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Auflage: 39716 Gewicht: Groupe d'articles 3. August 2020 Zurück zum Inhaltsverzeichnis LA UNE Course au vaccin: dernière ligne droite Covid-19 - Cinq projets de vaccins ont, actuellement, entamé la phase III des essais cliniques, soit des tests d’efficacité sur plusieurs milliers de personnes Les Etats-Unis veulent obtenir 300 millions de doses d’ici à janvier 2021 et ont investi 10 milliards à cet effet, mais l’UE n’est pas en reste Avec un accord de 1,95 milliard de dollars pour 100 millions de doses, c’est l’alliance Pfizer/ BioNTech qui a remporté la plus grosse mise L’industrie pharmaceutique indienne, qui produit déjà la moitié des vaccins dans le monde, sera incontournable dans la lutte contre le Covid-19 --- Éditorial Vaccin versus instinct Marc Allgöwer C’est humain. Face au danger, il faut protéger sa propre personne et ses proches. Ce qui vaut pour un individu vaut aussi pour un Etat. Face à la pandémie, des gouvernements passent des accords avec des entreprises pharmaceutiques afin qu’elles leur garantissent l’accès à un futur vaccin contre le coronavirus. Cette volonté est légitime. L’impréparation des gouvernants face à un risque prévisible a suscité tant d’incompréhension et de colère qu’il serait absurde de leur reprocher aujourd’hui de préparer la phase suivante. Pourtant, cette approche nationale n’est pas la bonne. Et même ceux que le principe d’une hypothétique solidarité mondiale n’émeut pas ont intérêt à en prendre conscience. L’histoire médicale montre que seuls 10% des essais débouchent sur un vaccin efficace. Un pays qui préempterait les recherches d’un laboratoire de manière exclusive pourrait faire une très bonne affaire – c’est le pari qu’ont fait les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou encore l’Europe. Mais il y a neuf chances sur dix qu’il s’en morde les doigts. Second argument froid et rationnel: une pandémie jugulée dans un pays grâce à une percée scientifique serait une bonne nouvelle, mais à quoi cela lui servirait-il si ses partenaires commerciaux étaient encore à l’arrêt? La reprise tant espérée aurait-elle lieu dans une économie mondiale si imbriquée? C’est là qu’intervient l’initiative Covax lancée par l’Organisation mondiale de la santé, Gavi (Alliance du vaccin) et la CEPI (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies). L’idée est simple: convaincre les Etats riches qu’il vaut mieux mutualiser les risques. Si leur tentative individuelle échoue, ils bénéficieront d’une réussite ailleurs, tout en garantissant aux Etats pauvres un accès équitable. Plus de 70 nations ont exprimé leur intérêt pour cette initiative dont la Suisse peut, à juste titre, s’enorgueillir d’assurer la coprésidence. Et face à des capacités de production insuffisantes pour vacciner d’un coup toute l’humanité, les promoteurs de Covax osent, là encore, une approche froide et rationnelle: cibler successivement le personnel soignant, les groupes à risques, les populations des zones où la pandémie est la plus active et, enfin, le reste d’entre nous. La course au vaccin n’est pas encore gagnée, mais elle nous enseigne déjà que notre instinct de survie n’est pas toujours le meilleur conseiller. www.infonlinemed.ch 2 / 7

Course au vaccin: dernière ligne droite...convaincre les Etats riches qu’il vaut mieux mutualiser les risques. Si leur tentative individuelle échoue, ils bénéficieront Si leur

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Auflage: 39716Gewicht: Groupe d'articles

3. August 2020Zurück zum Inhaltsverzeichnis

LA UNE

Course au vaccin: dernière ligne droiteCovid-19 - Cinq projets de vaccins ont, actuellement, entamé la phase III des essais cliniques, soit des tests d’efficacitésur plusieurs milliers de personnes

Les Etats-Unis veulent obtenir 300 millions de doses d’ici à janvier 2021 et ont investi 10 milliards à cet effet,mais l’UE n’est pas en reste

Avec un accord de 1,95 milliard de dollars pour 100 millions de doses, c’est l’alliance Pfizer/ BioNTech qui aremporté la plus grosse mise

L’industrie pharmaceutique indienne, qui produit déjà la moitié des vaccins dans le monde, seraincontournable dans la lutte contre le Covid-19

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Éditorial

Vaccin versus instinct

Marc Allgöwer

C’est humain. Face au danger, il faut protéger sa propre personne et ses proches. Ce qui vaut pour un individu vautaussi pour un Etat. Face à la pandémie, des gouvernements passent des accords avec des entreprisespharmaceutiques afin qu’elles leur garantissent l’accès à un futur vaccin contre le coronavirus. Cette volonté est légitime.

L’impréparation des gouvernants face à un risque prévisible a suscité tant d’incompréhension et de colère qu’il seraitabsurde de leur reprocher aujourd’hui de préparer la phase suivante. Pourtant, cette approche nationale n’est pas labonne. Et même ceux que le principe d’une hypothétique solidarité mondiale n’émeut pas ont intérêt à en prendreconscience. L’histoire médicale montre que seuls 10% des essais débouchent sur un vaccin efficace. Un pays quipréempterait les recherches d’un laboratoire de manière exclusive pourrait faire une très bonne affaire – c’est le pariqu’ont fait les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou encore l’Europe.

Mais il y a neuf chances sur dix qu’il s’en morde les doigts. Second argument froid et rationnel: une pandémie juguléedans un pays grâce à une percée scientifique serait une bonne nouvelle, mais à quoi cela lui servirait-il si sespartenaires commerciaux étaient encore à l’arrêt? La reprise tant espérée aurait-elle lieu dans une économie mondialesi imbriquée? C’est là qu’intervient l’initiative Covax lancée par l’Organisation mondiale de la santé, Gavi (Alliance duvaccin) et la CEPI (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies). L’idée est simple:convaincre les Etats riches qu’il vaut mieux mutualiser les risques. Si leur tentative individuelle échoue, ils bénéficierontd’une réussite ailleurs, tout en garantissant aux Etats pauvres un accès équitable.

Plus de 70 nations ont exprimé leur intérêt pour cette initiative dont la Suisse peut, à juste titre, s’enorgueillir d’assurerla coprésidence. Et face à des capacités de production insuffisantes pour vacciner d’un coup toute l’humanité, lespromoteurs de Covax osent, là encore, une approche froide et rationnelle: cibler successivement le personnel soignant,les groupes à risques, les populations des zones où la pandémie est la plus active et, enfin, le reste d’entre nous. Lacourse au vaccin n’est pas encore gagnée, mais elle nous enseigne déjà que notre instinct de survie n’est pas toujoursle meilleur conseiller.

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le meilleur conseiller.

L’histoire médicale montre que seuls 10% des essais débouchent sur un vaccin efficace

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TEMPS FORT PAGE 2

Y aura-t-il un vaccin pour Noël?Covid-19 - Depuis le début de l’été, plusieurs projets de vaccins ont entamé la dernière étape de leurdéveloppement. Mais malgré un discours optimiste et des investissements colossaux, il n’y aura probablementpas de vaccin avant la fin de l’année

Étienne Meyer-Vacherand

Depuis le début de l’été, l’élaboration d’un vaccin contre le Covid-19 s’est accélérée. Selon le suivi réalisé par l’OMS,cinq projets sont entrés dans la phase III de leurs essais clinique sur les plus de 160 recensés à travers le monde. Lesplus rapides devraient présenter les résultats préliminaires de cette phase finale de développement cet automne.

Cette fameuse phase III correspond au test d’efficacité à grande échelle du vaccin sur plusieurs milliers de personnes.Elle constitue la dernière étape du développement permettant aux firmes pharmaceutiques de demander uneautorisation de mise sur le marché du traitement. D’ordinaire, ces différentes étapes prennent une dizaine d’annéesmais la crise sanitaire a considérablement accéléré le processus.

Ces vaccins pourraient donc être autorisés à la vente avant même que les résultats définitifs de ces essais ne soientconnus. «Cela serait sans précédent, on n’a jamais vu la mise sur le marché d’un vaccin sans étude d’efficacité, maisdont on sait qu’il est immunogène (entraîne la production d’anticorps) et qu’il est sûr», souligne Alessandro Dianachargé d’enseignement à l’Unige, médecin au Centre de vaccinologie des HUG et pédiatre à la Clinique desGrangettes. La décision d’une éventuelle mise en vente reviendra aux agences de régulation, comme SwissMedic. Ellene signifie pas pour autant la fin de la surveillance sanitaire, puisque les médicaments continuent d’être étudiés,notamment pour observer les effets secondaires rares.

Des projets au coude à coude

Les enjeux politiques et économiques d’une mise sur le marché rapide expliquent la course effrénée à laquelle selivrent les firmes pharmaceutiques. Au début du mois, la jeune pousse américaine Moderna annonçait le début de laphase III pour son vaccin à partir du 27 juillet, sur un échantillon de 30 000 personnes. Elle s’est toutefois fait griller lapriorité par les deux projets chinois les plus avancés. Le 16 juillet dernier, Sinopharm a débuté ses tests à grandeéchelle aux Emirats arabes unis sur 15 000 volontaires, suivie de près par sa concurrente Sinovac, qui annonçait le 21juillet un essai sur 9000 personnels de santé au Brésil.

La veille, l’alliance entre AstraZeneca et l’Université d’Oxford indiquait que ses tests étaient en cours au Royaume- Uni,au Brésil, en Afrique du Sud et s’apprêtaient à démarrer aux Etats- Unis. Finalement, l’alliance Pfizer/ BioNTech a lancésa phase III le même jour que Moderna, le 27 juillet. Le choix des pays de test n’est pas anodin. Pour prouver leurefficacité, les individus à qui le vaccin est inoculé doivent être exposés au coronavirus et les études comprendre ungroupe de contrôle. «L’intérêt fondamental de cette phase III est de savoir si la population vaccinée présente unavantage face à la maladie par rapport aux non vaccinés», rappelle Alessandro Diana. Or le virus circule encorelargement dans ces pays.

Autre intérêt pour ces derniers: mettre une option sur une partie de la production de ces vaccins, s’ils se révélaientefficaces. Le partenariat entre l’institut brésilien Butantan et Sinovac doit permettre au pays de se lancer dans lafabrication de 120 millions de doses. Sur ce plan, les autres pays sont loin d’être inactifs. Les Etats-Unis sontparticulièrement présents, avec l’opération «Warp Speed» destinée à obtenir 300 millions de doses de vaccin d’ici àjanvier 2021. Dotée d’un budget de quasiment 10 milliards de dollars, elle soutient cinq projets.

Cinq projets, trois techniques

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Avec un accord de 1,95 milliard de dollars pour 100 millions de doses, c’est l’alliance Pfizer/BioNTech qui a remporté laplus grosse mise jusqu’à présent. Aux côtés de Moderna et d’AstraZeneca (1,2 milliard pour 300 millions de doses),d’autres vaccins qui ne sont pas encore en phase III sont aussi largement soutenus, comme celui du petit laboratoireNovavax (1,6 milliard pour 100 millions de doses). «Les Etats-Unis représentent 50% du marché pharmaceutiquemondial, c’est une force de frappe considérable, mais l’Union européenne n’est pas en reste, rappelle Patrick Durisch,expert des politiques de santé de l’ONG Public Eye. Le Japon, l’Angleterre, la Suisse…

La plupart de ces pays jouent sur deux tableaux. Ils prônent la coopération internationale et un accès équitable, maisd’un autre côté s’approprient des doses sans se soucier de savoir s’il en restera pour le reste du monde.» L’Unioneuropéenne a notamment signé un accord avec AstraZeneca pour 300 millions de doses, et un autre avec Sanofi pourla même quantité. Cette multitude de soutiens à différentes firmes suit aussi une logique d’efficacité visant à multiplierles chances d’aboutir. Les cinq projets en phase III utilisent trois techniques différentes, dont certaines sont encore trèsexpérimentales.

Affronter l’hiver sans vaccin

Pour Alessandro Diana, le grand nombre de projets en cours renforce la probabilité de parvenir à un vaccin. Derécentes études montrant une diminution de la présence d’anticorps chez d’anciens patients Covid-19 au bout dequelques semaines ont suscité l’inquiétude, avec l’idée qu’il n’existerait peut-être pas de vaccin. «Ce déclin desanticorps arrive souvent en cas de maladie. Une fois que l’assaillant n’est plus là, il n’y a plus besoin d’avoir une forcecomplète. Il se constitue une immunité mémoire, prête à reproduire des anticorps, détaille-t-il.

La question qui se pose encore c’est combien de temps cette immunité dure.» Selon toute probabilité, la réponseimmunitaire face au vaccin devrait fonctionner de la même manière que face à la maladie naturelle. En revanche, ladurée de l’immunité dépendra sans doute aussi du type de vaccin qui fera ses preuves. Certaines techniques peuventnécessiter des rappels, mais ces réponses demandent d’attendre les résultats des essais en cours. Autre inconnue: lescapacités de production. Même en cas de découverte d’un vaccin efficace, peu de chances qu’il y en ait en quantité suffisante.

«La stratégie de l’OMS en cours de développement consiste à privilégier les personnes à risque et les personnels desanté. Mais même avec ces critères, au niveau mondial on dépasse les capacités de production, souligne PatrickDurisch. Le problème c’est que, même dans cette situation de crise, on continue de perpétuer les modèles del’exclusivité.» Dans tous les cas, pour Alessandro Diana, cet hiver encore «le meilleur «vaccin» sera de continuer àappliquer les règles de distanciation sociale et les gestes barrières.

Même en cas de découverte d’un vaccin efficace, il ya peu de chances qu’il y en ait enquantité suffisante

Vaccins contre le Covid-19. Aujourd’hui, sur les 160 projets recensés à travers le monde, cinq sont entrés dans la phase finale de leurs essais cliniques.(CLAUS LUNAU/SCIENCE PHOTO LIBRARY)

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Les laboratoires se tourneront vers l’Inde

Production - Le Serum Institute of India travaille déjà pour les chercheurs de l’Université d’Oxford et

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Production - Le Serum Institute of India travaille déjà pour les chercheurs de l’Université d’Oxford etAstraZeneca. L’industrie pharmaceutique indienne sera incontournable dans la lutte contre le Covid-19

Ram Etwareea

Des dizaines de laboratoires américains, européens et autres travaillent pour trouver un vaccin contre le Covid-19. Siles recherches aboutissent, une partie d’entre eux se tourneront vers l’Inde pour la production. Notamment vers leSerum Institute of India qui fabrique déjà 1,5 milliard de vaccins administrés dans le monde. Entreprise peu connue,mais leader dans son domaine, elle a déjà mis la chaîne de production en marche pour le compte de l’Universitéd’Oxford, dont les recherches sont parmi les plus probantes à ce jour et qui s’est associée avec la firmepharmaceutique AstraZeneca pour la production et la distribution.

Même si le vaccin d’Oxford doit encore passer les essais cliniques, le producteur indien se dit prêt à produire 50 millionsde doses par mois. «Nous devons prendre ce risque en ces temps de crise, sinon nous aurons un an de retard et celaserait dramatique», a déclaré Adar Poonawalla, le patron du Serum Institute of India, début juillet à la RTS. Sa prioritéva aujourd’hui à un vaccin contre le Covid-19. Mais ses usines, sises à Pune, ville universitaire et industrielle à deuxheures de Bombay, fournissent normalement des vaccins contre la pneumonie, la rougeole ou la tuberculose, entre autres.

Incontournable

Le Serum Institute of India n’est toutefois qu’un acteur de l’industrie pharmaceutique indienne qui, au fil des années, estdevenue incontournable à l’industrie de la santé mondiale. Elle joue un rôle secondaire dans la recherche en interne –même si les chercheurs indiens travaillent par milliers pour les grandes multinationales en Inde, en Europe et auxEtats-Unis. Mais elle fournit 50% des vaccins du monde. Aussi, premier producteur de génériques, elle satisfait 40% dela demande aux Etats-Unis et 25% au Royaume-Uni.

Près de 80% des antirétroviraux utilisés dans le monde pour traiter le sida sont d’origine indienne. Des entreprisesindiennes fournissent également des composants, par exemple les ingrédients actifs du paracétamol et del’hydroxychloroquine aux multinationales, même si elles-mêmes doivent importer une grande partie des matièrespremières de Chine. L’industrie pharmaceutique indienne doit toutefois son succès d’abord à la taille de son marchénational. Celui-ci est soutenu par un programme gouvernemental qui finance l’accès aux médicaments pour 500millions de personnes. La classe moyenne dépense pour sa part de plus en plus pour sa santé.

Les peines de Novartis

En début du mois, Le Petit Journal, média en ligne qui s’adresse aux expatriés français dans le monde, a consacré undossier sur la santé en Inde. Il fait état de la ville peu connue de Baddi, dans le nord du pays. Avec 243 unités deproduction, elle serait le plus grand centre de médicaments et de vaccins en Asie et représente entre 35 à 40% de laproduction indienne. Dans l’ensemble, le secteur emploie 2,7 millions de collaborateurs.

Le marché indien est aussi un eldorado pour les firmes étrangères, même si elles ont de temps en temps maille à partiravec la législation indienne, notamment en matière de protection de la propriété intellectuelle. Le géant suisse Novartisen a fait l’expérience dans les années 2000, les autorités lui refusant de renouveler la protection du brevet pour l’un deses médicaments phares contre le cancer.

Les premiers vaccins dans la dernière ligne droiteletemps.ch 02.08.2020

© Le Temps

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ONLINE, 02.08.2020

Les premiers vaccins dans la dernière ligne droiteDepuis le début de l'été, plusieurs projets de vaccins ont entamé la dernière étape de leur développement. Maismalgré un discours optimiste et des investissements colossaux, il n'y aura pas de vaccin avant la fin de l'année

Etienne Meyer-Vacherand

Depuis le début de l’été, l’élaboration d’un vaccin contre le Covid-19 s’est accélérée. Selon le suivi réalisé par l’OMS,cinq projets sont entrés dans la phase III de leurs essais clinique sur les plus de 160 recensés à travers le monde. Lesplus rapides devraient présenter les résultats préliminaires de cette phase finale de développement cet automne.

Cette fameuse phase III correspond au test d’efficacité à grande échelle du vaccin sur plusieurs milliers de personnes.Elle constitue la dernière étape du développement permettant aux firmes pharmaceutiques de demander uneautorisation de mise sur le marché du traitement. D’ordinaire, ces différentes étapes prennent une dizaine d’annéesmais la crise sanitaire a considérablement accéléré le processus.

Ces vaccins pourraient donc être autorisés à la vente avant même que les résultats définitifs de ces essais ne soientconnus. «Cela serait sans précédent, on n’a jamais vu la mise sur le marché d’un vaccin sans étude d’efficacité, maisdont on sait qu’il est immunogène (entraîne la production d’anticorps) et qu’il est sûr», souligne Alessandro Dianachargé d’enseignement à l’Unige, médecin au Centre de vaccinologie des HUG et pédiatre à la Clinique desGrangettes. La décision d’une éventuelle mise en vente reviendra aux agences de régulation, comme SwissMedic. Ellene signifie pas pour autant la fin de la surveillance sanitaire, puisque les médicaments continuent d’être étudiés,notamment pour observer les effets secondaires rares.

Des projets au coude-à-coude

Les enjeux politiques et économiques d’une mise sur le marché rapide expliquent la course effrénée à laquelle selivrent les firmes pharmaceutiques. Au début du mois, la jeune pousse américaine Moderna annonçait le début de laphase III pour son vaccin à partir du 27 juillet, sur un échantillon de 30 000 personnes. Elle s’est toutefois fait griller lapriorité par les deux projets chinois les plus avancés. Le 16 juillet dernier, Sinopharm a débuté ses tests à grandeéchelle aux Emirats arabes unis sur 15 000 volontaires, suivie de près par sa concurrente Sinovac, qui annonçait le21 juillet un essai sur 9000 personnels de santé au Brésil.

La veille, l’alliance entre AstraZeneca et l’Université d’Oxford indiquait que ses tests étaient en cours au Royaume-Uni,au Brésil, en Afrique du Sud et s’apprêtaient à démarrer aux Etats-Unis. Finalement, l’alliance Pfizer/BioNTech a lancésa phase III le même jour que Moderna, le 27 juillet.

Le choix des pays de test n’est pas anodin. Pour prouver leur efficacité, les individus à qui le vaccin est inoculé doiventêtre exposés au coronavirus et les études comprendre un groupe de contrôle. «L’intérêt fondamental de cette phase IIIest de savoir si la population vaccinée présente un avantage face à la maladie par rapport aux non vaccinés», rappelleAlessandro Diana. Or le virus circule encore largement dans ces pays. Autre intérêt pour ces derniers: mettre uneoption sur une partie de la production de ces vaccins, s’ils se révélaient efficaces.

Au plus offrant

Le partenariat entre l’institut brésilien Butantan et Sinovac doit permettre au pays de se lancer dans la fabrication de120 millions de doses. Sur ce plan, les autres pays sont loin d’être inactifs. Les Etats-Unis sont particulièrementprésents, avec l’opération «Warp Speed» destinée à obtenir 300 millions de doses de vaccin d’ici à janvier 2021. Dotéed’un budget de quasiment 10 milliards de dollars, elle soutient cinq projets.

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Page 6: Course au vaccin: dernière ligne droite...convaincre les Etats riches qu’il vaut mieux mutualiser les risques. Si leur tentative individuelle échoue, ils bénéficieront Si leur

d’un budget de quasiment 10 milliards de dollars, elle soutient cinq projets.

Avec un accord de 1,95 milliard de dollars pour 100 millions de doses, c’est l’alliance Pfizer/BioNTech qui a remporté laplus grosse mise jusqu’à présent. Aux côtés de Moderna et d’AstraZeneca (1,2 milliard pour 300 millions de doses),d’autres vaccins qui ne sont pas encore en phase III sont aussi largement soutenus, comme celui du petit laboratoireNovavax (1,6 milliard pour 100 millions de doses).

«Les Etats-Unis représentent 50% du marché pharmaceutique mondial, c’est une force de frappe considérable, maisl’Union européenne n’est pas en reste, rappelle Patrick Durisch, expert des politiques de santé de l’ONG Public Eye. LeJapon, l’Angleterre, la Suisse… La plupart de ces pays jouent sur deux tableaux. Ils prônent la coopérationinternationale et un accès équitable, mais d’un autre côté s’approprient des doses sans se soucier de savoir s’il enrestera pour le reste du monde.» L’Union européenne a notamment signé un accord avec AstraZeneca pour300 millions de doses, et un autre avec Sanofi pour la même quantité.

Cinq projets, trois techniques

Cette multitude de soutiens à différentes firmes suit aussi une logique d’efficacité visant à multiplier les chancesd’aboutir. Les cinq projets en phase III utilisent trois techniques différentes, dont certaines sont encore trèsexpérimentales. Les deux initiatives chinoises tablent sur la méthode de vaccination classique, soit l’injection d’uneversion atténuée du virus.

AstraZeneca planche pour sa part sur une méthode consistant à modifier un autre virus bénin pour servir de vecteur. Cedernier porte les protéines S, qui permettent d’infecter les cellules, présentes à la surface du SARS-CoV-2, pourentraîner une réaction immunitaire. Aujourd’hui, un seul vaccin contre Ebola, autorisé à la vente début juillet, utilisecette technique. Quant à Moderna et à l’alliance Pfizer/BioNTech, leur solution n’a encore jamais été expérimentée. Elleconsiste à exposer l’organisme directement à une partie du matériel génétique du virus (ici de l’ARN messager).

Affronter l’hiver sans vaccin

Pour Alessandro Diana, le grand nombre de projets en cours renforce la probabilité de parvenir à un vaccin. Derécentes études montrant une diminution de la présence d’anticorps chez d’anciens patients Covid-19 au bout dequelques semaines ont suscité l’inquiétude, avec l’idée qu’il n’existerait peut-être pas de vaccin. «Ce déclin desanticorps arrive souvent en cas de maladie. Une fois que l’assaillant n’est plus là, il n’y a plus besoin d’avoir une forcecomplète. Il se constitue une immunité mémoire, prête à reproduire des anticorps, détaille-t-il. La question qui se poseencore c’est combien de temps cette immunité dure.»

Selon toute probabilité, la réponse immunitaire face au vaccin devrait fonctionner de la même manière que face à lamaladie naturelle. En revanche, la durée de l’immunité dépendra sans doute aussi du type de vaccin qui fera sespreuves. Certaines techniques peuvent nécessiter des rappels, mais ces réponses demandent d’attendre les résultatsdes essais en cours.

Autre inconnue: les capacités de production. Même en cas de découverte d’un vaccin efficace, peu de chances qu’il yen ait en quantité suffisante. «La stratégie de l’OMS en cours de développement consiste à privilégier les personnes àrisque et les personnels de santé. Mais même avec ces critères, au niveau mondial on dépasse les capacités deproduction, souligne Patrick Durisch. Le problème c’est que, même dans cette situation de crise, on continue deperpétuer les modèles de l’exclusivité.»

Dans tous les cas, pour Alessandro Diana, cet hiver encore «le meilleur «vaccin» sera de continuer à appliquer lesrègles de distanciation sociale et les gestes barrières.

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