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L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 63 29 00).Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Hamda Elkhiari. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux. Collaborateurspermanents : Thierry Ananou, Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Benjamin Decormois, Clarisse Guiraud, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert, Stéphane Rio, Nicolas Sueur.Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73, www.comdhabitude.fr. Publicités : GMF (p. 2),

CASDEN (p. 47), MAIF (p. 48). Ce numéro comporte un encart DL partner aux abonnés. Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : Roto France,Lognes (77). CPPAP. n° 0123 S 06386. ISSN n° 0751-5839. Dépôt légal à parution. Illustration de couverture :© Patricia W. / AdobeStock. Prix du numéro : 3€. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30€ ;étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €. Pages spéciales jointes sous film : 40 p.Mouvement INTER 2020 ; 4 p. Résultat de l’enquête SNES-FSU ; Affiche A2 Mouvement INTER 2020.

SOMMAIRE30 jours 4

Dans la classe 5• Les évaluations nationales

Portrait 6• Le Cirque Plume

Actualité 8• Mobilisations en novembre et décembre • Enquête métier : conditions de travail• Retraite : une dégradation continue • Loi de transformation de la FP• Mutation inter• Lycée à la carte• E3C : situation inacceptable• Programmes inadaptés• Programme de Lettres• Rapport sur l’éducation prioritaire• Plan Seine-Saint-Denis• Congrès FSU, thème 4• Réforme de l’assurance chômage

Changer d’ère 16• L’intelligence artificielle

Rattrapage 17• Santé au travail : défendre ses droits

Éco/social 18• Chômage, une réforme sans pitié• L’OIT fête ses 100 ans• Avenir de l’Europe

Dossier 21• Inégalités sociales : que peut l’école ?

ÉditoLa précarité tueS’immoler par le feu est ungeste politique, n’en déplaiseaux émissaires dugouvernement. Ils ont beauavoir bien appris leur leçon etrépété en boucle leurs élémentsde langage, ils n’ont aucunecrédibilité. Le geste désespéré,un de plus, du jeune étudiantlyonnais a fait surgir au grandjour une réalité terrible, celle dela pauvreté croissante de touteune partie de la population. Qu’ils’agisse de poursuivre desétudes ou de trouver un emploi,la jeunesse est en premièreligne. Elle exprime sa révolteface à une société minée par lesinégalités et menacée par lesproblèmes environnementaux.Et quelles perspectives lui offrele gouvernement ? Le messageest clair puisqu’une partie descrédits de l’enseignementsupérieur, déjà bien insuffisants,viennent d’être amputés pourfinancer les start-up...Tout pour les premiers decordée. Pour les étudiants des

classespopulaires,révoltés parleur condition,la police !

Frédérique Roletsecrétaire générale

21DossierInégalités sociales :que peut l’école ?

Enquête de lectoratL’US MAG

La formule de L’US tabloïd a changé enseptembre 2017 pour mieux s’adapter ànos nouvelles habitudes de lecture. Trai-tant d’actualité dans le fond, il lui fallaitaussi adopter une forme actuelle. Dansle même esprit, afin de faire évoluerL’US MAG, il nous faut connaître votreavis et vos préférences de lecture.Une enquête estmise en ligne à ceteffet. Elle est dis-ponible sur votreespace adhérent :

Métier 28• Bac 2021 et handicap• Journée contre le harcèlement• Réforme de la formation initiale

des enseignants et CPE• Rencontres de Blois 2019

Catégories 30• Rapport sur le grand âge• Non-titulaires• Stagiaires : retour de l’enquête métier• Revalorisation des enseignants ?

Sur le terrain 32• Privé hors contrat : Espérance banlieue

Fenêtre sur 34• Les privatisations

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Le temps de lire, d’écouter et de voir

Entretien 42• Martin Winckler

International 44• Intégration des migrants et des réfugiés• La jeunesse mobilisée pour l’environnement

Droits et libertés 46• Immigration• Féminicides

32 Sur le terrainPrivé hors contrat

6Portrait

Le Cirque Plume

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4 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

BILLET D’HUMEUR

Sans valeur

30 JOURS

« Il faut parler à tout lemonde. » Ainsi Emmanuel Ma-cron répondait-il à une pas-sante qui l’in ter pellait de ma-nière virulente lui reprochantl’interview donnée au maga-zine de droite ultra-conser -vateur Valeurs actuelles. Quene ferait-on pas pour apparaî-tre en Une ?Cet entretien, voulu par Em-manuel Macron, confirme, s’ilen était besoin, le virage àdroite amorcé depuis quelquesse maines. Parlons-en de ce vi-rage ! Dans sa politique migra-

toire, le Président a fait lechoix d’instaurer des quotasd’immigration économique touten durcissant les conditions duregroupement familial. Danssa politique sociale, notam-ment sur l’assurance chômage,il a fait le choix d’un contrôleaccru des chômeurs : plus desanctions, moins d’indemni -sation...Bref, il faut parler à tout lemonde mais surtout aux élec-teurs du Rassemblement na-tional. n

Thierry PétraultTêtu. E. Macron défend le choix de T. Breton pour la Commission européenne.

24oct.

Espace partagé. Deux astronautes américaines effectuent la première sortie dans l’espace 100 % féminine.

19oct.

Mal logés. Les députés justifient leur choix d’augmenter leur indemnité logement.

16oct.

Saint Glinglin. L’Union européenne d’accord pour reporter la date butoir du Brexit au 31 janvier.

28oct.

En route. Peugeot et Fiat Chrysler officialisent leur projet de fusion.

31oct.

L’excentration. Après Malaga et Bruxelles, le Centre Pompidou s’installe à Shanghai.

4nov.

Se puede. Espagne : accord entre socialistes et Podemospour jeter les bases d’une coalition.

11nov.

Et ta sœur ! J.-P. Delevoye consent une ouverturesur la « clause du grand-père ».

12nov.

Aqua alta. Fortes pluies en Italie, Venise sous les eaux.

13nov.

Mal informés. Les autorités du comté de Citrus, en Floride,rejettent une demande d’abonnement des bibliothèques publiquesau New York Times, reprenant à leur compte les accusationsde Trump qui affirme que le journal relaie des « fake news ».

5nov.

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Il était temps ! La Chambre des représentants USreconnaît le génocide arménien, Ankara mécontente.

30oct.

La roue de l’infortuneNucléaire : l’État songerait à construire six EPR.

14oct.

Orban plus Urbi. Municipales en Hongrie : l’opposition victorieuse à Budapest.

13oct.

Qu’à un fil... d’Écosse. La Première ministreécossaise veut un référendum d’autodétermination en 2020.

15oct.

Mourir d’être femme...«On ne naît pas femme... » mais, le devenant, on peut en mourir. Simone

de Beauvoir n’aurait pas pu écrire cet aphorisme en 1949, parce queles féminicides, considérés alors comme des « crimes passionnels »,étaient systématiquement occultés. Depuis la parution du Deuxième sexe,la continuité des mouvements féministes a changé la donne avec, entreautres, les mobilisations de masse de l’après-Mai et le mouvement#MeToo lancé à la suite de la révélation de l’affaire Weinstein. Le sen-timent trompeur que la victoire était définitivement acquise vole enéclats. Nous disions, l’an dernier, que plus rien ne serait comme avant ;que les harceleurs et les pervers, enfin reconnus comme tels, allaientdevoir réfréner leurs pulsions prétendument irrépressibles. La vigilancepermanente est un gage de protection pour les femmes. Le 12 novembre, la France entière a appris que le 131e féminicide depuisle début de l’année venait d’être perpétré. Ce décompte macabre estpresque insoutenable. Mais il permet de mener la bataille contre les vio-lences sexuelles et conjugales : le mot « féminicide », qui caractérisecomme un crime spécifique tout meurtre misogyne, est en passe de s’im-poser dans le débat public. C’est un levier pour que la France reconnaisseau plus vite dans le Droit les meurtres de femmes, parce qu’elles sontdes femmes, comme en Italie, en Espagne, au Mexique ou encore enBolivie. À ce titre, la marche organisée par le collectif #NousToutesle 23 novembre sera décisive.

Droit de se taire. E. Philippe dénonce un détournement du droit de retrait à la SNCF.

21oct.

Jamais mieux servi. Le gouverneur de la banque centrale lettone comparaît pour corruption.

2nov.

Pas d’accord. Climat : les USA informent l’ONUde leur retrait de l’accord de Paris.

3nov.

Aqui. Près d’un million de Chiliens manifestent contre les inégalités économiques.

27oct.

Nauséeux. La justice annule l’arrêté anti-pesticides d’une commune bretonne estimant qu’un tel arrêté ne relevait pasde la compétence d’un maire.

26oct.

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DANS LA CLASSERepèresiw 1974 : premières expérimentations

dans la perspective de la miseen place du «  collège unique ».

w 1989  : généralisationdes évaluations nationales en CE2 et en Sixième.

w 1992-2001 : périodeoù les évaluations à l’entréede Seconde ont lieu en continu.

w 1993 : sept enseignants sur dixconsidèrent les évaluationscomme un moyen efficace pourdéceler la difficulté scolaire(Source : francetvinfo.fr).

w 2013  : abandon du principedes évaluations nationales.

w 2017-2018 : retour progressif desévaluations avec J.-M. Blanquer.

Statistiques en Sixième*i

810 000élèves de Sixième ont passé l’évaluation d’entrée au collègeen octobre  2018.

86,7 %des collégiens étaient dotés,l’an dernier, d’une maîtrisesatisfaisante en français.

72,3 %c’était le taux de «  réussite  » des élèves de Sixième en mathématiques.

Disparités ou inégalités  ?*i

w 89,4 vs 84,6 %L’an dernier, les filles ont nettementmieux réussi les évaluations defrançais à l’entrée de la Sixièmeque les garçons.w 91,6 et 90,8 %Pour le français, les plus fortstaux de maîtrise se retrouventrespectivement dans lesacadémies de Paris et de Rennes.En mathématiques, le niveausatisfaisant est également obtenupar plus de trois élèves sur quatredans les académies de Clermont-Ferrand et de Grenoble.Le ministère note pudiquementque «  les disparités de maîtrisesont également très marquéesselon le profil social du collège ».

Et en Seconde ?*i

550 000néo-lycéens ont passé les testsde positionnement l’an dernier.Les résultats au niveau nationaldes tests  2018 n’ont pas étérendus publics par le ministère.

* Références et statistiques 2019.

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 5

«

Dans notre collège, le côté « technique » dela passation (réservation de la salle info,récupération des mots de passe...) est entiè-

rement pris en charge par la principale adjointe.Les enseignants ont donc juste à « sacrifier » uneheure de cours. Faire passer les évaluations à uneclasse de Sixième sur une heure reste cependantun défi : les mots de passe très complexes, la lecturedes consignes préalables ne laissent pas les cin-quante minutes nécessaires pour passer tous lesitems. Certains élèves de ma classe n’ont pu ter-miner ou ont fini en bâclant le travail.De même, si les questions sont abordables, ellesnécessitent beaucoup de lecture (avec parfois

plusieurs onglets à consulter pour un seul docu-ment) et les différents modes de réponses sontdéstabilisants. Si un élève se trompe, il ne peutrevenir en arrière pour se corriger. Tout cela estdonc préjudiciable pour les élèves qui ne sont pasà l’aise face à un ordinateur ou qui sont un peulents en lecture. Pour ce qui est des résultats, ilspeuvent certes être intéressants pour créer desgroupes d’accompagnement personnalisé, mais, àquelques exceptions près, la connaissance de l’élèveet les évaluations propres à l’enseignant permettentd’arriver aux mêmes conclusions. » n

LES ÉVALUATIONS NATIONALES

Outil pertinent ou machine à classer ?Les évaluations nationales sont de retour. On sait que le ministre adore collecter les indicateursles plus variés. Mais quelle peut bien être l’utilité de ces nouveaux tests pour la profession ?

Rubrique réalisée par Jean-François Claudon

Avant les vacances d’au-tomne, l’ensemble desélèves de Sixième ont été

soumis aux évaluations de fran-çais et de mathématiques, tandisque les lycéens de Secondeavaient, eux, planché dès septem-bre sur les tests de positionnementdans ces deux disciplines.

Procédure et objectifsLes évaluations de Sixième etles tests de positionnement deSeconde ont de nombreusescaractéristiques communes. Lesexercices sont réalisés exclusi-vement sur une plateformenumérique, où les réponses auxquestions ne nécessitent pas derédaction. Tant en français qu’enmathématiques, le processus seveut « adaptatif », puisque, aprèsune première série d’exercices,l’élève est orienté vers uneseconde série en fonction de sesrésultats initiaux. La correctionest automatisée en Sixièmecomme en Seconde.Selon Michel Fayol, professeuren psychologie du développe-ment à l’université de Clermont-Auvergne, l’objectif de ces éva-luations new look est « depermettre aux enseignants de dis-poser d’informations sur leniveau des élèves afin de les aiderà piloter leur démarche pédago-gique ». Pour Franck Camus, leprojet ministériel « aura égale-ment comme conséquence d’offrir

aux enseignants, aux chefs d’éta-blissement, aux inspecteurs etaux recteurs un état des lieux fia-ble des compétences des enfantsdont ils s’occupent ».

Questions en suspensLa première est celle de la perti-nence d’une batterie de tests supplémentaire dans un mondeéducatif déjà atteint d’une éva-luationnite aiguë. La journalistede l’éducation Louise Tourretnote que, « si le but affiché desévaluations [...] est d’estimer glo-balement le niveau des élèves,force est de constater que nousdisposons en l’état de tous lesoutils nécessaires »*. D’ailleurs,le rendu pour le moins lapidaireprévu pour les tests made in Blan-quer en fait de piètres instrumentsde mesure en la matière...La deuxième question porte surl’externalisation de l’évaluationdes élèves à des prestataires pri-vés. En effet, pour ces tests sursupport numérique, le ministèrea recours aux services de l’en-treprise OAT, « spécialistereconnu internationalement enmatière d’évaluation, [... qui]utilise les services techniquesd’Amazon Web Services pourhéberger sa plateforme ». Lesserveurs de ce prestataire sontinstallés en Irlande... où la célè-bre firme transnationale veillescrupuleusement à ne pas payerd’impôts ! Qui a dit que l’école

ne savait pas s’adapter à la mon-dialisation ?Mais l’essentiel est ailleurs. Souscouvert de lutte contre les diffi-cultés de nos élèves, le ministèrene cherche-t-il pas plutôt à évalueret, au final, à classer les équipesenseignantes, ainsi que les col-lèges, comme il le fait pour leslycées avec l’indicateur IVAL ?Ces tests nationaux lui permettenten effet de constituer une véritablebanque de données sur les éta-blissements scolaires. Et il va sansdire que, rendue publique, cettebase encouragerait les stratégiesd’évitement et la mise en concur-rence des établissements, rédui-sant d’autant cette mixité socialequi fait la richesse de l’écolepublique. n

* Louise Tourret, « Dans l’Éducationnationale, aucune évaluation n’estinnocente », slate.fr, 19 septembre 2018.

TÉMOIGNAGE

« Faire passer les évaluations en Sixième reste un défi »Amandine Receveur est professeur de lettres modernes au collège Valcourt de Toul (54).©

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

PORTRAIT LE CIRQUE PLUME

Le Cirque Plume fait ses adieuxà la scène dans un spectacleintitulé La Dernière Saison.

« Le titre est intimement lié à lanature » explique B. Kudlak, ledirecteur de la compagnie (entre-tien de B. Kudlak avec ErikaLamy, Sparse, 20/09/2019). Àl’automne et ses feuilles jauniessuccèdent l’hiver et ses plumes deneige, le printemps, l’été et lacinquième saison... celle du plas-tique. Il « faut arrêter nos conne-ries » et écouter ce que dit GretaThunberg poursuit B. Kudlak. Lapolitique s’invite ainsi au cirque.C’est que Plume n’est pas uncirque comme les autres. « Larecherche d’un spectacle exigeantet populaire m’a mené sur lesterrains du cirque. Quand on adécouvert le cirque, il y a à peuprès vingt-cinq ans, il était quelquepeu en friche. On parlait mêmede la mort du cirque. Puis, on adécouvert un répertoire et unmonde extraordinaire où il étaittrès intéressant de se promener »(entretien de B. Kudlak avecPatricia Coller, 2004-2005). Lapopularité du Cirque Plume(festival d’Avignon 1986, Besançon 1988)fait grincer quelques dents au sein des grandescompagnies. Le cirque c’est la sciure, lesclowns et les animaux rappelle alors le patrondu Cirque Pinder. Sous leur chapiteau lesPlume développent un autre langage, celuidu « nouveau cirque ». Le dompteur ne metplus sa tête dans la gueule d’un tigre maisdans celle d’un trombone, l’écuyère ne montepas un cheval mais un vélo, le clown cherchedésespérément son nez rouge. Les spectateurss’en trouvent désarçonnés qui ne savent jamaiss’ils assistent à du cirque, du théâtre, de ladanse ou un concert.

Une aventure collectiveAu début il y a toujours une date. Pour leCirque Plume ce sera 1984. Ils sont neuf,comme les Muses : Hervé Canaud, MichèleFaivre, Vincent Filliozat, Jean-Marie Jacquet,Bernard Kudlak, Pierre Kudlak, JacquesMarquès, Robert Miny et Brigitte Sepaser.Bernard Kudlak propose alors « de créer uncirque, un projet qui réunirait l’esprit de lafête, la politique, le rêve, les anges vaga-bonds, le voyage, la poésie, la musique, lescorps, dans une envie fraternelle, non violenteet populaire » (cirqueplume.com). Tous sontnés dans les années 1950 et ressentent la néces-

sité de faire autre chose de leur vie après lesdésastres de cette longue guerre de trente ansqui a détruit l’Europe (la période 1914-1945).S’ajoute à cela une pointe d’esprit libertaireet la volonté de ne pas s’inscrire dans lasociété industrielle triomphante. « On nevoulait pas intégrer le monde normal etgiscardien » explique ainsi B. Kudlak. Cesjeunes gens voient dans les arts de la rue lapossibilité d’inventer des mondes, de créerdu rêve et surtout de faire la fête. Les liens

se tissent au gré des fanfares, desfêtes rurales, du théâtre et finale-ment d’un spectacle de cirquemonté en 1983 (Amours, jonglageset falbalas). Quelques semainesplus tard Bernard Kudlak proposeà ses amis d’acheter un chapiteauet de vivre leur rêve. « On estpartis du fond des années 1970d’un endroit de révolte, de suite àla révolte de 1968, de suite à larévolution musicale des années1970 et on a essayé de trouver unchemin pour notre vie qui étaitcréatif, musical, pas forcémentrévolutionnaire » explique BernardKudlak (grands entretiens,mémoire de théâtre). Il sent assezrapidement que le cirque est un artà part entière abritant un « trésorinimaginable » réunissant plusieurséléments : la marginalité, la poésie,l’émotion, les mythologies de l’es-pèce humaine. Dans le cirque il ya quarante mille ans d’histoirehumaine rappelle-t-il. Dans sonhistoire des mythes et des religionsMircea Eliade montre que partoutsur la terre les sociétés humainesrejouent les débuts du monde dansdes cabanes secrètes, le plus

souvent dans un cercle. « Chaque fois quel’on dresse un chapiteau, on célèbre le débutdu monde » souligne B. Kudlak.Si l’aventure du Cirque Plume a été collective,Bernard Kudlak y a joué un rôle déterminant.À l’écouter, l’aventure du Cirque Plumeapparaît tout autant comme un pari audacieuxet utopique que comme une nécessité, sinonun défi. « Né dans le pays de Montbéliard,fief des usines Peugeot » (Parcours d’artiste,Artcena), B. Kudlak est issu d’un milieu

APRÈS TRENTE-CINQ ANS D’EXISTENCE le Cirque Plume tire sa révérence. Derrière ce nom douillet se cacheune compagnie de plus d’une cinquantaine de personnes qui, sous son chapiteau, rassemble petits et grandsautour de spectacles poétiques.

L’utopie faite cirque

« Chaque fois que l’on dresse un chapiteau,

on célèbre le début du monde »

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Plu

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À PROPOS DU SPECTACLE LA DERNIÈRE SAISONPartir.Préparer son départ.Partager son départ.Ne pas partir, rester avecvous, partager ce momentoù nous ne sommes pas

[partis, avec vous.Dire au revoir.Une dernière tournée,

[une dernière saison.Un spectacle de finesse si

[on peut.

Un spectacle de joie, [simple et coloré.

Une fête.Un pot de retraite ?Aurons-nous de la peine ?

[Je ne le pense pas.Faire le chemin de tout cetemps de créations et[de représentations ? Non !

Faire le chemin de tout ceprésent de représentation,ici, aujourd’hui, avec vous,

avec « La dernière[saison » ? Oui  !

C’est le projet.Le seul vrai projet.Un spectacle qui traverseles saisons, comme on

[traverse les âges.Que l’on soit humain ouhumanité ou planète terre

[ou galaxie ou univers.Humains ou divins.Un début, une fin. […]

Bernard Kudlak

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 7

ouvrier, il grandit dans un quartier marquépar l’immigration du travail. Les enfantsd’Espagnols, de Catalans, d’Italiens, de Maro-cains, d’Ukrainiens se mélangent au sein dela petite école primaire. Le fondateur duCirque Plume rappelle souvent que rien nele prédisposait à se diriger vers les arts duspectacle. « Quand on est enfant de cesmilieux-là il est difficile de s’en échapper.Adolescent à l’âge de 25 ans j’ai compté mesamis morts, il y en avait 30. » Il rêve pourtanttrès tôt d’être peintre, artiste, poète. « Est-ce que quand on est fils d’ouvrier on a droitd’être quelque chose ? » s’interroge-t-il alors.Orienté en CAP parce que « trop dissipé »,il passe un bac de technicien et s’oriente versdes études de chimie. À 17 ans à l’occasiond’une sortie scolaire il voit Andrei Roublevd’André Tarkovski. « J’ai été happé par cefilm du début à la fin ». Malgré la mort deson père et sans que ce dernier ait eu le tempsde lui transmettre son savoir, un jeune fondeurde cloches parvient à en fabriquer une avecl’aide d’Andrei Roublev. « Ce film m’a dit,si tes pères ne t’ont pas appris, tu peux quandmême faire sonner une cloche. Une portes’était ouverte et là j’ai su que j’étais autoriséà être artiste. »

Plume : «  un poème en acte »Le Cirque Plume répond parfaitement à ladéfinition du cirque comme « poème en acte »d’Henry Miller. Les idées de spectacles trou-vent leur point de départ dans le quotidien.Au début des années 1990, B. Kudlak observesur son écran de télévision la guerre desBalkans avec des femmes et des enfants fuyantleur village sur des charrettes, victimes de laviolence des hommes. Il imagine alors unhomme qui a une ombre de femme et monteun spectacle dans lequel il questionne l’identitémasculine. Ce sera L’Harmonie est-elle muni-cipale ? (1996) qui montre que les relationshommes/femmes ne sont pas toujours harmo-nieuses et que, peut-être, l’homme gagneraità découvrir sa part féminine. Plic-ploc (2004-2008) naît lors d’une tournée aux États-Unis :canicule, climatiseur sous le chapiteau, dérè-glement climatique, protocole de Kyoto... etsi la clim du cirque se déréglait ? Voilà latrame du spectacle posé. Les Plumes compo-seront avec l’eau donnant naissance à desnuméros plongeant les spectateurs dans unautre monde : jonglage avec des jets d’eau,voltige sur tuyau d’arrosage, dompteur avalépar un monstre-parapluie. « Ce n’est pas ducirque, ce n’est pas de l’acrobatie, ce n’estpas du théâtre, ce n’est pas le souk et pourtantc’est un peu tout cela » (SüddeutscheZeitung, 1996).

On peut faire sans savoir« Toute l’expérience du Cirque Plume a étéde faire sans savoir » rappelle B. Kudlak.Comme ses compagnons, ce dernier vientau cirque un peu par hasard. Lui-mêmecommence par du théâtre amateur et apprendle jonglage dans un livre pour enfants. Lesspectacles du Cirque Plume participent d’uneconstruction collective. Si B. Kudlak écrit

la trame des spectacles, la création en tantque telle repose sur des « improvisationspour lesquelles chacun devient créateur »(entretien B. Kudlak, Patricia Coller, 2004-2005). La poésie occupe une place essen-tielle dans les œuvres du Cirque Plume.« Créer des choses qui n’ont pas existéreprésente le fond même du travail artis-tique » (Ibid.). Comme au théâtre cecisuppose une machinerie et des compétencestechniques spécifiques. De là, le rôle fonda-mental des techniciens et des ouvriers

spécialisés (soudeurs, menuisiers, décora-teurs, costumiers...). Le Cirque Plume pour-suit un peu le rêve de Jean Vilar : conjuguerexigence artistique et spectacle populaire.Il est important d’« essayer d’avoir unlangage ouvert à un grand nombre depersonnes, de faire du spectacle de partage »rappelle B. Kudlak. « Encore de nos jours,le théâtre, par exemple, sert très souventd’identifiant social, et se cantonne dans ce

rôle-là : présenter du savoir à ceux qui ontdéjà le savoir et qui sont très fiers d’avoirle savoir à côté de gens qui n’ont pas lesavoir. On va au théâtre pour voir des piècesmais aussi pour montrer qu’on en fait partie,qu’on en est » (B. Kudlak, entretien avecLaurent Gachet). L’objectif est bel et bien,le temps d’un spectacle, de rassembler unpublic de tous âges, de tous horizons et detoute classe sociale. Le temps d’une repré-sentation on se retrouve à passer un momentensemble (B. Kudlak, JDD, 7/11/1999).Chez les Plumes les barrières culturellesexplosent. Dans l’atelier du peintre la pein-ture s’invite ainsi sous le chapiteau, la troupeproposant des variations autour de quelquestableaux. Poésie et imagination sont omniprésentes, toujours rythmées par lamusique de Robert Miny décédé en 2012.Celle-ci habite littéralement tous les spec-tacles des Plumes : trombones, percussions,

saxos, accordéons, pianos sontsur la piste. Dans Mélanges(opéra Plume), les rythmes derock croisent ceux du tangoet des chants Yiddish, lescontrebasses se mêlent aux

sonneries de portable. Les sons sont ceuxd’une musique à la fois populaire et savante :rythme rock, valse musette. Au rythme desspectacles on croise ainsi Erik Satie, lesBeatles, le jazz et le rock’n’roll. La culturecélébrée par les Plumes est celle dupartage. n

« Est-ce que quand on est fils d’ouvrier

on a droit d’être quelque chose  ? »

SPECTACLES◗ 1990-1992 : No Animo mas anima◗ 1993-1995 : Toiles◗ 1996-1998 : L’Harmonie est-elle municipale ?◗ 1999-2001 : Mélanges (opéra Plume)◗ 2002-2003 : Récréation◗ 2004-2008 : Plic Ploc◗ 2009-2012 : L’Atelier du peintre◗ 2013-2016 : Tempus fugitSources :https://www.cirqueplume.com/index_fr.html

Portrait réalisé par Nicolas Sueur

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ACTUALITÉ

14 NOVEMBRE, MOBILISATIONS POUR LE SYSTÈME HOSPITALIER

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Le 14 novembre, les personnels des hôpitaux se sont mobilisés pourdéfendre l’hôpital et le système de santé et d’action sociale.L’hôpital est au bord du gouffre mais le gouvernement est sourd. Leprojet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit pour 2020une augmentation de 2,1 % de la dépense hospitalière alors qu’il fau-drait 5 %. Cette différence va forcer les hôpitaux, dont les financementsont été déjà mis à mal, à réaliser plus de 800 M€ «  d’économies  ».C’est impensable et proprement scandaleux. Les patients et les per-sonnels vont payer le prix fort. Les personnels des urgences sont

mobilisés depuis le printemps pour dénoncer la dégradation de leursconditions de travail. Ces revendications se sont étendues à l’ensembledes professionnels des hôpitaux et des établissements de santé etd’action sociale.Ce mouvement qui réunit de nombreux collectifs et une intersyndicaletrès large est soutenu par la Coordination Nationale des Comités deDéfense des Hôpitaux et Maternités de Proximité et, dans le cadrede cette coordination, par la FSU qui appelle à participer aux actionsmenées localement. Hervé Moreau

MOBILISATIONS : AUX ACTES, CITOYENS !Les chiffres révélés par l’enquête du SNES-FSU, rendue publique le 6 novembre, ont permis auxjournalistes et à l’opinion publique de prendre la mesure de la souffrance au travail des personnels.

Le SNES-FSU a alerté maintes fois sur l’effetde réformes faisant peu de cas des métiers,sur une gouvernance agressive faite à coup

d’injonctions et sur le peu de reconnaissancedevant l’intensification du travail.S’agissant du sentiment d’exercer correcte-ment son métier, le sondage* commandé parle SNES-FSU en mars 2018 est sans appel :le taux de satisfaction est très faible et baissecontinûment depuis vingt ans (perte de20 points).La situation s’est aggravée sous l’effet dessuppressions de postes touchant toutes lescatégories de personnels, d’une réforme dulycée mettant à mal les disciplines et faisantéclater le groupe classe, et d’une mise enconcurrence généralisée des établissements,des collègues, des enseignements.Ajoutons à cela des salaires insuffisants, unegestion particulièrement autoritaire de Jean-Michel Blanquer qui, se payant de mots, brodesur le « bien-être » des enseignants tout enniant les problèmes qui partout affleurent.

Rendez-vousLe 6 novembre, à l’occasion de la tenue duCHSCT ministériel demandé par les syndicatsaprès le suicide de notre collègue ChristineRenon, des rassemblements se sont tenus àtravers toute la France. Le ministre a été vive-ment interpellé.Une fois de plus, sa communication a confinéau mépris. Non content de minimiser les chif-fres des suicides touchant des personnels del’Éducation nationale, il s’apprête à déman-teler en partie l’éducation prioritaire en s’ap-puyant sur les conclusions du rapport Mathiot-Azéma qui propose la suppression de lalabellisation des REP. Ne s’arrêtant pas en sibon chemin, il théorise l’idée que toute com-pensation de la perte du niveau de pensions,consécutive à la réforme, devrait s’inscriredans une refonte du métier d’enseignant,ouvrant ainsi de nouveau la porte à des mis-sions supplémentaires, à un accroissement dutemps de travail et à des primes différenciéesau mérite.

Alors oui, il faut se mobiliser et le faire trèslargement en se préparant à un combat dura-ble. Le gouvernement, par une politique pro-fondément injuste, fossoyeuse des servicespublics et des protections collectives, a réussile tour de force d’agréger les mécontente-ments.Le 5 décembre, après la RATP et la SNCF,les fédérations de fonctionnaires, celles del’Éducation, les organisations de jeunesseet les Gilets jaunes ont appelé à la grève etaux manifestations. Le pouvoir, ébranlé,tente différentes manœuvres : « clause dugrand-père » qui réserve aux nouveauxentrants sur le marché du travail la brutalitédu futur système des retraites, discours ras-surants envers certaines catégories, mesuresdiverses, comme le paiement des HSA pourles policiers.C’est le moment d’accentuer la pression sinous voulons éviter que les personnels del’Éducation nationale ne soient particulière-

ment lésés par la réforme des retraites etoubliés de toute revalorisation. n

Frédérique Rolet

* Sondage IPSOS sur un échantillon représentatifde 603 enseignants du second degré

AESH mobilisés le 20 novembreSalaires non versés, temps incomplets subis,mutualisation forcée (PIAL), affectations aberrantes, absence de reconnaissance dumétier… Malgré les promesses du ministre, lasituation des AESH est fortement dégradée àcette rentrée.L’intersyndicale FSU (SNES-SNUipp-SNUEP), CGT,SUD, SE-UNSA, SGEN-CFDT, SNALC, FO appelle àdes rassemblements départementaux pour exigerde meilleures conditions de travail, d’emploi etde salaire, et la création d’un statut de la Fonctionpublique pour les AESH.

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Avez-vous le sentiment d’êtredébordé et de ne pas pouvoirfaire tout ce que vousavez à faire ?Plus de 88 % desCPE déclarentêtre débordés

au moinsplusieursfois parse maine

(76 % pour lesp ro fes seur s ) .81 % notent d’ail-leurs, par rapportaux années précé-dentes, un accroissementdu temps de travail. 95 %affirment ne pas avoir la reconnais-sance financière de leur travail. 80,8 % déclarent que leur étatde santé s’est dégradé en 2018-2019 et depuis la rentrée dufait de leur travail (73 % pour les professeurs).

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 9

CHSCTM EXTRAORDINAIRE DU 6 NOVEMBREC’est avec gravité et colère que le SNES avec la FSU avait demandé laréunion d’un CHSCT extraordinaire sur les actes suicidaires. Le ministreétait absent comme à son habitude. Ses services ont, pour la premièrefois, présenté un recensement des suicides dans notre ministère, largementcommenté dans les médias. Nos informations permettent de penser queles données minimisent la réalité, mais il n’est pas question de débattrepour savoir s’il y a plus ou moins de suicides qu’ailleurs. Quel que soit le

nombre, il n’est pas admissible que le travail conduise au suicide. Nousavons fermement rappelé les causes du mal-être au travail, management,manque de moyens et réformes insensées. Nous avons en particulier exigéque les réformes ne soient plus conçues et menées au rythme des agendaspolitiques, sans prise en compte de l’expertise et de la parole des personnelset qu’elles ne soient plus conçues sans aucune considération a priori desbesoins d’amélioration des conditions de travail. Hervé Moreau

MÉTIER – CONDITIONS DE TRAVAIL#MAINTENANTDURESPECTEn complément du fascicule joint à ce magazine, voici quelques élémentssupplémentaires tirés de l’enquête menée par le SNES-FSU. Ils confirment ladégradation des conditions de travail des personnels.

La mise en place de laréforme du collège et lecortège de modifica-tions qui l’ont suivise traduisent pourvous par des ten-sions dans leséquipes éduca-tives.La mise en concur-rence des disciplines

pour l’obten-tion des moyensmet à mal le col-lectif de travail.

Les conditions de travail sedétériorent, les conditionsd’accueil du publicaussi.

La situationdes Psy-ÉNet DCIOdoit être

regardée avec uneattention particu-lière au regard de lavolonté ministériellede restructuration enprofondeur du servicepublic d’orientation. Les réponses mettent l’accentsur une dégradation des conditions matérielles de travail (téléphone,internet, photocopies, partage de bureau, temps de trajet...).

VOIR LES RÉSULTATS ET LA MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE SURwww.snes.edu/Grande-enquete-metier-resultats.html

34,4 %

32,3 %

16,7 %

5,6 %

11 %

52,6 %

18,6 %

13,7 %

2,8 %

12,1 %

52,5 %35,7 %

4,8 %5 %

1,3 %0,5 %

n Tout à fait d’accordn Assez d’accordn Pas vraiment d’accordn Pas du tout d’accordn NSP

n Tout à fait d’accordn Assez d’accordn Pas vraiment d’accordn Pas du tout d’accordn NSP

n Tous les jours ou presquen Plusieurs fois par semainen Quelques fois par moisn Quelques périodes dans l’annéen Jamais ou presque

n NSP

FOCUS COLLÈGE

FOCUS CPE

La réforme du lycéese traduit-elle pardavantage d’élèvesà prendre en charge ?

Le ministres’en étaitdéfendu,mais la

réforme du lycéeabsorbe sanssurprise une partiedes suppressions demoyens dans lesecond degré, ce quicontribue à la dégradationdes conditions de travail.

62,4 %

25,7 %

11,9 %

n Ouin Nonn NSP

FOCUS PSY-ÉN

FOCUS LYCÉE

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10 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

ACTUALITÉ

Ànouveau, le gouvernementenvisage de poursuivre dedégrader les droits à pension

avec un calcul sur toutes les annéesde la vie active et en écartant trèsclairement, comme l’a redit Jean-Paul Delevoye (France Inter, le5 novembre), la prise en comptedes années d’étude sous prétextequ’études longues signifient parla suite hauts revenus...

Les prévisions alarmistes du CSRPourtant en juillet 2019, le CSR(Comité de suivi des retraites)n’hésite pas à écrire que dans lesystème actuel « quel que soit lescénario (de croissance entre 1 %et 1,8 %) envisagé par le COR, leniveau de vie relatif des retraitéspar rapport à celui de l’ensemblede la population devrait se dégra-der de façon continue durant les50 prochaines années. [...] leniveau de vie relatif des retraitésdevrait retrouver, en 2070, sonniveau des années 1980-1990, soit,selon les scénarios, entre 78 % et87 % du niveau de vie de l’ensem-ble de la population ».En effet, toutes les réformes –1993, 2003, 2010 et 2014 – contribuent, d’année en année, à abaisserle niveau des pensions : sous-indexation par rapport aux salaires,

calcul sur la base des 25 meilleuresannées au lieu des 10 pour les sala-riés du privé, départ à 62 ans, ins-tauration d’une décote et allonge-ment de la durée de cotisation quicontribue à généraliser et accroîtrela décote (voir ci-dessous), sup-pression de la bonification pourenfants. Tout cela au nom de l’al-longement de l’espérance de vie.

Accroître les financementsUne société bien plus riche qu’en1945 doit pouvoir assurer un finan-cement pérenne des retraites sansdégradations. Cela implique plusd’emplois et de meilleurs salaires,bases des cotisations. Cela pose laquestion de la crise d’un modèleéconomique et social, celui ducapitalisme financiarisé et libéralà bout de souffle, qui révèle seslimites en termes de chômage etde stagnation des salaires.Pour maintenir la priorité à la rému-nération du capital – profits, inté-rêts... – par rapport au salaire, legouvernement décide de bloquerla part des financements consacréeaux retraites à 13,8 % du PIB, alorsque la part des retraités dans lapopulation ne cessera d’augmenter.

Toutes les réformes découlent de ce diktat, qui ne peut que mener àune paupérisation des retraités. n Erick Staëlen

RETRAITE : LA DÉGRADATION CONTINUEDepuis la réforme Balladur de 1993, au nom de l’équilibre du système, les réformes produisentmécaniquement des baisses de prestations. Les questions de fond, dont celle du financement,sont perpétuellement écartées.

LES SIMULATIONS DU GOUVERNEMENT TOUJOURS ABSENTESIl n’y a rien de plus illisible qu’un systèmedans lequel on ne peut pas connaître àl’avance le montant de sa pension ! Il n’y arien de plus simple, à l’opposé qu’un systèmequi assure un pourcentage du dernier trai-tement brut (des meilleurs salaires dans leprivé). Le SNES-FSU a publié sur son site dessimulations montrant une dégradation consi-dérable des pertes en intégrant la totalitéde la carrière (www.snes. edu/chronique-d-une-baisse-des-pensions-annoncee.html).Dans la vulgate qui présente le régime parpoints, la référence à l’âge disparaît car lesassurés sont prétendument libres de leurchoix du moment où ils partent à la retraite.De même, la durée d’assurance requise doitdisparaître car la notion de pension au tauxplein (75 % du dernier salaire) n’existe plus.Les exemples étrangers montrent que la dis-parition des critères sociaux, collectivement

maîtrisés pour tous, pour un choix individuelest une fiction. En fait la durée d’assuranced’explicite devient implicite car en points lapension dépend toujours de la durée de coti-sation...C’est pourquoi nos calculs intègrent la décotequi existe déjà dans le régime actuel. Leministère a communiqué le 7 novembre qu’en2018, 21 % des pensions de tous les ensei-gnants du secteur public français (premieret second degrés) ont subi une décote pourun taux moyen de décote de 10 %, taux quine cesseront de se dégrader. Il ajoute quele taux moyen de liquidation (après décoteet surcote) est de 66,1 % pour un indicemoyen de 765. Dans nos professions, à 62 ans, même si ontotalise des trimestres correspondant à des« jobs d’étudiants » limitant la décote, il fau-drait avoir cotisé dès 19 ans au titre de la

pension du fonctionnaire, donc avoir uneprise en compte intégrale des années d’étude,pour obtenir un taux de liquidation de 75 %(43 ans dans la Fonction publique requis pouravoir 75 % de l’indice détenu dans les sixderniers mois pour la génération 1973 et lessuivantes). On comprend aisément pourquoile gouvernement se garde de faire des simu-lations, tant sa réforme accentuera encoreplus nettement la baisse des pensions.Toutes ces raisons montrent l’importanceque chacun informe et mobilise contre ceprojet de réforme et rejoigne l’appel du SNES-FSU à la grève le 5 décembre, au sein de l’in-tersyndicale CGT, FO, FSU, Solidaires, UNL,UNEF, MNL, FIDL.

Informations et calculateursur etmaretraite.fr

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 11

La loi ne change rien dans l’expertise recon-nue des commissaires paritaires et desmilitants du SNES-FSU. Ils continueront

à vous apporter aide et conseils fiables dèsla première étape qui débute en ce moment :la formulation des vœux. Le SNES-FSU meten place un important dispositif et différentsoutils dont le hors-série L’US Mutations, quiaccompagne cet US Mag.

Détermination intacteLes sections académiques ou départementalesorganisent des réunions mutations. C’est l’oc-casion de vous informer sur la meilleure stra-tégie possible en fonction de votre situationpersonnelle et de vos souhaits. Vous trouverezun grand nombre d’informations sur nos sites,national et académiques. Vous pouvez aussicontacter les élus et militants SNES-FSUpour des entretiens individuels. L’adminis-tration ne réunira plus vos élus lors de groupesde travail de vérification des vœux et barèmeset ne leur communiquera plus les documentspréalablement aux décisions. Pourtant, cesGT étaient l’occasion pour les élus SNES-

Ainsi, les CAP (commissions administra-tives paritaires) n’examineront plus lesprojets de mutation établis par l’admi-

nistration, et ce dès janvier 2020. En 2021,ce sera le tour des carrières (avancements etpromotions). Les Commissions administra-tives paritaires ont été créées à la Libération(Statut général de 1946). Elles permettent auxpersonnels de se voir garantir des droits,comme pour les autres salariés. La présencedes élus des personnels, à parité avec l’ad-ministration, impose à l’État-employeur latransparence et l’égalité de traitement dansla gestion des mutations et des carrières, dansl’organisation et le fonctionnement des ser-vices. Le travail de contrôle et de vérificationqu’effectuent en CAP les représentants despersonnels, élus par le suffrage universel dela profession, est depuis reconnu par tous,

tant le nombre d’erreurs corrigées dans lesprojets de l’administration est important.

RégressionCe modèle, réaffirmé par le Statut général de1983-1984, incarne une vision démocratiquede la Fonction publique. Il reflétait alors lanécessité de tourner la page de la collaborationd’État durant la guerre, et portait le besoinde renouveau social et démocratique, issu dela Résistance et incarné par l’idée toujoursmoderne du fonctionnaire-citoyen, acteur del’intérêt général.En termes de droit des personnels, la sup-pression des compétences des CAP constitueun retour en arrière de plus de 70 ans : onrevient à la conception qui avait prévalu dansle Statut du 14 septembre 1941, celui de l’amiral Darlan, et portait la volonté du gou-

vernement d’alors de mettre au pas les fonc-tionnaires. Le retour à ce modèle de Fonctionpublique auquel procède l’actuel gouverne-ment, celui d’un fonctionnaire aux ordres, endit long sur ses intentions.Pour le SNES-FSU, personne ne doit resterseul face à l’administration et à ses décisionsopaques. n Christophe Barbillat

FSU de repérer un nombre conséquent d’er-reurs et d’en demander la correction. Dés-ormais, le seul moyen dont vous disposezpour que votre dossier soit suivi efficacement,

c’est de le transmettre en intégralité à vosélus. Pour ce faire, à l’occasion de l’inter, leSNES-FSU met à votre disposition une fichede suivi à saisir en ligne sur notre site. Lesadhérents peuvent y accéder à partir de leurespace adhérents, où un certain nombre d’in-formations sont déjà enregistrées. Il est impor-tant de compléter la fiche avec le plus grandsoin et de l’accompagner de la copie de l’en-semble du dossier de participation. Pour lesmouvements spécifiques, la fiche papier estdisponible dans L’US Mutations et téléchar-geable sur notre site.Plus encore qu’auparavant, il est nécessairede se faire bien conseiller afin d’éviter leserreurs lors de la saisie des vœux et tout aulong du processus. Le SNES-FSU est là pourvous aider et vous accompagner : contactezses militants et ses élus ! Ne restez pas seulsface à l’administration. n

Thierry Meyssonnier, Jessica Campain

MUTATIONS INTER : LE SNES-FSUTOUJOURS À VOS CÔTÉSDans le nouveau cadre imposé par la loi de transformation de la Fonction publique, le SNES-FSUest déterminé à tout mettre en œuvre pour aider et accompagner les participants au mouvement.

FONCTION PUBLIQUE : AVEC LE SNES-FSU,UNIS FACE À L’ADMINISTRATION !Les modifications du Statut général adoptées au cœur de l’été ontdes conséquences majeures sur les droits individuels et collectifsdes personnels.

Le portail mutations du site national

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12 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

ACTUALITÉLYCÉE À LA CARTE, UNE BOMBE À FRAGMENTATIONQu’est-ce qu’une classe lorsqu’au moins deux tiers des heures élève s’effectuent dans des enseignementsnon nécessairement communs ? Comment envisager les conseils de classe quand cette dernièren’existe plus ? Que deviennent les missions du professeur principal et des délégués de classe ?

Pour le ministère et son comité de suivi,le conseil de classe est devenu obsolèteet ce serait donc l’occasion de repenser

les missions de tous dans la perspective d’unlycée organisé en « parcours » individuels.S’il existe une classe de référence sur lepapier, cela ne correspond désormais ni àune équipe pédagogique, ni à la réalité d’uneclasse constituée.

« Tout oser » ? Les établissements sont donc invités à « toutoser ». Ici, on aurait un conseil de classede tronc commun et un autre pour les ensei-gnements de spécialité. Ailleurs, le conseilde tronc commun comprendrait un ou plu-sieurs coordinateurs des enseignements despécialité.Il est aussi envisagé un conseil de classesemestriel qui prendrait appui sur des avis

écrits issus d’entretiens individuels menéspar les enseignants de spécialité. Au bout decette logique d’individualisation apparaîtmême l’idée d’un « conseil d’accompagne-ment » dont le périmètre serait fonction dela typologie d’un parcours identifié par lesspécialités choisies.

Big bang pédagogiqueLes professeurs principaux pourraient à termese transformer en référents dont l’une desmissions consisterait à « coacher » de petitsgroupes d’élèves tout au long du cycle ter-minal. Jamais les effets de l’atomisation dugroupe-classe ne sont examinés sous un anglepédagogique.Le travail interdisciplinaire est désormaisimpossible, le suivi des élèves aussi !Qu’à cela ne tienne, l’institution fait le choixd’inscrire ses propositions dans le registre

très managérial de l’injonction à l’adap -tation. n

Claire Guéville

E3C NON AU BAC À LA DÉCOUPECoûte que coûte, le ministère veut imposer les épreuves communes de contrôle continu (E3C) dèscette année de Première alors que les élèves et les enseignants sont maintenus dans le flou total.

Malgré la communication officielle quiressasse les mêmes infographies, rienn’est anticipé pour la mise en œuvre

des épreuves locales du bac, en témoignentencore le renvoi au local des décisions d’amé-nagement des épreuves pour les élèves ensituation de handicap (voir p. 28).

Une situation inacceptableLe SNES-FSU continue de demander l’annu-lation urgente de la première session de cesE3C, et la transformation de la seconde enépreuves nationales en juin. Si le ministère

persiste à imposer ces nouvelles épreuves, ilexige qu’un cadrage strict soit mis en place,afin de garantir au maximum l’égalité de trai-tement entre les candidats. Le passage desE3C doit être fait dans les conditions de l’exa-men (deux surveillants par salle, salle dédiée...),sur un temps banalisé et clairement identifiécomme étant celui d’une épreuve de bac. L’en-semble des épreuves doit être organisé surune période courte et définie nationalement.La convocation des correcteurs et la répartitiondes copies doivent être gérées par les servicesrectoraux des examens. Les inspections doi-

vent organiser en amont des réunions d’en-tente afin de préserver des critères homogènesd’évaluation. Tous les correcteurs doiventbénéficier d’une décharge de cours et de larémunération prévue par les textes pour cettecharge supplémentaire de travail. N’hésitons pas à interpeller collectivementl’inspection pédagogique par courrier, à alerterles parents d’élèves et à se réunir pour fairevaloir ces revendications ! Toutes les infor-mations sont disponibles au lien suivant :https://www.snes.edu/Le-ministere-fait-exploser-le-bac.html. n Claire Guéville

À LA RÉUNION, LES STAGES LYCÉE DU SNES-FSU FONT LE PLEIN  !Alors que les réformes Blanquer touchent l’en-semble du système éducatif, de la maternelle aubaccalauréat jusqu’à l’enseignement supérieur,les stages syndicaux permettent de prendre letemps de décrypter le projet politique à l’œuvreet donnent des outils pour se mobiliser et agir.Les moments où la parole est libre sont de plusen plus rares dans l’Éducation nationale, et celaexplique aussi le succès de ces stages qui ont

réuni plus de 200 collègues dans quatre établis-sements de l’île pour discuter des réformes dulycée, du bac, du devenir des langues vivanteset de l’histoire-géographie. L’ambiance était à la gravité et beaucoup venaientpour trouver les moyens de préserver leur métierattaqué par le rouleau compresseur des réformes.Se retrouver et réfléchir ensemble, c’est une pre-mière étape de l’action collective !

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 13

PROGRAMMESLES AMÉNAGEMENTS, C’EST URGENT ! La réforme du lycée continue de susciter de fortes critiques de fond, sur la structure adoptée,les modes d’évaluation et de certification, et sur les contenus de certains programmes.

du rôle des disciplines technologiques trans-versales sont également nécessaires. Le SNES-FSU a adressé un courrier auministre de l’Éducation nationale pour lui

demander des aménagements en urgenceconçus à partir de l’expertise des enseignantsen lycée. n

Sandrine Charrier

LES LETTRES EN TROMPE-L’ŒILLes programmes du lycée sont trop lourds et occasionnent unsurvol réducteur. Des allégements sont urgents.

Personne ne pouvait vraiment se satisfairedes anciens programmes du lycée, troplourds au regard des horaires alloués.

Les nouveaux sont encore plus chargés : lenombre d’œuvres à lire en Seconde et enPremière est irréaliste (huit livres par an) etle nombre d’exercices différents au bacca-lauréat a encore augmenté.

Bachotage insenséLes élèves des séries technologiques ont unhoraire inférieur de 25 % à celui de leurscamarades de voie générale, mais le pro-gramme n’en tient quasiment pas compte.Fatalement, le contenu proprement littéraireet linguistique des apprentissages ne peutque pâtir de cette réforme : l’analyse destextes est si limitée qu’elle conduit à un sur-vol superficiel et réducteur. La réflexionainsi que la possibilité de progresser et d’ap-profondir sont sacrifiées au profit d’un bacho-tage insensé.Les enseignants de lettres en lycée sontaujourd’hui au bord du découragement face

à la charge de travail, à l’accroissement dunombre d’élèves en situation d’échec et àla quasi-absence de formation sur les nou-veaux exercices. La préparation à l’épreuveanticipée en Première s’avère mission impos-sible ! La mise à mal de la liberté pédago-gique, notamment en Première du fait desœuvres et parcours imposés chaque année,ajoute encore au sentiment d’être méprisépar l’institution.

Du temps nécessaireLe programme flou et peu adapté de la spé-cialité Humanités, littérature et philosophielaisse professeurs et élèves bien démunis.Et une fois de plus, la réforme est l’occasionde fragiliser encore l’enseignement deslangues et cultures de l’antiquité.Dans l’immédiat, le SNES-FSU demandeun allégement du programme de français :diminution du nombre d’œuvres à lire, sup-pression de l’épreuve de grammaire à l’oralde l’EAF, modification du programme delectures par quart tous les ans et non par moi-

tié à partir de 2021, afin d’avoir le tempsnécessaire pour dispenser un enseignementfructueux. n S. C.

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De nombreux collègues nous alertent surl’impossibilité de mettre en œuvre desprogrammes pléthoriques ou élitistes,

qui ne s’adressent pas à la diversité des élèvesdu lycée. C’est la démocratisation de l’accèsau lycée et à l’enseignement supérieur quiest en jeu.

InadaptésDes modifications sont indispensables dèsmaintenant : diminuer le nombre de textes àétudier en français en Première, renouveler leprogramme par quart et non par moitié tousles ans, réduire le nombre d’œuvres complètesà lire en lecture cursive en Première et enSeconde, alléger le programme de la spécialitéMathématiques et celui de la spécialité His-toire-géographie-géopolitique et sciences poli-tiques. La suppression du caractère obligatoiredes points de passage et d’ouverture en histoire,moins de formalisation mathématique dans leprogramme de spécialité SES de Première,l’adaptation des disciplines de tronc commundans les séries technologiques et la clarification

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14 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

ACTUALITÉCOUP DE TONNERRE SUR LES REP :RAPPORT AZÉMA-MATHIOTLe rapport de la mission Azéma-Mathiot a enfin été rendu public le 5 novembre. Sans surprise, ilpréconise la réduction du périmètre de l’éducation prioritaire aux seuls REP+, validant le rapport dela Cour des comptes de 2018.

93 : RESPONSABILITÉ DE L’ÉTATUn an et demi après un rapport parlementaire alarmant sur la situation économique et sociale dela Seine-Saint-Denis, le gouvernement présente 23 mesures pour les services publics, supposées« rendre l’État plus fort » dans ce département.

Pour une gestion prétendument « plussouple et proche du terrain », les REP,délabellisés, passeraient sous respon-

sabilité académique. Les recteurs auraientla main sur la répartition des moyens, notam-ment entre éducation prioritaire et ruralité,dans un contexte budgétaire contraint etsous la pression des collectivités locales.Quant aux lycées recevant des élèves del’EP, il n’en est question dans le rapportque pour y développer une approche indi-vidualiste via les « Cordées de la réussite »,dont on sait qu’elles ne bénéficient qu’auxmeilleurs élèves. Sous couvert d’expérimentation, les rappor-teurs proposent nombre de mesures qui sontautant d’attaques contre nos statuts : biva-lence, postes à profil, recours encouragé auxcontractuels et aux lettres de missions, dansla droite ligne de la loi Fonction publique.

Une vision comptableDélabelliser ne pourrait que produire uneforte dégradation des conditions d’exercicedans les collèges REP et priverait les per-

sonnels des indemnités et bonifications demutation afférentes. Or, tous les jours, lespersonnels exerçant en éducation prioritairesont confrontés à des conditions d’exercicedifficiles, sans moyens suffisants. À l’heureoù les inégalités se creusent, le ministre doitentendre la profession et non pas les recom-mandations d’un énième rapport téléguidépar des considérations idéologiques et bud-gétaires.

Pour le SNES-FSU, il est indispen-sable d’affirmer une réelle ambitionpour l’éducation prioritaire, à l’op-posé du rapport Azéma-Mathiot. Une

carte nationale, établie en fonction de besoinset non pas des moyens, incluant les lycées,doit être rapidement mise en discussion, avecl’extension des pondérations et l’attributiondes indemnités à tous les personnels (AED,AESH...). n François Lecointe

Cinq d’entre elles concernent directementl’école ou les enseignants. Une prime de10 000 € versée en une seule fois après

cinq années de services effectifs dans le dépar-tement est envisagée. Le périmètre de son appli-cation reste vague : seuls sont cités les person-nels en « première ligne ». Faut-il comprendrepour les personnels de l’éducation qu’il s’agitde ceux affectés en REP+ ? Dans les quartiers« politique de la ville » ? Concernerait-elle seu-

lement les nouveaux entrants ou un décomptecommençant après promulgation de la mesureserait-il mis en place pour tous les agents ? Aumême moment, les premières annonces sur laredéfinition de la carte de l’éducation prioritaireavec la perspective de la disparition du réseaunational REP montrent bien qu’il s’agirait deréduire la voilure. Pour le SNES-FSU, cetteprime est, dans tous les cas, insuffisante pourrendre attractif le département. Il faut améliorerles conditions de travail et de rémunération,recruter des personnels enseignants et de viescolaire, des assistantes sociales, des Psy-ÉN,des personnels de santé en nombre suffisantpour permettre à chacun d’exercer son métierdans de bonnes conditions.

Plus inquiétant encore...Le gouvernement veut également encouragerle recrutement d’enseignants « locaux » avec,d’ici trois ans, 500 contrats de préprofession-

nalisation réservés à des étudiants boursiers dudépartement. Cet objectif s’inscrit sans doutedans la perspective de les y affecter, et doncd’ouvrir une brèche dans le principe d’un recru-tement national, ce qui est le meilleur moyend’accentuer encore les inégalités entre les ter-ritoires : à cet effet, il prévoit d’étendre à toutela Seine-Saint-Denis la sous-traitance du recru-tement de contractuels à l’organisme privé « lechoix de l’école ». On voit mal où est le ren-forcement de l’État alors qu’il renonce à répon-dre à une crise de recrutement plus grave encoredans le 93 que dans le reste du pays. Se dégagedonc une idée de l’intervention de l’État inquié-tante : une supposée adaptation de l’école auterritoire et une délégation de l’action de l’Étatà des officines privées. La Seine-Saint-Denisn’a pas besoin d’expérimentations néolibéralesmais d’investissements publics massifs pourgarantir l’égalité aux populations déjà défavo-risées. n Grégory Frackowiak

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 15

THÈME 4 : RENFORCER LA FSUET LE SYNDICALISMEQuels en seront les principaux enjeux ? Dans le thème 4, les congressistes débattront d'abord de l’étatdu syndicalisme dans le pays.

ASSURANCE CHÔMAGE TOUJOURS MOINS DE DROITSLa réforme de l’assurance chômage, entrée en vigueur le 1er novembre, devrait atteindre sonrythme de croisière en avril. Elle est grosse de périls pour tous les salariés, privés d’emploi ou non.

Cette réforme a été imposée unilatéralementpar le gouvernement qui a dessaisi lespartenaires sociaux de leurs prérogatives

au printemps dernier, après leur avoir imposéune feuille de route intenable.Il est désormais beaucoup plus difficile des’ouvrir des droits à l’indemnisation. Il fautavoir travaillé l’équivalent de 6 mois durantles 24 mois précédents, contre 4 sur 28 aupa-ravant et à partir d’avril, le montant des indem-nités ne sera plus calculé à partir du salairejournalier moyen mais à partir du salaire men-suel, ce qui réduit considérablement l’indemnitélorsqu’on enchaîne petits boulots et chômage.

Préparer le hold-up du siècleAvec cette réforme, le gouvernement va éco-nomiser près de 6 Md€ d’ici 2022. Il prétendque c’est pour sauver l’Unedic, mais c’estfaux, puisque le rétablissement des comptesétait déjà en cours. Il s’agit surtout de domes-tiquer les chômeurs, de les pousser à acceptern’importe quel job, même au prix d’une baissede salaire. Il s’agit aussi d’utiliser la peur d’un

chômage non ou mal indemnisé pour muselerleurs éventuelles revendications des actifs enemploi. Il s’agit enfin à moyen terme de dépen-ser moins pour le chômage pour siphonner lescomptes de la Sécu. Car, depuis que les coti-sations salariales chômage ont été suppriméeset remplacées par une hausse de la CSG,l’UNEDIC est financée à 40 % par la CSG,qui doit financer aussi les différentes branchesde la Sécu. Comme le gouvernement a pro-grammé de ne plus compenser à la Sécu lespertes liées aux allégements ou suppressionde cotisations, il doit pousser à l’austérité descomptes sociaux pour faire basculer vers lebudget de l’État les recettes qui lui sont actuel-lement attribuées. Bref, les chômeurs vontpayer la politique de diminution des prélève-ments sociaux, qui a commencé dès 2017 parla suppression de l’ISF et l’instauration de la« flat tax » pour les riches. n

Hervé Moreau

tions qui partagent nos conceptions syndicales,notamment avec la CGT ?Autre axe de débat, nullement contradictoire,comment renforcer et développer la FSU ?Comment consolider l’enracinement de notresyndicalisme dans le secteur privé commepublic ? Comment développer la syndicalisa-tion et être représentatif de façon à peser dansles décisions politiques ? Comment s'adapter,dans une logique de dialogue articulé sur lesmobilisations des personnels, aux évolutions

liées aux nouvelles phases de décentralisation ?La réflexion sur les conséquences de la loi detransformation de la Fonction publique surles pratiques syndicales sera un enjeu importantdu congrès. Renforcer la FSU, améliorer savisibilité, son fonctionnement interne, attirerde nouvelles et de nouveaux militants, ren-forcer la place des femmes et des jeunes dansnotre organisation, et consolider enfin sa placedans le syndicalisme international seront éga-lement au menu. n Frédérique Rolet

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Le pouvoir actuel n'y voit qu'un obstacleobsolète à ses réformes libérales, et lesorganisations syndicales, divisées, souvent

sur la défensive, ont peiné à s'y opposer.Quelles voies doit désormais tracer le syndi-calisme pour améliorer son efficacité, tantdans les modalités d'action (la grève, la mani-festation) que dans son organisation interne(comment réduire ses divisions) ? Commentla FSU, forte de sa représentativité consolidéeaprès les élections professionnelles dans laFonction publique d'État et territoriale, premièrefédération au ministère de l’Éducation natio-nale, peut-elle contribuer à l'unité, au rassem-blement, voire à l'unification du syndicalismede transformation sociale, condition nécessaireà l’établissement d'un rapport de force avecl’État employeur ou les collectivités locales ?

Enjeux pour l’avenirSur la base des actions communes, au niveaunational comme dans les territoires locaux,quelles nouvelles propositions concrètes pourœuvrer au rapprochement avec des organisa-

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C’est quoi l’intelligence artificielle (IA) ?En fait, on ne devrait pas dire l’intelligenceartificielle mais les intelligences artifi-

cielles. Nous nous ébahissons devant lesprouesses d’AlphaGo, le programme qui battous les grands maîtres au jeu du go mais il ya plus de vingt ans Deep Blue battait déjà GaryKasparov aux échecs... On sait programmerdes IA pour réaliser des tâches répétitives...Comme jouer aux échecs, au go, traduire...Mais aucune IA n’est capable, comme notrecerveau, de choisir entre telle tâche ou telletâche, d’intégrer les informations pour choisirun traitement approprié. On parle d’IA « forte »par opposition aux IA « faibles » capables deréaliser des tâches répétitives.

Big DataQu’est ce qui a changé depuis vingt ans ? Prin-cipalement l’amélioration des techniques de« deep learning » (apprentissage profond) etde « reinforcement learning » (apprentissagepar renforcement). Là où on donnait une biblio-thèque d’ouverture d’échecs à Deep Blue,AlphaGo apprend seul si on lui fournit suffi-samment de données en entrée de son pro-gramme. Quand on nous parle actuellementd’intelligence artificielle, on est essentiellementdans le champ du traitement automatisé desdonnées issues du Big Data (et d’ailleurs lesGAFAM investissent énormément dans ce sec-teur) : en bref, des algorithmes qu’on amélioreou qui s’améliorent eux-mêmes par « deeplearning/reinforcement learning » pour la recon-naissance faciale, vocale ou la prise de décision.

Si on montre volontiers les ingénieurs desGAFAM qui travaillent sur le développementdes IA « fortes », on voit plus rarement dansles médias les milliards de petites mains quipermettent le fonctionnement des IA « faibles »,nouveaux ouvriers du « digital labor »... Avecsouvent une rémunération à la tâche, quelquescentimes souvent... Les entreprises du « digitallabor », en se positionnant comme plate-formede mise en relation et non comme employeur,dissimulent cette réalité et sous-traitent, à moin-dre coût, le travail répétitif nécessaire pournourrir les algorithmes sous couvert d’auto-entrepreneuriat et de flexibilité. Si les plates-formes ne changent pas de modèle à l’avenir,c’est une profonde inégalité qui se développeraentre ceux qui gèrent les plates-formes et ceuxqui les alimentent. Une nouvelle lutte desclasses ? n

Thomas Brissaire

Définitionsi

❱ Deep learning L’apprentissage profond fait partie d’unefamille de méthodes d’apprentissageautomatique fondées sur l’apprentissagede modèles de données. ❱ Reinforcement learningL’apprentissage par renforcementconsiste, pour un agent autonome (robot,etc.), à apprendre les actions à partird’expériences, de façon à optimiser unerécompense quantitative au cours dutemps. L’agent cherche, au traversd’expériences itérées, un comportementdécisionnel (appelé stratégie ou politique,et qui est une fonction associant à l’étatcourant l’action à exécuter) optimal, en cesens qu’il maximise la somme desrécompenses au cours du temps.❱ Big dataLe big data désigne des ensembles dedonnées devenus si volumineux qu’ilsdépassent l’intuition et les capacitéshumaines d’analyse et même celles desoutils informatiques classiques de gestionde base de données ou de l’information.❱ GAFAMGAFAM est l’acronyme des géants duWeb — Google, Apple, Facebook, Amazonet Microsoft — qui sont les cinq grandesfirmes américaines (fondées entre ledernier quart du XXe siècle et le début duXXIe siècle) qui dominent le marché dunumérique. Source : Wikipedia

Bibliographiei

❱ AntonioA. Casilli (2019),En attendantles robots, Seuil,400 p.❱ Marie David,Cédric Sauviat (2019), Intelligenceartificielle, la nouvelle barbarie,Éditions du Rocher, 320 p.

Liens utilesi

❱ Le Figaro, « Comment l’intelligenceartificielle pénètre le monde del’éducation » : www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/04/10/32001-20180410ARTFIG00025-comment-l-intelligence-artificielle-penetre-le-monde-de-l-education.php❱ UNESCO, « Comment l’intelligenceartificielle peut-elle renforcerl’éducation ? » : https://fr.unesco.org/news/comment-lintelligence-artificielle-peut-elle-renforcer-leducation❱ Café pédagogique, « Numérique,orientation : vers l’IA » : www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/11/16112018Article636779501400609842.aspx❱ Sciences&Avenir, « Les algorithmes,nouveaux conseillers d’orientation » :www.sciencesetavenir.fr/high-tech/intelligence-artificielle/les-algorithmes-nouveaux-conseillers-d-orientation_133240

CHANGER D’ÈRE

16 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Machine à illusions pour travail réel ?Les androïdes de Philip K. Dick rêvaient peut-être de moutons électriques. Pour certainsdécideurs, pour les membres du courant dit «  transhumaniste  », l’intelligence artificielleest devenue à la fois une lubie voire un objet de fantasmes mais aussi une source potentiellede génération de richesses avec en arrière-plan l’exploitation de «  petites mains »…

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET ÉDUCATIONL’intelligence artificielle peut sans doute avoir des applications intéressantes dans l’éducation, pour laconception de parcours numériques pour les élèves… Le problème reste encore une fois l’utilisation quipeut en être faite pour déposséder l’enseignant de son expertise, voire la prescription qu’on voit poindredans certains rapports dont celui de Catherine Becchetti-Bizot(1) de fournir de la donnée (enseignants,élèves) aux algorithmes… À quelle fin, dans quel but ? On peut se demander si un jour ce n’est pas unalgorithme qui finira par prendre la décision que telle méthode pédagogique doit prendre la place de telleautre… Il existe déjà, dans le secteur très florissant de l’EdTech, des solutions «  clés en main  » pour queles élèves élaborent, avec une IA, leur orientation scolaire. On peut alors légitimement se demander quellessont les limites à ce profilage, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, des élèves dans le domaine scolaire.Pour les personnels aussi, le développement des IA n’est pas sans conséquences… Le principe d’interdictionconcernant les décisions administratives individuelles prises exclusivement sur la base d’un traitementautomatisé a été levé, dans un certain nombre de cas, par la loi sur la protection des données personnelles.En clair, un algorithme pourrait prendre une décision administrative vous concernant sans interventionhumaine… Bientôt une gestion des ressources humaines confiée à une IA ?

(1) Rapport 2017-056 IGEN de mai 2017, « Repenser la forme scolaire à l’heure du numérique » : www.education.gouv.fr/cid122842/repenser-la-forme-scolaire-a-l-heure-du-numerique-vers-de-nouvelles-manieres-d-apprendre-et-d-enseigner.html

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RATTRAPAGE

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 17

Santé au travail : défendre ses droitsLe travail ne doit pas porter atteinte à la santé. Il est de la responsabilité de l’employeur d’assurer des conditionsde travail décentes à tous. La santé et la sécurité au travail ont été au XIXe siècle les éléments fondateurs du droitdu travail. La question de la santé au travail est plus que jamais d’actualité. Les agents de la Fonction publique,comme tous les salariés, ont des droits qui sont trop peu connus et trop peu respectés par notre employeur.

Le médecin de prévention Chaque agent qui le souhaite peut bénéficier d’unevisite annuelle avec le médecin de prévention. Cettedernière est obligatoire dans certains cas : handicap,réintégration après longue maladie, pathologiesparticulières, femmes enceintes. L’obligation estquinquennale pour tous les autres agents, mais on passegénéralement toute sa carrière sans rencontrer cemédecin. Il ne faut pas hésiter à exiger cette visite.Le médecin de prévention est un médecin du travail quidoit agir dans l’intérêt exclusif des agents, il a pour rôlede prévenir toute altération de la santé du fait du travail(l’audition par exemple). Si l’état de santé le justifie,il peut préconiser des aménagements de poste. n

Accident de serviceDès lors qu’unévénementsurvenu sur letemps et le lieudu service, oudans leprolongementnormal desfonctions,provoque unedétérioration de la santé physique ou mentale, il faut obtenirla reconnaissance en accident de service. La marche à suivre etun formulaire de déclaration d’accident doivent être disponiblessur les sites internet du rectorat ou de la DSDEN. n

Risques

Déclaration

d’accident

Santé au travail, une question collectiveC’est toujours un individu qui est accidenté ou malade et il estessentiel de le protéger et de le soigner. Mais il faut aussis’attaquer aux causes, il faut agir sur le travail. La questiondu bien-être au travail est une question éminemment collective.Il faut donc à tous les niveaux mettre en débat les situations detravail dégradées sans attendre que la santé des personnels soitaffectée, signaler ces situations dans les registres de santé etsécurité au travail. C’est le travail que font les représentants dela FSU dans les CHSCT. Il est essentiel de s’appuyer sur leurexpertise. n

Visite annuelle

Les obligations de l’employeur« Des conditions d’hygiène et de sécuritéde nature à préserver leur santé et leurintégrité physique sont assurées auxfonctionnaires durant leur travail », c’est laloi. Notre employeur (ou son représentant,du recteur au chef d’établissement) al’obligation de protéger de tous les risques,physiques (amiante...) ou non (violences).Chaque manquement doit être signalé, dansles registres SST, en CA et auxreprésentants SNES-FSU du CHSCTacadémique ou départemental. n

CHSCT

Médecine de prévention à l’Éducation nationalei

1 pour 16 000Pour que les droits des personnels soient respectés,il faudrait un médecin à temps plein pour 2 500agents. Depuis plusieurs années, pour tout notreministère, on stagne à environ 70 médecins, soitun pour 16 000 agents.

Accidents de servicei

13 554accidents de service reconnus dansl’Éducation nationale en 2018, soit 12 pour1 000 agents. Un taux plus faible que celuide l’ensemble des salariés, à caused’une sous-déclaration endémique.

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Lecturei

N’attendons pasla fin du mondeCe livre a une triple dimension.D’abord une ambition : offrir unpanorama des alternatives qui sont

aujourd’hui endiscussion partoutdans le monde.Ensuite, un point devue : partir toujoursdu terrain concretdu travail etde l’expériencede la lutte sociale.Enfin une méthode :

entamer une discussion communeaussi rigoureuse que possible.Le syndicalisme est l’un des outilsessentiels de la résistance à la destruction de l’humanité. Pourempêcher sa propre disparition,pour faire face à ses tâcheshistoriques, pour se renforcer, illui faut se réinventer et dépasserla vieille et mortifère coupure entresyndicalisme et politique. Il lui fautse transformer en un syndicalismeintégral. Un impératif en découle :qu’il se mêle au travail de l’utopie.❱ N’attendons pas la fin du monde,Christian Laval et Christian Vergne(coord.), Syllepse.

Fraude fiscalei

80 milliards Le syndicat Solidaires FinancesPubliques confirme son évaluationde la fraude fiscale en France.Réalisée en 2013, cette évaluationqu’il estimait alors entre 60 et80 milliards d’euros a été actualiséel’an dernier à environ 80 milliardsd’euros. Cette estimation n’a faitl’objet d’aucune recherche de la partde l’administration. Elle a néanmoinssuscité des réactions qui ont amenéle Premier ministre à demanderà la Cour des comptes de réaliserun chiffrage, attendu dans quelquessemaines.

APLi

600 000 bénéficiairesen moinsLa réforme de l’APL doit s’appliquerdès le 1er janvier. Deux changementsmajeurs : le calcul des droits se ferasur les douze derniers mois au lieudes deux dernières années et ilsseront recalculés chaquetrimestre. Ces modifications risquentd’engendrer une diminution del’aide pour 1,2 million de personneset 600 000 personnes n’y auront plusdroit. Au total, le gouvernementdevrait faire plus d’un milliard d’eurosd’économies (voir « Pauvreté » p. 19).

ECO/SOCIAL

Àsa création en décembre 1958, l’assurancechômage était conçue selon le principe del’assurance contre un risque social, celui de

perdre son emploi, et les chômeurs n’étaienten aucun cas tenus pour responsables de leur situa-tion. Mais le système a évolué : étatisation crois-sante du système, durcissement des conditionsd’obtention des allocations et modification duregard porté sur les allocataires. Ces mutationsvont toutes dans le même sens : celui du passaged’un régime d’assurance sociale à un régime d’as sistance, d’une conception bismarckienne àune conception beveridgienne.

Assurance/assistanceDans le régime bismarckien, celui des assurancessociales, les travailleurs cotisent auprès de caissesgérées conjointement par les représentants des sala-riés et des employeurs pour acquérir le droit demaintenir leurs revenus en cas de survenue derisques sociaux. C’est dans cette logique qu’a étécréée la Sécurité sociale à la Libération et l’assu-rance chômage en 1958. Ce principe est aujourd’huilargement remis en cause au bénéfice d’un régimebeveridgien d’assistance. Dans celui-ci, la protectionsociale est financée par les impôts et gérée parl’État, les prestations ne sont plus considéréescomme des droits mais comme des aides dont lebut n’est pas de maintenir les revenus précédentsmais d’assurer une survie transitoire à des alloca-taires jugés en partie responsables de leur situationet sommés d’en sortir au plus vite. Les chômeurssont de plus en plus sommés de prouver qu’ilsrecherchent activement un emploi et d’accepterdes offres de travail, y compris lorsqu’il y a déclas-sement par rapport à l’emploi précédent.

La réforme qui vient d’entrer en vigueur établitun durcissement des conditions d’obtention desallocations, tout particulièrement pour les salariésles plus précaires, en allongeant les durées néces-saires pour être indemnisé. Le mode de calculdes indemnités change lui aussi : celles-ci neseront plus fonction du salaire journalier moyenmais du salaire mensuel, ce qui va très fortementpénaliser ceux qui ont une activité discontinue,alternant les contrats de très courte durée et lesjours d’inactivité.

Stigmatisation des chômeursL’objectif de ces mesures est de réaliser une éco-nomie de 1,9 milliard d’euros mais aussi, selonla déclaration de la ministre du Travail, de faireque « le travail paye plus que le chômage ». Celarevient à faire reposer sur les chômeurs la res-ponsabilité de leur situation et à ne plus les consi-dérer comme victimes d’une situation socialecontre laquelle ils doivent être protégés. Un dis-cours difficile à entendre quand on sait qu’unegrande partie des emplois créés sont des contratscourts, que ceux qui enchaînent périodes de chô-mage et d’activité ont souvent des revenus quiles placent en dessous du seuil de pauvreté et quecertaines entreprises instrumentalisent l’indem-nisation chômage pour licencier leurs seniors.Dans la même logique, l’État, après avoir mis lespartenaires sociaux dans l’impossibilité de se mettre d’accord, les désaisit de la gestion de l’assurance chômage. Ils ne décideront plus de larevalorisation des allocations au sein du conseild’administration de l’Unédic ; celle-ci se ferapar arrêté ministériel. n

Clarisse Guiraud

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

CHÔMAGE

Un pas de plus versun régime d’assistanceLe décret réformant l’assurance chômage publié le 28 juillet dernier est entré en vigueur au1er novembre, entraînant une baisse considérable des revenus de certains chômeurs et actantl’étatisation du système.

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ORGANISATION DU TRAVAIL

L’OIT fête ses 100 ans dans un monde en criseLe travail ne doit plus être une marchandise et sa transformation est au cœur des défisécologiques, sociaux et numériques.

Pauvretéi

9,3 millionsde personnesUne note de l’INSEE révèle que 14,7 %des ménages, soit 9,3 millions depersonnes, vivaient en 2018 avecmoins de 1 050€ par mois et par unitéde consommation. Ce taux est enhausse par rapport à 2017 (+ 0,5 point)et rejoint le taux de 2011, au plus fortde la crise. La baisse des APL subiepar les locataires des HLM maiscompensée seulement en partie parla baisse des loyers en est la cause.Ce chiffre est très décevant pourle gouvernement qui comptait surla hausse de plusieurs minima sociauxpour endiguer le phénomène. Faitencore plus inquiétant : alors quele chômage recule (statistiquement)le nombre de bénéficiaires du RSA(1,83 million de personnes) semaintient. Même constat d’aggravationde la pauvreté dans le dernier rapportdu Secours catholique qui relève unecroissance du nombre de « marginauxéloignés de l’emploi, des personnesinaptes ou trop malades pour travaillermais aussi beaucoup d’étrangerssans statut légal qui n’ont pas mêmele droit de travailler ». Les réformesde l’indemnisation chômage etdes APL risquent de faire exploserces statistiques en 2019.

Profitsi

Au plus hautLe taux de marge des entreprisesfrançaises a atteint 33,1 % audeuxième trimestre 2019. C’est le plushaut niveau atteint depuis dix ans.Le taux de marge mesure la partde la valeur ajoutée qui reste auxentreprises après rémunération dutravail – salaires directs et cotisationssociales – et impôts. C’est une annéeparticulière puisque les entreprisesbénéficient d’un double allégementde cotisation sociale lié à latransformation du CICE. Cette mesurereprésente environ 1,4 point de margesupplémentaire pour les entreprises.Leur capacité d’autofinancement estdésormais très élevée et mêmesupérieure à 100 %, grâce notammentaux taux d’intérêt très bas. Cela ne lesempêche d’accroître un endettementaccru qui n’est pas lié à des difficultésde financement.

Surpoidsi

Un ado sur six18,2 % des adolescents en classede Troisième sont en surchargepondérale, dont plus d’un quart(5,2 %) sont obèses selon une étudede la DREES menée en 2016 et 2017,soit plus d’un point de plusqu’en 2009.

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 19

L’échec patent des politiques néolibérales devraitpermettre de donner toute sa place à l’Organi-sation internationale du travail (OIT). Elle a

été instituée en 1919 à l’époque d’une premièremondialisation, alors que la seconde révolutionindustrielle avait prolétarisé et paupérisé une grandepartie des populations, et au lendemain d’une Pre-mière Guerre mondiale qui a inauguré l’industria-lisation des massacres. Alors que le taylorismecommençait à se développer, l’OIT s’engageaitcontre la « marchandisation du travail » et pourla « promotion d’un régime de travail réellementhumain » procurant à celles et ceux qui l’exercent« la satisfaction de donner toute la mesure de leurhabileté et de leurs connaissances et de contribuerle mieux au bien-être commun ». Avant la fin dela Seconde Guerre mondiale, l’OIT a adopté ladéclaration de Philadelphie qui rappelait qu’une« paix durable ne peut être établie que sur la basede la justice sociale » et que cet objectif de justicesociale devait être le « but central de toute politiquenationale et internationale ». Sans s’opposer auxéchanges internationaux, elle affirme depuis sacréation que « la non-adoption par une nationquelconque d’un régime de travail réellementhumain fait obstacle aux efforts des autres nationsdésireuses d’améliorer le sort des travailleurs dansleur propre pays » (préambule de la Constitutionde l’OIT).

Travail et capitalismeLa marchandisation du travail est l’une des carac-téristiques du capitalisme. Elle s’est mise en œuvreprogressivement à partir du XVIIIe siècle. Les tra-vailleurs sont contraints de louer leur temps et leurforce de travail, mais n’ont aucun droit sur le résultatde leur activité. Ils ont en outre de moins en moinsleur mot à dire sur le contenu et les objectifs decelle-ci et sur la manière de produire. Le capitalismene se limite donc pas à une expropriation desmoyens matériels de production ; il s’agit aussid’exproprier les travailleurs de leurs savoir-faire,de leur professionnalité. Contrairement à ce que

l’on veut généralementnous faire croire, ce n’estmême pas une questiond’efficacité. En réalité ils’agit surtout de pouvoiret de domination. Cettealiénation peut être résu-mée aujourd’hui par undouble déni : le déni depensée, qui interdit auxtravailleurs toute réflexioncollective sur l’organisa-

tion et le contenu de leur activité ; le déni de réalitéqui se traduit par un « asservissement à la réalisa-tion d’objectifs chiffrés » (1).

Plus que jamais contrela marchandisation du travailToutes les nations dites économiquement dévelop-pées ont mis en œuvre un État social prenant desformes diverses. Mais jusqu’à présent l’OIT n’apas réussi à imposer son point de vue, notammentsur le contenu du travail, et à faire en sorte que lesautres organismes inter-nationaux et les Étatssubordonnent leursobjectifs à ceux qu’ellepromeut. Le libéralismeéconomique n’a jamaiscapitulé et les politiquesnéolibérales qui se sontimposées depuis plus detrente ans débouchentsur une impasse sociale,économique et environ-nementale. Dans le contexte de larévolution numérique, la reconquête du sens dutravail, qui doit avoir des effets sur le quotidien,s’inscrit dans un combat global contre le néolibé-ralisme et pour la transition écologique. C’est l’idéeque défend Alain Supiot, dans la clôture de soncours sur l’État social au Collège de France (2). Encomplément à sa critique des politiques libéralesqui subordonnent le droit social à de prétendueslois économiques, il indique que « la préservation[...] de notre écosystème dépend à l’évidence del’organisation du travail et du choix de ses produits.[...] c’est aussi en tant que producteurs, que lestravailleurs [...] doivent pouvoir peser en faveurd’une production durable et soutenable, tant dansses méthodes que dans ses résultats ». n Hervé Moreau

(1) Le travail au XXIe siècle, sous la direction d’Alain Supiot.(2) Le travail n’est pas une marchandise, Alain Supiot.©

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ECO/SOCIAL

La construction européenneest sur la sellette. La crisefinancière et économique

s’est traduite, en 2010, par uneattaque spéculative contrel’euro, monnaie incomplèteparce que sans État. La mon-naie unique a accentué le déve-loppement inégal entre les éco-nomies de la zone euro et, pluslargement de l’Union euro-péenne. Aucune politique com-mune n’a été mise en œuvrepour lutter contre ces éclate-ments et définir un projet col-lectif pour faire face au bascu-lement du monde. Fin 2019, lerésultat est là : l’économie alle-mande est indéniablement entréeen récession et la menace d’uneffondrement économique, social, financier et poli-tique se précise jour après jour.

Pronostic vital engagéLa politique d’austérité imposée à la Grèce, consé-quence de la crise financière de 2008 et de la crisede l’euro, a mis à mal la construction européenneet provoqué une crise de légitimité qui appelle àdes mutations profondes. L’UE est menacée d’im-plosion et d’explosion. Les États devraient rompreavec l’idéologie néolibérale pour proposer desorientations démocratiques et sociales. Qui croitencore à l’Europe telle qu’elle nous est imposéechaque jour, à son avenir ? Les gouvernements,de plus en plus nombreux, gorgés de démagogieaux accents nationalistes ou les tenants du Brexit ?Ce livre collectif, Europe, alternatives démocra-tiques, sous-titré Analyses et propositions de gauche,dénonce d’abord des institutions européennes por-teuses d’une orientation néolibérale favorable auxtransnationales et aux marchés financiers. Il appelleà rompre avec les traités actuels aux conséquences

anti-sociales et anti-démocratiquespour promouvoir des formes nou-velles d’intervention citoyenne. L’ar-gumentation se déploie en troistemps : d’abord constat est fait de lacrise de l’Union européenne, pouraborder ensuite spécifiquementl’union économique et monétaire etterminer par « La dette, l’euro etl’emploi » à travers les cas de laFrance, de l’Espagne et de la Grèce.

Rebond nécessaireLes analyses, souvent provocantes,indiquent que le débat a été enfoui.Comme toujours après la crise, lesgouvernants l’oublient. Pourtant,la crise démocratique et politiqueactuelle, qui se traduit par la mon-

tée de l’extrême droite, oblige à la réflexion. Lagauche européenne est en train de sombrer parl’adoption des politiques néolibérales. Il est tempsde penser la refondation d’un projet de transfor-mation sociale.Le rôle des institutions européennes est souventocculté alors qu’il est essentiel. Elles sont poséescomme éternelles alors qu’elles dépendent desÉtats qui ont accepté de leur déléguer une partiede leur compétence. Elles sont par ailleurs poreusesaux pressions de l’opinion publique et aux évolu-tions du rapport de force social au sein de l’Unionet de ses États membres.Les formes de la mobilisation sociale se doiventd'évoluer pour renouer avec la solidarité interna-tionale des travailleurs. Les mutations climatiqueset la crise écologique sont par trop absentes icides propositions pour bâtir une Europe sociale,démocratique et solidaire. Le débat continue... n

Nicolas Béniès

• Europe, alternatives démocratiques, sous la directionde Benjamin Bürbaumer, Alexis Cukier et MarlèneRosato, La Dispute, Paris, 2019.

AVENIR DE L’EUROPE

Ouvrir le débat au plus viteL’ouvrage collectif Europe, alternatives démocratiques. Analyses et propositions de gauches’interroge sur l’avenir de l’Union européenne, qui semble aujourd’hui être entrée dans une impasse.

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

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Rémunérationsi

Au plus haut pour les patronsLes dirigeants des grandesentreprises (cotées au CAC 40)ont vu leur rémunération augmenteren moyenne de 12 % en 2018, selonProxinvest, la croissance la plusforte depuis la crise de 2008. Pources patrons, la rémunérationmoyenne annuelle est de 5,8 millionsd’euros, somme qui n’avait pasété atteinte depuis 2003. En têtedu classement, figure, commel’an dernier, le directeur généralde Dassault Systèmes, BernardCharlès avec une rémunérationtotale de 33,1 millions d’euros,en hausse de 34,6 %.

Environnementi

Retour à l’envoyeurAprès la décision de la Chine, en2017, d’interdire toute importationde déchets pour recyclage s’ilsn’ont pas été correctement triés,les déchets ont pris la directiond’autres pays asiatiques moinsregardants mais qui menacentaujourd’hui de renvoyer lesconteneurs de déchets illégaux. L’Indonésie est passée à l’acteet deux conteneurs sont revenusen France, pays pour lequelaucune autorisation de sortien’est nécessaire si ces déchetsne sont pas dangereux.

Île-de-Francei

Creusement desinégalités territorialesUne étude publiée par l’Institutd’aménagement et d’urbanisme (IAU)montre, à partir de statistiquesportant sur les revenus, leslogements, les types de ménages,etc., une progression des inégalitésdepuis une quinzaine d’annéesdans la région parisienne. Cela nesurprendra personne, les inégalitésspatiales se creusent. Le niveaude vie des ménages dans les villeset quartiers les plus richesprogresse plus fortement qu’ailleurs.Dans les espaces où subsistede la mixité, les prix immobiliersprogressent rapidement, traduisantun embourgeoisement deces communes.Mais, plus étonnant, la gentrificationn’est pas générale ; on assiste mêmeà «  une paupérisation absolue desecteurs urbains entiers  », s’alarmel’IAU. Dans 44 des communes parmiles plus pauvres de la Région,où vivent 15 % des Franciliens, lerevenu médian en euros constantsa encore baissé entre 2001 et 2015.

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DOSSIERContrer les inégalités sociales

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 21

«  Le fait qu’il y ait

des inégalités entre

établissements, nous ne

l’avons pas créé, nous

voulons le compenser  »,

c’est ainsi que

Jean-Michel Blanquer

tentait de défendre sa

réforme du baccalauréat

dans un entretien.

Dossier coordonné par V. Ponvert et S. VénétitayOnt participé à la rédaction : T. Ananou, T. Collin, J.-F. Claudon, G. Frackowiak, C. Guiraud, D. Lecam, F. Lecointe, F. Rolet

Cette affirmation ne résiste pas longtemps à la confrontation avec le réel, tant il estdésormais évident que la réforme du bac, comme l’ensemble des mesures prisespar le ministre dans le second degré (éducation prioritaire, bac, lycée, orientationscolaire, etc.) aggravent les inégalités existantes. Derrière le discours de façadefaisant du ministre le chantre de la lutte contre les inégalités, apparaît rapidement

un paysage scolaire où les premiers de cordées s’extirpent sans problème des méandres de notresystème éducatif.Mais la question des inégalités, qu’elles soient scolaires, sociales et/ou économiques, ne peutêtre cantonnée à une analyse conjoncturelle : notre société est structurellement traversée par deprofondes inégalités. Elles n’ont rien de naturelles : elles sont le fruit de politiques économiqueset sociales et donc de choix politiques. Si l’action syndicale telle que la conçoit le SNES-FSUconduit à lutter pour d’autres politiques, elle se double aussi nécessairement d’une réflexionsociologique et pédagogique : quel rôle pour l’école et les personnels ? Comment analyser lesdispositifs qui se multiplient au nom de l’égalité des chances ? Quelles propositions pour luttercontre les inégalités, au quotidien, dans nos classes ?

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Contrer les inégalités sociales

Une société inégalitaire

Panorama des inégalités sociales à l’écoleLa massification a permis d’augmenter le niveau scolaire global de la population, notamment en ouvrant l’accès

aux études supérieures à une proportion croissante des jeunes. Cependant, elle n’a pas pour autant fait disparaîtreles inégalités de réussite en fonction de l’origine sociale.

Les trajectoires scolaires sont fortementliées à l’origine sociale. Les enfants desclasses populaires (employés, ouvriers

et inactifs) représentent 43 % des élèves decollège mais ils disparaissent progressivementà mesure que l’on avance dans la scolaritéet sont beaucoup moins présents dans lesfilières les plus prestigieuses. Ils ne repré-sentent ainsi plus que 34 % des effectifs dePremière et Terminale générale. À l’inverse,les enfants de cadres et professions intellec-tuelles représentent 22 % des collégiens et34 % des lycéens en filière générale.

Devenir des élèvesLe destin scolaire dépend fortement de l’ori-gine sociale. 85,4 % des enfants de cadresentrés en Sixième en 2007 avaient obtenu unbac général ou technologique dix ans plustard, contre 34,6 % des enfants d’ouvriersnon-qualifiés. 19,3 % des enfants d’ouvriersnon-qualifiés ont obtenu un CAP ou un BEP,contre 1,9 % des enfants de cadres... Lesenfants de cadres sont bien plus souvent orien-tés vers la voie générale que la voie profes-sionnelle : ils représentent moins d’un quartdes lycéens, toutes filières confondues, maisprès d’un tiers des effectifs des Première etTerminale générale et seulement 7,5 % deceux des lycées professionnels.

Enseignement supérieurC’est dans l’enseignement supérieur que les

inégalités sont les plus fortes. Lesclasses populaires accèdent moins

souvent à l’enseignement supé-rieur : les enfants de cadres

supérieurs y sont près detrois fois plus nombreuxque les enfants d’ou-vriers. À cela s’ajoutentdes écarts très importantsde composition socialeentre les filières et lescursus. Les enfants d’ou-

vriers, d’employés, retrai-tés et inactifs représentent

ainsi 57 % des étudiants enBTS contre 25 % des élèves

de CPGE. À l’inverse, 52 % desélèves de CPGE et 16 % de ceux

de BTS sont enfants de cadres et pro-fessions intellectuelles supérieures. Lesfilières les plus longues et les plus presti-gieuses sont donc beaucoup plus accessiblesaux enfants des milieux les plus favorisés,alors que les autres sont plus souvent dirigésvers des filières courtes. n

Des choix politiquesLes personnels de l’éducation se débattentdans un océan d’inégalités, creusées pardes politiques publiques de plus en plus anti-sociales.Les gouvernements successifs considèrentle service public exclusivement comme uncoût et non comme ce qu’il est surtout, uninvestissement et l’outil de l’égalité des droitsdes citoyens.La baisse de la dépense publique et celle desrecettes fiscales (impôts directs) sont leursboussoles. Ils assument de favoriser les plusriches et le capital : suppression de l’ISF,baisse de l’impôt sur les sociétés, affaiblis-sement de la solidarité nationale et des redis-tributions liées à la protection sociale. Parceque les politiques menées ne donnent plus àl’État les moyens d’atteindre les objectifsproclamés par la devise républicaine, ni decontrarier les assignations territoriales,sociales ou culturelles, les personnels du ser-vice public d’éducation se trouvent, en pre-mière ligne, bien démunis pour combattre auquotidien les effets des inégalités.

Chiffres 52 %des élèves de CPGEsont enfants decadres supérieurs.

18,3 %des enfants d’ouvriersnon qualifiés entrésen Sixième en 2007sont sortis de l’écolesans diplôme.

8,6 %des enfants d’ouvriersavaient au moins unan de retard à l’entréeen Sixième contre1,8 % des enfantsde cadres.

86 %des élèves de Segpasont issus de classessociales défavorisées(contre 2 % seulementpour les enfants decadres supérieurs).

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Source  : RERS, 2019

Le destin scolaire dépendfortement de l’origine sociale

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Écolesparamédicaleset sociales

CPGE Écoles d’ingénieur

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Cadres et professions intellectuelles supérieuresEmployés, ouvriers, retraités et inactifs

Origine sociale des étudiants

Lecture : en 2017-2018, 20 % des élèves des ENSétaient enfants d’ouvriers, employés, inactifs et retrai-tés  : 63 % d’entre eux étaient enfants de cadres.

Remarque  : toutes les CSP ne sont pas représentéesdans ce graphique, ce qui explique que le total nefasse pas 100 %.

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Après la massification

Objectif démocratisationDébat sans fin  : l’accès massif des enfants des classes populaires à l’enseignement secondaire, puis

supérieur a-t-il permis une réduction des inégalités scolaires  ?

Il n’en est rien. Ces mesures forment unensemble cohérent, traversé par une lignedirectrice : construire un système scolaire

permettant d’extraire une élite, tout en can-tonnant une majorité d’élèves dans leur situa-tion d’origine, voire en leur bouchant denombreux horizons. Certes, en apparence,les discours gouvernementaux vantent ici lelibre choix de son parcours en lycée, là l’au-tonomie de l’établissement qui permet decoller au plus près des réalités locales ouencore une fluidité des parcours entre lesecondaire et le supérieur. Mais les faits sonttêtus. Ainsi, en lycée, le libre choix des spé-cialités n’est qu’un leurre, en raison descontraintes organisationnelles, mais aussiparce que ces choix restent marqués par uneforme de déterminisme social qui conduit àla reproduction des inégalités existantes,qu’elles soient de genre ou sociales.

Au profit des plus favorisésPierre Mathiot et Jean-Michel Blanquer peu-vent bien s’autocongratuler en voyant près

de la moitié des élèves choisir des triplettesqui ne reproduisent pas les filières, le SNES-FSU a montré que ce sont majoritairementles élèves les plus favorisés qui ont choisides triplettes reproduisant les filières. Unhasard ? Certainement pas ! Ces élèves, plusau fait des codes du système éducatif, ontconstruit des triplettes en cohérence avecParcourSup ce qui permet de ne leur fermerque peu de portes, quand ceux qui ont choisides triplettes baroques, peu en adéquationavec les attendus de ParcourSup, sont tombés,

bien involontairement, dans les pièges dulycée Blanquer, qui ferment, dès la classe dePremière ou de Terminale, les portes de l’en-seignement supérieur. Ces dernières ont déjàété claquées au nez de bon nombre de bache-liers des milieux populaires du fait de lasélection opérée par Parcoursup : ainsi, mi-juillet, près d’un tiers des saisies des Com-missions d’accès à l’enseignement supérieur(CAES) venaient de l’académie de Créteil,preuve que les inégalités sociales territorialessont toujours très marquées.Éviction et relégation ne sont pas seulementdes effets collatéraux des réformes, mais biendes choix assumés qui marquent une ruptureavec le paradigme des politiques éducativesdes Trente Glorieuses : à la volonté de mas-sification et démocratisation a succédé unprojet politique élitiste et conservateur. n

Àla fin des années 80, l’utilisation par leSNES-FSU de l’expression « baccanada dry(1) » pour qualifier le nouveau

bac pro fait polémique. Faut-il considérer lacréation de ce bac comme une avancée démo-cratique ou une voie de garage pour les élèvesdes collèges de l’enseignement technique(CET), ancêtre des LEP puis LP ?

Élan véritableLes travaux d’Eric Maurin ont clairementmontré que cette massification avait été

bénéfique aux enfants des catégoriespopulaires.À titre d’exemple, une nette corrélation appa-raît entre la massification et l’amélioration del’insertion professionnelle, de même que cetteamélioration cesse à partir des années 2000.La proportion de diplômés du supérieur passede 22 % pour la génération née en 65 à prèsde 40 % pour la génération née en 75. Cetteprogression se fait nettement au profit desbac +2 qui regroupent principalement desélèves issus des catégories ouvriers et

employés. Pendant ce temps, le taux de chô-mage à la sortie de l’école baisse de cinqpoints entre ces deux générations, avant dediminuer beaucoup plus lentement ; en mêmetemps, la démocratisation marque un arrêtmarqué à partir de 1993, année à partir delaquelle le SNES-FSU commence à parlerd’une « panne de la démocratisation ». n

1. Une publicité pour cette marque de soda del’époque disait « Ça ressemble à l’alcool, c’est dorécomme l’alcool... mais ce n’est pas de l’alcool ».

Sélection, éviction, relégation...

Des renoncements coupablesLycée, bac, démantèlement du service public de l’orientation  : la frénésie de réformes en tout genre menées tambour battant

peut donner l’impression d’une forme d’éparpillement.

12 %des étudiantsà l’Université

7 %des élèvesen classespréparatoires

3 %des élèvesdes écolesnormalessupérieures.

27 %Les ouvriersreprésententenviron 27 %des actifs.

Elles représententn55 % de l’ensemble des étudiantsn70 % des étudiants en lettresn28 % des élèves en écoles d’ingénieursn43 % des élèves en CPGE

Un projet politique élitiste etconservateur

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Égalité des chances  ?

La « méritocratie républicaine »Ce concept, qui s’est largement imposé dans la sphère politico-médiatique,

pose en réalité bien plus de problèmes qu’il n’en résout.

Cela fait maintenant dix ans que Sarkozya remis en vogue la notion d’« égalitédes chances » à l’école. Avec les résul-

tats que l’on sait. En 2009, il déplorait qu’unenfant d’ouvrier ait « deux fois moins dechances qu’un enfant plus privilégié d’ac-céder à l’enseignement supérieur ». On parleaujourd’hui davantage d’un rapport de un àtrois...

Un concept qui irait de soi  ?« L’égalité des chances », en instaurant unecompétition pure entre individus dotés dumême viatique initial, serait l’incarnationconcrète de cette « méritocratie républi-caine » dont beaucoup se réclament. Au direde Marie Duru-Bellat, la méritocratie, quis’est « imposée comme un principe de justicecentral, notamment à l’école », relève eneffet d’une forme de consensus. Pour lesociologue François Dubet, « ce modèle dejustice et d’égalité a une force essentielle :c’est qu’il n’y en a pas d’autre ».Le hic, c’est que l’inventeur du terme – l’an-glais Michael Young qui a publié en 1958un récit d’anticipation intitulé The Rise of

the Meritocracy – a forgé ce néologismepour dénoncer les effets pervers du systèmed’éducation anglais. Selon lui, la logiqueméritocratique, poussée à l’extrême, engen-drerait une forme d’exclusion des « non-méritants », responsables en dernier ressortde leur triste situation.

Méritocratie et néolibéralismeCar comment évaluer le « mérite » ? La Décla-ration des droits de 1789 le dit explicitement :

en appréciant « l’utilité commune » de chacun,seul fondement légitime des « distinctionssociales » dans une société démocratique.Mais, le libéralisme a ensuite réduit cette utilitécollective à la seule performance individuelle,érigée en mesure de toute chose. De la « méri-tocratie républicaine » au darwinisme social,il n’y aurait donc finalement qu’un pas.Pour les libéraux, l’avantage de l’idéologieméritocratique est double : elle conforte lesélites existantes en justifiant les inégalitésde situation qui seraient non-fondées en droit,mais également en organisant la promotionde quelques éléments « méritants », érigésen preuves vivantes des vertus intégratricesdu « système ». C’est sur ce terreau qu’ontfait florès les dispositifs dérogatoires visantà concentrer les moyens sur un tout petitnombre d’élèves et abandonnant les autresélèves issus des milieux populaires à leursort... bien « mérité ». n

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positifs qui visent à encourager la réussitedes meilleurs élèves : les Cordées de la réus-site, les parcours d’excellence et les internatsd’excellence. Ces derniers ont vocation àaccueillir des « élèves méritants de milieumodeste ». Ils ont été mis en place par Sar-kozy en 2008 et Blanquer veut les relancer,en créant une centaine d’établissements dece type d’ici 2022.Sous couvert de promotion de justice socialeet d’égalité des chances, ces dispositifs n’ou-vrent en réalité la porte de l’ascenseur socialqu’à une poignée d’heureux élus sans agirvéritablement sur les inégalités sociales deréussite scolaire. Et cela d’autant plus que,par ailleurs, les écoles des quartiers populairessont largement abandonnées. Après exfiltra-tion de ceux qui semblent en valoir la peine,on laisse largement les autres à leur sort... n

Des dispositifs pourl’égalité des chances ?

Promouvoir le mérite passe par des dispositifs qui ne concernent qu’un petit nombre etn’agissent que de façon très marginale sur les inégalités.

Les instituteurs de la IIIe République repé-raient les plus « doués » des enfantsdes classes populaires et les aidaient

à obtenir des bourses pour poursuivre desétudes. Aujourd’hui, ce n’est pas tantles plus doués que les plus méritantsque l’on cherche à valoriser grâce àdes dispositifs qui visent à sélec-tionner de futures élites parmi lesclasses populaires. Les paliersd’orientation ayant été large-ment repoussés, c’est désor-mais à la fin du collège etau lycée que l’on chercheà repérer les meilleurspotentiels, avec l’idéequ’il faut extraire lebon grain de l’ivraiepour ne pas laisser

la société se priver de talents qui seraientrestés méconnus.

Sciences Po et les lycées de banlieuePlusieurs formations de l’enseignement

supérieur cherchent ainsi à diversifierl’origine sociale de leurs élèves en

mettant en place une admissionparallèle et un accompagnement

destiné aux meilleurs lycéens desquartiers populaires. Après

Sciences Po Paris, d’autresont emboîté le pas, comme

par exemple l’universitéParis Dauphine ou l’école

du Louvre.L’Éducation natio-nale propose elle-même différents dis-Sélectionner les futures élites

La logique méritocratiqueengendre une forme d’exclusion

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Ségrégation sociale et spatiale

Le privé et la mixitéL’enseignement privé représentait, en 2018, 17 % des élèves scolarisés (13 % dans le premier degré et 21 % dans le second degré).

L’éducation prioritaire en questionBeaucoup de rapports pointent l’inefficacité des politiques d’EP allant même jusqu’à les qualifier

de contre-productives. En toute bonne foi  ?

Ce sont essentiellement des établisse-ments sous contrat (95 % dans le pri-maire et 97 % dans le secondaire).

Ces effectifs échappent à la sectorisation etaccentuent la ségrégation sociale. Dans lesecond degré, le privé n’accueille que 17,7 %d’élèves issus de familles défavorisées contre39,8 % dans le public ; en lycée, 12 % dansle privé contre 30 % dans le public. À l’in-verse, les élèves issus des familles favoriséesou très favorisées sont surreprésentés dansle privé, 65 % contre 43 % dans le publicen lycée. Ce processus d’entre soi s’aggrave :

les catégories très favorisées représentent37 % des effectifs du privé, contre 30 %douze ans plus tôt.

Privé favorisé par les réformesOutre la localisation géographique (plutôten centre-ville), le privé a souvent profitédes dernières réformes pour maintenir desenseignements supprimés dans le public(options notamment).Il renforce la ségrégation sociale là où l’offrescolaire est importante, il ferme des établis-sements en zone rurale dans l’enseignement

technologique et professionnel et les concen-tre pour augmenter ses capacités d’accueil.L’assouplissement de la carte scolaire ren-force l’idée de marché scolaire, le privé enbénéficie.Pour le SNES-FSU l’argent public doit finan-cer exclusivement l’enseignement public.En l'état actuel des choses, il est impératifque les établissements privés sous contratsoient soumis aux mêmes exigences etcontraintes que les établissements publics,avec un réel contrôle de l’État. n

9-3 : école des pauvres, pauvreté de l’école ?Il y a un an, un rapport parlementaire intitulé « La République enéchec  » dénonçait les défaillances de l’État dans l’action en Seine-Saint-Denis.En matière d’éducation, ce département se démarque de tous les autresde la France métropolitaine avec une situation particulièrement dégra-dée, alors même que les difficultés sociales y sont plus aiguës, avecnotamment un taux de pauvreté deux fois plus élevé que la moyennenationale. Moins d’assistantes sociales, de médecins scolaires, de rem-placements assurés, d’enseignants expérimentés, de classes de CP etCE1 dédoublées... Selon le sociologue Benjamin Moignard, le moins biendoté des établissements parisiens est mieux doté que le mieux dotédes établissements de la Seine-Saint-Denis.

Selon certaines estimations, un élève de Saint-Saint-Denis perdrait enmoyenne un an dans sa scolarité du fait des remplacements non assurés.Le turnover y est aussi important  : les deux-tiers des enseignants ontmoins de cinq ans d’ancienneté dans leur établissement.Les mesures prévues pour l’éducation dans le plan pour la Seine-Saint-Denis présenté le 30 octobre dernier sont extrêmement limitées etmisent essentiellement sur une prime de 10  000 euros pour les ensei-gnants. Prime dont on ne connaît pas encore les conditions d’obtentionet qui ne saurait compenser la difficulté des conditions d’enseignementdans ce département... Quant à la réforme de l’éducation prioritairequi se profile, elle inquiète particulièrement dans un département oùplus de six collèges sur dix sont classés en REP ou en REP+.

En 2016, le CNESCO critique le labelEP car « fortement associé à une dégra-dation du niveau des élèves », ainsi

que la stigmatisation des établissementsconcernés : les familles favorisées les évi-teraient, entraînant la dégradation des résul-tats et des conditions de travail. L’extensionde la carte serait aussi responsable de l’inef-ficacité de cette politique par dilution desmoyens. Le ministère actuel risque d’enréduire le périmètre aux seuls REP+ par lebiais d’une énième réforme.

Dégradation économique et sociale Ces constats ignorent les effets de la gen-trification des villes et de la paupérisationde nombreux quartiers. De plus, les volets

pédagogiques des réformes ont cantonnéles élèves à l’acquisition d’un socle sansl’ambition de faire réussir tous les élèves.Invoquer la dilution des moyens est unefaçon habile de masquer que les établisse-ments de l’EP sont touchés par une haussedes effectifs pour des questions d’économie.L’EP ne peut pas être tenue pour responsabled’une politique de l’Éducation nationale quifavorise l’évitement en faveur du privé etde choix politiques plus larges qui s’abs-tiennent de lutter contre les ségrégationsspatiales.En fait, l’éducation prioritaire, de par l’en-gagement des personnels, permet d’amortirà la fois les effets de la dégradation écono-mique et sociale de certains quartiers et l’ab-sence d’une politique ambitieuse pour tousles élèves. n

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Contrer les inégalités sociales

L’US Mag : Retrouve t-on ces processus de sélection sociale àl’Université ?C. P. : L’enseignement supérieur n’est toujours pas aux couleursde la France, car on trouve seulement 25 % d’étudiants dont lepère est ouvrier ou employé alors que ces catégories constituent50 % de la population. Mais la massification scolaire arrive àl’Université, qui est pourtant abandonnée en terme budgétaire !Là aussi, c’est l’élitisme du système éducatif qui est en cause,car toute l’énergie du pays est consacrée à se demander comment

envoyer 30 % de boursiersdans des grandes écoles,qui ne scolarisent que 2 à3 % d’une classe d’âge !Quand bien même on auraitdes grandes écoles aux cou-leurs de la France, on saitque 98 % des poursuitesd’études se font ailleurs ! Ilest donc urgent de donnerplus de moyens aux pre-miers cycles universitaires.

L’US Mag : Finalement,la société française est-elle une société declasses  ?C. P. : Les classes socialesn’ont jamais disparu de lasociété française. Elles ontété un peu moins visiblespendant la période des TrenteGlorieuses (marquées par unmouvement général d’ascen-sion sociale). Mais dès lesannées 1970, les inégalités

apparaissent de nouveau dans toute leur force. Inégalitéssociales, de genre et d’origine ethno-raciale se cumulent etfont système : les employés des services à la personne, parexemple, sont à la fois des personnes dominées d’un point

de vue économique, quasi exclusivement des femmes, et desimmigrées. La « classe sociale » reste un concept qui permet d’ar-ticuler ces différentes dimensions : il est très important d’appré-hender ces inégalités toutes en même temps. n

1. Voir Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale.2. Voir Christian Baudelot et Roger Establet, L’élistisme républicain,Seuil, 2009.3. Voir François Dubet, Marie Duru-Bellat et Antoine Vérétout, Les sociétéset leur école, Seuil, 2010.

Entretien

L’US Mag : Vos recherches portent sur la mobilité sociale.Comment a-t-elle évolué en France  ?Camille Peugny : Pour répondre à cette question, il faut distinguerl’évolution sur le long terme et la période récente. La sociétéfrançaise d’aujourd’hui est évidemment plus ouverte que voilàun siècle. On est passé d’une société où les positions sociales setransmettaient d’une génération à l’autre, à une société où il fautacquérir une position sociale, notamment grâce aux diplômes.Cependant, on constate un ralentissement des progrès(1), voire unestagnation, depuis les années 1980 : dans la sociétéfrançaise d’aujourd’hui, les enfants d’ouvriers restentpar exemple majoritairement cantonnés dans desemplois subalternes (70 % des enfants d’ouvriers res-tent ouvriers ou deviennent employés).

L’US Mag : Vous soulignez le rôle de l’écoleaujourd’hui dans la position sociale occupée parles individus. Permet-elle de favoriser la mobilitéet de limiter les inégalités  ?C. P. : Mes collègues qui travaillent sur ces questions,à partir notamment des enquêtes PISA, montrentque la France est un des paysdans lequel l’origine socialepèse le plus sur les résultatsscolaires.La principale raison renvoie àl’élitisme républicain. Notreécole est plus élitiste(2) que lesautres. Elle a le culte de l’éva-luation et du classement pré-coce. Cela peut aboutir à la stig-matisation précoce de certains,en les enfermant dans le rôle de« mauvais élève ».En même temps, nous demeuronsplus que jamais une société dudiplôme(3). Statistiquement, c’estle diplôme qui constitue la meil-leure arme pour accéder à desemplois stables et correctementrémunérés, et ce d’autant plus pour les personnes d’origine socialemodeste. L’école joue le rôle de rempart contre le déclassement.Je pense donc qu’il est urgent de réfléchir à la construction d’uneécole réellement démocratique, qui donne sa chance à tout lemonde, qui recule le moment de la sélection. Or, quasiment toutesles politiques actuelles renforcent ce culte du classement. C’estle drame du système français, qui se donne comme objectif desélectionner une petite élite, souvent au détriment de la réussited’une majorité d’élèves.

« Les politiques actuelles renforcent le culte du classement »Camille Peugny est professeur à l’université Versailles-Saint-Quentin. Ses travaux traitent dela reproduction et de la mobilité sociale, du déclassement et, plus généralement des inégalités enFrance et en Europe. Il est notamment l’auteur de Le destin au berceau, sorti au Seuil en 2013.©

DR

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Pourquoi vouloir porter la scolarité obligatoireà 18 ans ?

La scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans existe depuis undemi-siècle. Or, les évolutions des métiers, la mobilitémais aussi le rôle citoyen que chacun doit jouer dans unesociété démocratique supposent une augmentation dessavoirs et des qualifications. Dans la réalité seuls 7,8 %des jeunes ne sont plus scolarisés actuellement à 17 ans(8,8  % pour les garçons, 6,8 % pour les filles). Pour cesjeunes les difficultés se cumulent et, même si des retoursen formation peuvent exister, il est plus facile de maintenirdes jeunes dans le système scolaire que de chercherensuite à les récupérer. Mais on ne peut allonger la scolaritéobligatoire sans la repenser profondément, avec notammentdes programmes plus aérés, construits sur l’ensemble dela scolarité, une place plus importante donnée aux disci-plines comme les enseignements artistiques par exemple,pouvant susciter l’appétence de jeunes rebutés par la culture scolaire, une formation des enseignants permettantde diversifier les pratiques, une amélioration notable desconditions de travail (réduction des effectifs, diversificationdes situations d’apprentissage).Il s’agit aussi de prévenir l’échec scolaire très tôt entenant compte de toutes ses dimensions, éducatives,sociales, économiques, afin que chaque jeune puisse s’ap-proprier les contenus dispensés. Penser la scolarité dansle cadre d’un cursus collège/lycée permettrait de desserrerles pressions sur l’orientation, ne pas figer trop vite lesdestins de certains jeunes.

Les propositions du SNES-FSU

Égalité : une exigence du service publicLes inégalités sociales ne sont pas des faits «  naturels », elles sont le produit des politiques libérales  : à

l’école, d’autres politiques éducatives permettraient de relancer la nécessaire démocratisation sociale, de repousserles discriminations, de réduire le poids du genre dans les parcours scolaires, de hausser le niveau de qualification de toute

une classe d’âge et de rompre avec l’idée de « destin scolaire » tout tracé. Au sein d'une société fracturée par les inégalités,l’École à elle seule ne peut pas tout résoudre  : mais elle peut faire beaucoup  ! Et les leviers existent pour que les services

publics d’éducation mènent à bien sa mission, celle de permettre à tous l'égalité d’accès aux apprentissages età l’acquisition des connaissances. Cela nécessite évidemment une volonté politique et les moyens qui en découlent.

Le SNES-FSU a des propositions qui permettraient d’imposer d'autres choix.

L’hétérogénéité des classes est-elle un atout, si oui, pour qui ?

Le nombres d’élèves par classe a-t-il un impactsur leur réussite ?

L’étude faite il y a une quinzaine d’années par Thomas Piketty etMathieu Valdenaire posait la corrélation entre une politique de réductionde la taille des classes et son impact sur la réussite scolaire. Elleportait essentiellement sur le premier degré mais les auteurs l’élar-gissaient dans une moindre mesure au collège. Certes, cela ne suffiraitpas à résorber l’échec scolaire, mais cela constitue une conditionnécessaire si l’on veut que chaque jeune puisse trouver sa place dansla classe, faire part de ses difficultés, de ses questionnements, per-mettre au professeur de faire en sorte que la remédiation aux difficultésse fasse dans la classe au lieu d’être externalisée.

La question revient en bonne place dans lesfacteurs de difficulté professionnelle rencontréepar les enseignants, notamment au collège oùsont scolarisés tous les jeunes. Le principemême de l’hétérogénéité n’est pas remis encause la plupart du temps, les enseignantsayant eu à exercer dans des « classes deniveau » savent combien l’absence d’émulation,

de coopération entre élèves plus ou moins àl’aise dans telle discipline conduit de fait à unebaisse des exigences intellectuelles et enfermedes jeunes dans l’échec scolaire. Les étudesde chercheurs attestent du rôle bénéfiqued’une hétérogénéité modulée, la majorité desélèves y trouvant profit sans que ceux les plusavancés soient pénalisés. Le problème soulevé

par les enseignants est celui des conditions detravail et d’étude : le manque d’équipes pluri-professionnelles pouvant prendre en chargedes problèmes rencontrés par des élèves dansleur quotidien extra-scolaire, la lourdeur deseffectifs, le manque de temps et de diversifi-cation pédagogique (co-interventions, groupes,concertation dans le service, etc.).

Les élèves en grande difficulté ont-ils leur placeau collège  ?

Il convient d’abord de cerner ce qu’on met sous le vocable de « grandedifficulté », certains élèves relevant par exemple de l’enseignementadapté du fait de difficultés cognitives persistantes, beaucoup étantsimplement éloignés socialement des codes et exigences de la sco-larité, en difficulté par rapport au développement des capacitésd’abstraction, d’autonomie développées dans le second degré. Loind’une « naturalisation  » des difficultés ou du fatalisme attaché à lanotion de «  handicap  » socio-culturel, le SNES-FSU partage l’idéede la capacité de tous les jeunes à l’acquisition de savoirs et savoir-faire complexes. Cela suppose de renforcer la formation des ensei-gnants pour mieux appréhender la construction des malentendussocio-cognitifs, favoriser le travail en équipe. En cas de grande dif-ficulté, des dispositifs peuvent être envisagés en termes de contenus,horaires, objectifs ambitieux de formation à condition qu’ils se situentdans un cadrage national et ne ferment pas les portes aux poursuitesd’études après la Troisième.

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MÉTIER

7 NOVEMBRE. 7 à 10 % des collégiens seraient victimes de harcèlement, avec des conséquences graves sur leursanté et leur scolarité. Il est pourtant bien difficile de repérer ces actes au quotidien dans les établissements.

BAC 2021 ET HANDICAP. La note de service n° 2019-149 (BO 38 du 17/10/2019) prévoit une «  simplification  »de la procédure de demande d’aménagement pour les épreuves du baccalauréat de la classe de Première.

Aménagements des épreuvesL

’inscription des élèves de Première aubaccalauréat a commencé alors que lespremières épreuves, les E3C (voir page 12),

sont susceptibles d’avoir lieu dès janvier. Lescandidats bénéficiant d’un Projet personnaliséde scolarisation (PPS), d’un Plan d’accom-pagnement personnalisé (PAP) ou d’un Projetd’accueil individualisé (PAI) doivent doncau plus vite déposer leur éventuelle demanded’aménagement des épreuves (temps majoré,aide technique ou humaine, mise en formedes sujets, dispense...). Selon la circulairen° 2015-127 (BO du 27/08/2015), cettedemande est effectuée auprès du médecindésigné par la Commission des droits et del’autonomie des personnes handicapées(CDAPH), qui transmet son avis à l’autoritéadministrative décisionnaire. Cette dernièrerépond sous deux mois, ce laps de temps per-mettant une éventuelle instruction du dossier,en particulier par consultation des IPR de laou des disciplines concernées.

Tenir tous les boutsLes délais habituels étant incompatibles avecle calendrier des E3C, une note de service tentede les raccourcir. Pour cela, le cheminementde la demande des candidats change. L’élève

donne son dossier au professeur principal,lequel, avec l’équipe pédagogique et « eu égardaux besoins constatés sur le temps scolaire etconformément aux attendus de chaqueépreuve », donne un avis motivé sur les amé-nagements demandés. Si l’élève avait déjà unaménagement pour le DNB et/ou en classe deSeconde, alors le dossier part directement pourdécision au rectorat. S’il s’agit d’une premièredemande, il doit y avoir intervention du méde-cin de la CDAPH avant la décision rectorale.Pour le SNES-FSU, l’inclusion scolaire doit

être pensée dans sa globalité. Il est importantde simplifier les démarches administrativesdes élèves à besoins éducatifs particuliers, maisil faut aussi former les équipes (professeurs,médecins...) appelées à donner des avis, ettenir compte de cette charge de travail dansles services. Les épreuves d’examens doiventêtre organisées en intégrant les aménagementspossibles. Ces conditions ne sont actuellementpas remplies, au détriment de l’ensemble dela communauté éducative. n

Valérie Sipahimalani

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Un élève est victime de harcèlementlorsqu’il est soumis de façon répétéeet à long terme à des comportements

agressifs visant à lui porter préjudice, leblesser ou le mettre en difficulté de la partd’un ou plusieurs élèves » (circulaire 2013-100, BO 31 du 29 août 2013). Le harcèlementscolaire est, la plupart du temps, un phéno-mène de groupe, avec ses leaders et leurssupporters qui cherchent à nuire, et des spec-tateurs qui ne mesurent pas la gravité de lasituation. Les violences sont verbales et/ouphysiques, dans les couloirs, la cour, lacantine, les transports scolaires... Elles sepoursuivent sur les réseaux sociaux.

La prévention avant toutLes faits se déroulent généralement en l’ab-sence de tout adulte, et les victimes parlentrarement. Le principal axe de lutte contre le

harcèlement est donc la prévention. Il s’agità la fois d’informer et de faire réfléchir lesélèves dans le cadre de séances dédiées, maisaussi de former des « ambassadeurs », élèvesvolontaires qui seront en mesure d’agir auprèsde leurs camarades.Pour les personnels – en particulier les AEDqui sont les premiers vers lesquels les victimesse tournent dans l’établissement –, de laformation serait nécessaire, mais il y a commed’habitude un gouffre entre la communicationdu ministère et les moyens humains et finan-ciers alloués. Des outils sont en ligne :www.nonauharcelement.education.gouv.fr,et un numéro vert dédié est ouvert (le 30 20).Un élève victime qui parle mais qui n’estpas entendu ne s’y risquera pas à deux fois.Il est donc crucial qu’il soit accueillide façon pertinente, ce qui ne s’improvisepas. Un « programme clé en main pour les

écoles et les collèges » est expérimenté cetteannée dans les académies de Strasbourg,Rennes, Aix-Marseille, Caen-Rouen, Niceet Toulouse avant sa généralisation à larentrée 2020. n V. S.

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Journée nationale de lutte contre le harcèlement

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 29

RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS, CPE. L’an passé, le ministre a lancé le chantier de laréforme de la formation intiale, mais aujourd’hui elle n’est toujours pas aboutie et des rumeurs inquiétantes persistent.

Pas de mise en place à la rentrée 2020 !A

ucune concertation n’a eu lieu depuisjuin 2019 sur ce dossier, suite à la déci-sion du ministre de placer les concours

du CAPES/T, PLP, CPE en Master 2 au lieude M1. Sans texte, il va être difficile auxéquipes des INSPE de mettre en place desmaquettes de Master censées être structuréesautour de stages dont on ne connaît à ce journi la durée, ni la caractéristique (pratiqueaccompagnée, responsabilité ou observation).

Vide, flou, rumeurs...Qu’en sera-t-il du stage d’entrée dans la Fonc-tion publique après réussite au concours ?Qu’en sera-t-il de l’année universitaire 2020-2021 qui est censée à la fois préparer les étu-diants à réussir le concours 2021, mais aussiformer pour le nouveau concours de la session2022 pour lequel le M2 sera exigé ? Des rumeurs persistantes indiquent que lescandidats aux concours devraient effectueren M2 MEEF un stage en établissementéquivalant à un tiers de service ; après réus-site au concours, ils seraient affectés à pleintemps. Si ces rumeurs étaient confirmées,le ministre irait à l’encontre de l’objectifaffiché. Ce serait une profonde dégradationde la formation.

Élever le niveau de recrutement est une néces-sité pour permettre de mieux maîtriser la oules disciplines à enseigner et pour obtenir àtermes le recrutement dans le corps des agrégésde tous les enseignants du second degré. Cetteréforme doit s’accompagner d’aides impor-tantes et de prérecrutements pour les étudiantsqui veulent exercer nos métiers, leur permettre

une entrée progressive dans le métier, avecprise en responsabilité des classes après réussiteau concours et garantir une revalorisation finan-cière, en particulier des débuts de carrière.Trop d’incertitudes planent à ce jour sur cedossier, la mise en place de la réforme nedoit pas se faire à la rentrée 2020. n

Alain Billate

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LE SNES-FSU AUX RENDEZ-VOUS DE L’HISTOIRE À BLOIS. Le stage national de formation syndicale sur l’histoire-géographie s’est déroulé les 10, 11 et 12 octobre  : au cœur de la réflexion, les programmes et l’évaluation.

Le succès aux Rendez-vousD

epuis de nombreuses années, profitantdes Rendez-vous de Blois, le SNES-FSUorganise pour ses syndiqués un stage

disciplinaire qui réunit une quarantaine decollègues et leur permet d’assister à quelquesconférences du riche programme du festival.Cette année une quinzaine d’académies dif-férentes étaient représentées par des collèguesenseignant en collège comme en lycée, qui

ont pu partager leur vécu. Nouveaux pro-grammes, nouvelles modalités d’évaluation,il s’agissait de revenir sur les changementsimportants qu’a connus la discipline depuis2016, en collège puis en lycée. Ces réformesont demandé beaucoup de travail, sans satis-faire aux demandes de la profession : des pro-grammes faisables dans les horaires impartis,des conditions d’enseignement permettant

une diversité d’approches et une réelle libertépédagogique, des modalités d’évaluation(DNB et baccalauréat) faisant sens par rapportaux objectifs de l’enseignement de l’histoireet de la géographie.

Un amphithéâtre plein à craquerLe SNES-FSU était également présent dansle programme officiel des Rendez-vous deBlois à travers une table ronde qui réunissaittrois jeunes spécialistes de l’histoire italienne(Antiquité, Renaissance, et XXe siècle) :Mathieu Engerbeaud, Corinne Manchio etCharlotte Moge. Abordant le thème des rap-ports entre sociétés, violence et politique, laconférence a attiré un large public. Les nom-breux collègues présents témoignaient del’importance que la profession attache à ladimension disciplinaire de sa formation conti-nue, et de la nécessité de conserver un lienfort entre le monde universitaire et les ensei-gnants du secondaire. n

Amélie Hart-Hutasse, Christophe Cailleaux© D

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CATÉGORIES

Le rapport doit nourrir le projet de loiannoncé avant la fin de l’année. Cettequestion est une priorité : pénurie de

personnels, salariés mal payés (souvent endessous du Smic), peu formés et qui subissentdes conditions de travail difficiles avec acci-dents du travail, temps partiels subis et frag-mentés. Depuis plus d’un an, les mobilisationsdans le secteur des Ehpad et de l’aide à domi-cile ont révélé l’ampleur de la crise.Il faut réagir, dit le texte, pour des raisonséthiques et pour éviter une recrudescencedes arrivées aux urgences. Les besoins sonténormes : création de 93 000 postes et for-mation de 26 000 professionnels pour pour-voir les postes vacants, d’ici 2024.

Formations et dépendanceSur les 59 mesures présentées, on retiendrala nécessité d’assurer de meilleures conditionsd’emploi et de rémunération en ouvrant18 500 postes supplémentaires par an et enportant au Smic les rémunérations inférieures.Les mesures d’amélioration des conditionsde travail se feront dans le cadre de l’assu-rance maladie et quatre heures mensuellesde temps collectif seront imposées. Concer-nant la formation, il faut « réduire drasti-

quement l’éventail des diplômes ». On déve-loppera le recours à l’alternance et à la VAE.Suppression du concours d’aide-soignant etaccès à une formation en gérontologie sontproposés.« Le financement de la dépendance appelledes ressources pérennes [...]. Il est nécessairede répondre à cette exigence en affectant leproduit de la CRDS à son financement dès2025 [...] ou en lui affectant toute autre res-source pérenne. »

Si certaines mesures ont leur intérêt, ellessont bien insuffisantes face à l’urgence de lasituation et aux besoins de financement. Rienn’est prévu pour augmenter les recettes avant2025. Le manque d’ambition concernant laformation des personnels est flagrant. Quelleperspective de carrière attractive offre-t-on ?On est bien loin des parcours de formationdéfendus par la FSU : du LP à l’Universitéavec des qualifications correspondant à desdiplômes reconnus. n Marylène Cahouet

Le gouvernement a décidé de durcir lesconditions d’ouverture de droits à uneallocation, avec en outre un effet pervers :

celui de maintenir durablement une précaritéorganisée, en obligeant les agents à accepterdes contrats de travail quelle que soitleur nature. En effet, le principal durcissementde la réforme est l’allongement à six mois(910 heures) contre 1 auparavant (150 heures)

du seuil à atteindre pour rechargerde nouveaux droits (voir pages 15 et 18).

Double peineCette seule modification du seuil va pénaliserde nombreux collègues en CDD qui enchaî-nent des contrats courts (moins de six mois).À partir du 1er avril 2020, le nouveau modede calcul du montant des allocations-chômage

conduira nécessairement à la baisse desindemnités. Le gouvernement a décidé demaintenir les sanctions envers les ayants droiten cas de manquement à leurs « obligations »,en les radiant, notamment en cas de refus deplusieurs rendez-vous avec un conseiller,d’insuffisance de recherche d’emploi oud’abandon d’une formation. Estimant qu’unepartie des demandeurs d’emploi va basculerdans les minima sociaux, les syndicats et desassociations de défense des chômeurs ontdéposé un recours devant le Conseil d’Étatpour contester ces nouvelles règles.Dans son application aux contractuels de laFonction publique, l’administration maintientqu’en cas de non-renouvellement d’un contratarrivé à terme, celui-ci n’ouvrirait des droitsque si c’est l’employeur qui ne propose pasun autre CDD. En clair, un refus de renou-vellement de l’agent, même légitime, entraî-nerait une absence d’indemnisation.Le SNES, avec la FSU, continue de combattreces dispositions qui ne s’appliquent que dansla Fonction publique. Il réaffirme de plusson opposition à la réforme de l’assurancechômage. n

Le secteur Non-titulaires

NON-TITULAIRES. La réforme de l’assurance chômage : une réforme qui maintient durablement la précarité !

De précarité en pauvreté

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RAPPORT EL KHOMRI SUR LES MÉTIERS DU GRAND ÂGE. Si l’ancienne ministre du Travail n’a pas bâclé celui quelui a confié Agnès Buzyn, reste que les moyens qu’elle propose d’allouer à la dépendance sont insuffisants.

Malheureusement loin des besoins

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 31

Les réponses des fonctionnaires stagiairesrecueillies en juin 2019 décrivent unesituation qui ne s’est pas améliorée depuis

plusieurs années. À cause d’une importantesurcharge de travail, l’entrée dans le métierest jugée très difficile : stressante pour plusd’un stagiaire sur deux (52 %), fatigante pourplus des deux tiers.

Contre-la-montreSans comptabiliser les nombreux trajets domi-cile-établissement ESPÉ, en additionnantsimplement le temps d’enseignement, lespréparations de cours, les cours à l’ESPÉ etles travaux à rendre dans le cadre de la forma-tion, ce sont plus de deux fonctionnairesstagiaires sur trois (67 %) qui déclarenttravailler au moins 40 heures par semaine etun sur quatre plus de 50 heures. Cettesurcharge de travail se répercute sur le ressentides stagiaires concernant leur formation. Lesenseignements jugés les plus positivementsont ceux indispensables pour les cours qu’ilsdonneront à leurs classes dans la semaine.Tout ce qui ne répond pas à cette urgencedevient accessoire : la maîtrise d’une langueétrangère (sans intérêt pour l’exercice dumétier d’après 57 % des stagiaires) commel’initiation à la recherche (reconnue comme

utile pour le métier à court ou moyen termepar 27 % d’entre eux seulement).

Insuffisamment préparésEn fin d’année, lorsqu’on leur demande s’ilsont le sentiment d’avoir été suffisammentpréparés pour exercer le métier, 56 % desfonctionnaires stagiaires répondent « non ».Le ministre devrait s’inspirer de cette enquête

en diminuant au tiers du service la chargede stage en responsabilité après réussite auconcours afin d’assurer une entrée dans lemétier dans des conditions plus sereines. Letemps de la formation initiale doit permettrede maîtriser nos métiers dans leur complexitéet non pas de réduire la formation à une accu-mulation de recettes pédagogiques. n

François Boudet

FORMATION INITIALE. Une enquête du SNES-FSU auprès des professeurs, CPE et Psy-ÉN stagiaires montrela réalité des conditions de formation et d’entrée dans le métier.

Prendre en compte les besoins des stagiaires

Affirmant la main sur le cœur qu’ils’agissait de compenser les pertes duniveau de pension, Emmanuel Macron,

Édouard Philippe et Jean-Paul Delevoye ontaffirmé que l’on discuterait d’une revalori-sation... Le SNES-FSU, qui a depuis long-temps mené campagne sur cette absoluenécessité, a rappelé ses demandes, tant entermes de refonte des grilles que de mesuresimmédiates comme le doublement de l’ISOEet l’alignement des indemnités des profes-seurs documentalistes et psychologues dusecond degré.

Vains calculsUne réunion rassemblant les fédérations del’éducation s’est tenue le 7 novembre. Il n’apas fallu longtemps pour comprendre que latactique gouvernementale visant à différerles annonces sur les retraites pour amoindrirla contestation était entendue au ministèrede l’Éducation nationale. Sans aucun arbitragebudgétaire dédié à une revalorisation, l’essen -tiel de la réunion a porté sur la présentation

d’éléments chiffrés sur le montant des salaireset pensions, éléments déjà fort bien connusalors que rien n’a été évoqué en termes decomparabilité avec les autres corps de laFonction publique, à qualification égale. Onest aussi étonnés de constater que le salairestatutaire des professeurs du second degrésoit calculé en intégrant une HSA.Cette réunion n’a débouché sur rien de concretmais une certitude : celle de l’exigence de

contre parties. Jean-Michel Blanquer ne secache pas de vouloir subordonner une hypo-thétique revalorisation salariale des enseignantsà une nouvelle définition du métier, une aug-mentation du temps de travail, un développe-ment de primes différenciées distribuées augré de la hiérarchie. Dans ce contexte, se mobi-liser le 5 décembre dans le cadre interprofes-sionnel est décisif pour nos métiers, nossalaires, nos pensions. n Frédérique Rolet

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REVALORISATION DES ENSEIGNANTS. Le Premier ministre, Jean-Paul Delevoye et aussi le président de la Républiquefeignent de s’intéresser à la situation des enseignants qui seront particulièrement pénalisés si le projet deréforme de retraites s’appliquait.

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Espérance banlieue, ce sont désormaisseize écoles placées sous le régime del’enseignement privé hors contrat et qui

scolarisent environ six cents élèves. Uneinfime goutte d’eau au regard du total de12 millions d’élèves que compte notre pays.Mais le modèle défendu par ces écoles a dequoi inquiéter, d’autant plus qu’il sembleséduire Jean-Michel Blanquer qui, en 2016,alors qu’il n’était pas encore ministre, estintervenu dans le colloque d’Espérance ban-lieue pour en vanter la pédagogie et les moda-lités d’encadrement.Depuis l’ouverture de la première écolede la franchise Espérance banlieue à Mont-fermeil en 2012, le modèle a essaimé unpeu partout et compte désormais seizeécoles.Il émane de la Fondation pour l’école, unlobby de défense de l’école libre et dont lesdirigeants sont dans leur immense majoritéproches de la Manif pour tous et des milieuxtraditionalistes. Son fondateur, Eric Mestrallet,est un proche de Philippe de Villiers, engagéavec Civitas contre le mariage pour tous etprésenté par Le Figaro comme le « hérautde la droite chrétienne au cœur des ban-lieues ». Les Républicains sont très actifsdans le soutien à ces écoles « libres » et plai-

dent pour que celles-ci bénéficient de finan-cements publics.

D’où vient l’argent ?Le régime du hors contrat ne leur permet eneffet pas de percevoir des financementspublics directs. Cependant, grâce à son statutd’association reconnue d’utilité publique,Espérance banlieue reçoit des dons qui don-nent droit à des réductions d’impôts, ce quilui permet de bénéficier indirectement d’unesubvention publique sous forme d’allége-ments fiscaux consentis aux donateurs. Lesentreprises Vinci, Auchan, Bouygues,LVMH ou encore la Fondation Bettencourtapportent ainsi un soutien qui réduit le mon-tant de leurs impôts, préférant ainsi financer

des écoles privées qui échappent largementaux règles communes plutôt que l’écolepublique. Le statut associatif permet ausside percevoir des subventions publiques, cequi a permis à Valérie Pécresse de verser

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AVEC SES DIRIGEANTS APPARTENANT À LA DROITE traditionaliste et sa pédagogie rétrograde associant uniforme etsalut au drapeau, le réseau Espérance banlieue tente d’endoctriner la jeunesse des quartiers populaires.

Espérance banlieue : l’école libre ?

Privé hors contrat

LE HORS-CONTRAT A LE VENT EN POUPEDepuis la loi Debré de 1959, on distingue trois types d’établissements privés : sous contrat d’as-sociation, sous contrat simple et hors contrat. Ces dernières sont les moins nombreuses, ellesscolarisent à peine un élève sur 200. Mais leur nombre est en augmentation, une centaine sontcréées chaque année : le «  blog de la liberté scolaire  » en revendique 1 530, dont 113 ouvertes àla rentrée 2019. Alors que le privé sous contrat est largement dominé par l’enseignement catholique,le hors-contrat est très divers : ce sont des écoles qui se réclament de pédagogies «  innovantes »(Montessori, Steiner-Waldorf…), des écoles confessionnelles ou encore censées être adaptées àdes publics particuliers (enfants «  précoces », sportifs, en situation de handicap…).

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5 000 € de sa réserve parlementaire, puisune subvention de 35 000 € de la RégionÎle-de-France.

Salut au drapeauCes financements se font sans contrepartiepuisque les écoles du réseau revendiquentune totale autonomie par rapport aux pro-grammes officiels de l’Éducation nationale,comme leur statut leur en donne le droit. Leprojet idéologique des enseignements necherche pas à se dissimuler, à la fois dans lescontenus enseignés et les méthodes pédago-giques utilisées. Les activités valorisentl’amour de la patrie et une vision réactionnairede la société, avec salut quotidien au drapeau,chant de la Marseillaise, port de l’uniforme– de couleur différente pour les filles et lesgarçons, pour éviter toute confusion desgenres... Quant aux méthodes, on retrouvesans surprise tous les poncifs de l’enseigne-ment traditionaliste : apprentissage par cœur,méthode syllabique stricte, cours de morale...Les écoles du réseau se prétendent nonconfessionnelles et accueillent des élèvesnon-catholiques mais leur projet est biend’évangéliser la jeunesse des quartiers popu-laires, comme l’écrivait Paul Devin dans unarticle de blog(1) « Les responsables d’Es-pérance Banlieue révèlent son fondementessentiel : reconstruire une unité nationalesur les valeurs morales du catholicisme. Àla différence des écoles catholiques bour-geoises qui visent essentiellement l’entre-soi, ces écoles sont celles de la reconquêtemorale. C’est pourquoi elles revendiquentla mixité religieuse de leur public qui consti-

tue effectivement la condition d’une stratégiemissionnaire et prosélyte ».Mais ceux qui prônent la morale semblentavoir oublié d’être exemplaires puisque leréseau Espérance banlieue est dans la tour-mente depuis le printemps 2018, avec uneplainte pour « abus de confiance » déposéecontre lui et un rapport d’audit qui pointedes dysfonctionnements, avec notammentla facturation de prestations hors de prix àla fondation par ses dirigeants et des irré-gularités dans l’affectation des dons... n

(1) https://blogs.mediapart.fr/paul-devin/blog/020417/esperance-banlieues-ecoles-de-l-endoctrinement

Rubrique réalisée par Clarisse Guiraud

L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ HORS CONTRAT : QUELLES RÈGLES ET QUELS CONTRÔLES ?Un établissement hors contrat n’est pas lié à l’État par un contrat etn’a donc pas pour obligation de suivre les programmes et les horairesfixés par l’Éducation nationale. Les règles qui s’y appliquent sont essen-tiellement des normes sanitaires et sociales, l’absence d’atteintes àl’ordre public et le respect de l’instruction obligatoire.

Facilité d’ouvertureL’ouverture d’un établissement privé hors contrat reste relativementaisée. Celle-ci est soumise à déclaration préalable au recteur qui latransmet au maire, au procureur de la République et au préfet. Chacunede ces quatre autorités dispose d’un délai de trois mois pour s’opposerà cette ouverture. Un délai très court pour réaliser une enquête surl’établissement. Le refus de l’ouverture peut être motivé par une menaceà l’ordre public ou à la protection de l’enfance et de la jeunesse, ainsique par des conditions pénales, de diplôme, de nationalité, éventuellement d’expérience professionnelle, de la personne dirigeant l’établissement.

Peu de contrôlesLes établissements hors contrat sont soumis à une inspection obligatoireau cours de la première année de leur fonctionnement ; d’autrescontrôles peuvent être organisés par la suite, de manière inopinée ounon. Des contrôles administratifs, effectués sous l’autorité conjointedu préfet et du recteur, s’assurent que le directeur et les enseignants

disposent des diplômes requis et que sont respectées les dispositionsjuridiques relatives à l’obligation scolaire, l’ordre public, la préventionsanitaire et sociale, et à la protection de l’enfance et de la jeunesse.Le contrôle  pédagogique, de la compétence du recteur, s’assure quel’enseignement se conforme aux droits à l’éducation, à l’instruction età la scolarité. Si, après une première mise en demeure, le chef d’éta-blissement persiste à ne pas respecter ces droits, il commet un délitdont  le procureur est informé  et l’école est fermée.

QUEL FINANCEMENT POURLE HORS CONTRAT ?

Les écoles hors contrat ne sont pas concer-nées par la loi Debré de 1959. Les collectivitéslocales ne sont en principe pas autorisées àfinancer le fonctionnement des écoles horscontrat, elles peuvent seulement fournir unlocal et une subvention d’investissement(dont le montant est plafonné à 10 % desdépenses annuelles de l’établissement).Mais les règles sont aisées à contournerpuisque la plupart des écoles sont crééessous le régime des associations loi 1901 quipeuvent recevoir des subventions sous couvertde « développement de la vie associative ».

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34 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

FENÊTRE SUR

Thatcher au Royaume-Uni. Les Françaisdécouvrent la cohabitation et font connais-sance avec Édouard Balladur, ministre del’Économie, des Finances... et de la Priva-tisation. À l’heure du libéralisme roi, le rôlede l’État-actionnaire est jugé incompatibleavec les activités industrielles concurren-tielles. Le gouvernement se désengage deses actifs (11 milliards) : Saint-Gobain, lesbanques comme BNP, la Société Généraleou encore Suez et la plus emblématique,TF1, car la plus lisible par tous les Françaisqui voient débarquer une chaîne privée dansleur téléviseur. Avec la réélection de Fran-çois Mitterrand en 1988, c’est le temps dela politique du « ni ni » (ni privatisation, ninationalisation), une courte période puisquele retour d’Édouard Balladur, « championdes privatisations » à Matignon, initie, en1993, une seconde vague (17,4 milliardsd’euros). Et pourtant, le Premier ministrequi a le plus privatisé de l’histoire de laVe République restera Lionel Jospin avec40 milliards d’euros, entre 1997 et 2002.Ces privatisations « de la troisième vague »ont aussi ceci de remarquable qu’elles vontconcerner des entreprises en charge de déli-

La disparition récente de Jacques Chirac aremis en mémoire qu’il avait été, commePremier ministre, l’homme du grand soir

des privatisations (avec 65 entreprises priva-tisées), mettant un terme à la vague de natio-nalisations lancée par François Mitterrand.Un mouvement qui n’a ensuite jamais cessé.Depuis des années, la privatisation des bienspublics se fait à marche forcée. Quels quesoient les gouvernements. En 1947, à l’issuedes nationalisations, le secteur publicemployait 1,15 million de salariés concentrésdans les transports (48 %) et l’énergie (36 %),après les nationalisations de 1982, il atteignaitson maximum avec près de deux millions depersonnes représentant ainsi 7,7 % de la popu-lation active et 10, 4 % de la population sala-riée. Fin 2016, l’État n’employait plus que778 100 salariés au travers de 85 sociétés,résultat d’un processus quasi ininterrompude cession d’actifs de la part de l’État.

Vagues successives de privatisationsLes vagues de privatisations commencentdonc à la fin des années 1980, avec le retourau pouvoir d’une droite influencée par lespolitiques de Reagan aux États-Unis et de

vrer des services publics. Des privatisationscependant partielles – ça permet de mieuxfaire passer la pilule – comme France Télécom,Air France, Thomson, EADS et... les auto-routes du sud de la France. Des autoroutesensuite majoritairement privatisées.Conséquences de ces politiques et vent dulibéralisme de l’époque obligent, des fondsde pension anglo-américains ont pu contrôlerdes pans entiers de l’économie française, bou-leversant en profondeur la configuration tra-ditionnelle du capitalisme français. L’exemplerécent d’Alstom avec l’Américain GeneralElectric est en ce sens très significatif. Obsé-dées par la baisse du coût du travail, ces entre-prises débarrassées de la tutelle de l’État rédui-sent massivement les emplois d’une part et,de l’autre, déréglementent le travail des sala-riés restants. Les privatisations successivesont non seulement entraîné la perte de 290 000emplois et accru les recours à la précarité, laflexibilité, la sous-traitance, l’externalisation.Renault est à ce titre un bel exemple enmatière d’externalisation, de sous-traitance,de vente des filiales, et témoigne de l’abandondes missions de l’État dans la planificationindustrielle nationale (maîtrise industrielle,

ALORS QUE LA PRIVATISATION DE LA FRANÇAISE DES JEUX EST SUR LES RAILS, retour sur plusieurs décennies dedésengagement de l’État marquées par la vente de pans entiers du secteur public. Manifestement, la France et lesFrançais sont les grands perdants de cette politique qui tourne à la grande braderie.

La France grande perdante du jeu des privatisations

Les privatisations

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dernière, l’État vient d’engager le processuspour la FDJ, deuxième loterie européenne etquatrième mondiale, et Aéroports de Parisdevrait suivre. ADP (Roissy Charles-de-Gaulle, Orly et Le Bourget) a rapporté173 millions d’euros de dividendes pour lacollectivité l’an dernier. Tout comme la FDJ,

il n’y a donc aucune raison de s’en séparer.Se pose également la question du contrôledes frontières, les aéroports concernés étantla première frontière française. Même auxÉtats-Unis, le choix a été fait de conserverces équipements sous contrôle public.Pour toutes ces raisons, une bataille, menéepar de nombreux acteurs, notamment dessyndicats comme la FSU, est engagée contreces privatisations. Plus de 200 parlementairesont été à l’initiative du processus de réfé-rendum d’initiative partagée avançant lecaractère de « service public national » desaérodromes parisiens. Il faut désormais4,7 millions de signatures pour que puissese tenir ensuite un référendum national (voirci-dessus). Si cet objectif est atteint, ce seraun grand coup d’arrêt au projet de privatiserun grand pan de l’économie et laminer ainsice qu’il reste de services publics. n

aménagement du territoire, progrès social)liées à la nationalisation. Cette politique adonc très largement contribué à affaiblir laproduction automobile hexagonale et multi-plier les plans sociaux dans ce secteur.

Aucun intérêt pour l’ÉtatQuant à redresser les finances publiques, endésendettant le pays, exigence de la com-mission européenne et argument toujoursavancé, ce fut à chaque fois un coup d’épéedans l’eau. Les premières privatisations ontrapporté au gouvernement près de 100 mil-liards de francs. Dans le même temps, ladette publique a grossi de plus de 800 mil-liards ! Au final, ces privatisations aurontpeu rapporté mais davantage coûté, à causedes recapitalisations préalables et des finan-cements des politiques sociales.Autre conséquence néfaste, ces groupes, quis’accommodent des objectifs sociaux et envi-ronnementaux, en profitent aussi pour aug-menter leurs prix, au détriment des usagers.Ils ont transformé ces sociétés en machinesà produire des dividendes pour les action-naires, privant les finances publiques, et doncles services publics, de sommes considérables.Cette gabegie financière se vérifie à chaquefranchissement de péage autoroutier. Un« fiasco », un « désastre financier », un« racket »... les parlementaires de tous bordsn’ont pas eu de mots assez durs contre lesconcessions autoroutières, lors du récent débatsur la privatisation du Groupe Aéroports deParis. Un peu tard sans doute. L’État a venduà l’époque ses parts pour un montant de15 milliards d’euros, soit un manque à gagnerestimé par la Cour des comptes de 10 mil-liards d’euros ! Alors que le ministre desFinances de l’époque, Thierry Breton, décla-rait : « Ne craignez rien (sic) car c’est l’Étatqui contrôlera et qui fixera les tarifs (despéages) », les sociétés de BTP ont agi à leurguise en augmentant, régulièrement et for-tement, les tarifs pour un bénéfice estiméaujourd’hui à 27 milliards. Les opérationsrépétées de « Gilets jaunes » sur des barrièresde péage n’y sont pas pour rien. Elles ontréveillé la polémique sur cette privatisationqui, près de quinze ans après, n’a toujourspas été vraiment digérée. Et quand on saitque Vinci, acquéreur d’une partie de cesautoroutes, veut aujourd’hui racheter ADP...

Et ça recommenceEn effet, le gouvernement, conformémentaux engagements du président de la Répu-blique qui, comme ministre de l’Économiede François Hollande avait déjà supervisé laprivatisation des aéroports de Lyon, de Tou-louse et de Nice, et procédé à la cession departicipations publiques, démarre un nouveauvaste programme de cessions d’actifs pouralimenter un fonds de dix milliards d’eurosconsacré à l’innovation. Après avoir vendules aéroports de Lyon et de Nice, et cédé desactions Renault, PSA, Safran et Engie l’année

Rubrique réalisée par Pascal Mandin

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 35

Vincent Gay, sociologue et membre d’Attac

Trois questions à...

L’US Mag : Quels sont les enjeux autour de la privatisation d’Aéroportsde Paris (ADP) ?

Vincent Gay : Les enjeux sont énormes. Depuis 1986, les gouvernements enchaînent lesprivatisations. C’est une des orientations du tournant néolibéral qui prend forme à l’époque.Avec Aéroports de Paris, Le gouvernement d’Édouard Philippe met une nouvelle pierre àl’édifice, avec la particularité de ce qu’est Aéroports de Paris : une entreprise qui était 100 %publique à sa création en 1945, dont une partie a été vendue en 2005, pour laquelle l’État afinancé une grande partie des infrastructures et qui rapporte beaucoup aux caisses de l’État.Autrement dit, le gouvernement veut vendre au privé (Vinci par exemple), une entreprisequ’elle a largement contribué à financer et qui lui rapporte. Une aberration, à laquelle serajoutent les modalités particulières de la concession : 70 ans, c’est du jamais vu. Mais cen’est pas seulement un enjeu économique. Si les aéroports n’ont pas la main sur la croissancedu trafic aérien, une entreprise qui n’aurait comme objectifs que ses seuls profits risque defaire tout, à travers les services qu’elle offre ou ses relations avec les compagnies, pouraugmenter ce trafic, ce qui est une catastrophe pour le climat. De plus Aéroports de Paris,c’est 6 686 hectares autour de Roissy et Orly. Aujourd’hui, les enjeux d’artificialisation desterres ou de leur préservation sont cruciaux. Avec Vinci ou un de ses concurrents aux manettes,l’avenir de ces terres est d’autant plus menacé.

L’US Mag : Cette procédure de référendum d’initiative dépoussière-t-elle la démocratie ?V. G. : Très partiellement. Les demandes démocratiques sont aujourd’hui massives, commel’a montré la revendication de référendum d’initiative citoyenne (RIC) portée par les GiletsJaunes. Le référendum d’initiative partagée est une des rares possibilités de s’exprimer, maisdans des conditions difficiles : rassembler 185 députés et 4,7 millions d’électeurs, c’est undéfi énorme, dans un jeu politique et médiatique qui rend invisible la privatisation d’Aéroportsde Paris. Cependant, cette procédure permet de faire campagne en montrant qu’on peut agir,qu’on a notre mot à dire, et que sur une question qui pourrait paraître compliquée, le peuplene peut rester muet.

L’US Mag : Nous sommes aujourd’hui autour d’un million de signatures. Commentexpliquer que les citoyens peinent à se mobiliser ?V. G. : Il y a plusieurs raisons, mais la première est le silence organisé autour de cette priva-tisation. Depuis l’annonce du processus pour le référendum, le gouvernement n’en parle pas,aucune émission de grande écoute n’est consacrée au sujet, rien n’est fait pour que celadevienne un débat national. Ensuite, les urgences militantes des différentes organisations,notamment syndicales, rendent difficiles une campagne permanente des équipes militantespour atteindre les 4,7 millions de signatures. Et puis il est plus facile de faire campagne pourdéfendre La Poste qu’une entreprise qui gère des aéroports. Enfin, le non-respect du votepopulaire en 2005 a sans doute laissé des traces et a créé un manque de confiance vis-à-visdu respect démocratique du gouvernement.

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection◗ APRÈS LE PRINTEMPS

Une enquête sur les formesde la mobilisation socialerécente à partir des « prin-temps arabes » pour mettreen lumière la place nouvelledes réseaux sociaux. ZeynepTufekci mêle les témoignages

et l’analyse pour un tour du monde dessoulèvements démocratiques et contrela corruption. Les réseaux sociaux vontde pair avec la nécessité de réunionsphysiques. Une enquête qui est aussile récit des exaspérations des peuplesen butte à une répression sévère sinonmortelle. Twitter & les gaz lacrymo-gènes sous-titré Forces et fragilitésde la contestation connectée est unemise en perspective des raisons, sou-vent semblables au niveau mondial,qui poussent à la révolte. Une réflexionvitale dans un style alerte. N. B.• Twitter & les gaz lacrymogènes, ZeynepTufekci, C&F éditions.

◗ LES CINQ DERNIÈRES MINUTESUn crime décrit avec calme etprécision par le criminel lui-même, telle est l’ouvertureétonnante du roman de T. Vielnouvellement paru en poche.La confession de Martial Ker-meur au juge occupe tout lelivre et va révéler pourquoi

cet homme simple a commis l’irrépa-rable. Plus qu’un assassin, le lecteur voiten lui une victime : chômeur, il a étéavec d’autres la proie facile d’un escrocvenu vendre du rêve sur sa presqu’îlebrestoise déshéritée. Au fil de son dis-cours et sur fond d’effluves marinssurgissent la honte, la rage et aussil’amour pour son fils. Reste à com-prendre le titre de ce roman, Article353 du code pénal, remarquablementconstruit, il faudra pour cela atten-dre… la dernière page.

B. Cacheux, G. Chourreu• Article 353 du code pénal, Tanguy Viel,Les Éditions de minuit, Poche double.

◗ MYSTÈRES DE LA VIELe Jardin est un curieux titrepour un roman dont le per-sonnage central est paralyséaprès un accident de voituredans lequel sa femme estmorte. Hye-Young Pyun,écrivaine sud-coréenne,arrive à décrire les pensées,

les douleurs, les remords d’un hommeprivé de toute possibilité de commu-nication. Les mystères sont nombreux,à commencer par la place de ce jardindans la vie de son épouse. Mystèreaussi que ce désir intransigeant devivre. La toile d’araignée dans laquellenous enferme l’autrice ne laisse aucunepossibilité d’abandonner la lecture.

N. B.• Le Jardin, Hye-Young Pyun, Rivages/Noir.

36 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

KALÉIDOSCOPE

Une plongée dans l’océan Aragon«Je décris par l’ombre l’évi-

dence » (Traité de style, 1928).Si la littérature est bien la forme

de langage et d’expérience qui secaractérise d’abord par la complexitéet l’ambi valence, lire Aragon plonge qui conque s’y risque dans une épais-seur de significations exceptionnelles.Les 450 entrées du Dictionnaire Ara-gon offrent une approche aussi richequ’inédite des champs du savoir enjeu dans cette œuvre.Aragon a laissé de son vivant unesomme verti gineuse et multiforme :Les Œuvres romanesques croisées (de 1964 à 1971chez Robert Laffont) et L’Œuvre poétique (de 1974à 1981 au Livre Club Diderot), rassemblées aprèssa mort en sept volumes de la Bibliothèque de laPléiade. Viennent s’ajouter les très nombreux essais,les articles parus dans la presse, les discours, ainsiqu’une immense correspondance...L’ensemble est d’une impressionnante diversité,poétique et romanesque, politique et polémique,classique et avant-gardiste, provocatrice et révé-rencieuse, populaire et érudite, réaliste et surréa-liste. Tous les doubles, toutes les ambivalencespeuvent la caractériser. Les deux volumes duDictionnaire dirigé par Nathalie Piégay et Josette

Pintueles font le pari de la pluralitédes approches pour rendre comptede la complexité de l’œuvre d’Ara-gon. Une œuvre savante qui mobiliseune tradition (littéraire, esthétique,politique et historique) et investit defaçon romanesque et poétique cer-tains objets (l’anarchie et le com-munisme du XXe siècle, les trouba-dours du XIIe, l’industrie textilepicarde au temps de la Révolution,la grammaire arabe de Grenade...).Savante enfin parce qu’Aragon s’estconfronté parmi les premiers à des

objets devenus objets de savoir (le cinéma, lachanson, les collages...).Pari ô combien réussi, fruit d’un travail pharao-nique. Plus de soixante contributrices et contribu-teurs mobilisé-e-s qui ont misé sur les associationspour faire apparaître les éléments d’un réseau –réseau de notions, d’amis, de compagnons, delivres, de mémoires – cachés par l’œuvre constituéeen labyrinthes, en jeu de cartes, en éclats et vertiges.Le lecteur y circulera librement, selon son gré,selon sa mémoire, selon le savoir qu’il a besoinde compléter ou d’enrichir. n Stéphane Rio• Dictionnaire Aragon, sous la direction de NathaliePiégay et Josette Pintueles, Honoré Champion, 2019.

À l’Est que du nouveau...... Du côté de Varsovie... ZygmunMiloszewski dans Te souviendras-tu de demain ? meten scène un couple devieux amants, Lud-wik et Grazyna, vi -vant de nos jours àVarsovie. Ils se trou-vent reportés dans unVarsovie de 1963. L’uchronie, pro-cédé à la mode – avec des « si »,ce serait une autre Histoire – permetà l’auteur de dresser un portraitactuel de cette ville étrange qu’estVarsovie. Une fois ouvert, l’intriguecolle au cerveau et le livre ne sereferme qu’à la dernière ligne quilaisse encore l’esprit vagabonder.

... et de la Slovaquie. Dans ce rela-tif jeune pays, issu de l’éclatementde la Tchécoslovaquie, le romannoir n’avait, paraît-il, pas de repré-sentant, pas d’auteur. Arpad Sol-tesz, journaliste de son état, vient

combler ce vide. Ilétait une fois dansl’Est est une sagacomplexe dont lecentre est constituépar les agissementsde la police secrète.

Le point de départ, l’enlèvementet le viol d’une adolescente quitrouve les ressorts nécessaires pours’échapper. Soltesz, avec humouret un peu de distance, refuse la cou-pure des bons et des méchants. Lespersonnages apparaissent dans leurscontradictions, dans leurs rôlesdivers mariant le crime et la phi-lanthropie. Souvent un peu lourd,indigeste dans la volonté de toutdécrire, le roman se dévore pour-tant tout en interrogeant sur lemonde tel qu’il ne va pas.

Du côté des autres polarsPolar historique. Paul Doherty,médiéviste dans le civil, dresse leportrait d’une future mère de roid’Angleterre, Marga-ret Beaufort. La Reinede l’ombre nous per-met de visiter l’An-gleterre de la guerredes Deux Roses quia vu dans un premiertemps, en mai 1471, la victoire desYork. Leçon d’histoire qui se litcomme un roman policier.

Polar politique : vengeance à tousles étages. Brian de Palma et SusanLehman ont construit une intrigueaux fils multiples dans le cadre decampagnes électorales sénatorialesaux États-Unis. Les serpents sont-

ils nécessaires ? est unequestion qui trouve unecurieuse résolution dansla conclusion de cetteenquête sans policiers.

Pastiche du polar :réjouissant mais pas trop. AidanTruhen a trouvé un titre populaire,Allez tous vous faire foutre, pourun pastiche du roman noir et poli-cier. Le narrateur, dealer, voleur,menteur, est à lui seul tous les per-sonnages qui peuplentce type de romanhabituellement. Le rireest au rendez-vousmais l’accumulationdes clichés sature lelecteur. À la fin, letrop-plein a tendance à déborder.Une tentative intelligente, bienécrite, toute en références, en échoà d’autres œuvres, qui ouvre desportes et les ferme. n N. Béniès• Te souviendras-tu de demain ? Zyg-mun Miloszewski, traduit par KamilBarbarski, Fleuve éditions ; Il était unefois dans l’Est, Arpad Soltesz, traduitpar Barbora Faure, Agullo éditions ;La Reine de l’ombre, Paul Doherty,traduit par Christian Poussier et NellyMarkovic, 10/18 ; Les serpents sont-ils nécessaires ? Brian de Palma etSusan Lehman, traduit par Jean Esch,Rivages Noir ; Allez tous vous fairefoutre, Aidan Truhen, 10/18.

Le coin du polar

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Askip (à ce qu’il paraît), lalangue française se meurt,elle est morte, elle est enter-

rée ! Et cela dure depuis au moinscinq siècles et la Deffence etIllustration de la Langue Fran-coise de Joachim du Bellay.Aujourd’hui ce ne sont plus lesitalianismes qui la menaceraientmais les mots arabes, anglais,franglais, la novlangue inclusive,le verlan, les argots, les SMS oule politiquement correct. Toutcela nous donne parfois le seum !Mais pourquoi ? Qu’est-ce quinous rend si éruptifs dès qu’ils’agit de la langue ? Pourquoientendre « la cousine à mamère » ou « je vais au coiffeur »nous hérisse-t-il à ce point le poiltandis que leurs variantes « dema mère » et « chez le coiffeur »sont des marques de distinction ?

Pour Maria Candéa et LaéliaVéron, maîtresses de conférencesen linguistique pour l’une et sty-listique pour l’autre, ces réactionsépidermiques traduisent moinsun amour de la langue qu’un rejetde sa dimension vivante. En effet,quand on parle de langue, onparle souvent d’autre chose.Ainsi, défendre la langue est sou-vent prétexte à tempêter contrela société contemporaine. Loinde tous les a priori, cet essai nousplonge dans la petite et la grandeHistoire de notre langue. Trufféd’anecdotes, il offre un éclairagesur les débats passionnels autourdu français.Saviez-vous par exemple que lesmoines copistes du Moyen Âgeappréciaient des abréviationsdignes de nos pires textos ? QueMolière écrivait « ortografe » etqu’à cette époque on utilisait trèspeu d’accents aigus, que l’accentcirconflexe était rare et marquaitl’allongement d’une voyelle tandisque l’accent grave n’existait quesur le « à » ? La démarche de cetouvrage n’est donc pas prescrip-tive (on ne dit pas/on dit) maisréflexive, scientifique et résolu-ment politique. Ses autrices abor-

dent la langue non pas comme unphénomène de la nature ou un« trésor » mais comme une pra-tique sociale avec son histoire,son institutionnalisation, sa dif-fusion, ses polémiques et lesrevendications qui sont suscitéesen son nom. Elles font le pari quedans les classes, les élèves quimaîtrisent le moins les normes dufrançais standard se les approprie-ront d’autant mieux qu’ils étudie-ront aussi toutes ces dimensionsde la langue. Car le français est àeux, à nous, à toutes et tous ! n

Cécile Exbrayat

• Le français est à nous ! – Petitmanuel d’émancipation linguistique,Maria Candea et Laélia Véron,La Découverte.

◗ UN COMBAT DE CLERCSLes intellectuels françaiset la guerre d’Espagnereprésente un travail degrande érudition sur l’engagement sans pré-cédent des intellectuelspour l’un et l’autre desdeux camps pendant cette périodetroublée. L’ouvrage fait un pointexhaustif sur le clivage droite/gauche qui opposa antifascistes etfranquistes. Mais P.-F. Charpentierva beaucoup plus loin que ceschéma binaire couramment admis.Il ausculte les contradictionsinternes de part et d’autre : frac-tures internes entre la gauche paci-fiste et interventionniste, refusdes chrétiens progressistes d’en-tériner la « guerre sainte » contreles « rouges »... S. R.• Les intellectuels français et la guerred’Espagne. Une guerre civile par procu-ration (1936-1939), Pierre-Frédéric Char-pentier, Éditions du Félin, 2019.

◗ MYSTÈRELéo, directeur des coursau centre franco-indoné-sien, est un passionnédes «  replicas  » – cesoffrandes funéraires depapier dont les Indoné-siens d’ascendance chi-noise font grand usage.Sa vie bascule quandMeng, l’auteur des «  replicas  »,est retrouvé sauvagement assas-siné. Cette mort a-t-elle un lienavec les vagues de violence anti-chinois dans l’archipel ? HélèneHonnorat offre un récit palpitantpermettant de découvrir la com-plexité indonésienne. S. R.• N’oublie pas Irma, Hélène Honnorat,Éditions Novana, 2018.T

out enfant, et tout adulte – quiest par définition un ancien enfant– sait que les ours, à l’image de

Winnie, ne rêvent que d’une chose :se remplir la panse de miel. C’estainsi que quelque part dans le nord-est des États-Unis, un plantigrade àla recherche de sa nourriture favoritedéterre au pied d’un épicéa une mys-térieuse mallette. À la déception den’y découvrir qu’un manuscrit intituléDésir et destinée, succède, dans latête de l’ours pas si bête, la perspec-tive de convertir l’œuvre en bonargent qui permettra d’acheter beau-coup de pots de miel... Notre hérosse faufile donc dans un train de mar-chandises direction New York et ses magasins pleinsde sucreries. Le pillage en règle d’une cargaison decéréales pour petit-déjeuner lui inspire le pseudonymede Dan Flakes, et la première personne sympathiquequ’il rencontre dans la métropole est la secrétaire d’unagent littéraire. Le destin du nouvel écrivain charis-matique que toute la scène littéraire et mondaine vabientôt s’arracher est scellé. Et le ton de l’album estdonné, entre fable philosophique et critique drôle etacide du monde moderne, des mécanismes de la célé-brité. Ce qui devrait rendre un ours complètement ina-dapté, incongru dans le monde urbain est précisémentconverti en atout pour un auteur de best-seller : une

maîtrise rudimentaire du langagehumain, des codes sociaux, une vora-cité à toute épreuve... Tout New Yorks’extasie devant Dan Flakes. Pendantce temps, que devient le véritableauteur du manuscrit, Arthur Bramhall,professeur à l’université du Maineretiré dans un chalet pour écrire ?Alan Kokor mène en parallèle, avechumour et sensibilité, le récit de l’in-tégration à la vie urbaine de l’ours etcelui de la conversion à la vie sauvagedu romancier. Quelques personnagessecondaires pittoresques l’accompa-gnent, dont un bûcheron à mi-tempsphilosophe : « Les citadins dépressifsen quête de retour à la terre sont

monnaie courante et ne m’inquiètent pas plus que ça...Disons... que je préfère les regarder de loin... et atten-dre... J’attends patiemment qu’ils deviennent d’au-thentiques dépressifs locaux. » Loin de sombrer, l’écri-vain un temps désespéré par la perte de son grandœuvre parcourt la forêt, ressemblant de plus en plus àun ours, tandis que l’ours sirote des sodas sous lesarbres de Central Park. On referme cet album avec unsourire, et une légère jalousie. n

Amélie Hart-Hutasse• L’ours est un écrivain comme les autres, écrit et dessinépar Alain Kokor, Futuropolis, 2019 (librement adapté del’ouvrage de W. Kotzwinkle).

Le coin de la BD L’humain est un sauvage qui s’ignore

Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 37

Deux albums à croquer !Ploc ! Un délicieux fruitrouge tombe sur la têted’un ourson. Il va escaladerl’arbre qui est au-dessusde lui, pensant que le fruitest tombé d’une de sesbranches. De surprises endécouvertes, il oublie pru-dence et sécurité… Heureu-sement, grand ours veille.Avec La petite encyclopédiedes bébés animaux, 3e d’unesérie sur les animaux éton-nants, les enfants décou-vrent la biodiversité denotre planète. Les informationssurprenantes et parfois amusantessont portées par un trait épuré quiincite au dessin. Catie Pillé• Un fruit rouge, Yi Gee Eun, à partirde 2 ans, Rue du Monde, 2019 ; La petiteencyclopédie illustrée des bébés ani-maux, à partir de 4 ans, Rue du Monde,2019.

FOR THE KIDS

ÉMANCIPATION LINGUISTIQUE

Mauvaise langue

Laélia Véron, l’unedes deux autricesde Le français està nous ! déconstruitles idées reçues surla langue dans un

podcast de vulgarisation scientifique quidécomplexe notre rapport au français.• www.binge.audio/parler-comme-jamais

NOS COLLÈGUES PUBLIENT

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CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac le

CINÉMATemporalités magiquesPour échapper au chômage, Julianaquitte les quartiers d’Irauna pourla métropole de Contaguem, au

Brésil. Elle intè-gre une équiped’agents chargésde contrôler lesjardins et les ter-rasses afin de dé-tecter la présencede moustiques àl’origine de la

dengue. En attendant l’arrivée deson mari dont elle est sans nouvelles,elle s’adapte à sa nouvelle vie.Temporada appartient à ce mou-vement novateur qui se contentede rendre compte de l’existence ré-signée et laborieuse de personnagesqui portent sur leurs épaules la vraieresponsabilité de la marche dumonde. Une suite de moments quirythment un quotidien de l’ombre,répétitif et sans relief apparemment.Pourtant, la servitude ne parviendracependant pas à porter atteinte àune dignité profonde. Commentune image anodine qui montre unefemme ordinaire dans des situationsqui le sont tout autant peut-elle autant passionner. Miracle de lamagie du cinéma... F. D.• Temporada, un film d’André Novais Oliveira(Brésil).

SÉRIEAux frontières de l’imaginaireSortant du coma après un accidentde la route, Alma aperçoit à ses côtés son père décédé 20 ans plustôt ! Physicien de renom, il lui demande d’élucider les conditionssuspectes de sa mort car elle a

désormaisle don dev o y a g e rdans lep a s s é . . .

Émouvante et drôle, Alma, en enquêtant, apprend à passer du pré-sent au passé, de l’introspection àl’action. Mais où se situent réalitéet imaginaire ? Belle esthétique (fil-mée en rotoscopie) de cette séried’animation aux dialogues étour-dissants. Catie Pillé• Undone, R. B.-Waksberg, K. Purdy, Amazon, Prime Video, 2019.

RADIODu jazz en directTSF Jazz (88.9),fondée par FranckTénot et Jean-François Bizot,fête ses 20 ansd’existence. Unenouvelle animatrice, la chanteuse Melody Gardot, illumine les lundissoir à 19 heures avec son émissionChâteau Gardot. Pour le reste, lesjazz sont en diffusion continue.Pour se faire une idée des mé-moires de cette musique trop sou-vent ignorée. Nicolas Béniès• TSF Jazz, autour de 88.9 suivant les régions.

MUSIQUES❱ CLASSIQUEUne gravité joyeuseEn introduction au disque de sonatesde Mozart qu’elle vient d’enregis-

trer, la pianisteAnne Queffélecrappelle que « surle virginal du ta -bleau de VermeerLa leçon de mu -

sique, on peut lire l’inscription“Mu sica laetitiae comes, medicinadoloris”, musique compagne de lajoie, remède à la douleur ». Cetteinscription convient parfaitement àla tonalité générale de ce beaudisque : on y discerne une étrangegravité que tempère une joie pro-fonde, à moins que ce ne soit l’in-verse. On y retrouve la totalité dela palette des émotions humaines,et même la dernière sonate dudisque, Alla Turca, souvent vive etlégère, est ici pleine d’une belleprofondeur. Un disque à savourerindéfiniment... Nicolas Morvan• Mozart, Sonates K 331, 332, 333, AnneQueffelec, Piano.

❱ ROCK« Une Américaine à Paris »Shannon Wright,native d’Atlanta,poursuit sa carrièreen France avec un13e al bum sur lelabel français Vi -cious Circle. Entièrement articuléautour de sa voix et de son piano,elle livre des histoires personnelles,sombres, dépouillées qui évoquentl’amour perdu, la rupture. Une quêtepersonnelle de la sagesse ? Un disquebouleversant ! Éric Loizeau• Providence, Shannon Wright, Vicious Circle,2019.

❱ MUSIQUES DU MONDEMusiques émergentes ?

Fontenay-sous-Bois est devenueun lieu mythiquede rencontres demusiques quicher chent leurplace. Les Aven-turiers, intitulé de

ce festival, sert de credo. Les artistesféminines seront en haut de l’affiche.Un livre sur l’histoire du festivalsera disponible. Il ne faut pas raterce rendez-vous avec les musiquesd’aujourd’hui. N. B.• Les Aventuriers, le Festival-Club desmusiques émergentes et indépendantes, du11 au 20/12, www.festival-les-aventuriers.com

❱ JAZZUn festival...L’Oise déborde dejazz ! Jazz au fil del’Oise tempête sa24e édition en invi-tant une grandepartie de la scène française. ClaudeTchamitchian et François Méchalipour un duo d’hommage à lacontrebasse, Anne Paceo, ThéoCeccaldi, Laurent Coulondre, ÉmileParisien, Jacky Terrasson... se par-tageront l’affiche. En même temps,il faudra visiter toutes les villes dudépartement. N. B.• Jazz au fil de l’Oise, jusqu’au 22/12,01 39 89 87 51, www.jazzaufildeloise.fr

Un coffret...ACT reprend,dans ce coffret,trois albums : His-toricity, Accele-rando, Solo qui permettent de rendregrâce au talent du pianiste et com-positeur Vijay Iyer. Les deux pre-miers sont en trio, un trio classique :piano, contrebasse, batterie quiretrouve une nouvelle jeunesse etle dernier, comme le titre l’indique,un piano solo. La fraîcheur de cemusicien tient à la multiplicité deses influences, de Bill Evans aufree-jazz. On ne peut mieux direque : essentiel ! N. B.• Essentials, Vijay Iyer, ACT.

38 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

S téphane, tout juste débarqué de Cherbourg, prend ses fonctionsau sein de la brigade anti-criminalité de Montfermeil dans le93. Il fait la connaissance de ses deux futurs coéquipiers,

Chris une forte tête, un peu raciste, un peu misogyne et Gwada,natif de la banlieue, des « bacqueurs » rompus aux missions diffi-ciles, à la tentation du pouvoir et aux compromissions. Stéphaneva découvrir les différents groupes qui constituent la populationdu quartier : les mafieux et les trafiquants, les « barbus » rabatteurs,les gitans, les autorités parallèles qui appliquent leurs propres lois,les gamins dits « les microbes » parfois redoutables guerriers, leslycéennes féministes.Filmés à leur insu au cours d’un affrontement musclé avec unebande de jeunes qui se soldera par un tir de flash-ball, les « bac-queurs » vont se retrouver plongés au sein d’une bavure policière...La force du film de Ladj Li (on lui doit en collaboration avec Stéphanede Freitas le film optimiste sur la banlieue qu’était À voix haute) estd’éviter tout manichéisme, de porter un regard sans préjugés sur les

différents protagonistes de façon àrefléter une réalité complexe, l’exis-tence de bons et de méchants desdeux côtés.Au milieu d’un imbroglio rela-tionnel entre les différentes partiesen présence, Les Misérables porteun regard humaniste et politiquequi ne juge pas mais dénonceimplicitement un système per-verti dont tout le monde finit par être la victime, résidents et flics.Les Misérables est un regard sur la banlieue depuis l’intérieur, celuid’un observateur qui continue à vivre dans « les quartiers » et quiconnaît sur le bout des doigts le fonctionnement de mondes opposésmais qui s’arrangent pour vivre ensemble. Un film puissant, nécessaire,d’une grande lucidité, dont on aurait aimé que le déroulement soitun tout petit peu, sur la fin, moins scénarisé. n Francis Dubois

LES MISÉRABLES, UN FILM DE LADJ LI (FRANCE)

Intérieur banlieue

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 39

«Vous savez ici, on ne brodepas des coussins ! » répon-dit Le Corbusier à Char-

lotte Perriand venue lui proposerses services. Sans se dégonfler,malgré ses 24 ans, elle l’invita àvenir voir son « bar sous le toit »au Salon d’Automne. Ce fut ledébut d’une collaboration fruc-tueuse de dix ans entre elle,Le Corbusier et Pierre Jeanneret.Elle a créé les décorations inté-rieures et dessiné les meubles quipourtant encore aujourd’hui sontréférencés « LC » (pour Le Cor-busier), « LC4 » pour la chaiselongue basculante, par exemple.L’exposition qui lui est consacréeà la Fondation Vuitton rend justiceà son talent. La taille des sallespermet de recréer les appartementsqu’elle a conçus comme son « ate-lier » ou la « maison du jeunehomme ». Elle était capable, tout

en gardant les lignes directricesdes meubles créés dans les années1930, de les faire évoluer en inté-grant la culture des pays où elle arésidé. Magnifique reconstitutionde son appartement de Tokyo desannées 1950 ou de celui de Rio.Également photographe talen-tueuse, elle a participé activementaprès-guerre à la « Reconstruc-tion » (hôpital de Saint-Lô, cham-bres des maisons du Mexique oude la Tunisie à la Cité U). On estsurtout frappé par le fait que sescréations restent d’avant-gardepresque 100 ans après leur naissance. L’exposition comporteaussi des œuvres de ses amis, pein-tures, sculptures de Le Corbusier,photos de P. Jeanneret, et surtoutbeaucoup de peintures et tapisse-ries de son grand ami FernandLéger. L’exposition se clôt parla remarquable « Maison au bord

de l’eau » et le cadre reposant dela « Maison de thé ». n

Sylvie Chardon• Le monde nouveau de Charlotte Perriandjusqu’au 24 février à la Fondation Vuitton,www.fondationlouisvuitton.fr. Microvisites gui-dées gratuites toutes les 30 minutes. Catalogue.

Charlotte Perriand, enfin dans la lumière

L’US Mag : Qu’est-ce qui vous a attiré lorsque vousavez souhaité prendre la direction de ce lieu ?Yohanna Silberstein et Matthieu Roy : Nousconnaissions la Maison Maria-Casarès depuis long-temps car nous y avions répété plusieurs spectacles.Nous aimions les conditions de travail qui y sontproposées : créer au milieu de la nature dans unlieu avec une énergie et une histoire particulièreliée à Maria Casarès. Quand nous en avons pris ladirection en janvier 2017, nous avons souhaitécontinuer à y accueillir des créations théâtralesmais pas uniquement. Le Domaine de la Vergneest un site patrimonial avec cinq hectares de jardindont une île au bord de la Charente. Nous avonssouhaité en faire un lieu « polyculturel » : théâtral,patrimonial, paysager, lieu de formation et demédiation, et surtout un lieu axé sur la convivialité.Quand on vient voir un spectacle, on reste pourdîner ! À la Maison Maria-Casarès, nous cherchonsà inventer la décentralisation du XXIe siècle et unenouvelle expérience de visiteur et de spectateur.

L’US Mag : Comment accompagnez-vous les jeunes artistes qui y sont accueillis ?Y. S. et M. R : Dès notre arrivée, nous avons crééle Dispositif Jeunes Pousses, pour l’accompagne-

ment à l’insertion profes-sionnelle des jeunes met-teurs et metteuses en scène.Après les avoir choisis surappel à projets, nous leurproposons de venir répéterleur spectacle à La Maisonpuis de présenter ensuiteune étape de travail aupublic et lors d’une journéeprofessionnelle. Au-delà dece « dispositif », nous sui-vons ces jeunes artistes pendant plusieurs annéesen fonction de leurs besoins, notamment en accom-pagnement administratif, structurel et pédagogique,ce qui manque aujourd’hui dans les formationsartistiques en France.

L’US Mag : Quelle place accordez-vous à vos propres créations ?Y. S. et M. R : En tant que metteur en scène etcomédienne, nous menons de front nos activitésd’artiste et de direction. Grâce à nos créations,nous avons pu lancer la saison estivale « C’estl’été, la Maison est ouverte ! » qui présentera l’an-née prochaine sa 4e édition. Notre répertoire a doncpermis de démarrer le festival, d’y montrer notrephilosophie : porter un regard sur le monde à traversdes écritures contemporaines fortes et des spectaclestrès construits et ouverts à tous les publics et à tousles âges. Et c’est grâce à la Maison Maria-Casarèsque nous avons pu apporter une nouvelle dimensionà nos créations : poursuivre la rencontre avec lesspectateurs à l’issue de la représentation, en alliantconvivialité, échanges et plaisir gastronomique ! n

Propos recueillis par Micheline Rousselet

ENTRETIEN. Encore tout imprégnée du souvenir de la grande comédienne, qui l’a léguée à lacommune d’Alloue, au cœur de la Charente limousine, la Maison Maria-Casarès continue à défendreavec passion le théâtre. Ses jeunes directeurs Yohanna Silberstein et Matthieu Roy nous ont reçus.

La jeune création à la campagne

FAIRE VIVRE LES REVUES

Jour de classeUn exposé en cours d’his-toire se transforme encoming out, dans une atmo-sphère troublante et étouf-fante. La vie de Magnus Hir-schfeld, grand médecin juifallemand, fondateur de lasexologie, défenseur des homo-sexuels et victime du nazisme, faitécho à la solitude douloureuse deLivio, le jeune héros de Jour de cou-rage. Brigitte Giraud plonge le lecteurdans le même malaise que celui deses camarades de classe et suscitehabilement l’émotion en nous faisantpartager les hésitations de Liviocomme les réactions diverses de sonauditoire. La tension monte au coursde ce huis clos dont le lecteurredoute l’issue. Tous les enseignantset leurs lycéens pourront se recon-naître dans ce livre plein de sensi-bilité. B. Cacheux, G. Chourreu• Jour de courage, B. Giraud, Flammarion.

POUR LA CLASSE

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EntrelacementsDe jeunes cinéastes etcritiques se lancent dansl’aventure de la revuepapier après sept ansd’existence numérique.Le papier pour sortir descercles d’experts et serisquer à l’exercice de lacritique. Sortir de France pour voirce qui s’écrit dans d’autres langues.Sortir du cinéma pour aller voir com-ment il entrelace ses puissancesavec la vidéo, la BD, Internet, la pho-tographie... Une réussite pour cepremier numéro qui entreprend plu-sieurs descriptions de la vie urbaineavec notamment un focus sur lesséries de David Simon et un entre-tien avec le cinéaste Philippe Fau-con. À ne pas rater ! Stéphane Rio• Débordements, n° 1, 2019

Enfance en exilMaryam vient de loin, deLà-bas. Maryam ne joue pas,Maryam ne mange pas etMaryam ne parle pas. Car lalangue de Là-bas se chamailledans sa tête avec la langued’Ici. Jusqu’à ce qu’une petitevoix lui demande « Comment tu t’ap-pelles ?  ». Maryam Madjidi, autricede Marx et la poupée, prix Goncourtdu premier roman 2017, raconte dansune langue simple et douce l’histoired’une enfance en exil qui ressembleà la sienne. Un court roman délica-tement illustré à lire tout seul à partirde 7 ans. Cécile Exbrayat• Je m’appelle Maryam, Maryam Madjadi,Illustr. Claude K. Dubois. Éd. L’École desloisirs, coll. « Mouche ».

FOR THE KIDS (BIS)

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40 - US MAGAZINE - Supplément au no 791 du 26 octobre 2019

Essais✦ ✦✦ ✦✦

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Temps de lire. Le grand médié-viste entre dans la prestigieusecollection avec un recueil deses livres les plus significatifstels Le Dimanche de Bouvinesou Le Temps des cathédrales...Une grande œuvre. ✦

Beaux Arts

20 ans. Les acquisitions du muséedu quai Branly-Jacques Chirac, collectif sous la direction d’YvesLe Fur, Éd. Skira, 303 p., 49 €.

Temps de lire. Catalogue del’exposition présentant les ac-quisitions et les processus d’en-richissement des collections.La question à résoudre : lamultiplication des demandesde restitution. ✦

Temps de lire. En sept texteslittéraires et phi lo so phi ques,accompagnés d’une centained’œuvres iconiques, le regardpersonnel et touchant d’un amide Bacon. ✦

Francis Bacon ou la mesure de l’excès, Yves Peyré, Gallimard,336 p., 49 €.

À l’ombre des jeunes filles en fleurs,Marcel Proust, Folio classique,816 p. ; Proust, prix Goncourt. Uneémeute littéraire, Thierry Laget,Gallimard, 272 p.

Temps de lire. Le parcoursd’une grande artiste du XXe siè-cle et le récit d’une vie defemme qui a connu les deuxguerres mondiales. M.-L. Ber-nardac fait preuve d’unegrande empathie avec l’ar-tiste. ✦

Temps de lire. Un livre fonda-teur de la sociologie améri-caine, sous-estimé à cause deson auteur. W. E. B. Du Boisest Noir et en 1899 c’est unetare aux États-Unis. Le tempsde la redécouverte a sonné. ✦

Les Noirs de Philadelphie. Étude so-ciale d’une vie, W. E. B. Du Bois, tra-duit, introduit par Nicolas Martin-Breteau, La Découverte, 550 p.

Temps de lire. Cheveux courtsou longue barbe... à quoi tientl’autorité des puissants ou lavolonté de subversion ? D’Au-guste à Fidel Castro, le poil atoujours ses raisons... poli-tiques ! ✦

Temps de lire. Une entreprisegargantuesque que de décrireet théoriser l’enfantement ducapitalisme. Les deux premierstomes analysaient les formesde la société et ce dernierconclut sur les modalités defonctionnement de ce premiermonde capitaliste. ✦

Poil et pouvoir, l’autorité au fil durasoir, Bertrand Lançon, ÉditionsArkhè, 168 p., 16,50 €.

1415-1763, Le Premier âge du capi-talisme, tome 3, deux volumes : Unpremier monde capitaliste, AlainBihr, Éditions Syllepse/Page 2,1 500 p.

Temps de lire. Basquiat et sesinfluences : un essai remarqua-ble et éclairant sur la genèsede ses œuvres. Exposition et catalogue autourdes grands maîtres naïfs vuspar les peintres modernes. ✦

Œuvres complètes, Cyrano de Ber-gerac, Honoré Cham pion, Paris.

Temps de lire. 27 grandes no-tions philosophiques présentéesde manière ludique en utilisantune typographie spécifique,la peinture et les différents pro-cédés littéraires. Une réus-site. ✦

Aventurez-vous dans le monde dela philosophie, Brendan O’Dono-ghue et Paula McGlain, Larousse,400 p., 19,90 €.

Œuvres, Georges Duby, Biblio-thèque de la Pléiade, 2 080 p., 65 €.

Louise Bourgeois, femme couteau,Marie-Laure Bernadac, Grandes Bio-graphies/Flammarion, 528 p., 32 €.

Temps de lire. Deux livresmagnifiquement illustréspour rendre compte de deuxdestins du XXe siècle avec pourcontexte commun : Paris. ✦

Archives d’une vie, Ernest Heming-way, Gallimard, 238 p., 32€ ; Le Parisde Barbara, Gilles Schlesser, Édi-tions Pari gramme, 141 p., 18,90 €.

Basquiat Remix, collection Lamberten Avignon, Actes Sud, 29 € ; DuDouanier Rousseau à Séraphine,Gallimard/Musée Maillol, 35 €.

Temps de lire. Le 10 décembre1919, le prix Goncourt est attri-bué à Marcel Proust. ThierryLaget raconte cette aventureavec ce qu’il faut d’humour etd’ironie. Folio réédite, en cof-fret, le roman. ✦

Temps de lire. Pour les 400 ansde sa naissance, l’œuvre auda-cieuse et l’écriture pleine de« panache » d’Hercule Savi-nien de Cyrano de Bergeracreste actuelle que ce soit sonthéâtre ou ses récits. Une trèsbelle collection. ✦

Temps de lire. Tous les éditeurset quasiment tous les auteursse lancent dans le polar ou sesclichés. Partie intégrante de larévolte sociale, il marque deson empreinte la littérature. ✦

Temps de lire, Beaux Arts, littérature, essais, livres pour la jeunesse... Temps d’écouter des musiques diverses, aussi diverses que

notre époque, les rocks, le punk, le jazz, Beethoven, Prince... Temps de voir via les DVD pour se refaire des souvenirs... Une sélection

qui se poursuivra sur le site www.snes.edu

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✦✦✦LE TEMPS DE LIRE D’ÉCOUTER

Le polar dans tous ses états. De la série noireà Jacqueline Chambon en passant par QuidamÉditeur pour finir par Rivages Noir.

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Temps de lire. Catalogue et ex-position centrent l’analyse surl’imaginaire révélé par la repré -sentation des figures noires dansles arts visuels européens. ✦

Le Modèle noir, Pap Ndiaye, LouiseMadinier, coédition musée d’Or-say/Flammarion, 96 p., 16 €.

✦ ✦✦ ✦✦✦ Littérature

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 41

Jeunesse

Ailleurs, D. Guyon, H. Crochemore,Éd. Talents Hauts, Amnesty Inter-national, 30 p. À partir de 8 ans.

Beethoven, The New Complete Edition, Deutsche Grammophon.

Temps d’écouter. Un must pourquiconque veut découvrir ouapprofondir sa connaissancede Beethoven, géant parmi lesgéants de la musique. Ontrouve dans ce coffret les meil-leurs enregistrements de Deut-sche Grammophon et deDecca. ✦

Temps de lire. Un portrait detoutes les classes de la sociétéen 1789. Prix de la BD his-torique 2019 aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois. ✦

Révolution, Liberté, Grouazel et Locard, tome 1, Actes Sud, 26 €.

Pages réalisées par Nicolas Béniès, Brigitte Cacheux, Sylvie Chardon, Geneviève Chourreu, Francis Dubois, Cécile Exbrayat, Éric Loizeau, Nicolas Morvan, Catie Pillé, Stéphane Rio et Micheline Rousselet

Cinéma et coffrets DVD

Temps de voir. Un coffret quidate de 2015 mais qui reste in-contournable. De quoi reveniraux sources de la nouvellevague. ✦

François Truffaut. L’intégrale, MarinKarmitz, 21 films.

Temps de lire. Quand les auto-routes se transforment en piègemortel, l’espèce humaine ré-vèle ses travers mais aussi sonsens de la solidarité... EntreSF et fantastique. Prenant. ✦

Temps de lire. Un hommagepuissant à tous les enfants dumonde qui rêvent – où qu’ilssoient – d’une vie meilleureailleurs... Mots poétiques etillustrations puissantes. ✦

Temps d’écouter. Des collec-tions dont The Quintessence di-rigée par Alain Gerber, qui per-mettent une plongée dans lesmondes du jazz. Redécouverteaussi de concerts parisiens... ✦

Guitar Odyssey, B. Butler, A. Casey,J. Williams ; The Quintessence,W. Herman ; Biguine Reflections,Alain Jean-Marie ; The Complete1961 Paris Recordings, Ray Charles,Frémeaux & Associés.

Temps de lire. Une adaptationdrôle et sensible du conte intemporel Le vilain Petit Canard mis en musiquepar Étienne Daho. Irrésis -tible ! ✦

Le Vilain Petit canard, album-CD raconté par Arnaud Valois, GallimardJeunesse. À partir de 6 ans, 24,90 €.

Temps de lire. Christophe Blainet Joann Sfar associent leurstalents pour une nouvelle aven-ture du lieutenant Blueberry.Un hommage au western cultedu magazine Pilote. ✦

Blueberry, Amertume Apache,Christophe Blain et Joann Sfar,tomes 1 et 2, Dargaud, 15 €.

Temps d’écouter. 65 titres, deuxconcerts inédits, un album ma-gique ! Prince au sommet deson art ! ✦

1999, Prince, coffret Super Deluxe,édition limitée, 65 €.

Musique

Sortie 32.b, A. Da Silva, Éd. duRouergue, coll. Epik, 400 p., 15,70 €.

Temps de lire. Un dialogued’émerveillements sur l’histoiretrès ancienne entre J.-M. Ge-neste, conservateur généraldu patrimoine et B. Valentin,professeur des universités.Le premier raconte ses re-cherches au second qui com-mente. Superbe ! ✦

Karl Marx et la naissance de la so-ciété moderne. Biographie intel-lectuelle, tome 1, 1818-1841, MichaelHeinrich, Éd. Sociales, 560 p., 25 €.

Temps de lire. Une biographieadornienne qui permet à la foisune lecture de Marx et la des-cription de la société capitalistede son temps. Un livre néces-saire qui marque la renaissancedes Éditions Sociales. ✦

Si loin, si près. Pour en finir avec lapréhistoire, Jean-Michel Geneste,Boris Valentin, Flammarion, 288 p.,29,90 €.

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Temps de lire. Un voyage aussiépique qu’inoubliable à borddu Nautilus, d’après le romande Jules Verne ! ✦

Vingt mille lieues sous les mers,album-CD illustré par Gazhole, mu-sique Didier Benetti, Orchestre na-tional de France, Gallimard Jeu-nesse. À partir de 7 ans, 24,90 €.

ET DE VOIR

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Le dernier sur la plaine, N. Bernard,Thierry Magnier, coll. Grands romans,368 p., 14,80 €.

Temps de lire. Inspiré de faitsréels, ce roman nous entraînesur les traces du dernier chefcomanche à avoir vécu libresur les plaines américaines.Un homme qui s’est battupour tenter de sauver son peu-ple et sa culture. Émouvant. ✦

Temps de voir. Premier dugenre, un dictionnaire plaisantoù les connaissances littéraireset historiques du spécialiste dela latinité s’ajoutent aux don-nées cinématographiques pouréclairer les œuvres. ✦

Dictionnaire du péplum, ClaudeAziza, Éd. Vendémiaire, 396 p., 27 €.

Der Klang der Familie, F. Denk, S. vonThülen, 25 € ; Too much future,M. Boehlke, H. Gericke, 15 € ; Dilapideta jeunesse, J. Telpel, 25 €. Allia.

Temps d’écouter. Trois clas-siques incontournables de l’histoire de la musique pourse plonger dans le punk,la new wave et la techno à Berlin-est. ✦

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BD

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À ne pas rater

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ENTRETIEN

pour moi, inventer un hôpital égalitairec’était naturellement décrire un hôpitalguidé par l’idéal féministe.

L’US Mag : Qu’est-ce que Le Chœurdes femmes donne à entendre : des voixcitoyennes, comme dans la tragédie antiqueou un lamento douloureux ?M. W. : Les deux, mon capitaine ! Chaquevoix compte et toutes les voix entenduesindividuellement – et additionnées –constituent un ensemble qui œuvre au bien,à la cohésion, à l’harmonie communes.Fondamentalement, nous avons toutes lesmêmes sentiments, les mêmes peurs, lesmêmes aspirations. Entendre l’autre

MARTIN WINCKLER

L’US Mag : Dans l’École dessoignantes, vous décrivez l’hôpitalidéal. Quel est-il ?Martin Winckler : C’est unhôpital où il n’y a pas dehiérarchie : les femmes et leshommes sont toutes dessoignantes ; toutes les soignantespeuvent se former à toutes lesfonctions, sans réserve ni obstacle,en fonction de leurs affinités et deleur désir ; soigner est un projetcoopératif et commun ; enfin, cesont les personnes soignées quiprennent les décisions qui lesconcernent : les soignantes lessoutiennent et les accompagnentquelles que soient ces décisions.C’est aussi un hôpital qui a pu voirle jour grâce à la volonté de lacollectivité : la communautéurbaine de Tourmens* met touteson énergie à la construction d’unecité tournée vers la solidarité et lelien communautaire, sansexclusive, sans condition, pourtoutes les personnes présentes. LeCHHT (centre hospitalierholistique de Tourmens) ne peutexister que parce que la collectivitémet tout en œuvre pour le soutenir.

L’US Mag : En féminisant les mots,les choses et les êtres, L’École dessoignantes témoigne d’une grande radicalité.De quelle manière êtes-vous féministe ?M. W. : Le féminisme, c’est la quête del’égalité pour toutes – et donc, tous. J’aicommencé par être égalitaire : dans mafamille, j’avais le sentiment que les femmesavaient les mêmes droits et prérogatives queles hommes, elles prenaient la parole, ellesdécidaient pour elles-mêmes et pour lesautres à l’égal des hommes. Dans les années1970, quand j’ai rencontré la premièrevague de féminisme dans mes lectures etparmi mes camarades de fac, j’ai réalisétout naturellement que si j’étais égalitaire,j’étais inévitablement féministe. Les deuxdémarches sont indissociables. De sorte que

exprimer les siennes nous la rendplus proche, et réciproquement. Àpartir de ce que nous avons encommun, nous pouvons travaillerà dépasser nos différences. Etcomme nous avons toutes uncorps animé par les mêmesmécanismes, les mêmes émotions,ce que nous ressentons de plusintime est universel.

L’US Mag : Sachs (La Maladiede Sachs), Karma & Atwood(Le Chœur des femmes et l’Écoledes soignantes), Zacks (En souvenird’André), quatre figures qui dessinentun médecin idéal. Pouvez-vousen faire le portrait ?M. W. : C’est surtout une soignanteidéale (à mes yeux, tous lessoignants sont des soignantes...) :son rôle ne se réduit pas à faire desdiagnostics et prescrire destraitements, mais impose de semettre au service de la personnesoignée, c’est-à-dire la recevoir,l’entendre, identifier ses besoinsavec elle (et pour elle), lui proposerdes voies et l’assister à tout momentdans les décisions qu’elle prend. Et,au besoin, la défendre, être sonavocate. Les personnages de mesromans savent qu’on ne peut paschanger le monde dans son

intégralité, mais qu’on peut aider les autres àprendre la direction de leur vie, une personneà la fois. Ça commence par l’écoute – quipermet à la personne soignée de dire où elleest, comment elle se sent, où elle veut ou nonaller. Et le reste suit naturellement : lasoignante idéale vous aide à piloter votrevaisseau (votre corps) sur l’océan hostile etimprévisible. À aucun moment elle ne décideà votre place. C’est une relation sans rapportde force, fondée sur la coopération. C’est làun paradigme très éloigné de la formation des

« Comme nous avons toutes un corpsanimé par les mêmes mécanismes, les

mêmes émotions, ce que nous ressentonsde plus intime est universel »

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« Je veux surtout raconter deshistoires – celles qu’on m’a confiées »

Écrivain, traducteur, militant féministe, amateur de séries télévisées, Martin Winckler est généraliste.On ne parle pas ici de médecine. Trait d’union entre toutes les facettes de cette personnalité,

son nom, Winckler est emprunté à un personnage de la Vie mode d’Emploi de Perec. Derrière cesidentités, Marc Zaffran, inlassable auditeur de celles qui souffrent, inaltérable porte-voix de

celles qu’on n’entend pas, transforme la littérature en acte, soulage et soigne.

* Ville fictive, cadre de plusieurs romans deM. Winckler.

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médecins français, mais pour celles et ceuxqui l’adoptent, c’est extrêmement gratifiant, àtous points de vue, pour elles et pour lessoignées.

L’US Mag : Lutte-t-on suffisammentcontre la douleur aujourd’hui ? M. W. : Non, parce que c’est un symptômemésestimé, méprisé et sous-traité. Il y a desraisons religieuses (le catholicisme),culturelles et idéologiques (le sexisme, leclassisme, le racisme qui éloignent lesmédecins issus de classes favorisées de laplupart des personnes soignées) etpsychologiques (on a tendance à mesurer ladouleur à l’aune de ses propres valeurs, cequi est contraire à l’éthique et contre-productif). Il y a donc beaucoup à faire, etle livre qu’Alain Gahagnon et moi avonspublié récemment, Tu comprendras tadouleur !, insiste sur deux chosesessentielles. 1° La douleur est uneexpérience intime ; la seule personne quipeut mesurer la douleur est la personne quia mal ; les soignantes doiventtoujours l’entendre et larespecter. 2° Chaque douleura son origine, sonmécanisme, sa significationet son traitement propres.Pour la soulager, il faut lacomprendre. Tout découle deces deux principes.

L’US Mag : Littérature etmédecine, tout est langage.Faut-il écrire pour témoigner ?Faut-il raconter pour guérir ? M. W. : On peut témoigneren courant un marathon à80 ans ou en étant porteuse d’un handicap ;en parlant devant une caméra pour révélerles violences sexuelles qu’on a subiesenfant ; en écrivant sa vie ou un roman, oude mille autres manières. L’important, c’estde transmettre son histoire, car touteexpérience de vie est sourced’enseignements pour les autres. Et raconter,ça fait du bien à celle qui raconte, mais aussià celles qui écoutent et ne peuvent pasraconter. Entendre une histoire quiressemble à la nôtre, c’est savoir que notrehistoire existe en dehors de nous, que nossentiments sont partagés, que nos aspirationssont légitimes, que notre colère est juste.

L’US Mag : Vous êtes un grand amateurde séries télévisées. Qu’est-ce qui vous plaîtdans ce mode de narration ? Est-ce que le cycleromanesque des médecins de Tourmens peut-être envisagé comme une série ? M. W. : Ce qui me plaît dans les séries,c’est précisément leur capacité à prendreleur temps et à parler du monde et despersonnes de manière variée et en adoptantdes points de vue toujours différents. Lemonde est complexe, on ne peut pas ledécrire de manière simple ou expéditive.Les séries ont l’avantage, comme les romansou les cycles romanesques, de s’arrêter surdes personnages ou des situations qui sontnécessairement esquissées, faute de temps,dans les films par exemple. Mais regardezles films Marvel : on peut les voir commeun cycle romanesque au cinéma (ou commeune série) puisque les personnages et leshistoires se croisent, rebondissent, senourrissent et s’enrichissent mutuellement.Les séries télévisées font ça de manière plusnourrie, plus minutieuse, et parfois très

longue ! Law & Order(New York District) a duré20 ans, et Law & Order :Special Victims Unit(New York Unité Spéciale)entame sa 21e année dediffusion. Elles constituentune chronique incomparablede l’histoire politique,judiciaire, sociale etéconomique des États-Unis, àtravers ses citoyens. Et ça fait30 ans que ça dure ! C’eststupéfiant et – narrativementparlant – inégalé. Mon proprecycle romanesque a

commencé lui aussi il y a 30 ans (en 1989)et s’est nourri de séries comme elles oucomme Urgences. Mes romans sont desminiatures, en comparaison. Mais commeles séries, mes fictions interrogent le monde,avec des moyens plus limités mais entouchant tout de même un nombrerespectable de personnes. Et j’en suis trèsfier, et très gratifié : lorsqu’une lectrice vientme dire que Le Chœur des femmes a changésa vie ou que La Maladie de Sachs l’aaccompagnée et soutenue moralement lorsd’un moment difficile, j’en suis trèsheureux, et ça justifie mon travail. Je n’aijamais eu honte d’aimer les séries télévisées

– pas plus que de lire Sherlock Holmes,Arsène Lupin, les Aventures de Spirou oudes romans de science-fiction commeTerminus, les étoiles. Alors, je n’ai pashonte d’écrire des romans populaires – carc’est ce qu’ils sont. Je n’écris pas de lalittérature, à proprement parler : la langue, àmes yeux, est un moyen, non un but. Je mefous de « faire du style ». Je veux surtoutraconter des histoires – celles qu’on m’aconfiées – et partager des sentiments, desrévoltes, des engagements.

L’US Mag : Êtes-vous foncièrement optimiste ? M. W. : Oui, parce que je sais qu’êtrepessimiste altère l’énergie des personnesqui pourraient travailler à un mondemeilleur. C’est comme dire à quelqu’un« T’es nul, t’arriveras jamais à rien ». Cetype de paroles a, on le sait maintenant, uneffet inhibiteur sur les émotions et sur toutel’énergie de la personne. Encourager lesgens, les valoriser, les soutenir dans leursprojets et leurs tentatives, c’est libérateur.Alors, non seulement je suis optimiste, maisje pense que c’est la seule manière éthiquede travailler : dans l’encouragement,l’optimisme et l’espoir. n

Entretien réalisé par Hamda El Khiari

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 43

BIBLIOGRAPHIE/SITOGRAPHIE

Essais◗ Les Brutes en blanc  - La maltraitance médicale

en France, Flammarion, 2016.◗ Tu comprendras ta douleur ! - Pourquoi vous avez

mal et que faire pour que ça cesse, en col la -boration avec Alain Gahagnon, Fayard, 2019.

Romans◗ La Maladie de Sachs, POL, 1998◗ Le Chœur des femmes, POL, 2009◗ En souvenir d’André, POL, 2012◗ L’École des soignantes, POL, 2019◗ Franz en Amérique, POL (à paraître)

Sites et blogs◗ Site personnel : www.martinwinckler.com◗ Blog pour lecteurs et écrivants :

www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/martin-winckler-35-tendresse-et-humanisme

◗ Blog participatif (patients, soignants, citoyens) :https://ecoledessoignants.blogspot.com

SOUFFRIR, DIRE, GUÉRIR«  Ce qu’une femme ressent est plus important que ce que tu sais. Et ce que tucrois compte beaucoup moins que ce qu’elle ne dit pas. »

« Les livres de médecine ne parlent jamais de douleurs provoquées par les gestesdes médecins. Et beaucoup de médecins pensent que “si c’est pour le bien despatientes, la douleur est justifiée”. Aucune douleur n’est justifiée. Jamais.  »

«  Il y a deux sortes de médecins, les docteurs et les soignants. […] C’estl’attitude face à la douleur qui fait la différence. En France, il a fallu attendre

la fin des années quatre-vingt-dix pour qu’un ministre de la Santé suggèrede rendre l’enseignement du traitement de la douleur obligatoire dans toutesles facs de médecine françaises. [...] Le rôle des médecins, c’était de fairedes diagnostics.  »

« La médecine française est, purement et simplement, une médecine de classe.Un trop grand nombre de “professionnels” méprisent souverainement tous lespatients et les traitent comme des enfants – et plus encore les femmes, parceque ce sont des femmes. »

Le Chœur des femmes

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INTERNATIONAL

Dirigée par le professeur Nihad Bunar,chercheur principal du projet à l’Uni-versité de Stockholm, cette étude a été

menée durant deux années à partir d’analysesde cas concrets réalisées en Belgique, en Ser-bie et en Espagne, mettant ainsi en lumièrela situation des migrants dans ces pays et letravail effectué par les enseignants et les syn-dicats de l’enseignement pour promouvoirl’inclusion. La recherche démontre qu’uneinclusion réussie se concentre sur l’enfant enl’intégrant dans des classes ordinaires le plusrapidement possible tout en lui permettant debénéficier d’un suivi supplémentaire. Danscette approche, la langue maternelle desenfants est considérée comme essentielle. Elledevrait être utilisée pour étayer leur appren-tissage et non perçue comme un obstacle àl’insertion de l’élève et à l’acquisition de la

langue du pays d’accueil. Ce dernier aspect,lié aux conditions de formation initiale etcontinue des enseignants pose la question desconditions de travail propices à l’inclusion.

Réussir l’inclusionQue l’on considère, comme Nihad Bunar,qu’une inclusion réussie consiste à intégrerl’enfant dans des classes ordinaires le plusrapidement possible ou bien qu’elle doit êtreassurée de manière plus progressive enoffrant un véritable temps d’accueil, danstous les cas, un suivi spécifique au cours del’année d’accueil et des années qui suiventest nécessaire. Les moyens pour assurer cesuivi doivent être garantis. La formation ini-tiale et continue des enseignants est l’autreenjeu fondamental d’une politique d’inclu-sion efficace. En outre, la maîtrise rapide de

LES 14 ET 15 NOVEMBRE DERNIERS, le SNES-FSU participait à la conférence de clôture sur l’intégration desmigrants dans les systèmes éducatifs européens. Organisée à Bruxelles et suivie d’une audition au Parlementeuropéen, cette conférence marquait la fin d’un travail conjoint mené par des syndicats de l’éducation.

Migrations et éducation

LA SERBIE, PAYS DE PASSAGEAvec l’embrasement de la Syrie à partir de 2012, les conflits permanents enIrak et en Afghanistan et la pauvreté endémique dans nombre de paysafricains, les routes migratoires se sont multipliées. L’une d’entre elles,celles des Balkans, est empruntée par ceux qui, traversant la Méditerranéepour rejoindre la Turquie, la Grèce ou la Serbie, tentent ensuite de rejoindrel’Europe occidentale en contournant la Hongrie, dont la frontière estdésormais fermée par un mur de fils barbelés… Une route longue et périlleuse,comme nous le rappelle la mort récente de trente-neuf personnes retrouvéesasphyxiées dans un camion près de Londres.La Serbie est donc essentiellement un pays de transit, où passent chaqueannée des milliers de réfugiés, dont des enfants en âge d’être scolarisés.La prise en charge de ces enfants illustre les difficultés majeures rencontréespar les pays d’accueil : bien souvent, les élèves nouveaux arrivants ne pos-

sèdent aucun document relatif à leur formation antérieure et il est impossiblede déterminer les classes dans lesquelles ils doivent être inscrits. De plus,leur scolarisation a, la plupart du temps, été interrompue depuis une longuepériode dans leur pays d’origine. Ces situations sont encore plus difficilesà prendre en compte dans un pays de transit comme la Serbie où les popu-lations migrantes ne s’installent pas. Mais le gouvernement serbe chercheà remédier à ces difficultés croissantes et à prendre en compte les déficitsscolaires des enfants migrants. Il a récemment instauré un certain nombrede réformes. En mai 2017, le ministère serbe de l’Éducation, des Sciences etdu Développement technologique a en effet publié et diffusé dans toutesles écoles du pays un document donnant un ensemble de directives à toutesles écoles du pays pour favoriser l’accueil et faciliter la scolarisation d’enfantsmigrants.

la langue du pays d’accueil, qu’un accom-pagnement approprié doit favoriser, n’em-pêche pas de prendre appui sur la languematernelle de l’enfant, bien au contraire.

Conditions de travail et inclusionLes conditions favorables à l’insertion desenfants migrants dans le système scolaire dupays hôte dépendent à la fois des outils deformation et de l’autonomie professionnelledes professeurs. À l’issue de cette conférence,les syndicats de l’éducation se sont engagésà faire en sorte que les discussions politiquesprennent en compte les conditions de travailet les besoins professionnels des éducateursqui s’occupent des migrants et des réfugiéset ont interpellé l’eurodéputé PierfrancescoMajorino lors de l’audition publique au Par-lement. n Mélanie Faivre

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Supplément au no 791 du 26 octobre 2019 - US MAGAZINE - 45

Depuis des mois, étudiants et lycéens dumonde entier ratent les cours et battentle pavé pour obliger les gouvernements

à enfin prendre au sérieux l’urgence envi-ronnementale. Dans les années 1960-1970,la lutte contre la guerre du Vietnam a amenébeaucoup de jeunes de par le monde à luttercontre un capitalisme fauteur de guerre. Quisait si, aujourd’hui, la lutte contre le dérè-glement climatique n’est pas en passe dedevenir le combat d’une génération prenantconscience, dans l’action, qu’il faut mettreun terme aux ravages que ce mode de pro-duction insoutenable inflige à notre planète ?

Brutale irruptionC’est le 20 août 2018, après un été particu-lièrement chaud, qu’a lieu la première grèvedes jeunes pour le climat devant le Parlementsuédois à l’appel de Greta Thunberg. Lamobilisation, qui devait avoir initialementpour point d’orgue la tenue des électionslégislatives, le 9 septembre, a continué aprèscette date et les jeunes activistes suédoiscommencent, à l’automne, à attirer l’attentionde l’opinion publique internationale et de lajeunesse des pays occidentaux.En janvier 2019, les élèves et étudiants entrentdans la danse en Belgique et aux Pays-Bas,mais aussi en Autriche, en Allemagne, enSuisse, en Scandinavie, ainsi que dans lemonde anglo-saxon. Le mouvement Fridaysfor Future est définitivement né. Dès février,il reçoit le soutien de nombreux scientifiques.Le 20, plus de 260 chercheurs suisses, françaiset belges appellent, dans les colonnes duTemps, à « encourager cette mobilisation dela jeunesse ». Pas étonnant qu’un nouveaupalier soit franchi le 15 mars, jour où l’onrecense 2 052 événements dans 123 pays.Dans une lettre ouverte traduite en 19 langues,la coordination internationale du mouvementde grèves des jeunes déclare : « La jeunessede ce monde s’est mise en mouvement et ellene s’arrêtera plus ».

Vient alors, pour la mobilisation des jeunes,le temps de la consolidation. Le 24 mai, lenombre de manifestants dans le monde entieraugmente une nouvelle fois, malgré un pluspetit nombre d’événements annoncés– preuve que massification rime alors avecstructuration. Le 21 juin, une première mani-festation centrale rassemble, à Aix-la-Cha-pelle, des dizaines de milliers de jeunes venusde toute l’Europe. Une nouvelle journée mon-diale d’ampleur a lieu le vendredi 20 sep-tembre. Elle est suivie la semaine suivantepar la manifestation monstre qui s’est tenueà Montréal. Près de 500 000 personnes ontparticipé à cette mobilisation sans précédentdans l’histoire du Québec.

Raisons d’un succèsCette marée montante s’explique avant toutpar la place prédominante qu’occupe le dérè-glement climatique dans les préoccupationsdes jeunes générations. Ainsi, une étude del’université de Gand publiée en janvier 2019indique que la question environnementale estle premier sujet de préoccupation des Belgesde 18 à 25 ans, quand elle n’est que le sep-tième pour les plus de 50 ans. La percée élec-torale des Grünen aux élections européennesdu 26 mai en Allemagne (où 33 % des moinsde 30 ans ont voté Verts), la poussée d’EELVau même scrutin en France, ainsi que letriomphe des Verts suisses aux élections fédé-rales du 20 octobre constituent des indicateursclairs de cette priorité écologique portée aupremier chef par les jeunes électeurs.La seconde raison de la réussite de Fridaysfor Future, c’est toutefois sa capacité à s’af-ficher comme un outil mobilisateur indé-pendant des grandes forces politiques, syn-dicales et même associatives. Comme l’anoté Stéphane Canetta, porte-parole Green-peace Suisse, au début de la mobilisation« l’indépendance et le caractère non parti-san et spontané de ces mouvements sontleur force première ». Dès les débuts de la

CLIMAT. L’irruption de la jeunesse dans la lutte contre le réchauffement climatique a indéniablement changé ladonne mondiale depuis plus d’un an. La vague écologique est-elle en train de se muer en déferlante générationnelle ?

Décidément plus chauds que le climat !mobilisation de la jeunesse, Nelly Didelotécrivait dans les colonnes de Libérationqu’« au-delà du choix très symbolique dela grève scolaire [...], ces mouvements sonttous spontanés, horizontaux, plus ou moinsacéphales et nés grâce aux réseauxsociaux ». Autant dire qu’ils correspondentparfaitement à l’état d’esprit prévalant ausein de la jeunesse scolarisée.

Et en France ?La participation des jeunes Français n’esttoutefois pas à la hauteur de la mobilisationde leurs homologues européens. Les vio-lences policières qui émaillent les manifes-tations depuis plusieurs années amènent assu-rément de nombreuses personnes à réfléchiravant d’aller manifester. Lors de la marchepour le climat du 20 septembre dernier, lapolice a, par exemple, pris le prétexte de laprésence de black blocs pour gazer, charger,tabasser et arrêter de nombreux manifestantsnon violents.Mais la crainte légitime des débordementsn’épuise pas le sujet. Certains chercheursestiment qu’en France plus qu’ailleurs, ladimension consensuelle du discours officielde Fridays for Future qui invite les politiquesen place à s’emparer du problème – et quiles considère donc comme une part de lasolution – ne convainc pas forcément lesjeunes militants écologistes. L’idée que l’onne pourra pas résoudre la crise climatiquesans changer de modèle de société a certai-nement fait plus son chemin dans l’Hexagoneque chez nos voisins. Selon Maxime Gaborit,sociologue membre du collectif Quantité cri-tique, si « en France, la désobéissance civileest acceptée quasi unanimement par les mili-tants climatiques [...], les moins de 26 anssont prêts à aller plus loin : ils acceptent lesdégâts matériels justifiés par la cause cli-matique à 66 %, contre 50 % pour le restedes participants ».

Cette dimension « action directe », qui prendracine dans les traditions du mouvementouvrier hexagonal, explique peut-être en par-tie le succès actuel d’Extinction Rebellion,même si ce mouvement sulfureux prône uneforme de désobéissance civile empreinte denon-violence. n Jean-François Claudon

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Marche pour le climat, Montréal, 27 septembre 2019.

Occupation du centre commercialItalie 2 (Paris), 5 octobre 2019

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Logementi

EffondrementsUn an après la tragédie de la rued’Aubagne à Marseille, le rapport duHaut Comité au Logement estaccablant. Il révèle que «  leseffondrements […] résultent d’unecontinuité de dysfonctionnements […]des acteurs publics ». Il soulignenotamment «  l’absence de traitementde l’habitat indigne jusqu’à la gestionchaotique de la crise » avec pas moinsde 1 400 signalements restés sansréponse. Le rapport pointe clairementla responsabilité de la mairie et cellede l’État. La question clé est bien celledu logement social. La ville n’atteintpas le quota de 25 % des logementssociaux exigés par la loi SRU etconstruit peu de «  logements trèssociaux » alors que 74 % desdemandeurs de logements sociauxdisposent de revenus très bas. Un pland’urgence est incontournable. C’est ceque réclame une mobilisationcitoyenne très déterminée.

Violences policièresi

Létalité réduite ?Deux études témoignent desconséquences dramatiques desviolences policières et notamment del’utilisation des armes chimiques.Ainsi, un jeune biologiste de Nice meten lumière des doses importantes decyanure dans le sang de manifestantsexposés aux gaz lacrymogènes. Une étude publiée par la revuemédicale britannique The Lance vientde rendre publique une « enquêterétrospective » à tous les CHU deFrance sur l’ampleur des blessuresoculaires lors des manifestations desGilets jaunes : quarante cas recensés,parmi eux, neuf énucléés. Force est deconstater le silence du gouvernementà ce sujet. Le bilan est pourtantédifiant et justifie pleinementl’interdiction de ces armes.

Sans papiersi

Droit à la scolarisationÀ Dijon, la situation devient intenablepour de nombreux élèves sans papierset leurs familles. Menacés d’expulsion,logés au 115 ou dans la rue alors qu’ilsremplissent les conditions derégularisation, les enfants scolarisésne peuvent pas suivre les cours dansdes conditions acceptables. Desmineurs non accompagnés se voientrefuser la scolarisation à laquelle ilsont droit. La rectrice doit fairerespecter le droit à la scolarisation etla protection de l’enfance, en refusantde céder à la pression des collectivitésterritoriales. Elle doit surtout prendrela mesure du désarroi des équipeséducatives qui n’acceptent pas legâchis que représente l’expulsion dejeunes en cours de formation dans leservice public de l’Éducation nationale.

DROITS ET LIBERTÉS

Lancée à la fin de l’été par le président de laRépublique, poursuivie début octobre par undébat parlementaire à froid, et conclue par la

publication d’un entretien du chef de l’État dansValeurs actuelles, l’offensive du pouvoir contreles immigrés s’est concrétisée par l’annonce d’unesérie de mesures, présentées comme équilibrées.Celles-ci, pourtant, accréditent les idées de l’extrême droite.Il en est ainsi de celles relatives à la santé. Profitantdes légitimes inquiétudes suscitées par la dégra-dation des services publics, dont témoignent lesmobilisations des services d’urgence, le gouver-nement entonne l’air du « tourisme sanitaire » enétablissant un délai de carence de trois mois pen-dant lesquels les demandeurs d’asile n’auront plusdroit à la protection maladie universelle, ni lesmigrants à l’aide médicale d’État, et en créantl’obligation d’accord préalable de la Sécu pourles actes « non urgents » (ce qui peut engloberune grande partie des soins).

Logique de quotasDe même, les contrôles seront « durcis » à la foissur l’accès à la protection sociale et sur les verse-ments de certaines prestations, notamment l’aideaux demandeurs d’asile. Mais derrière cette offen-sive contre les 110 000 demandeurs d’asiles, ontrouve une transformation radicale de la logiquede l’immigration dite « économique » avec lamise en place de quotas, rebaptisés « objectifschiffrés », selon les « besoins des entreprises ».

En expliquant que la logique de cette mesure étaitde « permettre aux Français de trouver du tra-vail », la ministre du travail a explicité la reprisedu vieux slogan du Front national faisant de l’im-migration la cause première du chômage.Inutile de dire que le pendant « humanitaire » àces mesures, à savoir la promesse – une de plus– d’accélération des procédures d’examen desdemandes d’asile, ne pèse pas grand-chose, surtoutque plus d’un tiers d'entre elles relève de la régle-mentation dite de « Dublin », c’est-à-dire séjour-nant en France mais demandant l’asile dans unautre pays européen. Si l’accélération de cetteprocédure aboutit a plus de rejet, on ne voit pasbien où se situe l’amélioration.Une fois de plus, les plus démunis feront les fraisde l’incapacité à répondre à l’urgence sociale d’ungouvernement qui ne sait que dresser les victimesde sa politique économique les uns contre lesautres. n Hervé Le Fiblec

Quelques millions d’euros n’y suffiront pas.C’est le regard de la société sur les auteurs etleurs victimes qui doit changer radicalement

pour qu’enfin, des femmes et des enfants cessentde mourir. Pour prévenir les violences faites auxfemmes, il faut se donner les moyens de les détec-ter. Il faut former systématiquement des profes-sionnels de santé, de la petite enfance, du travailsocial, de la justice, de la police et la gendarmerie,en milieu scolaire et universitaire.Elles et ils sont souvent les premières interlocu-trices et interlocuteurs des victimes et de leurfamille. Il faut doter les services publics d’outilsefficaces de prévention et de détection et mettreau plus vite les victimes et leurs enfants à l’abri,

tout en finançant des campagnes ambitieuses deprévention et d’information.

Prévenir les violencesLe lieu de travail doit aussi permettre la libérationde la parole des femmes victimes dans le cadreprofessionnel comme dans le cadre conjugal. Lesadministrations et les entreprises qui n’appliquentpas l’obligation de prévention des violencessexistes et sexuelles au travail doivent être sanc-tionnées. Le SNES y veille avec la FSU dans laFonction publique.Il faut ouvrir assez de places d’hébergement encentres spécifiques sur l’ensemble du territoire,prenant en charge les traumatismes physiques etpsychologiques. Tout comme il faut démultiplierles ordonnances de protection contre les auteurs,en rendant leur proposition systématique lorsd’une main courante ou d’une plainte.Enfin, il faut libérer la parole à l’École et lever letabou des violences sexuelles intrafamiliales et entrepairs, pour faire qu’enfin, la honte change de camp.Le SNES-FSU manifestera le 23 novembre partouten France contre les violences faites aux femmes.Venez-y nombreuses et nombreux ! n

Aurélia Sarrasin

IMMIGRATION

Vers une politique anti-immigrés

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FÉMINICIDES

Pour un vrai plan d’urgence

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