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COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE-1° SECTION ARRET DU 12 JANVIER 2016 APPELANTE : d'une ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2014 par le président du tribunal de commerce de REIMS, Société COOPERATIVE SELECTOUR AFAT [...] [...] COMPARANT, concluant par Maître Jean-françois MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître Alain BEHR , avocat au barreau de NANCY. INTIMEE : SARL MEDIANE VOYAGES [...] [...] COMPARANT, concluant par la SELARL ROFFI, avocats au barreau de REIMS. PARTIE INTERVENANTE: SCP ISABELLE TIRMANT - BRUNO RAULET La SCP Isabelle TIRMANT - Bruno RAULET, Mandataires Judiciaires, est représentée par Maître Bruno RAULET, et intervient volontairement à l'instance es qualité à la procédure de sauvegarde de la Société MEDIANE VOYAGES, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de REIMS du 18 novembre 2015

COUR D'APPEL DE REIMS ARRET DU 12 JANVIER … · d'une ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2014 par le président du tribunal de commerce de ... intervenant volontaire,

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COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 12 JANVIER 2016

APPELANTE :

d'une ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2014 par le président du tribunal de commerce de

REIMS,

Société COOPERATIVE SELECTOUR AFAT

[...]

[...]

COMPARANT, concluant par Maître Jean-françois MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS et ayant pour

conseil Maître Alain BEHR , avocat au barreau de NANCY.

INTIMEE :

SARL MEDIANE VOYAGES

[...]

[...]

COMPARANT, concluant par la SELARL ROFFI, avocats au barreau de REIMS.

PARTIE INTERVENANTE:

SCP ISABELLE TIRMANT - BRUNO RAULET La SCP Isabelle TIRMANT - Bruno RAULET, Mandataires

Judiciaires, est représentée par Maître Bruno RAULET, et intervient volontairement à l'instance es qualité à

la procédure de sauvegarde de la Société MEDIANE VOYAGES, désigné à cette fonction par jugement du

Tribunal de commerce de REIMS du 18 novembre 2015

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[...]

[...],

COMPARANT, concluant par la SELARL ROFFI, avocats au barreau de REIMS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame MAILLARD, président de chambre, entendue en son rapport

Madame SIMON-ROSSENTHAL, conseiller

Madame MAUSSIRE, conseiller

GREFFIER :

Monsieur SAMYCHETTY, Adjoint administratif, faisant fonction de greffier, lors des débats et Monsieur

HOSTEINS, Greffier, lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 03 novembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 janvier 2016,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2016 et signé par madame

MAILLARD, président de chambre, et Monsieur HOSTEINS, Greffier, auquel la minute a été remise par le

magistrat signataire.

******

La société Médiane Voyages bénéficie depuis le 20 février 1996, d'un contrat de point de vente souscrit

auprès de la SA Selectour Afat, qui est une société coopérative constituée par un réseau d'agences

indépendantes ayant pour objet de permettre à ses adhérents d'améliorer par leurs efforts communs les

conditions dans lesquelles ils exercent leurs activités commerciales. Elle détient le contrôle de la société

Selectour Afat Entreprise qui possède et organise l'ensemble des moyens matériels et humains nécessaires

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à la mise en oeuvre de la politique de développement et d'animation du réseau décidée par la coopérative.

Parmi ses services, figure le processus de centralisation de règlement des fournisseurs permettant aux

agences de voyage adhérentes de bénéficier, lors de la commande d'un séjour auprès d'un fournisseur, du

règlement du fournisseur par Selectour Afat qui se fait ensuite payer par l'agence de voyage.

Par jugement du tribunal de commerce de Reims en date du 18 novembre 2014, la société Médiane

Voyages a été placée sous sauvegarde.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 2 décembre 2014, la société Selectour Afat l'a

avisée du fait que certaines prestations offertes par la société Selectour Afat Entreprise seraient suspendues

et notamment les prestations de référencement sur leur site internet, de centralisation des paiements, que

les créances des fournisseurs seraient immédiatement exigibles et que tous les paiements devront être

assurés aux échéances convenues.

La société Médiane Voyages a alors répondu que le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde

emportait de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement avant ce jugement et qu'elle

entendait poursuivre le contrat en cours.

La société Selectour Afat a toutefois maintenu sa position et a notifié à la société Médiane Voyages un

courrier confirmant sa suspension du réseau et les conséquences qui en découlaient.

Par acte du 12 décembre 2014, la société Médiane Voyages a saisi le juge des référés du tribunal de

commerce de Reims, sur le fondement des dispositions de l'article L 622-13 du code de commerce, aux fins

de faire constater que la résiliation du contrat cause un trouble manifestement illicite car elle est contraire

aux dispositions d'ordre public du code de commerce sur la sauvegarde et lui cause un dommage imminent.

La société Selectour Afat a soulevé l'exception d'incompétence territoriale, a conclu au rejet de la demande

et à l'existence d'une contestation sérieuse en réclamant paiement d'une indemnité de procédure.

Par ordonnance de référé du 24 décembre 2014, le président du tribunal de commerce de Reims s'est

déclaré compétent pour statuer sur le litige, a ordonné à la société Coopérative Selectour Afat d'annuler la

résiliation du contrat la liant à la société Médiane Voyages notifiée par lettre recommandée avec avis de

réception du 4 décembre 2014, ordonné à la société Coopérative Selectour Afat de continuer le contrat

d'agence qui la lie à la société Médiane Voyages, condamné la société Coopérative Selectour Afat à verser

à la société Médiane Voyages la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du

code de procédure civile et aux entiers dépens et rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des

parties.

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Il a relevé que la suspension des relations commerciales était contraire aux dispositions du code de

commerce, qu'il s'agit d'un trouble manifestement illicite, que les sommes réclamées sont antérieures au

jugement de sauvegarde et qu'il convient d'ordonner la continuation du contrat.

La société Selectour Afat a interjeté appel.

Par conclusions du 9 octobre 2015, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du juge des référés du

tribunal de commerce de Reims en date du 24 décembre 2014, de constater que la décision de suspendre la

prestation de centralisation des paiements des fournisseurs et d'accès au référencement sur le site

informatique de Selectour ne constitue pas un trouble manifestement illicite, de constater qu'il n'y a aucune

résiliation de contrat entre la société coopérative Selectour Afat et la société Médiane Voyages, que le

facteur déclenchant de l'existence des créances de Selectour Afat sur Médiane Voyages est constitué par le

pré paiement de la facture du fournisseur, que les créances réclamées sont postérieures à l'ouverture de la

procédure collective, de débouter la société Médiane Voyages de l'ensemble de ses demandes en la

condamnant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à

payer les entiers dépens

Elle explique que le contrat liant les deux sociétés n'a pas été résilié, que la seule décision prise a été de

suspendre l'accès de la société Médiane Voyages aux prestations de centralisation des paiements et de

référencement sur le site internet, ce qui n'empêche pas la société Médiane Voyages d'exercer son activité

et que les créances réclamées sont postérieures à l'ouverture de la procédure collective car la naissance de

la créance doit se situer au moment de son fait générateur.

Par conclusions du 13 mai 2015, la société Médiane Voyages et la SCP Tirmant Raulet ès qualités de

mandataire judiciaire intervenant volontairement demandent à la cour de constater qu'il existe bien un

contrat entre la société Médiane Voyages et la société Selectour Afat, qu'il a été résilié par cette dernière,

que cette résiliation cause un trouble manifestement illicite dans la mesure où elle viole les dispositions

d'ordre public de la loi sur la procédure de sauvegarde et qu'elle a pour conséquence un dommage imminent

pour la société Médiane Voyages, de débouter en conséquence la société coopérative Selectour Afat de son

appel, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2014 par le

juge des référés du tribunal de commerce de Reims, de déclarer recevables et bien fondés la Société

Médiane Voyages et Maître Raulet, intervenant volontaire, en leur appel incident, de dire et juger que

l'obligation pour la Société Coopérative Selectour Afat de continuer le contrat d'agence qui la lie à la Société

Médiane Voyages sera assortie d'une astreinte de 2000 euros par jour à compter de la signification de

l'ordonnance rendue le 24 novembre 2014, de condamner la société coopérative Sélectour Afat au paiement

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de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers

dépens.

Ils exposent que la Société Selectour Afat a résilié le contrat la liant à la Société Médiane Voyages, que

cette résiliation constitue un trouble manifestement illicite pour la Société Médiane Voyages puisqu'elle ne

respecte pas les dispositions du code de commerce et qu'elle n'est plus en mesure d'exploiter son agence.

Sur ce, la cour :

La cour constate qu'aucune des parties ne critique la décision déférée en tant qu'elle a statué sur la

compétence territoriale du président du tribunal de commerce. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée

sur ce point.

Par application de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut dans

les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en

référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage

imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans tous les cas où l'obligation n'est pas

sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une

obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En sa qualité d'adhérente à la société Selectour Afat la société Mediane Voyages bénéficie des prestations

assurées par la société Selectour Afat et notamment de la centralisation de règlement des fournisseurs, soit

du règlement des factures dues à ses fournisseurs qu'il lui appartient par la suite de rembourser.

La procédure de sauvegarde de la société Mediane Voyages a été ouverte le 18 novembre 2014.

L'examen de la lettre adressée par la société Selectour Afat à la société Mediane Voyages le 2 décembre

2014 révèle que l'appelante a accusé réception d'une lettre recommandée de l'intimée l'informant de

l'ouverture de la procédure de sauvegarde et a poursuivi en ces termes :

"Nous vous informons qu'après le prononcé de la procédure de sauvegarde, dans la mesure où la société

Mediane Voyages poursuit son activité elle doit régler ses dettes au comptant.

Ainsi tous les paiements dus à compter du 18 novembre 2014 devront être assurés par vos soins aux

échéances convenues.

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La constatation d'un impayé à l'égard du Groupement entraînerait, conformément à l'article 2 du règlement

intérieur, la suspension immédiate de votre agence du réseau.

Cette suspension fait perdre toutes les prestations de référencement, de centralisation des paiements et des

rétrocessions visées au titre III du règlement intérieur. Elle entraîne en outre l'exigibilité immédiate de toutes

les créances des fournisseurs et de celles du groupement sur votre agence".

La société Mediane Voyages a dans sa réponse invoqué les dispositions de l'article L 622-7 alinéa 1er du

code de commerce, prescrivant en cas d'ouverture d'une procédure collective, l'interdiction de plein droit de

payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture.

Par lettre recommandée du 4 décembre 2014 la société Selectour Afat a néanmoins notifié à la société

Mediane Voyages la suspension de la garantie des paiements avec effet immédiat en constatant que le

groupement a, le 2 décembre 2014 enregistré un impayé de 13 919,69 euros qui n'a pas été régularisé et

qu'elle a le 4 décembre constaté un nouvel impayé de 11 325,61 euros.

Par application de l'article L 622-13 I du code de commerce, applicable en cas d'ouverture d'une procédure

de sauvegarde, "nonobstant toute disposition légale ou clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation

ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de

sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur

d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit

au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation

promise au cocontractant du débiteur.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant sauf

pour l'administrateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement".

La société Selectour Afat soutient qu'elle n'a rompu aucun contrat et qu'il n'existe pas de trouble

manifestement illicite mais admet qu'elle a suspendu l'accès de la société Mediane Voyages aux prestations

de centralisation des paiements et du référencement sur le site internet en raison de sa défaillance

financière postérieure à l'ouverture de la procédure collective. Il est donc établi qu'elle a dés le 4 décembre

2014 privé la société Mediane Voyages de prestations qui lui étaient

préalablement fournies et qui sont de nature à faciliter l'exploitation de son fonds de commerce en se

prévalant des dispositions des articles 2-1, 15-3 et 15-4 du règlement intérieur du groupement.

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La société Mediane Voyages conteste la nature des créances dont a fait état la société Selectour Afat le 2

décembre 2014 pour un montant de 13 919,69 euros payé au fournisseur le 20 novembre 2014 et le 4

décembre 2014 pour un montant de 11 325,61 euros payé au fournisseur le 29 novembre 2014, mais

correspondant à des dates de départ antérieures au 18 novembre 2014.

Par courrier recommandé de son conseil daté du 18 décembre 2014 elle a fait observer à la société

Selectour Afat qu'elle avait indûment encaissé ou prélevé des créances antérieures à l'ouverture de la

procédure de sauvegarde pour un montant de 23 860,83 euros et a présenté un décompte des montants dus

postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde et les a pour partie compensés avec les

montants prélevés par l'appelante.

Au vu de ces éléments et des contestations sérieuses émises sur la nature de créances antérieures des

sommes restées impayées les 2 et 4 décembre 2014 qui ont d'ailleurs été déclarées au passif de la société

Mediane Voyages par la société Selectour Afat (pièce numéro 8 de l'intimée) l'appelante n'est pas fondée à

se prévaloir du défaut de paiement de ses créances pour suspendre les prestations de référencement, de

centralisation des paiements et des rétrocessions visées au titre III du règlement intérieur du groupement

alors que la société que la société Mediane Voyages fait l'objet d'une mesure de sauvegarde.

Le premier juge a à juste titre ordonné la mesure de remise en état qui s'impose pour éviter un dommage

imminent. Il n'y a pas lieu d'assortir la mesure ordonnée d'une astreinte. L'ordonnance déférée sera donc

confirmée en toutes ses dispositions.

La société Selectour Afat qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance d'appel et ses frais

irrépétibles et paiera à la société Mediane Voyages la somme de 1 500 euros en application de l'article 700

du code de procédure civile.

Par ces motifs :

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 24 décembre 2014 par le président du

tribunal de commerce de Reims ;

et y ajoutant ;

Déboute la société Selectour Afat de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

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Condamne la société Selectour Afat à payer à la société Mediane Voyages la somme de 1 500 euros en

application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Selectour Afat aux entiers dépens de l'instance d'appel avec faculté de recouvrement

direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

Le Greffier, Le Président,