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COURS TERMINALES La morale : entre bonheur et devoir PROBLÉMATIQUE DU COURS Si la morale réfléchit sur l’action pour lui donner des règles, il est problématique que ces règles semblent toujours venir du passé ou de l’extérieur même de l’action. Ne peut-on penser une morale qui soit mienne, ou du moins qui tienne compte des conditions concrètes de mon agir ? Par ailleurs, cette régulation est-elle un devoir ou un moyen du bonheur ? PLAN DU COURS I. Qu’est-ce que la morale II. Différentes théories morales : « faire son devoir » III. Que vaut la formule : « A chacun sa morale » ? (corrigé de dissertation) AUTEURS ABORDÉS Ruwen Ogien, Kant, Aristote, Hume. REPÈRES Fait-valeur, transcendance-immanence DÉFINITION MORALE 1) Théorie ou doctrine de l’action humaine qui tente d’établir de façon normative la valeur des conduites et de prescrire les règles de conduite qu’il convient dès lors de respecter. Elle décrit la manière dont les hommes agissent et dit aussi comment les hommes devraient agir. 2) Chez Kant théorie de l’obligation, ou théorie du devoir conçu comme inconditionnel et universel. 3) Ensemble de règles de normes et de valeurs propres à une société donnée. La morale en ce sens assure une fonction de cohésion et d’ordre. DEVOIR De debere : être détiteur envers quelqu’un. 1) le fait d’avoir à faire quelque chose. 2) Concept kantien : nécessité d’accomplir l’action par pur respect pour la loi morale, « je dois parce que je dois ». Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / La morale

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COURS TERMINALES

La morale : entre bonheur et devoir

PROBLÉMATIQUE DU COURSSi la morale réfléchit sur l’action pour lui donner des règles, il est problématique que ces règles semblent toujours venir du passé ou de l’extérieur même de l’action. Ne peut-on penser une morale qui soit mienne, ou du moins qui tienne compte des conditions concrètes de mon agir ? Par ailleurs, cette régulation est-elle un devoir ou un moyen du bonheur ?

PLAN DU COURSI. Qu’est-ce que la moraleII. Différentes théories morales : « faire son devoir »III. Que vaut la formule : « A chacun sa morale » ? (corrigé de dissertation)

AUTEURS ABORDÉSRuwen Ogien, Kant, Aristote, Hume.

REPÈRESFait-valeur, transcendance-immanence

DÉFINITIONMORALE

1) Théorie ou doctrine de l’action humaine qui tente d’établir de façon normative la valeur des conduites et de prescrire les règles de conduite qu’il convient dès lors de respecter. Elle décrit la manière dont les hommes agissent et dit aussi comment les hommes devraient agir.

2) Chez Kant théorie de l’obligation, ou théorie du devoir conçu comme inconditionnel et universel.

3) Ensemble de règles de normes et de valeurs propres à une société donnée. La morale en ce sens assure une fonction de cohésion et d’ordre.

DEVOIRDe debere : être détiteur envers quelqu’un.

1) le fait d’avoir à faire quelque chose.2) Concept kantien : nécessité d’accomplir l’action par pur respect pour la loi

morale, « je dois parce que je dois ».

BONHEURDu latin bonum augurum : chance, bonne fortune.

1) Etat de satisfaction complète, caractérisé par sa plénitude et sa stabilité.2) Selon les philosophes

Aristote : le bonheur est la réussite de l’activité, or la plus élevée et celle de l’intelligence : penser vrai est donc le plus grand bonheur.Stoïciens : disposition de l’âme de celui qui vit selon la nature.Kant : l’état dans le monde d’un être raisonnable à qui dans le cours de l’existence tout arrive selon son souhait ou sa volonté.

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INTRODUCTION

Savoir ce que nous devons faire implique une réflexion mêlant morale, devoir et bonheur. Tout homme se pose cette question. Nos propres actions sont même souvent les premiers objets de nos attentions (avant de réfléchir à la connaissance d’ailleurs). L’homme est un être libre et il peut choisir ses actions. C’est là sa différence avec le monde animal, naturel ou divin. La condition d’un être naturel ne laisse aucune place à la notion de devoir (une branche tombant et tuant une personne n’est ni coupable ni innocente, elle n’est pas responsable de son action ; quant à Dieu, il est parfait, et ne pourrait être autrement qu’il n’est, donc il n’est pas vraiment libre).

La condition humaine se caractérise par une capacité à décider et à choisir d’elle-même ce qu’elle doit être. La morale pose donc plusieurs problèmes :Le problème du devoir :Que dois-je faire pour faire le bien ?  Le problème de la liberté :Comment utiliser ma liberté au mieux ? Quelles limites dois-je donner à ma liberté ?

 Le problème du bonheur : Comment par mon action atteindre au bonheur ?

 Que dois-je faire ?Accroche : « La morale est une faiblesse de la cervelle » écrit Rimbaud dans une lettre du début des années 1870. Il revendique par cette formule une critique de la morale. Elle est une stupidité, une illusion dont il faut se débarrasser. La morale a été désacralisée à la fin du XIXe siècle et pendant le XXe siècle, et pourtant les questions d’éthique et de morale sont de nouveau présentes, avec les questions de bioéthiques, soulevées par les progrès des biotechnologies.  Problématisation : D’une manière globale, la morale désigne la sphère des valeurs et le discours sur les valeurs. Elle désigne alors une théorie de l’obligation, de la loi et du devoir, conçue comme inconditionnelle et universelle (la morale vaut pour tous les hommes). C’est pourquoi la morale est essentiellement normative (elle donne des règles). Dans une dimension philosophique, elle peut être une doctrine du bien et du mal, de règles inconditionnellement valables. Dans un aspect social, elle renvoie aux règles d’une société donnée. La morale est un ensemble d’idées et de sentiments qui obligent intérieurement un sujet humain à respecter des valeurs sous peine de honte ou de remords de conscience.

Le mot « devoir » a une ambiguïté en français : les réalités naturelles doivent suivre les lois de la nature, c'est-à-dire qu’elles sont soumises à une nécessité. Mais dire qu’on doit respecter autrui fait appel à un tout autre sens : on a le pouvoir de ne pas le faire, même si nous n’en avons pas le droit. Le « tu dois » est une expérience fondamentale de la conscience. Nous nous sentons parfois tenus de faire notre devoir. Il est une obligation morale alors, qui dépasse notre intérêt particulier, pour aller vers un intérêt général qui englobe l’humanité entière, ou le groupe auquel j’appartiens. Il faut donc comprendre l’origine du devoir, et savoir grâce à la morale ce que nous devons faire. Qu’est-ce qui nous

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oblige et comment ? La morale est toujours obligation (et non une contrainte) car elle résulte de notre liberté.  

I. Qu’est-ce que la morale

A. Ethique et morale 

1) Deux termes, un ou deux objets ?La morale désigne la sphère des valeurs (le bien/le mal ; le juste/l’injuste…). D’une manière générale, il n’y a pas de différence à faire avec l’éthique. Les deux termes désignent ce champ particulier qui nous dit « ce qu’il faut faire ». Etymologiquement, ces deux mots renvoient bien au même objet : ethos en grec, sphère des mœurs et des façons de vivre, mos(mores au pluriel) qui en est la traduction latine. Dans les deux cas, on renvoie aux jugements évaluatifs sur ce que l’on doit faire, sur la manière dont il faut concevoir une vie bonne. Comment vivre pour faire le bien, pour agir conformément au devoir ? Si on veut différencier les deux termes, on peut opérer cette distinction_. Le terme « éthique » est utilisé lorsqu’il s’agit pour le sujet moral de réfléchir avec autrui sur des valeurs communes et ce qu’elles impliquent. C’est pourquoi on parle généralement des questions éthiques dans notre monde (avortement, tests sur les embryons), et qui pousse généralement à une modification de la loi juridique.Le terme « morale » renvoie alors plutôt à la sphère des valeurs envisagée dans la perspective où la conscience se rapporte elle-même à ses propres valeurs, dans l’expérience du devoir ou de la recherche du bonheur. La morale oblige donc l’individu à se confronter avec lui-même, avec sa conscience.  

2) La morale est-elle périmée ?De nos jours, parler de morale semble faire vieux jeu. La morale semble faire référence à un système de principes et de valeurs contraignants et périmés dans notre monde actuel et son évolution permanente. La société individualiste dans laquelle nous vivons et dans laquelle l’affirmation de l’individu comme valeur tend à primer sur toute autre considération, a mis en question la sphère morale et éthique. La formule de Rimbaud, la philosophie de Nietzsche, celle de Sartre, sont des destructions et des critiques de la morale. Nietzsche pense la morale comme la « Circé_ de l’humanité », c'est-à-dire une séductrice perverse et morbide, qui fait miroiter des idéaux, des valeurs sublimes, issus d’un monde divin parfait, en discréditant notre monde. La morale est un refuge des contemplatifs, une tour d’ivoire pour les vieux sages, pour ceux qui veulent détruire la liberté des individus. C’est même l’idée de Sartre : la seule valeur c’est la liberté. La vie n’a que le sens que nous lui donnons. « La vie n’a pas de sens a priori. Avant que vous la viviez, la vie, elle, n’est rien, mais c’est à vous de lui donner un sens, et la valeur n’est pas autre chose que ce sens que vous choisissez ». On ne trouve plus dans nos écoles françaises de « leçons de morale », d’éducation à la morale (la partie du programme consacrée à la morale est même très courte en philo). Elle est devenue quelque chose de privé. Faut-il pourtant rejeter la morale ? N’est-il pas nécessaire de formuler des jugements moraux ? 

3) La nécessité de la morale

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Pourtant il est bien nécessaire d’évaluer nos actions, de savoir ce qu’il est bon de faire, et non pas seulement pour nous, mais pour les autres, que ce soit dans la perspective de remplir son devoir, ou d’atteindre le bonheur. L’homme en tant qu’être libre peut mesurer ses actions, les juger, et il doit le faire. Mais en tout homme, il se trouve bien des obstacles à la moralité, mais aussi des qualités qu’il peut leur opposer. L’effort moral de chacun consiste bien à s’auto-contraindre (donc librement) en réprimant notre tendance aux vices, au mal, selon des valeurs que nous reconnaissons et que nous partageons avec d’autres. Même dans une perspective individualiste, nous pouvons penser que la morale est nécessaire, puisqu’elle permet à l’individu de s’affirmer, de s’auto-discipliner pour atteindre le bonheur, pour respecter les autres, en tant qu’être humain, et peut-être même respecter la nature comme ayant des droits comme un être humain. La preuve de la nécessité de la morale se lit dans les interrogations nouvelles et les demandes de limites des individus (notamment sur les questions de bioéthiques).  B. Y a-t-il des vérités morales ? 

1) Description et prescriptionOn parle de discours normatif dans le domaine moral : « il ne faut pas mentir » nous donne une norme pour notre action, pour la mesurer (si je mens, et que je n’ai pas respecté la règle, je sais que j’ai fait le mal). Il se distingue du domaine descriptif de la science, qui dit seulement comment le monde est, sans donner de valeurs (cf. cours sur l’objectivité scientifique). De nombreux philosophes estiment pourtant qu’il n’y pas tant de différences entre les deux discours car ils seraient tous deux des discours rationnels. Nous aurions une raison pratique, c'est-à-dire qu’il suffirait d’interroger comme il faut notre raison pour savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Mais peut-on parvenir dans le domaine des valeurs à des énoncés objectifs ou scientifiques ? Les phrases comme « on ne doit pas voler » ne sont-elles pas l’expression de choix subjectifs ? Auquel cas, il n’y aurait jamais de vérités morales_. C’est l’idée de Hume. La raison ne peut pas être mobilisée pour exprimer des vérités d’ordre normatif ou prescriptif. D’ailleurs il n’y a pas de possibilités de vérification ou de falsification des énoncés moraux contrairement aux énoncés descriptifs de la science (c’est ce qu’exprime Wittgenstein : on ne peut pas voir dans le monde ce qu’il faut et ne faut pas faire, seulement ce qui est). Il y a donc une différence importante entre ce qui est et ce qui doit être.   « David Hume : « Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à l'égratignure de mon doigt »Pour le penseur écossais, la raison n'a aucun pouvoir sur nos passions, notamment sur l'égoïsme. Au risque de nous mener au chaos.Enfin un philosophe sincère », murmureront certains. Il fallait de la jeunesse et un peu de folie pour oser faire une telle déclaration d'amour à l'égoïsme. Du haut de ses 26 ans, en plein siècle des Lumières, l'Écossais David Hume n'a pas hésité. Est-ce par goût du paradoxe qu'il fait mine, dans son Traité de la nature humaine, de cautionner un individualisme porté à l'extrême, qu'il prétend préférer la destruction universelle à un léger désagrément ? Ou bien exprime-t-il cyniquement le sentiment de celui qui cherche en lui-même une raison d'agir vertueusement… et n'en trouve finalement aucune ? Quel soulagement alors de voir rompue la longue chaîne des philosophes sévères et moralisateurs !Si la raison elle-même nous engage à faire primer notre plaisir sur tout autre motif, nulle autre instance, a fortiori, ne saurait désormais nous reprocher d'agir

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au mépris de la morale. Vice et vertu n'ont plus à être distingués, et nous sommes libérés des pesanteurs du devoir. Le philosophe semble même aller plus loin : « La raison, affirme-t-il dans la suite de l'ouvrage, est et ne doit qu'être l'esclave des passions. » David Hume annoncerait l'anti-humanisme d'un Dostoïevski : « Que s'écroule l'univers pourvu que je boive toujours mon thé », affirmait le narrateur des Carnets du sous-sol. En réalité, même si Hume exprimera tout au long de sa vie les opinions les plus provocantes sur la religion, le suicide, l'identité personnelle ou les principes de la connaissance, au point de réveiller Kant de son sommeil dogmatique, cette formule ressortit davantage au constat qu'à l'incitation pousse-au-crime. Ouf ! Reste qu'elle ne perd rien de sa radicalité. Depuis ses origines, la philosophie confie à la raison la mission d'édicter les valeurs morales et de les faire respecter contre nos passions égoïstes. On suppose donc que la raison puisse influer sur nos passions. Or c'est précisément ce que conteste Hume. La raison n'est pas égoïste, elle n'a tout simplement aucun pouvoir sur la morale. Elle doit comprendre qu'elle est totalement impuissante à diriger ou même à régler notre conduite et nos passions. Son domaine d'intervention est le vrai et le faux, pas le bien et le mal. Le problème est d'imaginer une vie en communauté possible si chacun suit librement ses passions. Ce serait oublier que, si la raison ne peut s'opposer aux passions, une autre passion le peut. Pour nous qui sommes caractérisés à l'origine par l'amour de soi et une « générosité limitée » à nos proches, le rôle de l'art politique est de faire servir nos passions à la communauté. On peut donc envisager une vie à peu près harmonieuse avec ses semblables sans intervention directe de la raison sur les passions. Certains scientifiques contemporains semblent avancer dans le sillage de Hume. Dans Le Gène égoïste, le sociobiologiste Richard Dawkins suggère que les gènes utilisent les individus dans le cadre d'une lutte pour la reproduction et la sélection naturelle. Les comportements égoïstes, que le philosophe écossais considérait comme irréductibles dans la nature humaine, se retrouveraient aussi au niveau cellulaire ! Il ne serait pas contraire à la rationalité naturelle de préférer la destruction du génome humain à l'égratignure d'un de mes acides aminés. Décidément, Hume demeure un penseur dangereux. »_

2) Ethique de la discussion Faut-il alors aller jusqu’à dire que les énonces moraux sont irrationnels ? Abandonner à l’obscure la morale et l’éthique avec tous les risques que cela comporte ?Au début des années 80, Habermas et Karl-Otto Appel pense la spécificité de l’éthique. Il faut combattre à la fois le relativisme et le rationalisme moral. On ne peut pas dire que tous les jugements moraux se valent, mais on ne peut pas non plus affirmer que les jugements qu’on formule sont susceptibles d’une vérité absolue. Il s’agit donc de trouver un moyen d’évaluer les jugements moraux pour leur conférer une valeur de vérité. Contre le relativisme, il est bien possible de montrer que, dans le sens commun, les hommes se mettent d’accord sur certaines valeurs (cf. C. 2.) Habermas propose donc d’affirmer qu’il y a des vérités éthiques, mais qui ne sont pas du même ordre que les vérités scientifiques. Qu’on dise « la table est jaune » (énoncé descriptif), ou « il ne faut pas mentir, sauf dans certains cas » (énoncé normatif), il faut justifier ces énoncés par des raisons. Il s’agit donc de trouver l’équivalent de la méthode expérimentale pour la morale. Habermas s’appuie alors sur l’idée de Kant : les commandements moraux valides ont un caractère impersonnel et universel. Mon choix doit pouvoir être accepté par tous les hommes, mais après une discussion morale. Une norme morale ne peut prétendre à la validité que si toutes les personnes concernées participant à

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une discussion sont d’accord. L’éthique se fond donc sur une discussion argumentative qui fonde la validité d’une norme.  

3) Conscience morale et conscienceNous savons aujourd’hui que nous devons inventer nos valeurs. Ni la nature, ni dieux ne peuvent nous les fournir, et l’éthique de la discussion semble être une bonne solution pour remplacer les vérités morales pensées comme issues de Dieu dans les discours religieux. Il existe pourtant une autre idée. La morale ne relève peut-être pas de la raison, mais elle peut relever du sentiment, d’une évidence immédiate. Je sens ce qui est bien et mal. C’est l’idée de Rousseau : « Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience (...). Il ne faut pour cela que vous faire distinguer nos idées acquises de nos sentiments naturels ; car nous sentons avant de connaître ; et comme nous n’apprenons point à vouloir notre bien et à fuir notre mal, mais que nous tenons cette volonté de la nature, de même l’amour du bon et la haine du mauvais nous sont aussi naturels que l’amour de nous-mêmes. Les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments. (...) Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal ». Rousseau, L’Emile, Livre IV. Il y aurait alors une intuition morale. Mais il ne faut pas oublier que les valeurs qu’on se donne nous donnent une responsabilité. Le projet éthique s’enracine dans une expérience, celle de la responsabilité, à travers laquelle c’est bien moi qui m’éprouve et me pense comme auteur et acteur de mon acte. C’est dans un rapport aux autres, mais aussi dans un rapport à moi que se passe la morale. Les valeurs morales passent par la discussion avec les autres, mais je dois ensuite y adhérer, et les poser par ma liberté autonome.  C. La morale est-elle innée ?  

1) Morale et cerveauLes études sur les grands singes montrent qu’être bon et aider les autres sont des comportements profitables aux individus et au groupe social. Plus les singes s’entraident et veillent les uns sur les autres, mieux c’est pour la communauté. Nous retrouvons bien la même chose dans les comportements humains. Nous avons plaisir à faire attention aux membres du groupe, nous ne sommes pas constamment en lutte avec eux. Certes ils nous arrivent d’être faibles, sournois, égoïste, mais nous avons aussi un comportement naturel bon. Les récents travaux scientifiques sur le cerveau montrent même qu’il y aurait comme de la morale dans le cerveau, et que cela passe notamment par l’empathie, l’imitation des autres, et par les sentiments des autres. Un sourire nous récompense de notre bonne action, faire le bien nous met de bonne humeur, surtout quand on peut voir ou imaginer le résultat de notre action sur le visage de l’autre. Ce serait là le bénéfice des comportements altruistes. Mais avons-nous alors tous la même idée de la morale ? Peut-on définir des vérités morales ? 

2) Des tests pour trouver des vérités morales ?Faisons un test :Voici une situation_ : un wagon roule à toute vitesse sur des rails qui le conduisent directement vers un groupe de cinq ouvriers travaillant sur la voie. Vous êtes prêts de l’aiguillage et vous voyez arriver le wagon. Si vous actionnez l’aiguillage à droite, vous pouvez sauver la vie de cinq personnes. Le seul

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problème, c’est que si le wagon bifurque, il écrase un seul ouvrier qui travaille, mais un seul. Que choisissez-vous ?Une deuxième question : la situation est la même, un wagon fonce à toute vitesse sur le groupe d’ouvrier, mais vous êtes sur un pont qui domine la voie. Il y a vous et un gros bonhomme à côté de vous. Tout ce que vous pouvez faire, c’est faire basculer cet homme par-dessus le parapet, ce qui arrêterait le wagon. Le feriez-vous ? Ces questions sont celles d’un test psychologique, posé par Marc Hauser dans le monde entier à plus de trois cent mille personnes, de tous les continents, de tous les styles de vie, enfants, hommes, femmes, athées, croyants, etc. Ce qui est étonnant, c’est que toutes les réponses ont presque été identiques. Question 1 : les personnes manœuvrent l’aiguillage : sacrifier une personne pour en sauver cinq. Question 2 : seule une personne sur six se disait prête à pousser l’individu. Il faut bien noter que les situations sont pourtant identiques du point de vue du nombre de morts et de survivants. Mais il y a bien une différence puisque les réponses ne sont pas les mêmes. Accepter la mort d’un individu ou la provoquer n’est pas la même chose. Participer de façon active à la mort d’une personne donne le sentiment de commettre un meurtre. Dans l’autre cas, c’est comme si on se substituait au destin, comme si la mort n’était pas intentionnel. Il faut d’ailleurs bien noter que dans domaine juridique les deux cas sont bien différenciés. Du point de vue moral, il est différent de participer activement ou de donner un ordre, entre des dommages intentionnels ou des dommages imprévus, une action directe ou une action indirecte, et nous considérons souvent qu’il est plus grave de commettre un acte violent physique, que d’appuyer sur un bouton pour tuer quelqu’un. L’enjeu est ici encore finalement celui de l’existence de vérités morales. Il y aurait des actes que nous reconnaitrions tous comme mauvais, d’autres comme bons, quelle que soit notre situation, notre culture. Il y aurait comme un « instinct moral », et la morale ne serait pas alors le produit de l’éducation, de la religion, du droit. Cela expliquerait pourquoi en nous nous savons toujours ce qu’il est bon ou mal de faire, il y aurait bien une morale innée.Pourtant, il faut nuancer ces idées. Ces tests semblent pertinents, mais proposent des situations bien différentes de la réalité. Si ce n’est pas un ouvrier qui se trouve sur la voie, mais un ami, est-ce que je manœuvre l’aiguillage pour sauver cinq vies ? Un enfant, mon frère ou ma sœur ? Le prof de philo qui vient de rendre une mauvaise note ?Et si, dans la deuxième question, le monsieur nous sourit aimablement, s’il vient de nous donner l’heure gentiment, balançons-nous le dans le vide ? Et s’il tombait à côté du wagon ? On ne croirait pas vraiment que j’ai fait cela pour le bien. Ces pensées traversent notre esprit quand il faut choisir. Et elles sont le résultat de réflexes socioculturels acquis, non seulement d’une morale innée. Comme pour la culture, l’homme aurait en réalité un programme d’apprentissage des règles morales, que nous utilisons alors différemment selon la culture, le contexte. L’homme est un animal doué de morale, qui lui permet de vivre en groupe et bien avec lui-même. Mais l’ensemble reste alors une question d’éducation avant tout.  

3) Education et enfanceLa morale n’est pas innée comme le montre ce texte de Piaget. C’est l’éducation qui nous permet d’intérioriser les règles morales, d’apprendre à obéir et à nous obliger. Il faut toujours nous employer à développer nos vertus et à combattre nos vices. Un enfant est incapable de s’autodiscipliner tout seul, et il apprend à

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se soumettre à une autorité supérieure, qui lui donne des valeurs. C’est pourquoi l’éducation des enfants doit être contraignante : ils ne savent pas limiter leurs penchants sensibles et égoïstes, leurs désirs. Le « tu dois » sans cesse confronté au « je désire » signale la nécessaire répression des passions égoïstes au profit des intérêts sociaux et culturels. Mais l’éducation doit aussi leur permettre d’atteindre l’autonomie. L’obéissance pendant l’enfance doit déboucher sur une obéissance à soi-même : la soumission consciente et volontaire à des principes communs. Le devoir n’est jamais une soumission aveugle et forcée à une autorité tyrannique. Il s’agit de gouverner sa conduite selon des valeurs consciemment partagées.   Conclusion I : La morale est une nécessité dans nos sociétés pour évaluer nos actions, leur donner une valeur bonne ou mauvaise Il doit être possible de formuler des jugements moraux, de se mettre d’accord avec les autres sur des vérités morales. Mais elle n’est pas un sentiment inné, même si nous nous mettons souvent d’accord sur ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. La morale passe donc par le fait de faire son devoir. Mais que doit-on faire ? Comment évaluer nos actions de manière universelle et sûre ?

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II. Différentes théories morales : « faire son devoir »

 Faire son devoir est un problème dans la mesure où l’on présuppose que l’homme est un être libre, qui n’agit pas par instinct ou par contrainte. Il n’y a de devoir que pour des êtres capables de s’imposer une obligation qu’ils estiment légitime, c'est-à-dire un principe bon. Pour les hommes libres, il y a ce qui est, l’ordre des faits, le monde dans lequel on vit, et ce qui doit être, l’ordre de l’idéal, ce qu’on souhaite faire advenir. Le devoir est une obligation que l’on s’impose (souvent contre nos désirs) et que l’on décide de respecter relativement à des actions particulières : devoir de dire la vérité, devoir de ne pas nuire à autrui, devoir de protéger la vie. Chacun de nous formule tous les jours des jugements moraux, des devoirs particuliers (tu ne dois pas tricher, mentir, être égoïste), mais qui reposent sur des principes dont nous n’avons toujours pas conscience. Ce que nous devons faire ne peut être, pour la morale, ce que nous souhaitons. Comment régler nos actions alors ?  A. La morale kantienne : faire son devoir 

1) Une volonté bonne ?L’un des philosophes qui a marqué la philosophie morale, c’est Kant. Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, il cherche à trouver un principe pour dire qu’une action est bonne. Une bonne action, celle qu’on doit faire, ne se définit ni par son contenu, ni par ses conséquences, mais par son intention, c'est-à-dire si elle vient d’une volonté bonne. Une bonne est bonne lorsqu’elle est celle d’un homme libre et raisonnable, d’un homme qui agit en suivant ce qui lui dicte sa raison et non ses désirs ou ses sentiments (la morale s’oppose d’ailleurs le plus souvent à nos désirs). C’est pourquoi Kant dit que le devoir est inconditionné et absolu : il ne faut pas que l’individu trouve un intérêt, pense aux conséquences. La volonté est bonne, l’intention est bonne quand elle est désintéressée. « Donc pour savoir ce que j’ai à faire afin que ma volonté soit moralement bonne, je n’ai pas précisément besoin d’une subtilité poussée très loin. Sans expérience quant au cours du monde, il suffit que je demande : peux-tu vouloir aussi que ta maxime devienne une loi universelle ? »_.  

2) Impératifs hypothétiques vs impératifs catégoriquesPour Kant, il n’est pas nécessaire de réfléchir aux conditions. Il faut seulement se poser la question citée précédemment. Il parle alors d’impératif catégorique. Catégorique, car il n’y a aucune condition, c’est comme ça et pas autrement. Il distingue alors impératif catégorique et impératif hypothétique. L’impératif hypothétique dit : « fais ceci, si tu veux cela ». Il dépend d’une fin, d’un but, d’un intérêt, il est utile. Et l’action est bonne dans le cas hypothétique où nous obtenons telle chose. L’impératif catégorique dit seulement : « fais ceci », parce que le devoir dit de faire cela, parce que la loi en moi, l’obligation me le dit. Faire son devoir, c’est donc obéir à un principe d’universalité (premier impératif catégorique). Il faut toujours se conduite de telle sorte que la maxime (la règle) de son action individuelle puisse être une loi universelle, une règle pour tous les hommes. Il faut donc dire la vérité par exemple, quelles que soient les conséquences, car on ne peut mentir et vouloir en même temps que tout le monde puisse mentir sans tomber dans la contradiction. C’est alors un impératif catégorique.

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Dans le système kantien (qu’on appelle déontologique, car lié à un devoir inconditionnel), la fin ne justifie jamais les moyens. Faire son devoir, c’est viser seulement au respect de la loi morale, et non chercher le meilleur des résultats. Kant propose alors une deuxième formulation de l’impératif catégorique : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais seulement comme un moyen ». Faire son devoir consiste alors essentiellement à respecter la personne humaine, comme être raisonnable ayant une valeur absolue. L’autre ne peut jamais être un simple instrument de ma volonté (l’esclavage est donc mal, un meurtre même pour une fin bonne aussi).Pour Kant, cette loi morale laisse l’individu dans l’autonomie (contraire d’hétéronomie, c'est-à-dire donné par un autre), et elle est rationnelle. Le devoir est donc l’intégration dans les règles de ma conduite, sous l’effet de ma raison, de l’existence de tous les autres, de respecter leurs droits.  

3) Critique de la morale kantienneLa morale de Kant est une morale idéale. Combien de fois avons-nous agi de manière inconditionnée, en pensant aux autres, en essayant de ne pas instrumentaliser les autres ? Kant lui-même remarque qu’aucune action n’a peut-être été faite par devoir. Il y a bien des actions conformes au devoir (l’épicier qui rend honnêtement la monnaie), mais l’individu y trouve un intérêt, considère l’autre comme un moyen_ (l’épicier veut que le client revienne). Kant n’explique pas pourquoi l’individu a intérêt à être moral. Il invoque seulement le respect de soi, de la loi morale en soi. La morale kantienne semble donc inutilisable. « Kant a les mains pures, mais il n’a pas de mains » écrit Péguy. Agir, c’est aussi avoir les mais sales_. Kant évacue le concret de la morale. De plus, l’intention bonne ne fait pas toujours une bonne action. Mentir est parfois nécessaire, alors que c’est une mauvaise action pour Kant. L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le dit l’expression populaire. Ne peut-on alors penser une autre morale, d’autres principes ? B. Conséquentialisme et utilitarisme 

1) La morale utilitariste : maximisons le bonheurKant s’intéresse à l’intention de l’acte. Pourtant, ce que nous évaluons souvent, ce sont les conséquences d’un acte. Un acte est bon s’il produit des choses bonnes dans le monde. Si des millions de vie sont en jeu, est-il toujours bon de mentir ? Cela embête Kant, car cela signifie que la fin justifie les moyens, mais certains moyens permettent de réaliser le bien-être du plus grand nombre. On appelle cette morale, une morale téléologique (du grec, telos, la fin-le but). Selon une telle morale, qu’on appelle morale du bonheur, une action est bonne quand la fin qu’elle poursuit est utile au bonheur. L’un des penseurs de l’utilitarisme est John Stuart Mill (1806-1873, il reprend les thèses de son maître, Jérémy Bentham) :  « La croyance qui accepte, comme fondement de la morale, l’utilité ou principe du plus grand bonheur, tient pour certain que les actions sont bonnes en proportion du bonheur qu’elles donnent, et mauvaises si elles tendent à produire le contraire du bonheur. Par bonheur on entend plaisir ou absence de souffrance ; par malheur, souffrance et absence de bonheur […]Le but de l’activité humaine se trouve être nécessairement aussi, suivant l’utilitarisme, le principe de la morale ; en conséquence la morale peut être définie : les règles de conduite et les préceptes dont l’observance pourra assurer, autant que possible, à toute

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l’humanité une existence telle que celle qui vient d’être décrite ; et non seulement à l’humanité, mais encore, autant que le permet la nature des choses, à toute la création sentante ». J.S. Mill, L’Utilitarisme. Une action est bonne et doit donc être faite si ses conséquences reviennent à augmenter la somme de bonheur dans le monde, c'est-à-dire la quantité de plaisir pour le plus grand nombre. Il ne s’agit donc plus d’être conforme à des valeurs absolues comme la bonté, la générosité, le courage. Tous les moyens, même certains inacceptables seraient justifiés et justifiables s’ils permettent de maximiser la somme de bonheur. Dans un tel système moral, si la fin consiste en une proportion supérieure de bonheur, alors elle justifie toujours les moyens employés. Comment savoir alors si on maximise le bonheur avec notre action ? Il faut calculer pour Mill la somme des plaisirs et des peines, mesurer le bonheur en qualité et en quantité, et pour cela il faut de l’expérience. Le problème d’une telle morale, c’est qu’elle ne semble pas exiger le sacrifice des intérêts de l’individu, qu’elle risque d’être égoïste. Or pour Mill, l’utilitarisme exige le sacrifice de l’individu, si cela augmente le bonheur des autres. Le calcul de l’utilité devient ainsi implacable, et n’est jamais un calcul égoïste.Mais une telle morale peut conduire à des idées étonnantes, et il faut nuancer une telle morale.  

2) A-t-on alors le droit de tuer des gens ?Si l’on suit la morale utilitariste, ne devient-il pas légitime de tuer quelqu’un de riche (et en plus antipathique) pour distribuer sa fortune à des gens malheureux ? Le bonheur est bon, la souffrance est mauvaise dit Jérémy Bentham. Le but de la société est alors de réduire autant que possible la souffrance pour le bien du plus grand nombre. Mais tuer (sans souffrance bien entendu) pourrait alors devenir un devoir. Une issue mauvaise pour la majorité excuserait une action mortelle pour une seule personne. Mais cela justifie aussi la peine de mort. La société ne serait-elle pas détruite si tous les individus, riches, hommes d’affaires, prisonniers, handicapés, étaient tués au nom d’un prétendu bonheur plus grand de tous ? C’est là la limite de la morale utilitariste et la force de la morale kantienne : l’action bonne doit être bonne dans son principe. Et en plus il n’est pas possible d’additionner bonheur et malheur dans un simple calcul. C’est pourquoi Kant reconnaît à chaque individu_ une valeur fondamentale qu’est la dignité humaine : « une vie humaine ne peut être compensée par d’autres vies humaines ».  C. Des problèmes éthiques Le lien entre le bonheur et l’éthique pose des problèmes éthiques importants. Que se passe-t-il lorsqu’on met en application les options philosophiques dans des cas concrets ? Il faut bien passer par une éthique appliquée pour vérifier si nos principes sont applicables. Voici un exemple, imaginé par Thomas Nagel, professeur américain. Imaginons une famille qui a deux enfants, l’un heureux et en bonne santé, l’autre souffrant d’un handicap fort pénible, qui rend sa vie quotidienne douloureuse. Les parents ont le choix entre : -la possibilité de déménager pour aller dans une grande ville où l’enfant handicapé pourra recevoir un traitement particulier, tout en sachant que l’amélioration sera minime- la possibilité d’aller vivre dans un lieu où le premier enfant pourra pleinement s’épanouir avec une meilleure école et un environnement plus favorable.Que faire, que faut-il choisir ? Nous sommes face à un dilemme moral, et il s’agit donc de tester les différentes éthiques. Pour l’utilitariste, la seconde possibilité

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est la meilleure : il y aura un gain en bonheur plus élevé que pour l’enfant handicapé. Puisqu’il faut toujours viser la maximisation globale du bonheur dans l’utilitarisme, il faut choisir la 2e possibilité. Mais si on regarde un principe d’égalité, si on considère que personne n’est substituable à une autre, que les souffrances de l’un ne sont pas compensées par les plaisirs de l’autre, il apparaît moralement défendable (en regardant notamment la dignité des personnes) de secourir l’enfant handicapé, bien que le gain de bonheur soit inférieur à celui qu’on peut procurer au deuxième enfant. Il faut parfois choisir une somme d’avantages moins élevée, au nom d’une distribution moralement et humainement plus satisfaisante. Chacun reste libre des valeurs qu’il souhaite élever au rang de principes. Et on voit bien pourquoi parfois il est nécessaire de contraindre les individus par le droit ou la politique.  Conclusion II : le devoir est un choix libre et autonome du bien. Les difficultés que nous rencontrons à exécuter ses injonctions sont triples : comprendre quelles règles sont bonnes et pourquoi elles le sont ; résister aux faux devoirs qui s’imposent à nous par contrainte ou séduction ; lutter contre les penchants intimes qui nous éloignent souvent de lui. C’est pourquoi la morale semble bien nécessaire. Elle est une demande des individus pour évaluer les faits.

Conclusion générale

Critique radicale de Nietzsche (Ecce Homo, III, §5) : la morale est une séductrice perverse et morbide, elle fait miroiter des idéaux transcendants et des valeurs sublimes et du coup discrédite implicitement ce monde-ci, sous prétexte de l’améliorer, elle fonctionne avec des arrières-monde.

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III. Que vaut la formule : « A chacun sa morale » ?

(corrigé de dissertation)

La morale apparaît aisément comme un ensemble d’interdits ou d’exigences qui s’imposent aux réactions spontanées de l’individu. Mais une morale idéale accorderait pourtant une place au bonheur et aux choix personnels de l’individu. Il faudrait alors penser que la formule « A chacun sa morale » serait suffisante. Mais pourtant elle mène à une diversité de valeurs et d’attitudes peu compatibles avec la vie commune, la vie sociale. Si j’accepte l’idée que je peux choisir mes valeurs, je dois aussi reconnaître aux autres le choix de choisir les leurs. Rien ne garantit pourtant la non-contradiction de ses valeurs. Le relativisme moral pose donc problème, mais il en va de même si on considère l’idée que chaque groupe peut avoir sa morale. Comment alors fonder la morale sur d’autres critères ?  I. Des morales contradictoires En tant que sujet, nous décidons nous-mêmes de nos valeurs.Des contradictions ?La destruction du social II. A chaque groupe sa morale ?Des morales relativesL’impasse du relativisme La morale universelle des religions mène aussi aux conflits III. La morale de chacun est celle de l’autre ?Autonomie de la volontéLa loi universelleL’idéal de la morale kantienne Conclusion : Faire en sorte que ma morale s’accorde avec celle d’autrui et de la communauté dans laquelle je vis ne suffit pas : je dois viser l’universalité et du coup l’autonomie. La raison permet d’y atteindre, mais s’éduque-t-elle ?   _ Une deuxième distinction est possible : l’éthique est ce qui concerne ce qu’on doit faire pour atteindre une vie heureuse, la morale la recherche de principes bons en eux-mêmes._ Circé est une magicienne qu’Ulysse rencontre dans l’Odyssée. _ Ni de raisonnement d’ailleurs. Il serait impossible de formuler des syllogismes moraux. _ Extrait Philo Magazine. _ Tiré de Qui suis-je, et si je suis combien ?, R. D. Precht. _ Kant écrit aussi : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ». _ Pour Kant, la morale devient donc une résistance à soi-même. Il y a souvent un calcul secret et égoïste derrière nos actions. _ Cf. la pièce de théâtre de Sartre, intitulée Les mains sales.

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_ Même s’il est paradoxalement en faveur de la peine de la mort, voir texte vu en cours.

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Commentons ce schéma- il y a des zones de notre vie concernées par le bonheur- il y a une extension du bonheur : c’est aussi une affaire de degrés et de quantité- il y va aussi de ce qui n’est pas lui : les valeurs, les vertus

Dans quelle mesure peut-on dire que le bonheur est subjectif ? Y a-t-il une objectivité du bonheur, c'est-à-dire un manière pure de l’envisager, qui serait valable pour tous ?

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