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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
COUR ADMINISTRATIVE
Numéro 36874C du rôle Inscrit le 27 août 2015
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Audience publique du 12 janvier 2016
Appel formé par
Monsieur ... ..., …, contre deux jugements du tribunal administratif
des 3 juin et 22 juillet 2015 (nos 34027 et 34027a du rôle)
en matière d’habilitation de sécurité
Vu l’acte d'appel, inscrit sous le numéro 36874C du rôle et déposé au greffe de la
Cour administrative le 27 août 2015 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour,
inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ... ...,
demeurant à L-…, dirigé contre deux jugements successifs rendus par le tribunal
administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 3 juin 2015 et le 22 juillet 2015 (nos
34027 et 34027a du rôle), suite à son recours tendant à la réformation, sinon à
l’annulation d’une décision du Premier ministre du 13 novembre 2013 ayant refusé à
Monsieur ... ... l’habilitation de sécurité au niveau « Cosmic très secret », « très secret
UE » et « très secret LUX »;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la
Cour administrative le 13 octobre 2015;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13
novembre 2015 au nom de l’appelant;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la
Cour administrative le 10 décembre 2015;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;
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Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER et
Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives
à l’audience publique du 5 janvier 2016.
Monsieur ... ... entra au service de l’Etat le 1er octobre 1985 et fut transféré en
2001 au Service de Renseignement de l’Etat, ci-après désigné par le «SRE».
Le 1er janvier 2011, Monsieur ... fut détaché auprès du Haut-Commissariat à la
Protection Nationale, ci-après désigné par le « HCPN », où il se vit délivrer, le 22 mars
2011, une habilitation de sécurité provisoire pour une durée de deux ans.
Le 21 décembre 2011, une enquête disciplinaire fut ouverte à l’encontre de
Monsieur ....
Le 11 avril 2012, Monsieur ... saisit le Premier ministre d’une demande en
obtention d’une habilitation de sécurité du niveau « cosmic très secret », « très secret UE
» et « très secret LUX », demande à laquelle le Premier Ministre refusa de faire droit par
une décision du 13 novembre 2013.
Cette décision de refus est libellée comme suit :
« En date du 11 avril 2012, l'Autorité nationale de Sécurité a été saisie, par
l'intermédiaire de l'officier de sécurité du Haut-Commissariat à la Protection nationale,
de votre demande visant à vous faire délivrer une habilitation de sécurité au niveau
«Très Secret LUX » «Très Secret UE » et « COSMIC Très Secret ».
Je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver
une suite favorable à votre demande de délivrance de ce certificat de sécurité.
En effet, d'après le rapport d'enquête de l'Autorité nationale de Sécurité, vous ne
présentez pas les garanties suffisantes pour avoir accès à des informations classifiées
sans constituer un risque pour les intérêts protégés par la loi du 15 juin 2004 relative à
la classification des pièces et aux habilitations de sécurité. Le rapport en question a en
effet fait apparaître des doutes sérieux en relation avec votre intégrité et votre fiabilité,
éléments qui d'après l'article 21 de la loi précitée entrent en ligne de compte pour
évaluer une demande visant la délivrance d'un certificat de sécurité.
La Commission instituée par l'article 27, alinéa 2 de la loi du 15 juin 2004
relative à la classification des pièces et aux habilitations de sécurité, qui est chargée
d'émettre un avis motivé concernant les décisions de refus ou de retrait d'une habilitation
de sécurité, a complété le dossier de l'Autorité nationale de Sécurité par le rapport
d'instruction et le rapport d'instruction complémentaire établis par le commissaire du
Gouvernement adjoint qui a mené une instruction disciplinaire à l'encontre de votre
personne. Cette instruction disciplinaire a été ouverte à la suite d'une enquête interne
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mettant en cause votre personne dans le contexte d'un certain nombre de pratiques
irrégulières au sein du SRE.
Aux termes de l'enquête de sécurité et de l'instruction disciplinaire, il vous est
reproché :
-d'avoir abusé de votre qualité de fonctionnaire au sein du Service de
Renseignement en procédant, dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, à l'achat
de plusieurs voitures à titre privé en faisant croire au fournisseur que les voitures
étaient destinées au Service de Renseignement, ceci afin de profiter de conditions
avantageuses auxquelles vous n'auriez pas eu droit en tant que personne privée;
-d'avoir accepté de la part du fournisseur des diminutions de prix pour les
voitures achetées à titre privé;
-d'avoir fait preuve d'un manque d'honnêteté en transmettant d'abord au
fournisseur des informations mensongères au sujet de la finalité des achats de
voitures, en faisant ensuite usage d'un titre différent de celui qui était le vôtre au sein
du Service de Renseignement et en procédant enfin à un faux en écriture;
-d'avoir fait preuve de négligences graves dans le contexte de la vente de deux
voitures de service, négligences qui ont conduit à un retard de huit mois au niveau du
versement du produit de la vente des voitures sur les comptes du Service de
Renseignement.
Ces éléments m'ont amené à la conclusion, après avoir pris l'avis de la
Commission instituée par l'article 27, alinéa 2 de la loi du 15 juin 2004 relative à la
classification des pièces et aux habilitations de sécurité, qu'il n'était pas indiqué de vous
accorder une habilitation de sécurité du niveau « Très Secret LUX » « Très Secret UE »
et « COSMIC Très Secret ». (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2014,
Monsieur ... fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et
subsidiairement à l’annulation de la décision du Premier ministre du 13 novembre 2013.
Par jugement du 3 juin 2015, le tribunal administratif se déclara incompétent pour
connaître du recours principal en réformation, reçut en la forme le recours subsidiaire en
annulation, décida que l’avis du 11 novembre 2013 émis par la commission consultative
instituée par l’article 27 de la loi du 15 juin 2004 relative à la classificat ion des pièces et
aux habilitations de sécurité, ci-après désignée par la « loi du 15 juin 2004 », et déposé au
greffe du tribunal administratif par la partie étatique n’était pas à communiquer en copie
au demandeur, mais qu’avant tout autre progrès en cause, le demandeur était autorisé à
venir consulter ledit avis au greffe du tribunal administratif et à déposer un mémoire
supplémentaire pour discuter ledit avis, la partie étatique ayant quant à elle été autorisée à
y répondre dans un mémoire supplémentaire.
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Ledit avis du 11 novembre 2013 de la commission consultative instituée par
l’article 27 de la loi du 15 juin 2004 fut consulté au greffe par le mandataire du
demandeur et chacune des deux parties au litige le discutèrent à travers un mémoire
supplémentaire.
Par jugement du 22 juillet 2015, le tribunal administratif, vidant le jugement du 3
juin 2015, déclara non justifié le recours en annulation dirigé contre la décision du
Premier ministre du 13 novembre 2013, rejeta la demande en allocation d’une indemnité
de procédure d’un montant de 1.000.- € formulée par le demandeur, tout en le
condamnant aux frais de l’instance.
Par requête déposée le 27 août 2015 au greffe de la Cour administrative, Monsieur
... a régulièrement relevé appel des jugements du 3 juin et 22 juillet 2015.
Quant au jugement interlocutoire du 3 juin 2015
Selon l’appelant, l’article 27 de la loi du 15 juin 2004, intitulé « Procédure
d’octroi et de retrait de l’habilitation de sécurité » et disposant que « (…) Toute décision
de refus ou de retrait d’une habilitation de sécurité est prise sur avis motivé d’une
commission composée de trois fonctionnaires désignés respectivement par le Premier
Ministre, le Ministre des Affaires étrangères et le Ministre de la Justice. (...) La personne
qui a fait l’objet de l’enquête de sécurité pourra être entendue par la commission et y
présenter ses observations. L’avis émis par la commission à l’intention du Premier
Ministre ne lui est pas communiqué » aurait été mal appliqué par les premiers juges en ce
sens que s’il interdisait, au niveau précontentieux une communication de l’avis en
question à la personne concernée, la communication à son mandataire n’aurait pas été
visée. Ainsi, l’avis aurait pu être et aurait dû être communiqué à son mandataire.
Au-delà, l’appelant soutient que l’article 27 de la loi du 15 juin 2004 constituerait
une règle organisationnelle purement interne, qui ne serait pas opposable à une partie
dans le cadre d’une procédure juridictionnelle et qui ne saurait tenir en échec les règles de
procédure applicables devant les juridictions administratives ou le principe du respect des
droits de la défense.
Il ajoute que l’avis en question ne ferait pas partie des pièces, dont il est fait
référence à l’article 3 de la loi du 15 juin 2004, comme pouvant faire l’objet d’une
classification.
L’appelant, tout comme en première instance, invoque dans ce contexte l’article
28 de la même loi lui donnant la possibilité d’accéder à son dossier s’il s’est vu refuser ou
retirer l’habilitation de sécurité.
D’autre part, il fait valoir que l’avis litigieux ne rentrerait pas non plus dans
l’hypothèse où une partie est expressément écartée pour prendre connaissance du contenu
d’une pièce, tandis que le juge a le droit d’en prendre connaissance. A défaut par la loi du
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15 juin 2004 de prévoir une telle disposition dite ex parte, il n’existerait aucun fondement
légal lui interdisant de consulter et de se voir communiquer la pièce.
Il s’ensuivrait que le refus de la partie étatique de la communication du document
faisant pourtant partie du dossier administratif, à défaut de disposition légale autorisant
un tel refus, porterait gravement atteinte à ses droits de la défense.
Enfin, l’appelant fait valoir que, dans la mesure où l’avis litigieux de la
commission constituerait le fondement et la motivation de la décision attaquée, le défaut
de communication de cette pièce devrait entraîner l’annulation de la décision attaquée
pour violation des droits de la défense, en se référant à cet égard à un jugement du
tribunal administratif du 31 décembre 2003, n° 15799 du rôle.
La Cour relève de prime abord qu’elle n’est pas saisie d’une affaire d’accès à un
dossier administratif et que, plus particulièrement, elle n’est pas appelée à connaître de la
légalité d’une décision administrative portant sur la non-communication de l’avis du 11
novembre 2013 émis par la commission consultative instituée par l’article 27 de la loi du
15 juin 2004, ci-après dénommée la « commission consultative ».
En effet, la Cour, à la suite et à l’instar du tribunal administratif, est appelée à
connaître d’un recours portant sur la légalité de la décision du Premier ministre du 13
novembre 2013 portant refus à Monsieur ... ... de l’habilitation de sécurité au niveau «
Cosmic très secret », « très secret UE » et « très secret LUX ».
Ainsi, l’essence du recours soumis à la Cour n’a pas trait à la communication ou
la communicabilité de l’avis de la commission consultative, mais la question
véritablement pertinente se posant en l’occurrence est celle de savoir si les droits de la
défense de Monsieur ... pour agir contre la décision ministérielle du 13 novembre 2013,
objet de son recours contentieux, ont été respectés ou non du fait d’une prétendue non-
communication de l’avis de la commission consultative du 11 novembre 2013 sur
laquelle la décision ministérielle s’assied.
Or, force est à la Cour de constater qu’au plus tard au cours de l’instruction de
l’affaire devant les premiers juges, le demandeur originaire, Monsieur ..., a pu consulter
l’avis de la commission consultative du 11 novembre 2013 au greffe du tribunal
administratif, et qu’il a été autorisé à le discuter à travers la fourniture d’un mémoire
supplémentaire, comme de fait il l’a fait à travers son mémoire additionnel du 24 juin
2015, de même qu’il a pu en être débattu oralement à une audience de plaidoiries
supplémentaire qui s’est tenue devant les premiers juges en date du 8 juillet 2015.
Ainsi, de concert avec les premiers juges, la Cour retient que cette consultation
sur place de la pièce en question, ensemble la possibilité de discussion subséquente a été
de nature à garantir entièrement les droits de la défense de Monsieur ..., l’examen de
toutes autres questions, notamment celle de savoir si ledit avis aurait dû lui être
communiqué antérieurement, au cours de la phase précontentieuse, se révélant oiseux.
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Il s’ensuit que l’appel dirigé contre le jugement a quo du 3 juin 2015 est à rejeter
comme n’étant pas fondé.
Quant au jugement du 22 juillet 2015
L’appelant reproche en premier lieu aux premiers juges d’avoir rejeté son moyen
d’annulation tiré de la violation de l’article 25 de la loi du 15 juin 2004.
Selon l’appelant, il aurait fait l’objet de trois enquêtes en date des 22 mars 2011,
20 mars 2013 et 16, respectivement 19 juin 2013 sans son consentement préalable, alors
que le susdit article 25 ne prévoirait qu’une seule enquête et l’accord préalable de la
personne concernée à toute enquête.
L’article 25, alinéa 2 de la loi du 15 juin 2004 dispose que « toute personne
soumise à une enquête de sécurité doit donner au préalable son consentement en vue de
la réalisation de l’enquête ».
La Cour rejoint et fait sienne l’analyse des premiers juges qui ont retenu à bon
escient que Monsieur ... reproche à tort à l’autorité étatique d’avoir procédé à différentes
enquêtes de sécurité pour en conclure que pour chaque document de l’enquête son accord
aurait été requis.
En effet, les différents documents réalisés apparaissent constituer en réalité une
seule et unique enquête de sécurité suite à la demande de l’appelant et avec son accord
général exprès en date du 11 avril 2012. La circonstance que plusieurs documents ont été
établis pour former un tout n’implique en tout cas pas à elle seule qu’il y ait eu plusieurs
enquêtes distinctes, qui nécessiteraient un consentement isolé et individuel pour chaque
document.
L’appelant réitère ensuite son moyen d’annulation tiré de la violation de l’article
27, alinéa 8, de la loi du 15 juin 2004, ainsi que de l’article 9 du règlement grand-ducal
du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et
des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », au
motif qu’il n’aurait pas été entendu par la commission consultative avant qu’elle ne rende
son avis.
En vertu de l’article 27, alinéa dernier, de la loi du 15 juin 2004, « la personne qui
a fait l’objet d’une enquête de sécurité pourra être entendue par la commission et y
présenter ses observations ».
Il s’ensuit que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l’audition
de la personne visée par l’enquête constitue une faculté et non pas une obligation, de
sorte que l’appelant conclut à tort, sur le fondement de l’article 27 précité, à une illégalité
de la décision pour défaut d’avoir été entendu par la commission consultative.
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Il ne saurait par ailleurs pas être question d’une violation de l’article 9 du
règlement grand-ducal du 8 juin 1979, instaurant, sauf s’il y a péril en la demeure, une
procédure contradictoire destinée à protéger les droits de la défense de l’administré,
lorsque l’administration se propose de prendre, d’une part, des décisions de révocation ou
de modification d’office pour l’avenir de décisions qui ont créé ou reconnu des droits et,
d’autre part, des décisions en dehors d’une initiative de la partie concernée, c’est-à-dire
sans avoir été saisie d’une demande préalable de l’administré concerné, étant donné que
la décision du Premier ministre litigieuse ne relève pas du champ d’application de cette
disposition pour ne constituer ni une décision prise en dehors de l’initiative de l’appelant,
ni une décision de révocation ou de modification d’office pour l’avenir d’une décision
ayant créé ou reconnu des droits, puisqu’elle intervient sur demande de l’intéressé et ne
pouvait par ailleurs pas lui retirer des droits puisque l’habilitation de sécurité provisoire
lui délivrée le 22 mars 2011 pour une durée de deux ans avait expiré au moment de la
prise de la décision déférée.
Ensuite, l’appelant réitère son reproche fondé sur la lenteur avec laquelle
l’administration aurait réagi à sa demande d’accès au dossier administratif tenu auprès du
SRE, relevant qu’il a formulé cette demande le 19 novembre 2013 et que la consultation
n’aurait pu se faire que le 13 décembre 2013, de sorte que son délai de recours aurait été
réduit en fait à quatre semaines, estimant qu’ainsi, il y aurait eu violation de l’article 28
de la loi du 15 juin 2004, sinon de l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Selon l’article 28 de la loi du 15 juin 2004, « la personne qui s’est vu refuser ou
retirer l’habilitation de sécurité peut, sur demande écrite, à adresser à la commission
instituée par l’article 27, solliciter de l’autorité nationale de sécurité l’accès au dossier
sur lequel est fondée la décision du Premier Ministre, Ministre d’Etat ».
En vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, chaque fois
qu’une autorité administrative saisie d’une demande se considère non compétente pour en
connaître, elle doit transmettre sans délai la demande à l’autorité compétente, en en
avisant le demandeur.
Il n’y a pas violation du droit d’accès garanti par l’article 28 de la loi du 15 juin
2004 étant donné que Monsieur ... a pu accéder au dossier tenu par le SRE en date du 13
décembre 2013, étant précisé qu’il a pu le consulter et qu’il en a obtenu une copie.
En ce qui concerne le prétendu contre-temps généré de la sorte au niveau de la
préparation du recours contentieux de Monsieur ..., il n’appert pas des éléments de la
cause que les droits de la défense de l’intéressé aient effectivement souffert de la sorte,
étant entendu qu’il a pu préparer son recours dans le délai légal et après avoir consulté
son dossier.
Le quatrième moyen de réformation du jugement a quo est basé sur la violation
du principe du délai raisonnable et des garanties substantielles définies à l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), au motif que les faits lui
reprochés remonteraient à la période de 2007 à 2010, alors que le rapport d’enquêté
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daterait seulement du 20 mars 2013 et la décision ministérielle litigieuse seulement du 13
novembre 2013.
Les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont conclu à l’inapplicabilité de
l’article 6 de la CEDH et du principe du délai raisonnable y consacré à la décision à
prendre par le Premier ministre sur la délivrance d’une habilitation de sécurité, du fait
que la procédure administrative de délivrance y afférente ne constitue pas une procédure
juridictionnelle.
Au-delà, en l’absence d’une quelconque exigence légale délimitant l’action
ministérielle ratione temporis, d’une part, et en l’absence du moindre indice concret en
quoi le délai d’un an et demi, qui s’est écoulé entre la demande de l’appelant et la prise
de la décision ministérielle de refus litigieuse, est préjudiciable pour l’appelant, d’autre
part, la légalité de l’action ministérielle n’est pas entachée de ce fait. - C’est à bon droit
que les premiers juges ont pointé sous ce rapport qu’au moment où Monsieur ... a
introduit sa demande, soit le 11 avril 2012, une enquête interne au SRE était en cours
depuis fin 2010 et une instruction disciplinaire venait d’être ouverte, et que durant
l’année 2012 et la première moitié de l’année 2013, un certain nombre de mesures
d’instruction, notamment l’audition de témoins, ont été entreprises, pour retenir qu’au
regard des reproches soulevés à l’égard de Monsieur ..., il ne pouvait guère être reproché
à l’autorité compétente d’avoir attendu le rassemblement d’un maximum d’informations
avant la prise d’une décision.
Le moyen suivant, réitéré par l’appelant en instance d’appel, a trait à une violation
de l’article 27, alinéas 5 et 6 de la loi du 15 juin 2004. A cet égard, il est soutenu qu’il
résulterait d’un courrier du directeur du SRE du 21 juin 2013 que la commission
consultative aurait été saisie le 20 juin 2013 et que les résultats de cette enquête auraient
été consignés dans un rapport du 20 mars 2013, alors que, d’après le dossier à sa
disposition, la commission consultative aurait été saisie le 18 juin 2013 par le directeur
du SRE. L’appelant ajoute qu’entre le rapport d’enquête du 20 mars 2013, communiqué à
la commission consultative, et la décision litigieuse du 13 novembre 2013, les services du
SRE auraient attendu la saisine du parquet le 8 mai 2013, dressé un nouveau rapport
d’enquête après la saisine de la commission consultative et deux enquêtes non signées et
non datées et auraient encore attendu la communication du rapport de l’instruction
disciplinaire. Il estime encore que le rapport initial d’enquête n’aurait été provisoire
qu’en ce sens que l’on aurait attendu un alourdissement des charges à son encontre.
Beaucoup d’actes auraient donc été accomplis, alors que la commission consultative ne
devrait être en possession que du rapport d’enquête du 20 mars 2013, conformément à
l’alinéa 5 de l’article 27 de la loi du 15 juin 2004.
Le délégué du gouvernement entend clarifier le déroulement exact de la procédure
d’enquête et dissiper tous les malentendus au sujet de l’accomplissement de plusieurs
enquêtes en précisant que la commission consultative n’aurait été saisie qu’en date du 20
juin 2013 et qu’il n’existerait aucun rapport d’enquête du 19 juin 2013 comme le
continuerait de soutenir l’appelant, mais qu’il s’agirait en réalité du rapport d’enquête
provisoire du 20 mars 2013, rapport qui aurait été finalisé le 14 juin 2013 sur base d’un
9
avis juridique de l’Autorité nationale de contrôle. Ainsi, loin d’avoir généré plusieurs
enquêtes, la demande de Monsieur ... n’aurait abouti qu’à l’établissement d’un rapport
d’enquête, composé du document rédigé par l’enquêteur, un avis juridique et un
document préparatoire.
En vertu de l’article 27, alinéas 5 et 6, de la loi du 15 juin 2004 « la commission
se fait remettre par l’autorité nationale de sécurité le rapport d’enquête. Si elle l’estime
utile, la commission se fait communiquer par l’autorité nationale de sécurité le dossier
d’enquête dans son intégralité ».
La Cour se rallie et se fait siennes les considérations des premiers juges au sujet
des doutes qui semblent continuer à planer aux yeux de l’appelant au niveau du nombre
de rapports d’enquête qui ont été établis. En effet, s’il est vrai que le document intitulé
«rapport d’enquête », indique la date du 19 juin 2013 en première page comme date de
génération du document, respectivement la date du 14 juin 2013 en page 16 dudit
document, cette apparente contradiction ne porte pas à conséquence au niveau du respect
des dispositions de l’article 27, alinéas 5 et 6 de la loi du 15 juin 2004, puisqu’il est clair
que la commission consultative était en possession de ce seul et unique rapport d’enquête,
étant précisé que la version de mars 2013 de ce rapport, au regard de l’exposé cohérent et
plausible de la partie étatique, paraît ne constituer qu’une simple version provisoire.
En ce qui concerne la production à la commission consultative du rapport de
l’instruction disciplinaire établi par le commissaire du gouvernement, elle n’est pas de
nature à ébranler la légalité de l’avis ou de la décision ministérielle subséquente, l’article
27, alinéas 5 et 6 de la loi du 15 juin 2004 n’excluant pas que l’organe consultatif se voie
remettre d’autres documents pour éclairer sa vue d’ensemble du dossier.
Il s’ensuit que le moyen en question est encore à rejeter.
Le sixième moyen de l’appelant a trait à un prétendu défaut de motivation et une
violation conséquente de l’article 27, alinéa 1er, de la loi du 15 juin 2004.
Ce moyen d’annulation de la décision ministérielle litigieuse est à écarter pour
manquer en fait.
En effet, les éléments de motivation libellés au sein de la décision critiquée,
ensemble les explications complémentaires fournies par le délégué du gouvernement au
cours des deux instances contentieuses, ont parfaitement suffi pour permettre à l’actuel
appelant de comprendre les éléments de fait et de droit à sa base, en particulier le fait que
l’enquête de sécurité aurait fait apparaître des doutes sérieux en relation avec son
intégrité et sa fiabilité, par référence également aux faits relevés dans le cadre d’une
instruction disciplinaire menée à son encontre et dont les détails ont plus amplement été
exposés par le délégué du gouvernement en première instance.
Dans un septième ordre d’idées, l’appelant fait valoir que la décision de refus de
l’habilitation sécurité sollicitée par lui serait empreinte de trop de « subjectivité » au
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niveau de l’appréciation des notions de discrétion, de loyauté et d’intégrité et de
l’appréciation du risque qu’il représenterait pour les intérêts mentionnés à l’article 3 de la
loi du 15 juin 2004.
Sur ce, il conteste que l’enquête aurait fait apparaître des doutes sérieux en
relation avec son intégrité et sa fiabilité et qu’il y aurait eu une violation de l’article 21 de
la loi du 15 juin 2004, étant précisé qu’il estime que la « fiabilité » ne constituerait pas un
critère posé par le législateur pour déterminer si la personne concernée présente les
garanties suffisantes pour avoir accès à des informations classifiées.
Plus particulièrement, l’appelant estime qu’à partir de faits non encore constitués
en faute disciplinaire ou en infraction pénale, il ne pourrait pas lui être reproché un
manque d’intégrité, l’intégrité se définissant comme étant la qualité d’une personne dont
la conduite et les actes sont irréprochables.
L’appelant soutient encore que son dossier personnel serait parsemé de documents
antidatés ou anonymes, de prises de position subjectives, d’enquêtes partiales et de
décisions arbitraires, de sorte qu’il conviendrait de s’interroger sur l’intégrité et
l’impartialité de la direction du SRE et des enquêteurs. L’actualité politique et
institutionnelle récente corroborerait d’ailleurs ses doutes.
Il en conclut que la portée de l’enquête de sécurité et partant la décision du
Premier ministre dépasserait les limites du cadre légalement circonscrit, notamment par
l’article 21 de la loi du 15 juin 2004, puisque les faits lui reprochés ne constitueraient en
rien un risque pour la sécurité ou les intérêts du Grand-Duché de Luxembourg.
L’examen de ce moyen d’annulation de la décision du Premier ministre du 13
novembre 2013 portant refus de conférer à Monsieur ... l’habilitation de sécurité sollicitée
est légalement cadré par les articles 3, 14, 15, et 21 de la loi du 15 juin 2004.
La première de ces dispositions, l’article 14 de la loi du 15 juin 2004, pose le
principe que toutes les personnes, sauf les exceptions y énumérées, exerçant un emploi,
une fonction ou occupant un grade qui comportent l’utilisation de pièces classifiées,
l’accès à des locaux, des bâtiments ou des sites où sont créées, traitées ou conservées des
pièces classifiées ou qui participent à l’exécution d’un contrat ou d’un marché public qui
comportent l’utilisation de pièces classifiées, doivent être titulaires d’une habilitation de
sécurité, dont le niveau varie en fonction du degré de classification des pièces visées.
L’article 15 suivant de ladite loi prévoit la possibilité de délivrance d’une
habilitation de sécurité à « - une personne physique qui présente des garanties
suffisantes, quant à la discrétion, la loyauté et l'intégrité; - une personne morale qui
présente des garanties suffisantes, quant aux moyens matériels et techniques et aux
méthodes utilisées pour protéger les pièces classifiées et quant à la discrétion, la loyauté
et l'intégrité des organes susceptibles d'avoir accès à ces pièces », tout en précisant que
ladite habilitation n'est délivrée qu'aux personnes qui ont fait l'objet d'une enquête de
sécurité.
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Au vœu de l’article 21 de la loi du 15 juin 2004, « l’enquête de sécurité a pour
but de déterminer si la personne physique présente des garanties suffisantes, quant à la
discrétion, la loyauté et l'intégrité pour avoir accès à des informations classifiées sans
constituer un risque pour les intérêts mentionnés à l'article 3.
L’enquête relative aux personnes morales portera sur les administrateurs,
gérants, commissaires ou préposés à l’administration ou à la gestion, les personnes qui
mettent en œuvre le contrat, l’étude ou la production classifiés ainsi que la personne
appelée à assumer les fonctions d’officier de sécurité.
L’ampleur de l’enquête de sécurité varie en fonction du niveau de l’habilitation
de sécurité requise.
Dans le cadre des enquêtes de sécurité, l’Autorité nationale de Sécurité peut
recueillir des données relatives à l’état civil, à la solvabilité, à la situation sociale et
professionnelle tant actuelle que passée, à la fiabilité et à la réputation, et à la
vulnérabilité à l’égard de pressions de la personne pour laquelle l’habilitation de
sécurité est sollicitée ».
L’article 3, auquel le susdit article 21 se réfère, est de la teneur suivante:
« Peuvent faire l'objet d'une classification les pièces, sous quelque forme que ce
soit, dont l'utilisation inappropriée est susceptible de porter atteinte à l'un des intérêts
suivants:
a) la sécurité du Grand-Duché de Luxembourg et des Etats auxquels il est lié par
un accord en vue d’une défense commune;
b) les relations internationales du Grand-Duché de Luxembourg;
c) le potentiel scientifique ou économique du Grand-Duché de Luxembourg.
Une classification ne doit être attribuée à une pièce que dans la mesure de ce qui
est indispensable en vue de la protection des intérêts dont question au présent article et
pour le temps nécessaire. ».
Ceci étant, les premiers juges sont à suivre en ce qu’ils ont dégagé de la lecture
combinée desdits articles 3, 14, 15, et 21 de la loi du 15 juin 2004 qu’une habilitation de
sécurité ne peut être délivrée qu’à une personne dont l’enquête de sécurité fait apparaître
qu’elle présente des garanties suffisantes quant à la discrétion, la loyauté et l'intégrité
pour avoir accès à des informations classifiées, sans constituer un risque pour les intérêts
mentionnés à l'article 3 de la loi du 15 juin 2004 et qu’afin d’évaluer l’existence de telles
garanties suffisantes, des données relatives à l’état civil, à la solvabilité, à la situation
sociale et professionnelle tant actuelle que passée, à la fiabilité, à la réputation et à la
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vulnérabilité à l’égard de pressions de la personne pour laquelle l’habilitation de sécurité
est sollicitée peuvent être recueillies.
Au niveau de l’application et de l’appréciation de ces critères, il ne se dégage pas
des susdites dispositions qu’un refus d’une habilitation de sécurité doive tabler sur des
faits qui ont abouti à une condamnation disciplinaire ou pénale préalable de l’intéressé.
Par ailleurs, contrairement à la thèse que l’appelant continue à soutenir, le critère
de fiabilité, épinglé par l’autorité compétente comme n’étant pas garanti dans son chef,
rentre dans les prévisions des dispositions de la loi du 15 juin 2004.
S’il est certes vrai que l’article 15 de la loi du 15 juin 2004 n’énonce pas
expressément le critère de fiabilité au titre des garanties suffisantes requises, l’article 21
de la loi du 15 juin 2004 le mentionne expressément au niveau des points sur lesquels
l’enquête de sécurité peut porter, de sorte que l’exigence de fiabilité doit être considérée
comme étant nécessairement sous-jacente aux critères de discrétion, de loyauté et
d’intégrité.
Il ne saurait partant être question d’un dépassement par le Premier ministre des
limites du cadre légal tracé au niveau de son pouvoir d’appréciation en la matière. -Les
autres contestations encore soulevées par l’appelant dans le contexte de ce moyen,
notamment au sujet de l’impartialité de la direction du SRE, seront examinées dans les
développements subséquents.
Ensuite, laisse de convaincre le moyen développé par l’appelant en rapport avec
une violation du principe de la présomption d’innocence, du fait que l’administration se
référerait à des faits qui n’auraient été sanctionnés ni disciplinairement ni pénalement,
étant donné que l’objet d’une décision de refus d’habilitation de sécurité n’est
objectivement pas de nature à sanctionner, pénalement ou disciplinairement, l’appelant
auquel on dénie les garanties suffisantes quant à la discrétion, la loyauté et l’intégrité
pour avoir accès à des informations classifiées, d’une part, et qu’il ne se dégage en rien
des éléments d’appréciation soumis en cause que la procédure afférente ait en
l’occurrence été détournée par l’autorité compétente à des fins étrangères, d’autre part.
Tout comme en première instance, l’appelant entend encore quereller une
prétendue violation du secret de l’instruction pénale ou disciplinaire. Pour preuve il veut
que la décision ministérielle faisant l’objet du recours contentieux sous examen tablerait
sur les mêmes faits que ceux qui ont fait lancer une procédure disciplinaire et une
procédure pénale à son encontre.
Tout comme les premiers juges, la Cour ne saurait suivre l’appelant dans cette
voie ne serait-ce que parce qu’il omet de préciser quels secrets de l’enquête pénale ou
disciplinaire auraient été divulgués et en quoi cette prétendue divulgation aurait été de
nature à influer sur la prise de la décision de refus d’habilitation de sécurité, étant précisé
que le simple fait que les mêmes faits qui ont motivé la décision litigieuse ont
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parallèlement été à l’origine d’autres procédures n’est pas à lui seul de nature à établir
l’irrégularité pointée par lui.
Enfin, le dernier moyen de réformation du jugement entrepris du 22 juillet 2015 et
partant d’annulation de la décision ministérielle critiquée au fond est fondé sur une
mauvaise application des dispositions de l’article 21 de la loi du 15 juin 2004,
respectivement une erreur manifeste commise par le Premier ministre au niveau de la
qualification des faits de la cause. Dans cet ordre d’idées, l’appelant reproche à la
décision querellée du 13 novembre 2013 d’avoir des effets disproportionnés par rapport à
la nature et à la gravité des faits mis en avant contre lui.
Plus particulièrement, il soutient que les faits lui reprochés ne constitueraient ni
une violation statutaire susceptible d’une sanction disciplinaire, ni ne seraient-ils
susceptibles d’une sanction pénale. De même, lesdits faits ne permettraient de dégager
aucun risque concret pour ce qui concerne l’un des intérêts mentionnés à l’article 3 de la
loi du 15 juin 2004, d’autant plus qu’ils se seraient déroulés entre 2007 et 2010 et qu’ils
n’auraient pas empêché qu’il s’est vu délivrer une habilitation provisoire le 22 mars 2011
et que, par ailleurs, le directeur du HCPN aurait demandé au directeur du SRE de
reconsidérer sa décision et d’émettre une habilitation de sécurité en attendant la décision
définitive du conseil de discipline. En réalité, il serait appelé à souffrir du fait d’un
ébranlement de confiance entre lui et la nouvelle direction du SRE qui chercherait à le
sanctionner par le truchement de la décision de refus d’habilitation sécurité.
Les premiers juges ont à bon escient insisté sur les spécificités de la mission du
juge administratif siégeant comme juge de l’annulation en la présente matière et non pas
comme juge de la réformation.
En effet, si le juge administratif appelé à statuer en réformation est appelé à
statuer en lieu et place de l’administration et à refaire son appréciation pour prendre une
nouvelle décision, tel n’est pas le rôle du juge administratif lorsqu’il est saisi d’un recours
en annulation. Dans ce dernier cas de figure, qui est celui de l’affaire sous examen, le
juge a certes le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits
matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis
sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision
n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou
pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (cf. Cour
adm. 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2015, V° Recours en annulation, n° 28 et
autres références y citées), mais il n'est pas, comme en matière de réformation, appelé à
refaire l'acte en substituant son appréciation à celle de l'auteur de la décision
administrative entreprise en ayant égard à des éléments d'opportunité autant que de
légalité, son pouvoir se confinant à contrôler si, eu égard à la situation en fait et en droit
ayant existé au moment où il a statué, l'auteur de la décision n'a pas commis une erreur en
droit et, dans la mesure où il dispose d'un pouvoir discrétionnaire, il n'est pas sorti de sa
marge d'appréciation (cf. Cour adm. 11 février 2014, n° 33597C du rôle, disponible sous
www.jurad.etat.lu).
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Cette délimitation légale particulière des pouvoirs du juge de l’annulation
conditionne nécessairement l’approche du juge administratif dans les présentes matière et
affaire.
Plus concrètement, en vertu des articles 15 et 21 de la loi du 15 juin 2004, l’octroi
de l’habilitation de sécurité est conditionné par le constat positif que l’intéressé présente
les garanties suffisantes y requises, cette question étant plus particulièrement à apprécier
en fonction du degré de sécurité des documents à l’accès desquels une habilitation de
sécurité est demandée, étant relevé qu’en l’espèce, le plus haut niveau de sécurité est
visé, de sorte que la question des garanties suffisantes est en l’espèce à apprécier avec
autant de sévérité.
Au regard de cet état des choses, comme ci-avant déjà relevé, il est clair que le
fait qu’à ce jour, l’appelant n’a pas été pénalement ou disciplinairement sanctionné n’est
pas de nature à le prévenir d’un refus d’habilitation de sécurité, la question déterminante
restant de savoir si l’enquête de sécurité a révélé ou non des circonstances de fait de
nature à permettre une mise en doute raisonnable de ce que l’intéressé présente les
garanties suffisantes quant à sa discrétion, sa loyauté et son intégrité.
Ceci dit, il convient de prime abord de retenir que le reproche de l’appelant d’un
manque d’impartialité et d’intégrité au niveau de la direction du SRE ou des enquêteurs
reste, à défaut de fourniture d’indices probants concrets y relativement, à l’état de simple
allégation.
Ensuite, si l’appelant est à suivre théoriquement en ce qu’il soutient qu’une
simple rupture de la relation de confiance entre la nouvelle direction du SRE et lui-même,
non autrement circonstanciée, ne saurait à elle seule légalement justifier le refus d’une
habilitation de sécurité à son égard, tout comme de simples interrogations ou doutes, non
autrement circonstanciés, ne sauraient le justifier, force est à la Cour de constater qu’en
l’occurrence, la décision du Premier ministre du 13 novembre 2013 se fonde sur un
certain nombre de faits précis et concrets dans le chef de l’appelant que les enquêtes de
sécurité et de l’instruction disciplinaire menées à son encontre ont fait révéler.
Or, indépendamment d’une éventuelle qualification pénale ou disciplinaire, il
appert que ces faits, en rapport avec le comportement de Monsieur ... dans le cadre de
l’achat de voitures auprès d’un fournisseur du SRE et son comportement affiché à l’égard
des représentants de celui-ci, mis en avant par le Premier ministre dans sa décision du 13
novembre 2013, dont le libellé est repris ci-avant, et documentés par les rapports de
l’instruction disciplinaire et de l’enquête de sécurité produits en cause, sont effectivement
de nature à remettre en cause les garanties requises par les articles 15 et 21 de la loi du 15
juin 2004 au niveau de la discrétion, de la loyauté et de l’intégrité de Monsieur ..., compte
tenu du degré de confidentialité des documents à l’accès desquels l’habilitation de
sécurité est demandée. Il est vrai, mais non pertinent, que les faits en question ne touchent
pas directement à la sécurité du Grand-Duché de Luxembourg, à ses relations
internationales ou encore au potentiel scientifique ou économique du pays, dès lors que
lesdits faits sont, plus généralement, vu notamment le contexte général dans lequel cette
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affaire s’inscrit, de nature à placer Monsieur ... dans un état de vulnérabilité au regard de
pressions et à le discréditer moralement.
L’analyse du Premier ministre, menée sur base des éléments d’appréciation lui
soumis, se meut donc dans les limites du cadre qui lui est légalement tracé, de même que
dans celles de son pouvoir d’appréciation et elle n’appert pas être disproportionnée. – Ce
constat n’est ébranlé ni par le fait que Monsieur ... a pu bénéficier d’une habilitation
provisoire en 2011, d’autant plus que la décision ministérielle intervient sur base des
éléments d’information issus seulement de l’instruction disciplinaire diligentée par après,
ni par la circonstance de l’intervention en faveur de l’appelant du directeur du HCPN.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours n’est pas non
plus fondé par rapport au jugement entrepris du 22 juillet 2015.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de
procédure de 1.250.- €, pour la première instance, et de 1.250.- €, pour l’instance d’appel,
telle que formulée par l’appelant est encore à rejeter.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel est à
rejeter dans toutes ses branches comme n’étant pas fondé et que les deux jugements
entrepris sont à confirmer dans toute leur teneur.
Par ces motifs,
la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme les jugements entrepris des 3 juin et 22 juillet 2015;
rejette comme étant non fondée la demande en allocation d’une indemnité de
procédure d’un import de 1.250.- € pour chacune des deux instances, telle que formulée
par l’appelant;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président,
Serge SCHROEDER, premier conseiller,
Martine GILLARDIN, conseiller,
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et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des
audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour
Anne-Marie WILTZIUS.
s. WILTZIUS s. CAMPILL
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 22 novembre 2016
Le greffier en chef de la Cour administrative