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3 Texte Nelly Seznec - Photos Lionel Léger Une idée, deux énergies. « Même » est la première marque de produits de beauté développée pour et par les femmes concernées par le cancer. Voilà pour le pitch. Côté réalisation : Judith Levy et Juliette Couturier, deux jeunes femmes bien décidées à apporter du bien-être à celles qui en ont besoin. Mais comment s’y prendre pour entreprendre ? l E DUO GAGNANT Judith et Juliette, 24 ans, perfectionnistes, volontaires, ambitieuses et bosseuses. Judith (à g.), diplômée de Strate, une école de design. Juliette (à d.), diplômée d’ HEC et Sciences Po Paris. Cremes de femmes 1 AMBITIONS O n pourrait parler de belle histoire si le sujet n’était pas aussi sérieux, mais on ne le fera pas. On pourrait parler de conte de fées tant l’aventure de Judith et Juliette s’est construite au hasard des rencontres, des conseils et de la confiance, mais ça non plus, on ne le fera pas. Ce projet est né d’une envie partagée, de la persévérance, de l’achar- nement, de l’altruisme, de leur foi en l’avenir, de leur sourire, de leur sueur. Avec l’énergie de la fée Clochette et le sourire de la Bonne fée. On va juste parler d’une idée si simple qu’on se demande a

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Texte Nelly Seznec - Photos Lionel Léger

Une idée, deux énergies. « Même » est la première marque de produits de beauté développée pour et par les femmes concernées par le cancer. Voilà pour le pitch.

Côté réalisation : Judith Levy et Juliette Couturier, deux jeunes

femmes bien décidées à apporter du bien-être à celles qui en ont

besoin. Mais comment s’y prendre pour entreprendre ?

le dUo gagnant

Judith et Juliette, 24 ans, perfectionnistes, volontaires, ambitieuses et bosseuses.

Judith (à g.), diplômée de Strate, une école de design.

Juliette (à d.), diplômée d’ HEC et Sciences Po Paris.

Cremes

de

femmes

1

AMBITIONS

On pourrait parler de belle histoire si le sujet n’était pas aussi sérieux, mais

on ne le fera pas. On pourrait parler de conte de fées tant l’aventure de Judith et Juliette s’est construite au hasard des rencontres, des conseils et de la confiance, mais ça non plus, on ne le fera pas. Ce projet est né d’une envie partagée, de la persévérance, de l’achar-nement, de l’altruisme, de leur foi en l’avenir, de leur sourire, de leur sueur. Avec l’énergie de la fée Clochette et le sourire de la Bonne fée. On va juste parler d’une idée si simple qu’on se demande a

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encore pourquoi personne ne l’a eue avant. Mais, en même temps, on ne va pas jouer les étonnés car, en géné-ral, le glam et les paillettes sont ailleurs. En tout cas, pas dans les services d’oncologie (là où l’on soigne les cancers). Et pour-tant, il faut une bonne dose de courage pour regarder certaines choses en face, sans atermoie-ment mais avec bienveillance.

SLOgAN ANtiCANCEr

« Même » c’est l’idée, le nom de code, puis le nom définitif. Et un slogan : « Même malade, je m’aime, on m’aime. » il n’existe pas de plus belle déclaration. C’est une promesse de soins cosmétiques adaptés aux femmes en traitement contre le cancer. Lorsque le corps fait mal, qu’il a besoin d’être réconforté mais qu’il ne supporte plus aucun soin, aucun produit, il faut lui prodi-guer autre chose. Parce que le « même pas mal » est primordial et le « fée moi belle,» capital .

Eh ! bien, on ouvre grand ses oreilles et on saisit sa chance. Pour Judith et Juliette, il fallait débusquer le sous-traitant cosmétique capable de commencer à formuler les crèmes alors qu’elles n’avaient que 6 000 e d’économies.

Le sous-traitant leur a été indiqué par l’ami d’un ami d’une amie (à l’infini et au-delà). Le temps de narrer leur histoire, leur projet… auprès du directeur de P&B Group, un labo d’Aix-en- Provence, qu’il acceptait déjà. Et s’est mis au travail début 2015, adhérant au projet. Et, pour reparler de conte de fées, ce directeur a différé toute avance de fonds pendant plusieurs mois.

CoMMent déMarrer aVeC 6 000 e en poChe

Un conseil ?« Il faut un projet ; c’est lui qui fait qu’on se lève le matin. »

JudithLa start-up Même est hébergée à l’incubateur Sciences Po, à Paris, et profite ainsi de services comme le conseil juridique, l’expertise comptable et l’accompagne-ment au quotidien. Même est également épaulée par l’incubateur HEC et Cancer Campus, l’incubateur de l’Institut Gustave Roussy. Un vrai coup de pouce !

aL’hiStOirE d’uNE idéE

Plus que tout autre projet, l’idée est née d’une nécessité, d’une urgence. Celle d’apaiser les douleurs, de soigner son image, de refaire amie amie avec son miroir. Se sentir féminine, sé-duire et se laisser séduire. La mère de Judith est malade : cancer du sein et toute sa co-rolle de traitements. Forcément désagréables. Pendant cette période de trois ans, la mère de Judith redouble de féminité. Sa façon à elle de combattre le mal. Pas une semaine sans acheter des vête-ments ; pas une journée sans re-chercher le nouveau produit de beauté. Celui que sa peau meur-trie tolérera, apaisera, adou-cira, rendra plus belle. Judith observe alors le parcours du combattant que sa mère mène chaque jour. inlassablement. La peau des femmes en traite-ment de chimiothérapie ou ra-diothérapie est si sensible. a

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« C’est assez incroyable qu’il n’existe aucun produit de beauté pour ces femmes » réflé-chit Judith. En dernière année d’école de design, elle choisit pour sujet de mémoire « La fémi-nité dans la maladie ». L’idée est là. Elle l’imagine, la peau-fine. dans sa tête, sur le papier.

« thE » rENCONtrE

Son stage de fin d’étude, Judith le fait chez l’Oréal. Jusque-là, son souhait était de travailler dans l’univers du luxe. Son projet change de cap. Et d’au-tant plus quand elle rencontre Juliette, elle aussi en stage de fin d’études dans la même société. des choses en commun, des valeurs communes. Bref, « the » rencontre. une conversation, Juliette est emballée. Le projet de Judith résonne en elle, pas be-soin d’épiloguer davantage. « Le projet de Judith m’a entièrement convaincu, aussi j’ai immédiate-ment changé tous mes plans »,

reconnaît Juliette. Elle aussi est confrontée au cancer dans sa fa-mille. inutile de lui raconter par le détail ce combat. Elle connaît.

COMMENt S’y PrENdrE POur ENtrEPrENdrE ?

Bien sûr que lorsque l’on dé-marre un projet, il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Judith et Juliette avouent qu’elles n’y connaissaient rien, qu’elles n’avaient pas vraiment pensé à devenir entrepreneuses. Alors, elles ont fait confiance, elles ont su écouter. toutes deux ont commencé par en parler autour d’elles, famille, amis, afin de mesurer comment était reçue leur idée. Les réponses étaient toujours positives. Et puis sans bâtir davantage de plan d’action, elles ont fonc-tionné avec un réseau, celui des amis, des connaissances, d’amis d’amis, de connais-sances de connaissances. Et inversement !

Bien sûr, on peut toujours avoir une idée géniale, mais si elle ne sort pas du bureau, elle n’a que peu d’impact !Il faut donc se faire connaître avant d’être reconnu.

Les réseaux sociaux : facebook, Instagram, un blog. Et aussi les médecins, les infirmières coordinatrices, les socio-esthéticiennes, les associations et réseaux de patientes dans les hôpitaux. Toute personne qui côtoie la maladie, qui la soigne, sans oublier l’entourage du malade.

Inutile de dire que ça fait du monde. C’est le constat de Judith et Juliette lors de leurs rencontres tous azimuts : chacun a été confronté de près comme de loin à cette maladie.Facebook : 2 750 amisTwitter : 157 followersInstagram : 324 abonnés

Etre ConnUes 2.0

Le blog memecosmetics.fr/blog est un lieu de dialogue. Chacun(e) peut y exprimer ses joies, ses peines, ses doutes, ses victoires, ses combats… Et l’on peut aussi y partager ses idées, ses astuces et même remercier Même d’exister.

a

a

Un conseil ?« ne pas avoir peur, on a toute la vie devant soi. en faisant des erreurs, on avance. » Juliette

AMBITIONS

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Février 2015 : au Salon des entrepreneurs, Judith et Juliette rencontrent des femmes du réseau Angel Santé, qui proposent une succession d’en-tretiens de dix minutes. L’une d’elle, Armelle, a débattu avec Judith et Juliette pendant plus d’une heure. Passionnée, par leur projet, elle leur a prodigué des conseils. Judith et Juliette ont aussi ren-contré des business Angels, c’est-à-dire des particuliers qui investissent dans une entre-prise innovante et qui, en plus, mettent à disposition de l’entre-preneur leurs compétences, leur temps et leurs réseaux. Elles ont

même eu la chance, durant leur levée de fond, de rencontrer une personne – le croyez-vous – qui côtoie avec tous les cancérolo-gues de France ! Presque fas-toche ! Et c’est ainsi qu’elles ont commencé à réunir les premiers financements.

EN MOdE ACtiON

depuis début 2015, Judith et Juliette sont à plein-temps sur Même. Et sont sur tous les fronts : constituer leur société (SAS, Société par actions simplifiée), trouver les financements, déni-cher le laboratoire, tisser des réseaux, être présentes sur le

Oui et non. Judith et Juliette ont tout bâti, pensé, créé, imaginé sans savoir si elles parviendraient à financer leur projet. Donc, il n’est pas interdit de rêver. Mais la levée de fond est encore une belle histoire au pays de Judith et de Juliette. Ç’est si intimidant !

Alors, comment on s’y prend ?« Tout naturellement », sourient Judith et Juliette, mais en étant engagées et motivées. « On raconte aux décideurs l’histoire que l’on vient de vous raconter. La naissance du projet, ce qu’il porte… Mais le temps des décideurs est compté. Alors, il s’agit d’un condensé, d’un « précipité ». Malgré tout, ces décideurs sont bienveillants et, s’ils le peuvent, leur donnent des contacts. Ce qui fait sourire Judith et Juliette, c’est qu’en une année, elles ont noué plus de contacts qu’elles n’en auraient établis en dix ans de carrière, tant elles ont porté à bout de bras leur projet, de façon presque viscérale. Et ça, ça fait réfléchir. Et quand on fait les comptes, ça donne quoi ? 100 % de réussite ! Tous les décideurs se sont laissé convaincre.

numérique, formuler les crèmes, s’occuper du packaging, du marketing… et, surtout, garder l’âme du projet : de bons pro-duits à prix raisonnables pour les femmes atteintes de cancer.Sans entrer dans les « détails » des symptômes particulièrement pénibles pour les femmes en trai-tement, le challenge de Même et du laboratoire était d’élabo-rer des produits que les femmes pourraient supporter. trouver des formules agréables en les-quelles elles peuvent avoir une totale confiance. une véritable innovation. Ainsi a été black-listé un nombre impressionnant d’ingrédients.

L’argent, nerf de La gUerre

Les crèmes contiennent un maxi-mum de composants d’origine naturelle. il s’agit de donner du confort sans jamais perdre de vue qu’il faut également procurer du plaisir. Alors, les crèmes ont été testées auprès de femmes en traitement, refor-mulées, testées à nouveau… jusqu’à obtenir le produit le plus adapté. Emballées, les testeuses ont demandé à Même d’ajouter une petite fragrance (un parfum sans allergène) dans une crème. Et elles ont plébiscité le résultat final. Assurément, les testeuses, Même les aime.

vENtE EN LigNE

Côté prix, Judith et Juliette gardent en tête que leur ligne de cosmétiques doit rester abor-dable. Aussi sera-t-elle commer-cialisée à des prix moyens. Leur stratégie de communication et marketing est hyperciblée. La ligne cosmétique de Même sera essentiellement vendue en ligne On trouvera aussi la gamme dans quelques pharmacies, déjà spécialisées dans les produits pour femmes en traitement de cancer, et dans quelques maga-sins spécialisés dans la vente de perruques.Alors, rendez-vous fin 2016.Même sera sur orbite. Et nul doute que Même, on l’aime déjà. infiniment. o

a

e-ContaCtsi www.memecosmetics.frw www.facebook.com/ meme.cosmetiqueh [email protected]

memecosmeticsb @MEME_COSMETICS