    Gargantua

    et

    Frre

    Jean,

    l'impersonnel

    rfrant

    aux

    ils

    des

    compagnons

    d'armes,

    suzerain et

    vassal ? N'est-ce

    pas

    plutt, hypothse

    scandaleuse,

    ni

    frre

    Jean

    ni

    Gargan

    tua,

    mais

    Thlma,

    le

    Dsir-Loi

    qui

    se manifeste

    ainsi

    dans

    la dualit du

    dialogue

    et

    qui

    y

    trouve,

    quivoquement,

    l'expansion

    de son cart et

    de sa

    synthse.

    Jeu

    de mots

    Toutefois,

    voici

    plus

    surprenant

    encore

    : il

    n'est

    pas

    tout

    fait

    vrai

    que

    Frre Jean se taise

    aprs

    la demande initiale.

    En

    fait,

    il intervient

    deux

    fois.

    Il

    coupe

    par

    deux

    fois le

    discours fondateur

    par

    lequel

    la Loi se

    promul

    gue

    et

    le

    Dsir

    s'accomplit

    (dans

    la

    Loi,

    dsir

    ;

    dans le

    Dsir, loi).

    Deux

    coupures incongrues, impertinentes,

    intempestives

    et

    cependant

    dans les deux

    occurrences,

    les

    coupures

    sont

    prsentes

    comme

    justifiant

    les noncs

    de la

    voix du Destinateur-Narrateur

    :

    Voire

    dit le Moine et

    non sans

    cause...

    A

    propos,

    dit

    le Moine...

    Elles

    lgitiment

    les

    deux

    lois de la

    non

    constitution

    de

    l'abbaye,

    celle

    de

    la

    non-clture

    (ou

    le

    non-contenant)

    et celle

    du

    non-contenu

    (les

    femmes admises

    y

    seront des

    non-religieuses).

    Or

    ces

    deux

    justifications

    sont des

    calembours,

    des

    jeux

    de mots.

    Le

    jeu,

    le

    jeu

    du

    signi

    fiant littralement fonde le discours du signifi dans sa cohrence et son

    intelligibilit,

    tout en

    l'interrompant

    : inversion

    qui opre

    dans

    le texte

    mme,

    dans son

    organisation

    signifiante,

    le

    principe

    de

    constitution de

    ce

    dont

    le texte

    parle,

    la cration d'une nouvelle

    religion

    par

    les

    contra

    dictoires de celles

    dj

    existantes.

    Le

    premier

    de

    ces

    jeux

    de mots

    est

    peut

    tre

    le

    plus

    parfait

    et

    le

    plus

    simple

    dans sa force

    disruptive-fondatrice

    :

    O

    mur

    y

    a

    et d'avant et

    derrire,

    y

    a force

    murmur.

    Le calembour

    se

    constitue en

    dcrivant sa

    propre

    organisation

    littrale

    et

    graphique

    et

    constitue

    du mme

    coup

    le

    signifi

    je

    veux

    dire le mot faisant

    sens

    justifiant

    la

    premire

    non-loi dicte

    par

    Gargantua.

    Mur devant

    ,

    voil la

    syllabe qui

    vient

    avant

    ;

    mur

    derrire

    ,

    voici la

    seconde,

    double

    mur

    qui

    enclt dans sa relation

    phoniquement

    circulaire

    (les

    murailles

    au

    circuit)

    un silence de la voix, un blanc typographique, la conspiration (le souffle

    commun,

    con-spiration)

    mue

    et tue

    la

    fois,

    en mouvement

    l'un

    vers

    l'autre

    et en

    silence

    :

    dplacement

    et condensation

    des

    signifiants

    mur

    (1)

    et mur

    (2)

    qui,

    par

    mtonymie

    et

    mtaphore,

    constituent

    un mot rsultant

    de

    leur

    compression

    latrale

    rciproque,

    mot semblable ses

    composants

    puisqu'il

    les

    rpte

    et

    cependant

    autre

    qu'eux,

    mlange

    confus de

    voix,

    murmur

    ,

    proprement

    con-spiration

    mue

    et tue.

    Ce

    qui signifie

    que

    s'il

    n'y

    a

    pas

    de

    mur au

    circuit,

    il

    n'y

    aura

    pas

    de

    murmur

    et

    de

    conspiration

    mutue.

    S'instau

    rera

    1'

    autre

    de

    cette

    conspiration,

    l'accord

    spontan

    des

    dsirs

    dans

    la

    volont

    droite,

    c'est--dire

    trs exactement

    conspiration

    mutue,

    mutuelle.

    Il

    n'est

    que

    de

    lire le dbut du

    chapitre

    57

    comment

    taient

    rgls

    les

    Thl

    mites leur

    manire de

    vivre

    pour

    s'en

    convaincre.

    Le

    jeu

    de

    mots,

    jeu

    et

    jeu littral , qui coupe le discours narratif du Dsir-Loi dans son nonc,

    39

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    7/18

    constitue en

    fait

    par

    cette

    coupure

    mme,

    le

    texte

    utopique

    dans sa ralit de

    texte.

    Comment

    ? En introduisant

    par

    cette

    coupure

    dans

    l'nonc,

    le

    plaisir,

    en

    l'rotisant

    comme

    texte,

    le

    temps

    bref d'une

    rplique

    en

    forme

    de

    jeu

    ". En

    laissant

    aller

    le

    signifiant,

    dans son audition comme

    dans son

    criture,

    sa

    libert

    propre,

    la

    signification

    dtermine

    par

    sa relation

    la

    reprsentation

    se

    trouve la fois

    coupe

    et

    substitue

    et

    en

    fin de

    compte

    produite.

    L'conomie

    discursive

    ainsi

    ralise,

    celle d'une

    laborieuse

    justification thorique

    de

    l'absence

    de murs est

    compense

    et

    substitue

    par

    une

    dpense

    libre

    phonique

    graphique,

    mur/

    mur,

    celle-ci ralisant

    mais

    comme

    texte,

    comme

    objet-texte

    phmre,

    ce

    dont

    le

    discours n'en finit

    pas

    de

    discourir

    coups

    d'dits,

    de

    dcrets,

    de

    pouvoirs.

    Ainsi

    Thlme

    est-elle

    indique

    au lieu

    du

    texte :

    l'utopie

    est

    dans le

    jeu

    et

    le

    plaisir

    du

    jeu signifiant.

    Mais

    elle ne

    peut

    se trouver l

    qu'

    une seule

    condition :

    qu'auparavant

    la

    reprsen

    tation

    dans

    le discours

    (narratif-descriptif)

    ait laborieusement

    occup

    la scne.

    L'utopie n'apparat

    comme

    plaisir

    du

    texte

    que

    si le texte s'instaure

    par

    dchirure,

    coupure

    :

    jouissance

    dans les

    contiguts

    du

    discours

    de la

    repr

    sentation

    l2.

    L'image

    Utopie,

    Thlme,

    drape,

    par

    le

    jeu

    de

    mots,

    de sa

    position

    rfrentielle de

    discours,

    de sa situation d'nonc

    pour

    s'instaurer

    mais

    alors

    l'image,

    un

    instant,

    s'interrompt

    comme

    reprsentation

    comme

    plaisir

    du

    signifiant,

    comme

    texte

    :

    plaisir qui

    est

    comme

    la rsolution

    et l'acm

    de

    la

    jouissance

    de la

    coupure.

    Autrement

    dit,

    le

    jeu

    de mots du

    Moine en

    interrompant

    par

    deux

    fois

    l'dit de la

    non-rgle,

    le

    discours

    du

    Dsir-Loi,

    par

    le

    plus

    futile

    et le

    plus

    ridicule des

    discours,

    par

    un

    propos

    qui

    n'est

    qu'un

    jeu

    et de

    la

    pire espce,

    celui

    du

    calembour

    vaut

    par

    cette

    interruption

    mme. Elle

    est

    la

    marque

    dans la linarit du

    discours,

    sa

    surface

    signifiante,

    du

    geste utopique

    le

    plus profond

    :

    le

    mot

    le

    plus

    lger pointe

    le

    plus

    dense

    qui

    n'est

    pas

    parole.

    Le

    jeu

    la surface

    djoue

    ce

    que

    nous

    avons

    appel

    avec Bateson le

    double bind

    de

    la

    rgle-non-rgle.

    D'o

    cette

    suggestion,

    qui

    n'est

    point

    un

    concept, que l'utopie

    est une

    espce

    de

    principe

    de

    d-jeu qui

    instantanment

    ,

    en

    un

    point

    de

    l'espace

    de

    son

    propre

    discours,

    en un moment de son

    temps

    linaire,

    dlie l'ordre de

    l'image,

    l'ordre de

    la

    reprsentation

    o le dsir se laisse

    prendre

    en

    s'accom

    plissant

    : clair instantan du

    mot

    qui

    est comme l'absolu de la non

    synthse.

    Dliaison de

    la liaison

    du dsir

    dont l'effet de

    lecture

    du discours

    utopique

    est

    d'incongruit,

    d'incohrence,

    je

    dirai

    en

    pensant

    Nietzsche,

    d'intempestivit

    : un

    enjouement qui

    djoue.

    Car les deux

    jeux

    de

    mots

    du

    Moine sont

    la

    fois

    incongrus

    et

    cependant

    en situation de discours :

    partir

    des

    mots,

    du

    signifiant

    libr

    de

    sa

    congruence,

    de

    sa coalescence au

    signifi,

    la

    non-clture

    de Thlme se trouve

    justifie

    et

    ralise comme

    plaisir

    du

    texte

    ;

    de

    mme,

    le loisir

    heureux,

    le non-travail

    des Thlmites.

    Reprsentation

    :

    le

    gomtral

    Il nous faut entrer

    alors dans la

    reprsentation

    : comme nous l'avons

    dj

    remarqu,

    le

    point

    de

    jonction

    entre

    la narration

    et

    la

    description,

    le

    rcit et

    l'image

    en

    forme

    discursive est un lieu

    brouill,

    incertain. L'nonc

    initial de

    la

    description

    est celui d'un

    trac

    totalisateur,

    planimtrique

    :

    le

    11. La

    rfrence

    essentielle

    est

    ici

    bien

    videmment

    S.

    Freud,

    Le mot

    d'esprit

    dans

    ses

    rapports

    a\ec

    l'inconscient,

    Gallimard,

    Paris,

    1953,

    et en

    particulier p.

    138-147

    et

    p.

    156-158.

    12.

    Dans

    cette

    perspective,

    l'ouvrage

    essentiel

    sur Rabelais

    est celui de J.

    Paris,

    Rabelais au

    futur,

    Seuil, Paris,

    1970. Voir

    galement

    la belle

    tude de F.

    Rigolot,

    Les

    langages de Rabelais , dans Etudes rabelaisiennes, 1972.

    40

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    8/18

    gomtral

    du

    plan.

    Or le verbe

    qui

    l'articule

    obit au

    temps

    caractristique

    du

    rcit

    pur,

    temps

    de l'vnement du

    pass.

    Le btiment

    fut

    en

    figure

    hexagone.

    Le

    problme gnral

    de

    la

    description synoptique

    est d'inscrire

    une

    image,

    un

    visible dans le lisible : la

    linarit du

    signifiant linguistique

    n'implique-t-elle pas

    la traverse de

    l'espace

    crit

    par

    un

    parcours

    temporel

    de lecture

    qui

    dissout

    l'ordre de

    l'espace

    dans celui

    de la dure

    et

    du

    temps.

    Par

    suite,

    en

    nonant

    le

    plan

    global

    ds

    la

    premire

    phrase,

    est dclench

    par

    le

    processus

    de mmorisation

    nonciative,

    une sorte de

    feed

    back

    de

    lecture

    qui

    permet

    l'inscription,

    dans

    le

    trac initial et

    totalisant,

    de tous

    les

    traits

    successifs de

    la

    description

    Ainsi

    l'hexagone

    de Thlme

    est

    dessin,

    l'espace

    cltur mentalement

    par

    une

    ligne gomtrique que

    renforce la simi

    larit des tours.

    Toutes

    semblables,

    seuls leurs

    noms

    diffrent mais tout

    en

    situant Thlme dans

    le cosmos

    gographique,

    ils introduisent leur

    tour,

    un

    mouvement

    circulaire de clture et de centration. La carte de

    l'abbaye

    manoir se

    dploie rgulirement

    par application

    systmatique

    du

    principe

    de

    symtrie

    ;

    une

    srie de

    duplications par oppositions

    binaires sont

    gnres par

    la rotation d'un axe tournant

    autour

    du

    centre

    :

    nord-sud

    ;

    est-ouest

    ;

    masculin-fminin

    ;

    eau-terre

    ; chaud-sec/froid-humide,

    etc.

    Thlme est un

    paradigme

    de

    ville,

    un centre

    producteur,

    un

    omphalos

    de structuralit

    partir duquel

    s'organise

    l'espace

    extrieur

    spatio-gographique galement

    spcifie par

    les

    jeux

    du masculin et

    du

    fminin.

    Dans la structure du

    plan

    entrent en

    concurrence

    deux formes de base

    de

    l'espace utopien

    :

    le

    carr et

    le cercle.

    Les

    axes

    nord-sud,

    est-ouest

    dfi

    nissent un carr

    ;

    l'introduction

    de

    Bel-Air et de Glaciale cre

    un

    dsquilibre

    qui peut

    tre

    compens

    soit en

    passant

    une

    structure

    octogonale

    soit en

    dynamisant

    le

    plan

    lui-mme

    dynamique qui

    est

    celle de la

    lecture

    de

    la

    description

    par

    la rotation

    rgulire

    des divers axes

    organisateurs

    14.

    Le

    paradigme

    du lieu architectural est matrice

    de

    l'espace.

    Mais nous

    constatons

    que

    seul un

    demi-espace

    est

    gnr

    par

    la structure

    profonde

    du

    manoir-abbaye

    :

    l'espace

    occidental,

    la

    partie

    fminine.

    D'o ce

    blanc

    dans

    une carte

    cependant

    bien

    remplie,

    cette terra

    incognita

    de

    l'espace

    masculin :

    espace

    de

    l'agriculture

    ?

    Gographie

    du travail

    ?

    Dans

    l'difice

    lui-mme,

    nulle

    part

    ne se

    trouvent

    inscrits les lieux de

    la

    nourriture

    : o sont

    les cuisines

    ?

    Les salles

    manger

    ?

    Absence

    pour

    le

    moins

    surprenante

    chez

    Rabelais.

    Ainsi les

    lieux

    du

    jeu

    et de

    la culture sont-ils

    surdtermins,

    ceux

    du travail et de la

    nourriture,

    censurs

    ;

    le

    haut

    est

    magnifi,

    le

    bas

    pass

    sous silence1S. Cette exclusion du travail et de la nourriture

    signifie

    Thlme

    en

    son discours comme

    espace

    de loisir et

    de

    culture

    (en

    attendant de

    voir la nourriture

    sous toutes

    ses

    fonctions tre le

    jeu

    du texte

    lui-mme).

    13. A ce

    sujet, Utopiques..., p.

    76-82 et

    p.

    257-265.

    14. Sur

    le

    plan

    de

    l'abbaye,

    on

    consultera la mise

    au

    point

    par

    A.

    Blunt,

    Philibert

    de

    l'Orme,

    A.

    Zwemmer, Londres,

    1958,

    p.

    8-14,

    avec les rfrences

    Heulhard,

    Rabe

    lais et ses

    voyages

    en

    Italie, Paris,

    1891,

    p.

    5 et

    surtout

    C.

    Lenormant,

    Rabelais

    et

    l'architecture

    de la

    Renaissance,

    Paris,

    1840. Sur

    les

    questions gnrales

    de l'urbanisme

    utopique,

    consulter R.

    Klein,

    la

    Forme

    et

    l'Intelligible,

    2e

    partie, chap.

    XIII,

    p.

    312,

    Gallimard,

    1970

    et F.

    Choay,

    l'Urbanisme,

    Utopies-ralits, Seuil, Paris,

    1965.

    De

    F.

    Choay galement,

    l'article trs

    suggestif

    dans

    la Nouvelle

    Revue

    de

    Psychanalyse,

    Le dehors

    et

    le dedans

    ,

    n

    9, 1974,

    p.

    239-251 et son article

    dans

    Critique,

    avril

    1973,

    Figures

    d'un discours mconnu

    . Intressante

    galement

    dans une

    bibliographie

    im

    mense,

    la

    chronique

    de R. Le

    Moll,

    La ville idale

    ,

    dans

    Bibliothque

    d'Humanisme

    et de

    Renaissance,

    t.

    XXXIII,

    1971, Droz,

    Genve.

    15. Cf.

    les

    analyses

    de M.

    Baktine,

    traduction

    franaise

    :

    L'uvre de F.

    Rabelais et

    la

    culture populaire au Moyen Age et la Renaissance, Gallimard, Paris, 1970.

    41

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    9/18

    Allgories

    du

    corps,

    mutilations,

    fantasmes

    Au centre

    de

    ce

    centre

    qu'est

    Thlme,

    une

    fontaine

    orne des

    Trois

    Grces

    portant

    cornes d'abondance 1< . L'eau

    en

    jaillit par

    les

    mamelles,

    bou

    ches, oreilles,

    yeux

    et autres ouvertures

    du

    corps

    .

    Pudeur

    tonnante,

    mais

    en

    mme

    temps

    indication

    ngative

    : le

    corps

    de la ville

    utopienne

    est un

    corps

    sans assimilation

    ni

    excrtion,

    corps

    abstrait

    asexu,

    un

    corps

    non vivant.

    La fontaine centrale

    symbolise

    bien

    nourriture

    et

    production,

    mais

    elle n'en

    est

    que

    l'allgorie,

    comme le

    plan

    total

    de Thlme

    en est une

    autre,

    embl

    matique

    du

    corps

    humain,

    mais d'un certain

    corps

    :

    Pour

    bien

    ordonner

    un

    difice,

    il faut avoir

    gard

    la

    Proportion qui

    est une chose

    que

    les

    architectes

    doivent

    surtout observer

    exactement...

    car

    jamais

    un

    btiment ne

    pourra

    tre bien ordonn s'il n'a cette

    proportion

    et

    ce

    rapport

    et

    si

    toutes

    les

    parties

    sont

    l'gard

    les

    unes des autres ce

    que

    celle du

    corps

    d'un

    homme

    bien

    form

    (c'est

    moi

    qui

    souligne)

    sont

    tant

    compares

    ensemble...

    le

    centre du

    corps

    est

    naturellement au

    nombril,

    car si un

    homme couch

    (id.)

    qui

    a

    les

    pieds

    et

    les mains

    tendus,

    on met

    le

    centre d'un

    compas

    au

    nombril et

    qu'on

    dcrive un

    cercle,

    il

    touchera

    l'extrmit des

    doigts

    des

    mains et des

    pieds.

    Et comme le

    corps

    ainsi tendu a

    rapport

    un

    cercle,

    on trouvera

    qu'il

    est

    de

    mme

    un

    carr

    Ainsi,

    travers ce

    texte architec

    tural

    de

    Vitruve,

    l'homme et le monde sont-ils

    rconcilis

    par

    un

    systme

    d'analogies gomtriques organises par

    le

    cercle et le carr 1S. Plus

    prcis

    ment,

    le

    corps

    humain est

    intgr

    ou inscrit dans un

    systme

    gomtrique qui

    assure cette

    correspondance

    et

    cette rconciliation. Une belle harmonie est

    ainsi obtenue mais au

    prix

    de ne considrer le

    corps que

    dans son essence

    de

    corps,

    c'est--dire dans sa

    perfection

    adulte,

    dans

    un

    juste

    milieu

    entre

    1'

    infantia

    ,

    la

    naissance

    et la

    dcrpitude

    de la mort

    ;

    au

    prix

    galement

    d'une

    opration

    d'cartlement ou d'encartement du

    corps

    entre

    les

    points

    remarquables

    du carr et du

    cercle,

    les

    quatre

    sommets

    et

    le

    centre,

    en

    le

    couchant sur

    le

    plan

    et en

    plantant

    dans son

    nombril,

    la

    pointe

    du

    compas

    qui

    dcrit la circonfrence du cercle et

    y

    enclt le carr :

    corps

    vu hors

    point

    de

    vue,

    carte

    du

    corps qui permet

    de le saisir dans

    son universalit

    abstraite.

    Mais

    cette

    inscription

    mme dans sa

    clart

    intelligible,

    parce qu'elle y implique

    le

    corps,

    laisse en

    suspens,

    dplace,

    condense

    ou efface

    certains de ses lieux :

    ainsi

    le

    point

    central est-il

    le

    nombril,

    l'omphalos

    qui,

    selon

    une

    archaque

    tradition,

    enracine la demeure au

    point

    focal

    de

    son

    espace

    et

    permet

    la

    communication de la terre

    et du ciel. Mais le

    centre est aussi

    la

    tte,

    lieu du

    nous

    ,

    de

    la raison et

    du

    logos

    :

    aussi,

    en ce

    point remarquable,

    faut-il

    concentrer

    tte et

    nombril,

    mettre la tte au

    lieu du

    nombril,

    le

    sur-dterminer

    par

    l'un et

    par

    l'autre

    et

    crer une

    espce

    de monstre

    double tte ou

    percevoir par

    une

    imagination

    fantastique,

    au

    lieu du

    ventre,

    un

    visage

    et du

    nombril,

    un il

    cyclopen

    ;

    moins de concevoir la

    tte

    l'aplomb

    du nom

    bril,

    hors

    espace,

    au

    point

    de vue

    hors

    point

    de vue

    du

    gomtre

    maniant

    souverainement son

    compas

    et

    construisant ses

    figures parfaites

    19,

    tte-il

    16.

    Sur la fontaine

    centrale,

    le modle

    parat

    bien

    en avoir

    t trouv dans

    Francesco

    Colonna,

    le

    Songe

    de

    Poliphile.

    Cf.

    Lote,

    Vie et

    uvre de

    Rabelais, Paris, 1938,

    p.

    203.

    Une lecture du

    texte

    du

    Songe...

    est sur

    ce

    point

    particulier

    trs

    significative (voir

    la

    description

    de

    Geloiastos).

    17.

    Vitruvius,

    Ou

    Architecture

    (trad,

    anglaise), Dover,

    New

    York,

    BK

    III,

    chap. I,

    3,

    p.

    73.

    (Cit

    dans

    la traduction de

    Claude

    Perrault,

    2*

    d.

    1675).

    18. Le livre

    fondamental

    ce

    sujet

    reste celui

    de

    R.

    Wittkower,

    Architectural

    Principles

    in the

    Age

    o)

    Humanism,

    Londres, Tiranti,

    1961.

    Voir en

    particulier p.

    14

    sqq.

    19. Cf. nos

    remarques

    ce

    sujet

    dans

    Vtopiques... p.

    333-334.

    42

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    10/18

    transcendant et universel du

    perspecteur-dominateur,

    Gargantua

    ou la Loi

    Dsir,

    Thorie

    qui

    rgle

    d'en haut aussi

    bien

    l'ordonnance des

    tracs de la

    reprsentation

    que

    l'ordre de

    la nouvelle

    religion

    du

    Moine

    et

    que

    la

    logique

    du discours narratif et

    descriptif

    o

    elle se formule.

    A

    la

    surdter

    mination

    du centre

    (tte-nombril,

    intersection des

    diagonales

    du carr et

    point

    gnrateur

    du

    cercle)

    s'oppose

    l'effacement de

    l'anti-tte,

    le lieu du

    bas,

    le

    lieu

    du sexe :

    pointer

    ce

    blanc dans la carte du

    corps

    de l'homme adulte et

    bien

    form,

    en-cart dans le

    cercle et

    le

    carr,

    c'est du

    mme

    coup remarquer

    une autre

    absence dans la

    tte,

    tte rduite

    l'il

    thorique

    o se condensent

    en un

    point

    unique,

    les

    espces

    du

    monde et

    o elles

    se

    reproduisent,

    ordonnes et

    rgles,

    dans

    l'espace

    de

    reprsentation,

    l'absence de

    l'axe

    de

    l'oralit

    :

    le trou de

    la bouche renvoie une

    tout

    autre

    forme de

    disparition,

    celle

    de

    l'absorption,

    de

    l'ingestion,

    et

    par

    elles un autre

    trou,

    celui

    de

    l'excrtion,

    de

    l'expulsion

    ;

    axe de l'oralit

    qui

    s'articule aussi bien

    celui

    de la

    gnitalit

    et

    aux cavits de

    la

    matrice et

    du

    vagin 0.

    Fantasmes de lecture

    peut-tre,

    mais

    qu'on

    relise,

    en forme de

    contrepoint,

    le

    projet

    de

    Panurge

    touchant

    une manire bien nouvelle

    de btir les murailles de

    Paris

    dans

    les

    chapitres

    centraux du

    deuxime livre

    ou

    l'exploration

    de la

    bouche

    de

    Pantagruel par

    le

    narrateur,

    qu'on

    construise le texte rabelaisien dans son

    paisseur

    de

    corps-de-texte

    et l'on

    tissera,

    par

    une autre

    espce

    de

    lecture

    que

    le

    parcours

    linaire

    des

    signes

    de

    discours,

    le texte

    utopique

    dans cet

    cart

    de

    profondeur

    : les

    trous des

    vagins,

    l'ouverture des

    sexes fminins

    clturent

    la ville

    comme

    un immense

    corps

    rotique

    ouvert

    cependant que

    l'orifice bant

    de la bouche du

    gant,

    lieu

    de

    l'ingestion

    comme

    du

    vomis

    sement,

    opre

    l'absorption

    du narrateur du discours

    dans le texte

    du

    corps

    de

    son

    rcit.

    La

    question

    que

    pose

    et

    laisse ouverte

    la

    reprsentation

    de Thlme est

    en

    fin de

    compte

    la suivante

    : comment

    concilier

    le

    corps

    vu,

    le modle

    essentiel

    du

    corps

    et le

    corps

    vcu,

    forme vivante d'une

    matire

    ? Comment

    rconcilier l'homme et

    le

    monde

    sans

    payer

    l'harmonie

    qui

    a nom

    bonheur

    et c'est bien l la fin de

    l'utopie

    au

    prix

    fort d'une mutilation du

    corps

    ? Est-il

    possible

    de combler l'cart entre la vie

    et le

    logos

    sans

    rduire

    le

    corps

    vivant au

    corps

    rationnel,

    reprsent,

    opr

    s

    par

    les

    instruments

    de la

    raison,

    gomtrie

    des

    proportions,

    des

    symtries,

    des

    rptitions

    rgles

    du

    mme

    ?

    Le

    corps

    vivant

    texte

    L'ide

    laquelle

    prludaient

    les calembours

    du Moine dans le discours

    impratif

    de

    la

    Loi-Dsir

    est

    peut-tre

    que

    le

    corps

    utopique

    n'est autre

    que

    le

    texte,

    le

    texte comme

    corps

    vivant,

    que

    l'utopique

    n'est

    pas

    cher

    cher

    dans

    la

    reprsentation

    que

    raconte

    et

    dcrit le

    discours,

    mais dans

    les

    lieux

    de

    jouissance

    dans

    lesquels

    ce discours

    mme

    s'espace,

    se

    ponctue

    et

    se

    cre

    par

    l

    mme en texte

    de bonheur.

    L'utopique

    s'inscrivait

    dans le

    discours

    que

    nous

    lisons

    pour

    le constituer

    en

    corps-texte

    vivant.

    Thlme,

    nous l'avons

    vu,

    est la

    projection

    allgorique

    sur

    le sol

    (ou

    sur le

    plan)

    du

    corps

    couch

    d'un homme

    bien

    form

    dont le

    nombril est

    la fontaine

    aux

    trois

    allgorie

    du

    corps

    du

    texte

    qu'il

    s'agit

    maintenant

    d'explorer

    :

    quels

    sont

    20. Cf.

    ce

    sujet

    les

    suggestions

    de

    F.

    Choay,

    art. cit. et

    surtout

    M.

    Baktine,

    p. 302-365.

    43

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    11/18

    les

    sphincters,

    les

    orifices du texte

    ? En un

    sens,

    les

    deux

    jeux

    de mots du

    moine sont les lieux de

    perforation

    du

    discours,

    comme les narines de ce

    corps qui

    nous ont

    permis

    de

    flairer

    d'tranges,

    enivrantes et

    rpugnantes

    odeurs,

    ou ses oreilles

    par lesquelles

    nous

    avons t

    soudain l'coute de

    curieuses

    sonorits,

    de

    surprenantes

    sigmfiances,

    de

    grossiers borborygmes,

    les

    vents

    du

    texte.

    Mais il est d'autres orifices

    plus importants,

    qui

    en

    creusent

    jusqu'

    la matrialit

    typographique

    :

    l'inscription

    sur

    la

    grande

    porte, l'nigme

    en forme de

    prophtie

    trouve aux

    fondements de

    l'abbaye

    ;

    bouche

    du

    texte

    par

    o l'on

    entre

    dans

    l'abbaye,

    cul

    et/ou

    vagin

    du texte

    par

    o l'on en sort mais sur

    lequel

    le

    reprsent

    du discours est

    fond,

    grande

    lame de bronze

    que

    le narrateur ne

    manque pas

    de nous

    dcrire

    en forme de

    conclusion

    de son discours.

    Comme

    tout

    l'heure,

    avec le

    Moine,

    ce n'est

    pas

    le

    jeu

    de mots

    qui

    est

    l'espace

    textuel

    de

    l'Utopie.

    C'est

    la fois

    le moment et le lieu

    de

    l'cart dans le

    temps

    et

    l'espace

    du

    discours,

    de

    l'espace

    ment

    et

    du silence dans

    la

    surface de

    significations

    ;

    c'est cette

    pulsation

    entre deux instances de

    langage

    qui

    manifestent

    l'utopique. L'inscription

    et

    l'nigme

    ouvrent le

    discours,

    cassent son

    isotopie

    et

    occupent,

    dans

    le

    mme

    mouvement,

    les

    ouvertures,

    les chancrures

    par

    leur

    forme discursive

    propre

    comme les calembours de Frre Jean

    interrompaient

    les

    rglements

    de la

    non-rgle

    de

    Thlme et

    cependant

    s'articulaient eux

    par

    un lien

    la

    fois

    incongru

    celui de l'association

    libre sur le

    signifiant phonique

    et

    gographique

    et

    logique

    celui de la

    lgitimation

    de

    la

    non-clture et

    du non-travail.

    Le cri

    Ainsi il

    est

    ais de voir

    que l'inscription

    de

    la

    porte

    d'entre

    reprend

    et

    dveloppe

    les dits

    de la

    non-rgle

    de

    l'abbaye

    promulgus

    par

    la

    voix

    du

    Prince

    Thelema, tout en les dplaant et en introduisant par

    l mme la

    contradiction

    explicite

    d'une

    enceinte

    religieuse,

    morale,

    juridique, conomique

    et sexuelle dans ce

    qui

    tait

    propos

    comme le

    lieu de

    la non-clture.

    Cy

    n'entrez

    pas...

    ".

    Mais il est

    galement important

    de

    noter

    que

    le

    pome

    crit sur la

    porte

    est

    l'exacte

    contrepartie

    du

    cry

    c'est--dire de ce

    boniment

    destin

    convoquer

    une

    reprsentation

    populaire

    d'un

    mystre

    ou d'une

    farce

    : les

    dits de

    Gargantua-frre

    Jean sont

    repris

    et

    dvelopps

    dans un

    boniment de batteleurs

    pour

    la

    reprsentation

    de

    Thlme.

    L'inscription

    sur la

    porte

    de Thlme

    opre

    le

    dplacement

    du contenu de l'nonc la forme et

    la

    modalit de l'nonciation. C'est

    le

    mode

    et

    la

    modalit

    de

    celle-ci

    qui

    travestissent

    le contenu de celui-l en faisant

    driver

    ses

    modes

    pro

    pres qui,

    nous l'avons

    indiqu,

    modalisaient les constatifs

    descriptifs

    et narra

    tifs du discours. Ce

    travestissement,

    cette drive n'annulent

    pas

    le

    contenu.

    Celui-ci reste valide comme la

    modalit nonciative n'est

    pas

    le

    simple

    orne

    ment

    plaisant

    d'un

    contenu

    srieux. Mais dans

    le

    mme

    geste,

    toute

    la

    repr

    sentation de

    Thlme

    qui

    va

    suivre

    est installe sur les trteaux du

    spectacle

    populaire

    'a. La

    reprsentation

    devient

    quivoque

    et cette

    ambivalence

    est

    globalement

    produite

    par

    la

    structure formelle

    du texte

    ;

    mais le

    point capital

    est l'effet de

    dplacement,

    de drive

    ou d'cart

    par lequel

    est

    produit

    un

    espace

    de

    jeu

    dans

    lequel

    le lecteur est

    absorb,

    ingr

    dans et

    par

    le texte

    :

    cart

    que j'appelle

    la bouche du

    texte,

    son orifice

    d'entre : nous allons

    21.

    Nous

    renvoyons

    ici

    l'analyse

    de M.

    Baujour,

    le Jeu de

    Rabelais, l'Herne,

    n

    2,

    Paris,

    1969, p.

    89-106. Voir

    galement

    F.

    Desonay,

    En relisant

    l'abbaye

    de

    Thlme

    ,

    in F.

    Rabelais,

    IV" Centenaire de

    sa

    Mort, Droz,

    Giard, Genve, Lille, 1953, p.

    93-103.

    22. Cf. M. Baktine, op. cit. p. 156-157 et 163-1-9.

    44

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    12/18

    manger-lire

    le texte et nous serons

    mangs-lus par

    lui :

    constitus

    en un

    corps-autre,

    un

    corps

    d'effets de

    sens-plaisirs

    parce que

    nous aurons lu le

    texte

    comme

    corps.

    L'nigme

    La

    question

    que pose l'nigme

    la fois dans son contenu-forme et

    pour

    le

    soi-disant

    mtalangage

    de la lecture

    interprtative,

    est la suivante : comment

    allons-nous tre

    expulss par

    le texte de Thlme ou

    et c'est

    la

    mme

    question

    dans

    son

    ambivalence

    comment allons-nous

    natre,

    tre

    engendrs

    (ou

    rgnrs) par

    lui ? Nous disons

    qu'il s'agit

    l de la

    mme

    question

    non

    seulement

    de

    par

    l'ambivalence

    du

    double

    orifice

    du

    vagin

    et

    de

    l'anus mais

    aussi

    parce que

    le

    pome que

    nous

    lisons la fin du discours de Thelema

    est

    celui

    qui

    est

    trouv aux

    fondements

    de

    Thlme,

    parce que

    la

    proraison

    du

    discours,

    sa

    partie

    noble,

    sa fin comme

    achvement

    perfection

    est

    aussi sa

    base,

    son

    fondement

    culier

    .

    Si le cri tait le boniment d'entre

    d'une reprsentation de place publique, l'nigme

    on le sait

    est l'apoca

    lypse

    allgorique

    d'un

    jeu,

    celui

    de la

    pelote

    ;

    mieux

    encore,

    elle

    est,

    dans

    le

    texte

    de

    Rabelais,

    le

    collage,

    la citation du

    pome

    d'un

    autre,

    Mellin de Saint

    Gelais.

    Rabelais

    cependant

    introduit

    la

    pice

    ainsi

    rapporte par

    deux vers

    qui

    sont siens

    et

    qui

    justement

    pointent

    le bonheur

    comme

    la fin

    de l'attente

    humaine.

    Pauvres humains

    qui

    bonheur attendez/levez vos

    curs...

    De

    mme,

    il donne une conclusion de

    dix vers

    qui

    ouvre une direction d'inter

    prtation,

    de

    dchiffrement de

    l'nigme

    sinon

    inattendue,

    du

    moins

    qui

    ren

    force le

    caractre

    apocalyptique

    du

    pome

    en ritrant

    les

    affirmations

    ren

    contres tout au

    long

    de Thlme et

    en

    particulier

    dans le cri

    d'entre,

    d'une

    sgrgation

    entre

    les

    lus,

    les

    utopiens

    et les

    autres :

    Reste,

    en

    aprs

    ces

    accidents

    parfaits/ que

    les lus

    joyeusement

    refaits/soient

    de

    tous

    biens et

    manne cleste/et d'abondant par rcompense

    honnte/enrichis

    soient

    ;

    les

    autres

    en

    la

    fin/soient dnus.../

    Tel

    ft l'accord23...

    L'abbaye-manoir,

    avons-nous

    suggr,

    est

    un

    corps

    architectural

    cosmique oprant

    travers la

    gomtrie

    des

    proportions

    et

    des

    symtries

    l'accord entre l'homme

    et le monde

    le bonheur. Le

    discours

    qui l'expose

    entre rcit

    et

    description

    en

    est la

    reprsentation,

    l'image

    insistante,

    l'accomplissement

    imaginaire

    dans

    l'har

    monie

    de la

    Loi et du

    Dsir,

    Thelema

    .

    Si

    une

    apocalypse

    est

    la base de

    l'difice,

    cela

    signifie

    que

    le

    rcit

    d'une

    catastrophe historique

    et

    cosmique

    fonde dans le

    microcosme,

    le

    macrocosme

    naturel,

    social,

    politique,

    moral. Le

    fondement est

    moins

    un

    sol,

    une base

    qu'un

    renversement

    avnement

    : le

    nouveau

    Monde,

    celui du

    bonheur

    parfait

    est

    un monde

    renvers.

    La

    grande

    flamme de

    l'clair

    qui

    met

    fin les eaux

    et

    l'entreprise

    dans

    le

    pome

    de

    Mellin de

    Saint-Gelais,

    est

    l'instant

    unique

    du retour

    du monde

    nouveau,

    de

    l'espace

    de

    bonheur

    que

    Rabelais

    annonce dans

    l'introduction et

    esquisse

    dans

    la conclusion

    qu'il

    ajoute

    son

    emprunt

    en

    collant la

    citation son

    propre

    discours.

    Il faut

    que

    Thlme soit

    fonde

    sur un renversement

    pour

    qu'ad

    vienne le

    monde

    nouveau.

    Il faut

    que

    Thlme

    soit dtruite

    pour que

    le

    monde

    du

    bonheur

    advienne.

    A

    vrai

    dire,

    cette

    dernire formulation

    est

    trompeuse,

    car

    elle

    laisse

    entendre

    deux

    temps

    et deux

    moments,

    le

    temps

    de

    l'histoire et

    celui de la

    parousie,

    le moment

    du

    ngatif,

    de

    la rvolution et celui

    de l'affir

    mation

    synthtique

    qui

    l'accomplit

    comme

    fin de l'histoire.

    En

    fait,

    en

    plaant

    l'apocalypse

    au

    fondement de

    l'difice,

    1'

    origine

    du

    procs

    de construe

    23. Sur une

    direction

    d'interprtation

    religieuse,

    Emile V.

    Telle,

    Thlme

    et le

    paulinisme

    matrimonial

    rasmien : le

    sens

    de

    l'nigme

    en

    prophtie

    in F.

    Rabelais,

    IV Centenaire... p. 104-119. Voir galement l'analyse de M. Baktine, op. cit. p. 232 sqq.

    45

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    13/18

    tion de la

    reprsentation

    utopique,

    tout en offrant sa

    lecture la fin du

    discours

    qui

    la

    dcrit,

    Rabelais

    signifie que

    le

    monde

    nouveau,

    l'utopie

    n'est

    pas

    la

    synthse

    qui

    accomplit

    le mouvement

    d'une

    dialectique historique

    et

    naturelle,

    au

    prix

    d'une

    ngation

    de la

    ralit,

    mais est

    l'autre de la ralit

    et de l'histoire. Le

    renversement est le

    fondement,

    le

    fondement,

    le renverse

    ment. Mais

    peut-tre

    convient-il

    en ce

    point

    d'aller

    plus

    loin

    encore

    :

    le

    Monde

    nouveau n'est

    pas

    l'autre

    de

    ce monde-ci

    : ce renversement-fondement

    est

    celui

    qu'opre

    et

    ralise la

    construction-reprsentation

    de

    l'abbaye-manoir.

    Il

    est

    l'autre

    de la

    reprsentation utopique,

    son envers :

    il

    indique

    le

    geste

    utopique

    dans la

    reprsentation

    o il

    s'accomplit

    et se neutralise.

    D

    jeu

    interprtatif

    Toutefois

    l'analyse

    pour

    ne

    pas

    dire

    l'interprtation

    que

    nous

    venons

    de

    proposer

    est celle

    de

    tout

    discours sur

    l'utopie,

    discours

    qui

    comme nous le disions au dbut transforme les jeux de l'utopie en systme

    et

    les

    annule,

    mtalangage

    qui

    dit le

    sens

    d'un discours

    premier

    qui

    le dtien

    drait sans le

    savoir,

    et

    qu'un

    discours de vrit

    accomplit

    en lui fournissant

    une

    conscience

    de

    soi :

    interprtation peu

    diffrente en son fond de celle

    que

    propose

    Gargantua,

    car dans les deux

    cas,

    est

    superpos

    au

    pome

    nigma

    tique

    un discours

    qui

    en

    dit la vrit :

    hermneutique

    directe de

    Gargantua

    qui

    le

    lit comme

    prophtie

    religieuse

    de

    l'vangile

    de

    l'Esprit

    ;

    interprtation

    indirecte

    du discours

    mtautopique qui

    le

    comprend

    comme

    une

    espce

    d'all

    gorie philosophique

    de

    l'utopie

    et de son

    geste

    le

    plus profond.

    Mais voici

    que l'interprtation

    du Moine

    d-joue

    toutes

    les

    interprtations

    et

    jusqu'aux

    oprations

    de

    collage

    de

    Rabelais

    puisqu'elle

    en revient

    la

    signification

    finale et

    premire

    que l'nigme

    avait

    hors-discours,

    hors

    du

    livre de Rabelais

    :

    celle du jeu de pelote. Par un signifi simple, mais qui suppose le dcodage le

    plus

    complexe

    et

    peut-tre

    le

    plus

    savant,

    le Moine

    non

    seulement rabaisse le

    sens

    en

    jeu

    celui d'un

    jeu,

    mais

    djoue

    le

    jeu

    de

    la citation

    colle dans

    le

    discours de

    Rabelais

    et

    remet le

    pome

    de Mellin de

    Saint-Gelais hors

    discours.

    L'interprtation

    du

    Moine est le

    jeu

    d'un

    jeu

    d'un

    jeu.

    Elle consiste

    remettre

    en

    jeu

    tout le discours de

    Thlme et le

    discours

    sur

    Thlme,

    l'uto

    pie

    et

    le

    discours sur

    l'utopie.

    Si sa tirade

    est

    le dernier mot du

    passage

    et du

    livre,

    elle ne

    l'est

    pas parce qu'elle

    en

    livrerait

    la

    vrit

    ultime. Le

    montre,

    sans autre forme de

    procs,

    le fait

    que

    le

    sens

    propos

    n'est

    pas

    au-del

    de

    celui,

    religieux,

    de

    l'vanglisme

    gargantuesque

    ou

    mtalinguisti

    que

    du discours sur

    l'utopie.

    Il

    est

    en

    de

    et en

    de

    du discours mme de

    Rabelais , de son livre. C'est en ce sens que nous sortons et du discours et

    du

    livre

    par

    leur

    interruption

    mme et

    que

    cette

    interruption

    fait du discours

    et du

    livre,

    le texte-du-bonheur. Relisons la tirade

    du Moine dans les

    pre

    mires

    ditions

    :

    Je

    pense

    que

    c'est la

    description

    du

    jeu

    de

    paume

    et

    que

    la

    machine

    ronde est

    l'esteuf et ces nerfs et

    boyaux

    de btes innocentes sont

    les

    raquettes

    et ces

    gens

    chauffs et dbattants sont les

    joueurs.

    La

    fin

    est

    que,

    aprs

    avoir

    bien

    travaill,

    ils s'en vont

    repatre

    et

    grande

    chre

    Travail

    qui

    est

    un

    jeu,

    le dbat

    immdiat de la lecture

    et

    de

    l'criture,

    jeu

    qui

    est un travail

    parce que

    l'essence

    pure

    du

    jeu

    est

    subtile,

    presque

    insaisis

    sable

    et

    que

    le

    discours

    qui

    vise s'en

    saisir,

    aprs

    s'tre

    bien

    chauff,

    ne le

    peut qu'en

    se dsaisissant et

    de lui-mme et de son

    objet.

    Ainsi

    expul

    ss

    du

    discours,

    sommes-nous

    gnrs

    dans

    le texte comme

    corps-heureux,

    le

    temps de dire-lire-crire Bonne chre car rien ne s'crit plus ensuite :

    46

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    14/18

    blanc de la

    page,

    blanc

    du

    discours,

    fin

    du

    texte,

    absence

    de

    mots

    qui

    est le

    dernier

    mot,

    lieu

    non-lieu,

    utopie.

    Que

    la

    diffrence se

    glisse subrepticement

    la

    place

    du conflit...

    la

    diffrence

    n'est

    pas

    ce

    qui masque

    ou dulcore le conflit. Elle

    se

    conquiert

    sur

    le

    conflit. Elle est au-del et ct

    de

    lui.

    Le texte institue au

    sein de la rela

    tion humaine

    courante

    une

    sorte

    d'lot,

    manifeste

    la

    nature asociale du

    plaisir...

    fait entrevoir la vrit

    scandaleuse

    de la

    jouissance

    :

    qu'elle

    pourrait

    bien

    tre,

    tout

    imaginaire

    de

    parole

    tant

    aboli,

    neutre24.

    Fantastique

    fantasmatique

    Nous

    proposons

    en

    ce

    point

    et en

    guise

    de

    conclusion

    la

    lecture

    du

    chapitre

    32 du

    Pantagruel

    Comment

    Pantagruel

    de sa

    langue

    couvrit

    toute une

    arme

    et

    de

    ce

    que

    l'auteur

    vit

    dans

    sa bouche.

    Chapitre

    double

    ment

    fantastique

    en

    ce

    qu'il

    relve de

    ce

    qu'on appellerait aujourd'hui

    lit

    trature

    fantastique

    mais aussi

    fantastique

    au sens de

    fantasmatique

    : texte

    qui fait jouer le fantasme en le mettant en scne dans un rcit et par cette

    reprsentation

    de

    reprsentation,

    indique

    la

    fantasmatique

    de

    tout

    texte et

    celle

    en

    particulier

    du texte

    utopique

    que

    nous venons

    de

    reconnatre

    dans

    Thlme,

    l encore

    au double sens du discours

    utopique

    et du

    discours

    sur

    l'utopie,

    redoublement

    o

    s'indique pratiquement

    le fantasme

    thorique

    du dsir de vrit et de savoir.

    Ecriture

    Lecture

    Quelques

    thmes

    de lecture

    dont

    nous

    ne

    pratiquerons pas

    faute de

    place

    et

    de

    temps,

    l'instanciation

    minutieuse

    sur le texte

    propos25.

    Qu'en

    est-il

    d'abord de l'arbitraire de la mise en relation de ce voyage et de ce sjour

    intracorporel

    avec

    la

    reprsentation

    utopique,

    Thlme

    ? On sait

    que

    le livre I

    ft

    crit

    aprs

    le

    livre

    II,

    Gargantua

    aprs Pantagruel,

    si

    bien

    que

    l'ordre

    d'criture

    se trouve invers dans celui de

    la lecture. Du mme

    coup,

    la

    super

    position

    sur

    la conclusion de

    Gargantua,

    Thlme,

    de celle de

    Pantagruel,

    l'exploration

    de l'intrieur

    du

    corps

    du

    gant,

    n'est

    pas simplement

    un

    artefact

    d'interprtation

    visant dmontrer une

    thse,

    mais

    une

    opration

    analytique

    tendant

    prendre

    en

    compte

    la

    rciprocit

    de l'criture

    et

    de la lecture26 et

    constituer le texte

    comme l'tat

    construit de la

    lecture

    Pour l'instant

    donc,

    qu'il

    nous suffise

    de

    dire

    que

    le

    chapitre

    32

    du

    Pantagruel

    a

    quelque

    chose

    voir avec

    l'Utopie

    et le

    discours de Thlme. En d'autres

    termes,

    il

    y

    a un

    rapport

    tablir et

    dsimpliquer

    entre le

    voyage

    et

    le

    sjour

    dans

    'ailleurs (l'autre ou le Nouveau Monde), entre le rcit de voyage et la cons

    truction

    et la

    description

    du

    Nulle Part de

    l'Utopie.

    De

    plus,

    on

    a souvent

    soulign

    la liaison

    historique

    entre

    l'Utopie

    et

    l'Amrique

    grce

    laquelle,

    comme

    dans

    le

    livre de Thomas

    More,

    l'histoire se

    fantasmatise

    la

    mesure

    24.

    R.

    Barthes,

    le

    Plaisir

    du

    texte, Seuil, Paris, 1972,

    p.

    27.

    25. Il faut

    ici relire en

    la confrontant avec

    les

    analyses

    de

    M.

    Baktine,

    l'tude de

    ce

    passage

    par

    E.

    Auerbach

    dans

    Mimesis,

    the

    Representation of

    Reality

    in

    Western

    Literature,

    Princeton,

    1953

    (trad,

    amricaine

    de

    W.

    Trask),

    p.

    262-284. Elle

    a

    constitu

    le

    point

    de

    dpart

    de

    notre

    propre

    travail

    dont nous

    prsenterons

    ailleurs une

    version

    complte.

    26. On rencontre

    un

    problme

    trs voisin

    avec

    le

    livre

    I et

    le

    livre

    II

    de

    l'Utopie

    de Th. More

    ; pour

    Rabelais,

    voir la Prface

    de l'dition du

    Gargantua par

    V.

    L. Saulnier

    chez

    Droz,

    Genve,

    1970.

    27. Meschonnic, Pour la potique, Gallimard, Paris, 1973, p. 204-301.

    47

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  • 7/24/2019 Corps Utopiques Rabelaisiens

    15/18

    de

    l'historicisation du fantasme : le

    continent

    nouvellement dcouvert

    recle

    un

    potentiel d'utopie qui

    ne sera

    pas puis

    de

    sitt,

    son

    inscription

    dans la

    ralit de

    l'espace gographique

    et

    historique

    permettant

    l'incessant

    drapage

    de la vision

    utopique

    vers le

    projet politique

    et social de ralisation de

    l'utopie

    dans

    cette autre

    terre,

    par-del

    l'Atlantique.

    Corps

    profond

    Deuxime

    thme de

    lecture directement

    li

    celui

    que

    nous

    venons

    d'exposer

    :

    dans

    le

    plan

    de

    Thlme,

    nous

    avons

    discern

    l'image

    d'un

    corps

    conformment toute une tradition de l'architecture idale de

    Vitruve

    nos

    jours.

    Mais

    ce

    corps

    est un

    corps

    bien

    dfini,

    celui

    d'un

    homme adulte

    abstrait,

    d'un homme

    couch,

    tendu

    l'horizontale,

    bras

    et

    jambes

    carts

    et

    tendus,

    fich

    au sol

    par

    la

    pointe

    du

    compas gomtrique

    plant

    dans son

    nombril,

    circonscrit

    par

    un cercle et encadr

    par

    un

    carr.

    Or dans

    le

    chapitre

    32,

    nous

    lisons

    le rcit

    d'un

    voyage

    dans un

    corps

    ou

    plutt

    dans

    une

    bouche,

    dans un corps immense, mais rduit une bouche : langue, dents, pharynx,

    larynx,

    gorge.

    Corps-bouche

    profond, pais,

    obscur avec des

    montes et des

    descentes,

    dans

    lequel

    on

    voyage,

    on

    sjourne

    ;

    corps

    dfini comme

    orifices et

    cavits. La

    question

    est alors de nouveau

    :

    qu'en

    est-il du

    rapport

    entre

    l'utopie

    et le

    corps

    ? Et

    cette

    question

    est celle de

    l'espace

    et du

    lieu

    :

    quelle

    est la relation entre le

    paradigme

    ou

    l'pure

    gomtrique

    du

    corps

    ten

    due

    intelligible,

    rationnelle

    et

    la

    profondeur

    abysmale,

    le

    creux,

    la

    cavit,

    l'orifice du

    corps

    vivant.

    Utopie,

    jeu(x) d'espace(s),

    avions-nous

    titr

    un

    essai

    sur Thomas More

    :

    mais de

    quels espaces

    s'agit-il

    ? Le

    corps

    est aussi

    espace

    et

    architecture

    de

    lieux,

    comme l'criture

    dployant

    le discours

    oral,

    dvidant

    son

    fil

    au

    long

    de ses

    lignes

    mais

    tissant

    par

    l

    un texte

    qui

    en excde la

    linarit ainsi

    dploye

    :

    espace gomtrique

    intelligible

    du

    logos

    ou lieux

    instantans,

    intenses et obscurs

    des

    pulsions vivantes,

    lieux du

    bios.

    Topique

    topologie

    Troisime thme

    qui

    drive du

    prcdent

    :

    le

    corps gomtrique

    de Th

    lme tait

    la

    projection

    sur

    le

    sol de

    la

    terre,

    la

    go-graphie,

    l'inscription

    dans des

    noms,

    de

    l'espace

    cosmique.

    Corps

    d'architecture,

    Thlme tait

    analogique

    au

    corps

    du

    Cosmos,

    son

    analogon

    et son

    modle

    rduit,

    la mta

    phore

    ralise du

    Grand Ordre dans le Petit

    Ordre

    et

    rgle par

    tout un

    systme

    de

    proportions.

    Or le

    corps-bouche

    de

    Pantagruel

    est aussi

    un

    monde,

    le

    Monde,

    mais dans un

    autre

    sens.

    D'abord,

    il

    est dans le cosmos

    28

    ;

    il est

    debout, vertical, la tte dans le ciel, au-dessus des nuages : ce n'est pas une

    relation une

    gomtrie

    astronomique,

    celle des

    constellations clestes

    qui

    le

    dfinit,

    mais une

    relation

    pratique

    ,

    mtorologique

    aux lments

    du

    Monde.

    Il est dans

    le

    ciel,

    dans le

    cosmos,

    mais il est aussi

    cosmos

    : la

    bouche

    est

    un monde

    complet

    avec

    ses

    montagnes,

    ses

    plaines,

    ses