Upload
idir-mazigh
View
224
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
7/26/2019 Critres de Dfinition Des Parties Du Discours
1/5
Langages
Annexe I. Les critres de dfinition des parties du discoursM. Sylvain Auroux
Citer ce document Cite this document :
Auroux Sylvain. Annexe I. Les critres de dfinition des parties du discours. In: Langages, 23anne, n92, 1988. Les parties
du discours. pp. 109-112.
http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_92_2003
Document gnr le 08/09/2015
http://www.persee.fr/collection/lggehttp://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_92_2003http://www.persee.fr/author/auteur_lgge_25http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_92_2003http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_92_2003http://www.persee.fr/author/auteur_lgge_25http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1988_num_23_92_2003http://www.persee.fr/collection/lggehttp://www.persee.fr/7/26/2019 Critres de Dfinition Des Parties Du Discours
2/5
Sylvain
AUROUX
CNRS/Universit Paris
7
URA
381
ANNEXE
1
LES
CRITRES DE DFINITION
DES
PARTIES
DU DISCOURS
Le point
de
vue de l historien consiste
prendre les thories
comme objets
d tude et
les
analyser. Concernant
les thories des
parties
du
discours, cela
nous
conduit les considrer comme des
structures thoriques (comportant un
vocabulaire
thorique
propre les noms
des parties
du
discours et
pratiquement
toujours
d autres vocabulaires thoriques, par
exemple
volont ,
rgle
de
rcriture
)
permettant
de
formuler (entre
autres
choses)
des prdictions (rgles)
sur
les
phnomnes
Un
historicisme
modr doit ncessairement
conclure que
ces structures
thoriques varient en fonction de
plusieurs
paramtres
(notamment
vocabulaire thorique
non-propre, langues tudies, buts recherchs,
contraintes
pistmologiques
adoptes). Si
l on
veut comparer
les
thories, il doit
tre possible, au
niveau
du mta-
discours historique, de dgager certaines
de
leurs proprits stables. Nous nous
sommes efforcs de poursuivre
ce
but
dans le
cas de la dfinition des parties
du
discours,
partir de l analyse de nombreux exemples. Notre
typologie
rpond
donc la
question
:
quels
sont les critres utiliss
par
les grammairiens dans la
dfinition
des
parties du discours ? , et non la question : quelles sont les parties du discours ? .
Ce
changement de perspective, appliqu
l histoire
longue, entrane des rsultats
assez
diffrents
de ceux
auxquels
sont
accoutums
les
linguistes
ou
les
grammairiens,
en particulier parce qu il libre de
la
contrainte logique de la
cohrence
et de la
consistance intrinsques des critres. Notre contrainte propre concerne la cohrence,
la
consistance et (si possible) l exhaustivit de notre description des critres.
La
grammaire
repose
toujours sur
une fragmentation de la chane parle. Cette
analyse met en uvre
deux
pratiques logiquement
distinctes.
D un
ct, une
dcomposition linaire,
par
exemple la chane en phrases, la phrase en sujet et prdicat, le
sujet en
mots, etc.
La connexion des parties de mme
niveau obtenues par
la
dcomposition donne
une
expression
linguistique. De l autre, une
rpartition des parties en
fonction
de
proprits imbriques
;
par
exemple, les
propositions sont
rparties en
propositions
principales
et
incidentes,
les
mots
en
noms,
verbes,
etc.
On a
alors
des
classements ou
des
classifications (formellement, une
classification suppose
des
oppositions
dichotomiques).
La runion des parties de mme niveau donne au mieux
l espce
suprieure.
L laboration occidentale du traitement des grandes
langues
europennes
a
repos
jusqu une
date
trs rcente sur
l ide que
la dcomposition du
langage
en mots tait
tout
fait
essentielle.
On
doit donc
dfinir
l esprit
gnral
de cette analyse quels
que
soient
les
chemins
et les techniques suivis partir
du
type d unit auquel elle
aboutit.
Il
n est pas trs facile de dfinir ce qu il faut
entendre
par
mot
.
Les
trois
contraintes
suivantes,
agissant sur l opration
de
dcomposition
de
la chane parle,
permettront
de
se
faire
une ide
:
(ml) les lments
doivent
tre des signes,
c est--dire
possder
une signification,
mme si elle n est
dtermine
qu en
contexte
(par l
sont
exclus lettres,
sons,
etc.).
109
7/26/2019 Critres de Dfinition Des Parties Du Discours
3/5
(m2)
la
chane linguistique est un arrangement
des
lments (autrement dit,
l lment doit
possder
une certaine autonomie
;
on exclut par l une approche
totalement distributionnelle).
(m3) s il faut
faire
quelque chose en plus
de
l arrangement des
lments pour
obtenir une
expression
linguistique, cette modification est toujours
conue
comme
une
modification
interne de l lment.
Cette
troisime contrainte
est
essentielle,
elle
vise
le
phnomne de
la
flexion.
Une
flexion est
toujours
la flexion d un
mot,
les deux concepts sont solidaires et
ils
sont
relis au fait que la grammaire repose sur
rpartition des mots en classes. La
flexion n est
que l lment
d un paradigme de formes
servant
caractriser une espce
de
mot.
Autrement dit,
il
y a
une corrlation
trs
forte
dans la
tradition occidentale
entre
le
rle
des
classes de mots et l opposition flexion /drivation c/. R. Singh et A.
Ford, Flexion,
drivation
et Panini , in K. Koerner (d.), Progress in Linguistic
Historiography, Amsterdam, John Benjamins, 1980, pp.
323-332).
Il
s agit d un
choix thorique, on aurait pu construire
autrement
les
thories
grammaticales, en
accordant une
place centrale
au morphme, plutt
qu au
mot.
On aurait, alors, sans
doute eu des
problmes avec
des
phnomnes comme l alternance vocalique. En
outre,
la
relation
entre
l analyse
logique
et
l analyse
grammaticale
de
la
phrase
aurait
t beaucoup plus
difficile
concevoir. Inversement, la
tradition
occidentale et sa
catgorie du mot s adaptent difficilement
des
langues
agglutinantes ou
polysynthti-
ques
{cf. Franz Boas,
Introduction to the Handbook of American
Indian Languages,
rd.
Georgetown
University Press, 1968,
pp. 22-26).
La typologie suivante, de quatre classes
principales
de critres (c est--dire de
proprits
dfinitionnelles), parat adapte aux
cas
rencontrs
:
a - MORPHOLOGIQUE
La
proprit caractrise
les
phnomnes
linguistiques
partir
de
leur structure
matrie l le
et de ses
variations.
Exemples :
i) dclinable vs indclinable
;
ii) verbum est pars orationis, quae modos
et tempora habet, neque in casus declinatur (Alvarez) ; autre ex. : le verbe est
ung
mot
de nombre avec tems et personne (Ramus). N.B. : dans le cas des
accidents, encore faut-il que ceux-ci soient morphologiques
:
chez Nebrija et Despautre,
la signification est un accident
;
l inverse, chez Beauze,
le
genre reoit une
dfinition smantique (pour les fonctions remplies par
la
notion d accident,
voir
Colombat
ici-mme,
1.4).
b -
SMANTIQUE
Toute proprit caractrisant
des
phnomnes linguistiques partir
de
leur(s)
rela-
tion(s)
des lments non-linguistiques.
bl - PSYCHOLOGIQUE
La proprit en question est en
rapport
avec la
reprsentation
des
facults
de l esprit.
Exemples :
i)
objet de nos penses
vs manire
de
nos
penses
(Port-Royal)
; ii)
pars
orationis,
quae
varios animi affectus indicat (dfinition de
l interjection
par
Alvarez).
b2
-
ONTOLOGIQUE
La proprit en question est en
rapport
avec la
reprsentation
de la structure du
monde et
plus gnralement des
objets
de la
pense.
110
7/26/2019 Critres de Dfinition Des Parties Du Discours
4/5
Exemples
: i)
substance vs qualit
;
ii)
le
verbe
est
une partie
du
langage
signifiant
action
ou passion
(Meigret).
- SMIOLOGIQUE
La proprit concerne l lment dfini en tant que
signe.
Exemples
:
i) signe complet vs signe incomplet
;
ii)
nommer
vs exprimer vs indiquer
vs
prononcer
(c/.
ce texte
de
Condillac
:
II
ne faut
que
des
substantifs
pour
nommer tous les objets
dont
nous pouvons parler : il ne
faut
que des
adjectifs
pour en
exprimer
toutes
les
qualits
:
il
ne
faut que
des
prpositions
pour en indiquer les
rapports
: enfin il ne faut que
le
seul verbe
tre
pour prononcer tous nos
jugements
)
;
iii) mot
connotatif vs
mot
dnotatif.
-
FONCTIONNEL
La proprit en question
caractrise
les phnomnes
linguistiques en
rapport
leur
insertion dans une
unit
suprieure, nomme ou
non.
cl
-
LOGIQUE
La proprit en question est en
rapport aux
termes thoriques de la logique : sujet,
copule,
prdicat,
attribut,
etc.
Exemples
: i)
contenir
la
copule vs pouvoir
tre sujet ;
ii) (le verbe
est)
un mot dont
le principal usage est de signifier
l affirmation
(Port-Royal).
c2 - SYNTAXIQUE
La proprit en
question
est en rapport avec une chane linguistique plus longue que
le type d lment
dfini.
Exemples
:
i)
principal
vs
accessoire
;
ii)
avoir
un
antcdent
(en
gnral tous
les
phnomnes anaphoriques) ;
iii) l adjectif dveloppe ou dtermine
la
signification
du
nom
(Condillac).
c3 -
DISTRIBUTIONNEL
La proprit concerne
la
substituabilit et
la
co-occurrence.
c31 - PARADIGMATIQUE
L unit
suprieure
considre n est pas de la
nature
d une chane linguistique et
/ou
on
utilise
la
substituabilit.
Exemples : i) appartenir
un
inventaire fini vs appartenir
un
inventaire ouvert ; ii)
quod ponitur
loco
nominis
proprii
(dfinition
du
pronom par Nebrija).
c32 -
SYNTAGMATIQUE
La proprit est fonde
sur
la co-occurrence de
deux
types
d items lexicaux.
Exemples : i) l adjectif accompagne le nom c/.
aussi l adverbe)
; ii)
potest
per se
stare
cum verbo in sensu perfecto
(dfinition
du
substantivum
par
Nebrija)
;
iii) proprium
est adverbii
cum
verbo poni nee
sine
eo perfectam
significationem
posse
habere
...); si igitur invenias cum nomine
adverbium sine
verbo,
scias hoc per ellipsin
fieri
(Priscien).
d - METALINGUISTIQUE
La
proprit en question fait rfrence
l nonc linguistique en
lui-mme.
111
7/26/2019 Critres de Dfinition Des Parties Du Discours
5/5
dl
- COMMUMCATIONNEL
La rfrence l nonc concerne la situation d interlocution.
Exemples
: i) la
dfinition
des personnes comme
dsignant
les diffrents
acteurs
auxquels
l nonc
est susceptible
d avoir
rapport ;
ii) serve
to
make
declaration or
answer (dfinition de l adverbe
par
Palsgrave).
d2
- MTAGRAMMATICAL
La
proprit repose
sur
des
phnomnes
concernant
le
mtalangage
grammatical.
d21 - PARAPHRASTIQUE
La proprit
consiste
en une paraphrase dont
le
schma canonique est construit
partir
des
noms d autres classes de mots.
Exemple : un adverbe est quivalent une prposition suivie d un nom.
d22 -
TYMOLOGIQUE
La proprit correspond I etymologie propose pour
le
nom de
la
classe de mot.
Exemple : pronomen dictum,
quia pro
vice
nominis
ponitur, ne fastidium faciat
nomen ipsum
dum
iteratur
(Isidore).
d23 - DIDACTIQUE
La proprit concerne l activit
du grammairien.
Exemple
:
mot
dont
on se sert
pour donner connatre
les
cas (dfinition
de
l article
par R. Estienne,
allusion
l utilisation de
/hic/, /haec/,
/hoc/
dans les
paradigmes
des
dclinaisons latines).
Evidemment,
nous n assumons pas
que
ce classement est une classification, et
que les critres sont indpendants (on pourrait, par
exemple,
brancher dl sous b). A
fortiori est-il douteux
qu ils
puissent
ensemble donner
lieu
une
thorie
logiquement
consistante
et
adquate
aux
phnomnes.
Il
y
a des
critres
inadmissibles
pour
un
moderne (par
exemple,
d22), d autres peu admissibles
dans
une dmarche thorique
(essentiellement d23). Notre
dfinition
du fonctionnel
peut surprendre, elle
revient
assumer que les
fonctions sont
rductibles
des
configurations
de catgories
hypothse
assume
par
les gnrativistes). Si ce n tait
pas
le cas,
il
faudrait
introduire
sous c2, une sous-catgorisation,
que nous
ne pensons
pas pouvoir
introduire
autrement
que
par une
liste
de fonctions. Historiquement cependant, dans
la
tradition
franaise,
une
fonction comme celle de complment a d abord
t
introduite Beau-
ze)
partir de
l ide
qu il y a complmentation de la chane, c est--dire par
quelque chose qui correspond au critre
c2. Par contre, nous
avons
recours une
liste de
catgories
pour
le critre
logique.
Cela
revient
admettre
qu historiquement, il
n y
a
pas
de
distinction claire
entre
logique
et
grammaire,
la
dmarcation
provient
de
l histoire institutionnelle de
chacune.
Une
proprit
essentielle de
cette
typologie est d tre donne en
comprhension.
On pourrait videmment avoir des dfinitions en extension, du type les mots de la
catgorie X, sont a, b, c,... (liste) . Faute
de
mieux, la grammaire scolaire
gnralise ce procd au XIXe
sicle,
ou utilise le procd ostensif
(
les
relatifs
sont
des
mots comme
qui
). On le trouve largement employ chez Panini. La dmarche en
comprhension est par dfinition
indpendante
des
particuliers
qui tombent sous
elle
; elle doit simplement reposer sur une proprit qui convient tous les dfinis et
eux
seuls. Elle
conduit
faire
comme si il
y avait
des universaux
substantiels.
C est
l l un des problmes et
l une des
limites
essentiels
de la
structure
thorique de la
tradition
occidentale
:
il
pourrait se
faire
que
les
dfinitions en
extension
et/ou
par
ostension soient
inliminables. Le rle des critres ne disparatrait
peut-tre
pas
totalement,
mais il
serait
attnu
au profit
d une
espce de
parent
entre
les
outils
d une
bote
outils
(Wittgenstein).
112