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16/01/14 Gmail - [courrier] Qu'est-ce qu'un psychanalyste ? https://mail.google.com/mail/u/0/?ui=2&ik=e0485e508d&view=pt&search=inbox&th=14392eb51401e68a 1/3 À l’attention de Madame Onkelinx, Vice-Première Ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique ; De Mesdames et Messieurs les parlementaires de la Commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la Société ; De l’opinion éclairée et de quiconque est concerné ou intéressé par la question. Qu’est-ce qu’un psychanalyste ? On ne peut faire de psychanalyse sans psychanalyste. Un analyste se forme auprès d’un analyste. Ce sont les analystes qui le nomment. Dans aucun pays au monde, il n’existe de diplôme de psychanalyste ! Ce n’est pas un hasard. Cela tient à son essence. On ne peut imaginer une formation de psychanalyste sur un modèle d’un cursus, d’une pédagogie, de standards. Cela ne permet pas de former un psychanalyste. La formation du psychanalyste est d’un autre ordre. C’est au-delà de la formation et tient à sa propre cure analytique. Cela ne peut être validé que dans un cadre associatif . Dans les pays où la psychanalyse est légalisée en tant que psychothérapie, elle n’existe plus en tant que telle. Dans les dictatures, elle est interdite. Voilà clairement pourquoi, en raison, ci-après. Yves Vanderveken Le 14 janvier 2014 Pour le Forum des Psychanalystes Jacques-Alain Miller Psychanalyste. Fondateur de l’Association mondiale de Psychanalyse. Établit l’ensemble de l’œuvre orale et écrite de Jacques Lacan. Extrait de l’émission Histoire de… Psychanalyse, diffusée sur France Culture, le 24/06/2005. Transcris et diffusé avec l’autorisation de Jacques-Alain Miller. « Mais justement, comment trouver un analyste ? L’analyste voilà la catégorie qui intéresse, puisqu’on ne peut faire de psychanalyse sans un psychanalyste. Freud lui-même ne fait pas exception à la règle. L’épisode est bien connu. Tout le temps où il analysait passionnément ses rêves et où il se laissait enseigner par ses premiers patients, qui étaient d’ailleurs surtout des patientes, il était en correspondance étroite avec un ami, à qui il se confiait. Et cet ami en effet avait déjà pour lui la fonction d’un analyste, sans qu’aucun des deux ne le sache. Toute cette histoire de psychanalyse est venue de là. Un analyste se forme auprès d’un analyste. Les analystes forment les analystes. Ils les nomment et ils les agrègent dans leurs associations. Et oui, cela se passe entre eux ! C’est comme ça depuis maintenant un siècle. Il n’y a pas à sortir de là ! Dans aucun pays au monde, il n’existe de diplôme de psychanalyse. Il ne s’agit pas d’un hasard, ni d’un oubli. Cela tient à l’essence même de ce qu’est la psychanalyse.

Courrier de Yves Vanderveken à Onkelinx - Qu'est-ce qu'un psychanalyste?

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16/01/14 Gmail - [courrier] Qu'est-ce qu'un psychanalyste ?

https://mail.google.com/mail/u/0/?ui=2&ik=e0485e508d&view=pt&search=inbox&th=14392eb51401e68a 1/3

À l’attention de

Madame Onkelinx, Vice-Première Ministre et Ministre des Affaires sociales et de la

Santé publique ;

De Mesdames et Messieurs les parlementaires de laCommission de la Santé publique,de l'Environnement et du Renouveau de la Société ;

De l’opinion éclairée et de quiconque est concerné ou intéressé par la question.

Qu’est-ce qu’un psychanalyste ?On ne peut faire de psychanalyse sans psychanalyste. Un analyste se forme auprès d’un analyste. Cesont les analystes qui le nomment.Dans aucun pays au monde, il n’existe de diplôme de psychanalyste ! Ce n’est pas un hasard. Celatient à son essence. On ne peut imaginer une formation de psychanalyste sur un modèle d’un cursus,d’une pédagogie, de standards. Cela ne permet pas de former un psychanalyste. La formation dupsychanalyste est d’un autre ordre. C’est au-delà de la formation et tient à sa propre cure analytique.Cela ne peut être validé que dans un cadre associatif .Dans les pays où la psychanalyse est légalisée en tant que psychothérapie, elle n’existe plus en tantque telle. Dans les dictatures, elle est interdite.Voilà clairement pourquoi, en raison, ci-après.

Yves VandervekenLe 14 janvier 2014

Pour le Forum des Psychanalystes

Jacques-Alain MillerPsychanalyste. Fondateur de l’Association mondiale de Psychanalyse.Établit l’ensemble de l’œuvre orale et écrite de Jacques Lacan.Extrait de l’émission Histoire de… Psychanalyse, diffusée sur France Culture, le24/06/2005.Transcris et diffusé avec l’autorisation de Jacques-Alain Miller.

« Mais justement, comment trouver un analyste ? L’analyste voilà la catégorie qui intéresse,puisqu’on ne peut faire de psychanalyse sans un psychanalyste. Freud lui-même ne fait pasexception à la règle. L’épisode est bien connu. Tout le temps où il analysait passionnément sesrêves et où il se laissait enseigner par ses premiers patients, qui étaient d’ailleurs surtout despatientes, il était en correspondance étroite avec un ami, à qui il se confiait. Et cet ami en effetavait déjà pour lui la fonction d’un analyste, sans qu’aucun des deux ne le sache. Toute cettehistoire de psychanalyse est venue de là. Un analyste se forme auprès d’un analyste. Les analystes forment les analystes. Ils lesnomment et ils les agrègent dans leurs associations. Et oui, cela se passe entre eux ! C’estcomme ça depuis maintenant un siècle. Il n’y a pas à sortir de là ! Dans aucun pays au monde, iln’existe de diplôme de psychanalyse. Il ne s’agit pas d’un hasard, ni d’un oubli. Cela tient àl’essence même de ce qu’est la psychanalyse.

16/01/14 Gmail - [courrier] Qu'est-ce qu'un psychanalyste ?

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Peut-on imaginer un examen universitaire qui jugerait la capacité à être psychanalyste ? Enquoi pourrait-il bien consister ? Bien entendu, on ne peut pas analyser quelqu’un en public.L’exercice de la psychanalyse est réservé à la confidence la plus intime, à la confiance quequelqu’un accorde à un analyste. Personne d’autre ne saurait s’immiscer dans cette relation,sans qu’elle ne soit altérée, et en fait dissoute. Peut-on imaginer que les interprétations del’analyste soient recueillies et constituent un matériel d’examen ? Ce serait absurde etpersonne ne s’y est essayé. Ce que dit l’analyste ne vaut que dans la relation de parole que j’ai décrite. Une interprétationanalytique n’est pas convaincante en elle-même. Ce qui compte n’est pas son contenu, sasignification abstraite. Mais sa fonction dans l’instant où elle est proférée et les effetsimprévisibles qu’elle suscite chez celui qui la reçoit et dans le contexte même de cette relation ànulle autre pareille. La qualité du psychanalyste ne peut pas être attestée par un examen public. Elle peutseulement être garantie après-coup sur la base de la régularité de sa pratique et dans un cadrequi est associatif. C’est-à-dire dans une sorte de huis-clos où s’enferment de petitescommunautés de travail. Ce sont autant de villages où tout le monde se connaît, et où les cas,comme on dit, sont contrôlés, discutés, critiqués. Ce travail interne, de toute nécessité, doitrester opaque au public en général pour protéger la confidence, sans laquelle il n’y a plus depsychanalyse. Lacan raconte qu’un jour un de ses collègues lui fit ce compliment : « Vous êtes unpsychanalyste-né ! » C’était un hommage. Pourtant, Lacan le déclina poliment. Sans doute peut-on avoir plus de disposition pour tenir cette place. Une certaine distance avec l’idéal, avec cequi est reconnu, admis, figé, bien identifié. On constate plutôt chez les analystes une proximité,une affinité, une sympathie avec ce qui est exclu ou raté, voire paumé. On trouve chez eux,disait Lacan, une marque : celle du rebut. À l’envers de l’idéal. Mais il n’empêche, il n’y a pas depsychanalyste-né ! Pour faire au moins ce point d’histoire, dès 1910, on recommanda à l’analyste de s’analyser.Pour qu’il ait lui-même l’expérience des phénomènes que son patient aurait à connaître. Unpeu si l’on veut comme Pasteur s’inoculant la rage, si j’ose dire. Puis, avoir été analysé devintune condition sine qua non pour être analyste. Enfin Lacan vint qui définit le psychanalystecomme le résultat de sa propre analyse. On est analyste quand on a trouvé par son analyse lasortie hors de ses propres impasses. Au moins, c’est l’idée. D’où ce nom, la passe, que j’ai déjà prononcé ici et qui désigne une pratique jusqu’alors inéditedans la psychanalyse. Un analysant, dans le moment-même où il s’autorise de l’analyse qu’il afaite pour commencer de pratiquer à son tour l’analyse peut, s’il le désire, livrer son cas et sesraisons à des congénères choisis par une association. Ceux-ci font sur son témoignage untravail aussi minutieux que discret. Ils doivent authentifier quoi ? Que ses symptômes ont bienété déchiffrés. Que ses fantasmes, voire ce qu’on appelle son fantasme fondamental, ont étépercés à jour. Que son désir et sa jouissance à lui ne vont plus interférer dans sa pratique,dans son écoute et dans ses interprétations. C’est la condition pour qu’il puisse analyser defaçon authentique. C’est alors une contribution originale au dossier infini de la question Qu’est-ce qu’un analyste ? Personne ne peut dire ce que serait Le psychanalyste en tant que tel. Lepsychanalyste n’existe pas ! Il n’y a pas d’essence du psychanalyste. Il y a des analystes quiadviennent un par un, par des voies qui sont particulières à chacun, et par une analyse dont latrajectoire est toujours imprévisible.

16/01/14 Gmail - [courrier] Qu'est-ce qu'un psychanalyste ?

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Si un analyste, c’est essentiellement quelqu’un qui a été analysé jusqu’au bout, alors laformation analytique c’est avant tout la cure analytique elle-même. C’est le sens de la boutadede Lacan : « Il n’y pas de formation analytique, il n’y a que des formations de l’inconscient ». Former quelqu’un ce serait le soumettre à un idéal et lui imposer une identification. Dès lorsque la cure analytique est un processus de désidéalisation et de désidentification, le nom deformation ne convient plus vraiment. De fait, l’École de Lacan n’organisa jamais rien quiressembla à un cursus. Lacan voulait des analystes qui fussent aussi des savants, mais quisachent mettre entre parenthèses compétences et connaissances pour accueillir ce qu’il y ad’original, d’inouï dans chaque cas nouveau. C’est ce que résume la formule : savoir ignorer cequ’on sait. L’École est précisément le lieu géométrique où convergent tous ces paradoxes. C’estun lieu de savoir, mais ordonné à un non-savoir car, là, personne ne prétend détenir le savoirde ce que c’est que l’analyste. Ce savoir, il faut à la fois le chercher et le construire, l’inventeret, en définitive, ne pas s’en satisfaire. Donc, pas de cursus, pas d’itinéraire standard, pas de forme idéale, pas de pédagogie, pas demaitrise, mais l’immersion dans un milieu qui est toujours agité par le défaut de savoir – ce quiplus lui importe. À chacun de nager comme il peut, à chacun son système D. Ce n’est plus uneformation. C’est au-delà de la formation. C’est un mode de vie ! Pour constituer un tel milieu, il faut le nombre, la pluralité des publications, la multiplicationdes échanges. L’École de Lacan dans ce qu’elle eut de meilleur fut ainsi. »