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Crazy Love Thérapy (Collection PEP'S Passion) (French Edition)ekladata.com/sWP3HjUEn7yNJUBtFpfpYWgP4UI/Crazy-love-therapy.pdf · résolutions pour la nouvelle année, deux constats

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ElsaCarat

CrazyLoveTherapyRoman

Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,descomportementsdepersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdes

personnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

ÉDITION:LeCodefrançaisdelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudesesayantsdroitouayantcause,estillicite(alinéa1erdel’articleL.122-4)etconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL.425etsuivantdu

Codepénal

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquescitationsquecesoit,sousn’importequelleforme.Lespeinesprivativesdeliberté,enmatièredecontrefaçondansledroitpénalfrançais,ontétérécemmentalourdies:depuis2004,lacontrefaçon

estpuniede

«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».

CouverturephotoCopyright:Conrado

Premièreédition:Août2016

ISBN:9782375760680

Copyright©2016

Correctrice:Amélie

Illustratrice:Constance

Attachéedepresse:Phanie

Tabledesmatières

Prologue

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Épilogue

Remerciements

Biographiedel’auteur:

À29ans,heureusemamande troisenfantset résidantenBretagne,Elsaprofited’uncongéparentalpourrenoueravecleplaisirdel’écriturequ’elleadéjàexpérimentépetite.

Sonpremier romanCrazyLoveTherapy est une comédie romantique, genrequ’elle affectionne toutparticulièrement en tant que lectrice et cinéphile et qui, en tant qu’auteure, lui permet de s’évadercomplètementetdelaisserlibrecourtàsonexpression.

Enrésulteununiversquelquepeudéjantéqu’ellesouhaitepartageravecseslectrices.

ÀCamille,GwenetMarie,

mafamilledecœur,

petiteparlataille,démesuréeparlapuissancedesesliens.

Ànosdixansetceuxàvenir.

Prologue

Lorsqu’au printemps, je suis tombée par hasard sur le post-it qui m’a servi à écrire mes bonnesrésolutionspourlanouvelleannée,deuxconstatssesontimposés:

D’abord,jenefaispasassezsouventlerangement.

Ensuite,jen’ai,évidemment,rempliaucundesobjectifsquejem’étaisfixés.

Pourtant, j’avaismis toutes les chances demon côté en écrivant très gros sur le plus petit bout depapierquej’avaisputrouver!

Alorsquejem’apprêtaisàfaireunebouleaveclepost-itpourlejeterrageusementdanslapoubelle,j’aieuunerévélation.

Sijen’aipasreprislesport,pasosédire«non»àmamère,pasarrêtédeboiretropensoiréeetpasdécalé mon réveil une demi-heure plus tôt, c’est tout simplement parce que je n’ai pas su cerner lavéritablesourcedemesproblèmes.

Et,commepourmeconforterdansma théorie, ledieudu téléphonea fait sonnermonportableàcetinstantprécis.

Biensûr,ils’agissaitdemonpetitami.

C’étaitsonquatrièmeappelenmoinsdetroisheures.

Ilavaitencoreperdusesclés,voulaits’assurerquej’étaisbienlàoùjeluiavaisditpasserlajournéeouseplaindredesesparentsetdesonpatron.Oupire, toutçaà lafois,enréussissant l’exploitdenejamaisglisserun«ettoi,çava?»danslaconversation.

Çayétait.

Jesavaiscequ’ilmerestaitàfaire.

Désormais,alorsquelesfillesnormales–cellesquiveulentmaigriravantl’été–affichentsurlaportedeleurfrigodesarticlesderégimesmiracles,lemienestplacardéd’unefeuilleA4portantmonécritureaustabilorosefluo.

Onpeutdonclire,enentrantdansmonappartement,lamentionsuivante,barrée:

«ROMPREAVECJEREMY»

Etjusteendessous,enplusgros:

«RESTERCÉLIBATAIRE».

J’aieuunmalfouàmedébarrasserdemonpetitamiquisemblaitpourtanttoutàfaitsedésintéresserdemoi.

Aprèsdeuxmoisdecache-cache,j’aimêmesongéàsimulermamortpourqu’ilmelaissetranquille!

Voilà pourquoi rester célibataire semble plus judicieux que de rompre avec quelqu’un au risque deretombersurpireaprès!

Onestjamaisàl’abri,n’est-cepas?

Àprésent, j’estimeêtreà l’abride toutdéboiresentimental,endépitdes tentatives répétéesdemesamiesetdemamèrepourmecaseràtoutprix.

Elles n’ont aucun mal à retrouver les tasses à café dans ma cuisine, mais semblent curieusementatteintesdecécitésubitedevantmonréfrigérateur.

Entoutcas,ellesn’imaginentpasplusquemoilespéripétiesquinousattendent!

1

Terriensendétresse

Jennifer

MescoudesmeserventàbloquerlevolantdemaMini-Cooperrouge.

Danslamaindroite,jetienslemascara.

Del’autre,lethermosrempliducaféquej’aipréparéetemportédechezmoi.

Jeme suis habituée aux embouteillages,monnaie courante dans le quartier de la ville à cette heurematinale.

Mieux, je comptedésormais sur ces ralentissementspour effectuerquelques rituels telsque finirdeboiremoncaféoumemaquiller,oubienencorelesdeuxàlafois,commeaujourd’hui!

Lesondel’autoradioestmontéaumaximum.

La voix stridente de l’animateur survolté couvre les bruits des klaxons et les insultes que certainsautomobilistesnemanquentpasdes’échangerparvitresouvertesinterposées.

Ilfaitdéjàbeaucematin.

Parexpérience,jesaisqueseulesdestrombesd’eauontlepouvoirdemaintenirlatêtedecesaccros-au-conflit-pas-du-matindansl’habitacledeleurvoiture.

MontéléphonevibresoudaindanslapochedemonPerfecto.

Jeposele thermossurlesiègepassageretcoupelaradio,avantdedécrocherdepuismonkitmainslibres.

J’ai bien entenduparlerd’une loi interdisant cettepratique,mais je suis àpeuprès certaineque semaquiller au volant ou boire un café, voire les deux en même temps, sont des activités tout aussiprohibées.Jenesuisplusàuneinfractionprès.

Etpuis,jesuiscenséefairequoi,aujuste?Metournerlespouces?Autantoptimisersontemps,non?

Detoutefaçon,jeneroulemêmepasvraiment…

—Bonjour’man!

Jen’aipasbesoindeconsulterl’affichagedunuméropourdevinerl’identitédel’interlocuteurauboutdufil.

—Bonjourmachérie !C’est tamère.Commentvas-tu?Tuesdéjàenroute?J’entends lebruitdumoteur.Tuesdéjàréveillée?Tuasdormiseule?Çanes’estpasbienpassétonrencard?

MamèreaundébitdeparolesimpressionnantquipourraitfairepâlirEminemou50Cent!

—Jerêve,oumamèrevientdemedemandersij’aidormitouteseule…

—Oh,faispastatimorée.Moi,jeteracontebienmesaventures!

Ilestvraiqu’ellemedécrittoutessesrencontresavecdesdétailsdontjemepasseraisbien.

Lacoiffeuse,laboulangèreetlacaissièreaussi,trèscertainement…

—Alors?s’impatiente-t-elle.Qu’est-cequ’ils’estpassé?

—Disonsquesionpeutmourird’ennui,alorstafillevientdesefairesauvagementassassinerlanuitdernière.

—OhJen!!!

Mamèreaégalementdestalentsdecomédienne.

—Jepariequetuasencoretoutgâché!Ilestélégant,cultivéetchirurgien!

—Oui,c’estpourçaquej’aigardésacarteaucasoùilm’arriveraitunpépin.

—IlestCHIRURGIEN!insiste-t-elle.

—Etterriblementennuyeux.

—Ilaimelanature,ilaunchienetunemaisonauborddemer…Ilnet’enapasparlé?Jecroyaisqueçateplairait.

Jefaisminederéfléchirenmegrattantlatêtetoutenlâchantunbruyantsoupir.

—Est-cequ’ilm’enaparlé…Attendsquejemesouvienne…Peut-êtrebien…Aprèsl’avoirentendudéblatérertroisquartsd’heuresursonmétier,quin’asoitditenpassantrienàvoiraveccequ’onnousvenddanslessériesaméricaines,j’aireportémonattentionsurlaconversationdelatabled’àcôté.

Jereprendsavecemphase:

—Figure-toique labrunevenait de se faire larguerpar sonmec.Apparemment, il l’a trompée.Laroussetentaitdelaconsoler,maisçasonnaitfaux.Àmonavis,c’estavecellequ’ill’afait!

—OK,j’aicompris,serésignemamèreensoupirantdansl’oreillette.C’estjustequejeveuxpasquetufinissesvieillefille.

—Safuturefiancéevaprendredixansparjourpasséensacompagnie.Jepréfèreencorefinirvieillefillequevieillefemme.

—Jen,tuvoistrèsbiencequejeveuxdire…

Oui,jevoistrèsbien,pourlasimpleetbonneraisonqu’ellemerabâchesansarrêtlemêmediscours.

Enfait,elleestunsavantmélangeentreunecougarradoteuseetunejeunerappeuserebelle.

Uncocktailuniqueensongenre!

—Bon,ilfautquejetelaisse,’man.J’arriveautravail.Jeterappelle.Jet’aime.

—Attendsune…

—Jeraccroche!

Jem’empressed’appuyersurlatoucherougeetremontelevolumedel’autoradio.

Ilfautquejefinissedememaquiller,ilmerestedixbonnesminutesderouteavantd’êtreaubureau.

C’estfaisable!

Underniercoupdemascara,unetouchederougeàlèvres…

**

Àpeineai-jepassélaportedel’agenceimmobilièrequemonassociéem’alpaguedepuislecomptoirdelaréception.

—Salut!T’esdéjàlà?T’avaispasunesoiréetorrideenperspectivehiersoir?

D’ungestedelamain,jeluicoupel’herbesouslepied.

—Jeviensdefaireuncompterenduàmamère.Laprochainefois,vousn’aurezqu’àorganiserunetéléconférencesivousvouleztoutsavoirtouteslesdeux.Jen’aipasl’intentiondemerépéter.

Farahfaitlamoue.

—C’estpaslapeinedefairecettetête!Detoutefaçon,iln’yarienàraconter,jet’assure.Etsitunemecroispas,tun’asqu’àappelermamère.

—J’aimeraisbien,maisj’aiunrendez-vousà20heures.

Unsouriresedessinesurmonvisage.

—Oserais-tuinsinuerquemamèreparlebeaucoup?

—Non,jen’insinuepas.Etelleneparlepasbeaucoup,elleparletrop.

Toutsourire,jepassedel’autrecôtéducomptoiretydéposemonPerfectoainsiquemonsacàmain.

Je prends connaissance demon planning pendant quemon associée lustre la console de l’accueil àl’aided’unchiffon.

—Çadevientvraimentmaladif,luifais-jeremarquer.

Farahhausselesépaules.

—Ettonrendez-vousde20heures,c’estprofessionneloupersonnel?

—Jenesaispasencore,répond-elle,évasive.

—Jevois,jeneteracontepasalorstumedisriennonplus,c’estça?

—Oui,c’estça!feintdeboudermonamie.

—Trèsbien,detoutefaçontunepourraspast’empêcherdetoutmedécriredemainmatin,donc…

Ellesiffleenlevantlesyeuxauciel.

—Bon, jen’aipasdevisitescetaprès-midialorsneprendsaucun rendez-vouspourmoi,OK?Jevoudraisfaireunsautàlamaisonderetraite.

Farahsecouelatête.

—Quoi?

Jeposelesmainssurmeshanches.L’instantd’après,jeréalisequejedoisressembleràmamère…

L’horreur…

Jem’empressealorsdelesplaquerlelongdemajupe.

—Rien.

—T’asfaitunegrimace.

—C’estlapoussière.

—Farah?

—Bon,OK,j’aifaitlagrimace.Jemedisjustequeçan’estpaslàquetuvasrencontrerquelqu’un…

—Oh,Farah!Jet’enprie,jecroiraisentendremamère!

—Eh!Pasbesoind’êtreinsultantenonplus!…Tusais,yadesmoyensplussimplesaujourd’huipourfairedesrencontres…

—Jetejurequesitumeparlesencoredesitesderencontre,jetefaisavalertonchiffon.

J’enseraiscapable!

—Espècedevieillearchaïque.

—Maniaqueobsessionnelleduménage.

Farahsourit,laissantentrevoirdegrandesdentsblanchesquicontrastentjolimentavecsapeaufoncée.

Elledétaillemanouvelletenue.

—Joliejupe.

Enretour,jelorgnesurlarobeàimpriméafricaindemonassociée.

Ellemetparfaitementsesformesgénéreusesenvaleur.

Lemoinsquel’onpuissedire,c’estquesatenuenepassepasinaperçue!

J’aimeraisportercegenredecouleursvives,maisilfautbienadmettrequesurunepeaublanche,çan’estpasdumêmeeffet.

JereportefinalementmonattentionsurleboutdetissuqueFarahtientdanslamain.

—Jolichiffon.

—Vilaine.

—J’avoue.

Jalouse,moi?

Un clin d’œil à ma collègue, je tourne les talons pour entrer dans mon bureau en ressassant sesdernièresparoles.

Jenem’interdispasd’allersurdessitesderencontreparméprisdelamodernité.Bienaucontraire.

S’inscriresuruntelsiterevientàreconnaîtrepubliquementquel’onrecherchequelqu’un.Etdemonpointdevue,unefemmeadmettantqu’elleestenquêted’unmâleaffiched’embléeunecertainefaiblesse.

PostersaphotosurMeetic,c’estaccepterqu’ilnousmanquequelquechoseetautoriserdeshommesàfaireleurmarché.

Trèspeupourmoi!

Je suis bien trop fière pour ça ! Et comme je suis fière,mais un peu lâche, j’invoque pour raisonofficiellequej’aisuffisammentderespectpourlesféministesquiontluttédesdizainesd’annéesdurantpourlesdroitsdeleurscongénères.

**

Àmidi,jereviensàl’agenceaprèsmesvisites.

Aucuncontratn’aétésignécematin,mais j’ai lesentimentquele jeunecoupledetoutà l’heureestprêtàcraquer.Surtoutlafemmeenceinte!

Leshormonespeut-être?

Jen’aiplusqu’àleurmontreruntaudislafoisprochaine,unbougequinetiendrapaslacomparaisonavecl’appartementdecematin,etl’affaireseradanslesac.

J’attendsdevantlecomptoirquemacollègueraccrocheletéléphonepourl’inviter.

—JedéjeuneavecManonetVanessacemidi.Tutejoinsànous?

—Nonmerci,j’aiquelquespetitescoursesàfaire.

—Enprévisiondetonrencarddecesoir?

—Arrête,jenetedirairien.

—Bon.OK.Àtoutàl’heure!

Jetournedestalonsetsorsdubâtimentpourregarderleparking.

JeremontedansmaMini-Cooper,grimpederrièrelevolantetmetslemoteurenmarchesansattendre.

Direction,lepetitrestaurantitalienoùmesamiesetmoiavonsnoshabitudes!

Letraficestplusfluidequecematin.Ilestmidi,c’estassezétonnant.

Jenem’enplaindraipas.

Je trouve une place quelques rues plus loin et me gare en assurant mon créneau. Même avec unvéhiculemodèleréduit,impossibledestationnerplusprès.

Jemerendsdoncàlapizzeriaàpied.

Danscettepartieducentrehistoriquedelaville,lescommercessonttouscolléslesunsauxautres.Laplupartsontdetaillemodeste,maisonytrouveàpeuprèstout.

Ledimanche,j’aimebienflânerdanslecoin,

J’apprécielecharmedésuetdesanciennesmaisonsunpeubiscornues.

Commentfont-ellespourtenirencoredebout?C’estdinguequandmême.

Ici,lesruellessontétroites,sinueuses.

Lesboutiquessemblentprêtesàimploser,lesrayonnagesbondésd’articlesentoutgenre.

Laplushautetourduquartierdemeureleclocherdel’églisequidominefièrementcepetitmonde.

À croire qu’aucun constructeur n’a osé édifier de bâtiment plus élevé par crainte de représaillesdivines.

Carjetrouvequ’ilrègnebienuneatmosphèremystiquedanscequartierhistoriquetrufféd’impasses,d’anciennesbâtissesavecgargouilles,d’ateliersd’artistesoriginaux.

Àlanuittombée,ilmesemblequejepourraisdécouvriràtoutinstantunpassagesecret,yêtretémoindel’animationsoudainedesstatuesourencontrerunevieillesorcière.

Ou,plusvraisemblablement,mamèrequiaimeaussilecoin.

Quoique,c’estdupareilaumême.

J’arrive devant la Casa Peppe, un établissement moderne coincé entre une épicerie et un bistrotrustique.Maisgrâce à ses lignes épurées et la simplicitéde sadécoration, le restaurant contemporainréussitl’exploitdesemêlerplutôtharmonieusementàl’enfiladedescommercesdelarue.

Jerejoinsmesamisdéjàinstallésàunetabledufond.

ManonaemmenéGrégoireàcequidevaitêtreundéjeunerentrefilles.

Pasétonnant.

Vanessatientlachandelleetsonvisageparaîts’illuminerlorsqu’ellemevoitarriver.

J’embrassetoutlemondeavantdem’asseoir,tandisqueManonreprendlaconversationlàoùellel’alaissée,àsavoiraubeaumilieud’unlongmonologuesurlaqualitédescouchespourbébé.

Passionnant...

Manons’esttoujoursrevendiquéecommeétantféministe.Unevraie.Unepureetdure.

Elle ne s’en sert pas uniquement pour faire bonne figure, contrairement à moi. Non, elle y croitvraiment.Auplusprofonddesonêtre.

Maisilyaunhic!

Eneffet,malgréelle,Manonressembledeplusenplusàunstéréotypeambulant,véhiculantlesplusgrosclichésdumondesurlesdifférenceshommes/femmes.

Elleestincapabledefaireuncréneau.

Ellepleurepourunouioupourunnon.Surtoutquandonluiditnon,enfait.

Etpeutteniruneconférencedesixheuressurlescouchesdesonbébé.Sansparlerqu’ellenepeutplusrienfairesanssonGrégoire.

Heureusement, elle n’a pas prévu d’annuler sa participation au prochain raid féminin organisé auMaroc.

Dumoinspasencore.

JesoupçonneGrégoired’incitersafemmeàyrenoncer,faisantvaloirsonstatutdenouvellemaman.

Hum!Tactiquebienrodée.

Manon a pris part à beaucoup de rallyes aux quatre coins du monde où concourent seulement desfemmes.

J’aiprisl’habitudedevoyagerparprocuration.

Beaucoupmoinscheretsalissant!

Etlesrécitsdesaventuresdemonamiememanquent.

Manona l’airde trouver sanouvellevieaumoins toutaussipassionnantequesesbivouacssurdesterresétrangères.

Pourtant,jen’arriveàpartagersonenthousiasmenipourletrajetnipourladestinationdecenouveaupériple.

Lajeunemamanmerépètesouvent:

«T’inquiètepas!Àtoiaussiçat’arrivera!»

Etjesourispoliment,mêmesijemedemandesecrètementcommentcellequiseprétendmonamiepeutmesouhaiteruntelmalheur.

Entoutcas,j’espèrequeManoncontinuerasesaventuresensolitaireafindecontrebalancerleseffetsdévastateursdesonrécentmariageainsiquedesamaternité.

Aufond,toutestunequestiond’équilibre.

Moi aussi, je compense le côté peu charitable dema profession en participant à quelques activitésbénévolesetenpassantdutempsàlamaisonderetraiteoùséjournemongrand-père.

Certainstrouveraientqueçafaitbeaucoupdebonnesactionspourunmétierquin’estpassiimmoral,maisc’estoublierquejedoiségalementexpierlasuperficialitédemamère!

Aprèsl’apéritif,Vanessaahabilementréussiàdétournerlaconversationsursesrelationsamoureuses,opérant un raccourci un peu douteux entre l’allaitement de Manon et l’obsession de son ex pour sapoitrine.

—Attendsc’estquicelui-làdéjà?l’interromptlajeunemamanquiaratélesderniersépisodesdelasérieVanessaetsesamants.

—Celuiquej’airencontrésurInternet.

«RencontrersurInternet».

Jetrouvequel’expressionensoiestridicule.

Onnerencontrepassurlatoile.

C’est,àmonavis,toutleproblème.

Aumieux,onaunediscussionavecuneimagedeprofiltroppetite.

AutantconverseravecunpostergéantdeRyanGosling,non?

—Jepensaisjustementàluicesderniersjours…Jevaispeut-êtrelerappeler…,réfléchitVanessaàvoixhaute.

Elleentortilleunedesesextensionsautourdesonindexavantdefairepapillonnersescils,toutaussifauxquesesrallongescapillaires.

Vanessaestl’exceptionquiconfirmelarègle.

Iln’yaaucunéquilibrechezcettefemme.

Toutdansl’excès,desestalonsvertigineuxàsavoixhautperchéeenpassantparl’expressiondesesémotions.

Çan’estpasparcequ’elleapassélajournéeàfairedushopping,àsefairemanucureretàmaterdesconneriesàlatéléqu’ellevacompenserenlisantledernierbouquinindigested’unphilosophelesoir.

Non,elleiraplutôtenboîtedenuitpoursepavanerdanslarobequ’ellevientd’acheter.

C’estcequilarendattachanteàmesyeux.Ellenes’embarrassepasdespréjugésdesautres.

J’enviecetteliberté,moiquiaiencoredumalàmemoquerdujugementdemamère.

Au fond,Vanessa est justemoins hypocrite que le commun desmortels, assumant au grand jour cequ’elleestréellement.

—Turappellestesex,maintenant?Qu’est-cequit’arrive?

—Jenesaispas…,répond-elle,lesyeuxdanslevague.

Puis,ellesereprendd’uncoup:

—T’asraison!Jedoisfaireuncoupdedéprime!

Elleseressertunverredevinetl’avaled’unseultrait.

—Kévinnem’apasrappelée,avoue-t-ellefinalement.

Manonm’interrogeduregard.

—Letypequiestvenufaireunauditdanssonentreprise,chuchoté-je.

—Maistunel’aspasrencontréilyadeuxjours,cethomme?s’étonneManon.

—Si,etalors?

—Alorstupourraispeut-êtreluilaisserletempsdeterappeler!

—Manon,siunhommenet’apastéléphonélelendemaindel’échangedesnuméros,c’estqu’ilnelefera jamais ! C’est une des plus grandes différences entre les hommes et les femmes. Plus la femmelanguit,pluslesouvenirdelarencontrelahante,etplusellefantasmesurl’homme…Maisl’homme,lui,s’iln’essayepasderevoirlafemmelelendemain,c’estqu’ill’atoutsimplementoubliée!Leshommesontunemémoirevisuelle.Situneveuxpasqu’ilstezappent,tutedébrouillespourêtredansleurchampde vision aumoins deux fois par semaine ! Ou, à défaut, tu t’arranges pour qu’en ouvrant leur pageFacebook,ilsnevoientplusquedesnotificationslesinformantquetuaschangétaphotodeprofilpourlahuitièmefoisentroisjours!

Manonresteperplexe.

—Oui,toiévidemmenttuvoistonGrégoiretoutletemps!Ilnerisquepasdet’oublier!

Jedonneunlégercoupdecoudeàmonamie.

JedevineàlatêtedeManonqu’ellen’estpasd’humeuràentendredescritiquessursoncouple.

Sûrementunehistoired’hormones.

Autantchangerdesujet.

—Alorstudisaisquece…Kévin,c’estça?Net’apasrappelée.Ilteplaisaittantqueça?

Vanessa hausse les épaules en faisant la moue et nous éclatons de rire tandis que le serveur nousapporte les plats. Manon en profite pour orienter la conversation sur l’alimentation de son bébé.Apparemment,ilyabeaucoupdechosesàdiresurlesujet.

J’enrestestupéfaite.

Aprèstout,lapetitesenourritexclusivementdelait!

Qu’est-cequeceseraquandellepasseraauxpetitspots?

Bientôt,Manonnousferaundiscourssurlesbavardagesdesafillequiselimitentpourtantàquelquesgazouillis!

Attention,nevousméprenezpas,j’aimelesbébés!

Jelestrouvemignons,j’aimelesregarder,commetoutlemonde.Maisenentendreparleralorsqu’ilsnesontmêmepaslà,c’estuneautrehistoire.C’estunpeucommeécouterlescommentairessurunfilmsanspouvoirlevisionner.

Inutile,frustrant,chiantaupossible.

Vanessa,désormaiscélèbrepoursestransitionsdélicates,reprendlesrênesdelaconversation.

—Vousavezentenduparlerdecerestau’oùonmangesurlecorpsnud’unefemme?

Grégoiremanquedes’étoufferavecunmorceaudepizza.

—Passûrquecesoitauxnormeshygiéniques.

— Ouais, en plus, pour l’instant, ils ne le font qu’avec des femmes nues. C’n’est pas sexiste ça,Manon?

—Si, totalement!Maispourlecoupjemedemandesi lesfemmesnesepasserontpastrèsbiendepouvoirmangersurunhommenu.

Grégoire termine sa pizza en un temps record. Ce qui prouve, selon Vanessa, que la conversationl’ennuiefermement.Maissafemmenousassurequ’ilavaitseulementtrèsfaim.N’empêchequ’ilquittelasalleunetroisièmefoispourallerfumer.

Vanessaprofitedesonabsencepournousabreuverdedétailscroustillantssursadernièreconquête.Quin’estdoncpasKévinpuisqu’ilnel’ajamaisrappelée,niFabienqu’ellealarguélasemainedernière,ducoup,elledoitêtreentraindeparlerde…Etpuiszut!Vousn’avezqu’àsuivre!

—Ilvoulaitquejeluiparlependantqu’onfaisaitl’amour.Commesijen’avaisqueçaàfaire!J’étaisen train de me concentrer sur la projection de représentations érotiques dans ma tête pour tenter deprendre du plaisir.Oui, avec lui, j’étais obligée !EtMonsieur ne pouvait s’empêcher de jacter. Il nedisaitmêmepasdestrucsexcitants.Entoutcas,çanel’étaitpaspourmoi.Tusaisquoi,Jen?Jecroisquec’estàcemoment-làquej’aicompriscequedevaientressentirlesamantsdetamère!

—S’il teplaîtVanessa,évitedem’infligercegenred’imagesconcernantmamère.Surtoutquandjen’aipasfinidemanger.

Justelefaitd’ypenser,je…Non!Horsdequestiondepolluermonespritdepenséessordides!

—Pardon,s’excuse-t-elleentredeuxgloussements.

Grégoirerevientàlatableetnousessayonsdetrouverunsujetdeconversationpluscorrect.

Tout lemondesaitbienque le jeunehommen’estpas ledernierpour lesplaisanteriesgraveleuses,maisillefaitentrecopains.

C’estunesortederègletacitequis’estinstauréedansnotregrouped’amis.

Lesgarçonslaissentlesfillesracontertoutcequ’ellesveulentàleurscopinesetréciproquement,maislorsquenous sommesdansune soiréemixte,nouscensurons tousnospropos.Cequi rend souvent cessoiréesunpeuplus…silencieuses,carlesexeestd’habitudenotreprincipalethématique.

—Bon,etalors,quandest-cequ’ont’inscritsurMeetic?

Parexemple, sinousavionsétéseulemententre filles, j’aurais sansaucundoutepuéviterd’avoiràrépondreàdesquestionssurmoncélibatenparlantdeculavecmescopines.

Dommage!

—Jamais.

—Adopteunmec.com?

— Non plus. Et arrêtes tout de suite sinon c’est toi qui vas devoir aller t’inscrire surAdopteuneamie.com!

Vanessalèvelesmainsenl’airensignedecapitulation.Maisjesaisquecen’estquepartieremise,jusqu’ànotreprochainesortiemixte.

—Jenem’expliquepasquetusois toujourscélibataire,après tout, leshommesdéséquilibrés,c’estpasçaquimanque,plaisanteVanessa.

Parcequejesuissortiecesdernierstempsavecunhommeincapabledeseremettredesondivorce,unautreàpeineguériducancerquiavaitdumalàcomprendrepourquoiilétaitencoreenvieetunderniercarrémentsociopathe,jemetraîneuneréputationd’aimantàdésaxés.

Jetentedemedéfendre.

—Vousêtesinjuste.Jérémyétaitnormal.

—Ilt’aharceléependantdeuxmoisaprèsvotrerupture.Tutrouvesçanormal,toi?objecteManon.

—Ons’enfout,c’étaitaprès.Avantilétaitnormal.Cequiprouvequejenesuispasirrémédiablementattiréepardeshommesàproblèmes.

—Ou bien que tu as un don tellement développé que tu reconnais ces types avant même que lessymptômes de leur mal-être n’apparaissent ! Mon psy te dirait que ton attirance envers les victimesdissimuleunsentimentdeculpabilitéquetucherchesàtoutprixàracheter.

Vanessafait-elleréférenceàladisparitiondemonpère?

Ilestvraiquejem’enveuxdenepasavoirétéplusprésenteàsonchevetalorsquesesjoursétaientcomptés,maisjenevoispasbienlerapportavecmesrelationsamoureuses.

C’estdemafautesileshommescélibatairesdecettevilleonttousunsérieuxproblème?

C’estbienpourçaqu’ilsnesontpasencorecasés,non?

—C’estmoiquisorsavecdesdéséquilibrésmentauxetc’esttoiquivasvoirunpsy?

—C’est très à la mode. Tout le monde se doit d’avoir un psy de nos jours. En plus, le mien estvraimentcraquant!

—Etsitouslesgensquivontbienconsultentdesspécialistes,lesautresilsfontquoi?

—Ehbien,ilssortentavecdescinglés!

— Très drôle, maugréé-je entre mes dents. Aumoins avec eux, on ne s’endort pas.Mamère m’aobligéeàdîneravecunchirurgienhiersoir…

—Quoi?!Ett’attendaisquoipournousenparler?

—Leproblème,c’estqu’iln’yastrictementrienàdire!Cetype,c’estl’ennuiincarné.Etilnes’enrendmêmepascompte.Jevousassure,mêmelepoissondansmonassietteaessayédes’enfuirpendantnotredîner!Leclind’œilduserveurdurestaurant,qui,lui,amanifestementcomprisquejem’ennuyaisferme,aétélemomentlepluspalpitantdelasoirée.

Lesfillessemblentcompatiravecmoi,maisGrégoireal’airdes’enfoutreroyalement.

Est-cequeleshommesneconnaissentpascegenred’entrevuesratéesterriblementbarbantes?

Écoutent-ilsseulementcequelafemmeleurditousont-ilssioccupésàfantasmersurlasuitepossibledesévénementsqu’ilsenoublientdevivrel’instantprésent?

Ducoup,c’estsûr,ilsnerisquentpasdes’ennuyer,pourpeuquelafilleaitmisunjolidécolletéouunejupefendue…

Celaécarterait-iltoutdangerd’endormissementpendantunrencardsijen’acceptaisplusquedesortiravecdesmecstorsesnus?

Jemeconvaincstrèsvitedel’infaillibilitédemathéorie.

Malheureusement,ellerestedifficileàmettreenpratique…Àmoinsd’habiterMiami,bienentendu…

D’ailleurs,ilsnesemblentpastrops’embêteràMiami…Preuvequemathéorieestimparable!

Yaplusqu’àdéménager!

—Ouhouh!T’esdanslalune?

—Non,ausoleil!Pardon.Non,pasdecafépourmoi,jevousremercie,réponds-jeauserveurquiadûmeposerdeuxfoislaquestion.

—Bon,ilvafalloirqu’onrentrepourlibérerlesgrands-parents,ilsnesontplushabituésàs’occuperd’unbébé.Mieuxvautlesremettredanslebainendouceur!déclareManon.

Grégoireacquiescesilencieusement.

—Ehbien,moi,fautquej’ailleàlamaisonderetraite.

— Oh, que vos vies sont palpitantes ! nous nargue Vanessa avant que le serveur nous apportel’addition.

2

Rencontreenflamméeàlamaisonderetraite

Jennifer

—Maman,jepassevoirpapyàlamaisonderetraite,tuveuxmerejoindre?

Jetentelecoup,plusparhabitudequ’autrechose.

—Ohnonmachérie,tusaistrèsbienquecegenred’établissementsmedéprime.Etpuis,j’airendez-vousavecAlaintoutàl’heure.

Mamère a en horreur les hôpitaux, lesmaisons de retraite et les cimetières. C’est-à-dire, tous lesendroitsoùsetrouventlesmembresdesafamille,exceptésafilleunique.

Unecoïncidence,sansdoute?

Enmême temps, il estdifficilede fairecroirequ’uneagence immobilièreouunbel appartementencentre-villepuisseluidonnerlecafard.

— Tu l’embrasses pour moi, hein ? Tu ne travailles pas cet après-midi ? C’est Farah qui tientl’agence?Commentva-t-elle?Çafaitlongtempsquejenel’aipasvue!

—Euh…Oui.Non.Oui.Bien.Ah.

—Est-cequetuesentraindetemoquerdetamère?

—Jamaisdelavie.Jel’embrasseraipourtoi.Pensejusteàluipasserunpetitcoupdefil,çaluiferaplaisir.Amuse-toibien!

Jeraccrocheletéléphoneavecledésagréablesentimentdematernermapropremère.

Ilm’arrivequoi?

JevaisfinircommeManonsijenefaispasgaffe.

Juré,lorsdesonprochaindépartauMaroc,jemeglissedanssesvalises!

Jerepasseàmonappartementpourenfilerune tenueplus légère,enadéquationavec le tempsprévupourl’après-midi.

EnBretagne,etparticulièrementàcettesaison,lamétéoesttrèsvariabled’unmomentàl’autredelajournée.

J’optepourunepetiterobefluideetprintanière.Enplus,ceseraplusconfortablequemajupecrayonensimilicuir.

Jedétacheaussimescheveuxbouclésetremetsunpeuderougeàlèvres.

C’estunehabitudehéritéedemamère:toujoursêtreimpeccable,mêmepourallersortirlespoubelles.

Bon,lamétaphoren’estpastrèsflatteusepourmongrand-père.

Pardon,papy.

Maisd’unautrecôté,levieilhommeseficheraaumoinsautantdemonapparencequelevide-ordures.

Jesuisenfinprêtepourreprendrelaroute.

**

LamaisonderetraitedepapyLéonsesitueenpériphériedelaville.

Àcetteheure-ci,heureusement,lacirculationsurlarocadeestfluide.Alorsilnemefautquetrèspeudetempspourarriveràdestination.

Jemegaresurleparking,désertcommeàl’accoutumée.

L’établissement est une grande bâtisse ancienne qui rappelle un peu un manoir. Mais il a étéentièrementrénovéàl’intérieuretlafaçadevientd’êtreravalée.

Ilestencadréparunvasteparcombragégrâceauximmenseschênesquileparsèment;devieuxarbresbienplusâgésencorequelespensionnairesdelamaisonderetraite.

MamèredépenseunepetitefortunepouryfairehébergerLéon.

Maissedébarrasserdesonvieuxpère,çan’apasdeprix,n’est-cepas?

J’entredansl’établissement.

Le hall d’accueil évoque celui d’un petit hôtel raffiné. Un tapis trace le chemin vers le comptoirderrièrelequellaréceptionnistealatêteplongéedansunmagazine.

Quelquesfauteuilsconfortablessontdisposéslelongd’unmurtapissédevantdepetitestablesbassesornéesdebouquetsdefleurs.Maislesplacessonttoutesinoccupées.

Unlustreencristalestsuspenduauplafond.

Quipenseraitqu’ils’agitd’unendroitoùentasserlesvieuxpournepasavoiràs’enoccuper?

Changerlescouches,fairelatoilette,donneràmangeràlacuillère,etc.Jecroisquec’esttoutcequirebutelesgens.

J’avancedirectementverslacaged’ascenseur.

L’hôtessed’accueillèveàpeinelenezversmoi.

Onentredanscettemaisonderetraitecommedansunmoulin.Enmêmetemps,sij’encroislepeudevisiteursquejecroiseàchacunedemesvenues,mêmeunejournée«portesouvertes»n’ameuteraitpasgrandmonde.

J’appuie sur le bouton de l’ascenseur, qui s’ouvre immédiatement comme s’il avait attendu toute lajournéequ’onveuillebienl’actionner.

J’entredanslacabineetpresselatouchecorrespondantautroisièmeétage.

Les portes s’apprêtent à se refermer lorsqu’un homme s’y faufile in extremis, empêchant leverrouillageautomatiquedelacloisonavecsamain.

Il s’est déjà retourné face à la porte de l’ascenseur et, dans sa précipitation, ne semble pas avoirremarquémaprésence.Ilmetourneàprésentledos.

Jecroisd’abordàunehallucination.

C’estça,jesuisentrainderêver,oubienjemesuistrompéed’établissement.

Depuisquandilsemploientdesstrip-teaseursdanslamaisonderetraite?

C’estpeut-êtrepourrendreunesecondejeunesseauxpensionnairesenmanquedetestostéronejeune?

Sic’estlecas,j’acceptedem’installericimaintenant!

L’hommeenquestionneporte,pouruniquevêtement,qu’unboxernoir.Ilalescheveuxébouriffésetlorsquej’aipuentrevoirbrièvementsonvisage,jemesuisrenducomptequ’ilbâillait.

C’estça,cetypeal’airdesortirdesonlitaprèsavoirprisunegrossecuitehiersoir.

Etdepuisquandilsorganisentdesbeuveriesici?

Décidément,onenapprendtouslesjours…

L’ascenseurcommenceàmonter.

Lejeunehomme,parcequ’ilestjeune,àpeineplusâgéquemoi,semetàsiffloterdistraitement.

Jenepeuxfaireautrementquededétaillersondos.

Avantça,jen’avaisjamaisréaliséquecettepartieducorpsd’unhommepouvaitêtreaussisexy!

Ilalesépaulescarrées,unepeauparfaitementlisse.Unemusculaturepuissante,uneligneparfaitementdessinée qui part du haut de son dos pour descendre jusqu’à la naissance de ses fesses. Des fessesfermes,rebondies,mouléesdanssonboxer…

Merde!Qu’est-cequ’ilm’arrive?Est-cequejesuisentraindematerlepostérieurd’uninconnu?

Jetentedereportermonattentionailleurs,maisàmadécharge,lescentresd’intérêtsefontassezraresdansunascenseur.Ducoup,monregardcouleànouveauversleversodujeunehomme.

Jelereluquemaintenantostensiblement.

C’estpasdemafautes’iln’yariend’autreàfairedansunascenseur!

Etpuis,ill’aunpeucherchéaussi,non?Quiauraitdansl’idéedesebaladerencaleçonsansimaginerunesecondedevenirlecentred’attention?

Soudain,jemesurprendsàimaginermesdoigtscaressercedosdenageur…

Ilfaitchaudd’uncoup!

Tout à coup, une alarme stridente retentit tandis que la cabine s’immobilise brutalement, medéséquilibrant.

Jelaisseéchapperunpetitcri.

Oups…

Lejeunehommetournelatêteversmoi.

Ilsembleseulementprendreconsciencedemaprésencedansl’ascenseur.

Ilmeregardeunmoment.

Unlongmoment.

Untrèslongmoment!

Dumoins, çameparaît suffisamment longpour que jememette à éprouver unepetite gênequi faitchaufferunpeuplusmesjoues.

—Lefeu,dit-ilfinalement.

Lefeu…

Oui,c’estvraiquejecommenceàavoirtrèschaud…

—L’alarmeincendie,précise-t-il.

Oh!Lefeu!Danslamaisonderetraite!

—Ah!

C’esttoutcequej’airéussiàdire.

Pastrèsglorieux,c’estvrai.

Lejeunehommemedévisagetoujours.

Sonrecton’arienàenvieràsonverso.Jen’avaispaseuletempsderemarquersesbeauxyeuxbleusfoncés,tirantverslemarine,intensesetpétillantscommes’ilseretenaitpournepaspleurer.

—Ça va ? me demande-t-il d’une voix un peu rauque, digne d’un chanteur de rock ou bien d’unlendemaindefête.

Vusacoiffureetsestraitsfatigués,j’opteraisplutôtpourladeuxièmepossibilité,mêmesilesdeuxnesontpasincompatiblesnonplus.

—Oui,oui,çava.Etvous?

Jelorgneavecunœilpleindesous-entendussursatenuelégère.

Aprèstout,c’estluiquiestencaleçondanslacaged’ascenseurd’unemaisonderetraite!

—Ah,ça!répond-ilenbaissantlesyeuxverssoncorpsàmoitiénu.

Ilsembleseulementdécouvrirsonaccoutrement.

Ildoitavoirunesacréegueuledeboispouravoiroubliédes’habiller!

—Ce n’est rien.C’est…une longue histoire…Désolé, je ne pensais pas qu’il y aurait quelqu’un.D’habitude,c’estplutôtvidedanslecoin!

Sansblague!

Iln’apasl’airembarrasséunseulinstant,commesicettesituationluiarrivaittouslesjours.

Jemerappellemapremièreimpression:unstrip-teaseur?

Ilsembleenavoirtouslestalents…

Monregardadérivéverssesabdossculptés…

C’estpasvrai!C’estpasfranchementlemomentdeserincerl’œil!Ilaparléd’unincendie,non?

Jemeraclelagorge.

—Vousdisiezqu’ilyavaitunincendie?

—Bah,en toutcas,cebruitaffreuxquevousentendezc’est l’alarmeincendie.Maisçadoitarriversouvent,nevousenfaitespas.C’estsûrementundespensionnairesqu’aessayédefumerendouce.

Jelevoistenterderedémarrerl’ascenseurenmitraillantdudoigtlatouched’ouverturedelaporte,envain.

—Ilestenpanne?

Jem’enveuximmédiatementd’êtreaussigourde.

Évidemmentqu’ilestenpanne,çanesevoitpas?

Etl’alarmeincendie,j’aicruquec’étaitdelamusique,peut-être?

Pourquoijeposedesquestionsaussiévidentes?

Jecommenceàressembleràmamère!

Pendant ce temps-là, le beaumec a pris les choses enmain en contactant le dépanneur à l’aide duboutond’urgence.

Biensûr,illeurfautunmomentavantderépondre.Puis,unevoixhachéepardesgrésillementssefaireentendre.

—Pasdepaniquesurtout!Nevousaffolezpas,nousallonsfairevenirquelqu’undanslesplusbrefsdélais!

Danslesplusbrefsdélais...

Uneexpressionque j’utilise régulièrementpour fairepatientermesclientsquiattendent indéfinimentuneréponsepositivedelacommissionpourleurdemandedelocation.

Autantdirequ’iln’estpasprèsd’arriver.

D’un coup, un silence pesant s’installe entre nous deux, deux étrangers qui ont compris, au mêmeinstant,qu’ilsrisquaientdepasserunmomentensemble,enfermésdansunecaged’àpeinedeuxmètrescarrés.

Jesorsmontéléphoneportable,maisévidemmentiln’yapasderéseau.

**

Nousnoustoisonssansenavoirl’air,chacunadosséàuneparoidelacabine.

Àl’extérieur,l’alarmestridentes’estarrêtée,nouslaissantdesbourdonnementsdanslesoreilles.

Nousavonsprissoind’installerinconsciemmentunmaximumd’espaceentrenous,maisdanscelieuconfiné,jepeuxentendrelamoindrerespirationdel’inconnuenboxer.

C’est à la fois rassurant de ne pas être toute seule enfermée ici,mais enmême temps terriblementgênant.

Commesinousavionsfranchilalignejaunedecourtoisiedanslesfilesd’attentedelaPosteoudelabanque,faittombertouteslesbarrièresdecivilitéhabituellementrespectéesparchaqueindividu.

Sans compter que l’inconnu en question est en sous-vêtements !Ce qui n’arrive pas tous les jours,surtoutàlaPosteouàlabanque!

Jen’enrevienstoujourspas.

Lebeaumecestlepremieràromprelaglace.

—Jem’appelleAxel.

—Jennifer,réussis-jeàarticuler.

—Enchanté,Jennifer.

Pasautantquemoi.

Lebeaumecaunsourire…ensorceleur!

—Vousvenezsouventici,Jennifer?

—Presquetouslesvendredisenfait.Etvous?

—Moiaussi.

Jem’étonne.

—Jenemesouvienspasvousavoirdéjàcroisé,pourtant.

Sûrquejem’enrappellerais.Mêmesi,habituellement,ilportedeshabits.

Unvisagecommelesien,çanes’oubliepas!

—C’est une décision que j’ai prise très très récemment, affirme-t-il avec aplomb tandis que sonsourires’étireunpeuplus.

Saisissantl’allusion,jenepeuxretenirunpetitgloussement.

Sans sedépartir de sonaudace,Axel, toujours adossé à laparoide la cabine, lesbras croisés,medétailledespiedsàlatête,s’arrêtanteffrontémentsurmondécolletéainsiquesurmeslonguesjambes.

Jesenschaquepartiedemoncorpsseréchaufferàmesurequesesyeuxpassentsurelles,commesil’intensitédesonregardavaitlafacultéd’entrerdirectementencontactavecmapeau.Commesisesirispouvaientlacaresser.

Desyeuxensorceleurs…

Normalement,j’auraisdûm’offusquerdececomportementdéplacé.

Manonl’auraittrèscertainementgiflé.

Maisjen’yarrivepas.Enfait,jesuispresqueflattée.

Pourquoijeneluienveuxpas?

Peut-êtreparcequejenemesuispasgênéepourlereluquermoiaussi,unpeuavant.

Etpuis,lefaitd’êtrehabilléealorsqu’ilestenpetitetenuemeconfèreuncertainavantagesurlui.

Labalancedespouvoirsentrenousdeuxestenquelquesorteéquilibrée.Nemesentantpasensituationdefaiblesse,jemelaisseobserver.

Soudain,dumouvementsefaitentendrederrièrelaportedel’ascenseur.

Est-cequ’onviendraitdéjànousdélivrer?

J’enseraispresquedéçue!

Jetendsl’oreille.

Axel a lui aussi détourné son regard demoi pour le reporter sur la porte. Il la scrute intensémentcommes’ilpouvaitvoiràtraversl’épaisseurchromée.Maisilestvraiquesesyeuxontl’airmagiques…

Desvoixmasculinesdonnentdesordres:

«Évacueztoutlemonde»

«Installez-lesdansleparc…Vérifiezbienquepersonnenemanqueàl’appel…»

—Ilssontentraind’évacuerl’établissement,constateAxeld’untoncalme.

Jecommenceàpaniquer tandisque lebeaumecs’approche sereinementde laporteet cognesur lacloisonaussifortqu’illepeutpoursefaireentendre.

Jesursautedevantsadémonstrationdeforce.

Del’autrecôtédelaporte,unevoixd’homme,sûrementunpompier,dumoinsjel’espère,demandeenfrappantàsontour:

—Yaquelqu’unlà-dedans?!

—Oui,noussommesdeuxpersonnescoincéesici,répondAxel,labouchecolléecontrelaparoi.

Jenepeuxqu’admirersonsang-froid.

Sij’avaisététouteseule,nuldoutequejemeseraismiseàhurlercommeunehystérique.Sijen’étaispasdéjàtombéedanslespommes,bienentendu.

—OK,onvavoussortirdelà.Nevousinquiétezpas.Nousn’avonsconstatéqu’unpetitdépartdefeuautroisième.Nousévacuonsparmesuredeprécaution,commeleveutlerèglement.

—Trèsbien.Quedoit-onfaire?demandeAxel.

—Rien.Patientezetrestezcalmes,onvatrouverunesolutionpourouvrircetteporte.

—Undépanneurestnormalementenroute,luiprécise«beaumec».

—Parfait.Onpourraitavoirbesoindesesoutils.

Jemedétendsunpeualorsqu’Axelrevientsepositionnerenfacedemoi.

—Ilfautpatienter.

—Ondiraitbien.

Soudain,uneodeurâcremeprendàlagorgeetmepiquelesyeux.

Jelèvelatête.

Delafumée?!

C’estbeletbiendelafuméequipénètreparlagrilleau-dessusdenous!

Axel tousseavantdeserapprocherànouveaude laporte.Cette fois, ilestobligédecrierplusfortpour se faire entendre, à cause de l’agitationmanifeste dans le couloir. Sa voix se brise un peu, sousl’effetdelafumée.

—Delafuméeentredansl’ascenseur…Est-cequequelqu’unm’entend?

—OK,restezcalmessurtout.Colmatezl’ouvertureavecuntissu,unvêtement,n’importequoi,OK?Etsi vraiment ça n’est plus respirable, couvrez-vous aussi la bouche, d’accord ? Ça va aller ? urge unhommedel’autrecôté.

Axelacquiesce.

Puis,ilseretourneversmoi,recommenceàlorgnersurmescourbes.

Unedernièrevolontéavantdemourirpeut-être?

Uneminute…

Non,c’estmarobequ’ilregarde!

OhmonDieu!

Jeviensseulementdecomprendrecequecelaimplique.

Unboutdetissupourboucherl’ouverture.

Marobe!

Çanepeut-êtrequemarobe,Axelneportantpasdevêtement.

Hormissonboxerquiseraitbientroppetitpourcomblerletrou…

Jerefused’abord,catégorique:

—Mêmepasenrêve!Jepréfèreencoremourirasphyxiée!

Axelmedétaille,toujoursamusé.

Moi,çanemefaitabsolumentpasrire!

J’aimaintenantpresque lesyeuxqui pleurent à causedunuagegris qui sematérialise au-dessusdenous.

—Merde ! C’est pas possible ! Il fallait que ça tombe sur moi ! Retournez-vous ! me résigné-jefinalement.

Axelobtempèreetjemedéshabillealors,regrettantd’avoirmisunerobe.Sij’avaismisunhautetunbas,j’auraispuchoisirentredévoilermonsoutien-gorgeoumaculotte,maislà…

Toutenmedévêtant,jemefélicited’avoirmisdessous-vêtementscoordonnéscematin.Unensemblecorail composéd’un tangaetd’unhautpush-up.Pasde stringnidevieilleculotte« je-suis-en-retard-dans-mes-lessives».

L’honneurestsauf!

Une fois la robe enlevée et dansmamain, jeme hisse sur la pointe des pieds pour essayer de lacoincerdansl’évacuation,maismêmeavecmestalonsetmeslonguesjambes,jesuistroppetitepouryaccéder.

—Jepeuxvousaider?demandeAxel,narquois.

Ilnes’estpasretourné.

Commenta-t-ilfaitpoursavoircequejetentaisdefaire?

Enfaisantvolte-face, jeconstatequ’ila lesyeuxcollésaurefletdemoncorps,sur laprojectiondemesseins,seulementdissimulésparde ladentelle,pourêtreprécis, laportechroméefaisantofficedemiroirparfait.

Merde !Est-ce que tout à l’heure aussi, il avait pume voirmater ses fesses dans le reflet de lacloison?!

Mesjouess’empourprentpeuàpeu.

Jenesaisplusoùmemettre!Lahonte…

Jetentedereprendremesesprits.

Ilyaplusurgentpourlemoment.Commeboucherl’évacuation!

—OK,aupointoùonenest,jecroisquevouspouvezvousretourner!

Ilnesefaitpasprier.

Ilavanceversmoidoucementtoutenplantantsesyeuxdanslesmiens,aveccetairsurlevisagequiveutdire:maintenant,jeconnaistoutdevous!

Troublée,jereculed’unpas.

Ils’approcheunpeuplus.

Cependant,impossiblepourmoidereculerdavantage,mondosestcolléàlaparoidufond.

Iltendlamaindansmadirection,àquelquescentimètresdemoncorps.Lesbattementsdemoncœurs’accélèrentlorsquesamaintouchelamiennepuisjedéglutisbruyamment,sentantlachaleurdesapeauavantdemedérobermarobe.

Larobe!Ilvoulait larobe.Qu’est-cequejem’étais imaginée?Qu’ilmevoulaitmoipeut-être?Qu’ilallaittenterquelquechose?Maisquelleidiote!

Axelentreprendd’obstruerlagrille,coinçantlevêtementdechaquecôté.

Jem’assiedsensoufflantpéniblement.Jecommenceàenavoirmarred’êtredebout!Deplus,çaauraaussileméritedecachermesfesses!

Unedesrarespartiesdemonanatomiequejeneluiaipasencoredévoilée.

Bon,etc’étaitquoidéjà,ledeuxièmetrucàfaire?

Ahoui!Couvrirsaboucheavecuntissu!Bahlà,jenevoispascomment!Àmoinsbiensûrd’enfouirmonvisagedanslecaleçond’Axel…

Malgrémoi,mesyeuxdériventversl’objetdemespensées.

Pasmaldutout…

Puis, je relève un peu la tête et croise le regardmalicieux d’Axel. J’ai l’impression dem’être faitgriller.Dévêtue, assisedevantcegrandhomme, jemesens toutàcoupplusvulnérable, alorsqu’ilnes’estpasdépartidesonassurance.Labalancedespouvoirsvientclairementdebasculerensa faveur.

Finalement,Axels’assiedluiaussi.

Quelsoulagement!

Ilmeparaissaitbientropimpressionnantvud’enbas.Aumoinsmaintenant,mesyeuxsontàhauteurdessiensetnonplusdesescuisses!

Ouf!

Jenesavaisplustropoùregarder.

Uneanalyselasituations’impose.Jesuiscoincéedansunascenseurenpanneavecuninconnu,nousnousretrouvonstouslesdeuxensous-vêtements,marobeestcoincéedanslagrille.

Çamériteraitunephoto!

—Vousêtesentraindepenseràquoi,Jennifer?

Hein?Quoi?

Jenepeuxquandmêmepasluiavouerquejeprojetaisdeleprendreenphotoàmoitiénu!

Vite,ilfautquejetrouveuntruc!

Jemeraclelagorge,incapablededissimulermagêne,maisavecunpeudechance,ilcroiraquecesontlesémanationsdefuméequimefontceteffet-là.

Comptersurmachanceencemoment…

Jesuispeut-êtreunpetitpeuoptimiste,là!

—Jemedemandaissic’étaitdéjàarrivéqu’onoubliedeuxindividuslorsd’unpland’évacuation,dis-jefinalement.

—Waouh!C’estpastrèsgaitoutça!

—J’imaginaislesgrostitresdesjournaux,çapourraitêtredrôle.

—Danslegenre?

—Unejeunefemmemeurtasphyxiéedansl’incendiecarl’hommeavaitoubliédes’habiller!

Ilsourit.

Çaluivadécidémenttrèsbien!

Soudain, une violente secousse, accompagnée d’un avertissement sonore, nous fait sursauter.L’ascenseurs’estremisenmarche.Nousnousrelevonsaussitôtdansunmouvementsynchronisé.

—Jecroisquevousn’aurezpasledroitàvotrearticledanslejournal.

—Oui.Euh…Est-cequevouspourriezmerepassermarobemaintenant?Jenetienspasàêtredanscettetenuelorsquelesportesvonts’ouvrir…

J’aiàpeineletempsdefinirmaphraseque,JUSTEMENT,cefichuascenseurquinevoulaitpasnouslaissersortirquandilyavaitlefeuau-dessusdenousestentraindes’ouvriralorsquejeneportequ’unsoutien-gorgeetuneculotte.

Àcroirequecetappareilm’enveutdel’avoirtirédesonlongsommeiltoutàl’heure!

—Hum,hum,faitlepompierdepuislecouloirennousvoyant.

Jem’empressederemettremarobequ’Axeladécrochéedelagrille.

Ellesentlebarbecue!Génial!

—Vousallezbien?demandel’hommeenuniformeaprèsquejemesoisrhabilléeetaieenfinoséluiadresseruntimideregard.

Non,jenevaispasbien,abruti!

Deuxtypesquejeneconnaispasviennentdemevoirdéshabilléeenmoinsdedeuxheures!C’estunexploitquemêmeVanessan’auraitpaspuréaliser!

Enplus,jepuelamerguezgrillée!

Maiscommejenepeuxpasluidiretoutçaetquejemesenstoutàfaithumiliée,jemecontented’un«oui,çava»endétournantlesyeux.

LesecouristeenveloppeAxeld’unecouverturedesurvieavantdenousentraînerversl’escalierpourrejoindrel’extérieur.

Il n’a pas l’air de s’étonner de voir le jeune homme en caleçon et pieds nus. Sans doute a-t-il

l’habituded’assisteràtoutessortesdecomportementsextravagantsdansl’exercicedesesfonctions.

Nousdescendons rapidement lesmarches avantdegagner l’arrièredubâtiment, dans leparc.C’estalorsquejerepèreLéon,assissurunechaiseaupiedd’unchêne.Lespensionnairesdel’établissementontétéinstallésdanslahâtesurlapelouseetlepersonnelsoignants’activeautourd’eux.

Unhommearriveen facedenous,haletant. Ilporteuneboîteàoutilsàboutdebras. Il interroge lepompier.

Désolémonvieux,lestrip-teaseestterminé!

Alors que le réparateur repart, visiblement agacé d’avoir dû faire le déplacement pour rien, lesecouristetientabsolumentànousentraîner,moietAxel,verssoncamionpourvérifiernosconstantes.

Cequ’ilyadeconstantchezmoi,c’estdetoujoursmeretrouverdanslespiressituationsquisoient!

—Jevaiscommencerparvotrefiancée,sivousvoulezbien,annonce-t-ilàAxelenmefaisantmonteràl’arrièreduvéhicule.

—Euh…,non…,çan’estpasvraimentmapetiteamie,lereprend-il.

—Ah bon ? Excusez-moi. Comme vous étiez àmoitié nus tous les deux dans l’ascenseur, j’ai cruque…

Biensûr !Commesi j’avaisvoulumeretrouverdanscettesituation!C’est toutà faitmongenredefaireça!

Excédée,j’intervienspendantquelepompierresserreletensiomètreautourdemonbras.

—Jenesuispas«pasvraiment»sapetiteamie,jenelesuispasdutout!Etjen’étaispasàmoitiénue!J’étaisensous-vêtementsparcequej’aidûenlevermarobepoursuivrevosconseils!Parcequelui,ilétaitàmoitiénu!

—Bien,essayezdevouscalmer,sinonjenepourraipasprendrevotretension,meditlepompierquiadumalàpositionnerl’appareilàcausedemesgesticulations.

«Essayezdevouscalmer»,ilenadebonnes,lui!

—Jesuiscalme,jeveuxjustequ’onemploiedestermesprécis,sicen’estpastropdemander!

—Nevousinquiétezpas,vousn’êtespaslespremiers,voussavez!Vousseriezétonnéedunombrede

couplesquifontl’amourdansl’ascenseuretquilemettentenpanneàforced’essayerdelebloquer.

Quoi?!

J’écarquilledegrandsyeux,sidérée.

C’estuneblague?!

Est-cequ’ilaécoutéunmotdecequejeviensdeluidire?Jerefusedepasserpourcegenredefille!

Jechercheduregardlesoutiendemoncompagnondegalère,maisconstateaussitôtqu’iladumalàcontenirsonhilarité.

Ilmasquesaboucheavecsamain,maissesyeuxbrillantsetletressautementdesesépaulesnelaissentaucundoute.Çalefaitrire!

Lesecouristecontinuedecompressermonbrasavecsoninstrumentdetorture.

—Normalement,ondoitfaireunsignalementàlagendarmerie,maintenant.Carc’estpunissabled’uneamende,poursuit-ild’unaircomplice.Maisnevousinquiétezpas,jenelefaisjamais.

Manqueraitplusqueça!

—Etvousnepourriezpasl’envoyerjusteàcemonsieur,votreamende?demandé-je,sarcastique,endésignantAxeldumenton.

Lepompieral’airunpeuperdu,commes’ilsedemandaitsurquellebandedefousilesttombé.

Ils’abstientdecommentairesetm’auscultemaintenant.

Jemecrispesouslasensationfroidedustéthoscopedansmondosqu’ilaintroduitsousmarobe.

—OK,toutestnormal.Vouspouvezyaller.

JeneperdspasdetempsetdescendsducamionenlaissantlaplaceàAxel.

Jem’éloigneunpeupendantquelepompierfaitsoncontrôle.Mêmesi lebeaumecn’apasl’airdugenrepudique.

Quelquesinstantsplustard,Axelmerejointalorsquejetentederedonnerfièreallureàmarobe.

C’estfoutu.

Nousnousdévisageonsunlongmoment,nesachantplusquoidire.

Il faut dire qu’il n’existe pas de phrases toutes faites pour deux inconnus qui se sont rencontrés enpetitetenuedansunascenseurenpanne!

—Bon,ehbienjesuiscontentdevousavoirrencontrée…,euh…

—Jennifer.

—Oui,Jennifer.Mêmesij’auraispréféréqueçasoitdansd’autrescirconstances.

—Vousparlezdel’incendieoudevotreabsencedepantalon?ironisé-je.

—Un peu des deux,même si ça avait des bons côtés, ajoute-t-ilmalicieux en s’attardant surmescourbes.

—Bon,ilvafalloirquej’ailleretrouvermongrand-père.

—Trèsbien.

—Etvous,vousêtesseul?

—Oui,jesuisseul,dit-ilavecuntonpleindesous-entendus.

—Oh,non ! Jevoulais juste savoirquivousêtesvenuvisiter. Jenemeseraispaspermisdevousdemandersivousêtescélibataire.

—Moi,j’ose.L’êtes-vous?reprend-ilenplantantsesyeuxbleusdanslesmiens,avecuneprestancedéconcertante.

Surtoutpourunmecenboxeravecunecouverturedesurviesurlesépaules!

Commentpeut-onavoirdel’alluredanscetaccoutrement?C’estdingue…

—…Oui.

—Etvousoseriezm’inviteràboireunverre?

Quoi?Qu’est-cequejepourraisrépondreàunequestionpareille?

Sijedisnon,jepassepourunetimorée,maissijedisouialorsc’estcommesiJEl’invitais.

Jedoisbienreconnaîtrequelatactiqueestmaline.Demanderàunefilledesortiravecluienluifaisantcroirequec’estsoninitiative.

Maisc’estaussifranchementlâche.

Jechoisisdebotterentouche,histoiredemelaisserletempsdelaréflexion.

—Ilyauneminute,vousn’arriviezmêmeplusàvoussouvenirdemonprénom!

—C’estvrai.Parcontre,jemesouviensquevousportezdejolissous-vêtements.

Waouh!

CemecauraitsansdoutepuconcourirpourlepiregoujatdelaTerre,etpourunconcoursdeboxermouillé,sitoutefoisçaexiste!Etpourquoiçan’existeraitpas?

Avant de me lancer dans l’écriture d’une lettre à tous les campings de France pour réparer cetteinjustice, je décide de le rembarrer.Mais, allez savoir pourquoi, je n’arrive pas à lui en vouloir. Ildégageuneassuranceetunesincéritéquej’aipeuobservéesjusqu’àprésentauprèsdelagentmasculine.

—C’estcenséêtreuncompliment?

—Biensûr…Alors?

Alors?!?!

Ilaajoutéçasuruntonespièglequimerappellele«whatelse»célèbredeGeorgesClooneydanslapublicitépourlecafé!

Alors?Ehbien,ilestcharmant,unbrinmachoetungrandséducteur!Maisçaasoncharme.Etpuisaumoins, il n’a rien à voir avec les hommesmal dans leur peau que j’ai pu rencontrer jusqu’ici. C’estindéniable,ilfautavoirunecertaineconfianceensoipoursebaladerencaleçondansunlieupublic!

Lavisiondel’expressiondemonamieFarahapprenantquej’airencontréquelqu’undansunemaisonderetraiteachèvedemeconvaincre.

C’estainsi,grâceàmesrelationspasséesfoireusesetauharcèlementconstantdemesamiesàproposdemoncélibat,qu’Axelobtientfinalementmonnumérodeportable.Maisàenjugerparsamineréjouie,ilestsûrementpersuadéqu’ilneledoitqu’àsoncharisme.

**

Une fois mon numéro de portable enregistré, Axel a brusquement changé de comportement. Il m’asembléqu’ilétaitsoudainpressédesedébarrasserdemoi.

Oubienavait-ilhâted’allers’habiller?

D’ailleurs, il ne m’a toujours pas raconté ce qui lui était arrivé. Il faudra que je le lui demande,vendredisoir.Eneffet,nousavonsconvenud’unrendez-vousdansunrestaurantducentre-ville.

Lerestedel’après-midi,toutendiscutantavecmongrand-père,j’aiguettédiscrètementlesenvirons,espérantvoirréapparaîtreAxelavantqu’ilnequittel’établissement.Maisjenel’aijamaisrevu.

Oùest-ilpassé?

Mystère.

S’ilétaitrepartienvoiture,jel’auraisnormalementvupasserdevantmoi.

S’ilétaitencoredanslesparages,j’auraisdûl’apercevoirdanslesalondestinéauxrencontres.Orjene l’ai repéré nulle part. Je le connais à peine et voilà que jeme fais déjà des films. Parfois, jememettraisbiendesgiflesmoi-même!

AprèsavoirpriscongédeLéon,jeremontedansmaMini-Cooper,biendécidéeàpenseràautrechose.

Maisàpeinesuis-jesortieduparkingqueleregardperçantd’Axelrevientmetroublercommeparuneffetàretardement.

3

L’hommeaucarnetrouge

Axel

Depuisunefenêtredutroisièmeétage,j’observelaMini-Cooperquitterleparkingsablé,soulevantsursonpassageunnuagedepoussière.

Jesuismaintenanthabilléd’uncostumesombre,moderneetélégantquirenforce,paraît-il,encoremaprestance.

Unevoixfaible,derrièremoi,interromptmacontemplation.

—Elleestjolie,hein?Dugenrequ’onn’apasenvied’oublier,n’est-cepas?

J’acquiesce,mesyeuxbleuscontemplatifstoujoursrivésencontrebas,surlaplacedésormaisdéserte.

Levieuxmonsieurposeunemaintremblantesurmonépaule.

—Netebilepas,va.Elleétaittropbienpourtoidetoutefaçon,marmonne-t-ildansmondos.

—Jelaconnais?demandé-jeenréussissantenfinàdétachermonregarddelafenêtre.

—Elles’appelleJennifer,c’estlapetitefilledeLéon.Jet’aivuluiparlertoutàl’heure.

Songeur,jereporteunenouvellefoismonattentionsurlavuequ’offrelavitredevantmoi.

Levieuxmonsieurplisselesyeux.

—Tusaisquijesuis?demande-t-il.

—Jetereconnais,maisj’aioubliétonprénom.

—Roger.Jesuistonvoisindechambre.

—Ahoui,c’estvrai.Etc’estlaquelledéjàlamienne?

—La304.Jetel’aifaitécriredanstoncarnetrouge.C’estquet’asfoutuunesacréetrouilleàYolandequandt’asdébarquédanssachambrel’autresoir!Situveuxmonavis,unhommequiestencorecapable

d’avoiruneérectionnaturellementn’arienàfairedansunemaisonderepos!Unemaisonderepos,toutestdanslenom,situvoiscequejeveuxdire!Mais,bon,moicequej’endis…Yparaîtqu’ilsn’onttoujourspastrouvéd’autreendroitoùtemettre.Fautdirequet’esunsacrécas,mongarçon!

Rogerpousseunprofondsoupiret s’envad’unpas traînantdans lecouloir,me laissant seulàmesrêveries.

—Tul’aurasoubliéedanspeudetempsdetoutefaçon,va,ronchonne-t-iltoutencontinuantàmarchercommes’ilseparlaitàlui-même.

—Vieuxjaloux,répliqué-je,impassible,toujourspostédevantlafenêtre.

Soudain, commemû par une brusque urgence, je rattrape, puismanque de bousculer Roger qui esttoujoursdanslecouloir.

Levieilhommes’arrêteetsecouelatête.

Jel’ignoreetmeprécipitejusqu’àmachambre.Lemobilierestspartiate,maisconfortable.

Ungrand lituneplaceoùsontdisposésplusieurscoussinsetun jetéde lit envelours.Une tabledechevet,unegrandearmoiredumêmestylevictorien.

Jesuissurprisparlaforteodeurboiséequiyrègne.

J’aiencoredûm’aspergerdeparfumplusieursfoiscematin,oubliantquejel’avaisdéjàfait.

Jetrouveuncrayondansmatabledechevet,retiremonpetitcarnetrougedelapocheintérieuredemavesteetentreprendsdedessinersurunepagevierge.

Jedoisavoirl’airentranse.

Jegriffonnevite,depeurd’oubliersesjolistraits.

**

Jennifer

Vendredisoirestarrivévite.Maintenantjenesuisplusdutoutsûred’avoirenvied’alleràcedîner.L’euphorieet l’adrénalinequem’avaitprocuréesmarencontrepour lemoins insoliteaveccetAxelsesontdissipées,melaissantavecpourseulsentiment,letrac.

Qu’est-cequejevaisbienpouvoirdireàcethommequejeneconnaispas?

Etd’abord,commentsuis-jecenséem’habiller?

Deboutdevantmapsyché,jem’interrogeencoresurmatenueàquarante-cinqminutesdemonrencard.

J’hésiteenpositionnantunepetiterobebleueélectriquesurmoncorpssansl’enfiler.Jegrimaceàlavuedemonrefletdanslemiroir.

Est-cequecen’estpasunpeutropdéshabillé?

Enmêmetemps,jenepourraisqu’êtrepluscouvertequeladernièrefoisqu’ons’estvus.

Etluiaussi!

Jepose,àplatsurmonlit,larobequej’aidanslamain,àcôtéd’uneautre,rougeunpeupluslongue.

Incapabledemedécider,jememetsàchantonnerenpointantlestenuesdemonindex.

Ce–se–ra–toi–que–je–pren–drai–au–bout–de–trois.Un.Deux.Trois!

Mondoigttombesurlarobebleueélectrique.Finalement,j’enfilelarouge.

Bahoui,ilm’avueenpetitetenueladernièrefois,ilfautbienrééquilibrerunpeu,non?

Etpuis,jenevaisquandmêmepasmefairecommanderparunindex!

Aprèsm’êtrerecoifféeetavoirretouchémonmaquillage,j’enfiledesescarpinsnoirsàtalonshauts.

Jemedirigeensuiteverslaported’entrée,emportantmapochetteainsiquemesclésaupassage.

J’aicinqminutesd’avance.

J’enauraisdoncdixderetardaurestaurant.

Parfait!

**

Jepousselaportedel’établissement.

Lapremièrechosequimetapeàl’œil,c’estquejesuisassortieauxbanquettesdurestaurant.

Etauxbougies.

Etauxserviettes.

Etauxverres.

Enfait,toutestquasimentrougeautourdemoi.

Lasecondechosequejeconstate,c’estqu’Axeln’estpasencorearrivé.Àmoinsqu’ilnesoitpartiauxtoilettes.

—BonjourMademoiselle,vousdésirezunetable?Unepersonne?

Leserveurporteuncostumetrois-piècesetunecravate.Rouge,évidemment.

—Euh…Non.Deux,j’attendsquelqu’un.

Il me conduit à une petite table ronde au fond de la salle, éclairée par une bougie et ornée d’unsoliflorecontenantunerose.Rouge.

Ilapportedespetitsapéritifspourmefairepatienter.

C’estquandj’aifinideviderlacoupelledecacahuètesquejemerendscomptequ’Axelaunedemi-heurederetard.

En fait, àpartir de trenteminutes, çan’estplusdu retard, c’estde l’absentéisme !C’est cequeme

rabâchaittoutletempsledirecteurdansmesannéeslycée.

Ilfautbienquejemerendeàl’évidence:ilm’aposéunlapin.

Àmoinsqu’ilnesoitétenduinconscientdanslestoilettes.Maisj’aivuplusieurspersonnesyentreretenressortir,etaucunen’avaitl’aird’avoirenjambéuncadavre.

Autrementdit,ilm’avraimentplantée!

Malgré tous les signes, j’ai encoredumal àm’y faire.C’est lapremière foisqu’onme fait un trucpareil!

Àquoibonm’inviter,sicen’estpournepasvenir?Jeneluiavaisriendemandé.

N’aurait-ilpaspusecontenterdenepasmedonnerrendez-vous?

Sanstropycroire,jerécupèremontéléphonedansmapochette,enquêted’uneéventuelleexplication.

Lechiffre0àcôtédusymboledel’enveloppeetducombinéindiquequejen’aireçuaucunmessageniappel.Jevérifiequandmêmemaboîtederéceptionainsiquemonjournaldecommunications,paracquitdeconscience.Rien.

Merde!

Jemesenstoutàcoupbienseuledanslerestaurantbondé.

Àcôtédemoi,siprèsquejepourraissubtiliserunefriteàmonvoisinsansqu’ils’enaperçoive,unjeune couple se contemple en se tenant lesmains depuis plusieursminutes, si bien que leurs assiettesdoiventmaintenantêtrefroides.

Jebalayelerestedestablesduregard.

Toutlemondeestaccompagnéetenpleineconversation.

Pourmedonnerunecontenance,jereplongelenezdansmontéléphoneetenvoieunmessageàVanessa.

*Çava?

*Ouiettoi?Pourquoitum’envoiesuntexto?Tun’espascenséeêtreenpleinrencard?

*Iln’estpasvenu.

*Quoi?Non!!!???

*Si!!!

*Merde!

*Ouais.

*T’esoù?

*Surunebanquetterouge.Parfaitementfonduedansledécor.

*????Viensnousrejoindre.OnestauPodium.

*Non.Pasenvie.

*Si,t’enasenvie!

*Commenttupeuxsavoircedontj’aienvie?

*Detoutefaçontut’espréparée!T’asmisquoi,hein?Uneheureetdemie?Deuxheurespourtepréparer?Tunepeuxpasdéjàrentrercheztoi!

Enfait,ilm’afallupresquetroisheuressijecompteletempspasséàjoueràtrou-troupourchoisirmatenueetceluiàremettretoutdansmapenderie.

*T’asenfilétonjogging,t’esvenuejusqu’àlasalledesport,tunepeuxplusreculer,tudoiscourir!

*C’estdetonpsy?

*Non,demonprofàlasalledegym.Fautquejeteleprésente!Miam!Ont’attend!

Jerangemontéléphonedansmapochette.

Aprèstout,àquoibonprendreracineici?Autantquejerejoignemesamies.

Deplus,ilestpresqueimpossiblederefuseruneinvitationdelapartdeVanessa!

Enfait,c’estmêmeplutôtuneconvocation.

C’estbienpourçaquejel’aicontactée,non?Parcequejesavaisqu’elleseuleseraitcapabledememotiver.

Alorsquejemelèvepourquitterlerestaurant,leserveurmebonditpresquedessus.Jeluibaragouinequelquesmots,prétextantuneurgence.

—Qu’est-cequejedoisdireàl’autreconvives’ilseprésente?demande-t-ilgentiment.

D’allersefairevoir!

— Que je portais une superbe robe rouge et que je suis partie, main dans la main, avec AdamLevine{1}!répliqué-jeentournantlestalons.

**

JeparsàpiedpourrejoindrelePodium.Jemesuispersuadéequeçameferaitleplusgrandbiendeprendrel’air.Maintenantquejesenslesampoulespointerdansmeschaussuresàtalonshautsaprèsavoirtraversélamoitiédelaville,jenesuisplusaussisûrequec’étaitunebonneidée.Maisladouleuraleméritedesurpassermonsentimentd’humiliation.

Etpuis,ilfaitsombre,lesruessontvides,j’ail’airpauméeetjemesensidiote!

J’arriveenfindevantlebar.Larueestbondée.Lesgensfument,discutent,ont l’airdes’amusertoutsimplement.

À peine ai-je poussé la porte que je suis happée par l’atmosphèremoite des lieux, résultant de lachaleur corporelle des clients, trop nombreux pour l’espace de l’établissement, et des puissantsprojecteursdisposésunpeupartout.

Lamusiqueélectro,tropforte,metapesurlesystème.

Jecherchemesamiesduregard,parmilesvisagesquelesstroboscopesrepeignentenunemultitudedecouleursvives,allantdurougeauvertenpassantparleviolet.

Après une rapide inspection, je repère enfin Vanessa et Farah, installées à une table collée à ladevanturedubar,commedesmannequinsdansunevitrine.

Jem’approche,enluttantcontreladouleurdesampoules.Ellesmehèlentdubrasavantquejenelesembrassepourlessalueretprendsplacesurlederniersiègelibre.

Mes yeux louchent sur les trois verres de cocktails posés sur la table. Deux sont bien entamés. Jem’emparedutroisièmeendemandantl’autorisationduregard.

—Vas-y,onl’acommandépourtoi.Onsedisaitquet’enauraisbesoin,acquiesceFarah.

Jenemefaispasprier.

Lecocktailaunecouleurroseartificielle.Jeleboisàl’aidedelapaillefluorescente.

Laboissonestunpeutropsucréeàmongoût,maisjedescendslamoitiéduverreavantdelereposer.

Vanessa et Farah m’observent sans faire de commentaires, semblant essayer de sonder mon étatd’esprit.

Çamefaitsourire.

Jeterminemonverreenmoinsdedeuxminutes.

La têteme tournedéjà. Jeme rappelle alorsque jen’ai avaléquequelques cacahuètes enguisededîneretqueleurgoûtsalédonnesoif!

—Alors,tucomptesnousraconter,outuvasterminernosverresaussi?plaisanteFarah.

Pourquoiveut-elletoujoursquejeluiraconteprécisémentquandiln’yarienàdire?

—OK.J’aichoisicetterobe.Jemesuismaquillée.J’aimisdestalonsquimetorturentlespieds.Jesuisalléeaurestau’.J’airegardélesautresenmangeantdescacahuètesetjesuispartie.Findel’histoire.

Farahlèvelesyeuxauciel.

—Maiscommenttutesens?intervientVanessa.Çava?T’espastropdéçue?

—Non,lescacahuètesétaientbonnes.

Cettefois,c’estVanessaquisoupireeninclinantlatêtesurlecôté.

—Jenesaispas…,non…Jeleconnaissaismêmepas.Commentjepourraisêtredéçue?C’estjustequejenecomprendspastrèsbien…

—Tul’asappelé?

—Çanevapas,non?TuveuxqueManonmetueouquoi?

—Ilapeut-êtreeuunvraiempêchement.

—Etc’estàmoidel’appeler?

—Peut-êtrequ’iln’apasputetéléphoner…

—Oui,peut-êtrequ’ilaeuungraveaccidentdevoiturepuisqu’ilaétécapturépardesextra-terrestreset qu’enfin on lui a volé son portable. Dans ce cas, ce type est le plus poissard que je n’ai jamaisrencontré!Jenevaispasl’appeler!

Jedétourneleregardpourbiensignifierqueladiscussionestclose.

Soudain,jelevois.

Lasurprisemeparalysemomentanément.

Quefait-ilici?!

—Quoi?demandeFarahquiaremarquéquequelquechosenevapas.

—Apparemmentlesextra-terrestresl’ontlibéré,murmuré-jesanspouvoirdétacherlesyeuxdupointquejefixe.

Mesamiesseretournentpourchercherduregardcequiaccaparemonattention.

Ellesdécouvrentungrandhomme,sveltemaiscarré,vêtud’unevestedecostumequiaccentueencoresastature,d’un tee-shirtblancàcolVetd’unpantalonélégant. Ilporteunemontreclinquante. Iladejolisyeuxclairsdontladouceurcontrasteavecsestraitsanguleux.

—Mignon,déclareVanessa.

Farahluidonneunlégercoupdecoudedanslescôtes.

—Quoi?C’estvraiqu’ilestcanon!Ilestdéjàtrèscon, ilnepeutpasavoirtouslesdéfautsdelaterre!Ilfautbienluiaccordercettequalité.

Jenebronchepas,toujourssouslechoc.Peut-êtrequ’aufonddemoi, jem’étaisimaginéqu’ilavaitvraimentuneraisonvalablepournepasêtrevenu.

Quelleidiote!

Axeln’arienremarquédesréactionsquesonentréedans lebaraprovoquées. Ilsediriged’unpasassuréverslecomptoirets’assiedsuruntabourethaut,toujoursdansmonchampdevision.

Lacolèrecommenceàprendreledessussurlasurprise.Commentai-jepuêtreséduite,mêmeunpetitpeu,parcethomme?

Ilfautdirequelescirconstancesétaientparticulières…Oui,c’estça!Ilm’aeueparsurprise.

C’estdelatriche!

—Çafaittropclichésijeluijettemonverreàlafigure?

—Quelverre,machérie?Tuasdéjàtoutbu!

UnpointpourFarah.

—Tupeuxaussiluirenverserlesiensurlatête,ajouteVanessa.

DeuxpointspourVanessa.

Lebarmanluisertunebière.

Interloquée, j’ai du mal à détacher les yeux de lui, comme si je cherchais dans son attitude uneexplicationàsoncomportementenversmoi.

C’estalorsqu’Axeltourne,parhasard,latêtedansmadirection,leslèvresplongéesdanslamoussedesonverre.

Nosregardssecroisent.

Jeresteinterdite.

Axel m’observe un instant, intensément, puis me décoche son sourire en coin ravageur avant dereportersonattentiondevantlui.

J’ycroispas!

Aucunegênedanssonregard,pasmêmedesurpriseoudeculpabilité.Rien!

Enfait,ilm’aregardéecommeilm’avaitscrutéelapremièrefois,desesyeuxperçants,sansciller.

Jedétournemoiaussilatête.

—Non,maisvousavezvuça? Il faitcommesi riennes’étaitpassé !Commesic’étaitnatureldeposerunlapinàunefilleetnormaldelaretrouverparmégardedanslebaroùilafinalementdécidédesortir!

—Aumoins,ilnesedéfilepas.Ilauraitputebaratiner,maisnon.

—T’esdequelcôté,toi?Etdepuisquandtudéfendsleshommes,d’abord?

—Depuisqu’ilsontd’aussijolisyeux…Aïe!

FarahvientderedonneruncoupdecoudedanslescôtesdeVanessa.Unpeuplusfort,cettefois.

Alorsqu’ellessontentraindesechamaillergentiment,laserveuseapporteunautreverreàtableetledéposejustedevantmoi.

—Euh…non,cen’estpasmoiquiaicommandéça.

—C’estdelapartdujeunehommeassisaubarlà-bas.

JesuisledoigtdelaserveusequipointeAxel.Cederniermefaitunpetitsignedetêteenlevantsabièredansmadirection.

Jedétournerapidementlesyeux.

Àquoiiljoue,bonsang?!

FarahetVanessapouffentderire,évidemment.

—Jenevoisvraimentpascequ’ilyadedrôle!

—C’estquandmêmedingue!Il teplante,ensuiteil t’offreunverre!C’estoriginal!Àmoi,onmel’avaitjamaisfaitcecoup-là!

—Jecroisqu’iltientvraimentàsefairerenverseruncocktailsurlatête,bougonné-je.Franchement,iljoueaveclefeu.Celui-ci,jel’aipaspayé,j’auraiencoremoinsdescrupules!

Jetouillemaboissonsanslagoûter.Jeneluiferaipasceplaisir.

—Tudevraisallerlevoir!lanceVanessatoutexcitéeetgesticulantsursonsiège.

—Çanevapas,non?Jen’airienàluidire!Cemecestunmalade!

—Ilsebaladaitenboxerdansunemaisonderetraite,çaauraitdû temettre lapuceà l’oreille,merappelleFarah.

JedétesteFarahquandellearaison.

—Ilfaitquoidanslavie?questionneVanessa,songeuse.

—Aucuneidée.Poseurdelapinprofessionnel,çaexiste?

—Tuneluiaspasdemandé?

—Non,lapremièrefoisqu’ons’estrencontrés,onétaittropoccupésàsedéshabilleretànepaspérirdansunincendie!

—Ilestsuperclasse!s’exclame-t-elleenledétaillantducoindel’œil.Ilfaittrèshommed’affaires,voustrouvezpas?

Jehausselesépaules.

—Oh,ilt’aencoreregardée!Allez,valevoir!trépigne-t-elle.

—Calme-toi,ondiraituneadoenchaleur,luifaitremarquerFarah.

—Mais quoi ? Allez ! S’il t’a offert un verre, c’est sûrement qu’il regrette. C’est une façon des’excuser.Tudevraisallerlevoirettedéhancherdanstaroberougepourlenarguerunpeuplus!C’estpeut-êtreàcausedetatenuequ’ilachangéd’avis.

—Etjedevraisêtreflattée,là?

—Oui!Ilauraitput’ignorertoutsimplement.Ils’enveut,c’estdéjàbien,non?

Si je pousse plus loin le raisonnement de Vanessa, cela voudrait dire que je suis plus séduisantemaintenantquejesuisenrobequequandilm’arencontréeensous-vêtements.

Passûrquecesoituncompliment…

Jesoupire.

Quejeleveuilleounon,jevaisdevoirpasserdevantlui.Mafichuevessieestentraindemelaissertomber!

—Bon,jevaisauxtoilettes.Farah,essayedefaireensortequ’elleneluisautepasdessusavantmonretour,OK?

—Attends,oubliepascequejet’aidit!Remuebienlepopotin!

Jelèvelesyeuxaucieletmemetsdebout.

Jejaugeladistanceàparcourirjusqu’auxtoilettes.

Ellesmeparaissentbienloin,àcroirequelepropriétairedubarafaitagrandirl’établissementdepuisladernièrefoisquejesuisvenue.

Salaud!

Lorsquejem’approcheducomptoiroùestaccoudéAxel,j’essayed’accélérerunpeulepas,maismarobe mi-longue et moulante maintient mes genoux serrés l’un contre l’autre. Je dois ressembler à unmanchotdéambulantsurlabanquise.

Commentpeut-onremuerlesfessesdanscesconditions?!

Il faudra que je pense à demander des cours àVanessa. En plus, depuis que j’étais assise, j’avaisoubliéàquelpointj’avaismalauxpieds.

Enarrivantàsonniveau,jefaistoutmonpossiblepournepasregarderdanssadirectiontoutenayantl’airleplusnatureldumonde.Saufquemadémarchenedoitpasressembleràuneattitudetrèsnormale,àmoinsdevivrechezlesmanchots.

Jeretiensmarespirationlorsquejepassejustedanssondos…Cedosquej’aicontempléavecaudacequelquesjoursplustôt…

Alorsquecesouvenirmedistrait,lavoixd’Axelmeramèneàlaréalité.Ilm’interpelleavantmêmedeseretourner.

—Vousn’aimezpaslaboissonquejevousaicommandée?

Ilmeregardemaintenant.

Waouh!

Deprèssesyeuxsontencoreplushypnotiquesetsonsourireencoin,onnepeutplusdéstabilisant.J’aienviedesourireaussialorsquejevoulaisl’étranglerilyadeuxsecondes.J’oublieinstantanémenttoutes

lesinsultesquejem’étaispréparéementalementàluidébitersijamaisilavaitleculotdem’adresserlaparole.

—Jem’appelleAxel,dit-il.

Àmesurequeseslèvress’étirent,unepetitefossettesedessineaucoindesabouche.

Jelaisseéchapperungloussementnerveux.

—Alorsonfaitcommesivousnem’aviezpasplantéeilyadeuxheuresaurestau’,c’estça?Vousêtesduràsuivre!

Ilnerépondrien.

Ilm’asembléremarquerunelueurde…déceptionoudetristessedanssonregard,maisjemedemandesijenel’aipasimaginéeparcequ’iladéjàreprissonairimperturbable.

—J’aifiniparvousretrouver.C’estleprincipal,non?

J’arqueunsourcil.

Est-cequ’ilessayedemefairecroirequ’ilaécumétouslesbarsdelavilleenespérant tombersurmoi?!

Ilauraitpeut-êtrepucommencerparchercherlàoùilm’avaitdonnérendez-vous!

—Pourquoi vous ne viendriez pas vous asseoir à côté demoi,maintenant, pour que nous fassionsconnaissance?Ceseraitplusspontané,non?

Ah,Monsieurveutdelaspontanéité!

Jeregardelecomptoir,maistouslesverressontmalheureusementvides.

Unegifle?C’est spontané,non?Oui,maissûrementunpeu trop« jeme faisais toutunmondedenotrerencardetjesuiscomplètementanéantie».

—Jesaisdéjàtoutcequej’aibesoindesavoiràvotresujet!

—Jenecroispas,non.

Merde!Commentpeut-onêtreaussiimbudesapersonne?

—Etmoi,j’aiencorebeaucoupdechosesàapprendresurvous,ajoute-t-il.

—C’estvrai!Premièreleçon:jenesupportepasqu’onmelaisseenplanalorsqu’onavaitrendez-vous. Jevousconseilledebien la retenir celle-ci, parceque je croisbienpouvoir affirmer, sans tropm’avancer,qu’elleestvalablepourbeaucoupdefemmes!

Jetournelestalons,plutôtfièredemarépartieainsiquedemonpetiteffet.J’airéussiàluiclouerlebecaumoinsquelquessecondes,mais tentedemerattraperenm’agrippantpar lepoignet.Soncontactm’électrise.Unesensationétranges’emparedemoi.Maraisonquimesuggèredem’éloignerleplusloinpossiblede cethommedangereuxentre en conflit avecune réactionchimiquequipoussemoncorps àallerverslui.

Monorgueill’emporte.

Sous le coup de l’émotion, je me dégage violemment. Le beau mec, surpris, manque de perdrel’équilibresursonhaut tabouretetuncarnet rouge,quidevaitêtreposésursesgenoux, tombeà terre,ouvert.

Jem’enveuximmédiatementdem’êtremontréetropbrusque.Surtoutparcequejenevoulaispasavoirl’airsiimpliquée.J’auraissouhaitédonnerl’impressiond’êtreaumoinsaussiindifférenteàcethommequ’ilsemblel’êtreàmapersonne.

Jemebaissepourramasserlecalepin.Axelenfaitdemêmeetnosmainssetouchentaccidentellementaumomentoùnousessayonstouslesdeuxdenousemparerdel’objet.Maisc’estautrechosequiattire,enpremier,monattention.

Jenesauraisdiresijemesuisreconnuetoutdesuiteoubiensic’estlaqualitédudessinquiafocalisémonintérêt.Entoutcas,jen’arriveplusàdétachermonregarddel’image.

C’estmoi.Dessinée sur cettepage, ennoir et blanc.Aucundoute.Lesdétails sont saisissants.Mesyeuxparaissentsiréelsetsibrillants.Etmescheveuxsemblentenmouvement.

Surprise et intriguée, je n’ai pas pensé à retirer ma main qui est toujours sous celle d’Axel. Jecommenceseulementàsentirsachaleursurmapeauetlasensationestentraindesepropagerdanstoutmoncorps.

Alors que la coutume aurait voulu que l’autre retire immédiatement sa main en s’excusant, je suissurprise qu’Axel, loin d’écarter ses doigts, ait resserré son emprise sur ma main, intensifiant mesémotions.

Sous le contact de ses doigts qui m’enveloppent, je me mets à frissonner. Cet instant d’intimitéimprobableentrelesdeuxinconnusquenoussommesencorel’unpourl’autrenemeparaîtpassiétrange.Etc’estjustementcequirendlasituationbizarre.Sansparlerdecedessinquimereprésentetraitpourtrait!Enfait,c’estplusqueça,jenemesuisjamaisvueaussibelle.

Monsourire,mestraitsfins,mesgrandsyeux…

C’estuneimagevaloriséedemapersonnequej’aisouslenez.

Jecommenceàrougir.Sanstropsavoirsicesontnosmainsquisetouchentouleportraitsibeauqu’ilafaitdemoiquimeprocurentcettesensation.Sûrementunpeudesdeux.L’obscuritéambiantecontribueànotrerapprochement.Maisquelquessecondesplustard,jereviensàlaréalité.

Iln’apasretirésamain,maismoinonplus!

Queva-t-ilpenserdemoi?

Jemedétache,unpeuhonteuse.J’osecoulerunregardversluietpourlapremièrefois,sonexpressionténébreuseadisparu.Ilal’airgênéluiaussi.Aumoinsautantquemoi.

Est-iltroubléparnotrecontact?

Ouconfusquej’aiepuvoirsondessin?

Nousnousredressonsensemblesansnous lâcherdesyeuxpuis ilseracle lagorgeenrefermantsoncarnet.Jenesaisplusquoidire.Tropdesentimentscontradictoiressemêlentdansmatête.

—Excusez-moi.Jenevoulaispasvousfaireperdrel’équilibre,finis-jeparbalbutier.

—Pasdeproblème.

Jeregardelecalepindanslamaind’Axel,espérantqu’ilvaaborderlesujet.Maisjecomprendsàsonvisagedenouveauferméqu’iln’enferarien.

—Bien,dit-ilenserasseyantsursontabouret.Jecroisqu’ilnemerestaitplusqu’àvoussouhaiterunebonnesoirée.

Commentpeut-onêtreaussilunatique?!

Ilyaquelquesinstants,ilmeretenaitparlepoignet,voilàmaintenantqu’ils’empressed’écourtercemoment!

—Oui,bonnesoirée,réponds-je,enrepartantavechâteverslestoilettes.

Mavessiesefoutapparemmenttotalementdemaviesentimentale.

Unefoisdevant le lavabo, jemepassede l’eaufraîchesur levisage.J’aibesoindem’éclaircir lesidées.

Enmeregardantdanslemiroir,jerevoisavecprécisionledessindemoidanslecarnet.

Il a su capter mon expression et la reproduire à l’identique sur le papier. Je ne saurais expliquerpourquoi, mais la vision de ce croquis m’a bouleversée. Ça me touche bien plus que je n’oseraisl’admettre.

Selonmoi,untelportraitnepeutavoirétéfaitqueparunhommedotéd’unecertainesensibilité.C’estunaspectdelapersonnalitéd’Axelquejen’auraisjamaissoupçonné.

Etpourquoim’avoirdessinée,moi?

Lesdétailsdemesyeux,demestraits,laissentàpenserqu’ilm’alonguementobservée.Pourtant,nousnenoussommesrencontrésqu’uneseulefoisjusqu’àaujourd’hui.

Notre premier échange l’a-t-il plusmarqué que ce que j’ai cru ? Le dessin sur son calepin laissesupposerquec’estlecas,mais,alors,pourquoinepasveniraurendez-vousqu’ilm’afixé?

Jeprendsuneprofondeinspiration.

Toutçan’aaucunsens!

Cethommen’aaucunsens!

Siçasetrouve,c’estjusteuntorduquiprendplaisiràjoueraveclesfemmesetàlesdessineravantdelestrucider.Unpsychopathe.

Super!C’esttoutcequimanqueàmontableaudechassededéséquilibrés!

Jesecouelatêtepourterminerderecouvrermesespritsavantdesortirdestoilettes.

J’avanced’unpas assuré, la tête haute, prête à soutenir le regardd’Axel, telleSharonStone jouantaveclesnerfsdeMichaelDouglas.

Biensûr,j’aitoujoursladémarcheinstableàcausedemarobeetdemestalonshautsquimefilentdes

ampoules.Unmanchot,certes,maisavecbeaucoupd’allure!Cependant,enm’approchantducomptoir,jevoismesfantasmesd’échangesintensesetpassionnéss’évanouirsubitement.

Iln’estpluslà.

Axels’estévaporé.

Jeréalisealorsquejen’aijamaistenulerôledeSharonStone,maisbienceluideMichaelDouglas.C’estAxelletueuraupicàglace.Etc’estclairementluiquijoueavecmesnerfs.

Interloquée,jerejoinsmesamiesàleurtable.Unenouvelletournéedecocktailsestarrivée.LesfillesontdûprévoirleravitaillementenvoyantAxeldétaler.Jemelaissechoirsurlachaise.

—Dis,ilneseraitpasunpeulunatique,tonAxel?oseenfinFarahaprèsuneminutedesilence.

—C’estpasmonAxeletilestcarrémentbipolairesituveuxmonavis.

Puisjeportemonverreàmeslèvres.Mesamiescomprennentlemessageetchangentdesujet.

Le reste de la soirée, je n’écoute plus que d’une oreille la conversation des filles, m’obligeant àformulerquelques«hum,hum»àintervallesréguliers,parpurecourtoisie.

C’estplusfortquemoi,mespenséessontaccaparéesparle«casAxel».Etilyadequoifairetouteunedissertation.

4

Surpriiiises!

Jennifer

J’aiflairél’embuscade.

Vanessaquimeproposed’allerboireunverreaprèssonboulot,maisquimedemandedelarejoindrechezelle,c’est louche.Aumieux,elleaen têtedemeséquestrer jusqu’àceque j’acceptedecréeruncomptepersonnelsurMeetic.

Aupire,elleaorganiséuneréuniontupperware,remplaçantlesboîtesenplastiquepardessex-toys.

Peurassurée,jetoqueàlaporte.

Quandmonamievientouvrir, je jetteunregardderrièresondos.L’appartementa l’airvide.Pasderassemblementlibertinenvue.

C’estdéjàça.

—Entre,m’enjointVanessaaprèsm’avoirembrassée.

J’avanceprudemmentdanslapièce,conscientequejepeuxencoremefaireséquestrer.

Monamiehabiteunpetitstudiodansunvieilimmeubledélabré.Malgrélegoûtcertaindelalocataireenmatièrededécorationd’intérieur,demonœild’experte,jenepeuxm’empêcherdeconstaterlavétustédeslieux.

—Commenttupeuxvivreici?Jepourraistedénicherunappartdixfoismieuxqueçapourlemêmeprix!

— Je le trouve très bien,moi. Jem’y suis attachée.De toute façon, je n’y suis pas souvent et j’aiabsolumentpasletempsdedéménager!

Jehausselesépaules,sachantquejen’arriveraipasàlafairechangerd’avis.

C’estenentrantdanslecoinsalonquejedécouvrel’objetdutraquenard.

—Qu’est-cequec’estqueça?

—Ças’appelleunbébé,ironiseVanessa.

—Jevoisbien,marmonné-je,enregardantletransatdanslequelLouisegesticule.Maistupeuxpasmefaireveniricichaquefoisquetudoislagarder!protesté-je.

—Maisj’suispasdouéeaveclesenfants!J’saispascommentonfait,moi!

—Parcequemoij’enaidouze,peut-être?Etpourquoituacceptesdelagarder,alors?

—Bah…,j’aiditàManonqu’elledevraitallersefairefaireunmassageetunsoinduvisageparcequ’elleavaitunesaletête…

J’ouvrelabouche,m’apprêtantàluidemandersielleluiavraimentditçadanscestermesprécisavantdemeraviser.

Évidemmentqu’ellel’afait.C’estVanessa.

—Jepensaispasqu’elleenprofiteraitpourmerefilerlagosse!C’estpaspourçaqu’onainventélafêtedesgrands-mères?

Jehausselessourcilsenm’asseyantsurlecanapédeuxplaces.

—Oui,onleuroffreunbouquetdefleursetungribouillisdupetitunefoisparan,encontrepartieellelegardetoutlerestedel’annéequandonabesoind’elle,non?

—Etlesmarraines,çasertàquoiàtonavis?

—Àcouvrirlagaminequandelleferalemuràl’adolescence.

—Tucrois?

—Évidemment.RegardecelledeCendrillon.C’estbiencequ’ellefait,elleluisertd’alibietl’aidepour se rendre au bal. Pourquoi crois-tu que Manon m’ait choisie pour marraine ? Si elle voulaitquelqu’unpours’occuperdesagamine,ellevousauraitprises,toiouFarah.

«Nem’enveuillezpas,mais…jecroisquejevaisdemanderàVanessad’êtrelamarraine,jemedisqueçapourraitl’aideràprendreunpeuderesponsabilités.»

C’étaitlà,enfait,lesmotsexactsdeManon.Maisjenerelèvepas.

Louisesemetàbrailleretdevient touterouge.Vanessa,assiseàmescôtés,nebougepasetmefixed’unairsuppliant.Jesoutienssonregard,attendantqu’ellefassequelquechose.

—Moi,tantquetun’aspasl’âged’alleraubal,jenepeuxrienfairepourtoi,machérie,déclarelababy-sitterensepenchantversLouise.Etsituveuxquejesoissympaetquejetelaissesortiraucinémaavectonpetitamiàquinzeansouquejeteprêtemonmaquillage,tuasintérêtàêtresage.

Amusée,jelèvelesyeuxauciel.Puis,jememetsdebout,détacheLouiseetlaprendsdansmesbras.

Lebébésecalmeinstantanément.

—Tuvois,t’esfaitepourça!

—N’enrajoutepas,toi.

—Desnouvellesd’Axel?medemande-t-elledebutenblanc.

Pourunpeu,j’enauraisfaittomberlapetite.

—Non,hoqueté-je.Pourquoituveuxquej’enaie?Ladernièrefoisqu’ons’estvus, ilm’aposéunlapin.Puis,quandons’estretrouvésparhasard,ils’estbarrésansdireaurevoir,

Lemessageestclair!

Jemens.Enfait,rienn’estclairdansmatête,etsijen’aieffectivementpaseudenouvellesdelui,iln’empêchequ’ilaaccaparémonespritdepuisnotredernièrerencontreilyatroisjours,bienplusquejeneveuxbienlemontrer.

— Je ne sais pas. Quand je vous ai vus discuter l’autre soir, j’avais l’impression qu’il se passaitquelquechose.

Jefaislamoue.

—Peut-être…Jesaispas…Ilavaitfaitunportraitdemoidanssoncarnet,c’estbizarre,non?

—Quoi?!

Jen’avaispasencoreabordélesujetavecmesamies.

—Oui,effectivement,c’estétrange!Joli,ledessin?

—Digned’unétudiantauxbeaux-arts.Cemecmefaitàmoitiéflipper!

—Oh, Jen !Arrête ! Il a fait un trèsbeauportrait de toi…C’est bien tonvisagequ’il adessiné ?s’inquiète-t-elletoutàcoup.Pasuneautrepartiedetoncorps?

Jeris,provoquantlesgazouillisdeLouisequejesuisentraindebercer.

—Non,cen’étaitquematête.

—Bon,alors!Dequoituteplains?Tuluiplais,c’estcertain!Ilestpeut-êtresimplementtimideouunpeuallumé.Lesartistessontcommeça.

Jerestesceptique.

—Entoutcas,tusaismaintenantqu’ilesthabiledesesmains!s’esclaffeVanessa,aveclesyeuxquifrisent.

JefaissemblantdeboucherlesoreillesdeLouise.

—Bon,onn’étaitpascenséesboireunverre?

—Jereviens,acquiesceVanessaavantdesedirigerverssakitchenette,ouvertesurlesalon.

—J’aidujusdefruit,ducaféet…lelaitenpoudredeLouise!

—Unjusdefruit,ceseraparfait,merci.

—Au fait, il faut que je te dise, je crois que j’ai fait unegaffe l’autre jour…, annonce timidementVanessaenposantdeuxverresetunebouteilledejusmultivitaminésurlapetitetablebasseenfacedenous.

Je repose instinctivement la petite Louise dans son transat, comme si mon subconscient voulaits’assurerquej’aie lesmainslibres,mepréparantàdevoirétranglerVanessapourcequ’elleestsur lepointd’avouer.

J’aireconnusavoixdegaminequiafaitunegrossebêtise.

Ladernièrefoisquejel’aieentendue,Vanessam’aconfiéavoircouchéavecundemesex.Elles’estjustifiéeenprétextantqu’ellen’estpasphysionomisteetqu’ellenel’avaitdonc«pasvraimentreconnu,audépart»,bienquejesoissortieavecAnthonypendantdeuxmois.J’ensuistoujoursàmedemandercommentonpeutne«pasvraiment»reconnaîtrequelqu’un.

—Qu’est-cequet’asencorefait?

Desdeuxfemmesdanscetappartement,j’aibienlesentimentd’êtrel’uniquebaby-sitter.

—Bon,m’enveuxpas,OK?Etn’oubliepasqu’ilyaunbébéinnocentdanslapièce…

—Vanessa!

—J’aidonnétonnouveaunumérodetéléphoneàJérémy.

—Pardon?Tupeuxrépéter?J’aicruentendrequetuavaisdonnémonnouveaunumérodeportableàmonex.Celui-làmêmequetoietFarahm’aviezconseillédelarguerparcequ’ilétaittroppossessif,etceluiàcausedequij’aijustementdûchangerdenuméro!

—Jesais.Jesuistellementdésolée.Jenesaispascequim’apris!Jesuistombéesurluiparhasardetonadiscuté.Ilavaitl’aird’allermieuxetj’savaispascommentluidirenon…

Àdéfautd’étranglermonamie,jememasselestempes.

—Tunoterasquecettefois,j’aidonnétonnuméroetpaslemien!

Jerouvrelesyeuxetlafoudroieduregard.

—C’estpeut-êtreunpeutroptôtpourfairedesplaisanteries?

—C’estmêmetroptôtpouroserm’adresserlaparole!

—Oh, je suis désolée ! Tu vasme faire la gueule longtemps ? demandeVanessa en reprenant uneintonationinfantile.

—Jusqu’àcequeLouisesoitenâged’alleraubal.

—Jevaismerattraper!Demande-moicequetuveux!Aufait,ilnet’apasappelée?

Jefaisnondelatête.

—Peut-êtrequ’ilneleferapas.

— Y a plutôt intérêt, sinon gare à tes fesses ! Et s’il te plaît, apprends à dire non, c’est pas sicompliqué!

—Promis.

Jesecouelatête,esquissantundemi-sourire.

—Jen’ycroispas.Commenttufaispourtombersurmesexàchaquecoinderue?Moi,j’lescroisejamais!

—Jenesaispas…,jetejurequejelefaispasexprès!

—Tudisqu’ilavaitl’aird’allerbien?

—Oui.Mieux.Enmêmetempsladernièrefoisquejel’aivu,ilpleuraitsurtonpalier…

Louiseseremetàcrier.Parréflexe,Vanessasetourneversmoi.

—Mêmepasenrêve!Aprèscequetum’asfait,tuosesencoremedemanderdejouerlesbaby-sittersàtaplace?T’esgonflée!

—Oh,çava,j’aicompris.

Vanessaserésigneàrécupérerlapetite.Ellelaportemaladroitementjusqu’aucanapé.

—Manont’apréciséquetudevaislarendreenunseulmorceau?memoqué-jegentiment.

Monamiemetirelalangue.Jeluisourispuismelèveetattrapemonsacàmain.

—Qu’est-cequetufais?

—Jem’envais!

—NonJen,tupeuxpasmefaireça!Nemelaissepastouteseuleavecelle!

Elledévisagelapetitecommesic’étaitunebombeàretardement.

—Manonnerevientquedansuneheureetdemie!

—J’aideschosesàfaire.

—Ahoui?Commequoi?

—Commechangerdenumérodetéléphone.

Vanessamesupplieduregard.

—Arrête,s’ilteplaît!Resteici!

—Tut’ensorstrèsbien,n’t’inquiètepas.Çaira.

Jemedirigeverslaported’entréeàgrandesenjambées.

Vanessamesuittantbienquemalaveclebébédanslesbras,perchéesursestalonsaiguilles.

Ballottée,Louiserégurgiteunpeudelaitsurlesextensionsdelajeunefemmequitombentencascadesursesépaules.Horrifiée,elles’arrêtenet,fixantsesmèchesdecheveuxsouilléesavecdégoût.

Jemeretiensdenepasexploserderire.

—Elleestmalade!JevaisappelerManontoutdesuite!

—Çavapasnon!Tuvasl’inquiéterpourrienetelleabesoindesedétendre.C’esttoiquil’asdit!Louiseajustevomiunpetitpeu.CessedelasecouercommeunOranginaettoutiratrèsbien!Bon,allez,jevouslaisse,dis-jeenposantmamainsurlapoignée.

—C’estça,va-t’en,espècededégonflée.

Puiss’adressantàLouise,elleajoute:

—T’asvu,tataJenneveutpasresteravecnous.

—MaistataJenn’estpastamarraine,ettataJenn’étaitpascenséetegarderaujourd’hui.

—ParcequetataJenn’estpasgentille!

—C’estvrai.TataJenvadonctelaisseravectagentillemarraine.Etdis-luiqu’ellem’appelledanslasemaine si elle a survécu…, mais seulement une fois qu’elle se sera débarrassée de tout ce vomi,d’accord?demandé-jeenfixantlevisagepotelédeLouiseetsesgrandsyeuxétonnésdepuislepalier.

—Trèsdrôle,répondVanessa,feignantdebouder,avantdemeclaquerlaporteaunez.

**

Jevisenpleincentre-villeetappréciel’effervescencequiyrègnelaplupartdutemps.

Jem’arrête au passage pour acheter le dernier tome dema saga favorite dumoment dans la petitelibrairiequifaitl’angleentrelarueoùj’habiteetleboulevardprincipaldelaville.

Jesourisenpensantàcequediraitmamère.

Elletrouvequevivretouteseuleetm’abreuverderomansàl’eauderose,çafaitvraimentvieillefille.

Maisjem’enfiche!

Sij’adoreliredeshistoiresd’amour,blottiedansmoncanapé,j’aimeencoreplusl’idéequeçaneluiplaisepas!

Pourennuyerleursmamans,certainesfillessedévergondent,sedroguentouenchaînentlescoupsd’unsoir.

Moi, jemecontentededévorerdesbouquins. Jen’ai plusque çapourm’émanciper, parcequemamèrefaitdéjàtoutlereste.Ça,ettrouverlegendreidéal.Celuiqu’ellenepourrapascritiqueretavecqui jepourrai luiprouverque,oui,onpeutavoirunerelationstableavecquelqu’un.Surcepoint, j’aiencoreducheminàfaireavantderéussiràsurprendremamère.

J’ai entretenu une plus longue relation avec le Jake de la saga, dont le tome 4 vient de paraître,qu’avecn’importelequeldemesex.

En entrant dans mon appartement, je m’apprête à me préparer une infusion aux fruits rouges pouraccompagnermalecture,maisjemeraviseauderniermoment,meservantunverredevinblanc.

Toutestunequestiond’équilibre.

Jeretiremeschaussures,enfileunetenueconfortable,m’installesurmoncanapéenfacedelagrandebaievitréedonnantsurl’agitationextérieureduboulevardetquiapporteunpeudelavieurbainedansleloft.

Calée aumilieu de coussinsmoelleux, jeme déculpabilise enme promettant de sortir en boîte cesamedisoiraveclesfillesetm’autoriseainsilalecturedescentpremièrespages.

Àlapage86,jesuisinterrompueparlasonneriedemontéléphoneportable.

J’aireconnulesignalsonorederéceptiondetextos.

Çapeutbienattendre!

J’ai laflemmedemeleverpourallercherchermonSmartphonedansmonsacetmerefuseàlaisserKatdansunesimauvaiseposture.

Jetentedemeconcentrersurlasuitedesespéripéties,maisjesuisobligéederelireplusieursfoislesmêmeslignes,sanstoutefoisréussiràensaisirlesens.

Unepartiedemonespritsedemandesijen’auraispasreçuunSMSd’Axel.L’autreessayedeluttercontresabêtise,sibienqu’ilnemeresteplusassezdeneuronespourmalecture.

Àcontrecœur, je refermemonbouquinetme lève,priantpourquecenesoitpasunmessagedemamère.

Lorsquejedécouvrequemoncontactestunnuméroinconnu,moncœurfaitunbonddansmapoitrine.

Axel?

Jeparcoursfébrilementletexto.

Jérémy.

C’estsignéJérémy.

Évidemment.

Qu’est-cequejem’étaisimaginé?

Qu’est-cequ’ildisait,déjà?

Ah, il chercheunnouvel appartement et sedemande si jepourrais le conseiller.Àmoinsque jenetrouvelasituationtropbizarre.

Oui,c’estbizarre!

Surtoutquandonsaitquenousenvisagionsd’enprendreunpournousdeux,ilyapeudetemps.

Jetaperapidement:

*BonsoirJérémy.Pasdeproblème.Jeseraiàl’agencedemaintoutelajournée,situveuxpasser.

J’hésiteavantdel’envoyer.

Uneformuledepolitessepourfinir?Bises?Jet’embrasse?

Non!Pasquestion!

Etpourquoipashâtedeterevoir,nonplus?

Non,non,non!

J’appuiesurlatouched’envoi.

Laréponsenesefaitpasattendre.

*Super.Çameferaplaisirdeterevoir.Àdemain.

*Àdemain.

Jérémyaurait-ilencoredessentimentspourmoi?A-t-ilvraimentbesoind’unappartementouest-ceunprétextepourmerencontrer?

Jesuisunpeuperdue.Maisjedoisbienavouerquejeseraimoiaussicontentedelerevoir,pourvuqu’ilnemefassepasunecrisedejalousie!J’appréciequ’ilm’aitdemandémonavisavantdedébarqueràl’agence.Celafait-ilpartieduchangementqu’évoquaitVanessa?Jérémyaurait-ilgagnéenmaturité?

Unenouvellesonneriem’avertitdelaréceptiond’untexto.Jem’apprêteàlireunmessagedemonex,maisréalisedèslespremiersmotsqueçanevientpasdelui.

Jemeredressed’uncoupetregardefixementmonécran.

Axel.

*Commentallez-vous?

Jeréfléchis.

Drôled’entréeenmatière.

*Bien,etvous?

*J’aitrèsenviedevousrevoir.

Çaalemérited’êtreclairetdirect...

*Pourmeposerunlapinoupartirsansdireaurevoir?

Jemerongelesonglesenattendantsaréponse.J’aipeut-êtreétéunpeutropbrutalemoiaussi.Jevaisle faire fuir, c’est sûr ! D’un autre côté, je suis pour la franchise. Un couple ne peut décemment pascommenceràsementiravantmêmed’êtreforméetilal’air,luiaussi,d’apprécierlasincérité!

*Pourpouvoirvousadmirerànouveau.

Bon,là,jenesaisclairementplusquoirépondre.

Lepouceensuspensionau-dessusdemonclavier,jeregardelebouquinouvertsurlesofa,commesiKatallaitensortirpourveniràmarescousse.Jesaisqu’ellen’estpasforcémentunexempleàsuivre,maisquandmême,elleetJakeensontautomequatre,alorsquemoietAxeln’avonsmêmepasentamélepremierchapitre.

Perdue dansmes pensées, je n’ai pas eu le temps de trouver une réponse adéquate que déjà Axelenchaîne.

*Vousportezquoiencemoment?

….?!

Mes yeux se posent sur mon jogging miteux. En une fraction de seconde, j’oublie tous mes beauxprincipessurlafranchiseetl’honnêteté.

Ilyadescasdeforcemajeureoùlemensonges’impose.

*Laroberougequejeportaisl’autresoir.

*Chezvous?!Touteseule?!À23heures?!C’estpourêtredéjàprêtepourdemainmatin?

Jamaissatisfait,celui-là!

Pourquiilmeprend?Jenesuispasunementeuse!Enl’occurrence,ouij’ensuisune,maisilnepeutpaslesavoiretiln’apasledroitdedouterdemaparole!

*Envérité, jesuis toutenue,mais jen’osaispasvous ledire.Etqu’est-cequivousditque jesuisseule?

Jejubile.Qu’est-cequ’ilvabienpouvoirrépondreàça,hein?

* Ça fait six minutes que l’on échange des SMS, vous êtes nue et vous répondez dans les vingtsecondesquisuivent,j’endéduisquevousavezlesmainslibres.

*Quelrapport?

Puisjemedépêchedetaperunnouveaumessage,craignantsaréponseauprécédent:

*Laisseztomber,jenepréfèrepassavoir,Monsieurledétective.

*C’estlapremièrefoisqu’unefillenuem’appelleMonsieurledétective.

*Pourquoi?Lesfilleshabilléesontl’habitudedevousappelercommeça?

*Non.C’estjustequej’adoreécrire«fillenue».

Unnouveaumessagedesapartfaitsonapparitionavantquej’aieletempsderépondreauprécédent.

*Fillenuefillenuefillenuefillenuefillenuefillenuefillenuefillenue…

Jerépondsengloussant.

*C’estlimitepathologique!

*Vousvoudriezmesoigner?

*Jenesuispasinfirmière.

*Jevousoffriraiuneblouseblanche.Jesuiscertainqueçavousiratrèsbien.

Jeme rends enfin compteque la conversation est en traindedéraper et que la situationm’échappecomplètement.Jetentedemeressaisir.

* Je ne suis pas infirmière,mais j’ai un travail. Et je vais devoir allerme coucher si je veux êtreefficacedemain.

*Messagereçu.Essayezdenepastropfroisservotreroberougeendormant.

*Trèsdrôle!Jenevaispasdormiravec.

*Etvousallezdormircomment?

*Àvousdeledeviner,Monsieurledétective.

*Nuisette?Justeuntee-shirt?

*Unindice:c’estquelquechosequivousplaîtapparemment.

*FillenuefillenuefillenuefillenuefillenueJennifernueJennifernueJennifernueJennifernue…

*Vousmefaitespeur!Bonnenuit!

*Bonnenuit.Jevousrappelletrèsbientôt.

Jegardeencorequelquesinstantsmontéléphonedanslamain.Puis,commecelui-cinevibreplus,jeledéposesurlatable.

En allantme coucher, jeme déshabille complètement en pensant àAxel, comme pour atténuermonmensonge.Jem’allongesur lescouvertureset m’endorspresqueaussitôt,un légersourireaucoindeslèvres.

**

Lelendemain,enarrivantàl’agence,jeconstatelesourireradieuxdeFarahquin’esthabituellementpasdumatin.

Etellen’estmêmepasentraindefaireleménage!

Elle a lissé sa crinière brune, ce qu’elle se refuse à faire régulièrement. Elle plaisante souvent là-dessusenaffirmantqu’elleadéjàperduplusieurslisseursdanssachevelurevolumineuseetqu’ellenelesajamaisretrouvés!

Tantdechangementsm’obligentàluiposerLAquestion.

—OK,comment ils’appelle?demandé-jeendéposantmonsacàmainsur lecomptoirà l’accueil.Non,enfait,oublie,jemefousdesavoirsonprénom!Dis-moijustecommentilestetcequevousavezfaithiersoir!

Farahessayedenierensecouantlatête,maislesourirebéatqu’elleafficheencoretrahitsespensées.

—Quoi?Pourquoituveuxpasmeraconter?

Jen’aijamaisconnumonamieetassociéeaussipudiqueausujetd’unedesesrelations.

—J’aiunpeupeurdetaréaction,enfait…

Elletritureentresesdoigtslependentifdoréenformedecroixqu’elleportetoujoursautourducou.

—Pourquoi?Tusorsavecundemesex?

—Çavapas,non!

Ellearépliquéavecunetelleferveurquemessentimentsbalancententrelesoulagementetlavexation.

—Alorsoùestleproblème?

—Yenapas.Ils’appelleMaxime,ilestbeau,marrantetsympa.

—Etc’estçaquetuaspeurquejedésapprouve?

—Non,seulementjesaisquelaquestiond’aprèssera:«qu’est-cequ’ilfaitdanslavie»?

J’airarementvuFarahaussimalàl’aise.

—Tusais,sit’aspasenviedemedirecequ’ilfait…

—Non,c’estjustequec’estpastrès…orthodoxe,tucomprends?

Jefaisouidelatête,mêmesijemedemandeoùelleveutenvenir.

—C’est…illégal?

—Mais,non,t’esfolle!

—Ahbon!Toutvabienalors!C’esttoiquimefaispeuravectessous-entendus!

—Disonsquec’estunpeu…bizarre.

—Ahnon!Lespsychopathes,c’estchassegardée,compris?plaisanté-je.

MaisFarahconserveunaircrispémalgrésonsourire.

—Bonalors,tutedécidesàmeledire,ouiounon?Jetelerépète,situpréfèresgarderçapourtoi,jecomprends…

—Ilestdanslemondeduporno,mecoupeFarah.

—Oh.

Quellesurprise!

Jenem’attendaispas à ça.Pourtant, étantdonné l’essordumilieu cesdernières années, notammentgrâceàInternet,ildoitbienyavoirdumondequibosselà-dedans.Maisjenem’étaisjamaisimaginéencôtoyer un jour, comme si tout ce monde-là habitait dans un univers parallèle qui ne pouvait pasrencontrerlemien.

—C’est un secteur très lucratif.Et de toute façon, il songe à quitter lemilieu. Il a fait des études,ajoute-t-ellecommesiellecherchaitàsejustifier.

—Mais…,est-cequ’ilest…acteur?

—Non,non,non!Ilestdanslaproductionseulement.

—Bon.OK.

—Quoi,c’esttout?

—Bahquoi?Dumomentqu’ilnetedemandepasdejouerdansundesesfilms,çamechoquepasplusqueça.VanessaquicoucheavecAnthony,ça,c’étaitunvraiscoop!

Elleestvisiblementsoulagée.

—C’est vrai ?Tu trouvespas ça trop spécial ?Tu sais, endehors de son travail, c’est unhommecultivéetplutôtclasse.

—Jetecrois.L’important,c’estquetusoisbienaveclui.

Enfait,passéelasurprise,jen’arrivepasàtrouvercetteactivitévraimentdérangeante.

Aprèstout,c’estlégaletilexisteunvraimarchépourcegenredefilms.LenouveaupetitamideFarahalesensdesaffaires.Surcepointaumoins,ilssemblentfaitsl’unpourl’autre.

—Mercidenepasenfairetouteunehistoire…etd’avoirrésistéàlatentationdemefairedesblagues

douteuses.

Zut!Jevenaisjustementd’entrouverunebonne!

—Pasdeproblème.Jesaismetenir!

—J’espèrequejepourraiteleprésenter.

—Biensûr.Dumomentqu’onneluirendpasvisiteàsontravail!

—Jen!

—Oh,pardon,çam’aéchappé.Avouequec’estpasfacilecequetumedemandes,nonplus!

—Vabosser!

—OK,j’yvais!réponds-je,enlevantlesmainsensignedecapitulation.Ahaufait,net’étonnepassituvoisJérémyfranchirlaporte.Ildoitfaireunsautpourquejeluiproposedesapparts.

—Euh…J’aidûlouperunépisode.Jecroyaisquetunel’avaispasrevudepuisquetuavaischangédenuméroetquetun’allaisplusdanslesendroitsquevousfréquentiezpourl’éviter.

—Vanessaluiadonnémonnuméro.Elleditqu’ilachangé.Etc’estvraiqu’ilavaitl’airplussereinquandons’estéchangéquelquesmessageshiersoir.

Farahcroiselesbrassursapoitrineenmetoisant.

—Jevaisjusteluimontrerdesappartements,c’esttout.

Elles’apprêteàrépliquer,maisjel’enempêche.

—Pasdecommentaire.Sij’aipasledroitdefairedeblaguessurtonnouveaucopain,tun’aspasledroitdefairederemarquessurmonex!

—D’accord.Entoutcas,tufaisbiendem’avoirprévenue,j’auraispuappelerlesflics!

**

Jenemesuisjamaissentieaussiquelconque,terneet…épaisse.

Jérémyvientdedébarquerdansmonbureauavecunechemiseblanche,un jeans,unebarbede troisjours,lamontreCalvinKleinquejeluiavaisofferteàNoëldernier,agrippéeaumêmebras,unerousseincendiaire.

JerepenseinstantanémentauximpressionsdeVanessa:

«Ilabeaucoupchangé.»

Tum’étonnes!

Comment se fait-il que dans les parages de cette créature somptueuse, je passe, comme n’importequelle femme normalement constituée, pour un être insignifiant alors que Jérémy, au contraire, a l’airresplendissantàsescôtés?

—Jevousenprie,asseyez-vous,finis-jepararticuler,encaissantlechoctantbienquemal.

Lemoins que l’on puisse dire, c’est que Jérémy a suménager le suspense.Mon ex et sa rouquineprennentplacesurlessiègesdevantmoi.J’aibeaularegardersoustouteslescoutures,aucunbourreletneseformelorsqu’elleestinstalléesurlachaise.

C’estphysiquementimpossible!

Cettefillen’estpashumaine,c’estlaseuleexplicationplausible.

Jemeraclelagorgeetreprendsenrentrantleventre:

—Bien,quepuis-jefairepourvous?demandé-je,faisantdemonmieuxpouraffichermonplusbeausourirecommercial.

Lecouplemedécritleparfaitniddouilletqu’ilssouhaiteraientacquérir.Jérémyacrubondeposersamain sur la cuisse de la rouquine pour être sûr qu’aucun doute ne subsiste quant à leur relation. Jereconnaisbienlàsoncaractèrepossessif.

Pendant ce temps, je continue à me poser des questions. J’ai cru qu’il venait à mon agence pourreprendrecontactavecmoi,maisenréalité,ilvoulaitmevoircreverdejalousie.

Personneneluiaditquec’estuntrucdefilles?

Cesontlesfemmesquiutilisentcegenredesournoiseries.S’ilmepiquemescombines,quemereste-

t-ilàmoi?Feindrel’indifférence?C’estbiencequefontleshommesdanscescas-là?OK,jepeuxyarriver!

Je commence à leur proposer des biens susceptibles de correspondre à leurs critères tout enm’efforçantdesourire,notammentàlarouquine.

Jesuisbienplussubtilequeça.Jesuistoutàfaitcapabledesympathiseraveclanouvelleamiedemonexquej’ai,parailleurs,plaqué.

«Nepasladétester.Apprendreàlaconnaître.Restercordiale»,merépété-jecommeunmantra.

—Nous avons aussi celui-ci, situé dans le quartier Charles de Gaulle, un T3, entièrement rénovél’annéedernière…

—Mouais…

Nepasladétester.Apprendreàlaconnaître.Restercordiale.

—Sinon,cebelappartementvienttoutjusted’êtreproposéàlalocation…,dis-jeenleurmontrantdenouvellesphotos.

Larouquinesoupireavantquejen’aiepucommenceràvanterlesméritesdulogement.

Nepasladétester.Apprendreàlaconnaître.Restercordiale.

—Jen’aimepaslacouleurdesmursdusalonetlacuisineal’airtroppetite,bougonne-t-elle,telleunepetitefillecapricieuse.

Madécisionestprise.

Je la cernemaintenant suffisamment pour pouvoir affirmer que je la hais.N’a-t-elle jamais entenduparlerderouleauxdepeinture?Etunecuisinedequinzemètrescarrés, troppetite?Qu’est-cequ’ellecompteymettre?Toussesmeubles…ainsiquel’intégralitédesonego?

Lerestedel’entretien,jeleconsacreàmeretenirdenepasmejetersurlarouquineenlatraitantdesombreidiote,superficielleetcapricieusequinedevrapasvenirpleurerquandJérémyfouilleradanssontéléphonependantqu’elleprendraunedouche!

Maisbien sûr, ce style de filles, çan’apasbesoinde se laver, ça sent toujours bon, c’est toujourspropre!Jen’ypeuxrien.Cettefemme,oucetextra-terrestredéguiséenfemme,faitremonteràlasurface

toutesmesmauvaisesexpériences.

Larouquine,c’esttypiquementlegenrequivousmetsansarrêtmalàl’aise.C’estcellequi,àl’école,vousfaitdéjàpasserpourunecrucheparcequ’elleatoujourslesmeilleuresnotesetqu’ellearboredejolies tachesde rousseur, làoùvouspoussentdesboutonsd’acné.Plusgrande, elle attire leshommessansmême l’avoir fait exprès alors que vous vous pomponnez pendant des heures pour votre premierrencardquis’avèreenfaits’intéresseràvotremeilleureamie.Etsurlaplage,ellevousridiculisetoutbonnement,sepavanantenbikini.

Jen’aimepas lesfilles tropminces.Ellesmedépriment.Etquandjedéprime, jemangeduNutella.Pourlutterefficacementcontrel’obésité,leministèredelaSantédevraitinterdireàcesfemmestropbienfoutuesdedéfilersurlaplage,eninstaurant,parexemple,unquotadecelluliteàrespecterpourpouvoirsedéshabillerdansleslieuxpublics.

—Vousavezd’autresquestionsànousposer?demandelarouquinedesavoixfluette.

Est-cequ’ilvousarrivedemangerduNutella?Sielleosedireoui,jenerépondsplusderien!

—Non,j’aitoutcequ’ilmefautpourbientravailler.Jevousrappellerai.

Jérémyaàpeinebronchédetoutel’entrevue,sedélectantprobablementdel’effetqu’alarouquinesursonex-petiteamie.

Unefoistouslesdeuxsortisdel’agence,Farahvoleàmonsecours.

—Çava?Tuvasbien?

—Oui,biensûr.Pourquoiçan’iraitpas?

—Pourrien.

Jemedirigeverslamachineàcafé.

—Elleestjolie,non?demandé-jeàFarah.

—Euh…Ouais…

—Etpuiselleadel’allureetelleest…gentille.

—Tuladétestes,c’estça?

—Jelahais.

Jedégustemoncaféetellereplongelenezdanssondossieravantdedéclarerquelquesinstantsplustard:

—Detoutefaçon,leroux,çanevaavecrien.RegardeGarfield!

Etnousnousmettonstouteslesdeuxàglousserd’unrirenerveuxetincontrôlable,nouslibérantainsidenotrestressrespectif.Nousavonstoutlemaldumondeàreprendrenotresérieuxlorsqu’unenouvelleclientepasselaporte.

**

Troisjours,les392pagesdutome4desaventuresdeKatetJakeetunpotdeNutellade800grammesplustard-lemagasinn’avaitplusdepotsde1kgenstock-,etlasemainetoucheàsafin.

Jemerendsàlamaisonderetraite,commetouslesvendredis,heureusederevoirLéon.Ilauncôtérassurantetapaisant, sanssurprise.Etencemoment,c’estexactementcequ’ilme faut.Entremonex-fiancémaldanssapeauquisepavane,fiercommeuncoq,avecunerouquinesublimeàsonbras,Manonqui devient de plus en plusmère poule alors qu’elle représentait la femme indépendante et Farah, deconfessioncatholique,quisortavecunhommequiréalisedesfilmspornographiques;j’aidésespérémentbesoindelastabilitédemongrand-père.

Hélas,mesdernièresillusionssontréduitesànéantdèsquej’arrivesurleparkingdel’établissement.J’aid’abordl’impressionderêver.Mais,non,c’estbienmonpapychérisouffrantd’arthrosequiestentraind’embrasserdesaboucheédentéeuneautrepensionnairederrièreunarbreduparc.J’enoublieuninstantdecouperlecontactdemavoiture.

Quelquessecondesplustard,jerecouvremesesprits,retirelaclédudémarreuretattends.C’esttoutcequ’ilmeresteàfaire.

Jepatienteletempsquemongrand-pèreaitfinidefricoteravecsacopinepourdescendredemaMini.

S’ilyabienquelquechosequimemettraitplusmalàl’aiseencorequelascènequiestentraindesedéroulersousmesyeux,ceseraitdedevoirenparleravecmonpapy.J’enfrissonnerienqued’ysonger.

Toutmonuniverssembles’effondrercesderniersjours.Mesprochesquejepensaisbienconnaîtremesurprennentparleurscomportements:Jérémy,Farah…papy!Çamedérange.

D’abordparcequejen’aimepastropleschangements,maisaussietsurtout,mêmesic’estdifficileàadmettre, parce que leur point commun est de vivre de nouvelles expériences, de nouveaux émois—mêmemongrand-père—pendantquejesuisentraind’attendrelederniervoletdemasagaàl’eauderose!

Jelesenvieraispresque.Envérité,jelesjalousedéjàcomplètement!

Montéléphonesonne.Jedécrochemachinalement.

—Bonjourmachérie!C’esttamère.Commentvas-tu?Tun’espasvenueaugalasamedidernier!Qu’est-cequit’estarrivé?Tuesàlamaisonderetraite?Tupassestoustesvendredisaprès-midilà-bas,Jen!Cen’estpasnormalpourunefilledetonâge,megronde-t-elle.

—Tuvoulaismedirequelquechose,maman?

—Oui.Commetun’espasvenueaugaladecharitésamedidernier…

—Jet’avaisditquejeneviendraispas,maman.

—Bref.Jen’aipaseul’occasiondeteprésenterAlainet j’auraisbienvoululefairedimanche.Undéjeunerà lamaison.Tunepeuxpas refuser !Tupassesbien tesvendredisavecLéon, tupeuxquandmêmeaccordertondimanchemidiàtavieillemère!Bon,ilfautquejetelaisse.J’aiunrendez-vous.Jevaisêtreenretard.Àdimanche!

Ellearaccrochéavantmêmequej’aiepuluirépondre.Aumoins,ilyaquelqu’undansmonentouragequinechangepas.Mêmesiellen’estpasvraimentunmodèledestabilité…

Quandjerelèvelatête,Léonetsonamiesontpartis.

Jedescendsdemavoitureetentredanslebâtiment.

Mongrand-pèreestassis,l’airderien,dansunfauteuildusalon,devantunjournalouvertqu’ilnefaitmêmepassemblantderegarder.

—BonjourPapy.

—AhJennifer!Tuesvenuetôtaujourd’hui!

Troptôt!

—Oui.J’aiunevisiteenfind’après-midi,jenepourraipasrestertroplongtemps.

Jeprendsplaceenfacedeluietnouscommençonsàdiscuterdechosesetd’autrestoutenfaisantmonpossiblepourchasserlavisiondemongrand-pèreentraindeflirteraveclavieilledame.

Léonévoqueunancienamidontilvientd’apprendrelamort,maisj’ail’impressionquesonregardestattiréparquelquechosederrièremoi.

Jemeretourneetdécouvrelafemmequ’ilétreignaitdansleparc.Elleestbelle,malgrésonâge.Unepeaudeporcelaine,desyeuxexpressifsquicroisentlesmiens.Ellereportesoudainsonattentionverssesmotscroisés,imitantl’attitudedequelqu’unplongédanslaréflexion.

J’aitoutàcoupl’impressiond’êtredetrop.MoiquipensaisfaireplaisiràLéonenvenantluirendrevisiterégulièrement,jemedemandeàprésentsicen’estpasluiquis’obligeàmerecevoirpournepasmevexer.

—Quesepasse-t-il?demande-t-ilparcequej’aitournélatête.

—Rien.

Mongrand-pèren’insistepas.Ilreprendlaconversationcommesiderienn’était,d’untonbanal,maisjen’arriveplusàleregarderdelamêmefaçon.

Monportableposéenévidencesurlatablesemetàvibrer.

Léonjettesansarrêtdescoupsd’œilàlafemmederrièremoipendantqu’ilparlealorsjeprofitedesadistractionpourlirelemessagequejeviensderecevoir.

*Vousêtestrèsbelleaujourd’hui.Signé:Monsieurledétective.

Jecommençaisàcroirequ’ilavaitperdumonnuméro!

Jerougisinstantanémentetbalayediscrètementlasalleduregard.

Ilestlà.

Surmagauche.

Quelquestablesplusloin.

Il me décoche un sourire coquin. Mon cœur s’emballe, me prouvant qu’au fond, j’avais vraimentespéréqu’ilseraitlàcetaprès-midi.

J’attrapemontéléphoneetleposesurmesgenoux.Souslatable,jetape:

*Aujourd’hui?Maroberougenevousplaisaitpas?Signé:lafillepastoutenue.

Jefaissemblantdem’intéresseràladiscussionenhochantlatêteàl’intentiondeLéonquicontinueàparler,d’untonmonocorde,commes’ilrécitaitsansencomprendrelesens,enregardantderrièremoi.

*Si.J’aimalheureusementdûpartir.J’ensuisdésolé.

*Vraiment?

*Jenemensjamais.

*Maisvousposezdeslapins.

*Cen’étaitpasintentionnel.

Pasintentionnel?Commentlefaitdenepasveniràunrendez-voussansprendrelapeinedes’excuserpeutêtrenonintentionnel?

*Onpourraitpeut-êtresevoirtoutàl’heure?Justeaprèsquevoussoyezsortied’ici,jevoussuivrai.Commeça,vousserezcertainequejenevouslaisseraipasenplan.

*Sijenevousattendspas,sachezqueceseraintentionnel!

*Ceseraitnormal.Maisvousêtesquelqu’undespécial.

Jesourisetm’enveuxaussitôt.

Léonestentraindeparlerdesonamidéfunt!

—Çaadûtefaireunchoc.

—Hein?Quoi?

—Tonami…vousaviezl’airproches.

—Euh…Oui.C’estvrai.

J’ail’impressiondel’avoirréveillé.

Tandisqueleregarddemongrand-pèrerecommenceàdévierverscequisembleêtrel’uniqueobjetdesespensées,j’ose,demoncôté,uncoupd’œilfurtifsurlagauche.

Axelestentraindegriffonnersursoncarnet,l’airconcentré.

Il relèvesoudain la têtepourm’observeretmedétaillerostensiblement.Troublée, je le laissefaire.Sesyeuxfontmaintenantdesallers-retoursentresoncalepinetmoi.

Aprèsavoirscrutémonvisage,sonregarddescendunpetitpeuetildevientlégèrementplussérieux.Jedevinequ’ilestentraindedessinermondécolleté.Jerougisunpeuplus.

Malgré tous ses efforts, il adeplus enplusdemal àme fixer sans ciller. Je jubile à l’idéeque lemasqued’impassibilitéqu’ils’obligeàporterestentraindesefissurerrienquepourmoi.

J’envoieuntextodiscretàFarahafinqu’ellemeremplacepourlavisitedel’après-midi.J’aidécidéd’accepterlapropositiond’Axel.Jen’airiendemieuxàfaire,j’aiterminémonbouquinetn’aiplusdeNutella.Laseulechosequej’ai,c’estlaflemmed’allerfairedescoursesetlecafardàl’idéederentrerseulechezmoiensachantquemêmeLéons’éclateàlamaisonderetraite!

5

Avisdedisparition

Jennifer

Bien décidée à prouver que je peux également avoir une vie sociale débridée, j’attends Axel à lasortie.

Lorsquejel’aperçoisenfin,ilporteunetenueéléganteetbranchéedanslemêmegenrequecellequ’ilarboraitaubarl’autresoir.

Jesuistoujoursaussiimpressionnéeparlaclasseetlaprestancequ’ildégagequandilmerejointsurleparking.

Il avance vers moi d’un pas assuré puis s’arrête à quelques centimètres de mon visage pour mecontempler.

Unpeugênée,jemeraclelagorge.

—Bien.Quevoulez-vousfaire?

—Untouraucentre-ville?Onprendvotrevoiture.

Çasonnepluscommeunordrequecommeuneproposition,maisj’appréciequ’ilprenneleschosesenmain.

NousnousinstallonsdansmaMini-Cooper,moiauvolant,luisurlesiègepassager.

Nousroulonsdepuiscinqbonnesminutes,Axelnem’apaslâchéedesyeux.J’aideplusenplusdemalàmeconcentrersurlaroute.

—Quoi?finis-jepardemander.

—Rien.Jevousregarde.

Jesourisenrougissant.

—Çavousdérange?

Jesecouelatête.

Non,c’estmêmeplutôtagréabledesesentirsiséduisante,c’estjustequejen’aipasl’habitudequ’onmereluqueainsi,deplus,iln’estpastrèsbavard.Difficiledesavoircequ’ilpensequandilmeregardedecettemanière.

Est-cequ’ilchercheàpénétrermespensées,messecretslesplusintimes?

Parfois,jemedisquesesyeuxperçants,simagiquesenseraientcapables.Maispeut-êtreessaye-t-ilsimplement dem’imaginer toute nue ? Impossible à dire. Bien qu’étant donné sa légère obsession, ladernièreoptionestplusqueplausible.Cequinem’ennuiepasvraiment,d’ailleurs.

Jemegarejusteenfacedenotredestinationetildescendpourm’ouvrirlaporte.

Galantenplusdeça!Cen’estpaspourmedéplaire.

Ilestunpeutôtlorsquenousentronsdanslebaroùnousavonschoisid’aller,etiln’apasencorefaitlepleindesfêtardsduvendredisoir.

Ducoup,nousnousinstallonsleplusloinpossibledesseulsclients.Deuxivrognes.Deshabituéssansaucundoute.Mais,vuleurétatd’ébriété,ilsserontsûrementrentréseteffondréssurleurslitsdansmoinsd’unedemi-heure.Ilm’enfaudraitpluspourperdremonenthousiasme.

Cesoir,jevaism’amuser,melaisseraller!

Aprèstout,jesuisJenniferCamara,lafillequienchaînaitlesfêtesàl’université!

Leserveurvientànous,sonpetitcalepinàlamain.

AxeldemandedeuxSummerSpritz{2},uneboissondontjen’aijamaisentenduparler.

Rapidement,lejeunehommerevientavecnotrecommande.

J’attrapemonverreetsansmêmeyavoirportémeslèvres,jedevinequ’Axelatrèsbongoût,quejenesorspasassezsouventetquejeprendstoujourslamêmechose.

Uncocktailinédit.Cethommeatoutcompris.

C’estexactementcedontj’avaisbesoin.

Sanss’enapercevoir,Axelvientdegagnerledroitdem’embrasserlangoureusementdevantlaportedechezmoi.Ou de chez lui, puisque nous avons prisma voiture pour venir jusqu’ici, je devrai bien leramener,non?

Danssesyeux,jemesensséduisante,presqueirrésistible.Ilnemelâchepasduregardtandisqu’ilmecomplimente,l’airderien.

Axelnemerécitepasunelistedelouangesappriseparcœur.Non,illesdistille,aufuretàmesure.Ondiraitqu’ellessortentnaturellement,commes’ilpensaitréellementcequ’ildisait.Ils’offremêmeleluxedemefairedescomplimentspersonnalisés.

C’estunvirtuosedeladrague!

Jel’autoriseraiàmepeloterunpeudanslavoiture.

Jepasseunexcellentmomentensacompagnieetnevoispaslesheuresdéfiler,racontantmaviequisemble réellement l’intéresser. Il rebondit même à certaines demes remarques et je lui pardonne dem’avoirdemandédeuxfoisoùsesituaitmonagenceimmobilière.

—Jevousaidéjàditquevousétiezsublime,aujourd’hui?

Oui,ilmel’adéjàdit.

Jeluiposequelquesquestionssursavieauxquellesilnerépondpasvraiment,s’arrangeantpourquelaconversationtournetoujoursautourdemoi.

C’estagréabled’êtrelecentred’intérêt,mêmesijen’enaipasfranchementl’habitude.

AxeldoitmaintenantensavoirautantsurmoiqueJérémyouquen’importequelautredemesexquipassaientleurtempsàs’apitoyersurleursort.

Lorsquejereprendsconsciencedenotreenvironnement,lesdeuxivrognessontpartisdessaouleretontétéremplacésparunehorded’étudiantsbruyants.Jereviensàlacharge:

—Etvous?Jeneconnaisabsolumentriendevous…

—Qu’est-cequevousvoulezsavoir?

—Jenesaispas…Parexemple,qu’est-cequevousfaitesdanslavie?

—Essayezdedeviner.

Jetentedecompilerlepeud’informationsquej’aideluietfaissemblantderéfléchir.

—Ehbien…,vousvouspromenezàmoitiénudansunemaisonderetraite,vousdessinez trèsbien,vousposezdeslapinsetvousvoushabillezcommeunentrepreneur…Vousêtesdifficileàcerner.

—Disonsquejesuispolyvalent.J’aimebiencultiverlemystère.

—Çamarchepourséduirelesfilles?deviné-je.

—Jenesaispas,qu’enpensez-vous?demande-t-il,taquin.

Çafonctionnecarrément!

—Mieuxqued’abandonnerunefemmeaurestau,entoutcas!

—Aïe!Touché!

Ilporteunemainàsoncœur,feignantd’êtreblessé.

—Vousnevoulezpasqu’onsorteunpeuprendrel’air?

J’accepte.Ilestdevenuimpossibledesuivreuneconversationdansletumulteambiant.

Engentlemanqui se respecte,Axel s’envapayer lanoteaugérantdubar tandisque je remetsmonPerfecto.

Dehors,l’airs’estrafraîchi.

Nousmarchonstrèsprèsl’undel’autre.Nosépaulessetouchentdetempsàautre,lorsque,perchéesurmestalons, jedévie légèrementdematrajectoire,provoquantdes tamponnementsaccidentels-pour laplupart -contre lecadresolided’Axel.Nousrionsmaintenantcommedesenfantsennousdonnantdespetitscoupsd’épaule.

—Où est-ce qu’on va ? demandé-je alors que nousmarchons depuis un bon quart d’heure dans lequartierhistoriquedelaville.

—Aucuneidée.Jevousaiditquevousétiezsublime,cesoir?

Jesouris.

Ilmel’adéjàditaumoinstroisfois!

—J’adorecesecteur.Jen’habitepastrèsloin.Unpeuplusaunord…

—Allons-y.Jeseraiscurieuxdevoiroùrésideunagentimmobilier.

—Quoi?Maintenant?Àpied?

—Pourquoipas?dit-ilenhaussantlesépaules.

—Maismavoitureestgaréeàcôtédubaretvousn’avezpasprislavôtre,ilfaudrabienquejevousredéposechezvous…

—Venez.

Jen’aipasletempsdeterminerlalistedemesargumentsqu’ilmeprenddéjàparlamain.

Jesourisalorsqu’ilmeguide.

Depuiscombiendetempsnemesuis-jepaslaisséeallerdelasorte?

D’habitude, dans une relation, c’est plutôt moi qui conduis l’autre. J’apprécie de ne pas avoir lecontrôledelasituationpourunefois.

—Oùest-cequ’onvadéjà?demandeAxelaprèsqu’ilnousaitfaitnousengagerdansuneruellesurladroite.

Nousrions.

—C’estparlà,luiindiqué-je.

Nouscontinuonsàconverserpendantquenousmarchons,maindanslamain.

Ensacompagnie,jemesensbien,insouciante.

Jeluiparleencoredemoi,demesproches.Ilm’écouteattentivementcommes’iln’enavaitpasrasleboldem’entendreradotersurlesextravagancesdemamère,qu’ilaaffirmédéjàadorer.

Cedéjà,apparemmentanodin,arésonnédansmesoreillescommeunepromessedecontinuitéàcettejoliesoirée.

—Voilà,onyest.C’estlà,déclaré-jeenm’arrêtantdevantmonimmeuble.

Commelanuitesttombée,lafaçadeestàpeineéclairéeparleslampadaires.Onnedistinguequ’uneimmensemassesombre.

—Impressionnant,ironiseAxel.

—Ill’estencoreplusdejour,etl’intérieurestàcouperlesouffle,jevousassure.

—Jesuiscensévouscroiresurparole?

Est-ceunefaçonsubtiledem’inciteràlefairemonterchezmoi?Sic’estlecas,ilferaitmieuxdeselajouerplusdirect.

Àcetteheureavancéedelanuitetaprèsunnombreindéterminédecocktailsalcoolisés,jen’aipluslesidéesassezclairespoursaisirlesenscachédesesdéclarations.

—Vousvoulezentrerunmoment?m’entends-jerépondreentripotantlesclésquej’aisortiesdemapoche.

—Oui.Jesuiscurieux.Vousparleztellementbiendevotreappartement!

—C’estunedéformationprofessionnelle.

Nousentronsdansl’immeubleetprenonsl’ascenseurpouratteindrelequatrièmeétage.

— J’espère qu’il ne tombera pas en panne, celui-ci, plaisanté-je tandis que des images de notrepremièrerencontre—etdesoncorpsmusclé—mereviennententête.

—J’espèrequesi,rétorque-t-ild’unevoixsuave.

Iladécidémentundonpoursortircespetitesphrasesquimefilentdesélectrochocsinstantanésdanslebas-ventre.

Soudain,ilserapprochedemoi.

Jedéglutis,incapabledebouger.

Detoutefaçon…jen’aipasenviedereculer!

Nos visages ne sont plus qu’à quelques millimètres l’un de l’autre. Il fixe mes lèvres, paraissants’imaginerlatextureetlegoûtqu’ellespeuventavoir.J’enfaisdemême.

Lesoufflecoupé,jeregardesabouchecharnues’approcherdelamienne.

Jefermelesyeuxpourmieuxapprécierlasensationdenotrecontactimminent.

Lapremièrefoisqu’ilposeseslèvressurlesmiennes,illeseffleureàpeineavantdeseretirer.J’enredemandeetavanceàmontourmaboucheverslasienne.Ilm’accueillecettefoisavecunbaiserpluslangoureux,intensifiantlabrûluredansmonestomac.

Alorsquenouscontinuonsànousembrasserpassionnément,jepassemesmainsderrièresanuqueetilmeserreunpeuplusfortdanssesbras.Jepousseunpetitgémissement.

Encouragé, il resserreencoresonétreinte,sibienquejesens,àprésent,chaquepartiedesoncorpsentrerencontactaveclemien.Alorsquesalangues’engageplusprofondémentdansmabouche, ilmeplaquecontrelaparoidel’ascenseuretsesmainssemettentàcaressermesfessespar-dessusmajupe,m’arrachantunnouveaugeignement.

Ilmerépondcettefoisparunsoupirintense.

Noussommes toujourscollés l’unà l’autre lorsque lesportess’ouvrentsur lecouloirduquatrième.Nousnousdétachonsàcontrecœur.

Jesorsdel’ascenseur,cherchemesclésdansmonsacàmain.

Axelprofiteque jesuisoccupéeàenfoncer laclédans la serrurepourseplaquerderrièremoi,mefaisantdenouveaufrissonner.Sonsoufflechaudcaresselapeaufinedemanuquetandisquesesmainsdescendentlelongdemeshanches.

Troublée,jedoism’yreprendreàplusieursfoispourouvrirlaporte.

J’allumelalumière.

Jel’éteinsaussitôt.

Merde!

Pourquoi je l’ai invité chez moi ce soir ? En un coup d’œil, j’ai repéré le pot de Nutella videabandonnésurlamoquettedusalonàcôtédemouchoirsenpapierusagésetdemonvieuxpyjamamiteuxde déprime ; l’accoutrement que je porte quand je me morfonds toute seule chez moi. Une tenue decirconstancecarelleestaussidémoralisantequemesidéesnoires!

Il ne faut pas qu’il voie ça le premier soir ! Non, en fait, il faut que jamais personne n’en aitconnaissance!

Axelsecognelepieddanslebuffetdisposéàl’entrée.

—Aïe!Onnepourraitpasrallumer?

—Non!m’exclamé-jetropfort.Non,l’électriciténemarcheplus,meressaisis-je,unpeuplusbas.Çavientdedisjoncter.Çafaitçasouvent.

Axels’apprêteàprotester,mais je l’embrassefarouchementpour le faire taireet l’entraînedansmachambre.

Lapiècedoitêtredansunétatcorrect.

Quandj’aiuncoupdeblues,j’utilisemoncanapécommesalleàmanger-chambreàcoucher-salledebains.Enfait,jefaisunetoiletterapideavecdeslingettespourbébé.Jesais!Pasterribe...

J’entredanslachambre,tirantAxelparlebras.J’allumelalumièreengrimaçant.

Ouf.

Lelitestfait.Çasentleparfumd’intérieur.Pasdevêtementscompromettantsenvue.

Ildoitsedemanderpourquoil’ampouledelachambre,elle,fonctionneencore,maisilnerelèvepastoutdesuitel’incohérenceetluisautedessusavantqu’ilnelefasse.

J’entreprends de déboutonner sa chemise, anticipant une nouvelle salve de questionsMonsieur ledétective.

Ilparaîtoublieraussitôtleproblèmedesplombsquiontsauté.Aprioriiln’avaitgagnéqueledroitdem’embrasser et deme peloter, quand nous étions au bar.Mais ses doigts experts et les deux derniersverresd’alcoolquej’aiingurgitésontraisondestroisagrafesdemonsoutien-gorge.

Ilsedéshabilleenuntempsrecord.Sanuditéetsonexcitationonnepeutplusmanifestefontcéderladernièrebarrièretextileentrenous,àsavoirmontangaendentellerouge.

Jemejettesurlelitkingsize,prêteàpasserauxchosessérieuses.Étenduesurlematelas,j’entendsàpeinelebruitdel’emballagedupréservatifquisedéchire.

Mes battements de cœur pulsent dans mes tympans. Je n’ai plus vraiment conscience de mon

environnement.Seulescomptentmaintenantlabrûlurequejeressensàl’intérieuretcellequelesdoigtsetlalangued’Axelontlaisséesurmapeau.

Il me regarde intensément de ses yeux bleus foncés brillants de désir avant de reprendre sesdélicieusescaresses,mefaisantlanguirencoreunpeuavantdemepénétrer.

Avantdemepénétrer…Avantdemepénétrer…

Jememordslalèvreinférieureetplantemesonglesdanssondos.

Si je repense à ça encoreune seule fois, je sensque je suis capabled’avoir unorgasme là tout desuite!

Jesuisdéjàauborddelajouissance.

Jamaisunhommenem’afaitautantd’effet.Enfin,Axelaccèdeàmonderniervœuetjem’abandonneavecivresseetdélectation.

**

Lorsquejemeréveille,jedécouvrequejesuisseuledansmonlit.

Aprèsavoirallumélalumière,jeconstatequ’iln’yaquemoidansmachambre.

J’enfileunenuisetteetvaisvoirdanslesalon.

Vide.

Lacuisine,idem.

Lestoilettes,libres.

Jesuisseuledansmonappartement...

Uncoupd’œilàmonportablemeconfirmequejesuisseuletoutcourt.Paslamoindretrace,paslemoindremessaged’Axel.Jeprendsconsciencedufoutoirquirègnedanslesalonetmedemandesiçanel’auraitpasfaitfuir.

Ques’est-ilpassé?

J’essaiede remettrede l’ordredansmespenséesenmepréparantungrandboldecaféque j’avaled’untrait,espérantdiluerl’alcoolquicouleencoredansmesveinesetmefilelamigraine.Puisj’analyselasituation,meremémorantchaquedétaildelasoiréeenquêtedeceluiquiauraitdonnél’envieàAxeldeprendresesjambesàsoncoucematin.

Àlalumièredujour,lesévénementsdelaveilleprennentunsensdifférent.Jemerendscompte,parexemple,quejen’aiabsolumentrienapprisdelui.Apartquec’estunboncoup.Cequej’aiprispourdel’écouteattentivehiersoirm’apparaîtmaintenantcommeunemanièrevolontairedeneriendévoilerdesapersonne.Jenesaistoujourspascequ’ilfaitdanslavie.

Peut-êtreuncollèguedunouveaupetitamideFarah?

Nioùilréside,encoremoinss’iladelafamille,desfrèresetsœurs,desparents.Vivants?Morts?Etsa façon habile de me séduire que j’ai trouvé si singulière et subtile la veille se révèle être, aprèsréflexion,uniquementlapreuveflagrantequ’ils’entraînebeaucoup!

Jeviensdecoucheravecserialbaiseur.Pourquoiest-ilpartiauréveil?

Merde!

Jemecomportevraimentcommeuneimbécile!

Commentai-jeputomberdanslepanneau?

Lepirec’estqu’iln’arienfaitpourcacherseshabitudesdegoujat.Jemesuismontélatêtetouteseule.Jenepeuxm’enprendrequ’àmoi-même.

Etàl’alcoolqu’ilm’afaitboire.

C’estbienconnuqueçadésinhibe.

Etauxfrasquesdemonpapy.

N’importequiauraiteulamêmeréactionquemoi.

EtàJérémy.

Dequeldroitm’humilie-t-ilenpublic?Surmonlieudetravail,enplus!

Etsarouquine.

Parfaitesoustousrapports!Commentnepaséprouverunsentimentd’infériorité?J’aieubesoindecomblerpardel’affection,forcément.Lecoupclassique.

C’estça!Toutestdelafautedelarouquine!Jem’enseraisdoutée!

**

Leresteduweek-end,Axelnedonnepassignedevie.

Jetentedemepersuaderquejem’enfiche,quej’aipasséunbonmomentavecluimaisquejenesuispaspluséprisequeça.Lehic,c’estquemoncorpsnesemblepasaucourantquejem’enfousroyalementetpassesontempsàtournerenrond,lesyeuxrivéssurmontéléphoneportable.MêmeledéjeuneravecmamèreetAlainledimanchemidin’apasréussiàmedivertir.

**

Onestlundiettoujourspasdenouvellesdelui.Jecommenceàm’inquiéter.

Merappellera-t-ilunjour?

Trois jours de black-out total, je songe sérieusement à déposer un avis de disparition à lagendarmerie!

Saufque...jeneconnaismêmepassonnomdefamille.

Jepasseraispourunefolle.

Ouunenympho.

Ouunenympho-cinglée.

Cequejesuissûrement,vuquej’aicouchéavecunmecdontjenesaisabsolumentrien!

Enarrivantàl’agenceimmobilière,jefaispartdemestourmentsàFarah:

—Écoute,tuauraisdût’endouter!Ilt’adéjàposéunlapinpourvotrepremierrencard.Alorsbiensûrqu’ilestpartiavantquetuteréveilles!

Bon,OK,ellen’apastoutàfaittort.Cequejedétestetoujoursautant,d’ailleurs.

Maisquandmême,là,c’étaitcarrémentcruel!

Ellen’yvapasdemainmorte.Qu’est-cequiluiprend?Jenevoisqu’unedéductionpossible.

Farahaelleaussidesproblèmessentimentaux.

—OK.Tum’expliques?

—Oh,excuse-moi!C’estpascequejevoulaisdire,s’enveut-elleaussitôt.

—Qu’est-cequitetracasse?C’estMaxime?

Elleacquiesced’unhochementdetête.

—Vousvousêtesdisputés?

Ellesecouelatêtemaintenant.

Ellejoueàniouininon?

—Maisencore?

—Ilfautquetumepromettesdegarderçapourtoi,dit-elled’untonconspirateur.

Ouh!Çasentmauvais!

—Samedisoir, ilm’a invitéeà l’inaugurationd’unegaleried’art,poursuit-il toutbas.Les tableauxétaientdugenre…gênant.Quedesnus!Jesavaisplusoùmemettre!Yenavaitpartout.J’airegardémeschaussurestoutelasoirée…

J’ai bien envie de lui répliquer qu’elle devait s’y attendre, elle aussi, étant donné la profession deMaxime.Maisjem’abstiens.

Farahavraimentl’airtrèsmal.Bienplusquemoi.

Enfait,çamesoulageunpeu.Nonpasquejemedélectedumalheurdemacopine,maisjedoisavouerqu’ilauraitétéplusdifficiledemeréjouirdesonbonheur,àcemomentprécis.

—…Pendantlasoirée,unepimbêcheguindéeestvenuemevoir.Elleaglissédiscrètementdanslaconversation,avecsonairdeMadame:jevoustrouvetrèscourageuse,jenesaispassij’assumeraisdesortiravecunhommequiaunetellefilmographieàsonactif.L’idéequ’onaitpuvoirmonpetitamidanscegenrede…situations…jenesaispas…jeneseraispastrèsàl’aise….Elles’estmiseàrirebêtementaprèsça.

Jehausselesépaules.

—Farah,tusavaiscequ’ilfaisaitcommemétier.Etcettefilleestjustejalouse…

Çanem’étonneraitpasqu’ellesoitroussetiens!

—Tucomprendspas!Elleaditçacommes’ilavaitjouédansdesfilms!

—Ooooh!Ettucroisquec’estvrai?

—Écoute,ilfautquetum’aides.J’aibesoind’enavoirlecœurnet.

—Jeveuxbien,maisqu’est-cequetuveuxquejefasse?

Elleva chercher son sac àmaindans lapetite armoirederrière le comptoir.Farfouillependantunebonneminuteavantd’entirerunepiledeDVDqu’ellerevientposersurmonbureau.

—Jesupposeques’ill’afait,c’estdansunedesesréalisations.Jenesaispas…pour…remplacerunacteurmalade,parexemple?Çadoitbienarriver,non?

Je ne suis pas experte en la matière, mais oui, je suppose que ces comédiens tombent maladesfréquemment.Ungrosrhumeesttrèsvitearrivé,surtoutquandonjouenu,dansunhangarpaschauffé.Etpuis,lesphénomènesdecontagiondoiventêtrequelquepeudécuplésdanslemilieu…

—Ducoup,j’ailouétouslesfilmsqu’ilaréalisésquej’aiputrouver!

JescrutelapiledeDVDdevantelle.

—TuvastefairedouzefilmsX?!

—Non,tuvaslesregarder!Jepeuxpasfaireça.J’yarriveraipas.

…?!

Jenerépondspastoutdesuite,attendantlemomentoùmonamiemedira:Maisnon,jeplaisante!

Maisriennevient.

Paslamoindreébauchedesourire.

Merde!Elleestvraimentsérieuse!

—Certainementpas!Necomptepassurmoi!T’esfolle?J’saismêmepasàquoiilressemble!

—J’aiapportéunephotodeluijustement.

J’écarquillelesyeuxquandjevoismonamiesortirunephotod’identitédesapoche.

Elleatoutprévu!

—Tupourraispassimplementregarderlegénériquepourvoirsisonnomapparaîtdanslacatégorieacteurs?

—J’yaipensé,maistusaisbienquecesacteursutilisenttoujoursunpseudonyme!

Ahbon?

JeprendsundesDVDdanslapilesurlebureau.

Jelisunnomauhasard.RoccoLove.

Ahoui,effectivement,ilyadeschancespourquecesoitunpseudonyme.Sinonilfautfaireunprocèsauxparents!

—Etluiposerlaquestion?Toutbêtement?Tucroispasqueçaseraitplussimple?Surtoutpourmoi!

—Tuneluiasmêmepasdemandésonnomdefamille,àAxel!

—J’voispaslerapport!

—Allez,s’ilteplaît!J’aivraimentbesoindesavoir.S’ilaréellementjouédansundecesfilms,c’estqu’ilm’amenti.Mêmesijeluiposedirectementlaquestion,commentêtresûrequ’ilditlavérité?Ya

quetoiquipeuxm’aider,mesupplie-t-elle.

Ellemeregardeavecunairdechienbattu,toutentriturantsonpendentifenformedecroix.

JecapitulecommeàchaquefoisqueFarahm’imploreaveccesyeux-là.

—OK,çava.Jevaislefaire.

Ellemesauteaucouetmecolleunbaiserappuyésurlajoue.

—Merci!Merci!Jeterevaudraiça!Demande-moin’importequoipourtonAxel,jeleferai!

—Nerêvepas!Jenevaispasteramenerunevidéodeluiàpoil!

Farahsouritpuisredevienttoutàcoupsérieuse,commesielleprenaitconsciencedel’enjeu.Jedevinesonangoisse.

—Etsijamaisjelevoyaisdansundeces…chefs-d’œuvre,ceseraitvraimentgrave?

—Çavoudraitdirequ’ilm’amentietquejenepeuxpasavoirconfianceenlui,répond-elle,levisagefermé.

—Maiss’ilnelefaitplus?Onatousledroitdefairedeserreurs,non?

—Deserreurs,oui.Mentir,non!

Aufond, jemedemandesimonamien’espèrepasunpeuqu’ilne luiaitpas toutditdesonpassé.Commeça,elleauraitunprétextepourlequitter.

Farahdits’inquiéterdelaréactiondesesprochess’ilsapprenaientqu’ellesortavecunréalisateurdefilmsX,maisjesaisbienquec’estàellequel’activitédeMaximeposeleplusdeproblèmeséthiques.Pourtant,ilsemblelarendreheureuse.

Espéronsqu’ellesaurafairelapartdeschoses.

**

Regarder des DVD cochons pendant trois heures d’affilée a des avantages, mais aussi des

inconvénients.

D’abord,pourme laisserme...concentrer,Farahs’estoccupéede tousmes rendez-vous,ycomprisceluidemadameBasson,quienprenduntouteslessemaines.

Elle dit chercher une maison depuis deux ans, mais nous avons bien fini par comprendre qu’ellecherchaitsurtoutdelacompagnie.

Ensoi,ceseraitplutôttristeetnousserionsprêtesàl’accueillirgentimentsicettevieillefemmen’étaitpaslapiremégèrequenousayonsjamaisconnue!

Parfois,silesgenssontseuls,c’estqu’ilyadebonnesraisons!J’aidoncéchappéauxsarcasmesdemadameBassonetàuneaprès-mididelabeur.Ça,c’estpourlalistedesavantages.

Côté inconvénients, je ne peux plus regarder mon tube de rouge à lèvres sans en éprouver del’excitation,nicroiserunclientàlamachineàcafésansl’imaginertoutnu.

Évidemment,jepasselesfilmsenaccéléré,maiscontretouteattente,certainss’avèrentpresqueplusstimulantsenavancerapide.

Jedevraispeut-êtreenparleràMaximelejouroùjelerencontrerai…

Pourl’instant,jen’aivunisonvisageniaucuneautrepartiedesonanatomiedansaucundesDVDquej’aivisionnés.

Ouf!

JesuisentrainderegarderDesperateSexWives,dontlescénarioressembleàs’yméprendreàceluidesVisiteuses, lorsquemonportable semet à vibrer surmonbureau.Des images torrides accaparentinstantanémentmonespritàcesimpleson.

Ilfautvraimentquejefasseunepause.

*Onsevoitcesoir?

Tiens,unrevenant!

Pourquiilseprend?Etpourquiilmeprend,moi?

J’aibienenviederefuser.

Jedoisrefuser.

Jevaisrefuser.

J’attrapemonportablepourl’envoyerbouler,maisc’estcommesimonpouceseretenaitdetaperlemessage.Est-cequeçaneseraitpasl’occasiondeluidemanderlesréponsesàtouteslesquestionsquejemeposesurlui?

Oui,jevaisfaireça.

Jevaislerevoir,maisuniquementpourluifixerunultimatum.Ildevramedonnerdesdétailssursavieet des explications sur son comportement, sinon je le dégage ! Je trouve mon propre prétexte trèsconvaincant,maismonentrejambetoutémoustillétrahitmesvéritablesintentions.

*OK.Chezmoi.21heures.

Letempsderangerunpeu.

*C’estoùdéjàcheztoi?Uneadresse?

Quiaditquelesfemmesn’avaientpaslesensdel’orientation?

*12SquareArthurRimbaud.

Soudain,monattentionestattiréeparunhommesurl’écran.

Ilporteunecasquette,mais…mesyeuxnecessentde fairedesva-et-viententre laphotod’identitéposéesurmonbureauetl’imagesurmonordinateur.

Çaluiressemble…

Ouais,ondiraitpresquesonsosie…

Uneminute…

Oh,non!C’estlui!

Ausecours!Qu’est-cequejevaisbienpouvoirdireàFarah?

Stop!Nepascéderàlapanique!Ilfautquejemecalme.Ilfaitpeut-êtreseulementdelafiguration.Unlivreurquidonneuncolisàlafemmeàmoitiénue.Riendeplusnaturel.Ilvaluifairesignerunreçu

ets’enaller.

J’aivutropdefilmsdecegenredurantlesdernièresheurespourcroirevraimentàcescénario,maisjemeraccrocheàcetteidée,priantpourqu’ilnesedéshabillepas.

Ilretiresaveste.

Il a peut-être seulement chaud.Oui, il doit faire chaud chez la dame, sinon elle ne serait pas vêtueainsi.Ilvaluifairesignercefichureçu,remettresavesteetpartir.

À l’écran,Maximes’approchede la femmeet commenceà l’embrasser touten lacaressant sous sanuisette.

Quoi?!Etlecolisalors?!Etlereçu?!

Jemerefuseàenvoirplus.J’éjecteleDVDenappuyantàl’aveuglesurlebouton.Del’autremain,j’ai cachémesyeuxpournepas avoir à regarder…des trucsdontFarahdevrait être la seule à avoirconnaissance!JeremetsleDVDdanssonboîtieretlepousseleplusloinpossibledemoi.

Jemeprendslatêteentrelesmains.

Horsdequestiond’annoncerçaàFarah!J’ensuisincapable.Elleseratropdéçueettropgênée!

C’estmonamie,jen’aipasenviedelavoiranéantieethonteuse.

Non,jenepeuxpasluidireça!

Detoutefaçon,jenesuispascertaineà100%queçasoitlui.

Ilapeut-êtreunfrèrejumeaudontilignorel’identitéetquifaitjustementluiaussidansleporno?

Çaarriveplussouventqu’onnelecroit!

Etpuis,jen’aipasvulasuite…Peut-êtrequ’ilremetlesmainsdanslespochesdesonjeansetrepartaprèsavoirfaitsignercefichureçuàlajeunefemme!

Jeréfléchisuninstant,puispousseunprofondsoupirenlaissantretombermonfrontsurlebureau.

Ilfautquejeluidise.

Farahmefaitconfiance.

Detoutefaçon,jenesaispasmentir.Àl’instantoùjelacroiserai,macollèguem’arracheralesversdunez!Siseulementjepouvaistrouveruntrucpourrendrelarévélationmoinsbrutale.Jen’aimêmepasunerouquineàaccuser!

Laplaie!

Pourquoiest-cequej’aiacceptédefaireça,déjà?

DirequejesuggéraisàVanessad’apprendreàdirenon…

Etmoi?Quandest-cequejem’ymets?

**

Axel

Jesuisassisparterre,adosséautroncd’ungrandchêneduparcquiencadrelamaisonderepos.

Monportabledanslamain,moncarnetrougesurlesgenoux,jerecopiel’adressequeJennifervientdem’envoyer.Jen’aiplusqu’àespérerquejen’oublieraipasdel’ouvrircesoir.

Vousfaitesdesprogrès,m’aditledocteurDelman.

Desprogrès,vraiment?J’aiplutôtlesentimentderégresser.Maisqu’importe,puisquejenesuispascertaind’avoirenviedeguérircomplètement.Direquej’occupaisunposteàhauteresponsabilitédanslafinance il y a encore quelquesmois.Aujourd’hui,mes journées se résument à discuter avec de vieuxgrincheuxetàprendredescoursdecuisine.Toutàl’heure,j’airéussiàmesouvenirdetroisingrédientsàallerchercherdanslefrigo.

LefameuxprogrèsdontparleledocteurDelman.Alorsquelaveille,jen’étaisparvenuàretenirquedeuxproduitsentrelemomentoùj’aiquittélacuisineetceluioùj’aiatteintlesréfrigérateursentreposésàlaréserve,àl’arrière.

Monaccidentaendommagémamémoireimmédiate.Jemesouviensenrevancheparfaitementdemavied’avant:montravail,dontj’aigardélestylevestimentaire,mesnombreusesconquêtes,maréussitesociale…Jerefusededevenirunautrehomme.

Certes,j’aidespetitssoucisdemémoire,etalors?

N’est-cepascequej’aitoujoursvoulu,aufond?

J’ai toujours été celui qui était capable d’escroquer un client légalement sans éprouver lemoindresentimentdeculpabilité.Jeflirtaisavecdesfilles,couchaisavecelles,oubliaisleursnomslelendemainmatin. Finalement, mon accident ne m’a apporté qu’un prétexte pour pouvoir faire tout ça sans quequiconquenepuissemelereprocher.Sijen’étaispasathée,j’enviendraisàmedemandersiundiablenemepuniraitpaspourtoutesmesfrasquespassées.Ouplutôtsiunangen’auraitpasaccédéàmesvœuxlesplusintimes.Jeveuxprendrecequ’ilm’arrivecommeunechance.

Mafamillem’adélaissé.

Tantmieux,jen’aipasbesoindecesringards.Ilsm’ontplacédanscetétablissementcar,vivantseul,jereprésente,paraît-il,undangerpourmoi-même.

Jepeuxoublierquej’aimisquelquechosesurlefeu,allerquelquepartetneplussavoiroùjemerendsencoursderoute…

Il n’y avait pas d’autre endroit oùm’envoyer, car il existe très peu de centres spécialisés pour lespersonnescommemoi.

Mêmepourlesriches!

J’attends donc ici qu’une place se libère dans un établissement parisien. Les exercices du docteurDelman sont censés me permettre de retrouver peu à peu mon indépendance en attendant. Mais lesaméliorationsévoquéesparlemédecinnesontpasassezfulgurantesàmongoût.

Jesuisimpatient.

Ilnememanqueplusquedepouvoirvivreànouveauseulpourêtretoutàfaitheureux.Jen’aiplusderesponsabilités,plusdecomptes à rendre àpersonne.N’est-cepas la liberté à laquelle aspire chaquehomme?

Je me suis fixé des règles pour profiter au mieux de ce don qui m’a été octroyé : je ne doism’encombrerd’aucunsentiment,d’aucuneattache.

J’ai l’impression de démarrer une nouvelle vie où aucun demes actes n’a de conséquences. Seuleombreautableau:cettefemmequej’airencontréeàlamaisonderetraite.Sonimagepersistedansmonesprit.

J’étais persuadé qu’après avoir couché avec elle, je l’oublierais comme toutes les autres,mais sonsouveniraccaparemespensées.

Putain!

Jen’arrivepasàmerappelerquej’aimisduparfumilyamoinsdetrentesecondes,maiscettefemmeque j’aimerais oublier, qu’il faudrait que j’oublie, squatte la dernière parcelle disponible dans mamémoire,sansyavoirétéinvitée!

Jemerappelleparfaitementnotrenuittorride.

Tropparfaitement.

Danslesmoindresdétails.

Legraindesapeau,sonodeur,songoût…

Sentantl’excitationpointerdansmonpantalon,jechassevivementcespenséesobscènesdemonesprit.

Detoutefaçon,leproblèmeserabientôtréglé, jevaispasserunesecondenuitavecelleet jefiniraibienparmelasser.Jetentedem’enpersuader,maismapertedemémoiren’affectequelesévénementsquiviennentde seproduire.Leplus souvent, jepeuxoublier les trentedernières secondesdemavie,voireplusieursminutes,maisjamaisplus.

Unepetitevoixaufonddemoiessayedem’avertir.

PlustuverrasJennifermonpote,plusellet’obsédera!

Commeàmonhabitude, je choisis de l’ignorer.De toute façon, je n’arrivepas à lutter contre cetteenvieirrépressibledelarevoir.Aupire,elledevinerabienqu’ilyaquelquechosequiclochechezmoietpartiraencourant.Jem’étonned’ailleursqu’elles’intéresseencoreàmoi.Ellem’aapprisquejeluiavaisposéunlapin.Jenemesouvenaismêmeplusquejeluiavaisdonnérendez-vous.

Quellefemmesupporteraitça?Sansdoutenel’avais-jepasnotédansmoncarnetouavais-jeoubliédel’ouvriretdelelire.

Jepourraisaussimettredesalertessonoressurmonportable,maisledocteurDelmanledéconseille,carjedoisentraînermamémoire.

Etpuis,ilfaudraitdéjàquejen’oubliepasconstammentmontéléphone!

En plus, j’ai dû lui poser vingt fois les mêmes questions. Je ne peux quandmême pas sortir moncalepinpendantunrencardetécrireunrapporttoutenprenantunverreavecelle!

C’estsûr,cettehistoireavecJenniferserabientôtdupassé.

Jetentedemeconvaincrequec’estunebonnechose,maisnepeuxm’empêcherdetournerlespagesdemoncarnetpourreveniràcelleoùjel’aidessinée.

Mesdoigtsglissentsurlepapier,tracentlecontourdesonvisageangélique,s’attardentsurseslèvres.

Putain!Ilfautquejemesortecettefilledelatête!Ilfautquejesorted’ici!

Commentoccupermonespritàautrechosedansunendroitpareil?

Pendantquej’accuselamaisondereposd’êtrecoupabledemessentiments,lapetitevoixrevientàla

charge:

«Écoute,cetendroitn’yestpourrien!Tupourraisêtreàdésmilliersdekilomètresavectouteslesactivitésdumonde,queçanechangeraitrien!Tul’aurastoujoursdanslatêtemongars!»

Oui.Jel’aidanslapeau.

Jelaressensjusquedansmesorganes.

**

Jennifer

Ilest21heures30.

Jem’impatienteenattendanttoujoursAxelchezmoi.

Notepourplustard:sinoussommestoujoursensembleàNoël,luioffrirunemontre!

EncoreensembleàNoël?Onn’estmêmepasensemblemaintenant,alorsqu’onavaitrendez-vous!

IlesttempsderedescendresurTerre!

Jemereprochemabêtise,enfaisantlescentpasdansmonloft.Pourl’occasion,j’airevêtumarobebleueélectrique.Celledanslaquellejenemedéplacepascommeunmanchot…etquiseraplusfacileàrelever…Pourça,ilfaudraitqu’ilsedépêcheunpeu!

Jesensmalibido,pourtantboostéepardesheuresdevisionnagepornographique,retomberàmesurequelesminutess’égrainent.

Jevérifiemontéléphoneportablepourlaénièmefois.

Pasdemessage.

Pasd’appel.

J’aienviedeHURLERdefrustration.

C’estsicompliquédepasseruncoupdefil?Oudetaperquelquesmotssurunclavier?Cen’estpassorcier!J’aimêmeréussiàlefairependantquejemataisunfilmporno,toutàl’heure!

ÀcourtdeNutella,jemesuisattaquéeàmesongles.J’aiunecrampeàlamainàforcedetenirmonportable.Jerelèvelesyeuxverslapendule.

21heures45.

Jesoupire,nesachantplus trèsbiensi j’aimeraisque le tempspasseplusviteouaucontrairequ’ilrecule.

Si,réflexionfaite,jevoudraisqu’ilnesoitque20heures45.Commeça,Axelneseraitpasencoreenretardetjen’auraispasperdutoutedignité!

Lasonneriedel’interphonem’arracheàmespensées.Jemelèved’unbond, lissemarobe,humectemeslèvres.J’airetrouvélesourireenunclind’œil.Àpeinetroisquartsd’heurederetard?

C’estpassigrave.

Ilasûrementétéretenuautravailouprisdanslacirculation…Lepauvre.

Ildoitêtreaffreusementembarrasséaprèslelapinqu’ilm’aposélapremièrefois…

Jedécrochelecombiné.

—Jen?Jenetedérangepas?T’esseule?

Farah!

Je lui ouvre et m’écroule sur mon canapé. Elle me retrouve avachie lorsqu’elle entre dansl’appartement.

—Jetedérange!T’attendaisquelqu’un?s’exclame-t-elleendécouvrantmatenue.

Elleesquisseunpasenarrière,faisantminederepartir.

—Reste.Ilneviendrapas.

—Axel?

—Ouais.

—Maisqu’est-cequinetournepasrondchezlui?

—Samontre!

Farahdécocheunlégersourire.Jeremarqueseulementalorssesyeuxbouffis.

—Qu’est-cequ’ilt’arrive?C’estcettehistoiredefilmsolé-oléquitemetdanscetétat?

—Ons’estdisputés.C’estfini.

Ellerenifle.

—Oh,jesuisdésolée.

Jeprendsmonamiedansmesbras.

—J’avaisprévuunebouteilledechampagnepourmonrendez-vous,çatetente?

Farahhochelatêtealorsquejemesuisdéjàlevéepourallerlachercher.

—Moiaussi,jesuisdésoléepourtoietAxel.

Jefeinsl’indifférence.

—Pff. Il fautpas, j’aipasséplusde tempsà l’attendredepuisnotre rencontrequ’avec lui !Àpartpeut-êtrequandonestrestésbloquésdanslemêmeascenseur!C’estbienqu’ilyauntrucquicloche!

Jeremplisdeuxflûtesàrasbord.

—Cequejenecomprendspas,c’estpourquoiilmerappelleàchaquefois,s’iln’apasenviedemevoir?

Farahhausselesépaules.Visiblement,ellen’ensaitpasplusquemoi.

Mon portable semet soudain à sonner.Aussitôt, jeme jette dessus, sous le regard narquois demacopine.

Au moment où je découvre le message sur l’écran, Farah voit mon excitation retomber comme unsoufflé.

—C’estpasAxel,c’estça?devine-t-elle.

—Non.C’estuntextodeJérémy.Apparemment,luietlarouquinec’estdupassé.Jeluimanquaistrop.

Jerelèvelatête.Nousnousregardonsetreprenonsàl’unisson:

—Ellel’alargué!

Évidemment,unerouquine,çanesefaitjamaislarguer!

Nouséclatonsderire.

—Leshommessontsiprévisibles!constateFarahaprèsavoirretrouvésoncalme.

Jehausseunsourcil.

—Oui.Bon.Jeteleconcède,pastonAxel,maislesautres,si!

—Maximemesembleêtretoutsaufprévisible,osé-jeàvoixbasse.

—C’estunmenteur!C’estunecaractéristiqueassezprésumablechezleshommes,jetrouve!

Jen’insistepas,redoutantlesaccèsdecolèredemonamie,toutaussitonitruantsqueseséclatsderire.

C’estautourdutéléphonedeFarahdesonner.

Lapropriétaireduportablepartfrénétiquementàsarecherchedanssonsacàmain.

J’enprofitepourluirendresonsouriremoqueurdetoutàl’heure.

Si leshommesontdes réactionsprévisibles, il semblebienquedanscertainscas, les femmesaussiadoptenttoutesuncomportementsimilaire.

—Max?

—Manon.

Ellebasculesontéléphonesurhaut-parleuretlessanglotsdelajeunemamanemplissentl’appartement.

Au milieu des reniflements, spasmes et larmes, nous comprenons queManon est au bord, ou plusexactementenpleinmilieu,delacrisedenerfs,nesupportantplusd’êtreenferméeàlamaisonàjouerlesmèresparfaites.

Chacunenotretour,nousdécrivonsnotresituation,rendantcellesdesautresunpeuplustolérables.

Fousrires,larmesdejoie,depeineetgorgéesdechampagneaugoulot.

—VirtuellespourManon!lesabsentsonttoujourstort!déclare-t-elle,provoquantunenouvellecrisederiresesuccèdentàunrythmeeffréné.

Àlafindelasoirée,Farahdécrocheletitredelarelationlapluscocasse,Manonl’oscardelafemmelapluscourageuse-et-pleurnicheuse-en-même-temps,etj’obtiensuncésard’honneurpouravoirréussiàentretenirunerelation–certescourte–avecl’hommeinvisible!

6

Révélationsetcomplications

Jennifer

Jemeréveilleaveclagueuledebois.Dumoins,c’estl’impressionquej’ai.Pourtant,jen’aibuqueduchampagnehiersoir.J’aitoujourspenséquecen’étaitpasuneboissontrèsalcoolisée…

Oupeut-êtrequecesontlesbullesquimefontundrôled’effet…

Oubienjesuisjustecrevéed’avoirbavassétoutelanuitaveclesfilles…

Àmoinsquejen’aiepasassezmangéhier…

Peut-êtrequelefiascoAxelmefilelamigraine…

Peut-êtrequejeferaismieuxd’arrêterdemeprendrelatêteetd’avalerduparacétamol!

Jemeredressedansmonlit,grognantdel’effortsurhumainquecelaimplique.Jebâilleexagérémentpuis passe une main dans mes cheveux ondulés.Mes doigts restent coincés dans mes mèches brunesemmêlées.

Jegrimace.

Macheveluremi-longueestpleinedenœuds, rappelantcelled’unepoupéevictimedesexpériencesd’unefillettesadique.Jelisseunemècheentremesdoigtsetlaplacedevantmesyeuxrougisetencoreàmoitiéclospourl’étudier.D’unpointdevuestrictementcapillaire,j’aitouthéritédemamère.Celle-cine cesse deme répéter quemesondulations sensuelles et sauvageonnes sont une arme de séductionredoutable.Maislorsquej’essayedelesdompterenchignonpourunesoiréespéciale,j’endoute.Etcematinplusquejamais.

J’aperçoisdemesyeuxbruns,voilésparlafatigue,desrésidusnonidentifiésdansmescheveux.Peut-êtredeséclaboussuresdechampagneséchéesoudessécrétionslacrymalesdeFarahquis’estsansdoutemouchéedansmacrinière.

Réflexionfaite,ilyapluspresséquemamigraine.

Ilmefautunebonnedouche.

Etdeuxcouchesdeshampoingdémêlant!

Toutencontinuantàbâiller,jemelèveetmediriged’unpastraînantverslasalledebains.Jepassedevantlemiroir.Monvisagen’arienàenvieràl’étatlamentabledemescheveux.Lemascaraquiacouléendessousdemonœilaccentueencoremescernes.Dumoins,j’oseespérerquelesaffreuxtraitsnoirsquimarquentdeuxgrossespochessousmonregardsontbiendesrestesdemaquillagecarj’auraisbeaudévaliserSephora,jen’auraisjamaisassezd’anticernespourcachertoutça!

Jetiensmamauvaisecirculationsanguinedemonpère.

Oudemagrand-mère.

Oudemonarrière-grand-mère.

Entoutcas,ducôtépaternel.Mamèreestcatégorique.Toutcommepourlacellulite.

Bon,pourêtrehonnête,surcecoup-là,jenesuispassûredepouvoiraccusermonpèrenonplus,nimêmelesfemmesdelafamilledecedernier.

Jeparieraissurl’ADNdévastateurduNutella!

Jeretiremonvieuxpyjamadedéprimeetleposesuruneétagèreàcôtédulavaboplutôtquedanslepanieràlingesale.

Ilpourraitencoreserviraujourd’hui.

Aujourd’hui?

Queljouronest,d’ailleurs?

Ahoui,vendredi.

EspéronsqueFarahsesoitréveilléeplustôtquemoipourouvrirl’agence!

Jemedépêchetoutdemêmedemepréparerdansl’hypothèseoùmacollègueseraitaussivictimedeseffetsdesbullesdechampagne.

**

Lorsque je passe la porte de l’agence immobilière, je retrouve Farah, fidèle au poste, en traind’essuyerdelapoussièreimaginaireàl’aidedesonchiffonfétiche.

Là,surleseuildelaporte,j’aialorsunerévélation:çan’auraitpaspumarcherentreMaximeetelle.Farahestbientropàchevalsurlapropreté!

Lerapportestbienlà!Leshangarsfroids,poussiéreux,lesmicrobesquisetransmettentàlavitessedel’éclair,lespoignéesdemainaveclesacteurs…Ilauraitfalluqu’elleinstalleunsasantibactérienàl’entréedesonappartement.

J’inscriscetargumentdansuncoindematêtepourquandilseratempsderassurerFarahsurlebien-fondédesaséparation.

Jeculpabiliseunpeudeleurrupturepuisquec’estmoiquiaidûrapporterlesexploitsdesonJules.

Mais pour l’instant, Farah n’en est pas aux regrets, elle est dans la phase grand nettoyage, au senspropre,commeaufiguré.

Ellefaitleménagedanssavie.

Jeferaisbiend’enprendredelagraine.

Pourquoichezmoi les soucis rimentavecpyjamadedéprime,exil surcanapéetgavageauNutella,tandis que chez d’autres, à l’instar de Farah, un coup de blues est synonyme demaniaquerie, grosseremiseenquestionet…

Oh!Mesyeuxseposentsurlecrâneentièrementrasédemonamie.

…nouvellecoupe?Waouh!

Commentj’aifaitpournepasremarquerçadèsquejesuisentrée?

—Çatevabien,cettenouvellecoiffure!

Onneditpaslecontraireàunecopinesortantàpeined’unerelationamoureusecompliquée.

N’empêchequecettenouvelletêteluivabien,pourdevrai!Elleparaîtrajeunieetressembleàune

Rihannasûred’elleetrebelle.Lacouleurébènedesoncrânebrilleautantquelesbibelotsqu’elleastiquedepuisplusieursminutes.

—Ahoui,ça…,j’avaisenviedechangerdetête.

Ellearépondusurletondésinvoltedelafillequis’estjustecoupélespointes.Saufquechezellelespointesenquestionfontvingtcentimètres!

Etquandest-cequ’elleapuavoirletempsdechangerdetête?

Jenotementalementderedemandersonnumérodetéléphoneàmonamieaucasoùelleauraitchangédecoordonnéesetdéménagépendantlanuit!

Aumoins,ellesembleavoirgardélemêmejob!

—Jemesuisditqueçaseraitplusfaciled’entretien,poursuit-elledumêmetondétaché.

Jenebronchepas,argumentincontestableoblige.

Jemarque uneminute de silence.En souvenir de celle qui fut la seule personne à comprendremesgalèrescapillaires:macopineFarahavecsescheveuxcrépus.Puissent-ilsreposerenpaix.

Oumieux,menerunesecondeexistencesur la têtede fêtardsayant fait l’acquisitiond’uneperruqueafroàlaJacksonFive!

Amen.

Maminutedenostalgiepassée,jem’installeàmonbureaupourtravailler.Ilfautbienlefairedetempsentemps,etl’activitéauralemérited’occupermonesprit.

Aprèstroisbonnesheuresdegestionadministrative,entrecoupéesdequelquesappels téléphoniques,j’ailasensationd’avoirlesidéesaussirangéesetclairesquemonbureau.

J’entraperçoisquelquesinstantscequecedoitêtredevivredanslatêtedeFarah.

C’estpasmal…

Calme…

Trèscalme…

Maiséreintant!

Etpuisonfaitquoi,quandonestuneFarahetqu’onaremischaquechoseàsaplace?

Je déteste cette sensation de vide que je ressens en cemoment. L’image d’un pot deNutella géants’imprimedansmatête.

PassifaciledejouerlesFarah…

Que ferait-elle à ma place maintenant ? Je ne vais quand même pas me tondre les cheveux, si ?N’importequoi!

Jedeviensfolledeseulementsongeràunebêtisepareille!

Lecrâneraséc’estcommelesrobesbustier,lespiercingsetlaponctualité:çavatrèsbienàcertains,maissurmoi,ilyamanifestementincompatibilité!

Pas besoind’en avoir fait l’expériencepour être convaincue.Unpetit peud’imagination suffit. J’aijuste besoin deme visualiser avec la boule à zéro pour décréter que ce n’est définitivement pas unebonneidée.

Mêmelavision,pourtantfortplaisante,delatêtedemamères’étirantdeplusieurskilomètresenmedécouvrantainsinepeutpasmefairehésiter.

Tropmoche!

Pourvuquejenedoivejamaissubirderadiothérapie!

Quoi!?

Voilàquejedevienscomplètementsuperficielle!

Ausecours!

Fidèle àma philosophie de vie basée sur l’équilibre entre les bonnes et lesmauvaises actions, jedécidederendrevisiteàmongrand-père,avantquemoncerveaunecommenceàdouterdemavertu.

J’avertis ma collègue de mon intention de quitter l’agence pour l’après-midi. Information que lebourreaudetravailaccueilleaveclesourire.Voiredusoulagement.

Jesaispertinemmentque j’auraisàpeinerefermélaportederrièremoiquemonassociéedégainerasonchiffon.

Quandelleestdanscetétat-là,riennel’arrête.

Jesongeuninstantquecen’estpastrèssagedelalaisserseulepourtenirlebureau,elleseraitcapabled’essuyerunclient!MaislebrasdeFarahcommenceàfourmillerd’impatienceetjen’aifinalementpaslecœuràlapriverdesonménage.

Enchemin,j’appelleLéonpourleprévenirdemavenue,histoiredenepasrevivrelemêmescénarioqueladernièrefois.

Oupire.

Lesdeuxamoureux,nusdanslachambredemonpapy!

Brrr…

J’enaidesfrissonsrienqued’ypenser.Jeneseraipasàlamaisonderetraiteavantquinzeminutesaumoins.Largementdequoiserhabiller,mêmequandonsouffred’unpeud’arthrose.

Parhabitude,jemeremetsdurougeàlèvrestoutenconduisant.

Mongrand-père,distraitparsanouvellepetiteamie,neleremarquerasûrementpas,maisqu’importe.

Alorsquej’arrivesurleparkingdelamaisonderepos,destrombesd’eaus’abattentsurmavoiture,résultatsd’unematinéedechaleurécrasante.

Jeme gare au plus près du bâtiment,mais je n’ai pas de parapluie et les quelquesmètres quimeséparentencoredel’abrisuffisentàtrempermesvêtementsetmescheveux.

J’entre dans l’établissement avec précipitation. Des gouttes d’eau ruissellent de mes cheveux etmouchettentlamoquettedansl’entrée.

Onpourraitmesuivreàlatrace.

Laréceptionnisteassiseà l’accueilne lèvemêmepas lesyeux.J’avancevers legrandsalonoùj’ai

convenuderejoindreLéon.

J’aimistoutesleschancesdemoncôté:appelquinzeminutesenavance+rendez-vousdansunlieudevieouvertàtouslesrésidents=limitationdudangerdetombersurunesituationgênante.

Saufquejen’avaispasprévuquemontee-shirtblancsoittrempéparlapluie.

Pourlecoup,c’estmoiquirisquedeprovoquerunmomentembarrassant!

Letissumouilléestplaquésurmapoitrinegénéreuseetestdevenutransparent,dévoilantmonsoutien-gorgerouge.Dansmatête,j’entendslavoixdemamèremesermonner.

Oui!Jesuisaucourantquesousdublancçanesefaitpas,maisjen’avaisplusqueçaàmemettre.Etoui,c’estvraiqueçan’arriveraitjamaisàFarah,évidemment!

Jechasselavoixdemamèredemonesprit.Décidantd’assumer,j’avancelatêtehautecommesiderienn’était,priantintérieurementpourquelagrossemajoritédesrésidentssoientàmoitiéaveugles.Jenedemandepasla lune,après tout, jesuisdansunemaisonderetraite!Heureusement, legrandsalonestpresquevide.

Léonestattabléaufonddelapièceetétudielejournalquotidien.

Unevieilledametricotedansunfauteuilcapitonnédanslecoinàgauche.

Unmonsieurroupillelaboucheouvertesurunautresiège.

Àmoinsque…

J’avance,unpeuinquièteetpassedevantlevieilhomme,lessourcilsfroncés.Unronflementtonitruantmesurprendetmefaitsursauter.

Ouf,ilestenvie.

Léonrelèvelesyeuxdesonjournalenentendantmestalonsserapprocher.

Sonvisages’illumine.

Malgrésonâge,ilaconservédestraitsenfantins:unpeujoufflu,desfossettesetdesyeuxtrèsclairs.Soncrânedégarnietsonairinnocent—maisj’aiapprisàmesdépensqu’ilnefallaitpass’yfier—finissentdeluidonnerunealluredepouponqu’onaenviedecajoler.

Je l’embrassesur la joueavantdem’asseoiren facede lui.Nousdiscutonsdu tempsqu’il fait,desderniersragots—quel’aventuredeLéonavecuneautrepensionnairedoitbeaucoupalimentermêmes’ilsegardebiendem’enparler—etdesactualités.

Unsilences’installeunpeuplustardetjelaissemonattentions’égarerunpeu.

—Iln’estpluslà,dit-ilsoudaindesavoixéraillée.

—Comment?Quiça?répliqué-jeenleregardantdenouveau.

—Lejeunehomme.Axel…ouquelquechosecommeça…

Axel?

Moncœurfaitdesbondsdansmapoitrine.Jetentederestercalmemalgrél’agitationquis’estemparéedemoisubitement.

Commentmongrand-pèreleconnaît-il?

Pourquoimeparle-t-ild’Axel?

Etqu’est-cequ’ilveutdirepar:iln’estpluslà?

Est-cequ’ilvientdepasseretqu’ilsontfaillisecroiser?

Est-cequ’ilmecherchait,moi?

OK!Ilfautquejecommenceàréorganisermespensées.Unequestionàlafois.

—TuconnaisAxel?demandé-jesurletonleplusdétachépossible.

Espéronsquelegènedediscrétionnesoitpashéréditaire.SimonintérêtpourAxeltransparaîtautantdansmavoixqueceluideLéonpoursanouvelleamiedanssesyeux,alorsjepeuxaussibiencrierdansunmégaphonequej’aicouchéaveclui!

Commepourjouerunpeuplusavecmesnerfs,monpapyprendtoutsontempspourrépondre.

Ilseraclelagorgeetestprisd’unesoudainequintedetoux.

—J’aivuquet’espartieavecluil’autrejour,dit-ilenfin.

Pourladiscrétion,jerepasserai!

J’attendsqu’ilveuillebienm’endireplus,maisjesuisfinalementobligéedelerelancer:

—Maistuluiasdéjàparlé?

—Benoui,jeluiaidéjàparlé!Quandmême,j’suispasunsauvage!Etpuis,ilnousfaisaitunpeudepeine,cepetit,malgrésonsalecaractère…C’estquandmêmemalheureuxd’êtredanscetétatàcetâge…

Dequoiparle-t-il?

Quelétat?

Je choisis de poser une autre question, le temps d’essayer de comprendre ce qu’a voulu diremongrand-père.

—Etpourquoitudisqu’ilestparti?

—Ben,ilparaîtqu’ilsontfiniparluitrouveruncentrespécialisé.Ilsl’onttransféréhiersoiràParis,jecrois.

J’aideplusenplusdemalàsuivrelefildelaconversation.Manifestement,nousnesommespasentraindeparlerdelamêmepersonne,oubienmonpapyLéoncommenceàdevenirsénile.

—Jesuispasdingue,tusais!

Jemerendscomptequejeleregardaisavecunmélangedepitiéetd’inquiétude,commeoncontempleunfou.

Jemeressaisis.

Mongrand-pèreestencoretrèsalertepourquelqu’undesonâge.Cen’estpassanouvellecopinequidiraitlecontraire.

—Ilt’enapasparlé,pasvrai?Pff…C’estunsacrénuméro,cegars-là!

—Parlédequoi,papy?

Maintenant,c’estàsontourdem’observeravecunairattendrietpréoccupé.

—Iladesproblèmesdemémoire.IloublieplusdetrucsqueRené,ilparaît!

René, c’estunamideLéon.Celuique j’ai failli enterrer tout à l’heureparceque je l’aidécouvert,

somnolant,laboucheouverte.

J’aibeaufairedesefforts,jen’arrivepasàfairelacomparaisonentrelevieuxmonsieuràmoitiémortetAxel.

Jemeretournepourobserverleretraitéquisouffred’undébutd’Alzheimer.

Non,décidément,jenevoispaslerapport.Mongrand-pèredoitsetromper.

—Unproblèmedemémoire immédiateapparemment,poursuit cependantLéon. Iloublie surtout lesgestesduquotidienqu’ilvientdefaire.Unefois,ilavidéleballond’eauchaudeenprenantje-sais-plus-combiendedouchesd’affilée! Ilvidesabouteilledeparfumtous lesmatins. Iloubliedeprendresonpetit-déjeunerouilmangetroisfois.Parfoismême,ilnepensepasàs’habiller!

Çayest,çaafaittiltdansmatête.

Oublierdes’habiller.Axelencaleçondansl’ascenseurdelamaisonderetraite!

Toutçaestbienréel!

CequeLéonestentraindemedireestvrai!

J’auraispréféréqu’ilsoitstrip-teaseur!

MonDieu!

Commentai-jefaitpournepasm’enrendrecompte!

Commes’ildevinaitmesquestions,Léoncontinuesesexplications:

—Par contre, il se souvient très bien des choses qui sortent un peu de l’ordinaire et au bout d’unmoment,ilserappelledespersonnesainsiquedeleurshistoires.Ilaseulementdumalàenregistrerlemomentprésent.Drôledemaladie,conclut-ilensoupirant.

Jesuisincapabledeparlerpendantquelquesinstants.Puis,j’essayedemeressaisir.Jeprendscongédemonpapyenprétextantuntrucàfairepourdonnerlechange,maisiln’estpasdupe.

Dehors,l’orageacessé.

Jeremontedansmavoitureetreprendsladirectiondechezmoi.

Je regardeàpeine la route, les imagesdemesdifférentes rencontresavecAxeldéfilantdevantmesyeux.

Notrerencontreàlamaisonderetraite…ilyrésidait!

Son brusque changement d’attitude lorsque nous nous sommes séparés... une absence, trèscertainement!

Lefaitqu’iln’aitpasdevoiture...impossibledeconduiredanssonétat,tropdangereux!

L’oublidemonprénometdenosrendez-vous...lamaladie!

Lecarnetoùilm’avaitdessinée…sonoutilpourpalliersesabsences!

Toutes les pièces dupuzzle s’imbriquent parfaitement.Comment ai-je fait pour être aussi aveugle ?Maisilrestedesquestionsensuspens.Pourquoinem’ena-t-ilpasparlé?Etpourquoinepasm’avoirprévenuequ’ils’enallait?

Les révélations de Léon remettent tout en cause. Je m’étais préparée à pleurer sur mon sort et àvociférer sur la goujaterie d’Axel pendant quelques jours jusqu’à ce que je l’oublie parce qu’un concommeluinevautpaslapeinequejememettedansdesétatspareils.Voilàquemaintenantj’apprendsqu’il avait debonnes raisonspour expliquer soncomportement. Jene saisplusoù j’en suis,maisunechoseestsûre:ilnevapasêtreaussiaiséd’oublierunhommequin’estpassisalaudqueça.

J’enviendraispresqueàespéreravoirlamêmemaladiequeluipourpouvoirpasserplusfacilementàautrechose.

7

Coupdefolie

Jennifer

Au volant demaMini, jeme rends chezVanessa en fredonnant l’un demesmorceaux préférés dumoment.

J’aibaissélavitrecôtéconducteurpourprofiterdel’airrafraîchiencedébutdesoirée.

AdamLevinedesMaroon5s’époumonedansmonautoradioavantdes’évanouirdanslanuittombanteparlecarreauàmoitiéouvert.

Mes cheveux qui flottent dans l’air, j’essaye de profiter de l’instant, d’oublier pour un temps mestracas etmes interrogations. Je neme souciemême pas du vent qui nemanquera pas d’emmêlermesboucles.

Unefoisparmois,nousavonsprisl’habitudeaveclesfillesdenousretrouverchezl’uned’entrenouspourdîner.

Cesoir,c’estletourdelaplusjeune.

Autantdirequ’onnevapasbeaucoupmanger.

Jemesuisresserviedeuxfoisàmidi.Enprévision.

J’ai revêtuune jupecourte légèrementévasée,unhaut impriméà fleursenmousseline,unevesteenjeanetunepairedesandalesàtalonshauts.

Je suisplutôtbienapprêtée,mêmesinousn’avonspasprévudesortir, àmoinsqu’ilne failleallerfairequelquescoursespourremplirlefrigodeVanessa.

Etpuis,mescopinesméritentbienquejefasseuneffortvestimentaire.

Enplus,j’étaistropheureusederemettremonpetittop.J’aienfinregarnimapenderiecetaprès-midiaprèsavoirfaittroistournéesdelessives.Jen’avaispluslechoix,jevenaisderenverserducafésurmonpyjamadedéprime.

Mamèreprétendquejesuisparesseuse,uneautredesnombreusesqualitéssoi-disanthéritéesdemonpère.Maisj’objectequejetravaillemieuxdansl’urgence.Jenesuisjamaisaussiefficacequelorsquejeme retrouve au pied dumur.Déjà, à l’école, lesmeilleures dissertations que je rendais étaient cellesrédigéesd’unetraitelanuitprécédantladatebutoir.

Cesoir,jemesensd’humeurfestive.Quittermatenuenégligée,mepomponner,changerd’airm’afaitleplusgrandbien.

Toutàl’heure,j’aimêmearrêtédesongeràAxel.

Àsoncomportement.

Àsesyeux.

Àsesmains.

Àsabouche.

Jen’aiplusvusonimagependantquelques instantsalorsque jefaisais tournerunemachine, toutenécoutant la télévision, tout en entendant parlermamère au téléphone.Certes, ilm’a fallu saturermoncerveaudebeaucoupdebruitsensimultanépourarriveràlechasserdemespensées.

D’ailleurs,sonsouvenirs’est immédiatement réappropriémonespritdèsqu’unpeud’espaces’yestlibéré. Mais je suis persuadée que c’est un début prometteur. Et j’espère bien que trois copineshystériques, enferméesdansunpetit studio,parviendront à concurrencer leniveau sonore cumuléd’untambourdemachineàlaver,d’unechaînedetélédiffusantdesclipsmusicauxetdelavoixperçantedemamère.

Allezlesfilles,onpeutlefaire!

Çan’estpaslevoisindeManonquidiraitlecontraire.Ilparaîtqu’aprèss’êtreplaintdubruitquenosréunionsfaisaientparfois.Ils’offusquemêmedescrisdubébé,lanuit.Maintenantquej’ypense,j’auraispeut-être dû lui demander d’amener Louise ! En plus, la petite aurait pu régurgiter à nouveau sur samarraine.C’estunspectaclequejeregrettedenepasavoirimmortalisé!

JegaremaMinidevantl’immeubledeVanessaetsorsdemavoituresansoublierlabouteilledevodkaquenotreamiem’ademandédeluirapporter.FarahetManonontdûavoirdroitauxgâteauxapéroetauxsushis.

Ouauxpizzas?

Jetentededevineravecquoipeutbiens’accorderlavodka…maisàpartlapommeetlecaramel,jenevoispastrèsbien.

Soudain,jemedemandedequoij’ail’airentraindemebalader,seule,unebouteilleàlamain,etmedépêched’entrerdansl’immeuble.

Vanessam’ouvrelaporteetm’accueillechaleureusement.Lesinvitéessontdéjàtoutesarrivées.Elleporteunerobenoireultramoulantequiépouseparfaitementsasilhouettesvelteetcontrastejolimentavecsesextensionsblondes.Ellemeconduitdanslesalonoùlesautressontenpleineconversation.

Manon s’estmaquillée pour l’occasion. Jeme penche pour l’embrasser. La jeunemaman est restéeassisesurlecanapé,pressantuncoussincontresonventre.C’estunetechniquequ’elleainventéepourcamoufler sesprétendues rondeurspost-grossesse.Au restaurant,elleutilise lamêmestratégieavec lanappeet lorsqu’ellesepromènedans la rue,ellenesedéplace jamaissanssapoussetteousonporte-bébé,peuimportequeLouisesoitchezlanounou,pourdissimulersonventre.Enrevanche,ellenenousapasencoreditcommentellefaisaitpouralleràlapiscine.

Unebouée?

JesalueaussiFarah,mêmesijel’aivuetoutelajournéeautravail.Puis,pendantquejeretiremavesteenjeanetmemetsàl’aise,macollèguereprendlanarrationdesonanecdote.Ellerestedeboutetfaitdegrandsgestestoutenracontantdesonaccentchantant:

—…Matantem’aaperçuehiersoirdanslarue.Ellen’estpasvenuemevoir,maiselleatoutdesuitevumoncrâneraséet,évidemment,elles’estimaginéquej’avaisuncancer,quejefaisaisdelachimioetque je l’avaisdissimuléà tout lemonde !Etvous savezcommentvont lesnouvellesdansma famille,hein?

Nousacquiesçons,amusées.

—…Donc,quinzeminutesplustard,mamèreétaitchezmoi,pleuranttoutesleslarmesdesoncorps,brandissant la carte de visite d’un soi-disantguérisseurdemaladies incurables et un tas de foulardspourcachermoncrâne!

— Euh… Pardon, mais comment ça peut exister, un guérisseur de maladies incurables ? ironiseManon.

—C’est ce qu’il avait fait imprimer sur sa carte ! Le pire, c’est que j’aimis plus de temps à laconvaincre que je n’avais pas de cancer que la rumeur n’en amis pour faire deux fois le tour demafamille.Etjevousrappellequ’onesttreizefrèresetsœurs,quandmême!J’aipassémasoiréeàfairedesdémentis!J’aimêmepenséuninstantàfaireunepublicationofficiellesurFacebook!Maisavecmafamilleçasertàrien.Butéscommeilssont, ilsseseraientimaginéqu’onavaitpiratémoncompte!Etcommesiçanesuffisaitpas,unefoisrassurée,mamères’estmiseàm’engueulercommec’estpaspermispour leuravoirfoutuunetrouillepareilleetpouravoirosétondremescheveux!Selonelle,Dieum’adonnédescheveuxpourunebonneraisonetjem’exposeàsonchâtiment!

Heureusementqu’ellen’étaitpasaucourantdesactivitésdel’ex-petitamidesafille.

Vanessanoussertdansde jolisverresàcocktailsqu’elleadécorésd’unerondelledecitron. Il fautreconnaîtrequ’ellesaitrecevoirlorsqu’ils’agitdeprendrel’apéritif.

Maisiln’étaitpasquestiondedîner?

J’aibeauregardersurlatable,jenevoisquedeschips.Danslacuisine,lefourestéteint,lesplaquesdecuissonaussietaucuneodeurdevraienourrituren’embaumemesnarines.Apparemment,lavodkasemariebienavec…

Rien!

Hormis…deschipsaufromage!

Ahoui,etunetranchedecitron!

Plus tard, la conversation dévie naturellement sur les déboires sentimentaux de Farah ainsi que lesmiens.Jeleurapprendslamaladied’Axel.

—Waouh!T’asvraimentledonpourdénicherdescasparticuliers!plaisanteManon.

—Lepauvre!Çadoitêtresuperdurpourlui!leplaintVanessa.

—Quoi,lepauvre?Ilauraitquandmêmepuluidire,non?Pourquoiilluiamenti?Iln’avaitpasledroitdeluicacheruntrucpareil!s’emporteFarah,manquantderenversersonverrequ’elletientdanslamaindroite.

Jemedemandesimacopineestentraind’essayerdeprendremadéfenseoubiensielleatransféré

toutesarancœurenversMaximesurmonAxel.

—Tunousasbiencachéquetuavaisuncancer,toi!plaisanteVanessapourdétendrel’atmosphère.

L’effetest réussi.Farahsourit, s’apaiseet s’assiedenfin.Nousnousserrons toutes lesquatre sur lecanapé.J’aisoudaintrèschaudàcausedenotreproximité,deplus,l’alcooljoueenmadéfaveur.Maisc’estunechaleuragréable,enveloppanteetrassurante.Entouréedemesamies,discutantaveclégèretédeleurssoucis,jemesensbien.

AlorsqueFarahs’estlancéedansundiscoursanti-Maxime,Vanessametlespiedsdansleplat:

—Tudevraisl’appeler.

—Quoi!?T’écoutescequejetedisouquoi?Cetypeestlepiredessalopards!

—Non.Ilajustefaituneoudeuxconneriesquandilétaitplusjeuneetilfaitunmétierquet’asunpeudemal à digérer.Personnen’est parfait.N’empêchequ’il était prêt à changerde carrièrepour toi.Etsurtout,t’escomplètementaccroàlui!Çacrèvelesyeux.

Farahenrestebouchebée.Ellenousregarde,Manonetmoi,par-dessusl’épauledeVanessa.Nousnebronchonspasetbaissonslesyeux.

—Alorsvouspenseztoutesça?

Silence...

Vanessarepartàlacharge:

—Biensûrqu’onl’atoutesvu.Onteconnaîtassezpoursavoirquandtuesaccroàquelqu’un!Etonnet’ajamaisvuecommeça.

Farahouvrelabouchepourprotester,maisfinitparlarefermer,vaincue.

—Vousêtesmarrantes,vouscroyezquec’est facile,vous?dit-elleplusdoucement.Enplus, jenepeuxdécemmentpasresteravecunmecqueJenavuàpoil!blague-t-elle.

—J’aibiencouchéavecundesesex,moi.

—Passûrequetudevraist’envanter,Vaness!Etpuis,jenel’aipasvunu!J’aiéteintavant!

—Ah!Tuvois!rétorquelablondetriomphante.

—Jevoisquoi?

—T’asplusd’excuse!

—D’excusepourquoi?

—Pournepasl’appeler.Allez!luilance-t-elleenluitendantsontéléphonequ’elleavaitposédevantellesurlatablebasse.

D’ungestevif,FarahrécupèresonportabledesmainsdeVanessaetlereposeexactementàlamêmeplace.

—Jevaispaslefairemaintenant!

—Etpourquoipas?ladéfie-t-elle.

—Parceque…parceque…parcequ’iltravaille!IlestsuruntournageàParispourtoutleweek-end!

Vanessafaitunemouedubitative.

—Jetejure!EtpourquoitudispaspareilàJen,d’abord?

Je lui jette un regard noir, feignant l’outrage. Celui qu’un militaire lancerait à son collègue quiviendraitdeluirefilerunegrenadedégoupillée.

—J’allaisyvenir!

Tousauxabris!Lagrenadeestprêteàexploser!

—Attends, c’est pas toi qui disais qu’il fallait que j’arrête de vouloir sauver tous lesmecs de laplanète?tenté-jedeladésamorcer.

—Non,jedisquetudoiscesserd’êtreuneépaulesurquileshommesaimentbienpleurer.Axeln’apasl’airdutoutcommeça!Lapreuve,ilnet’amêmepasparlédesesproblèmes!

—ÇavaManon?Ont’ennuieavecnoshistoires?demandeFarahàlajeunemaman.

Mercipourladiversion!C’estàçaqu’onreconnaîtlesvraiesamies!

Maislajeunemamanenquestionneparlepasbeaucoup.

Inquiétant,eneffet.

—Tu plaisantes ? Pas du tout ! Je savoure ! Une véritable conversation d’adultes ! Je profite duspectacle!Ilnememanquequelepop-corn.

—T’asvraimentbesoindevacances,mabelle.

—J’aiunesaletête,c’estça?

—Non,m’empressé-jederétorqueravantqueVanessanefasseunegaffe.C’est justequetutrouvesque ces deuxgamines, ajouté-je endésignant les deux autres invitées dumenton, ont une conversationd’adultes!

Ma réflexion a le mérite de déclencher l’hilarité générale. Je commence à avoir des crampes àl’estomacàforcederire,lavodkaayantlepouvoirderendretoutplusdrôle.

Ouplustriste.

Entoutcasdedécuplerlesémotions.

Unefoisremisedemacrisederire,Vanessas’exclame,toutàcoup,trèssérieuse:

—J’aiuneidée!

Ses yeux brillent d’une lueur familière.Celle que nous avons déjà pu observer au fond de ses irislorsqu’ellenousatraînéesdansuncampdenudistespourlesvacancesd’été.

Lamêmepetiteétincellequiapétillédanssonregardquandellenousaremisàtoutesdesbilletspourserendredansuncluboùdeschippendalesfaisaientunereprésentation,lemoisdernier.

Lafameuselueurquel’onperçoitaussisouventchez…lesfous.

Nous sommes tout ouïe,mais la blonde s’empresse de quitter la pièce d’une démarche qui se veutthéâtrale,saufqu’ellevacillesursestalonshautsetmanquedesetordrelacheville.

Qu’importe,elleredresselatêtetelunmannequinserelevantaprèsunechuteetquiarpentelerestedupodiumcommeunestardéambulantsurletapisrouge.

Ellenejettemêmepasuncoupd’œilenarrièreànotreintention.

—Est-cequ’elleestpartievomir?

—Àmonavis,ellevareveniravecunmecàpoil.

Simpledéduction.

J’airepenséauxstrip-teaseursetauxnudistes.Apparemment,Vanessan’arborecetteexpressiondanslesyeuxquelorsqu’ils’agitdemecsàmoitié,oucomplètement,nus.

—Merde,etmoiquiespéraisqu’elleallaitreveniravecunénormecouscousroyal.

Farahnes’estpasresserviedeuxfoisàmidi,c’estvrai.

Finalement,Vanessaressortdesachambre, toutsourire.Ellesepostedeboutdevantnous, lesmainssurseshanchesosseuses,l’airvictorieux.

Nouslascrutons,cherchantcequ’elleabienpufaire.

— Est-ce que tu crois qu’elle a enlevé sa culotte ? glisse pas du tout discrètementManon à monoreille.

Jeréfléchis.

Rectification:lavodkarendleschosesplusdrôlesouplustristesetn’importequellethéoriefumeuseplusplausible!

—N’importequoi!Jenousairéservéunenuitd’hôtelàParis!Onpartdemainmatin!

Nousladévisageons,incrédules.Jeregarde,plusattentivement,mesvoisinesdecanapé.ManonalaboucheouverteetFarahfroncesessourcilsnoirs.

—Quoi?Çavaêtresuper!

Farahestlapremièreàretrouverl’usagedelaparole.

—Dis,t’esaucourantqu’onauneagenceimmoàfairetourner,Jenetmoi?

—Oh,çava!Demainc’estdimanche,etonseraderetourlundimidi!

—Etmoi, j’aiunbébé!Tutesouviens?Lapetitedonttueslamarraine,çaterappellevaguementquelquechose?

—C’estjustementpourçaqu’ilfautqu’onpartedemain!

Dansleclandescopinesducanapé,nouséchangeonsdesregardsdéconcertés.

—C’estpourvousquejefaisça!Toi,Manon,tuvaspouvoirdécompresserunpeu.Farah,tupourrasfaireunesurpriseàMaxime,lesmecsadorentça!Quantàtoi,Jen,tunousasbienditquetonAxelavaitété transféré à Paris ?Ce sera l’occasion d’avoir une vraie conversation avec lui !Avec nous, tu nepourraspastedébiner!

Visiblement,Vanessaaunmétabolismeàpart.Bon,cen’estpasunscoop.Jesaisbienquemonamiepeutmangertantqu’elleveutsansprendreungramme.D’ailleurs,jen’aijamaiscomprispourquoiellen’en profite pas pour se gaver. Mais ce que j’ignorais, c’est que ses neurones semblent réagirfavorablementàl’affluxdevodka!Alorsquechezlesautres,c’estl’effetcontrairequiseproduit.

Lapreuve,leclanducanapéestincapablederétorquer.

—Ettoi,tuyvaspourquoi?finitpardemanderManon.

—Moi?Pourleshopping!répliqueVanessadutacautaccommesic’étaitl’évidencemême.

Quelquesminutesetquelquesverresplustard,ManontéléphoneàGrégoirepourluiannoncerqu’ellenerentrerapasavantlundi.

Elle a décidé de dormir chez Vanessa, comme nous autres d’ailleurs, car nous sommes bien tropéméchéespourrepartirenvoiture.

Sonmariad’abordaccueillilanouvelleamèrement,maisils’estviteressaisiaprèslediscoursdesaconjointesurlesinégalitéshommes/femmes.

Elleluiaassénélecoupfatalenluirappelantladouleurdel’accouchement.

Résultat:ellepartavecsabénédiction!Lecome-backdelaManonféministe!

Pendant ce temps-là, Farah et moi tentons de rédiger un mail d’absence du bureau. Un messageautomatiquequiserarenvoyéàtouslesclientsessayantdenousjoindrepourleurnotifiernotrecongéetlesrenseignersurnotredatederetour:

«Chersclients,

Nousavonsleplaisirdevousinformer…Euh,non,pardonnoussommesauregret,devousinformerquenous seronsabsentesdubureau jusqu’à lundiaprès-midi…ou jusqu’à la semaineprochaine sinousrentronsavecdeuxApollons!Nousvousprionsdoncdebienvouloirnousexcuser(etsinontant

pis,onn’enarienàfaireaprèstoutdevotreavis!)etvoussuggéronsd’allerhabiterchezuneamieouderetournervivrechezvosparentsletempsquenousprenionsenchargevotredossier.Noustenonsd’ailleursàsoulignerquelacolocationestunesolutiontrèséconomique!

PS:MadameBasson,nousvoussuggéronsd’allerexposerendétailtouteslesdemandes,dontvousavezbienvoulunousfaireparttrèslonguement,ànosconcurrentsdel’agenceCentury21enfacedelanôtre.

Messageimportantàlaclientèle:Lapropositionci-dessusn’estvalablequepourMadameBassonetseulementelle.Nousincitonsfortementlerestedenotreclientèleàpatienterjusqu’ànotreretouretnon à aller se présenter à l’adresse citée ci-dessus. D’ailleurs, ces derniers ont très mauvaiseréputation.

Sincèressalutations.

Bisous!»

Alorsquenousdiscutonsencore,monassociéeetmoi,desquelquesmodificationsàfaireounon.

Peut-êtrequelebisousàlafinn’estpasdumeilleureffet?

Hmm…M’enfiche!

Vanessaaapportésavalisedevantnous,ouverteàmêmelesol.Ellefaitdesallers-retoursentresachambreetlesalonencommençantàlaremplird’uneflopéederobesdesoirée,debijouxetd’un…

Vibromasseur?!

Elleprendaussidesvêtementspournousquin’auronspasletempsderepassercheznous,

—C’étaitpastonlisseurquetuétaispartiechercher?faitremarquerManon,fineobservatrice.

—Ahoui!Jemesuistrompée!pouffelajolieblondeenfaisantdemi-tour.

Etdirequedansquelquesheures,nousrouleronstouteslesquatreversParis.

8

EscapadeàParis

Jennifer

Nousnous retrouvons toutes lesquatre, serrées,à l’étroitdansmaMini-Cooper.Nousavonsdécidéquelapetitevoitureseraitpluspratiquepoursefondredanslacirculationdenseparisienne.

Enplus,elleestéquipéed’unGPS.

La veille, avant de nous endormir, nous avons essayé d’y enregistrer des adresses : «Centre-pour-jeune-homme-craquant-avec-trous-de-mémoire-et-menteur–Paris » et «Studio-hangar– réalisationdefilmsX–Paris».

Malheureusement,leGPSnousavaitrépondu:

Aucuneadressetrouvée.Veuillezentrerunnouvelitinéraire.

Pff.

CesGPS,jamaisàjour!

Finalement,nousnoussommesconvaincuesqu’onfiniraitbienparretrouver lesdeuxendroits toutesseules.Uncentrespécialisépourjeunespersonnesatteintesdetroublesdelamémoireetunplateaudetournagedefilmspornographiques,çanedoitpassetrouveràtouslescoinsderue.

MêmeàParis.

En interrogeant des passants et en faisant quelques recherches sur Internet, nous finirons bien par yarriver.Enrevanche,ilyapeudechancespourquelesdeuxadressessesituentl’uneàcôtédel’autre.

Questiondesécurité,non?

Manon a insisté pour s’installer au volant.Assise sur le siège passager avant, jeme cramponne autableaudebordenjetantdescoupsd’œilaffolésaucompteur.

—Dis,t’esaucourantqu’ilyadeslimitationsdevitesse,mêmesurl’autoroute?

Ellesecontentedemesourireetcontinued’appuyersurlechampignon.Visiblement,ellesecroitàundesesrallyes.

Àl’arrière,Vanessa,ballottéeparlessecoussesdelaMiniquin’estpasfranchementtailléepourlesexcèsdevitesse,atouteslespeinesdumondeàmettreduvernissursesonglesdepiedssansdéborder.

Àcôtéd’elle,Farah,dégrisée,asaminedesmauvaisjours.

—Jesuisvraimentpascertainequecevoyagesoitunebonneidée!vocifère-t-elle.

—Çava,détends-toi!Çavaêtresympa,tuverras,etpourquoiçaneseraitpasunebonneidée?

— Parce que les décisions prises avec deux grammes de vodka dans le sang sont généralementmauvaises!Parcequ’onnesaitpasvraimentoùonva!ParcequeManonvafinirparnoustuer,si,biensûr,jenedécèdepasavantdessuitesdesinhalationsdetonvernisetdetondissolvant!Tuveuxd’autresraisons?

—Arrête de faire ta rabat-joie !Et puis cette nouvelle tête ne pouvait pas rester au fin fondde laBretagne…

Mesinstinctsd’agentimmobilierontbienenviederétorquerqueRennesn’estpasvraimentcequ’onpeut appeler le fin fond de la Bretagne, mais ma gueule de bois prend le dessus. Cette dernière nesouhaite pas du tout se lancer dans un débat.D’ailleurs, lamajeure partie demoi est trop occupée àfreineraveclepiedsurunepédaleimaginaire,commesicelapouvaitpousserManonàralentir.

—…Uncrânerasé,c’estfaitpoursebaladeràParis!conclutVanessasuruntonthéâtral.

—Sérieusement, c’est absolument nécessaire d’avoir les ongles de pieds vernis ? insiste Farah enbaissantunpeusavitrepourrespirerdel’airfrais.

—Oui!Onsedéchaussedanslescabinesd’essayage!Etunefois,lesrideauxfermés,tespiedsquidépassent,c’esttoutcequ’onvoit!

Vanessaadéfinitivementréponseàtout.

Farahcapitule,nonsansavoirlevélesyeuxauciel,etserenfoncedanslabanquettearrière.Lavoiturestoppeenurgencepourlaquatrièmefoisend’uneheure.Cettefois,c’estFarahquiestprisedenausées.GueuledeboispluscourseeffrénéeenMini-Coopernefontapparemmentpasbonménage.

Àcetteallure,Axelauraretrouvélamémoireavantqu’onarriveàParis,etlesacteurs,souslahoulette

deMaxime,seserontrhabillés.Finalement,laconduitesportivedeManonapermisderattraperleretardcumuléparlesnombreuxarrêts-vomis.

Aprèsàpeinequatreheuresderoute,nousparvenonsenpériphériedelacapitale.Cequinechangerienaucomportementdelajeunemamandontlepieddroitsembleêtresoudéàl’accélérateur.

—Oh,merde!Arrête-toi!m’écrié-je.

—Quoi?Quelqu’unaencoredel’alcoolàvomir?s’étonneManon.

—Non!Là!Regardelesdeuxflics,ilsnousfontsignedenousarrêter!

—Merde!

—C’estcequejedisais!

Manonserangesurlebas-côté.

Lavoituredepolicesegarejustederrièrenous.

AlorsqueleshommesenuniformedescendentdeleurvéhiculepourrejoindrelaMini,jem’enprendsàManon.

—Jet’avaisbienditqueturoulaistropvite!

—Oh,çava,Jen!Jevaislapayer,l’amende!C’estpaslafindumonde!

Ungendarmetoqueàlavitre.Manonlabaissed’unairfaussementinnocent.

—Bonjourmesdames,papiersduvéhiculeetpermisdeconduire,s’ilvousplaît.

Jefarfouilledanslaboîteàgantset tendslacartegriseet l’attestationd’assuranceàlaconductrice.Cette dernière passe le tout avec son permis au jeune agent tandis que l’autre, moustachu, un peu àl’arrière,nebronchepas.

—Voussavezàcombienvousrouliez,madame?demande-t-ilsansdesserrerlesdents.

Moijelesais!

—Euh…Non…Jesuisdésolée…J’avaisl’espritpréoccupé,minaudeManon.

—Vousavezdépassélalimiteautoriséedeprèsdequarantekilomètres-heure,m’dame.

L’agentdepolicen’estpassifacileàamadouer.

—Restezlà,jereviens,ajoute-t-ilsurlemêmetonsévère.

—Çafaitcombiendepointsenmoins,quarantekilomètres-heureau-dessusdelavitesselégale?

—Aumoinstrois,àmonavis.

—Aïe!

—Ilt’enrestecombien?demandé-jeàtouthasard.

—Quatre.

—Ettutepermetsquandmêmedeconduireaussivite?!

Elle n’a pas le temps de répondre que déjà le plus jeune des deux agents est revenu. Et, choseextraordinaire,ilal’airencoreplusrenfrogné.

—JevaisdevoirrédigerunPVetvousenlevertroispointssurvotrepermis.Vulepeuqu’ilvousenreste,jenesauraistropvousconseillerdefaireunstagedanslesplusbrefsdélais.

—Oui,biensûr,jecomprends.

Etpuis,d’uncoup,l’agentdepolicesemetàfaireduzèle.Est-cel’haleinedeManonoubiensontonpeuconvaincantlorsqu’elles’estexcusée?

Mystère…

Toujoursest-ilqu’illuidemandedesoufflerdansl’éthylotest.Résultat:Plusdepermis!

Alorslejeunefonctionnaire,quin’estvisiblementpaspresséderentreràlagendarmerie,faitsubirlemêmesortàtouteslesfemmesduvéhicule.C’estlàquenousnousrendonscomptequenousavonsfinilabouteilledevodkabienplustarddanslanuitqu’onnel’avaitcru.Ildécidealorsdeconfisquerlavoiturecaraucunedenousn’estenmesuredelaconduire.

Vanessaessayeenvaindejouerdesescharmes.Puiselleabatsadernièrecarte:

—Notre amie, ici présente, a un cancer ! C’est pour ça qu’on a autant bu hier, pour noyer notrechagrin!Etaussiqu’onallaitsivite!Ilfautqu’onlaramèneàl’hôpital!

Farahmetquelquesinstantsàcomprendrequel’onparled’elle.Enfin,ellesaisitets’appliqueaussitôtàtousser.L’agentdepolicenousjetteunregardtorveavantdenousobligeràdescendretouteslesquatredelavoiture.

—Jevaismettrevotrevéhiculeenfourrièrejusqu’àcequequelqu’unpuissevenirlerécupérer.Vousaurezbesoindespapierspourlereprendre,récite-t-ilsuruntonmonocordeetblasé.Prenezcedontvousavezbesoinavantquejenelafasseembarquer.

Nousavonsdumalàcroirecequinousarrive.

Résignées, nous nous emparons de nos sacs à main respectifs et de l’unique valise qui remplit lecoffre.

—Çavaallerpourvousreconduire?Vousvoulezquejevousdéposequelquepartsurmonchemin?demandel’agentd’untonobligé.

—Non,merci!Onvasedébrouiller,monsieur!déclareVanessa,essayantdesauverlepeudedignitéquiluireste.

Il n’insiste pas et remonte dans sa voiture de patrouille, à côté de son collègue, pour appeler lafourrière.

Abattues, nous commençons àmarcher sur lebas-côté,Manon traînant lavalise à roulettes, lorsqueVanessa fait soudain demi-tour en direction de l’agent de police. Nous autres assistons au spectacle,incrédules.

—Qu’est-cequ’ellefout,encore?

—Peut-êtrequ’elleluidemandesonnumérodetéléphone.Vanessdétestequ’unmecluirésiste.

—Dumomentqu’ellenelegiflepas!Onvapas,enplus,faireundétourparlagendarmerie!

Aprèsavoirparléquelquessecondesavecl’officier,lajolieblonderevientversnous,l’airexcédé.

—Cetypenecomprendrienàrien!lance-t-ellealorsquenousl’interrogeonsduregard.

— Il n’a pas cédé à tes avances ? suppose Farah alors que nous reprenons notre marche, en fileindienne,enborduredupériphérique.

—Desavances?!N’importequoi!Je luiaidemandés’ilconnaissait lesadressesoùonvoulaitse

rendre!Etilm’aregardéecommesij’étaisunefolle!

—Attends,tuasvraimentdemandéàunflics’ilsavaitoùsetrouvaientuncentrepourmaladesatteintsdetroublesdelamémoireetunplateaudetournageporno?s’amuseManon.

—Bahoui!Ilauraitpunousindiquerlechemin!

—Aprèslecoupquetuluiasfaitavecmonpseudocancer,iln’apasdûtecroire!

—C’étaitplausible,pourtant!Saufquetun’auraispasdûtemettreàtousser!T’étaiscenséeavoiruncancer,pasunrhume!

—Excuse-moidenepassavoirimiteruncancer!D’ailleurs,j’aimeraisbienquetoutlemondearrêtedefairecroirequej’enaiun.Toietmafamille,vousallezfinirparmefilerlapoisse!

—L’hôteln’estpastrèsloin,annonceManonquiaenclenchéleGPSsursontéléphoneportable.

—Enfinunebonnenouvelle.

—Euh…attends…J’avaislaissél’applicationsurlemode«voiture».Àpied, ilfautquandmêmeunebonneheure!

—Oh,c’estpasvrai!

—Sit’avaispasrefusélapropositiondel’agentdepolice,onyseraitpeut-êtrearrivéesplusvite!

—Çavapas,non?Tumevoismonteràl’arrièred’unfourgondepolice?Horsdequestion!

—Euhlesfilles…Jecroisqu’onferaitbiendesedépêcher…,lesinterromps-je.

—Pourquoi?T’espresséederetrouvertonAxel?mecharrieVanessa.

—Non.Parcequej’aicrusentir…

Jen’aipasfinimaphrasequ’uneondées’abatsurnous.

—…Unegoutted’eau.

—Merde!EtdirequelesParisiensracontentqu’ilpleuttoutletempsenBretagne!

Pendanttroisquartsd’heure,nousalternonsdesphasesdecourseetdemarcherapidesouslesklaxonsdesconducteursquipassentsurlavoie.

Les véhicules semblent s’amuser de voir quatre femmes en robe, jupe et débardeur d’été, trempéesjusqu’aux os, les cheveux ruisselants, se promener sous la pluie, en bordure de route. Sauf Farah,évidemment.

Lesvoitures,insolentes,enrajoutent,detempsentemps,ennouséclaboussant,parmégarde.

Vanessarépliqueaussitôtparunesalved’insultes.

9

Aupaysdesfous

Axel

Jesuisforcédelereconnaître,l’établissementprivéafaittoutsonpossiblepournepasressembleràunlieumédicalisé.

Leschambressontconfortablesetpersonnalisées.

Ilyadestapisseries,destableaux,mêmedelamoquette.

Lepersonnelportedestenuesciviles,pasd’uniformeoudeblousesblanches.

Et la salle de réunion où ont été conviés, ce matin, tous les patients, ou plutôt les clients, tientdavantagedelasalledespectaclequed’unepiècepouruncomitéd’Alzheimeranonymesprécoces.Lajeunepsychiatreainstalléleschaisesdetellesortequ’ellesformentungrandcercle.Elles’estassisesurl’uned’entreellesetnousaintimél’ordredeprendreplaceàcôtéd’elle.

Jemedemandeencoreunefoiscequejefaislà.Lesautresontl’airsidéprimés…etdéprimants!

Jeme force à écouter quelquesminutes les plaintes d’une certaine Isabelle qui se demande si ellen’auraitpaspréférémourirdanscetaccidentquiaendommagésamémoire.

Sérieusement?!

Jemeretienspournepasbondirdemachaiseenhurlantsurcettepauvrefolle.Malgrémoi,jesecouela tête. Je sens un regard peser sur ma personne et, en tournant la tête, je me rends compte que lapsychiatremefusilleduregard,telleunemaîtressed’écolerappelantàl’ordreunélèveturbulent.

Pendantcetemps-là,Isabelle,quin’arienremarqué,continuesesjérémiades.

Jenepeuxm’empêcherde releverque la faussemaîtressed’école est plutôt sexy, derrière ses airsrevêches.Elleadebeauxyeuxbrunsenamandeetunechevelureboucléeetbrillantedans laquelleonaimeraitpasserlesmains.Biensûr,sabeautén’ariendecomparableaveccelledeJennifer…

Etvoilà!

J’aitenuquinzeminutessanspenseràelle!Lematin,labrosseàdentsdanslesmains,jenesuispasfoutudemerappelersijel’aidéjàutiliséeousijem’apprêtaisjustementàymettredudentifrice,maisjesuisincapabledemesortircettefemmedelatêteplusdequinzeminutes!

Bordel!

N’est-cepas lecomblepourunepersonnesouffrantde troublesde lamémoire immédiatedenepasréussiràoubliercequ’ellevoudrait?

C’estpresquecomique.

Malgrémoi,jesourisàlaplaisanterie.

Nouveauregardassassindelajoliebrune.

IlfautdirequeLudovicestentraindeparlerdesatentativedesuicideaprèss’êtrefaitvirerdesontravailpourincapacité.Lepauvreracontecommentsestroublesdelamémoirel’ontempêchédepasseràl’acteetàquelpointilsesentbonàrienpuisqu’iln’arrivemêmepasàsedonnerlamortcorrectement.

BonDieu!

Jen’aiaucuneenvied’entendretoutesceschoses!

Lestroublesdelamémoireaffectent-ilsaussiladignité?

Cesgens-làont-ilsperdutoutamourpropre?Jenelescomprendspas.Ouplusexactementjerefusedelescomprendre.C’estsansdoutecequemediraitlapsy.

Maisquelledifférence?

Jesuisbiendécidéàvivre,moi!Etàprendreleschosesduboncôté!Heureusementpourmoi,monAVCnem’apasdéfigurécommelaplupartdecesmalheureux.J’aiconservélasymétriedemonvisage.Jen’aipasdeparalysiepartiellenonplus.Est-cesimaldem’enréjouir?Devouloirm’ensortir?

—Axel,c’estàvotretour.Racontez-nous,m’interpellelapsychiatre.

—Quoi?Moi?Non,merci.Jepassemontour.

—Toutlemondeaparlé,Axel,c’estàvousmaintenant,insiste-t-elle.

—C’estquejen’aipasgrand-choseàraconter,jevousassure.

—Dites-nouscequevousvoulez,cequivouspasseparlatête.

Bonsang!Pourquoineveut-ellepasmelâcher?

Pourquoi elle ne demande pas à cette Isabelle ou à ce Ludovic de reprendre la parole ? De touteévidence,ilsontencoredeschosesàdireetdeslarmesàverser.

—Jevaisbien.

C’esttoutcequej’airéussiàdireetçarésumebienmonétatd’esprit,enfait.Detoutefaçon,quelsproblèmespourrais-jeévoqueraprèsdesenviesdesuicidesansparaîtrefutile?Lefaitquejemettetropdeparfumlematin?Quejesuisobligédesoufflerdanslabouchedemonvoisindecouloirpoursavoirsijemesuisbrossélesdents?Quemagarçonnièrememanque?

—Vousenêtessûr?

Vraiment,cettefemmemerappelleunemaîtressed’école.Enunpeuplussexy.

Est-ceque je lui demande,moi, comment elle va et ce qui pousseune jeune femme, plutôt jolie desurcroît,àécoutertoutesceshorreursàlongueurdejournée?

—Oui,certain.Jesuisdésolé.

Voilàquejem’excused’allerbien,maintenant!

Faceàmonairrenfrogné,lapsycapitule,melaisseenfintranquilleetannoncelafindelaséance.

Reprisedemainmatin.

MonDieu!Faitesquelemédecinenchargedemondossiersignerapidementmonautorisationdesortie!

Maislajoliebrunenebaissepaslesbrasaussifacilement.Alorsquelaplupartdespensionnairessesontruéshorsdelasalleensemouchant,j’aipresqueatteintlaporte,moncalepinrougedanslamain.Jenem’enséparepresquejamais.Lapsym’interpelle:

—Axel?Pourrais-jevousparlerenapartéquelquesinstants,s’ilvousplaît?

Jesuisd’abordsurpris,Maisaccepte.

Difficiledefaireautrement.

Nousretournonssurleschaiseslibresetlapsyattendquetoussoientsortispourreprendrelaparole.

Pendantcetemps,ellemescruteetm’examinecommeunratdelaboratoire.

Àmoinsqu’ellenesoittombéesousmoncharme…

—Jepeux?demande-t-ellefinalementenregardantlecarnetrougequej’aiposésurlesiègeàcôtédemoi.

Surprisetdéstabilisé,jefinisparaccepterenhaussantlesépaules.Jemedoutequesijerefuse,ellenepourras’empêcherdemequestionneretd’analysermarésistancecommelapreuved’unproblèmeplusprofond.Ouunebêtisedanscegenre.

Lafemmes’empareducalepinetcommenceàlefeuilletersilencieusement.Jemetournelespoucesetévitesonregard.

—C’estqui?demande-t-ellesoudain.

Jemepencheverslecarnetouvert.Surcettepage,j’aidessinélevisagedeJennifer.

—Euh…Une…amie.

—Uneamie?

—Oui.

—Ellevavousrendrevisite?

—Non.

—Pourquoiça?

—Jenesaispas…Ellehabiteloin…Etqu’est-cequeçapeutbienfairedetoutefaçon?m’agacé-je.

Lapsyhochelatêtecommesielleétaitpersuadéed’avoirtouchéunpointsensibleetqu’elleenétaitfière.Cequim’énervedavantage.

—Bon,OK.Qu’est-cequevousvoulezsavoir,qu’onenfinisse?laprovoqué-je.

—J’aimeraissavoirpourquoivousl’avezdessinée,elle?Pourquoi,siellecompteautantpouravoirceprivilège,êtes-vousconvaincuqu’ellenevousrendrapasvisite?Etpourquoivousvousentêtezàme

fairecroirequ’ellen’estqu’unesimpleamie?

—Écoutez,jenesuispascommetouscesgensquevousvoyezd’habitude.Cettefemmeetcetype,toutàl’heure…j’aioubliéleursnoms…Moi,jeconsidèrecequim’arrivecommeunechance.Pasdeprisede tête. Pas de relations qui portent à conséquence. Tout ça me convient parfaitement. Je veux justepouvoirrentrerchezmoietvivremaviecommejel’entends.C’esttout.

J’aiparlésuruntonunpeutropnerveux.

Graveerreur.

Bienentendu,çan’apaséchappéàlaspécialiste.J’auraisvouluparaîtreplusposé,sûrdemoi.

Cequejesuis,enfait!

Jenesaispaspourquoi jemesuisemportéde lasorte.Lapsymedétaille longuementunenouvellefois,alimentantmonagacement.

—Detoutefaçon,quellefemmepourraitbienavoirunerelationsérieuseavecunmecquioublietout,toutletemps?Vouspouvezmeledire?

Jemetaisimmédiatement,soudainconscientquejeviensdedonneràlapsyassezdematièrepouruneanalysedeplusieursmois.Maisellen’ajouterien,secontentedemefixerpuisellerefermedoucementlecarnetetmeletend.Jem’empressedelerécupéreravantdemeleveretdetournerlestalons.

Alorsquejem’apprêteàpasserlaporte,ellem’interpelleunedernièrefois.

—Voussavez,jecroisquevousavezraison.Cequivousarriveestunechance.Unechancepourvousdevousrendrecomptequefinalementvousauriezpuaimervivreunerelationpousséeavecunefemme.Onneserendsouventcomptedecequinousmanquequelorsqu’onl’aperdu.Tantquecettepossibilitévousétaitofferte, l’idéedevivreunevéritable relationavecunefemmenevous intéressaitpas.Mais,aujourd’hui,alorsquevousavezlesentimentquecetteoptionvousestinterdite,vousvoyezleschosesautrement.Necroyezpasquecesoitincompatibleavecvotreétat.Aucontraire,lespersonnessouffrantdepertedemémoireimmédiateontbesoinderepèresaffectifs.

—Excusez-moi,dequoiétions-nousentraindeparler?Avions-nousfini?demandé-je.

Lapsyhochelatêteetjequitteenfinlasalle.J’aifaitexprèsdesimuleruneabsence.Aprèstout,ilfautbienquelasituationaitquelquesavantages.Maisjesensquelapsyn’estpasdupe.Etsondiscoursm’abouleversé,plusquejeneveuxbienl’admettre.

**

Jennifer

Jesorsdelasalledebains,enrouléedansuneserviettedouceàl’effigiedelachaînehôtelière.

Unebonnedouchechaude,riendetelpourvousrevigorer!

Jemedirigeverslaportecommunicanteentremachambreetcelleattenante.Vanessa,àquiappartientl’autrepièce le tempsde sa réservation,est étenduesur le lit.Àsescôtés, toujoursenveloppéesdansleursserviettesellesaussi,FarahetManonregardentd’unairperplexelavaliseouvertesurlamoquette.Jem’approche.

—MonDieu!Cequeçafaitdubiendeprendreunebonnedoucheaprèsavoirététrempéeparunepluieglaciale!

Silence.

—Qu’est-cequ’ilvousarrive,lesfilles?

Jem’attendaisàcequel’effetdeladoucheleuraitfaitdubienàellesaussi.

Vanessaaurait-ellepristoutel’eauchaude?

—Onestjusteentraindesedemandercequ’onvabienpouvoirsemettre…

Farahhaussesessourcilsépaisendirectiondelavalise,ouverteausol.Pourunpeu,j’enauraisoubliéquenousn’avionsqu’unbagagepourquatreetquenousavionsfaitconfianceàVanessapourleremplir.

Aïe!

Inquiète, jem’approche à petits pas de la valise, comme si elle était piégée. Jem’agenouille pourévaluerl’ampleurdesdégâts.Duboutdesdoigts, jeressorsunerobedesoiréesophistiquée.Puis,unerobehabilléedigned’untémoindemariage.Uneautrepailletéequipourraitêtreportéeparunedanseusede salon. À la fin demon inventaire, je laisse retomber toutes les tenues dans la valise, dépitée. Jevoudrais fusiller la blonde du regard,mais la coupable est toujours allongée sur le lit et se cache levisageaveclesmains.Visiblement,ellen’arientrouvédemieuxpoursedéfendrequedefairelamorte.

—Bon,OK.Onn’aplusqu’àessayerdefaireséchernosfringues!Ilesthorsdequestionquejeporteça!Surtoutenpleinejournée!déclaré-je,lesmainssurleshanches.

FarahetManon reprennentespoir et se lèventdu litdeVanessa.À l’aided’un sèche-cheveux,nous

tentonsderemettrenostenuesdevoyageenétat.Auboutd’uneheure,nousavonsréussiàsécherlebasd’untee-shirt.Saufqu’ilsentlechienmouillé.

—Jecroisquejepréfèreencoreavoirl’airdem’êtreplantéedecheminpourleFestivaldeCannesquedesentirça,déclareFarahengrimaçantdevantsonhaut.

Découragées,nousnousécroulonstoutessurlelit.

—Bon,lesfilles,onnevapasrestericitoutelajournéeàsemorfondre!OnestàParis,lacapitaledelamode!Onpasseratoutàfaitinaperçuesaveccegenrederobes,croyez-moi!Aumilieudetouslesexcentriques,onauratoujoursl’airdepaysannes!

InutiledepréciserquecesparolesviennentdeVanessaquis’estredresséetoutàcoup.Parcequenousavonsunemissionàaccompliretpournepasqu’unevoitureà lafourrière,despointsenmoinssur lepermis,desampoulesauxpiedsetdesfringuesquisententlechienmouillén’aientserviàrien,nousnousdécidonsfinalementànoushabillerpoursortirdel’hôtel.

Faraharevêtuunerobetrapèze,laseuledanslaquellesonpopotinvoulaitbienrentrer.Manonportelarobeàsequinsetmoi,celleàbustier.Heureusementque jesuispluspetitequeVanessacar lebasesttellementcourtqu’onpourraitcroirequej’aimisunbandeau.J’aipeut-êtreautantintérêtàsortirdrapéedans la serviette de toilette de l’hôtel ! La propriétaire des vêtements est la seule qui n’a pas l’airdéguisée.

Vanessa,quiaprisleschosesenmain,aassuréqu’ilfallaitunecoiffureenadéquationavecnostenues.

Sinon,onauraitl’airbête.

Commenouspréféronsqu’onnousprennepourdesstarlettesévadéesdelacroisetteplutôtquepourdesidiotes,nousavonsacceptédepasserchacuneentrelesmainsexpertesdelablonde.

PendantqueVanessanégocieavecFarahpourluimettreuneperruque…Oui,ellen’apasprisdejeansdans sa valise, mais elle a emporté une perruque, question de priorité !Manon et moi entamons lesmignonnetteslaisséesàladispositiondesclientsdansleminibar.Nousallonsavoirbesoindetoutnotrecouragepoursortirdelachambre.

Alorsquenoussommestouteslesquatreprêtes,nousattendonsencoreunpeuquelanuitcommenceà

tomber. Nos tenues passeront mieux le soir et avec un peu de chance, l’obscurité dissimulera notreaccoutrement.

SaufpourManon,évidemment.

Impossibledepasserinaperçue,travestieensapindeNoël!

J’ai déjà prévu demarcher le plus loin possible demon amie. Parfois, il faut savoir sacrifier unepersonnepourlebiendugroupe!

Pendantquemesdeuxdernièresamiespatiententdevantlafenêtre,épiantlecoucherdusoleil,ManonrecherchesurInternet lesadressesoùpourraientse trouverAxeletMaxime.Elledénicheassezvite lecentrespécialiséoùdoitrésiderlepremier.MettrelamainsurleplateaudetournagedeMaximes’avèreunpeupluscompliqué.

Finalement,elletrouvelescoordonnéessurlesiteInternetdelasociétédeproduction.

Lamaisonmédicale où attendmon prétendant se situe dans un arrondissement chic de Paris, alorsqu’auvudel’adresse,Maximedoitêtreenbanlieue,surunezoneindustrielle.

Ellesechargemaintenantd’établirl’itinérairequenousdevonsprendreenRERetenbus.Àcesmots,je déchante. J’avais zappé que je n’avais plus de voiture et que, par conséquent, nous allions devoiremprunterlestransportsencommundanscestenues!

MonDieu!

Si j’étais seule, je feraisdemi-toursur-le-champ,quitteàme taperdeux joursdemarcheaveccettefichuerobeetceséchasses!Cen’estmêmepasmonaccoutrementquimeperturbeleplus,maisplutôtl’idéederetrouverAxel.

Ridicule!

Qu’est-cequ’ilm’aprisd’acceptercetteproposition?

C’estdécidé,jeneboiraiplusjamais!

Commentréagira-t-ilenmevoyantdébarquer?

A-t-ilseulementenviedemerevoir?N’a-t-ilpasd’autresproblèmesàgérerencemoment?C’estsûr,jevaispasserpourunetarée,etmatenuen’yserapourrien!

**

Soiréearrosée.

Confianceaveugle.

Excèsdevitesse.

Coursesouslapluie.

Soiréearroséebis.

Effetdegroupe.

Voilàcommentmesamiesetmoinoussommesretrouvéesenrobedesoiréedansunbusdelabanlieueparisienneenpleinenuit.

AlorsqueFarahs’installesurlesièged’àcôtéentirantsursajupepourtenterdelarallonger,jemedemande si, tout compte fait, la rue que nous venons d’emprunter et où nous nous sommes faitcopieusementsifflerpardesmecsdouteuxn’enétaitpasmoinsplusagréablequecebus.

Deuxgaillardscostaudsnousscrutentavecdégoût,deuxrangéesplusloin.

—Aumoins,danslarue,onpouvaits’enfuir,marmonné-jeentremesdentsàl’attentiondemavoisine.

Enfaced’elle,ManonetVanessan’enmènentpaslargenonplus.

Maisqu’est-cequ’ilnousestpasséparlatête?

Enfin,aprèsuntrajetquinousaparuinterminable,lechauffeurstoppedevantnotrearrêtdanslazoneindustrielle.Évidemment,àcetteheuretardive,noussommeslesseulesfollesàydescendre.

— C’est un drôle d’endroit pour une fête, mais vous allez voir, on va bien s’amuser ! claironneVanessaensortant.

Nouscomprenons toutde suiteque lablondeessayede sedonnerunecontenanceauprèsdesautrespassagers.Nousneprenonspaslapeinederépondreetnouscontentonsdeluiemboîterlepas.Lefroidquis’insinuesousnosrobesetnosjupesnoussaisitimmédiatement.

Lebusreprendsaroutederrièrenotredos.Quelquesinstantsplustard,lespharesduvéhicules’étantéloignés,nousnousretrouvonsplongéesdanslenoirtotal.

Manon sort sonportablepour s’en servir comme lampe-torche.Nous la suivons en file indienne enessayantdenepasnousmarcherdessus.

Enfin,nousnousarrêtonsdevantunesorted’entrepôtentoutpointsemblableàceuxdesalentours.Ilfautdirequerienneressembleplusàunbâtimentindustrielentôlequ’unautrebâtimentindustrielentôle.Surtout quand ils sont seulement éclairés par la faible lueur d’un écran de portable.MaisManon estcatégorique:

—C’estlà,déclare-t-elleàvoixbasse.

—Pourquoituchuchotes?

—…J’saispas…

—Baharrête!Çamefoutencorepluslesjetons!faitremarquerVanessa.

—Bon,Farah,àtoidejouer!

—Écoutezlesfilles…,jesuispassûrequecesoitunebonneidée…

Nousneluilaissonspasletempsdeterminersaphrase:

—Tutefousdenous!Horsdequestionqu’onaitfaittoutçapourrien!râleVanessa.

—Enplus,leprochainbusnepasserapasavantvingt-cinqminutes.Onvapasrestericiàselesgelerpendanttoutcetemps!rétorqueManon.

Jesuisenpleineréflexion:

—C’estbizarre…Onn’entendrien…

— Et tu voudrais entendre quoi ?! Bon, vas-y, Farah, avant qu’on se fasse kidnapper par un

psychopathe!

Obtempérantauxordresdelablonde,Farahtitubejusqu’àlaporte,seuleouverturedanslabâtisse.Sadémarchemalassuréeest-elledûeaumanquedevisibilité,àseshautstalonsdontellen’apasl’habitude,ouàl’alcoolquenousavonsbuàl’hôtel?

Pourêtrefranche,jecommencemoi-mêmeàmesentirchancelante.Siçasetrouve,c’estmoiquinesuispastrèsstableetquiperçois,àtort,toutmonenvironnementvaciller!

Farahfrappedestoutpetitscoupssurlaporte.

—Maisentre!Qu’est-cequet’attends?T’asvulatailledecetruc?Enplus,ilsdoiventêtreunpeutropoccupéspourvenirt’ouvrir!

Faceàl’impatiencedeVanessa,Farahsedécideàpousserlaportequin’estpasferméeàclé.Noussommestoutdesuitehappéesparl’effervescencequirègneàl’intérieuretdontonnepourraitsoupçonnerl’existence du dehors. L’endroit ressemble à un vrai plateau de cinéma. Une dizaine de personnes,casques sur les oreilles ou caméras enmain, s’affairent autour d’un décor de quelquesmètres carrés,illuminéspardepuissantsprojecteurs.Aucentre,deuxcomédiensàmoitiédénudéssemblentattendrelesconsignescommedesfigurinesdansunemaisondepoupées.Personneneparaîtavoirencoreremarquénotreintrusion.

Chanceoupas?Bonnequestion!

FarahfaitquelquespasenavantettentederepérerMaximeaumilieudetoutecetteagitationpuisunevoixderrièrenousnousinterpelle:

—Ah!Enfin,vousêtesarrivées!Onvapouvoircommencer!

Nous n’avons pas le temps de protester qu’un jeune barbu à lunettes nous conduit déjà vers leproducteurquinoustourneledos.

—Çayest,Max!Lesactricessontlà!

VanessapouffederirependantqueManonprendunairoutré.Plusloin,jevoisMaximeseretourneretdécouvrirFarah. Ilécarquilled’aborddegrandsyeux,puis son regards’attardesur sa tenue légère. Ilessaie de retrouver une contenance,mais il est visiblement troublé par la présencede sa belle. Ils sedévisagent tous lesdeuxavecémotionet jesuisauborddes larmes.Jen’ai jamaispum’empêcherdepleurerdevantlafind’unfilmromantique.

Oui,cequiestentraindesepasserestromantique,peuimportel’endroitoùilssetrouvent!

Cequej’aimeraisqu’onmeregardeaveccetteintensité-là!Lesdeuxamoureuxsejettentsoudaindanslesbrasdel’undel’autreets’embrassentàpleinebouche.Lesprofessionnelsprésentssurletournagesesontbrusquementarrêtésdecourirdanstouslessens.

Ils baissent les yeux, paraissant gênés par cette soudaine démonstration de sentiments alors qu’ilsremarquentàpeinelescorpsàmoitiédénudésdescomédiens,commes’ils’agissaitdeplantesvertes.

—Hum,hum,faitManondanssonpoing.

FarahsedétacheàregretdesbrasmusclésdeMaxime.

—Cesontmesamies,ellesm’ontaccompagnéejusqu’ici,explique-t-elle.

Puis,s’adressantànous:

—Vousvoulezbienm’excuseruneminute,lesfilles?

Tandisqu’elles’éloignedéjà,maindanslamainavecMaxime:

—Mignon,déclareVanessa.

—Ouais,c’estclair,ilssonttropmignons!Ilsvontsuperbienensemble!

—Quoi?Non,Jen!Jeparlaisducomédien,là-bas!

Jelèvelesyeuxauciel.Commentpeut-onêtreaussipeusentimentale?

— Je vais… rester un peu. Ils ont des mobil-homes derrière le plateau. Max me ramènera, nousannonceFarahavecdesyeuxpétillants.

—Oh!Alors,ilaaimétanouvellecoiffure,sijecomprendsbien!plaisantelajeunemaman.

—Fautcroire.

— Bon. OK. Alors on ferait mieux d’y aller, nous, avant qu’un assistant nous demande de nousdéshabillerpourentrerenscène!Bonnesoirée!

Noustournonslestalons,maisavantdesortir,Vanessainterpelleunedernièrefoissonamie:

—Oh!Etsitupouvaismedégoterlenuméroducomédienlà-bas…

Manonetmoil’encadrons,luiprenantchacuneunbraspourlaguiderverslasortie.

**

Est-cel’effetdel’alcool,l’imageattendrissanteducoupleFarah-Maximeouletaxiquenousavonseula luciditéd’appeler ? Jen’en sais rien,mais jeme sens toute légèrealorsque jeplaisanteavecmesamiesàl’arrièredelavoiture.

—Jevousconduisoù?demandelechauffeur.

Manonsortsonsmartphonedesonsacàmainet,aprèsl’avoirétudié,annonceavecgravité:

—AucentremémoireSaint-Joseph,18rueRaymondLosserand.

Lechauffeursouritetattend.

Manonarqueunsourcil.

—Oh!C’estpasuneblague!Pardon.Vuvostenues,jecroyaisquevousalliezàunesoirée!

Ilrit,montrantdanslerétroviseur,deuxrangéesdedentsblanchesparfaitementalignéesquicontrastentavec son teint hâlé. Manon reste de marbre. Le conducteur démarre alors la voiture et reporte sonattentiondroitdevantlui.

—18,rueRaymondLosserand.C’estparti,dit-ilenmettantlecompteurenroute.

Jevoissubitementmafrivolités’évanouir.J’aienviedevomirtoutàcoup.Magorges’estnouée,monestomacs’estserré.Enfait, toutematuyauterieintérieuresembles’êtretransforméeenunensembledenœuds enchevêtrés, si bien qu’à cet instant, une radiographie de mes intestins doit ressembler à unbraceletbrésiliengéant.

Jenemesensplusdutoutprêtepourça.Commentva-t-ilréagirenmevoyantdébarquer?J’enaifaitl’expérience,lescomédiesromantiques,cen’estpaspourmoi.Avecmoi,çaneseterminejamaiscommedanslesfilms!

—Çava,détends-toi,oubienilsvonttegarderlà-bas!tentedemecalmerVanessaenmecaressantlebras.

—Pourquoi?J’ail’airdeplussavoiroùj’habite?

—Peut-êtrepas.Maistuasl’airvraimentmalade!intervientManon.

—Arrêtedemeparlerd’êtremaladeoujevaisvomirsurtoi!

—Tupeux,c’estlarobedeVanessa.Jem’enfous!

—Hey!Personnenevavomir!s’insurgelapropriétairedelarobe.

—J’espèrebien,marmonnelechauffeuràl’avant.

**

Unedemi-heureplustard,letaxis’arrêtedevantungrandétablissementmajestueux.

—Voilà,vousêtesarrivées.

—Merci.

— Vous êtes certaines que c’est ici que vous vouliez vous rendre ? demande une fois de plus leconducteur,incrédule.

—Vousêteschauffeurdetaxiouinspecteurdepolice?s’emportelégèrementVanessa.

Vexé,ilfixesonvolantsansrienajouter,enattendantquesesclientesrèglentlacourse.

—Entoutcas,vousêtescharmant!lancelajolieblondepoursefairepardonneravantdedescendre.

Lechauffeurn’endemandaitpastantetafficheànouveauunlargesouriretandisqu’ilreprendlaroute.

Unefoissurletrottoirdevantl’immensebâtiment,jedétaillelegrandportailenferforgéquiencerclelecentremédical.

—Etonfaitcommentpourentrerlà-dedans?

—Onescalade!

Perplexes,ManonetmoitoisonsVanessaenhaussantlessourcils.

—Bahquoi?Vouscroyezqu’onsonneà l’interphoneetqu’ilsvont laisser troisfemmespompettes,habilléescommedes starlettes,pénétrerdansuncentremédicalpouraller réveillerundespatientsenpleinenuit?

Nousabdiquons.

Aprèsde longuesminuteshumiliantessur lesquellesaucuned’entrenousnesouhaites’étendre,nousavonsréussiàpasserdel’autrecôtédelaclôture.Etànousenfermertoutesseulescommedesgrandesdanslecentremédical,cedontnoussommestrèsfières!

—Bon,etmaintenant?

—Merde!Arrêtezdechuchoter!Vousmefoutezlatrouille!

—Ilfautqu’onatteignelafenêtred’unechambre,déclareManonendirigeantlalueurdesonécrandeportableverslafaçadedel’établissement.

—Perso,j’aieumonquotad’escaladepourlajournée!

—Moi,pourlesdixprochainesannées,rétorqueVanessa.

—Oh!Allezlesfilles!Onafaitleplusdur!

Manonavanceversunefenêtre.

—Ellesne sontpas trèshautesetnedoiventpasêtre ferméesde l’extérieur.C’estunequestiondesécurité.Ellessontcondamnéesdel’intérieurpourempêcherlespatientsdesauteroudes’enfuir,maisledéverrouillagedepuisl’autrecôtéestpossibleaucasoùl’interventiondessecoursseraitrequise.

Vanessaetmoinouspostonsàcôtéd’elle.

—Faites-moilacourteéchelle,ordonnelamaman,toutenretirantsesescarpinsàtalons.

Manonnes’estpastrompée,elleréussitàouvrirlafenêtreetpénètreàl’intérieur.

Enfaisantlemoinsdebruitpossible,ellenousaideànoushisserdanslachambreànotretour.

Lesronflementsbruyantsd’unpatientnousfontsursauter.

—Onpeutchuchotermaintenant,outuvasencoreavoirpeur?murmureManon.

—Oui,tupeux.TuDOISmême!J’aipasenviequ’onmetrouvedanslachambred’unmalade.Sortonsdelà!chuchoteVanessa.

Nous nous dirigeons à pas de loup vers la faible lueur qui filtre en dessous de la porte. Nousl’entrouvronsetjetonsunœildanslecouloir.

Toutestsilencieuxetdésert.Laluminositéquinousapermisdenousorienterdanslachambreprovientdes lampes estampillées « issue de secours » qui parsèment ce long couloir. Rassurées, nous faisonsquelquespas.

—Commentonvaleretrouver?Onnevapasouvrirtoutesleschambresetbraquerlespatientsavectonapplication«lampe-torche»,si?

—Onpourrait.Detoutefaçon,ilyatoutesleschancespourqu’ilsnes’ensouviennentplusdemain!plaisanteManon,cequiluivautuncoupdecoudedemapart.

Soudain,dessirènesnousparviennentdepuisl’extérieur.Nousretenonsnotresouffle.

—Putain!Ons’estfaitgriller!Onvasefairearrêterparlapolice!paniqueVanessa.

—Maisnon!C’estleSAMU,paslapolice!rétorqueJennifer.

—N’empêchequeçaapproche!

Quelquesinstantsplustard,lecouloirestsoudainementéclairéparunefortelumièreetnousavonsàpeineletempsdenouscacherdanslachambred’unpatientquetroisinfirmièrespiquentunsprintdansl’allée.Nouslesobservonsàtraversl’entrebâillementdelaportequenousavonslaisséevolontairemententrouverte.Depuisnotre cachette, nous revoyonspasser les infirmières àvive allure en sens inverse,cettefoisescortéesparquelquesintervenantsduSAMUquifontroulerunbrancard.

Lecortègemédicals’arrêtedevantunechambrenonloindecelleoùnousnoustrouvons,maisdifficileà voir dans son intégralité par le simple entrebâillement de la porte. Par contre, leurs voix nousparviennentparfaitement.Lenomprononcéparl’unedesinfirmièresmeglacelesang.

Axel!Queluiarrive-t-il?

Oubliant touteprudence, j’accoursvers le patient qu’ils sont en traind’installer sur le brancard. Jemanquede tomberdans lespommes.Alexa lesyeuxrévulsés, les traitsdéfiguréspar ladouleur,maisc’estbienlui.Jelaisseéchapperungémissementetmeprécipiteàsescôtéspourluiprendrelamain.

—Quiêtes-vous?demandeuneinfirmièreéberluée.

—C’estsafiancée!répondàmaplaceVanessaquivientd’arriverdansmondos.

10

Étatd’urgence

Jennifer

Jenedémenspasetl’étatmédicaldupatientdissuadelessoignantsdeposertropdequestions.

Ils luimettent unmasque à oxygène. Puis, tout en aidant ses collègues à faire rouler le lit dans lecouloir,undesmédecinsditsimplement:

—Bien.Sivousêtes sacompagne,vouspouvezvenir avecnousdans l’ambulance,mais lesautresdoiventresterici.

Sous lechoc, jenepeuxquehocher la tête.Étantdonnélescirconstancesetparcequ’ilneveutpasperdrelaface,lepersonnelducentren’apasoséfairedecommentairessurlaprésencedesintrusesdansleurslocaux.

Nous en profitons pour faire profil bas et suivre le SAMU jusqu’à la sortie, nous calant, dumieuxpossibleavecnostalonshauts,surlacadencerapidedesurgentistes.Jamaisuncouloirnem’aparupluslong!Niplusétroit!

J’ai l’impressionde traverser un tunnel obscur et sans findont les parois opposées se rapprochent,menaçant de m’écraser. Mais, comme par miracle, nous atteignons enfin la sortie. J’accueille avecsoulagementl’airnocturnequimefouettelevisageets’engouffresousmarobedesoirée.Avecadresse,lesquatresoignantsportantdesgiletssansmanchesavec le logo«SAMU»embarquent lebrancardàl’arrièredeleurcamionnette.

Undeshommesmefaitsignedemonter.

Hagarde,jem’exécutesansmêmeunregardpourmesamies,restéesauborddutrottoir.

J’aiàpeineletempsdem’asseoiràcôtédelacivièrequelesportesserefermentdéjàenclaquantetquelevéhiculedémarreentrombe,sirènehurlante.

Jesuispétrifiée.

Touscesbruitsmerendentnerveuse.

Pendant que deux des hommes se sont installés à l’avant du fourgon, un troisième s’affaire autourd’Axel,toujoursinconscient.

Illeperfuse,vérifiesespupilles,lebrancheàunappareilquifaitdes«bip-bip»inquiétants…

J’observe,impuissante.Jen’aimêmepasdemandécequiluiarrivait.J’ailasensationd’avoirperdul’usagedelaparole.Etest-cequej’airéellementenviedesavoir?

Tant qu’on ne m’a pas dit clairement que l’état de santé d’Axel est inquiétant, je peux encore meconvaincrequ’ilvabien,ignorertantbienquemallematérielmédical,l’agitationduSAMU,soncorpsinerte…

Jeréalisequec’est ladeuxièmefoisquenousnousretrouvons tous lesdeuxdansunvéhiculedecegenre.

Aprèsl’incendieàlamaisonderetraiteetnotreconfinementforcédansl’ascenseur,unpompiernousavaitemmenésdansunecamionnetterougepournousausculter.Ilavaitcruluiaussiquenousformionsuncouple…

Je souris timidement en songeant à ce souvenir. Même si je connais maintenant les problèmes demémoired’Axel,jen’auraisjamaispuimaginerlevoirdansuntelétat.J’aidumalàmeconvaincrequel’hommeinconscient,allongéàcôtédemoi,estceluisisûrdelui,séducteur,épicurien,quej’aicôtoyéquelquetempsetquiaaccaparémessonges.

Plongéedansmespensées,jeneremarquepasquelevéhicules’estarrêtéetsuissurpriseparlaportearrièrequis’ouvreàlavoléesurdeuxdesmédecinsurgentistes.Sansperdreuneseconde,ilsenlèventlefreinsituésurlesroulettesetfontdescendrelebrancardsurunepetiteramped’accèsamovible.

Là encore, jeme contente de suivre à distance.Tout çamedépasse complètement.Les choses vontbeaucouptropvitecettenuit.Jesuisprisedansuntourbillond’événements.

Cen’estpascommeçaqueçadevaitsepasser.Nosretrouvaillesdevaientêtreromantiques!Jeveuxbien fairequelquesconcessions,mais là,vraiment, c’est tout sauf romantique !Lacolèrecommenceàprendrelepassurl’étatdechoc.

Pourquoiest-cequec’esttoujoursàmoiqueçaarrive?!

D’autresmédecins,enblouseblancheceux-là,prennent le relaisaprèsavoiréchangéquelquesmotsavecleursconfrèresduSAMUdansunjargonmédical.

Jen’airiencompris.

Àmoinsquejen’aiefaitexprèsdeneriencomprendre.

Je suis dirigée vers la salle d’attente des urgences. À en juger par les réactions des personnesprésentesdans lehall, la robedesoiréen’estpasplusappropriéeauxurgencesquepourescaladerunportail!Jesuisàpeuprèsaussiàl’aisequesijemerendaisàunenterremententenuedefête.

Enm’entendantapprocher,àcauseduclaquementdemes talons, lesgensprésentsdans lapièceontrelevélesyeuxversmoietj’aisentileursregardscourroucéspesersurmoijusqu’àcequejemedégoteuneplaceassise.Jen’aipasoséreleverlatête,depeurdedécouvrirlejugementdansleursexpressions.Jemesuisobligéeàrestertêtebaissée,fixantleboutpointudemesescarpinsvernisjusqu’àressentirlespremierssymptômesdedouleurscervicales.

Sentantmoncouse raidiretme faire souffrir, j’ai finiparabdiqueret relever lesyeux.Mais,àmagrandesurprise,personnenemeregardeplus.Chacunsembleperdudanssespensées.

Àcourtd’activité,jetâched’occupermonespritenimaginantl’histoiredechacunedespersonnesdanslapièce.

Quiestvenuaccompagnersonfilsquis’estcasséunejambe?

Quiaeuunaccidentdevoitureetattenddesavoirsisonamivasortirducoma?

Qu’étaient-ils en trainde faire avant que leursviesnebasculent jusqu’à se retrouver enpleinenuitdanscethôpital?

Puis,jeréalisequ’aveccettetenue,c’estmoiquidoisalimenterlaplupartdesscénariosdesautres…

—MademoiselleCamara?MademoiselleCamara?

Jereconnaisenfinmonnometrelèvelesyeuxverslajeunefemmeenblouseblanchequim’interpelledepuisleseuildelaporte.

—Euh…Oui,c’estmoi.

Lablouseblanchem’inviteàlasuivre.Nousnouséloignonsdelasalled’attente.

—Votrefiancéestsortid’affaire,maisnousallonsdevoirluifairepasserquelquesexamensdemainpourcomprendrecequiadéclenchélesconvulsions.Est-cequec’estlapremièrefoisqueçaluiarrive?

demande-t-elletoutenmarchant.

MonDieu!

Entrerpareffractiondansuncentremédicalspécialiséenrobedesoirée,prétendreêtrelafiancéed’undespatientset se révéler incapablede répondreauxquestions toutesbêtesdesmédecins.Oucommentavoirl’aird’uneévadéed’unasilepsychiatriqueetfinirenprison!

—Euh…Ehbien…Pasàmaconnaissance…

—D’accord.Jevousemmène levoir, ilest réveillé.Ondiscuterade toutçademainquandvousneserezplussous lechoc.J’auraiaussidesdocumentsadministratifsàvousfaireremplir, répondl’autrefemme,conciliante.

Je lui emboîte le pas dans les couloirs jaune pisseux de l’hôpital, en me rappelant qu’il faudraabsolumentquejesoissortied’iciavantdemainmatin!

Bordel!Jeneconnaismêmepaslenomdefamilled’Axel!Jevaismefairegrillertoutdesuite!

—Voilà,ilestici.Ilestencoreunpeufatigué.Nevousinquiétezpassisondiscoursnevousparaîtpastoujourscohérent,c’estnormal,mepréciselablouseblancheavantdemelaisserseuledevantlaportedelachambred’Axel.

J’hésitequelquesinstantsenfixantlacloisonvertpâle.

Dequoijedoisavoirl’air?

Jepassedéjàsuffisammentpourunecingléesansavoirbesoindescruteruneporteferméependantdesheurescommesij’ignoraislefonctionnementd’unepoignée!Inutiled’éveillerdavantagelessoupçons.Jeprendsunegrandeinspirationetmedécideàentrer.

Axelestallongésurson litd’hôpital, lesyeuxclos. Je referme laportederrièremoietm’approcheaussidiscrètementquemesescarpinsmelepermettentpuisjetireunfauteuiletlepousseprèsdulitpourm’asseoiràcôtédelui.

Jeledétailleattentivement.

Ilal’airserein.Ondiraitpresquequ’ilsourit.

Jeposemamainsurlasienne,perfusée.

—Tutrouvespasquelablousemevaàravir?

Lavoixpâteused’Axelmefaitsursauter.Jesouris.

—Surtoutlebleulayette,c’esthypersexy,ironisé-je.

Ilmerenduntimidesourire.Çasembleluidemanderungroseffort,sibienqu’onal’impressionquelascènesepasseauralenti.Ilreprendlaparolelentement,obligédefairequelquespausesaumilieudesonpropospourdéglutir.

—Mêmesitunem’avaispasprislamain,jet’auraisreconnuetoutdesuite…Ilsontditquej’allaisêtredanslebrouillardquelquetemps…etqueçan’allaitpasarrangermesproblèmesdemémoire.Maissimatêtepeutmetrahir,moncorpsluin’oubliepas…Ilaréagitoutdesuitequandtuesentréedanslapièce…

Waouh!

Jeneme souvienspasqu’onm’ait déjàdit quelquechosed’aussibeau.C’est exactement ceque jeressens.Rienquedesentirsesdoigtss’entrelaceraveclesmiensmesubmerged’émotion.

— Je dois t’avouer quelque chose.Au début, je ne voulais pas te parler demes problèmes. Je nevoulaispasquetut’apitoiessurmonsortouquetutesentesobligéederesteràmescôtés.Maisjesuisheureuxqu’onsesoitfinalementfiancés.

Moncœursemetàfairedesbondsdansmapoitrine.Detouteévidence,Axeln’apasencoretoutesalucidité.Jedevraisluidirelavérité.

Quenousnesommespasvraimentfiancés.

Quej’aimentiaupersonnelsoignant.Maisjen’enaipaslecœur.

Qui aurait le courage d’avouer à un homme alité et hospitalisé, venant de lui faire une si belledéclaration,qu’illuiamenti?Etjenesuispasplustémérairequen’importequi.Plutôtmoins,enfait.

—Moiaussi,réussis-jeàarticulerdifficilement,enfixantnosmainsenchevêtrées.

—J’aienvieque tunemequittesplus jamais. Jeveux t’avoir sous lesyeuxà longueurde journée,parcequet’estellementbelleetparceque,decettemanière,jenepourraiplust’oublier.

Bon,ilestclairmaintenantpourmoiqueleseffetsanesthésiantsnesesontpasencorecomplètement

dissipés.LeAxelquejeconnaisn’ajamaisétédugenreromantiqueetseraitbientropfierpourtenircetypedeproposàunefemme.Pourtant,unepartiedemoiaenvied’ycroireetboitsesbellesparoles.

Nepeut-ilpasyavoirunepartdevéritédanstoutça?Sonétatdesantén’aide-t-ilpasseulementàluidélierlalangue?Sepourrait-ilqu’ilpensetoutesceschosessansavoirjamaisosémelesdire?

Oui,çaparaîtfou.Maisj’aienvied’ycroiremalgrétout.

Est-cequejeneméritepasqu’onm’exprimecegenredesentiments?Simongrand-pèreenaledroit,jelevauxbienaussi,non?

Jeressensunepointedeculpabilitémaislanoietrèsvitesousundélugedeprétextesplusoumoinsvalables:jenepeuxpasluiavouerlavéritémaintenant,jerisqueraisdeletuer.

Peut-êtrequ’ilsait,aufonddelui,quenousnesommespasfiancés,maisquesoninconscients’arrangetrèsbiendelasituation.

C’estpeut-êtreladernièrefoisqu’unhommeseraaussiéprisdetoi,alorsprofites-en!

Jemeconvaincsdoncd’exploiterl’étatd’espritsentimentald’Axel.

—Moijevoudraisoublieravectoi,luidis-jeenrapprochantmonvisagedusien.Jevoudraisoubliertouslesautres,oubliermessoucisdanstesbras,oublierlerestedumonde,nepenserqu’ànousdeux…

MonDieu!Qu’est-cequejesuisentrainderaconter?

Certaines substances semblent avoir le pouvoir d’ôter toute inhibition. Je n’ai pas cette excuse,apparemment, s’adresser à quelqu’undont on sait qu’il n’est pas totalement lucideprocure lesmêmeseffets.

—Jepeuxtefaireunepromesse…Jet’oublieraitouslesjours,medéclarealorsAxelendéposantunbaisersurmamain.

Puisilrelèvelatête.

Nosyeuxserencontrent.

Nosbouchessetouchent.

Noslanguessejoignent.

Axel laisseéchapperungémissementalorsque jemedétachedemonfauteuilpourbasculersur lui.Encouragée,jecolledavantagemapoitrinecontresontorseavantderemarquerqu’ilgrimace.Uncoupd’œilsoussacuissegauche.Jecomprends.Jesuisentraind’appuyersursaperfusion!

—Oh,excuse-moi!Jesuisdésolée.Çava?

—Tuestoutexcusée,réplique-t-ilenm’installantàcalifourchonsurluiavecunsourirecarnassier.

Ilsembleavoirsoudainementreprisdesforces.Ilglissesesmainschaudessousmarobeetremarquealorsmatenuesophistiquée.

—Onfêtequelquechose?

—Jevoulaisfairehonneuràtablousesupersexy.

Il se contente de cette réponse et reprend l’exploration de mon corps. Mais le petit tuyau de saperfusions’emmêledanslessequinsdelarobe.Derage,ilarrachelepansementquimaintenaitletuyauetreprendsesassautssousletissutoutencontinuantàm’embrasserfarouchement.

—T’essûr…quet’enaspas…besoin,decetruc?m’inquiété-jeententantderécupérermonsouffle.

Jevaisvraimentfinirentaule!

—J’ail’airenforme,non?

Sij’encroislaproéminencequipointesousmoncorps,jenepeuxqueconfirmer.Alorsquelesdoigtsd’Axelsefontplusprécis,j’oublieinstantanémentmescraintes.

Etpuiszut!Ilyapirecommemanièredemourir,detoutefaçon!

**

Axels’estassoupi.Latêtenichéeaucreuxdesonépaule,j’observeletorsedemonamants’éleveretredescendreaurythmedesarespiration.

Preuvequ’iln’estpasmort!

Jemesensbien,légère.Contretouteattente,j’aipasséundesmeilleursmomentsdemaviequemêmelesproblèmesdeperfusion,de lit tropétroit,de recherchedepréservatifs etd’infirmières tropzéléesn’ontpasréussiàgâcher.Lablousedepatients’estmêmeavéréeunatoutnonnégligeable!

Jeprofiteencoredequelquesheuresd’insouciancedanslesbrasd’Axel.Jen’aipasenviedepenseraulendemainpourl’instant.Etjefinisparm’endormirmoiaussi.

**

Aupetitmatin,alorsqu’Axelrécupèreencore,jequittelachambrepourmerendreàlamachineàcafédanslehalldel’hôpital.

Unpetitremontantpourréfléchirneserapasderefus!

Commentvais-jemesortirdecettesituation?Marelationavecluia-t-elleunavenir?

Mongobeletenplastiquefumantdans lamain, jereparsendirectionde lachambred’Axel.Jeveuxêtrelàquandilseréveillera.

Alorsquej’arriveàproximitédelachambre,jesuisinterpelléeparuneconversationhouleuseentreunejeunefemmeetuneinfirmièrequisesontpostéesdevantlaported’Axel.Instinctivement,jereculedequelquespas,meplaquecontrelemurettendsl’oreille.Jemanquedelâchermoncaféenentendantlavisiteuse:

—…Ellenepeutpasêtresafiancée!JeSUISsafiancée!

Jeresteunmoment,figée,colléeaumur,incapabledefairelemoindremouvement,nimêmedepenser.L’infirmière et l’autre fiancée continuent leur discussion houleuse. Mais si j’entends leurs voix,impossibleenrevanchedecomprendrelesensdeleursparoles.L’échoquirésonnedansmatêteetquimartèle«Jesuissafiancée,jesuissafiancée...»couvretouslessonsextérieurs.

Jereprendspeuàpeumesespritsetsenslasurfacefroidedumurdansmondosdénudé.Lesodeurscaractéristiquesdel’hôpitalm’indisposenttoutàcouppuisjeperçoislebruitdepasquisedirigentversmoi.

Subitement,jemedécideàfuircetendroithostile.Jedéposemongobeletremplidecaféàmêmelesoletmemetsàcourirdansladirectionopposéedel’infirmière.

Jefuislafiancée...

Jem’éloigned’Axel…

Jecourssivitequejebousculeunmembredupersonnelet ignoresesinterjectionsencontinuantmafuite.Décidément,lescouloirsdesétablissementsmédicauxsontbientroplongs!

Haletante, les joueset lespiedsenfeu, j’atteins l’extérieurdubâtiment.Jefais le tourde labâtissepourmecacheràl’arrière.Alorsquej’essaiederetrouverunerespirationplusrégulière,jeprendstoutelamesuredelasituation.

Axelaunefiancée!Unevraie!

Pourquoinem’ena-t-ilpasparlé?

L’avait-iloubliée?

Etest-cequ’ilenaoubliéd’autres?

Commeilm’oubliera,moi…

Et,elle,oùétait-ellepasséetoutcetemps?

Pourquoirefait-ellesurfacemaintenant?

Quil’aprévenue?

Jesecouelatête.

Tropdequestionss’ydisputentlapriorité.

Jen’arriveplusàréfléchir.

Paroùcommencer?M’éloignerd’ici!

Jen’oseimaginerdequoijedoisavoirl’airavecmarobedesoiréechiffonnée,monchignondéfait,lescouluresdemascaraet ladémarcherendueboiteuseparmespiedsmeurtrisdansdesescarpinspasvraimentconçuspourlescourseseffrénées.épitée,jesorsmontéléphonepourappelermesamies.Manon

décrocheàlapremièretonalité.

—Fautquetuviennesmechercher!

Àcemoment,lesvanness’ouvrentettouteslesémotionsdecesdernièresheuresdéferlentsousformedesanglotsquejenepeuxcontenir.

—Axel…Safiancée…,hoqueté-jeentredeuxspasmes.

—Quoi?Jen,jenecomprendsrien!Essayedetecalmer.

J’entendslavoixlointainedeVanessadansletéléphonequidemande:Quiestmort?

—C’estAxel?C’estgrave,c’estça?ditalorsManon.

— Non… Axel… pas… mort… fiancée, éructé-je à cause de ma respiration difficile et de mesreniflementstonitruants.

—Jenecomprendspas,Jen,répèteManond’unevoixdouceàl’autreboutdufil.

J’entendsVanessagrommeleràcôtéd’elle,etlaseconded’après,savoixstridenteretentitdansmontéléphone.

—Qu’est-cequ’ilsepasseJen?Ilestmort?

—Non…Ila…une…fiancée.

—Vousvousêtesfiancés?

Bonsang!

Jeprendsunegrandeinspirationetréussisàdired’unetraite:

—Non.Ilétaitdéjàfiancé.Avecuneautre!

—Oh!Est-cequ’elleestmorte?

Aaargh!!!!

—Maisnon!Jel’aivue.Àl’hôpital.Ellevenaitluirendrevisite!

—Maisalorsquiestmort?

Bordel!

Cettefois,c’estManonquej’entendsrâlerauloin.Puissavoixsefaitplusclairedansl’appareilcarelleadûreprendrelamainsursontéléphone.

—Bon,OK.Ilauneautrefiancée.Maisest-cequ’ilt’adonnédesexplications?

—Non!Jen’aipaseuletempsdeluiparler!Jemesuisenfuiequandj’aivucettefemmequicriaitpartoutqu’elleétaitsacompagne.Venezmechercher!S’ilvousplaît!lessupplié-je.

—Ouimachérie...maisavecquoi?

Merde!Mavoiture!

Jelâcheungrossoupirdansletéléphone.J’enaimarre...

—C’estbon.Vanessaestentraind’appeleruntaxi!Tunebougespas,onarrive!Conclut-elleavantderaccrocher.

Detoutefaçon,jen’ainullepartoùaller!Jevaisdevoirattendreici.

Pffff…

LechauffeurdetaxineroulepasaussivitequeManonetl’attentemeparaîtinterminable.Surtoutquejen’airienpourm’occuperquemespenséesobscures.Puis,auboutd’unedemi-heure,jereçoisuntextodemesamies.

*Onestlà!

Je quitte alors ma cachette qui n’en était pas vraiment une. Dans un tel accoutrement, on meremarqueraitmêmeaumilieuduCarnavaldeRio!Jemetraîneversl’entréeprincipaleetleparkingdel’établissement.Monregardbalayel’endroitavantderepèrermesamies.

Soulagée!

—Bonjour,mefaitlechauffeur,railleuralorsquejem’approche.

Jelèvelesyeuxversluipourluirendrelaformuledepolitesseetm’aperçoisalorsquec’estlemêmehommequinousavaitconduites,hiersoir,devantlecentremémoireSaint-Joseph.

Évidemment!

Ilfallaitqu’onretombesurlemême!Ilyavraimentunepénuriedechauffeursdetaxidanscettefichuecapitale!

—Çavousarrivededormiroudeprendreunepausedetempsentemps?luilancé-jeenm’installantàl’arrièreentreVanessaetManon.

Maisleconducteur,ignorantmamoquerie,nequittepassonairgoguenard:

—Jeconnaissaislatournéedesbars,latournéedesboîtesdenuit,maislatournéedesétablissementsmédicaux,j’avouequec’estunepremière!

Nousallons,àcoupsûr,alimentertoutessesconversationsavecsesclientsdumois,voiredel’année.

Jevoisçad’ici:«Lasemainedernière,j’aipristroiscingléesquisortaientdansersurlestablesd’opérations des hôpitaux, s’envoyer des ampoules d’adrénaline et se taper des patients en blousebleue».

Lepire, c’est quepour le dernier point, il aura raison ! J’ai bien envie de lui tirer la langue,maisquelquechosemeditqu’ils’enserviraitencorepoursemoquerdenous.Ducoup,jemecontentedeledévisagerd’unregardenbiais.

—J’espèrequelecompteurnetournepaspendantquevousnousgratifiezdevosmeilleuresblagues?intervientVanessa,narquoise.

Nah!

L’intéressésecouelatêteavantdenousinviteràprendreplacedansl’habitacle.

Toutes installées, il remet lemoteurenmarcheetactionnesonclignotantpours’engagersur larouteprincipale.

—Etonvaoù,mesdames?annonce-t-ilenjetantuncoupd’œildanssonrétroviseurintérieur.

—Àlafourrière,déclareManon.

—Etsanscommentaire!s’empressed’ajouterVanessa.

Ilnedit rien,mais sesyeuxendisent suffisamment longpourque je rêved’avoir lepouvoirdemefondredanslabanquettearrièreafindedisparaîtrecomplètement.

11

Unefiancéedetrop

Axel

Mélissa entre en trombe dans ma chambre. L’espace d’un instant, noyé dans un brouillardmédicamenteux, jemedemandesi jen’aipasrêvé toutça : lamaladie, lamaisonderetraite,Jennifer,notrerelation…

Elles’approchedemonlitets’yassied,m’obligeantàmedécalerunpeu.

—Quic’estcettefollequisefaitpasserpourtafiancée!crie-t-elle.

Ellenemelaissepasrépondreetcontinueunlongmonologueenapnée.

—Elleenvoulaità tonargent,c’estsûr.Elleessayaitdeprofiterdetasituation.C’estdel’abusdefaiblesse!Onvapasselaisserfaire!Onvaporterplainte!Etc’estquoicethôpitalquin’estmêmepasfichudecontrôlerl’identitédesgens?Quiaput’amenerdansunétablissementpareil?

Bouchebée,jelaregardegesticuleretpointerlesmursdel’hôpitaldesesonglesfuchsiatroplongspendant.Ellecontinueàdéblatérersurl’incompétencedesétablissementspublics.

Qu’est-cequ’ellefaitici?

Dansmessouvenirs–oucequ’ilm’enreste–,jevoisMélissaquittermonappartementens’apitoyantsursonpropresort.Ellesedemandecequ’elleabienpufairepourmériterquesonfiancéaitgardédesséquelles de son accident. Elle ramasse ses affaires et pasmal desmiennes. La radiographie demoncerveauquejetienstoujoursdanslamain,attendantqu’elles’yintéresse,estàpeuprèslaseulechosequ’ellemelaisse.

Ah,si!Ellemelaisseaussi…tomber!

Mais ça, ce n’est pas une surprise. Notre relation n’était pas assez solide pour traverser une telleépreuve.Enréalité,notrecoupleétaitplutôtliquide,commel’argentquejeluidonnaissouvent.Lefaitqu’elle ait toutde suite songéque Jennifer envoulait àmon fric estonnepeutplus révélateur. Jemesouviensavoirétéplutôtsoulagéqu’ellemequitte.

Commentj’aiputlaissercettehistoireallerjusqu’auxfiançailles?!Cen’estpourtantpasmongenre!

Jem’apprêteàrépliquerparuneremarquecinglanteaussipuérilequejubilatoiredustyle:Si, jemesuisfiancé,ettun’avaisqu’àpaspartir!

Mais le doute vient de s’insinuer enmoi. Je n’ai aucun souvenir d’avoir ne serait-ce que parlé defiançailles avec Jennifer. Rien d’exceptionnel, je l’ai sans doute oublié. Mais comment me serais-jelaisséànouveauembarquerlà-dedans?

J’aidéjàcommiscetteerreurunefoisetjeconnaissuffisammentmoncaractèreindépendantpourêtreàpeuprèscertainquejen’auraisjamaisreformuléuntelsouhait,mêmesouslatorture.

Et,surtout,oùJenest-ellepassée?

Celanepeutvouloirdirequ’uneseulechose:ellem’aréellementmenti.

Mélissa s’est relevée et fait les centpasdansmachambre.Ses talons claquent àdroitedemon lit,s’arrêtent,repartentaussivite.Ilsclaquentmaintenantàmagauche.J’aiarrêtédelaregarder,çamefileletournis.Etj’aicessédel’écouter,ça…megonfle!

C’estdifficilepourmoidesuivreuneconversationcarjedoisfournirdegroseffortsdeconcentration.Avecquelqu’uncommeelle,çarelèvecarrémentdusupplice.Sijesavaislefaire,jesimulerais,toutdesuite un arrêt cardiaque qui obligerait lesmédecins àm’arracher dema chambre pourm’emmener aubloc,quitteàdevoirsubiruneopérationàcœurouvert.

Tout,plutôtquederesterprisonnierdanscettepièceexiguëavecMélissa.

Ellen’apaschangé.

Sesjambesinterminablessontperchéessurdesescarpinshauts.Elleesthabilléetoutennoir,commeàsonhabitude.

Lecombleduchic,selonelle.

Jedoisbien reconnaîtreque ses tenues sexyet la couleurnoire contrastant avec lablondeurde sescheveuxnem’ontpastoujourslaisséindifférent.Maisaujourd’hui,alorsquejerepenseàlafraîcheuretaupétillantdeJennifer,Mélissameparaîtbienterneencomparaison.

Elles’arrêtedeparlerunefractiondesecondepourrespirer.J’enprofitealorspourl’interrompre:

—Qu’est-cequetufaisici?

—Lecentremémoirem’aappeléesuiteàtacrise.Ilsontconservémonnumérodanstondossier.Jen’aipaspuvenirhiersoir,j’avaisuneurgence…

Uneurgence?Sûrement,unesoiréemondaine.

—…Mais,heureusement,jesuislà,désormais,monchéri!

Elles’approchedemoiettendsesmainscommepourencadrermonvisage.J’aienviedemedégager,maisn’osepasfairedemouvementsbrusques.Sesonglessontdangereusementprochesdemesorbitesetjesuisconvaincuqu’ungestemaladroit,aussiminimesoit-il,pourraitsuffireàmefaireperdreunœil.

Ellememaintientlevisageparunemainposéesurchacunedemesjouesetplaqueunbaiserbruyantsurmes lèvres.J’ai labouchedesséchée,mais lasienneest toujoursaussidouce.J’attendsqu’ellemerendel’usagedemalanguepourrétorquer.

—Cen’estpascequejevoulaisdire.Sijemesouviensbien,c’esttoiquiespartie.Tudisaisquetun’étaispassûredepouvoirvivrecommeça,quec’était tropduràsupporter,que tuavaisbesoind’unbreakpourréfléchir…

Ellesoupireavantdeplantersesyeuxvertsdanslesmiens.

—Jelesaisbien.Jesuissincèrementdésolée.Jen’auraispasdûréagirdelasorte,maisj’étaissouslechoc…Est-cequetupourrasmepardonner?minaude-t-elleeninclinantlatête.

Savoixs’estconsidérablementradoucie.Àcetinstant,ellemefaitpenseràunegamineattachante.J’aitoujourscraquédevantsamoueenfantine.Soudain,lesouriredeJennifermerevientenmémoire.

J’aibeauessayerdemeconcentrer,sonimagerefusedes’enaller,commesimonsubconscientavaitpeurquejel’oublie.

Siseulementçamarchaitpourtout…

Malheureusement,lorsqu’ils’agitdemefairepenseràéteindrelabouilloireouàm’habiller,aucuneimagedeplaquedecuissonoud’exhibitionnistenes’affichedansmatête!

—Oui,jetepardonne.Maisleproblèmen’apaschangé.J’aitoujoursdestroublesdelamémoireetmême…pire.J’attendslemédecinpoursavoircequ’ils’estpassé…

—Jem’enfiche!Jesuisprêteàfaireface!Laisse-moiêtrelàpourtoi!

N’importequiauraitsûrementadoréentendreçadelapartd’unejoliefillecommeMélissa,maispourêtrehonnête,sonbeaudiscoursnemefaitnichaudnifroid.

Jemeredressesurmonlitetm’assieds.

—Mélissa,tusaistrèsbienquetudisçamaintenantmaisquetuchangerasd’avisavecletemps…

Elleouvrelabouchepourobjecter,maisjelafaistaired’undoigtsurseslèvres.

—Detoutefaçon,soyonsréalistes,onavaitd’autresproblèmestouslesdeux.Avantmêmel’accident.

Ellem’étudieuninstant,silencieuse.

—C’estcettefille,n’est-cepas?

Mélissa s’est raidie et a repris la voix cassante qu’elle avait en entrant dans la chambre. À sonévocation,levisagedeJenniferinondeànouveaumonesprit.Troublé,j’hésitequelquessecondesavantderépondre.

Troptard.Ellearemarquémonémoi.

Elle se lève brusquement de mon lit et se dirige vers la porte de ma chambre en déclarantsolennellement:

—Jenevaispasmelaisser faireaussi facilement!Jenevaispasmefaireévincerparuneespèced’arnaqueuse!Situcroisqueçavam’arrêter,tutemetsledoigtdansl’œil!Elleaussid’ailleurs!

Laporteclaquederrièreellesansm’avoir laisséleloisirdeluirépondre.Jemeremémorealorsundétailquemamémoiredéfaillanteavaitoublié.Unedescaractéristiquesquim’avaientpluchezMélissa:sonâmedecompétitrice.

Detouteévidence,ellen’imaginaitpasqu’elleauraitdelaconcurrenceenfaisantunepausedansnotrerelationpourmelaisserallerseuldansunemaisonderetraitepuisdansuncentremédicalisé.

Commentaurait-ellepul’envisager?

Épuisé, jemetassecontre l’oreillerderrièremondos.Moiquipensaisquemesproblèmesdesantém’éviteraientdesrelationssentimentalescompliquées!

C’estraté!

EtJennifer,pourquoim’a-t-ellefaitcroirequenousétionsfiancés?Essaye-t-elledeprofiterdemoicommel’enaccuseMélissa?Non.JemerefuseàycroireMaisaurais-jepuluiparlerdemesaffairesfructueusessansm’ensouvenir?Plausible.

Commentsavoir?

Pourtant, on ne peut pas aussi bien jouer la comédie. Simes troubles de lamémoirem’ont permisd’apprendreunechose,c’estbienquelescorpsnemententpas.Lesienréagitautantquelemienlorsquenoussommestouslesdeuxdanslamêmepièce.Ellefrémitsousmesmains.Savuesetroublelorsquejem’apprêteàl’embrasser.Sarespirationsefaitplusbruyantelorsquejelacaresse…

Ok ! Je m’ordonne d’arrêter le fil de mes pensées avant qu’une infirmière ne débarque et ne mediagnostiqueunproblèmed’hyper-érection!

Pourquoim’a-t-ellefaitcroirequenotrerelationétaitplusavancéequ’ellenel’estréellement?Est-cequelquechosedontellepourraitavoirenvie?Jenesaisplustrèsbiensicetteidéemeplaîtoum’effraye.Entoutcas,ellealeméritedemefairesentirvivant.

Maisoùest-ellepassée?

M’a-t-ellelaissétomber?Ouest-elleprêteàsebattreelleaussipourmoi?

La porte qui s’ouvre sur le médecin interrompt le cours de ma réflexion. Je me maudis d’êtreprisonnierdecelitd’hôpitalalorsquejevoudraisrattraperJennifer,peuimportel’endroitoùelleaitpualler,peuimportesesintentions.

Je regarde le docteur entrer dans la pièce, un dossier dans les mains. Il se plante devant le lit àroulettes,droitcommeun«I».

Sonexpressionnemeditrienquivaille.

**

Jennifer

Certes,j’auraispuledevinersansl’avoirpratiqué,maisjepeuxaujourd’huiaffirmer,parexpérience,que les tenuesdesoiréenesontpasplusadaptéespourse rendreà la fourrièrequ’à l’hôpitaloupourprendrelebus.

Sansdoutemoins,enfait.

Surtoutquejeréalise,toutàcoup,tandisquenouspénétronsdansleparcautomobile,quemesamiesportent leshabitsqu’ellesavaientpour levoyage.Petite robed’étépour lablondeet jeanset tee-shirtpourl’autre.Pasuneseulepailletteàl’horizon!

Conclusions de l’expérience : Pour se rendre à la fourrière, cent pour cent des personnes étudiéespensentqu’ilestpréférabledemettredesvêtementsquisentent lechienmouilléplutôtqu’une robedesoirée.

Le sentiment de gêne occasionné par une tenue inadaptée augmente avec le phénomène dedésolidarisationdescopines.

Lespaillettessemblentexclusivements’aventurerdehorsennocturneetsurdesrobesdesoirée.

Nousnousdirigeonsversleguichet.Lesfillesmarchentdevantmoi,jesuisàlatraîneàcausedemestalonshauts.Peut-êtreaussiqu’ellesutilisentlatechniquedumoi-je-ne-la-connais-pas-cette-fille-là.Jenepeuxpasleurenvouloir,j’avaisbienreniéManon-sapin-de-Noël,hier.

Commepourconfirmermescraintes,lajeunemamanetVanessas’arrêtentunpeuàl’écartduguichet,melaissantm’adressertouteseuleàl’employé.Jem’éclaircislavoixetdemande:

—J’aimeraisrécupérermonvéhicule.UneMini-Cooperrouge.

Lajeunefemmesefaitàpianotersurleclavierdesonordinateurensoufflantavantderépondre:

—Ilvousfaudrapayercentseizeeurosdefraisdegardeetd’enlèvement.

Ellehèleuntypedubrasquinousemmènesansrechigneroùsontentreposéeslesvoituressaisies.

Alorsquej’avanceàsasuite,lesfillesunpeuplusloinderrière,lessequinsdemarobes’accrochentàunparechoc.Déséquilibréesurmestalonsdéjàpeustables,jetombelourdement,facecontreterre.

Aïe…

Lahonte…

En me relevant, je jette un coup d’œil à celles qui se prétendent être mes amies. Ces dernièress’écartentunpeuplusdemoietmetournentvolontairementledos.

Lespestes!

Quelques moments gênants plus tard, j’ai enfin récupéré ma Mini ! Et mes copines par la mêmeoccasion.Lesclésenmains,jemesensdéjàmieux.

Instinctivement,Manonsedirigeverslaportièrecôtéconducteur.

—Mêmepasenrêve!T’asmêmeplusdepermis!l’arrêté-je.

Ellesembleserappelersoudainementcedétailets’installeàl’arrièreensoupirant.

Vanessamonteàcôtédemoi.Sansattendre,jemetslemoteurenmarcheetnousprenonslarouteendirectiondel’hôtelpourrécupérernosaffairesetquittercettevillemaudite.

Au bout de quelquesminutes, la blonde revient à la charge alors que j’emprunte la première rue àdroite:

—Quandmême,tuauraisdûallerluiparler!

Dansletaxi,jeleurairacontémesmésaventuresavecAxel.

Lechauffeurn’enapasratéunemiette!

Jepensaisquelesujetétaitclos.

— Et pour dire quoi ? Je crois que la situation est assez claire comme ça, et je me suis déjàsuffisammentridiculisée!

—Peut-êtrequ’ellement,elleaussi.

—T’asraison,jevaisretournerlevoiretluidire:T’essûrqu’elleteditlavéritécettepétasse,parcequemoijet’aibienracontédegrosbobardsett’astoutgobé!

—Rhooo,c’estpassigrave.Ilpourracomprendre.

—Detoutefaçon,çanechangepasleproblème.Ilestdéjàavecquelqu’unetdupeuquej’enaivu,jenefaispaslepoids.Jel’aijusteaperçuetroissecondesetj’aieuletempsdemerendrecomptequ’elleaune prestance et une classe impressionnantes. L’infirmière n’enmenait pas large face à elle. Elle estblondeenplus,ajouté-jepourcloreledébat.

—Maisellen’apaspassélanuitaveclui,elle,objecteManondepuislabanquettearrière.

—Etalors?Ilnedoitmêmeplusserappeleravecquiilacouchéhiersoir!

—Yenabeaucoupàquiçaarriveetquin’ontpascegenredemaladie,faitremarquerVanessa.

—Arrête!Avoirdesproblèmesdemémoiren’excusepastout!

Pourbiensignifierquecettefois,ladiscussionestterminée,jemontelevolumedel’autoradio.

MonDieu,quemavoiturem’avaitmanqué!

**

Troisquartsd’heureplustard,nousarrivonssurleparkingdel’hôtel.Jeneperdspasunesecondeetm’extirpeduvéhiculeenlançantmesclésàVanessapourqu’ellefermelavoiture.

Je passe les portes d’entrée, trottine aussi vite quemes talonsme le permettent jusqu’à l’ascenseuravantdem’yengouffrer.Lesfillesàmasuite.

J’ai hâte de quitter cette ville.De revenir àma vie ordinaire. Ce petitweek-endm’a littéralementépuisée!

Les portes de nos chambres communicantes sont déjà déverrouillées. Nous entrons dans celle degauched’oùdessonsdemeublesqu’ondéplacenousparviennent.Enpénétrantdanslapièce,jedécouvreFarahquisoulèveunvasesurlacommode,essuieendessousàl’aided’unchiffonavantdelereposeràsaplace.Touteàsonménage,ellen’amêmepasremarquénotreprésence.

—Tusaisqu’ilyadesfemmesdechambrequisontpayéespourfaireça?

Ellerelèveàpeinelesyeuxversnous.

—Ah,vousêteslà.Ças’estbienpasséavectonAxel?demande-t-elledistraitementtoutencontinuantàfrotterdesbibelots.

—Euh…Pasvraiment.Maisqu’est-cequetufaislà?Pourquoitun’espasavecMaxime?

—Jerentreavecvous,dit-ellesuruntondétachéenfuyantmonregard.

—Farah,qu’est-cequ’ilya?Iln’estplussûrdevouloirchangerdecarrière,c’estça?insisté-jeenplissantlesyeux.

—Oh,si!Ilveutouvriruneboîtedestrip-tease,feint-ellel’indifférence.

—Ah…

C’esttoutcequej’aitrouvéàdire.

—Oui!assène-t-ellesuruntonquiattestequ’ellen’apasenvied’enparler.

—Est-cequec’estmarobequet’esentraind’utiliserpourfaireleménage?!s’exclame,toutàcoup,Vanessa.

Farahs’arrêtenetetrelèvelatête.

Elleouvrelamaindanslaquelleelletientletissunoiretl’étudiecommesiellenesavaitpasvraimentcommentilavaitatterridanssapaume.

Vanessas’empressedeluiarracherlechiffonetdéplieletissufroisséenpoussantuncrihorrifié.

—Jerêve!Elleestentraind’utilisermarobepourfairelapoussière!s’insurgelablondeennousprenantàpartie,Manonetmoi.

—Pardon.J’aipastrouvédechiffon.Nidanscettechambrenidansl’autre.

Vanessaécarquilledegrandsyeuxronds.

—Situtrouvespasdechiffon,nideproduitsd’entretien,c’estparcequecen’estpasauxclientsdefaireleménage!T’esentraindefaireperdreleurgagne-painauxfemmesdechambre!Etd’abîmermarobe!ajoute-t-elleenserrantleboutdetissucontresoncœur.

Lesyeuxsurseschaussures,Farahfaitprofilbas.

Lalueurdulustredelachambreseréverbèresursoncrâneébène.

—Enmêmetemps,ellen’avaitplusdecheveuxàraser,tenteManonpourdéfendresacopine.

Vanessasecouelatêteetpartendirectiondelachambreattenanteenmaugréant.

—Bon,sionrentraitcheznous?

Lesautresacquiescentetnousnousaffaironsàfairenotrevalise.

Lecôtépositifden’avoirqu’unseulbagagepourquatre,c’estquec’estplutôtrapideàremplir.

Alorsquejefourrelelisseurdansunedespochettesàl’avant,mesdoigtstâtent,puisseresserrentsurunesurfacefroide,unflaconenverre.

Jelesorspourledétailler.Jen’encroispasmesyeux.

—Vanessa!T’auraispaspudirequet’avaisduparfumpendanttoutcetemps?crié-jeassezfortpourqu’ellem’entendedelapièceàcôté.

—Évidemmentquej’avaisprisduparfum!Tumeprendspourqui?l’entends-jerépondre.

—Elle se foutdenous !Etdireque j’ai passé toute lanuit et lamatinée àpuer la serpillièremalessorée!selamenteManonàcôtédemoi.

Jetroquemarobedesoiréecontrecelled’étéquejeportaisenarrivantetnousnousaspergeonstoutescopieusementduparfumdeVanessa.

Noussommesfinprêtesàquitterl’hôtel.

Danslehall,Vanessarendlesclésauréceptionniste.L’audacieuxosedemandersinousavonspasséunbonweek-end,cequiluivautquelquesregardscourroucés.

Tandisquenouspayons, il sepincediscrètement l’arêtedunez. Il fautdirequ’ilya, étalée sur lesquatrepersonnesalignéesdevantlui,l’intégralitéducontenud’unegrandebouteilledeparfum.Etseuluncomptoirlargedequelquescentimètrespourleséparerdenous.

Quelquesinstantsplustard,noussortonsdel’établissementparlaporteàtambour,enlaissantderrièrenousunépaisnuagedefragrancesfruitéesetunhôtelierauborddel’asphyxie.

Je prends le volant avec soulagement. Bientôt, je serai chez moi. Au calme. Avec des vêtementspropres—je rêvemêmedemonpyjamadedéprime—etduNutella.Sansampoulesauxpieds, sanschauffeurdetaxirailleuretsanscraintedemefairearrêterparlapolice.

MaissansAxelaussi.

Jepousseunprofondsoupirdefrustration.Ceweek-endétaitunvraifiasco…

Jejetteuncoupd’œilàFarahàcôtédemoi.Elleasortiunflacondesolutionantibactériennedesonsacets’entartinelesdoigtscommesielleessayaitdeseraboterlapeau.Quelquesheuresàcerythme,etellevaseretrouveraveclamêmecarnationqueMichaëlJacksonaprèssadépigmentation.

Dans le rétroviseur, je vois le reflet deManon etVanessa qui, le regardvague, semblent tout aussidépitées.

—Jeneremettraipluslespiedsdanscetteville!déclaré-je.

—Detoutefaçon,lesautoritésnenouslaisserontplusentrer!plaisanteManon.

Farahyvaaussidesoncommentaire:

—Jesuisvannée.Jevousaiditquej’aidormidansunecaravane?Et,voussavezquoi?Nosvoisinsdelacaravaned’àcôtédevaientêtredesacteursdufilmparcequ’ilsontrépététoutelanuit!

—Oh,çava!Arrêtezdevousplaindre!Vous,vousavezpassélanuitenbonnecompagnie,àvouséclater. Moi, pendant ce temps-là, j’étais enfermée avec Manon dans notre petite chambre d’hôtel !s’agitetoutàcoupVanessasurlabanquettearrière.

Puis,réalisantcequ’ellevientdedire:

—Pardon,Manon.

Cettedernièrebalayesesexcusesd’ungestedelamain.

—Aucunproblème.Moi,j’aipasséunebonnesoirée.J’aidormisansêtreréveilléepardespleursdebébé!Voussavezdepuiscombiendetempsjen’avaispasfaitça?

Lesimplefaitd’énoncercettevéritésuffitàlamettreauborddeslarmes.

—Bon,alors tout lemondeapasséunweek-endpourri, saufManon,si jecomprendsbien, résumeFarah.

—Bah,onm’aquandmêmesuspendumonpermispoursixmois,rétorquelajeunemaman.Etça,çaveutdirequejevaisêtreencorepluscoincéechezmoiquejenel’étaisdéjàavecl’arrivéedeLouise…

Soudain,savoixsebriseetelleéclateensanglots.

Vanessa,àcôtéd’ellesurlabanquettearrière,l’entouredesesbras.

—Çavaaller,mabelle…Onferaleschauffeurs!Bon,oniramoinsvitequetoi,maisonposerapasautantdequestionsquecefichuconducteurdetaxi,juré!

Àl’avant,nousrionsetunlégersourirevientéclairerlevisagedelajeunemaman.

—Moiaussi,jesuistriste.Jen’aipaseulenumérodetéléphoneducomédienmignonetj’aimêmepaspufairedeshoppingalorsquejem’étaisvernilesorteils!

Cette fois, Manon ne peut s’empêcher de glousser. Nous l’imitons toutes. Nos éclats de rire quis’échappentparlesvitresouvertesdelavoiture–risqued’intoxicationauxémanationsdel’IrrésistibledeGivenchyoblige–merassérènent.

12

Finilerêvemaispaslesennuis!

Jennifer

J’aidéposélesfilleschezellesetarriveenfinàmonappartement.J’ail’impressiondel’avoirquittépourpasserunmoisenforêtamazoniennealorsquejenesuispartiequedeuxjours,àParisenplus!

J’aienviedem’écroulersurmonlit.Saufqu’ilfautquej’aillefaireactedeprésenceàl’agencecetaprès-midi.Onl’adéjàferméecematinetcen’estpastrèssérieux.

Je regarde l’horloge murale de mon salon. Il me reste quelques heures pour retrouver un aspectconvenable.

Jefonceàlasalledebain,medébarrassedemesvêtementsparfumésàl’Irrésistiblechienmouillé,mixétonnantentre lacélèbre fragranceet l’odeurde tissu trempépar lapluie, avantde sauter sous ladouche.J’actionnelerobinetlaissel’eauchaudemedélasser.

Çafaitunbienfou!J’ail’impressiondenepasavoirprisdedouchedepuisdeslustres!Mesmusclesatrophiéspar la longuerouteenvoitureet la fatigueduweek-endsedétendentpeuàpeu.Masalledebain est saturée de vapeur et commence à ressembler à un sauna. Je ferme les paupières pourmieuxprofiterdelasensationdujetd’eausurmoncorps.

Soudain, une image indécente parasite mon esprit. Je vois Axel me rejoindre sous la douche touthabillé.Sansdireunmot,avecdesgesteslentsetsansmequitterdesesyeuxprofonds,ilôteàprésentsesvêtementstrempés.

Ilretired’abordsontee-shirtquicolleàsontorseetlaissedécouvrirdespectorauxetdesabdominauxparfaitement dessinés. Il est tout près de moi, me fixant toujours intensément tandis que je ne peuxempêchermonregarddeglissersursapeaudénudée.

Jevoisalorssesmains robustesseposersursaceinturepour l’ouvrir rapidement. Ildéboutonnesabraguette.Sonjeans,alourdiparl’eau,finitimmédiatementdanslereceveurdeladouche.Axeln’aplusqu’àleverlespiedspourl’ôtercomplètement.Ilestquasimentnumaintenant.Enquelquessecondes,sonboxerblancdevientpresquetransparent.

Jevaisvraimentl’inscrireàunconcoursdeboxermouillé!

Ilgagneraittrèscertainementsijemefieàsonanatomiequiprenddeplusenplusdeplacedanssoncaleçon!

J’ailapeauenfeu.Jebrûleaussiintérieurement,commesil’eauchaudeavaitputranspercermachair.Saufquejesaisbienquecequejeressensn’arienàvoiraveclatempératuredel’eau.Laproximitédesoncorpsestencoreplusardentequ’unjetdedouchebrûlant.

Ils’approchedemoi,sepressetoutentiercontremapeaunue.Jeposemesdeuxmainssursontorseruisselantpuispratiquedescaressesunpeuplusbassessursasangleabdominale.Pendantqu’ilglissesesmainsdansmescheveux, j’ai trèsenviedegoûteràses lèvres,maisma langueest tropoccupéeàcourirvirtuellementsurleslignesparfaitementdessinéesdesespectorauxetdesesabdominaux.

Jedescendsencoreunpeuplusbasmesmains…

Unesonnerieretentit.

JerelèvelesyeuxversAxel.Ilresteimpassiblequelquesinstantscommepoursavourerlemomentquiseprépare,puism’embrasselangoureusement.Jemelaisseallercomplètementcontreseslèvres.

Nouvellesonnerie.

Zut,iladûlaissersonportabledanssonpantalon!

Uneminute!Danssonpantalon?Trempé?Commentuntéléphonepeut-ilencorefonctionnersousladouche?

Jereviensbrusquementàlaréalité.

Merde!C’estmonportablequiestentraindesonner!

Etdepuiscombiendetempsjerêvasselà-dessous,moi?

Jem’enrouledansuneserviettesansprendrelapeinedemesécheretmediriged’unpasfermeverslesalond’oùprovientlasonnerie,frustréed’avoirétédérangéeenpleinmilieud’unjolisongeetd’avoirdûquitterl’atmosphèreenvoûtantedemasalledebain.

Je suis un peu honteuse, aussi. Ça fait à peine une heure que je suis rentrée et le souvenir d’Axelm’obsèdedéjà.Jedoismerendreàl’évidence:jesuismalbarrée!Jesuisàpeuprèsdanslemêmeétat

d’excitationqu’aprèsavoirvisionnélapiledeDVDréalisésparMaxime.

Jedécrocheenfincefichuportable-empêcheurdefantasmes.

—Ahmachérie!Jecommençaisàm’inquiéter.Qu’est-cequetuétaisentraindefaire?

Maman!C’estellelacasseusedefantasmes!J’auraisdûm’endouter.

—J’étaissousladouche,maman.Et,commetulepeuxconstater,jenemesuispasnoyée.

—Sous ladouche ?Àcetteheure-là, un lundimatin ?Etoù étais-tupassée ceweek-end? Je suispasséeplusieursfoisdevantcheztoi,tavoituren’yétaitjamaisgarée!

—J’étaisàParis,maman.Avecmesamies,situveuxtoutsavoir.

—Tuauraispumeprévenir,toutdemême!

—Pardon,j’aidûoublierdetefairesignerl’autorisationdesortie.

—Arrêtedetemoquer,tuveux?Jem’inquiètepourtoi.C’estnormal.C’estlerôled’unemère.Tuverrasquandtuenserasune.

—Manqueraitplusqueça…,marmonné-jedanslecombiné.

—T’essûrequeçava,machérie?Jetesenstoutechose.

Toutechose…Onpeutdireça.J’aiencoredumalàmeremettredemonrêvesulfureux.N’ayantpasobtenuderéponsedansl’instantquisuit,mamère,fidèleàelle-même,enchaînedirectement:

—Est-cequeçaunrapportaveccethommedonttongrand-pèrem’aparlé?

Ohnon!SipapyLéons’ymetaussi,quevais-jedevenir?!

—Ilm’aditquetufréquentaisunhomme…malade…àlamaisonderetraite…OhJen!Situveuxmonavis,cen’estpasquelqu’unpourtoi.Tuméritesmieuxque…

—T’inquiètepas,jenelevoisplus,lacoupé-je.Bon,ilvafalloirquejemepréparesij’veuxpasêtreenretard.Jet’aime,maman.

Jeraccrocheavantqu’ellenetrouveautrechoseàdireetquemonespritdevengeancenecèdeà latentationdecaftersurpapyLéonetsanouvellepetiteamie.

Je retourne dans la salle de bain en suivant les traces de piedsmouillés que j’ai laissées, ôtemaservietteavantd’entrerdenouveausousladouchepouréteindrelefeuenmoi.

IlmefaudraitunCanadair!

**

Axel

Lemédecinvientdesortirdelapièceetm’alaissécommeuncon,paumédansunsilencedeplomb,avec pour seuls compagnonsmaperfusion et l’écran noir de la télé pour laquelle je n’ai pas souscritd’abonnement.

Jem’attendaisàtout:mortimminenteoualiendanslatête,etc...

Maispasàunetellerévélation!

Depuisplusieurssemaines, j’essayedeprendrecequ’ilm’arrivecommeunechance,devivreavec,d’enprofiter,même.Voilàqu’aujourd’hui,ledocteurm’apprendqu’ilpeutmesoigner.Quecequemonpremiermédecin avait logiquement pris pour les séquelles demonAVCétaient en fait les symptômesd’unetumeurquiappuieetcourt-circuiteunepartiedemoncerveau.

Une tumeur bénigne, facilement opérable, qui a causé ma crise de convulsions. Il a parlé dem’emmeneraubloccetaprès-midi!Enbonpraticien, ilm’atoutdemêmelaissédeuxheurespourmefaireàl’idéequemavievachangerdutoutautoutunedeuxièmefoisensixmois!

Tropgénéreux,letoubib.

Il m’a aussi conseillé de profiter de ce temps imparti pour prévenir mes proches qui, eux aussi,risquentd’avoirunchoc.

Tum’étonnes!

Mûpar un réflexe enfantin et idiot, je décroche le téléphone surma table de chevet et compose lenumérodemesparents.Évidemment,ilsnerépondentpas.Ilsdoiventêtreentraindesedorerlapiluleàl’île Maurice ou de Saint-Barthélémy. Ou dans n’importe quel autre endroit paradisiaque ayant pourappellationunvieuxprénomringard.

Enreposantlecombinésursonsocle,jeréalisequejen’aipasvraimentenviedeleurparler.Pasplusqu’àmesancienscollèguesarrogantsetpseudo-amisouàMélissa.

Laseulepersonnequej’aimeraisavoirauprèsdemoiencemomentmême,c’estJennifer.Jeprendsconsciencequelamaladiem’achangé.Jenesuispluslemêmequ’avant.Jeneveuxplusêtrecethomme.

Et,toutd’uncoup,j’angoisse.

Jenemesenspasprêtàdevoirrefairefaceàlapressiondemontravail,àcellesdemesparentssurmonstatutdecélibataire,auxresponsabilitésdelavie,engénéral.

Jeveuxrestercommejesuis.Libre.

EtJen?N’est-cepasdecettemanièrequ’ellem’aconnuetapprécié?Sera-t-elleaussifandel’ancienAxel?J’endoutebeaucoup.

Jesaisbienquelaplupartdesgenspenseraientquejesuiscomplètementstupideoubienquelatumeurnedoitpascourt-circuiterquemamémoire,maislà,toutdesuite,j’aitrèsenviederefuserl’opération.

Departirencourant.

D’aller retrouver Jen et de faire comme si le médecin n’était pas entré dans ma chambre pourm’annoncercettefichuebonnenouvelle!

13

Courts-circuits

Jennifer

Évidemment,Farahestarrivéeavantmoiàl’agenceimmobilière.

Elleestenpleinediscussiontéléphoniqueavecunclient.

Sij’encroissaminedéconfite,laconversationn’estpasdesplusagréables.

Enm’approchantducomptoirdel’accueil,jecaptequelquesbribes:

—Non,biensûr,quenousneparlionspassérieusement…

Jefroncelessourcilsenm’installantsurlachaisepivotantederrièreladesserte.

Dequoiest-elleentraindeparler?

—Écoutez,cemailaétéenvoyéparerreur.C’estunemauvaiseblaguequ’onnousafaite…

Çayest!Jemesouviens!

J’allumel’ordinateurenfacedemoietpianotenerveusement.

Enretrouvantcequejerecherche,j’accuselecoup.

Unepartiedemoiespéraitencoresetromper,avoirtoutimaginé.

Mais non ! Nous l’avons vraiment fait ! Nous avons envoyé un mail à nos clients, potentiels ouhabitués,pourleursuggérerd’habiterchezleursmèresoud’allervoirailleurs!

Jemeprendslatêteentrelesmains.

Farahraccrocheengrommelant.

—Çarisqued’êtresympacommejournée!C’estdéjàletroisièmecoupdefildugenrequejereçois!Jetepréviens,leprochainestpourtoi!

—Merde!Onétaitquatrecesoir-là!Yenapasunequiauraitpuserendrecomptequenotremailn’étaitpastoutàfaitprofessionnel!

Jerelisquelquespassagesdenotremessageautomatique.

«…sinontantpis,onn’enarienàfaireaprèstoutdevotreavis!»,«nousvoussuggéronsd’allerexposerendétail toutes lesdemandes,dontvousavezbienvoulunous fairepart très longuement,ànosconcurrents»…

Jefrappemamainsurmonfront.

Quelleconne!

La seule chose dont je me souviens m’être inquiétée, c’est le motBisous à la fin. La plupart despersonnesquiontreçucemessagen’ontmêmepasdûallerjusqu’aubout!

Jemeredressesurmonsiège.

Ilfauttrouveruneparadetoutdesuite.

Je réfléchis quelques instants, lementonposé surmapaumeouverte.Puis,mesdoigts entament unedanseeffrénéesurleclavieretdeuxminutesplustard,j’appuiesurlatouche«envoyer».

Nosclientssontmaintenantinformésquelesproblèmesdesantédemonassociéenousontobligéesàfermer l’agence samedi et ce matin, et que notre messagerie professionnelle a été piratée par desplaisantinsmalintentionnés.

—Tudirasmerciàtamère,lancé-jeàFarah,toutefièredemoi,enjouantavecmachaisepivotantecommesij’étaissuruntourniquet.

—Quoi?Pourquoi?

—Disonsquejeluidoisquelquesdommagesetintérêtspourplagiat!réponds-je,énigmatique.

Haussantlesépaules,ellenecherchepasàensavoirdavantage.

Jem’en réjouis. Je ne suis pas certaine qu’elle apprécierait de jouer une fois de plus lesmaladesimaginaires.J’espèrequ’elleatortetquetoutescesallusionsnevontpasluiporterlapoisse.

—T’asunrendez-vouschezlemédecinbientôt?luidemandé-je,l’airderien.

Ellerelèvelatêtedesdossiersqu’elleestentraindeclasserdansl’étagèrederrièremoi,seretourneetmetoisedesesgrandsyeuxnoirsenamande.

—Non.Mais si tu continues, je vais en prendre un pour toi. Dans un cabinet spécialisé ! Y a undécalagehoraireentreRennesetParis?Tum’inquiètes!T’asl’aircomplètementàcôtédetespompes.

—Non,non,t’inquiète.Çavatrèsbien.

—C’estAxel?

—QuoiAxel?Est-cequ’onnepourraitpasunpeuarrêterdeparlerde lui?EtMaxime, il adéjàachetésesbarresdepole-dancepoursanouvelleentreprise?

—Non,iln’estplustrèssûr.Ilréfléchitencoreàd’autresactivités.Etjen’aipasnonplusenvied’enparler,conclut-elleenretournantàsonarchivage.

Uneautreactivité?EllenepourraêtrequeplussoftqueréalisateurdefilmXetpatrond’uneboîtedestrip-tease,non?Àmoinsque…gynécologue?

Je résisteà l’enviededemanderàFarahsi sonpetit amia faitdesétudesdemédecineavantdeselancerdanssacarrièreactuelle.

Toutencontinuantàm’interroger,jetentedemeremettreautravail.

**

Lajournéen’apasétéaussidésagréablequel’avaitpréditFarah.

Jenemesuisfaitsermonnerquedeuxfoispardesacheteurspotentielsmécontentset,enfind’après-midi,monassociéeareçudesfleursdel’undenosclients

Farahestrestéeperplexedevantlepetitcartonquiaccompagnaitlebouquet:

«Toutesmespenséesvousaccompagnentdansl’épreuvequevoustraversez.»

J’airétorqué,l’airinnocent,qu’ildevaitfaireallusionauchallengequereprésentaitsarecherched’ungrandF5enpleinmilieuduquartierhistoriqueducentre-ville.

Elleasourcillé.Puiselleamislenezdanslespivoinespourlesreniflerettoutesseshésitationssesontenvolées.Pourcouronnerletout,MadameBasson,quejemesuisbiengardéedemettreencopiedumaild’excuses,nes’estpasprésentéeaujourd’hui.

Je songe sérieusement à voler le bouquet de pivoines de Farah pour l’offrir à nos concurrents deCentury21, en face.Mais desboulesQuiesouuneboîte deparacétamoly seraient certainement plusappréciées.

**

Jeviensdemegarerenbasdemonimmeuble.L’airfraisestagréableencedébutdesoirée.Maisjesuispresséederetrouverleconfortdemonloft.

J’aiprévuunesoiréefestive.JemetâteencoreentreterminerletomequatredesaventuresdeKatetJakeavecunbonverredevinouvisionnerunesupercomédieromantiqueavecunecuillèreetunpotdeNutella

Jeprendslesescaliers—etnonl’ascenseur,aucasoùmondévoluseportesurlapâteàtartiner—etlesmontequatreàquatre.

Haletante,ilnemeresteplusquequelquesmarchesàgrimperquandjeremarque,surmonpalier,uneombrequipatiente.

Merde!Encoreunreprésentant!

Uneminute…Pasdemallette,deprospectusàlamain...Non,cen’enestpasun.

Surmesgardes,j’atteinsladernièremarcheetavanceversl’hommeenquestionquimetourneledos.

L’espaced’uneseconde,j’imaginequ’Axelafaittoutcecheminpourmeretrouver.Maisl’intrusquiaentendumespasderrièreluifaitvolte-faceetjedéchante.

Jérémy!

Éloigné des rayonnements de sa rouquine, il a perdu tout éclat. Il est voûté, pâlot, et ses yeux sontrougis.

—Jérémy?Maisqu’est-cequetufaislà?annoncé-jeenmemettantàsahauteur.

—J’avaisbesoindeteparler.

Etpourquoionainventéletéléphoneàtonavis?

Ils’approchedemoietmefrôlelajouedesamaindroite.

Etpourquoiest-cequ’ilneditplusriens’ilvoulaitmeparler?

Jemedégagedoucementetprendsuntonmaternel.

—Jérémy…Onadéjàparlédesmilliersdefoiset…,commencé-jeensecouantlatête.

Ilposeundoigtsurmeslèvrespourmefairetaire.

—Alorsonn’estpasobligésdeparler,mesusurre-t-il.

Avantquejen’aieletempsdecomprendrecequ’ilsepasse,sabouches’estposéesurlamienne.Samain appuie légèrement derrièrema nuque. Et déjà, alors que je commence seulement à songer àmedégager, ilmeplaqueplus fortcontre lui, ravivantd’ancienssouvenirs torridesentrenousdeuxque jecroyaiseffacésàjamaisdemamémoire.

Maisuncraquementsourdvenudequelquepartdansl’immeublemeramèneàlaréalité.Jeretrouveenfinmesespritsetlerepousse.Jen’aivraimentpasbesoindeçaencemoment.

Surprisetvexé,ilmeregardecommeunanimalblessé,faisants’évanouirtouteslesréminiscencesquesongesteavaitprovoquéesenmoi.

Jeledévisage.Ilmefaitpresquepitiémaintenant.J’auraispresqueenviedeluimettredesclaques.

—Jérémy!Toietmoi,c’estfini.Tucomprends?

—Sic’estàcaused’Ambre,jet’assurequenotrerelationn’avaitrienàvoiraveclanôtre.

Ambre?!

Ahlarouquine!Forcément,ilfautqu’elleaitunprénomdematièreprécieuse!

—Çan’arienàvoir,Jérémy!Jeterappellequ’onavaitdéjàrompuavant!

—J’aichangé!Laisse-moitelemontrer!

—Écoute,jesuisfatiguée...Jen’aipasdutoutenvied’avoircegenredeconversation,làmaintenant!

Jelepousseunpeudel’épaulepouratteindremaported’entrée.Alorsquej’ouvrecelle-ci,Jérémyclamedansmondos:

—J’m’enfous!Jevaisrestericijusqu’àcequetuchangesd’avis!Etquetuacceptesd’endiscuter!Tumeconnais,tusaisbienquejevaislefaire!

Exaspérée,jelèvelesyeuxaucieletclaquelaportesansunregardpourlui.

Cetabrutivientdegâchermasoirée!

Jememaudistoutenmedébarrassantdemonsacàmainetdemeschaussuresdansl’entrée.Qu’est-cequim’aprisdeconsentiràlerecevoiràl’agence?Et,surtout,pourquoiVanessaluia-t-ellerefilémonnouveaunuméro?!

Avecrage,jem’emparedemontéléphoneetcomposelescoordonnéesdemonamie.

Répondeur.

Elleadelachance.Elleauraquandmêmeledroitàunmessagecinglant:

—Écoute-moibien,Vanessa!Jérémyestentraindeprendreracinesurmonpaillasson!Etc’estdetafaute!Alorstufaiscommetuveux,tuteteinsenrousse,tucouchesavecluioubientuviensavecunepellepourledéterrer!Maistumedébarrassesdecepotdecolle!

Jeraccrocheetpousseuncridefrustration.Engueulerunrépondeurestbeaucoupmoinslibérateurqued’avoirlapersonneauboutdufil.

Une fois pratiquement défoulée, je décide demettre lamusique à fond dansmon appartement pourtenterd’oublierlaprésencedemonexderrièrelaporte–s’ilestvraimentrestélà.

Lamainsurlasourisdemonordinateur,jem’apprêteàcliquersurletitreCrèvedeMademoiselleK.Mais je songe qu’un dépressif comme Jérémy serait fichu de prendre ça au pied de la lettre et qu’unmacchabéesurmonpaillasson,çaferaitdésordre.J’optealorspourleclassiqueIWillSurvivedeGloriaGaynor.Enespérantqu’ilcomprennelemessage:Tuvassurvivre!

Ettantpissitoutl’immeubles’imaginequejesuisentraindevisionnerlesmeilleursmomentsdelacoupedumonde1998.

Jefinisparm’installersurlesofaavecmonlivre.Malgrélefondsonoreinadapté,j’arrive,aufildespages, àmeplonger dans l’histoire et à oublier la présence probable de Jérémyde l’autre côté de lacloison.

**

Axel

Jesenstoutdesuitequemalgrémesproblèmes,jenesuispasprèsderéussiràoublierlascènequivientdesedéroulersousmesyeux.

Jecroyaisquoi?Qu’ellen’avaitpasunevieavantdemerencontrer?Qu’elleallaitaccepterd’avoirunerelationsérieuseavecuntypecommemoi?Unmecquineserappellepasqu’ilsontunrencardetqu’iladéjàunefiancée?

C’estsûr,elleméritemieux.

Jem’enveux.

Jesuistropcon.

J’auraisdûdevinercequiallaitsepasser.

Réfléchir,avantdequitterl’hôpitaldanslaprécipitation,decherchersonadresseetmeruerchezelle.Jen’auraispasdûvenir.Qu’est-cequim’apris?Depuisquandest-cequejemecomportecommeceshommessoumisqu’onmèneàlabaguetteetquicourentaprèslesfemmes?Etjem’enveuxencoreplusdememettredansdesétatspareilspourelle!Cen’estqu’unefemme,bordel!J’enaiconnud’autresetelleneserapasladernière!

Alors pourquoi je reste devant son immeuble, incapable de repartir après l’avoir vue embrasser cetype,depuislepalierdel’escalier?

Choqué,j’aiprislafuite.

Jemesentaisdetrop.

J’étaisdetrop.

Ettoutcequejevoulaisluidirevenaitdeperdresoudainementtoutsonsens.Sansréfléchir,j’aitournéles talonsetai redescendulesmarchesquejen’avaispascomplètementmontées.J’aiessayéd’être leplusdiscretpossiblemaislesolacraquésousmespas.Apparemment,ilsn’ontrienentendu.Sansdoutebientropoccupéspourça!Adosséàunlampadairedepuisletrottoird’enface,jenepeuxm’empêcherderegarderverslecinquièmeétage.Làoùellehabite.Jecontempleunefenêtreauhasard,m’imaginantqu’elle donne sur le salon de l’appartement de Jen, mais elle appartient peut-être au logement d’unevoisineàlaretraite.

Indifférentàl’activitéduquartier,j’imaginecequiestentraindesepasserderrièrecesmurs.

J’imaginecethommeembrasserJen,maJen.

Je les imagine rire ensemble avant qu’il ne la conduise jusqu’à sa chambre. Je regardemamontre.Déjà une heure qu’ils sont enfermés tous les deux. J’imagine, et jeme fais dumal. Je ne comprendsvraimentpaspourquoijeresteici.

Peut-être que j’espère que le type va ressortir de l’immeuble et qu’alors je pourrai aller parler àJennifer. Oubienquec’estellequivaquittersonappartementetquej’iraiàsarencontre.Etpourluidirequoi?

Entendredesabouchecequejesaisdéjà?

C’esttropcon!

Jenevaispasmelesgelerici,contrecelampadaire,toutelasoiréeettoutelanuit!Àquoibon?

Qu’est-cequ’ilmefautdepluscommepreuvequ’ellen’enastrictementrienàfairedemagueule?

Lesvoirnus,enlacésl’uncontrel’autre?

Lavoirs’épanouirdanssesbras?

C’estpourçaquejesuisplantélààcontemplerunmur?N’importequoi!

Ilfautquejemeressaisisse!

Jemedécideenfinàtournerledosàl’immeubleetsorsmonportablepourréserveruntaxi.

En déverrouillantmon écran, je constate que j’ai un appel en absence, d’un numéro inconnu, et unnouveaumessagesurmonrépondeur.Jem’empressedel’écouteravantd’oublier.

14

Abusdefaiblesse

Jennifer

Auréveil,j’aimalàlatête.

J’imaginequecedoitêtreàcausedelamusiquetropfortequej’aiécoutéetroplongtempshiersoir.

IWill Survive résonne encore en boucle dans mon crâne. J’ai l’impression que Gloria Gaynor enpersonnemenargue en chantant la promesse que je n’arriverai jamais àme débarrasser de ce refrainincrustédansmoncrâne.

Enplus,j’aimaldormi.

Monsommeil aétépour lemoinsagité. Jeme rappellem’être réveilléeplusieurs fois, en sueur, enpleinmilieud’unrêveimprobablequipourraitdonnerdesidéesaupetitamideFarah.

IlyavaitAxel,évidemment.EtJérémy,aussi…

Jérémy!

Jesautedemonlitetcoursverslaported’entréepourobserveràtraverslejudas.

Ouf!Iln’apasdormisurlepalier!Jevaispouvoirsortirdechezmoisanspasserparlafenêtre.Jesoupire.

Ausecours!Jeveuxunerelationnormaleavecunhomme!

Unevoix intérieure objecte :Ceque tu veux, c’est une relation normale avecAxel, oumêmeunerelationpasnormaleaveclui.Tuleveux,lui.

Je chasse ces idées de ma tête. Curieusement, j’ai encore plus de mal à cesser de penser à luimaintenant que je sais qu’il y a une autre femme dans sa vie. Cette dernière réflexion achève demeréveiller.

Àforcederêvasserdebout,jesuisenretardpourleboulot.

Jemedépêched’enfilerune tenuesophistiquée : jupecrayonetchemisier satinéàmanchescourtes.J’espèrebienconclureuneaffaireimportanteaujourd’hui.

Lethermosremplidecafédansunemain,monportabledansl’autre,lesacàmainensuspensionsurl’avant-brasetmabrosseàdentsdanslabouche,j’entreprendsdemettremesescarpins.Jesuisobligéedefairedelégersmoulinetsaveclesbras, telunfunambule,pourgarder l’équilibre.Puis jeressors labrosseàdentsdemabouche,rincecettedernièreavecunpeudecaféetfourreleportabledansmonsacàmain.

Letrajetenvoiturejusqu’àl’agencemelaisseletempsdememaquilleretd’avalerquelquesgorgéessupplémentairesdeboissonchaude.

Sij’avaissucequim’attendait,j’auraisbuplusdecaféetjemeseraismoinsmaquillée.

Pourtant,lajournéedébutedefaçonordinaire.

PlaisanteriesavecFarah.Appelstéléphoniques.Accueildenouveauxclientspotentiels.Madamequiveutungranddressing.Monsieurquiveutquatreprisesélectriquesdanslachambre.

Laroutine,jusqu’àcequedeuxhommesfranchissentlaportedel’agenceimmobilière.

À lavuede leursuniformes, jecomprends toutdesuitequ’ilsneviennentpasacheterouvendreunbien.

Farahquiaentenduleclairondel’entréeestsortiedubureaupourvenirmerejoindreàl’accueil.

—Bonjourmesdames,nousvoudrionsparleràunecertaine…

Legrandmoustachufaitunepausepourliresoncarnetpuisrelèvelatête.

Roulementsdetambours.

—JenniferCamara,reprend-il.

Bingo!

J’accuselecoup.

Pendantquelquessecondes,j’aiespéréqu’ilvenaitinterrogerFarahausujetd’activitésfrauduleusesquesonpetitamiauraitpuluicacher.

Jesais,jesuisuneamiepitoyable!

Voilàpourquoitoutesceschosesm’arriventàmoi,ledestinmepunit,c’estsûr!

—Euh…Oui,c’estmoi.Quepuis-jefairepourvous?

Le gringaletmoustachu s’approche demon bureau etme détaille tandis que l’autre reste un peu enretrait,muetcommeunecarpe.

— C’est au sujet d’un dépôt de plainte, mademoiselle. Qui vous concerne. Mélissa Delaure vousaccused’abusdefaiblesse…

Jefroncelessourcilspuissouris,soulagée.

—Ah,désolé.Vousfaitesuneerreur,jeneconnaispasde…

—Surlapersonnedesonfiancé,mecoupe-t-il.

Sonfiancé?

Ledoutemesubmerge.

Unfiletdesueurcommenceàcoulerlelongdemonéchine.Sepeut-ilqu’ellesoitlafemmequihurlaitdevantsachambre?

—Axel?

—Ah!Ondiraitquelamémoirevousrevient,rétorqueleflicsuruntoncondescendant.

— Je… non… euh, balbutié-je en lançant des regards implorants en direction de Farah qui faitsemblantdes’affairerautourdesétagères.

Jem’éclaircislagorgeetreprendshautetfort:

—Jen’aipasabusédeluisexuellement!Ellement!Ilétait toutàfaitconsentant!Peut-êtremêmeplusquemoi,sivousvouleztoutsavoir!

Lemoustachuplisse lesyeuxetéchangeun regardcompliceavec legendarme-muet restéausecond

plan.

—L’abusdefaiblesse,mademoiselle,c’estquandunepersonneprofitedelavulnérabilitéd’uneautrepoursesintérêtsfinanciers,paspourdesfaveurssexuelles.Cen’estpaslemêmedélit.

Ilmetoiselonguement,mescrutesoustouteslescouturescommesij’étaisunenymphomaneperverse.

C’estàcemomentprécisquejeregretted’avoirmistropderougeàlèvres.

—Maisc’estintéressantdenousl’avoirsignalé,ajoute-t-il,mesquin.

Jedéglutis.

Pourquoiest-cequejenesuispascapabledetenirmalangue?

Jemedéfends:

—Jen’aijamaistouchéàsonargent!Elleraconten’importequoi!

—Bien.Danscecas,vousneverrezpasd’inconvénientàcequenousmenionsnotrepetiteenquêteetquenousvousconduisionsàlagendarmeriepourvousposerquelquesquestions.

Sontoncalme,quicontrastefortementavecmonagitation,m’horripile.

—Jesuisdésolée,maisj’aidesrendez-vousdeprévus,aujourd’hui.Jetravaille!

—Nousaussi,mademoiselle.Essayezdenepasnousrendrelatâcheplusdifficile.

Jelanceunregardàmacollègue.J’interprètesamouecommeunt’aspasvraimentlechoix.Résignée,maispasvaincue,jeramassemesaffaires.Sansvraimentbougerleslèvres,jejure,demanièreéquitable,surlezèledesautoritésetlastupiditédespétassesblondes.

Jelessuisensuitejusqu’àleurvoitureestampilléeenaffichantclairementmadésapprobation.Jemonteàl’arrière.

Nous traversons la ville, vitres ouvertes, car il fait très chaud, et je cache autant quepossiblemonvisagederrièremesmainsàchaquefoisquenouscroisonsd’autresvéhiculesd’unpeutropprès,depeurqu’onmereconnaisse.

J’auraisdûprendremeslunettesdesoleilcematin!

Idiote!

Deux heures plus tard, je suis toujours en train d’attendre dans une petite pièce sans fenêtre qu’onveuillebienvenirm’interrogeretmelaisserpartir.

C’estàcetinstantquejeregrettedenepasavoireuletempsdeterminermonthermosdecafé.

Jemetortillesurmonsiège.

La chaleur est encore plus forte dans cette pièce renfermée.Mon chemisier ainsi quema jupemecollentàlapeau.

J’avaisprévuunevisitedanslesquartierschics,pasdeslocauxdegendarmerie!

Enfin,laportes’ouvresurlesdeuxinspecteurs.C’estcommeçaqu’ilssesontprésentés.

— Alors mademoiselle Camara, si vous nous racontiez tout ça ? dit le moustachu pendant qu’ilsprennentplacesurleschaisesenfacedemoi,del’autrecôtéd’unbureaujonchédepaperasses.

—Vousraconterquoi?Jevousaidéjàexpliqué.Cettefilleestfolle.Elleestsûrementjalouse!Jen’aipasabusédesonsoi-disantfiancé,d’aucunemanièrequecesoit!

Lesgendarmestiquent.

—Pourquoisoi-disantfiancé?demandel’autre.

—Bah,elleétaitpasséeoùpendanttoutcetempsoùj’étaisaveclui,hein?Cen’estpaslouche,ça?

—Commentl’avez-vousrencontré?

Immédiatement,jerevoisAxelenboxerdansl’ascenseuretdécidepresqueaussivitequejenepeuxpasleurraconterça!

—Ehbien…Euh…parhasard.

—Maisencore?

—Àlamaisonderetraiteoùséjournemongrand-père.

—C’étaitquand?

Jeréfléchisunpeuavantderépondre:

—Çafaitunpeuplusdetroissemaines.

—Etqu’est-cequevousavezfaitensemble?

Làencore,lesimagesquimeviennentàl’espritnesontpastrèsappropriées.

Jemepasselamaindanslescheveux.

—Onaprisunverre,onadiscuté…

—Est-celuiquiapayé?

Quoi?Évidemment!Manqueraitplusqueça!

—Oui,ilm’apayéunverre.Jenevoisvraimentpascequ’ilyad’extraordinaire!

Legendarmerestedemarbre.

—Est-cequ’ilvousafaitdescadeaux?

—Quoi?Non!Écoutez, jen’aipasabusédesonproblème.Jen’étaismêmepasaucourantdesesennuisdesanté!

—Vousessayezdenousfairecroirequevousavezpassédutempsavecluiàsortir,àdiscuter…etquevousn’avezpasremarquésestrousdemémoire?

Jesoupireavantdemerencognercontreledossierdelachaiseencroisantlesbras.

Yarienàtirerdecesgars-là.

L’arrivéesurprised’untroisièmehommemesauve.

Enfin,c’estcequejecrois.Ils’entretientaveclesdeuxgendarmesquisesontlevésenchuchotant.

Puis,ilseretire.

Lemoustachuseraclelagorge.

—VousconnaissezlecentremémoireSaint-Joseph,mademoiselle?

—Euh…c’estlàqu’Axelaététransféréaprèssonséjouràlamaisonderetraite,non?

J’ail’impressiondemarchersurdesœufs.

—Exact. Et étiez-vous également au courant que les extérieurs de l’établissement sont équipés decamérasdesurveillance?

Ungrosnœudseformedansmagorge.Incapabledeparler,jesecouelatête.

—Non?C’estpourtantlecas.Ellesserventsurtoutàs’assurerqu’aucunpatientnes’échappeousemetteendanger.Maisladirectionaprévenulagendarmeriedesonquartieravant-hierqu’elleavaiteulavisite d’intruses. Le centre médical n’a pas déposé plainte puisqu’il n’y avait aucune dégradation àdéplorer.Maismoncollèguequevousvenezdevoiraquandmêmerécupéré lesvidéosauprèsdenosconfrèrespourlesvisionner…

Lahonte!

Jenesaisplusoùmemettre.

—Jesaisqu’onn’auraitpasdûfaireça,maisjevoulaisseulementluiparler…

—Vousauriezpuluitéléphoner?Allerlevoirpendantlesheuresdevisite?

—Oui,maisc’étaiturgent,etpuisonavaitvraimenttrop…

Jeravalemesdernièresparoles.

Passûrqueçam’aidederaconterqu’onétaitplusoumoinsivres.

—Vousaviezvraimenttropquoi?insistelegendarme.

—Trop…froid!

—Tropfroid?

Unsourirevientreleversamoustacheavantqu’ilnepoursuive.

—Jevouscrois,j’aicrucomprendreparmoncollèguequevousn’étiezpastrèshabillées.

Jepiqueunfardetsecouelatête.Peuimportecequejedise,cethommeal’airpartipourm’accuser

detouslescrimesdupays.

On frappe de nouveau à la porte. Je profite de ce moment de répit pour tâcher de reprendre unerespirationnormale.Lemoustachus’estlevéetdiscutemaintenantavecunautrehommesurlepasdelaporte.

Cettefois,leurconversationestpluslongueetplusanimée.Quandilrevientversmoi,legendarmeal’airbougon.

—Vouspouvezyaller,ronchonne-t-il.

—…Quoi?

D’unsignedetête,ilmemontrelaporte.Iln’apasquittésonairrenfrogné.

Jenemefaispasprieretmeprécipiteverslasortie.

**

Enrevenantdanslehalld’entréedelagendarmerie,jen’encroispasmesyeux.

Axelestlà.

Serein.

Sûrdelui.

Beau.

Sexy.

Enunmot,énervant!

J’aimesaprésence,maisjedétestelapertedecontrôlequ’ellefaitnaîtreirrémédiablementchezmoi.

Sonregardcroiselemien.Ilmegratifiedesonpetitrictusencoin.

Jefonds.

J’entreprendsdelerejoindre.Sesyeuxnemequittentpas,jem’accrocheàeux,toutenmarchantverslui,telunbateauseguidantàlalueurd’unphare.

J’arriveàsonniveau:

—Qu’est-cequetufaisici?

Ilhausselesépaules.

—Lesgendarmesm’ontappelépourmedirequ’onavaitdéposéplaintecontretoi.Alorsjesuisvenu.

Son ton froid et distant me surprend, d’autant que ses yeux semblent m’envoyer des signauxcontradictoires.

—Etsionsortaitd’ici?propose-t-il.

J’acceptevolontiers.

Je lui emboîte lepas jusqu’à l’extérieur.Nousnousasseyons sur lesgrandesmarchesenpierrequimènentaubâtiment.Sacuissefrôlelamienne.

Ilregardedroitdevantlui,sansciller,commesilesrayonsdusoleiln’avaientpasdeprisesurlui.

Commes’iléblouissaitplusquel’astrelui-même.

Commesiriennepouvaitletroubler.

Jeluitrouveunairencoreplusmystérieuxqued’habitude.Unelueurinaccoutuméeaufonddesyeux.Quilerenddavantageséduisant.

Pourtant,ilal’airdistant.

Cen’estpasplutôtmoiquidevraisl’être?A-t-ilapprisquejeluiavaismentienlelaissantcroirequenousétionsfiancés?Ouculpabilise-t-ilàcausedecetteMélissa?S’est-ilsubitementrappeléqu’ilétaittoujoursamoureuxd’elle?

Puisqu’iln’apasl’airpressédeprendrelaparole,jemejetteàl’eau:

—Alorscommeça,tut’esévadédel’hôpital?plaisanté-jepourbriserlaglace.

—Alorscommeça,t’esunedélinquante?merépond-ilsurlemêmeton,taquin.

Jesouris:

—Etilparaîtquet’esriche?

Sonrictuss’étire:

—Etilparaîtquet’entrespareffractiondanslescentresmédicaux?

—Jenelefaispaspourtoutlemonde,répliqué-je.

Jerougisenpensantàcequejeviensdedire.

Lepirec’estqu’ilnerépondrien.

Nedevrait-ilpassesentirflatté?Jemesensencoreplusridicule.

Sesyeuxsemblentmedéfier.Jesoutienssonregardetdemandeenfin:

—Alorscommeça,tafiancées’appelleMélissa?

Larépliquefuseetmescotchesurplace:

—Alorscommeça,t’embrassesunautrehommesurlepalierdetaporte?

Jerestestupéfaite.Jenem’attendaispasàunetelleréponse.

Jemetsquelquesinstantsdeplusàcomprendrequ’ilfaitallusionàlapetitescèneentreJérémyetmoi,hiersoir.

Sesyeuxclairssesontassombrisetmelancentdesétincelles.

—Tuesvenuchezmoihiersoir?demandé-je,ahurie,avecunlégermouvementderecul.

Ilsecontentedemejaugerdesonregardperçantcommeunprofesseurvenantdeprendreunélèveenflagrantdélitdebêtise.

Saufquejenesuispasunemôme!

—Ettuesreparticommeça?Sansmeparler?Qu’est-cequetuvoulaismedire?Tut’essouvenutoutàcoupdetapetiteamie,Mélissa?ajouté-je,sarcastique.

—Ettoi?C’estquoitonexcuse?mecrache-t-ilàlafigure.

—Jen’aipasàm’excuser,Axel.Cegarsenquestion,c’estmonex.Ilm’attendaitdevantlaporte.J’aiétésurprisequelquessecondes,puisjeluiairappeléquetoutétaitfinientrenousetjesuisrentréedansmonappartement.Ilnes’estrienpassé!

—Tuesrentréeseuledanstonappartement?insiste-t-ilenplissantlesyeux.

—Oui!

Sontoncommenceàressemblerdeplusenplusàceluidel’inspecteurmoustachu.

Bordel!

J’aidéjàeuassezd’uninterrogatoirepourlajournée!

Ilbaisse le regard, secoue la tête, etquand il la relèveversmoi, jeconstatequ’ilme regardeavecmépris.

Cettefois,jecraque:

—Quoi!Jemesuislaisséeembrasserdeuxsecondesettumefaisunescène!Venantd’untypequiaoubliédemedirequ’ilétaitpresquemarié,jetrouveçavraimentdéplacé!Ellet’apasembrassé,elle,peut-être,quandelleestvenuetevoiràl’hôpital?renchéris-je.

—Si!assène-t-ilfroidement.

Touché.

Çamefaitplusmalquejenel’auraiscru.Maisc’estsurtoutsafaçondeledire,commes’ilcherchaitàmeblesservolontairement,quimechoque.J’aidumalàcachermadéceptiontandisqu’ilarboreunairpresquetriomphant.

Jerestestupéfaitefaceàsonarrogance.C’estuntraitdesapersonnalitéquejemeseraisbienpasséededécouvrir.

Jenecomprendspas.

Jenelecomprendsplus.

—Pourquoit’esvenuaujuste?

—Jemeledemande…Tusais,jecroyaisquetuétaishonnête,aumoins.

Là,c’enesttrop.

Furieuse,jemelèveetréajustemonsacenbandoulièresurmonépaule.

—C’est toi qui osesme parler d’honnêteté ! Il ne t’est jamais venu à l’esprit deme parler de tesproblèmes ? La vérité, Axel, c’est que tu te caches derrière tes ennuis de santé pour excuser toncomportementdesalaud.Maistusaisquoi?Unsalaudavecdestrousdemémoire,çarestetoujoursunsalaud!

Jedescendsdequelquesmarchesavantdemeretournerunedernièrefoispourm’écrier:

—Jet’avaisriendemandé,Axel!Jem’ensortaistrèsbiensanstoi!

Jen’attendspasderéponse.

Jecontinuededévalerlesescaliers,leslarmesauborddesyeux.

Maisquelcon!

Commentest-cequej’aipuéprouverdessentimentspourcethomme?Etpournepasremarquersonairsuffisantetsoncaractèredechien!

Ilapeut-êtredessoucisdemémoire,maisilsemblequej’aidesérieusesdéfaillancesvisuelles!

Mesbrassebalancentaurythmedemamarchesaccadée.Jerepenseauxderniersmotsqueje luiaidits. Ce n’est pas tout à fait vrai. Tout n’allait pas si bien dans ma vie sentimentale avant qu’il nedébarquedanscetascenseur.Mais,aumoins,jen’avaispascommisdedélitsmajeurs,jenefaisaispasdecrised’hystérieenpublicetsurtout,jen’avaispasperdutoutedignité!

Jerécapituletouteslesoccasionsoùjemesuisridiculiséedepuissonentréedansmavie:

Àcausedelui,jemesuisretrouvéeàmoitiénuedansunascenseur.

Ilm’aposéunlapinaurestaurant.

Ilacouchéavecmoiavantdedisparaître.

Ilm’afinalementrappeléepour,denouveau,nepasvenirànotrerendez-vous.

Ilm’aobligéeàentrerpareffractiondansuncentremédical—àmontrermontangaàdescamérasdesurveillance, par lamême occasion—et àmentir au sujet de notre relation.Tout ça pourm’envoyer

balader devant la gendarmerie où j’ai été convoquée par sa faute et celle de sa fiancée dont il avaitoubliédemeparler!

Lalisteestencorepluslonguequelesendroitsinadaptéspourunerobedesoirée!Ilafaitdemoiunecinglée-délinquante-nymphomane-exhibitionnistequidîneseuleaurestaurant.

D’un coup, alors que je remonte une petite ruelle pavée du centre-ville, l’évidenceme frappe. Cerésuméneprouvequ’uneseulechose:toutestdemafaute.N’importequiseseraitrenducompte,bienavantdefinirdansunesalled’interrogatoire,quequelquechoseclochait,queçanepourraitpasmarcher,qu’ilagissaitencrétin.

Maispasmoi,biensûr!

Pourquoifaut-ilconstammentquejevoleausecoursdetousleshommesdelaplanète?

Pourquoiest-cequejenepeuxm’empêcherdecroirequederrière leursdéfautsmanifestessecacheforcémentquelquechosedebon?

Unsalaudavecdestrousdemémoireresteunsalaud...

Il faudraitque jeme le fasse tatouersur l’avant-brasavantde l’oublier.Cettepenséemeramèneausouvenirducalepind’Axeletdudessinqu’ila faitdemoi.Ai-jevraiment rêvé le lienque je ressensentrenous?Etpourquoifairelaroutejusqu’icipourmeparlercommeill’afait?Lemoinsqu’onpuissedire,c’estqu’ilestdifficileàcerneretplutôtlunatique.

«Maiscarrémentsexy»ajouteunevoixintérieurequejefaistaireimmédiatement.Sérieusement,j’enviensàmedemandersisesproblèmesn’affecteraientpasaussiseshumeurs…

Exaspéréeparmapropreattitude,jesoupire.

N’importequoi!Jerecommencedéjààluitrouverdesexcuses!

Sijen’avaispassipeurdesaiguilles,j’immortaliseraismanouvelledeviseillicosurmapeau.

Non,enfait,cequiseraitencorepluspratiquec’estquelessalaudssefassenttatouersurlefrontàlanaissance,histoired’évitertouteconfusion.

**

Axel

Lamémoiremejoue-t-elleencoredestours?

Ai-jeeuunehallucination?

J’aimeraistantqueçasoitlecas.Maisjen’aipasoublié,nimêmeétévictimedemonimagination.Lascène repasse en boucle derrièremon regard vague, se superposant à la réalité de l’instant.CommentJennifera-t-ellepumementirenmeregardantdroitdanslesyeux?

«Jesuisrentréeseuledansmonappartement»

«Ilnes’estrienpassé».

Ben,voyons!

Etlegarsquiestrestélà-hautplusd’uneheure,ilrefaisaitlaplomberie,sansdoute?

Jen’aijamaissongéqueçapourraitm’arriveràmoi.

Quejemeretrouveraisdanscettesituation.

Quec’estmoiqu’onmèneraitenbateau,moiqu’onprendraitpouruncon,moiqu’ontraiteraitcommeunhommesuffisammentintéressantpoursortiravecluimaispasassezpours’encontenter.

Commentensuis-jearrivélà?

OùestpasséleAxelquijouaitaveclesfemmes,sansprisedetête?

Jemerelèvedifficilementdesmarchesenpierre.Perdudansmesréflexions,j’aioubliéoùj’étais.Jen’aipassentilasurfacefroidequitransperçaitmonpantalonetatrophiaitmesmuscles.Monregardglisseautourdemoietjeprendsconsciencedemonenvironnement.Étonné,jeconstatequejemetrouvedevantunegendarmerie.Enpiloteautomatique,jedescendsl’escalierdevantmoietavanceauhasarddanslesruellespavéesquimesontétrangères.

Jecroisequelquespassants,dontunejeunefemmequiattiremonregard.Sarobed’étévirevolteavecleventetremonteunpeu,dévoilantsescuisses.Ellemeregardeavecinsistancepuisdétournelesyeux.

Jecontinuedel’observeret,commejel’avaisprédit,elletournelatêteunenouvellefoisversmoi.

Nosyeuxserencontrentencore.

Gênée, elle m’adresse un timide sourire que je lui rends immédiatement, avant de reporter monattentiondroitdevantmoi.Étonnamment,cesimpleéchangesuffitàmerevigorer.

Jemesenslibre,léger.

Enmettantlesmainsdansmespoches,jetrouvemontéléphone.

Jem’arrêtepourlesortirafinderegarderl’heure.J’aiperdulanotiondutemps.Jenesaismêmeplussionestlematinoul’après-midi.

Apparemment,ilest11heures.

Jeconsultemesmessages.Enfaisantdéroulerlemenu,j’aperçoisunenotificationdemonrépondeurquimeditvaguementquelquechose.Jeréécoutelemessageavecattention.Puis,jeremetsletéléphoneàsaplacepour reprendremamarche.Cette foismadécisionestprise. Jeveux redevenir commeavant.Retrouvermaviepassée.Sanscettefichuetumeur.SansJenniferettouscessentimentsmièvresqu’elleaflanquésenmoi.

Brusquement,jesuisprisdevertiges.

Lescommercesetlesgensautourdemoivacillent.

Lessonsdelaruesefontpluslointains.

Jenesenspluslesolsousmespieds,nilesoleilchaufferlégèrementmapeau.

J’ail’impressionquemoncorpsnem’appartientplus,qu’ilnemerépondplus.

Puis,touteslessensationss’éteignentenmêmetemps:jenevoisplus,jen’entendsplus,jeneressensplusrien.

15

Commeunsentimentdedéjàvu

Jennifer

Jerentrechezmoisansrepasserparl’agenceimmobilière.

Jesuistropfurieuse,jeneseraispasefficaceautravailetn’aipasenviederépondre,toutdesuite,àl’interrogatoiredeFarah.

J’aieumoncomptepourlajournée!

J’ai été obligée de prendre le bus parce que j’ai laissémaMini devant le bureau pour suivre lesgendarmesdansleurvoiture.

Insensibleauxremousduvéhiculesurlespavés,jefixeunpointauloin,derrièrelavitrecrasseuse.Jesuistoujoursaussiénervée.Jen’arrivepasàmedébarrasserdetoutecettecolère.J’auraisdûlegiflertoutàl’heure!Mieux:j’auraisdûleremettreàsaplacequandons’estrencontrésdansl’ascenseur.

Etj’auraisdûluijetermonverreàlafiguredanscebaroùons’estretrouvésplustard.S’ilsavaientidéedes imagesqui sont en traindepasserdansma têteencemoment, lesgendarmesviendraientmerecherchertoutdesuitepourm’enfermer.

Jeluienveuxàmort.Maispasautantqu’àmoi.

Le bus stoppe devant l’arrêt Charles-de-Gaulle. Je descends et rejoins mon immeuble à quelquesdizaines de mètres de là. Absorbée par mes préméditations de meurtre, je regarde, sans vraiment laremarquer, la voiture garée au bord du trottoir, qui ne m’est pourtant pas inconnue. Je prends lesescaliers.L’ascenseurmerappelletropdesouvenirs.

Encore sous le coup de la colère, jemonte lesmarches quatre à quatre et réalise, tandis quemescuissescrientàlatorture,quejesuiscondamnéeàemprunterlesescaliers–etàavoirdesfessescanon,fermesetrebondies–jusqu’àcequel’ascenseurnem’évoqueplusaucunsouvenirdouloureux.

Toutçaàcausedececrétind’Axel!

Soulagée,j’arrivesurlepalierducinquièmeétage.

Maisl’apaisementestdecourtedurée.J’aicommeunsentimentdedéjàvu.

Jérémysetientdevantmaporte,lesépaulesbasses.

Manquaitplusquelui!

J’auraisdûdevinerquejenem’endébarrasseraispasaussifacilement.Et,surtout,queVanessanemeseraitd’aucunsecours!

Àl’instant,mesenviesdemeurtresereportentsursapersonne,jesouffleexagérémentpourannoncermaprésence.Ilseretournepourmefaireface.Àsonexpression,jediraisqu’iln’estpastrèsheureuxdeseretrouverlà.

—Unconseil : si tunesouhaitespasmevoir, tudevraiséviterde tebalader justedevantmaported’entrée!m’exclamé-je.

Ignorantmaremarque,ilrétorquevivement:

—Pourquoitum’aspasditquet’avaisquelqu’und’autredanstavie?

Parcequeçaneteregardepas.

Parcequejepensaisquejerécolteraisuninterrogatoireouunenouvellecrisedelarmes.

Parcequecen’estpastoutàfaitvrai.

Lesargumentsnemanquentpas,maisjen’aipasletempsderépondrequ’ilpoursuitdéjà:

—Etnemefaispascroirequec’estfaux!Jel’aivu,hier,épierl’immeublependantplusd’uneheureparlafenêtre!

Toutenparlant,ilfaitungesteévasifdelamainverslapetitelucarnequiéclairelepalieretdonnesurlarue.

—Alorsc’estquoiletruc,hein?Ildevaitattendrequejem’enaillepourterejoindreendouce!Iladû êtredégoûtédepoireauter aussi longtemps, le pauvregars ! ajoute-t-il sans essayerdemasquer sasatisfaction.

Jerestehébétée,ententantderemettreenordretouteslesinformationsqu’ildébitenerveusement.

MonDieu!

Lesfillesontraison.J’aiunproblème.Cen’estpaspossibled’attirerdecettemanièretouslescinglésde laTerre ! Je connaissais le Jérémydépressif, bipolaire et soupeau lait,mais le Jérémyparano, jedécouvre.Jen’arrêtepasd’allerdedécouverteendécouvertesurlagentmasculinecetaprès-midi.

Je rassemble le peu de compassion dont je suis encore capable et m’adresse à lui comme à unevictime:

—Jérémy, tu te rendscompteque tues restéplantéuneheuredevantuneporte ferméeetque tuasréussiàteconvaincrequ’unpassantétantenfaitunamantquin’attendaitquetondépartpourprendretaplace…Jecroisquetudevraispeut-êtreallervoirquelqu’un…

—Un passant ! T’en connais beaucoup des passants soudés à un lampadaire qui lorgnent vers tonétage?Tumeprendsvraimentpouruncon!C’esttonnouveaupetitami,avoue-le!Avoue!

Jenel’aijamaisvuaussiénervéaprèsmoi.Etçamedonneuneidée.

—Etsic’étaitlecas?Sijet’avaisvraimentmentietquecethommequetuasaperçuétaitvraimentmonnouvelamant,tuleprendraiscomment?

—Àtonavis?Mal!

—Hum,oui,mais…malàquelpoint?Aupoint,parexemple,deneplusjamaisvouloirmerevoir?

Ilréfléchitpuis,l’airgrave,ilrépond:

—Jecroisbien,oui.

—Ehbienalors,oui:cethommequetuasvul’autrejourestbienmonnouveaupetitami,jet’aimenti,trahietmanquéderespect,désolée!

Il ferme lesyeuxavantdegrimacercommes’ilvenaitde recevoirunviolentcoupà l’estomac.J’ail’impressionquesonvisagepâlitencore.Jenepensaispourtantpasquec’étaitpossible.

Ils’éclaircitlavoixetfuitmonregard.

—Trèsbien.Jesuisdésolé.Maisjenecroispasquejeseraiscapabledeterevoirensachant…ça.Jesaisqueceseradur,maisjecroisquec’estmieuxcommeça.Ilnefautplusqu’onsevoie.

JeretiensunAucunproblème!libérateuretfeinsladéception:

—Hum.Oui,jecomprends.

Puis,commeparmagie,Jérémyquittemonpaillassonetprendl’ascenseursansesquisserlemoindrecoupd’œilenarrière.

J’attendsd’êtrerentréechezmoietd’avoirrefermélaportepourentamerunedansedelavictoire.

Quelleidiote!Sij’avaissuquec’étaitlaseulechosequipourraitlefairefuir,jemeseraisinventéunerelationavecn’importequelinconnusereposantcontreunlampadaireoulafaçaded’unimmeubleunpeutroplongtemps!

J’ignorequiestcetétranger,maisjemesersunverredejusd’orange—c’esttoutcequej’aitrouvédansmonfrigo—ettrinqueàsasanté.

Unpeuplustard,jetéléphoneàVanessa.

Farah est en train de travailler à l’agence et il est devenu impossible d’avoir une conversationtéléphonique avecManon qui ne soit pas entrecoupée de pleurs de Louise, de pause biberons ou dechangementsdecouches.

Jesongeàprendrerendez-vousavantdel’appeler.

Jejoinsdonclaseuleamiequinesoitpasencoremamanetquiexerceuntravailluilaissantpasmaldetempslibre.

Laveinarde!

Ellerépondrapidement.

Jeluiracontemesmalheursetluiannoncequ’ellepeutrayerlapelledesalistedecourses.

Quelquesminutes plus tard, je raccroche le téléphone en faisant lamoue. Je ne l’ai pas sentie trèsréceptiveàmesennuis.Elles’estcontentéedemeplaindreunpeuetaencoretrouvédesexcusesàAxel:il est jaloux, c’estmignoooon…blablabla… le paaaauvre…blablabla… samaladie blablabla… lepaaaauvre.

J’airétorquéque,d’aprèslesdernièresinformations,ilesttoutsaufpauvre.Àmonavis,Vanessan’apasassezdeproblèmesencemomentpourcompatirconvenablementàceuxdesautres.

J’auraisdûappelerManonouFarah.Maismoncasmérite,apparemment,qu’ellesedéplace.

Troisquartsd’heureaprèsavoirraccroché,Vanessasonneàmaporte.

Ellen’estpasvenueseule.Manon l’accompagne.Cettedernièren’apas trèsbonnemineeta sur leventreunporte-bébévide.

Enentrant,Vanessam’expliquequ’ellearamassélajeunemamanchezellesurlaroutepourvenirici.Jem’inquiètealorspourManondontjeviensderemarquerlesyeuxrougis:

—Çan’apasl’aird’aller?Qu’est-cequ’ilt’arrive?demandé-jependantquenousnousinstallonssurmoncanapé.

L’intéresséerenifle.

—Oh, c’est rien ! Louise lui tape sur le système quand elle est constamment avec elle, mais dèsqu’ellelaquitteplusdedeuxminutes,elleluimanque!rétorqueVanessaenlevantlesyeuxauciel.

Jelorgneleporte-bébévidequeManonn’atoujourspasretiré.

—Tul’asabandonnée?plaisanté-je.

Lajeunemamansuitmonregardetbaisselementon.

—Oh,ça!Non,tusaisbienquec’estpourmasquermesbourrelets!

Ahoui!J’avaispresqueoubliésoninventionrévolutionnaire.

Maismablaguealeméritedeladétendreunpeu.

Nousnousmettons toutes lesdeuxàpartagernossoucis tandisqueVanessaessayerégulièrementderamenerlaconversationàsesaventurespersonnelles,quandnoussommesinterrompuesparlasonneriedemontéléphone.

Jedécrocheet,auxpremiersmots,jebasculemonportablesurhaut-parleur.Lavoixdel’infirmièreauboutdufilrésonnedansmonsalon.Mesamiessetaisentimmédiatementetsepenchentversl’appareilpourentendremieux.

—…unecrisedeconvulsions.Ilaétéadmisilyatroisheures,maisilvabien.L’hôpitalaprévenulapersonnequiétaitrenseignéedanssondossiermédical.Maisj’aivuvotrenumérodanssoncarnetetj’aipensé que vous voudriez aussi être avertie.Vous savez, je crois que les femmes et lesmaîtresses ont

autantledroitd’êtreinforméeslesunesquelesautres…Voilà,c’estfait.Ah,oui!J’allaisoublier!IlaétéemmenéauCHUPontchailloudeRennes.

L’interlocutriceraccrocheetnousrestonssilencieusesunmoment.Puis,pendantquejemedemandesil’infirmière me considère plutôt comme l’épouse ou la maîtresse, Vanessa se lève du canapé enbondissant.

— Il faut qu’on y aille ! s’exclame-t-elle, aussi surexcitée queLouise quand samère acceptera del’emmenerpourlapremièrefoisàDisneyland.

J’écarquillegrandlesyeuxetsecouelatête.

—Non,non,non!

— Franchement Jen, t’as envie que ce soit la tête de cette Mélissa qu’il voie en premier en seréveillant?Allez!IlestàRennes!Justeàcôté!C’estunsigne!T’esobligéed’yaller!Çapeutpasfinircommeçaentrevous!

MonregardglisseversManon,maisjenetrouveaucunsoutien.EllepartagevisiblementlepointdevuedeVanessa.

—Allez,unedernièrefois!Unedernièrechancedevousexpliquerunebonnefoispourtoutes.Après,tudécideras.Ilestbienvenutechercherpourtesortirdeprison.Tupeuxquandmêmeallerluirendrevisiteàl’hôpitald’àcôté!

J’hésite.

Aura-t-il seulementenviedemevoir?Et l’infirmièreaditqu’ilallaitbien,non?Pourtant, jedoisbienreconnaîtrequejesuisinquiète.

Jeressenslebesoinpressantdelevoir.Notrehistoireainsiquenotredisputemelaissentcommeunsentimentd’inachevé.Puisquejenetrouverienàredire,Vanessam’agrippeparlepoignetetmetraînedansl’appartement.

—Viens,ilfautqu’onterefasseunebeautéavantd’yaller!

Jemedégagebrutalementdesonemprise.

—Ahnon!Pitié!C’estmoiquimechargedeça!

Jemerecoiffevitefait,remetsunpeudeglosssurmeslèvres,attrapemonsacàmainetmedirigeverslaporte.

Vanessacroiselesbrassursapoitrineenfaisantlamoue.

—Quoiencore?

—Laisse-moijustet’appliquerunpetitpeudeblush!

—Vanessa,jevaisàl’hôpital.J’auraismeilleureminequelaplupartdesgens,detoutefaçon!

J’ouvrelaporteetmeretourne:

—Bon,vousvenezoupas?

Mesamiesm’emboîtentfinalementlepasetjerefermeàcléderrièreelles.

À l’extérieur, nous nous dirigeons vers la voiture deVanessa, puisque tous les gendarmes du payssemblentavoircomplotépourquejenepuissepasdisposerdemonvéhiculeaumomentoùj’enaileplusbesoin.

Manonordonneàlablonde,lamainouverte:

—Passe-moilesclés.

Vanessam’interrogeduregard.Jetique.

—Jen!T’aspasenvied’arriveravantl’autrefolle?S’ilaétéadmisilyaplusdetroisheures,sielleaétéavertieimmédiatementetsielleaprisleTGVdeParispourRennes…Tun’aspaslechoix.Fautqu’onfassevite!

Jetrouvequeçafaitbeaucoupdesipouruneseulephrase,maisjecapitule.Aprèstout,cen’estpasmavoiture!Jen’aimêmepaslaforcedecontre-argumentermaintenant.

Vanessadépose lesclésdans lamaindeManonqui s’installederrière levolant sans s’inquiéterduporte-bébéquipenddevantelle.

JeprendsplaceàsescôtésetVanessaàl’arrière.J’aiàpeineeuletempsdebouclermaceinturequedéjà le véhicule démarre en trombe en faisant crisser ses pneus. Instinctivement jeme raccroche à la

poignéeau-dessusdemoi.

Vingt-cinqminutesplustard,nousnousgaronsenfinsurleparkingvisiteursdel’hôpital.Jerécupèreuneespérancedeviecorrecte,conformeauxfemmesdemonâge,aprèsl’avoirvuchuteràunequinzainedeminutesetàseulementquelquessecondesdanslederniervirage.

—Dis,laprochainefoisquetuprévoisdecommettredesinfractionsaucodedelaroute,promets-nousdeprendretavoiture,ditVanessadepuislabanquettearrière.

—Bah,pourl’instant,jenepeuxpas,j’aiplusdepermis,répondl’autre,nonchalante,enhaussantlesépaules.

Jesuissouslechoc.Sasuspensiondepermism’étaitsortiedelatête.Jelaregarderetirerlesclésducontact, complètement indifférente à cet aveu. Peut-être que quelqu’un devrait lui préciser que soninterdictiondeconduiten’estpasseulementréservéeàsavoiturepersonnelle!

Vanessa,quiestdéjàdehors,toqueàmavitre:

—Bon,tuviens?

Jem’exécutesansentrain,pastoutàfaitrassuréepourlasuitedesévénements.Ilparaîtqu’ilyadesjours où il vaut mieux rester au lit. Je ne suis pas une experte, mais je dirais que le matin où tu teretrouvesàlagendarmerie,quetumanquesdeperdrelaviedansunprobableaccidentdevoiture,etquetut’engueulesavectonpetitami—outonex?Outonamant?Ouplusexactement:uneconnaissanceàlamémoirepercéeavecquitucouchesoccasionnellementquandiln’oubliepasdevenir—doitêtreundecesjours-là.

Mais,aulieuderestercloîtréechezmoicommeleferaitunepersonnesained’esprit,jemedirigeversl’accueil,accompagnéed’uneBimboetd’unechauffarde,munieduparfaitéquipementpourfaireunraptàlamaternité.Pasétonnantquelaréceptionnistenousregardedetravers.

Je demande le numéro de chambre d’Axel et alors que je m’apprête à tourner les talons, lerenseignemententête,ladameàl’accueilnousrappelle.

—Excusez-moi.Êtes-vousdelafamille?Seulslesmembresdelafamillesontautorisésàlevoir.

J’hésite.

—Jesuissa…petiteamie?

Ladameplisselefront.

Elledoitsedemanderpourquoij’ail’airdeluiposerlaquestion.

—Bien.Allez-y,dit-ellefinalement.Maisvosamiesnepourrontpasentrerdanslachambre.

—Biensûr.Pasdeproblème,s’empressederépondreManon.

—Detoutefaçon,croyez-moi,onn’apasenvied’yêtreaveceux!Sivoussaviezcequ’ilsontfaitladernièrefoisqu’ilssesontretrouvéstouslesdeuxdans…

J’adresse un sourire factice à la femme à l’accueil tout en agrippant fermement le bras deVanessaavantqu’elleneterminesaphrase.

Ilfauttoujoursqu’elleenfassetrop!

Nousnousempressonsderejoindrel’ascenseur.J’aiconsciencedefaireuneentorseàmaproprerègleenrefusantd’emprunterlesescaliers,maisc’estuncasdeforcemajeure.

Ilfautquej’arriveavantl’autrefiancée!

Lebipnous avertit quenous sommes arrivées à l’étage« chirurgiegénérale».Nous traversons lescouloirsenquêtedelachambre2154.

2138,2139,2140…

Monregardsedécrocheuninstantdesportesdechambres,attiréparuneombreunpeuplusloin.Jem’arrêtenet, puis faisunpas en arrièrepourmeplaquer contre lemur, entraînant avecmoimesdeuxamies.

—Aïe!Maisçavapas!Qu’est-cequiteprend?seplaintVanessaensemassantletricepsquejeluiaiagrippé.

—Là!Là-bas,àl’autreboutducouloir!C’estMélissa!

Lesfillespenchentunpeulatêtepourregarder.

—T’essûre?

—Certaine!Ellecherchelachambred’Axel,elleaussi!

—Bon,ilfautquetulatrouvesenpremier.Vanessaetmoionvafairediversion!

Avantquejen’aieletempsd’ouvrirlabouche,ellessesontdéjàaventuréesdanslecouloirpourpartiràlarencontredel’autrefiancée.

Jepriepourqu’ellesnedéclenchentpasunscandaleavantdepartirdansladirectionopposée.

2141,2142,2143…

Desexclamationsoutréesmeparviennentdepuisl’autreboutducouloir.Jen’aipasbesoind’ensaisirlesenspourcomprendrequ’ilfautquejefassevite.

J’accélèrelepas.

2148,2149,2150…

J’ysuispresquelorsqu’unefemmetoutenrondeuretenblouseblanchesortdubureaudesinfirmièresàmadroite.

—Vouscherchezquelquechose?demande-t-elle,serviable.

Jeprendsunairnaturelpourrépondre,enlissantmajupe:

—Euh…Non,merci.J’allaisjusterendrevisiteàmonpetitami,danslachambre2154.

L’infirmièrehochelatêteets’apprêteàtournerlestalonslorsqu’uncriderrièrenouslaretient.Jefaisvolte-faceetdécouvrelapétasseblonde,lancéeàtoutevitesseversnous.

—Cen’estpassafiancée!Cen’estpassafiancée!C’estunearnaqueuse!crie-t-elleenpointantdesonglesdesorcièredansmadirection.

Soudain, unegrimacedéforme sonvisage.Elle écarquille degros yeux ronds et pousseunpetit criaigu.

L’instantd’après,elles’écrouledetoutsonlongdanslecouloir.Lenezetlaboucheécrasésdanslelinomoucheté.Ellevient,àcoupsûr,dechoperuneinfectionnosocomiale!

MonregardseporteunpeuplusloinetjeréalisequeManonaencoreungenouàterre.Jeremarqueaussilepieddelablonde,prisaupiègedansleporte-bébé.

Monamiearboreunemouehésitante,entrelerireetlahonte.

Merde!Elleaplaquél’autrefiancéeausol!Cen’estpasvraimentcequejem’étaisimaginéquandelleavaitparlédefairediversion.

Mélissadégage,avecdifficulté,sachevilleemprisonnéeetserelève,chancelantesursestalonshauts.

Ahbennon!Enfait,ellen’estpasimpeccableentoutescirconstances.

Simpleconstat.

Elleporteundoigtàseslèvresetestsurlepointdes’évanouirquandelledécouvreunemicrogouttede sang sur sa phalange. Sous le choc, elle est incapable d’émettre un seul son. L’infirmière réagit,déployanttoussestalents.

ElleentoureMélissadesesbraspotelésetlafaitasseoircontrelemurenluidemandantcommentellevad’unevoixrassurante.Iln’yaplusdedoute:c’estmoiqu’onvaprendrepourlavilainemaîtresseetelle,pourlafemmemeurtrie.

MerciManon.

L’infirmières’accroupitdevantlablondequinecessedegémir.Lorsqu’elletournelatêteversmoi,levisageangéliquedelasoignantesemétamorphose.Ellemelanceunregardassassincommesielleavaitpuliredansmespensées.JemecontentedefixerManon,l’airdedire:cen’estpasmoi,c’estelle!

Lajeunemamansemblestupéfaiteparsonpropregeste.Jen’arrivepasàcroirequ’elleaitfaitça,moinon plus. Jusqu’à présent, je sous-estimais le déchaînement d’émotions et d’hormones qui suit lanaissanced’unenfant.

Manonaétéunefemmeenceintesipeusujetteauxsautesd’humeur.Jenepouvaispas imaginerquetouscessentimentscontenusseraientexpulsésenmêmetempsquelestroiskilosdeuxcentdeLouise.Etqu’ilsauraientlepouvoirdetransformermagentillecopinepastrèssportiveenpiliergauchedel’équipenationalederugby!

Vanessa,elle,restedigne,latêtehaute,ets’approchepourmemurmureràl’oreille:

—C’estpasdenotrefaute,ellen’apasvouluécouter.Onl’aprévenuequelesolvenaitd’êtrelavéetqu’ilétaitglissant,maiselleaquandmêmevouluvenirparici.

Jemepince les lèvrespournepasrireetprofitequel’infirmièresoit toujoursoccupéeavecl’autre

fiancéepourtenterdem’éclipser.

Ilfautquej’atteignelaporte2154avantquelepersonnelnenousexpulsedel’hôpitaletquelesflicsfinissentparm’interdired’approcherAxelàmoinsdecinquantemètres.

—Hé!Oùtuvascommeça,espècedegarce!s’écrietoutàcoupMélissa.

Elles’estsubitementredresséeetsembleparfaitementremise.

Qu’est-cequejedisais?Ellefaisaitducinoche!

Jeneperdspasdetempsàrépondre,conservantmonstockd’insultespourplustard.Jemeprécipitealorsvers laportede lachambrequiestmaintenantàportéedevue. J’entendsMélissa se rapprocherdangereusementderrièremoi.Quelquespasavecsesjambesdegirafeetellemerattrapedéjà.

Sesgriffesseplantentdansmonsacàmainetmedéséquilibrent.

L’instantquisuit,jebasculeàterre,nonsansentraînerlapétasseblondedansmachute.

Tantqu’àfaire.

Mélissa hurle en s’écrasant sur moi tandis que je ne pousse aucun cri, son poids me coupant larespiration.

Jelafaisroulerpéniblementpourmedégager.

C’estfoucequec’estlourd,unegirafe!

Jeme relève comme jepeux, enpassant àquatrepattes, puis sur lesgenoux, avantde réussir àmeremettredebout.Sereleverd’unepositionallongéeavecunejupemoulante jusqu’auxgenouxn’estpasdonnéà lapremièrevenue.D’ailleurs,contrairementàmoi,Mélissaa toutes lespeinesdumondeàseredresser.

Cegenredepéripétiesm’estarrivéassezsouventpourquejesoissuffisammententraînée.

Pourunefoisquemamaladressemesert!

Jejetteunœilàlablondeavachieparterre.Elletentederemettresescheveuxenplace.

Graveerreur.

Danscetypedesituations,mieuxvautoubliertoutamour-propre.

Etjesaisdequoijeparle!

Voilàunautredomainedanslequeljenemanquepasd’expérience!J’ailemeilleurCVdegaffeusedelaTerre.Parcequejesuislamieuxplacéepourconnaîtrel’étatd’espritdelapétasse,jesuissurlepointdelaplaindrejusteuneseconde,sanspourautantoubliermonobjectif,quandjesenslesgriffesdel’autrefiancéeserefermerautourdemacheville.

Jetentedemedébarrasserdesamainàcoupsdetalons,maislavicieuseprofitequej’aiunpiedenl’air–quis’apprêteàseplanterdanssonpoignet–pourtirerd’uncoupsecsurmajambe.Cettefois,c’est moi qui m’étale lamentablement sur elle. Sans pouvoir retenir un cri. Avec trop de décibels,forcément.

Ensuite,touts’enchaînetrèsvite.

Ellemetirelescheveux.

Jem’accrocheàsoncouetarrachesoncollierdeperlesquis’éparpillentdanslecouloir.

Puis,aumilieudemescrisetdeceuxdeMélissa,jecroispercevoirlesinsultesdeVanessa.

ElleetManonsejoignentàmoialorsque,allezsavoirpourquoi,l’infirmièresembleavoirchoisilecampdelapétasse.

Danslamêlée,jereçoisdesgifles,endistribueàlapelleetàl’aveugle.J’espèrenepasavoirblesséunedemesamies.

Unemain est en train dem’arracher une boucle d’oreille – et l’oreille avec – lorsque je remarquequelques paires de chaussures qui nous encerclent etme signalent la présence de plusieurs individusautourdenous.Lesautresaussisemblents’enrendrecompteparcequ’ellescessent immédiatementdedonnerdescoups.Jen’osepastoutdesuitereleverlatêteverslesspectateurs.Enmêmetemps,unmatchderugbysanspublic,c’esttriste.

Jeregardemescopines,immobiliséesdansdespositionsfarfelues,commesiellesétaiententraindejoueràTwistersurlelinoinfectédel’hôpital.

Piedgauchesurangineblanche.Maindroitesurstaphylocoquedoré.

Farahauraitfaituneattaque.

Mélissa tentedéjàdeseredresserenévitantderoulersur lesperlesdefeu-son-collieret remetsescheveuxenarrièreavecpanache.

Commesic’étaitlemoment.

Desgensseraclentlagorgeet,finalement,jesuisbienobligéedelesregarder.

Desinfirmièresrientsouscape.

D’autressecouentlatête,lesbrascroisés.

Etauxpremièresloges,despatientsenblousemédicaledont…Axel!

Iladûsortirdesachambre,alertéparlebruit.Jefuissonregardtandisquemesamies,quiportentdestenues plus confortables, m’aident à me relever. Le personnel de l’établissement continue de nousexaminercommedesextra-terrestres.

Maispasn’importelesquelles,desMartiennescinglées!

Personnenemesoigneraplusjamaisdanscethôpital,mêmesijesuismourante.Jevaisêtreobligéededéménageroud’espérerqu’ilnem’arrivejamaisriendegrave.

Qu’ilnem’arriverien,àmoi?

Hum,Nantes,c’estbienaussi,non?

Quoiquepeut-êtreunpeutropprès.Encasdesurencombrement,ilsseraientfichusdemetransférerici.

Pendant que je me tâte entre mourir dans ma ville natale, entourée de mes proches, ou vivrecomplètementseuleàl’autreboutdelaplanète,uneinfirmière,probablementlachef,estdéjàentraindenousdemanderdepartiravantqu’ellen’appellelapolice.

—Oui,c’estça!Appelezlapolice!insistel’autrefiancée,quisembleoublierqu’elleal’airaumoinsaussitaréequenous.

—C’estvalablepourvousaussi,madame!

Bienfait!

Jejubiledevantl’airoutrédeMélissa.Maislagrossefemmedetoutàl’heureladéfend:

—Non,non,cesontlesautresquiontcommencéàlajeteràterre!J’aitoutvu!

Maisqu’est-cequ’onluiafait,àcelle-là?

—Très bien,mesdames, je vous demanderai de bien vouloir quitter l’établissementmaintenant. Etavant,vousmeramasseztoutça,ordonnelachefdupersonnelenmontrantlesperlesdisséminéessurlesol.

Mélissa nous regarde, hautaine, comme si nous allions vraiment nous mettre à quatre pattes pourrécupérersesperles.

Etpuisquoiencore?C’estsoncollier!

—C’estpasànous,répliqué-jeencroisantlesbrassurlapoitrine.

Vanessasepenchesurmonépauleetmeglisseàl’oreille:

—Tucroisquece sontdesvraies ?Non,parcequ’en théorie, jenememets àquatrepattesqu’enprivé,maissicesontdesvraiesperles,jecroisquejesuisprêteàfaireuneexception!Jesuismêmeprêteàmebattreencoreunefois!

Jeluilanceunregardassassin,feignantl’outrage.Maisoùestpasséelasolidaritéentrecopines?

Jesais,elles’estfaitlamalleavecmaboucled’oreilleetmadignité!Pendanttoutcetemps,jesenssurmoileregardappuyéd’Axel,maism’efforcedel’ignorer.

J’aitrophonte.

Est-cequejemesuisvraimentbattuepourlui?

Ilvaprendrelagrossetête.

Siseulementçapouvaitaidersamémoire…

Jedevraispeut-êtresuivrel’idéedeVanessaetpartirà larecherchedesperlespourluifairecroirequejesuissimplementvénale,commel’affirmelapétasse.

Puisquenousn’avonspasesquissélemoindremouvementpourramasserlesperles,lachefs’adresseauxinfirmièresd’untonferme:

—Bon,vousbarricadez tous lespatientsdans leurschambres, le tempsqu’onnettoie toutça. Jene

veuxpasquel’und’entreeuxsecasseunejambeetfasseunprocèsàl’hôpital!Sic’est lecas, jemeretournecontrevous!nousmenace-t-elledudoigt.Etqu’est-cequevousfaitesencorelà,d’abord!

Commesontonnelaissepastellementd’optionàlanégociation,nousdéguerpissonsenvitesse,têtesbasses.Impossibled’approcherAxel,uneinfirmièreadéjàcommencéàl’escorterjusqu’àsachambre.Detoutefaçon,jen’avaisplusvraimentenviedeluiparler.Àchaquefoisquej’essayedelevoir,çasetermineendésastre.Deplus, j’ai l’impressiond’être la seuleà fournirdeseffortspournotre relation.D’ailleurs, iln’yaquemoiquimesuis retrouvéeaupostedepoliceet àmebattre avecunegirafeàgriffes.

Çaveuttoutdire,non?

Ilnem’aimepassuffisamment.

Nouscontinuonsàmarcher rapidementvers lasortiede l’établissementsansosernousparler. Ilmesemblequ’énonceràvoixhautelegrotesquedelasituationnelarendraitquepluscriante.

16

Réunionausommet

Jennifer

Tandisquenousatteignonsleparkingdel’hôpital,Vanessaserisqueenfinàparler.

— Ce sont des fausses. Cette Mélissa porte des colliers de fausses perles ! Regardez, elle s’estfissuréeentombant,déclare-t-elleenexaminantunpetitobjetblancqu’ellearessortidesapoche.

Elleenavraimentramasséune!

—Ondiraitunedent,ditManonens’approchant.Personnen’aperduunedent?

Je crois que je l’aurais remarqué si c’était le cas, mais je passe quand mêmema langue sur mesgencivespourm’assurerqu’ilnemanquerienetouvregrandlabouchepourquemacopinel’examine.

Vanessamedonnesubitementuncoupdecoudeet jemanquedememordre la langue.Commejenepeuxpasparlerlaboucheouverte,jeluilanceunregardnoir.Ellemerépondenjetantdescoupsd’œilfurtifssurlecôté.Elles’appliqueànepasbougerlatête.

Elleessayedemedirequelquechose…

Lamâchoireencoregrandeouverte,jesuissonregardetpivotepourdécouvrir…Axel.

Ilalechicpourchoisirsesmoments!

Commentfait-ilpoursetrouverdanslesparagesàchaquefoisquejemerendsridicule?

Je le regarde mieux. Soudain, ma colère retombe un peu. Il est en blouse d’hôpital, a un énormebandagequiluientourelecrâneetdeschaussonsauxpieds.

Surleparking!

Maisilportetoutçaavecuntelpanachequ’iln’apasl’airgrotesque,lui.

Jerefermelabouche.

—Qu’est-cequetufaislà?luidemandé-je,surladéfensive.

—Et toi?Qu’est-ceque tu fais là?T’esvenueparticiperàunmatchdeboxeclandestinet le lieusecretdelarencontres’esttrouvéêtre,parhasard,monhôpital?

—Trèsdrôle.Pourtagouverne,cen’étaitpasdelaboxe,maisdurugby.

Ilhausselessourcils,unsourireamuséaucoindeslèvres.

—Vraiment?

—Oui,t’asratéleplaquage.

Son sourire s’étire. Une fossette se creuse sur sa joue gauche puis il me propose de contournerl’établissementpournepasqu’ilsefasserepéreretrapatrierpardesinfirmières.J’accepte,sansgrandenthousiasme,oubliantpresquemesdeuxamiesàcôtédenous.

—Onvaallerdanslavoiture,prévientVanessa.

Silencieusement,Axeletmoifaisonsletourdel’hôpitalettrouvonsunepetiteportedeservice.

Elledonnesurdesescaliers,quieux-mêmesmènentautoit.Lorsquenousterminonsnotreascension,j’ai l’impression que nous sommes seuls au monde. Nous nous asseyons sur la bordure du toit. Jecontemple lecielbleu,avantde reportermonattentionsur lebleumarine–beaucoupplusbeau–desyeuxd’Axel.

—Sinontesfiancéessonttoutesdesfolleshystériques,oubienc’estjusteelle?

—C’estjustetoietelle.

Jerétorqueavecunemoueboudeuse:

—Jenesuispashystérique.Deplus,onn’estpasfiancés.

—Elleetmoinonplus.

—C’estpascequ’elleal’airdecroire…

—Jeviensdemettreleschosesauclair.

Jenepeuxm’empêcherd’éprouverunecertainesatisfactionensongeantàl’imagedeMélissa,rejetée

etvexée,quittantl’établissementensuivantlechemintracéparlesperlesdesonanciencollier.

Pourêtrehonnête,c’estplusquedelasatisfaction,c’estdelajubilation.

J’iraifaireunebonneactionceweek-end.

—…Bien.

—Etaveclegarsdel’autresoir,toutestclair?

Jelèvelesyeuxauciel,exaspérée.

Voilàqu’ilremetça,maisils’empressed’ajouter:

—Attends!Net’énervepas.Jesaisbienquet’avaisraisonetquejet’aimentiaussi,donc…

—Maismoijenet’aipasmenti!

—Jen!Jesuisrestédevantcheztoipendantuneheure,jesaisbienqu’ilétaitavectoi!

Ça fait tilt dansma tête. Je reste sansvoixpuis j’explosede rire.Axel a l’airpassablement agacé.C’étaitdoncpourçaqu’ilavaitl’airsifurieuxetqu’ilmereprochaitmonmanqued’honnêteté!

—Jepeuxsavoircequ’ilyadedrôle?

— Il a fait le piquet devant ma porte, c’est tout ! Il m’a dit qu’il avait repéré un type qui épiaitl’immeuble,maisjen’aijamaispenséqueçapouvaitêtretoi!Jecroyaisqu’ildivaguait!

—Attends,tonexaattenduuneheuredevantlaportedecheztoi?Iln’estpasunpeubizarre,non?

—T’esbien resté lemême tempsadosséàun lampadaire !Etpuis tun’aspas lemonopolesur lespartenaireshystériques!

Axelhochelentementlatête,unpeudubitatif.

—Bien.Onestquittes,alors?susurre-t-ilfinalementenapprochantseslèvresdesmiennes.

Jedéglutisetprendssurmoipournepascédertoutdesuiteàsesavances.

—En fait, non.On n’est pas quittes. J’ai commis des infractions, jeme suis ridiculisée àmaintesreprisesetsurtout,jemesuisbattuepourtoi,moi!

Sonbandagesurlefrontseplisse.

—T’essérieuse,là?

J’essayedegarderuneexpressionsévère:

—Évidemment.

Ilsouritetserelève.

—Bon,premièrement,niveauridicule,jecroisquejenepeuxpasvraimentfairepire,dit-ilenfaisantuntoursurlui-même,avecsablouseetseschaussons.

Jefaisunemimiqueàmoitiéconvaincue.

—Deuxièmement,pourdecequiestdesebattrepourtoi,tumedonneslenumérodetonexquandtuveux,jepeuxt’assurerquejesuispresséd’allerluimettremonpoingdanslafigure.

Jesourisensecouantlatête.

—Etpour terminer : je t’ai faitmontersur le toitde l’hôpital,etc’estune infraction.Peut-êtrepasdanslecodepénal,maisaumoinsdanslerèglementintérieurdel’établissement.

—Jesuisdésolée,maisj’aiquandmêmefaitbeaucoupmieux,répliqué-je,lesyeuxrieurs,attendrieparsonpetitnuméro.

Ilserapprochedoucementdemoi,plantesonregarddanslemienetmeprometdesavoixrauque:

—Jetejurequedèsqu’uneoccasionseprésentera,jeserailepremieràmebastonnerpourtoiavecunmec qui t’aura regardée avec un peu trop d’insistance. Je me déguiserai en ce que tu veux. Je seraitellementridiculequetuaurashontedemoietjecommettraiunmaximumd’infractions,situmeprometsd’allermevoirentaule.

Jeglousse.

—Hum,çafaitrêver.

Ilencadremonvisagedesesmains.

—Jet’aidéjàditquet’étaissublime?mesusurre-t-ilàquelquesmillimètresdemeslèvres.

Jefermelesyeuxpouraccueillirsonbaiser,toutenpassantmesmainsderrièresanuque.Cettesimplephrasemerappelletellementdesouvenirs…

notrepremièrenuit…

C’estdinguequ’ilsesouviennedeça.Leshommesoublienttoujourscegenrededétails.Etlà,onparled’Axel…

—Tutesouviensdeça?Denotrepremièrevraiesortie?m’étonné-jeenmedétachantlégèrement.

Ilsegrattelatête.

—Ahoui!Ils’estpasséquelquespetiteschosesdepuisladernièrefois…Maissi tuveuxbien,onreparleradeçaplustard.J’aimeraisbienallerm’habillerettekidnapper.Ceseramonpremiercrime!dit-ilenmeprenantparlamainpourmeconduireverslaportequidonnesurlesescaliers.

Ilpoussesurlaparoientôledesonbraslibre.Puismelâchelamainpourforcerdesesdeuxbras.Envain.

Riennebouge.

Ilmeregarde,penaud.

—Tuplaisantes?

—Euh…non.Ondiraitquelaportes’estreferméederrièrenousetqu’iln’yapasmoyendel’ouvrirdececôté.Onestcoincésici…

Ilsembles’amuserdelasituation.

—Tutefichesdemoi?

Jetenteàmontourd’ouvrirlaporte,sansplusdesuccès.

—Bravo!Alorslà,tumesurpasses!Onsecroiraitdansunfilm!

—Ouais,saufquelemecilétaittoutseulsurletoitdel’hôtel,alorsquenous,onestdeux,rétorque-t-ilenpassantsesbrasautourdemataille.

—Ouais,saufquenousonn’apasdematelas.

Ilgrimace.

—Çane fait rien, tun’aurasqu’à te servirdemoicommematelas, flirte-t-il avantdem’embrasserlangoureusement.

Épilogue

Finalement,nousavonsété—trop—vitelibérés.

Ilparaîtquec’estundespremiersendroitsquelessoignantsvérifientquandilsperdentunmalade.

Apparemment,nousnesommespastrèsoriginaux.

Çanemedéplaîtpas.J’aimebienl’idéeque,pourunefois,jemecomportecommelaplupartdesgens,mêmesilesgensnormauxenquestionsetrouventêtredespatientsenfuite,suicidairesouaccrocsàlaclope.

VanessaetManonontattenduprèsdedeuxheuresavantdes’enfuirenvoiture lorsqu’ellesnousontvus,Axeletmoi,réapparaîtresurleparking,escortésparlasécuritédel’établissement.

Tuavaisl’airenbonnecompagnie,alorsonn’apasvoulutedéranger…aaffirmélajeunemaman.

Axel et moi ne nous sommes pas quittés depuis ce moment-là. Pendant ses quelques jours deconvalescence, j’ai été obligée de m’équiper d’un foulard et de lunettes de soleil pour entrer dansl’hôpitalencatiminietmeglisserendoucedanssachambre.Surtoutqu’aprèsl’épisodedutoit,certainesinfirmièresm’ontsoupçonnéed’avoirtentédelekidnapper.Jelesaientenduesparlerdel’événementàleurpausecafépendantquej’essayaisdemecacherderrièreuneplante.

Jesuisdevenuelafournisseuseofficiellederagotsdeschauffeursdetaxietdupersonnelhospitalier.

Est-cequ’onnedevraitpasmepayerpourça?

Aumoinsunpetitsponsoring?

Uneprisedesanggratis?

Axelm’a appris qu’il s’était fait opérer d’une tumeur et qu’il se souvenait désormais de tout. J’aiaccueillitièdementlanouvelle.

J’aiencoredumalàm’yfaire.

Est-cequejenelesupportaispasjustementparcequejesavaisqu’ilétaitmalade?Suis-jeobligée,maintenant,del’engueulers’iloublielepainenrentrantlesoir?Etsurtout,suis-jeprêteàentamerunerelationavecunhommequin’aaucuntroublepsychique?

C’est tout nouveau pour moi et comme toutes les nouveautés, la situation m’effraie autant qu’ellem’excite.

Axelsortdemasalledebainavecjusteuneservietteautourdelataille.

Ilaquittél’hôpitalilyatroisjours.Onluiaenlevésonbandageetj’aidécouvertquelechirurgienluiavaitrasélecrânepourl’opérer.Çaluivaplutôtbien.Leseulhic,c’estquesijemebaladeavecluietFarah,j’ail’impressiondemepromeneravecunesecte.

Ils’approchedusalon,enlaissantdestracesdepasmouilléesderrièrelui.Enlevoyant,ainsidévêtu,jemerappellequej’aidécidédefairetairemesinquiétudespourprofiterdel’instantprésent.

—Redis-moipourquoionrestecheztoiaulieud’allerchezmoioù,jetelerépète,ilyaunegrandedoucheetnonunepetitecabined’unmètrecarré?

Jeprendsunairfaussementsérieuxeténumèreencomptantsurmesdoigts:

—Parcequejesuisagentimmobilier,cequiveutdirequej’aiplusdegoûtquetoi.Parcequetonexsaitoùtuhabitesetqueladernièrefoisquejel’airencontrée,j’aifailliperdreuneoreille,etquec’estutileuneoreille!Etenfin,parcequetuadoresêtreserrécontremoisousladouche.

—Jeprendsledernierargument!réplique-t-ilavantdes’approcherducanapé.

Jem’ysuisassisepour feuilleterunmagazineenattendantqu’il sortede la salledebains—parcequ’envrai,ilest,malheureusement,quasi-impossibled’yteniràdeux.

Ilsepencheau-dessusdemalecture.Desgouttelettesd’eauviennents’écrasersurlepapier.Unefoisquej’aireferméetreposélarevue,Axelfaitsemblantdetrébucherpours’écroulersurmoi.

—Oh!Arrête,t’estoutmouillé!m’écrié-jesansconviction.

—Tuvasbientôtl’êtretoiaussi…,mesusurre-t-ilàl’oreille.

Jeprotestepourlaforme:

—Onvaêtreenretard…

**

NousarrivonschezFarahavecprèsd’uneheurederetard.

Non,Axeln’estpasunsurhomme,maisilabienfalluquejetrouved’autreshabitsàmemettreaprèsqu’ilait trempélesmiens.Ellenefaitpasderéflexion.Jen’étaispasplusàchevalsur laponctualité,avant,alors…

NousrejoignonsMaxime,Vanessa,ManonetsonGrégoiredanslejardin.J’embrasselajeunemamanqui s’est débarrassée de son porte-bébé. C’est le papa qui a sa fille dans les bras. Le fait de s’êtreretrouvéeaveclepieddelapétassedanssonéquipementsembleavoirtraumatiséManon.JefaislabiseàGrégoireetcaresselajouedeLouisequim’ignoreeffrontément.

Pluspoli,Maximemefaitlabisecommeilsedoit.

Çamefaittoutdrôledepenserquejevaislevoirautravaillundi.

Ilatrouvésavocation:agentimmobilier.

Enfin,àmonavis,savéritablevocation,c’estFarah.Jemedemandecommentçavasepasserpourtouslesdeux.Monassociéeangoissedéjààl’idéequeçapuissenuireàleurcouple.Jel’airassuréeenluidisantqueçanepourraitpasporterpluspréjudiceàleurrelationquesonancienboulot.Aumoinslà,ellel’auraàl’œil.

Enplus,nousavonsbienbesoind’aideà l’agence. Contre touteattente, larumeurde lamaladiedeFarahnousafaitdelapublicité.Sionaunepetitebaissedecommissionslemoisprochain,jem’inventeuneleucémieouuneemboliepulmonaire.Ouunautretrucquisonnebien!

Axelsalueégalementl’assembléeets’excusecarsontéléphonevientdesonner.Lebou-lot,articule-t-ilsilencieusementàmonattention,toutendécrochant.

Jesoupire.Ilvientàpeinedesefaireopérerqueletravailempiètedéjàsursesweek-ends.Maisc’estquandjel’entendsrépondrequelemondes’arrêtesoudainementdetourner:

—Oui,AxelSaoulard,j’écoute.

Saoulard!

Je le dévisage en quête d’un signe d’une mauvaise blague entre collègues, mais il continue saconversationprofessionnelled’untontrèssérieux.

Saoulard!Sonnomdefamille,c’estSaoulard!

Jen’avaispasencorepenséàluidemandersonpatronyme!

Ilfautdirequeledébutdenotrerelationaétéquelquepeuchaotiqueetpeuordinaire.Deplus,pourmoi, ça ne faisait pas partie des informations importantes pour connaître l’autre. Je rectifie, c’est undétailprimordial!Pourvuqu’ilnemedemandejamaisdeportersonnom!

Mélissaadûbiensemarreràl’hôpital:JetelaisseMonsieurSaoulard!

Elleadûavoirmoinsderegretsquejelepensais,Saoulard,cen’estpastrèsassortiavecuncollierdeperlesetjenelevoispasvraimentgravésuruneallianceenor.Jemeremetsdoucementduchocenmerapprochantdemesamies.

Aprèstout,personnen’estparfaitetçaauraitsansdoutepuêtrepire.Jecontinueraiàl’appelerAxelavecmonentourageetferaisemblantdenepasmesouvenirdesonnomdefamillesionmeledemande.

Oujeferaidiversion.JedemanderaiàManon,c’estsaspécialité.Aprèsunedesesdiversions,sûrquepersonneneviendraplusjamaismeposerlaquestion!

Oubienencorejepourraistrouverundiminutif:Saoul?Lard?

Jeferaidiversion!

Jetombedesnues,maisd’unautrecôté,jesuispresquesoulagéequ’ilnesoitpasparfaitetqu’ilaitaussisespetitssecretsinavouables.Ilaraccrochéletéléphoneetmesourit,deloin,enretournantauprèsdeMaximeetGrégoire.Alorsque lesgarçonsdiscutentde trucsdemecs— je jetteunnouveaucoupd’œilverseux:euhnon,enfait,lesgagassontentraindebêtifierLouise—,nousnousinstallonsàtableaveclesfilles.

—Lescopines,j’aiuntrucàvousdire!déclarelablonde,sansprévenir,manifestementsurexcitée.

Nouséchangeonsdesregardscurieuxavantderépondreenchœur:

—Ont’écoute!

—J’airencontréquelqu’un!

Silence.

Épaulesquiserabaissent.

—Bah,c’estpasvraimentunscoopmachérie,çat’arrivetouteslessemaines,faitremarquerManon.

Farahetmoiacquiesçons.Pasdequoiêtreaussisurvoltée.Qu’est-cequiluiprend?

—Oui,maislà,c’estspécial!assure-t-elledesesyeuxpétillants.J’aifaitsaconnaissancehierdansle train pour le travail. Il s’est assis à côté demoi. Ça a été le coup de foudre direct ! On a parlélongtemps,ilaunaccentsupersexy!Bref,ilaenregistrésonnumérodansmontéléphoneetm’aditquesi jevoulais jepouvais l’appeler,maisqu’il n’allait pasmedemander lemienetmeharceler commedevaientlefairetouslesautres.Lagrandeclasse,quoi!Lehic,c’estquej’aifaittombermontéléphonedanslavodkahiersoir.J’essayaisdefaireunselfieavecleverreàlamainpouravoirl’aircooletlaluienvoyer… J’ai juste eu l’air con, finalement ! J’ai appelé mon opérateur, en expliquant bien le casextrêmementurgentdanslequelj’étais,maiscettebanded’incapablesnesontapparemmentpasfichusdefairequoiquecesoitpourrécupérermescontactssurunecarteSimrouillée!

—Ohmerde!Ettun’aspasunautremoyendeleretrouver?

Vanessasemetàtrépignersurplace:

—Siiii!Jeconnaissonnometl’endroitoùilbosse!Etjevaisavoirbesoindevous!Bougezpas!

Elles’éloignepourallerprendreuneenveloppedanssonsacàmain.Quandellerevient,jereconnaissonregardfarceuretmecrispeinstinctivementsurlachaisedesalondejardin.

—Tadaaam!s’exclame-t-elleensortantquatrebilletsdel’enveloppe.

Là,jem’inquiètevraiment.

—Vousallezm’accompagnerpour le retrouver !Vousmedevezbiençaaprèsceque j’ai faitpourvous!Etpuis,onvabiensemarrer!

—Quoi?Onpartoù?s’angoisseFarah.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demandent les garçons en s’approchant de nous, attirés par lesexclamationsaiguësdeVanessa.

Jem’empared’undesbilletsqu’ellebranditdevantnouspourlelire,avantdereleverlatête.

J’annoncesuruntond’oùpercentdespointesdestress:

—Ehbien,apparemment,lesfillesetmoi,nouspartonspourLondresceweek-end!

Fin

Remerciements

Un grand merci à la formidable équipe de Passion Editions : Shirley, Phanie, Amélie, France etConstancequiontmistouteleurexpertiseauservicedeCrazyLoveTherapypourenfaireunromandequalité.J’aibeaucoupapprisencollaborantauxcôtésdesprofessionnellesquevousêtesetj’aiencorebeaucoup à apprendre… je n’oublie pas non plus les auteures de Passion Editions quim’ont si bienaccueilliedanslafamille.

Jesaluetoutesmesamiesduweb,quim’ontsoutenuesurlesplateformesd’écritureetlesgroupesdediscussionspécialisés.Merciaussipourlesmomentsderécréationpartagés.

Enfin, je remercie mes proches, en particulier mon mari pour son soutien inconditionnel et pourm’avoirportéejusqu’àlapublication,etmestroisenfantspouravoirsufairepreuvedepatience.

Mercidem’avoiraccompagnée,chacunàvotreniveau,danscettenouvelleaventure.

{1}Chanteuretguitaristeaméricain,leaderdugroupeMarron5.

{2}MélangedevinrougedeChambéry,depamplemousse,degingembre,depeppermint,devinblancitalienetd’eaugazéifiée.

PagetitrePrologue12345678910111213141516ÉpilogueRemerciements