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Correspondance à propos de l’article « Dépression en médecine générale » Letter on the article ‘‘Depression in general practitioner’’ Nous avons lu avec intérêt l’article de nos confrères Magalon- Bingenheimer et al. concernant la dépression en médecine générale [1]. Même s’il est toujours difficile dans un article de mise au point d’aborder toutes les questions, nous voulons, dans cette correspondance, en soulever une qui nous paraît particulièrement importante : celle de l’évaluation de la sévérité des troubles dépressifs majeurs (TDM). En effet, cette évaluation est préconisée par les agences de santé (Afssaps [2]) car elle conditionne la prise en charge thérapeu- tique des patients et en particulier la prescription d’antidépres- seurs. Par exemple, l’Afssaps ne recommande pas les antidépresseurs pour un TDM le ´ ger, c’est-à-dire répondant à cinq des neuf critères du DSM-IV. On notera que l’évaluation de l’efficacité thérapeutique des antidépresseurs ne se fait d’ail- leurs pas sur les critères du DSM-IV mais plutôt sur des échelles comme la Montgomery and Asberg Depression Rating Scale (MADRS) ou l’Halmilton Depression Rating Scale (HDRS), échelle qui comporte 17 à 21 questions et qui permet de « quantifier » l’intensité de la dépression (score maximum de 52 points pour l’échelle à 17 items). Cette évaluation est nécessaire car les antidépresseurs n’ont pas démontré de façon convaincante leur efficacité non seulement dans les troubles dépressifs « mineurs » [3,4] (c’est-à-dire ne correspondant pas aux critères du TDM) mais également dans les TDM d’intensité légère à modérée, définis par un score à l’HDRS inférieur à 19 [5]. La méta-analyse de Kirsch et al. [5] comme celle de Fournier et al. [6] sur données individuelles permettent même de préciser qu’un effet considéré comme cliniquement pertinent par le NICE [7] (au moins trois points sur 52 dans l’échelle HDRS) s’observe uniquement si le score HDRS est supérieur à 25 [6] ou même 28 [5]. Cette évaluation de la sévérité nous paraît essentielle car s’il est établit que les TDM sont sous diagnostiqué en médecine générale, il est également établi par l’Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments que les antidépresseurs sont trop prescrits, souvent hors indication et hors recommandations (par exemple pour les troubles dépres- sifs mineurs) [8]. Or, le médecin généraliste est à l’origine d’environ 80 % des prescriptions, que ce soit en initiation ou en renouvellement [8]. Les antidépresseurs peuvent être respon- sables d’effets indésirables sérieux et leur rapport bénéficerisque doit être évalué individuellement pour chaque patient en tenant compte de la sévérité du TDM car c’est probablement en médecine générale que la prévalence des épisodes dépressifs mineurs ou des TDM d’intensité légère est la plus forte. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Magalon-Bingenheimer K, Magalon D, Zendjidjian X, Boyer L, Griguer Y, Christophe Lançon C. Dépression en médecine générale. Presse Med 2013;42:419-28 [http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.09.008]. [2] AFSSAPS Bon usage des médicaments dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte. Octobre 2006. [3] Barbui C, Garattini S. Mild depression in general practice: is the automatism of antidepressant prescribing an evidence-based approach? Acta Psychiatr Scand 2006;113:449-51. [4] Barbui C, Cipriani A, Patel V, Ayuso-Mateos JL, van Ommeren M. Efficacy of antidepressants and benzodiazepines in minor depression: systematic review and meta-analysis. Br J Psychiatry 2011;198(S1):11-6. [5] Kirsch I, Deacon BJ, Huedo-Medina TB, Scoboria A, Moore TJ, Johnson BT. Initial severity and antidepressant benefits: a meta-analysis of data submitted to the Food and Drug Administration. PLoS Med 2008;5(2):e45. [6] Fournier JC, DeRubeis RJ, Hollon SD, Dimidjian S, Amsterdam JD, Shelton RC et al. Antidepressant drug effects and depression severity: a patient- level meta-analysis. JAMA 2010;303:47-53. [7] National institute for clinical excellence. Depression: management of depression in primary and secondary care. Clinical practice guideline No 23. 2007. www.nice.org.uk/CG023NICEguideline. [8] Observatoire national des prescriptions et consommations de médica- ments. Étude de la prescription et de la consommation des anti- dépresseurs en ambulatoire. Juillet 1998. Rémy Boussageon 11, route du clos Bardien, 79290 Saint-Martin de Sanzay, France Correspondance : Rémy Boussageon, 11, route du clos Bardien, 79290 Saint-Martin de Sanzay, France. [email protected] ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.004 en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2013; 42: 1148 1148 Correspondance tome 42 > n878 > juilletaoût 2013

Correspondance à propos de l’article « Dépression en médecine générale »

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Presse Med. 2013; 42: 1148

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Correspondance à propos del’article « Dépression enmédecine générale »

Letter on the article ‘‘Depression in generalpractitioner’’

Nous avons lu avec intérêt l’article de nos confrères Magalon-Bingenheimer et al. concernant la dépression en médecinegénérale [1]. Même s’il est toujours difficile dans un article demise au point d’aborder toutes les questions, nous voulons,dans cette correspondance, en soulever une qui nous paraîtparticulièrement importante : celle de l’évaluation de lasévérité des troubles dépressifs majeurs (TDM). En effet,cette évaluation est préconisée par les agences de santé(Afssaps [2]) car elle conditionne la prise en charge thérapeu-tique des patients et en particulier la prescription d’antidépres-seurs. Par exemple, l’Afssaps ne recommande pas lesantidépresseurs pour un TDM leger, c’est-à-dire répondant àcinq des neuf critères du DSM-IV. On notera que l’évaluation del’efficacité thérapeutique des antidépresseurs ne se fait d’ail-leurs pas sur les critères du DSM-IV mais plutôt sur des échellescomme la Montgomery and Asberg Depression Rating Scale(MADRS) ou l’Halmilton Depression Rating Scale (HDRS),échelle qui comporte 17 à 21 questions et qui permet de« quantifier » l’intensité de la dépression (score maximumde 52 points pour l’échelle à 17 items). Cette évaluation estnécessaire car les antidépresseurs n’ont pas démontré de façonconvaincante leur efficacité non seulement dans les troublesdépressifs « mineurs » [3,4] (c’est-à-dire ne correspondant pasaux critères du TDM) mais également dans les TDM d’intensitélégère à modérée, définis par un score à l’HDRS inférieur à 19[5]. La méta-analyse de Kirsch et al. [5] comme celle deFournier et al. [6] sur données individuelles permettentmême de préciser qu’un effet considéré comme cliniquementpertinent par le NICE [7] (au moins trois points sur 52 dansl’échelle HDRS) s’observe uniquement si le score HDRS estsupérieur à 25 [6] ou même 28 [5].Cette évaluation de la sévérité nous paraît essentielle car s’il estétablit que les TDM sont sous diagnostiqué en médecinegénérale, il est également établi par l’Observatoire nationaldes prescriptions et consommations des médicaments que les

antidépresseurs sont trop prescrits, souvent hors indication ethors recommandations (par exemple pour les troubles dépres-sifs mineurs) [8]. Or, le médecin généraliste est à l’origined’environ 80 % des prescriptions, que ce soit en initiation ou enrenouvellement [8]. Les antidépresseurs peuvent être respon-sables d’effets indésirables sérieux et leur rapport bénéfice–

risque doit être évalué individuellement pour chaque patient entenant compte de la sévérité du TDM car c’est probablement enmédecine générale que la prévalence des épisodes dépressifsmineurs ou des TDM d’intensité légère est la plus forte.

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références[1] Magalon-Bingenheimer K, Magalon D, Zendjidjian X, Boyer L, Griguer Y,

Christophe Lançon C. Dépression en médecine générale. Presse Med2013;42:419-28 [http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.09.008].

[2] AFSSAPS Bon usage des médicaments dans le traitement des troublesdépressifs et des troubles anxieux de l’adulte. Octobre 2006.

[3] Barbui C, Garattini S. Mild depression in general practice: is theautomatism of antidepressant prescribing an evidence-based approach?Acta Psychiatr Scand 2006;113:449-51.

[4] Barbui C, Cipriani A, Patel V, Ayuso-Mateos JL, van Ommeren M. Efficacyof antidepressants and benzodiazepines in minor depression: systematicreview and meta-analysis. Br J Psychiatry 2011;198(S1):11-6.

[5] Kirsch I, Deacon BJ, Huedo-Medina TB, Scoboria A, Moore TJ, Johnson BT.Initial severity and antidepressant benefits: a meta-analysis of datasubmitted to the Food and Drug Administration. PLoS Med2008;5(2):e45.

[6] Fournier JC, DeRubeis RJ, Hollon SD, Dimidjian S, Amsterdam JD, SheltonRC et al. Antidepressant drug effects and depression severity: a patient-level meta-analysis. JAMA 2010;303:47-53.

[7] National institute for clinical excellence. Depression: management ofdepression in primary and secondary care. Clinical practice guideline No23. 2007. www.nice.org.uk/CG023NICEguideline.

[8] Observatoire national des prescriptions et consommations de médica-ments. Étude de la prescription et de la consommation des anti-dépresseurs en ambulatoire. Juillet 1998.

Rémy Boussageon

11, route du clos Bardien, 79290 Saint-Martin de Sanzay, France

Correspondance : Rémy Boussageon,11, route du clos Bardien,

79290 Saint-Martin de Sanzay, [email protected]

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.004

tome 42 > n87–8 > juillet–août 2013