44
1 CULTURE GÉNÉRALE & EXPRESSION BTS 2 e année Livre du professeur Je me souviens Jeanne Beltrando Lycée René-Cassin, Arpajon Emmanuelle Terrien Lycée René-Cassin, Arpajon © Hatier, Paris, août 2015.

CULTURE GÉNÉRALE & EXPRESSION - Partagez la connaissance · J’ai vu ce que ne pas être libre voulait dire. J’ai compris que les hommes et les femmes étaient là pour changer

  • Upload
    others

  • View
    23

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

1

CULTURE GÉNÉRALE & EXPRESSION BTS 2e année

Livre du professeur Je me souviens Jeanne Beltrando Lycée René-Cassin, Arpajon Emmanuelle Terrien Lycée René-Cassin, Arpajon

© Hatier, Paris, août 2015.

2

Page 4-5 Comment les souvenirs personnels et les souvenirs communs permettent-ils au passé de rester vivant ? Corpus 1 Mémoire commune et mémoire personnelle : la chute du mur de Berlin Document 1 Fekl : « La preuve que rien n’est jamais écrit » Mathias Fekl, membre du gouvernement allemand, revient sur ses souvenirs de la chute du mur de

Berlin, lorsqu’il était enfant.

Vous êtes franco-allemand et vous avez été élevé à Berlin, quels souvenirs gardez-vous du 9 novembre 1989 ? J’avais 12 ans, je me souviens de moments de joie, de fraternisation très importants, de scènes de liesse1. C’était incroyable, tout s’est déréglé. Je me souviens qu’à la télé, un officiel est-allemand annonce la chute du Mur, c’est-à-dire la fin du XXe siècle, de manière tout à fait bureaucratique, il dit : « À partir de ce soir, nous avons donné instruction à tous nos postes de ne plus exiger le formulaire Y pour sortir du pays. » Et mon père en l’écoutant nous raconte : « Il vient vraiment d’annoncer ça ? Est-ce qu’il a conscience de ce que ça va entraîner ? » À cet âge, on ne comprend pas tous les enjeux, mais on saisissait l’effervescence de la ville, on percevait qu’on était au cœur de l’Histoire. Le 9 novembre, on est allé avec notre petite pioche prendre un bout du Mur. Dans les jours qui suivirent, on a tous un peu fait l’école buissonnière. Et on partait au fur et à mesure regarder le Mur tomber dans toute la ville. Tout de suite, on est allé voir de l’autre côté. Il y avait de la joie, mais c’était un autre monde. Berlin-Ouest avait théorisé qu’il était la vitrine du monde libre, une ville très ouverte, très paisible, de liberté. De l’autre côté, sans être caricatural, c’était plus gris, plus terne et plus dégradé. Le décalage était saisissant. Qu’est-ce que ça a changé dans votre vie ? Dans la vie quotidienne à moyen terme, pas grand-chose. Mais sans reconstruire2 pour autant, j’ai l’impression qu’avoir vécu à Berlin à cette époque m’a donné tôt une conscience historique. Cela m’a obligé à réfléchir au monde qui m’entourait. Avant 1989, je me souviens des unes de journaux placardées dans la ville affichant les photos des habitants abattus parce qu’ils avaient voulu traverser le Mur. On allait parfois aussi regarder la « bande de la mort », ce terrain miné entre les deux côtés de la ville. Cette adolescence explique mon attachement viscéral3 aux libertés. J’ai vu ce que ne pas être libre voulait dire. J’ai compris que les hommes et les femmes étaient là pour changer les choses. Ceux qui font tomber le Mur en Allemagne de l’Est sont des citoyens, des intellectuels, des membres de la société civile, pas des politiques. Mon enfance à Berlin m’a marqué. J’y ai vécu la fin du XXe siècle. Quel message cela envoie-t-il aux jeunes générations ? Un message d’espoir. La chute du Mur signifie que les hommes et les femmes sont toujours libres de leur destin, de leur combat. Rien n’est jamais écrit. Quelques mois avant le 9 novembre 1989, le sinistre Honecker4 disait : « Le mur est là pour au moins cent ans. » La Stasi5 n’a finalement pas réussi à venir à bout d’un mouvement citoyen qui n’a connu aucun moment de violence. En 1989, on change de monde. Et c’est enthousiasmant. La chute du Mur ouvre une dizaine d’années d’espoir, sans doute déraisonnable, qui s’arrête tragiquement le 11 septembre 2001. Cécile Amar © Le Journal du Dimanche (9 novembre 2014).

3

1. Liesse : grande joie. 2. Reconstruire : reconstruire ses souvenirs à partir de son expérience politique. 3. Viscéral : très profond. 4. Honecker : dirigeant de la RDA de 1976 à 1989. 5. Stasi : police politique et service d’espionnage de la RDA. Document 2 Le mémorial du mur de Berlin

© Berlin Wall Foundation

Le mémorial du mur de Berlin : borne commémorative pour Otfreid Reck (2010). Ces bornes, érigées là où des victimes du Mur ont péri, fournissent des informations sur les circonstances particulières de chaque mort. Document 3 À Berlin, ils ont fêté la chute du Mur À Berlin, ils ont fêté la chute du Mur Ce week-end, la fête du 25e anniversaire de la chute du Mur a été un grand moment d’émotion. Les gens n’avaient pas peur de pleurer en se remémorant cet événement historique. « Moi aussi j’ai versé ma larme », concède Sandra Mallauran, une Française installée dans la capitale allemande depuis 1989. Grâce à la grande chaîne de lumière installée sur 15 km au centre de Berlin, les Berlinois ont pu visualiser le tracé du Mur. « J’ai revu ces petites ruelles qui étaient nées avec le Mur. À la place aujourd’hui, on trouve de grandes artères de circulation », témoigne Sandra Mallauran. Le long de cette Frontière de lumière, faite de quelque 7 000 ballons, les gens racontent leurs souvenirs. « Quand le Mur est tombé, j’ai pris le train pour aller à Berlin avec plusieurs amis et faire la fête pendant trois jours. Jamais je n’oublierai ce moment », se souvient Ulrike, 46 ans, venue spécialement de Cologne. […] Angela Merkel1, ex-Allemande de l’Est, a voulu se souvenir des 136 personnes qui ont trouvé la mort en voulant franchir à Berlin le Mur pour fuir le régime communiste. « Ce jour de joie est aussi un jour de mémoire », a insisté la chancelière. « La chute du Mur est un exemple pour tous les mouvements des droits de l’homme dans le monde », a-t-elle ajouté en faisant référence à l’Ukraine, la Syrie, l’Irak ou le Moyen-Orient.

4

« C’est dommage de ne pas avoir pu choisir le 9 novembre comme fête nationale », lâche Franka Schneider, qui avait 12 ans lors de la chute du Mur. Coïncidence ou ironie de l’histoire, le 9 novembre est aussi la date de la Nuit de cristal de 1938, considérée par les historiens comme le début de l’extermination des Juifs d’Europe. Les Allemands ont préféré choisir le 3 octobre, le jour de la réunification, par respect pour les victimes de l’Holocauste. « À Berlin, ils ont fêté la chute du Mur » © Leparisien.fr (10 nov. 2014). 1. Angela Merkel : chancelière, chef du gouvernement allemand depuis 2005. Document 4 Le Mur, une relique1 qui rapporte Vingt ans après sa chute, le Mur a bel et bien changé de nature. Les touristes à sa recherche le trouveront plus facilement sur les étals des marchands de souvenirs que dans les rues de la capitale allemande : à l’exception de quelques rares tronçons, il ne reste aujourd’hui plus rien du « rempart anti-impérialiste » de 155 kilomètres qui encercla Berlin-Ouest pendant vingt-huit ans. Le sinistre ouvrage s’est évaporé. Dès la première brèche, des blocs entiers ont été démontés par de simples Berlinois, armés de pioches et de marteaux. Ces anonymes, baptisés les « Mauerspechte » (pics-verts du Mur), ont parfois amassé de véritables collections. […] Les années passent, mais la fascination reste intacte. L’ancien symbole de Berlin est encore l’objet d’innombrables présents. On a ainsi vu la chancelière Angela Merkel offrir un morceau de belle taille à Nicolas Sarkozy au mois de mai, lors d’un meeting commun pour la campagne des élections européennes. Même gratification pour le coureur jamaïcain Usain Bolt : la mairie de Berlin lui a remis un bloc de 2,7 tonnes, en guise de récompense pour ses trois titres mondiaux remportés lors des championnats d’athlétisme au mois d’août. L’offre est toujours abondante. Sur chaque site emblématique du Berlin divisé, le touriste se voit proposer des bouts de béton de toutes les tailles et pour tous les prix. Comptez 3 euros pour quelques miettes, 50 euros pour un gros parpaing, voire le double s’il est très décoré. L’« Histoire » continue de faire recette. « Les morceaux de Mur, c’est l’article qui se vend le mieux.

Aux étrangers, mais aussi aux Allemands qui visitent la ville, confie la propriétaire d’un stand à quelques encablures de Checkpoint Charlie2. J’en écoule tous les jours, et de plus en plus à mesure

qu’on s’approche du 9 novembre. » […] L’exploitation mercantile3 de l’ancien rideau de fer n’est pourtant pas du goût de tout le monde. Certains crient au détournement. Tel l’artiste Peter Unsicker, dont l’atelier se situait – côté Ouest – à quelques mètres de l’enceinte. Pendant des années, il l’a taguée au nez et à la barbe des « Vopos » 4. Il se rappelle bien ces jours de l’automne 1989, l’hilarité vengeresse des Berlinois. Par centaines, il les a vus se ruer sur les pierres pour les faire tomber. Des pierres aujourd’hui enfermées dans du Plexiglas ou montées en porte-clés pour séduire le chaland5… « C’est désolant, juge-t-il. On a commercialisé la notion de liberté. » Marie de Vergès, « Le Mur, une relique qui rapporte » © Le Monde (22 octobre 2009). 1. Relique : objet sacré. 2. À quelques encablures de Checkpoint Charlie : proche du poste-frontière Charlie. 3. Mercantile : marchande. 4. Vopos : officiers de la police d’Allemagne de l’Est. 5. Chaland : acheteur.

5

Page 6 1 Analyser un document argumentatif 1 a. Lisez le corpus 1 (p. 4-5). Soulignez en rouge la thèse du document 4 puis reformulez-la. L’article du Monde soutient la thèse que le mur de Berlin n’est plus ce qu’il était : il n’est plus une construction qui sépare les hommes. b. Reformulez deux arguments qui soutiennent la thèse dans cet article. Tout d’abord, les tronçons du Mur qui restent debout sont très peu nombreux. Ensuite, le mur est devenu une source de profit commercial. c. Cet article cherche-t-il à convaincre ou à persuader ? Justifiez votre réponse. L’article cherche davantage à persuader qu’à convaincre, car il exploite un vocabulaire péjoratif (sinistre ouvrage, innombrables présents, exploitation mercantile, désolant…). Ceci invite à réagir plus avec sa sensibilité qu’avec sa raison. 2 a. Comment le Mur est-il représenté symboliquement dans le document 3 ? Dans le texte du Parisien, le Mur est représenté par une grande chaîne de lumière. b. Que représente le document 2 ? Quel lien faites-vous avec le mur de Berlin ? L’image représente un mémorial, qui rappelle aux Berlinois la présence du Mur et le lieu où certains sont morts pour avoir affronté une autorité politique arbitraire. La structure laisse passer le regard et les personnes, contrairement au Mur qui était un obstacle infranchissable. c. En quoi les documents 2 et 3 illustrent-ils la thèse du document 4 ? L’image montre que le Mur a changé : il est devenu piliers métalliques ; il a changé de fonction : il commémore les victimes. Le texte du Parisien montre que le Mur est remplacé par une chaîne de lumière qui retrace son parcours dans la ville. Il a donc changé de nature. 3 a. Quelle est la thèse d’Angela Merkel dans le document 3 ? Reformulez-la. Dans le texte du Parisien, Angela Merkel affirme que la commémoration de la chute du mur de Berlin est importante pour rappeler que les droits de l’homme doivent toujours être défendus. b. Quel autre document reprend cette thèse ? Cette thèse est reprise par Mathias Fekl, dans l’interview du Journal du Dimanche : « La chute du Mur signifie que les hommes et les femmes sont toujours libres de leur destin, de leur combat. » Vers l’écriture personnelle Vous sentez-vous concerné(e) par la chute du mur de Berlin ? Répondez de manière argumentée. Il s’agit d’apporter une réponse nuancée sur la place d’un événement historique dans l’équilibre du monde, dans la vie d’une personne unique. On attend une confrontation entre la mémoire commune et une vision individuelle du monde.

6

Page 7 2 Exploiter une image Document 1 Morceaux du Mur à vendre

© www.berliner-mauersteine.de

Document 2 Le mémorial du mur de Berlin > corpus 1 (p. 4) 1 a. Comment les documents 1 et 2 représentent-ils le mur de Berlin ? Le document 1 représente le Mur en petits morceaux vendus aux touristes. Le document 2 représente le Mur sous une forme imagée par des piliers métalliques. b. À quel type de mémoire pouvez-vous associer chaque image ? Le document 1 renvoie à l’individu parce qu’il suggère la manière dont chacun peut s’approprier une partie de cette construction historique. Le document 2 est lié à la mémoire collective : il montre le mémorial à ceux qui veulent voir le Mur dans la ville de Berlin. 2 Relevez un élément du document 1 qui rappelle la volonté des touristes de s’approprier le souvenir du Mur. Expliquez en quoi cet élément est significatif. Dans le document 1, les mots « zertifikat » et « original » sont compréhensibles, même si on ne connaît pas l’allemand. Ils rappellent la quête d’authenticité des touristes qui achètent ces morceaux du Mur. C’est une partie de la problématique soulevée par le document 4 du corpus (p. 5). Page 8-9 3 Organiser son brouillon 1 a. Lisez chaque texte du corpus 1 (p. 4-5). b. Classez dans le tableau les idées soulignées en les résumant. c. Proposez plusieurs idées associées au document iconographique. Placez-les dans le tableau.

7

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Le Mur est

retracé par des piliers métalliques.

Le Mur réapparaît sous forme d’une chaîne de lumière.

Le Mur est devenu un marché (changement de nature).

Le Mur change de nature.

La « bande de la mort » était un terrain miné des deux côtés du Mur.

Le Mur d’origine a disparu ; une nouvelle structure laisse passer le regard.

Le Mur d’origine n’est quasiment plus visible dans la ville de Berlin.

Le Mur d’origine est découpé en une multitude de fragments. Il est quasiment détruit (seuls quelques tronçons demeurent).

Le Mur comme construction n’est plus visible.

L’adolescent réfléchit sur le monde qui l’entoure. La chute du Mur montre que les hommes et les femmes sont maîtres de leur destin.

Des bornes en souvenir de ceux qui sont morts pour leur liberté.

La commémoration rappelle le combat pour défendre les droits de l’homme.

La liberté a été vendue.

La commémoration de la chute du Mur rappelle le combat pour des valeurs morales.

La famille va prendre un bout de Mur.

Des Allemands se sont constitué des collections de morceaux de Mur.

Les Allemands s’approprient le Mur en en prélevant des morceaux.

La famille vit un tournant historique.

La fascination est toujours là. On trouve des morceaux de Mur partout dans le monde. Les touristes tiennent à rapporter un morceau de Mur, symbole de Berlin.

La chute du mur de Berlin est gravée dans la mémoire personnelle.

La chute du Mur marque la fin du XXe siècle.

Le Mur est devenu mémorial.

La chute du mur de Berlin s’est inscrite dans une continuité historique et mémorielle.

8

d. Formulez une problématique en vous aidant des mots-clés surlignés dans les documents. Comment la chute du mur de Berlin s’intègre-t-elle dans la mémoire collective mais aussi dans la mémoire individuelle ? Quelles formes prend la commémoration de la chute du mur de Berlin ? e. Choisissez le type de plan approprié pour synthétiser ce corpus et expliquez votre choix. Puis complétez le plan avec les idées du tableau de confrontation. Un plan analytique conviendrait aux problématiques proposées, car il montre bien un mécanisme en deux temps : le changement de nature du Mur (aspect concret de la problématique), puis son inscription dans la mémoire collective (aspect plus abstrait de la problématique). Plan I – Le Mur en tant que construction a disparu. 1) La construction n’est plus visible dans la ville. 2) Il change de nature (lumière…). 3) Il est vendu en morceaux. II – Mais le Mur reste un symbole fort de l’histoire mondiale. 1) La chute du Mur est un événement historique fondateur. 2) Cet événement s’inscrit dans une continuité historique et mémorielle. 3) La commémoration s’adresse à de jeunes générations qui n’ont pas connu le Mur construit 2 Organisez le brouillon de la synthèse du corpus 7 (p. 28-29) sur une feuille séparée. Proposition de tableau de confrontation Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation La souffrance peut être attirante.

Ulysse préfère regarder la mer que Calypso.

Le poète préfère se souvenir de son pays natal plutôt que d’apprécier les splendeurs de Rome.

Le nostalgique souffre plus qu’il n’apprécie le présent.

La nostalgie permet de mieux percevoir le présent.

La nostalgie donne du sens à la vie, aide à affronter le présent. La nostalgie n’est possible que si la conscience du présent est totale.

La nostalgie donne une signification au présent.

9

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Le vintage est lié à la projection dans un passé idéalisé, plus authentique. La politique l’exploite négativement.

La nostalgie s’appuie sur des événements positifs.

Ulysse regrette sa vie à Ithaque, auprès de sa femme Pénélope et de son fils Télémaque.

La nostalgie se fonde sur des faits heureux, réels ou fantasmés.

Les Corses accueillent la journaliste et lui livrent les secrets de la région. Elle regrette la Corse quand elle n’y est pas.

La nostalgie crée un sentiment d’appartenance à un groupe.

La nostalgie crée des points communs avec d’autres personnes.

Ulysse est triste, sombre.

Le poète est triste d’être loin de chez lui.

Le nostalgique est triste.

Proposition de problématique La nostalgie n’est-elle qu’une souffrance stérile ? Proposition de plan I – La nostalgie est une souffrance.

1) Le nostalgique est triste. 2) Le nostalgique préfère souffrir que d’apprécier le présent.

II – La nostalgie est constructive. 1) La nostalgie rappelle des faits heureux. 2) La nostalgie crée un lien avec autrui. 3) La nostalgie donne du sens au présent.

Vers l’écriture personnelle Comment peut-on, d’après vous, rappeler à la jeunesse les valeurs morales liées à un événement historique ? On attend une réflexion en deux temps : la place à accorder aux valeurs morales liées à un événement historique, mais aussi les moyens concrets pour affirmer cette place.

10

Page 12-13 L’oubli est-il nécessaire ? Corpus 3 Mémoire et oubli Document 1 La jeune veuve La perte d’un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s’envole ;

Le Temps ramène les plaisirs. Entre la veuve d’une année Et la veuve d’une journée

La différence est grande : on ne croirait jamais Que ce fût la même personne.

L’une fait fuir les gens, et l’autre a mille attraits1. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s’abandonne ; C’est toujours même note et pareil entretien :

On dit qu’on est inconsolable ; On le dit, mais il n’en est rien, Comme on verra par cette fable, Ou plutôt par la vérité. L’époux d’une jeune beauté

Partait pour l’autre monde. À ses côtés, sa femme Lui criait : « Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler. »

Le mari fait seul le voyage. La belle avait un père, homme prudent et sage :

Il laissa le torrent couler. À la fin, pour la consoler,

« Ma fille, lui dit-il, c’est trop verser de larmes : Qu’a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu’il est des vivants, ne songez plus aux morts.

Je ne dis pas que tout à l’heure2 Une condition meilleure Change en des noces ces transports3 ;

Mais après certain temps, souffrez4 qu’on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose

Que le défunt. – Ah ! dit-elle aussitôt, Un cloître5 est l’époux qu’il me faut. »

Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe.

L’autre mois, on l’emploie à changer tous les jours Quelque chose à l’habit, au linge, à la coiffure.

Le deuil enfin sert de parure, En attendant d’autres atours6. Toute la bande des Amours

Revient au colombier ; les jeux, les ris7, la danse Ont aussi leur tour à la fin.

11

On se plonge soir et matin Dans la fontaine de Jouvence.

Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle :

« Où donc est le jeune mari Que vous m’avez promis ? » dit-elle.

Jean de La Fontaine, « La Jeune Veuve », Fables, VI, 21 (1668). 1. Attraits : charmes. 2. Tout à l’heure : aussitôt. 3. Transports : émotions vives (ici la tristesse). 4. Souffrez : acceptez. 5. Cloître : couvent. 6. Atours : vêtements. 7. Ris : rires. Document 2 Mémoire : n’oublie pas d’oublier Lors de son stockage en mémoire à long terme, entre l’encodage1 et la remémoration, l’événement est à la fois unifié (toutes ses facettes doivent être liées, pour constituer un objet unique ou une connaissance cohérente : par exemple, la lecture de cet article) et regroupé dans une catégorie supérieure (comme les lectures récentes, ou les connaissances sur la mémoire). Les différentes mémoires sont perméables. Ainsi, la sémantisation2 des souvenirs épisodiques est un phénomène fréquent : nous oublions alors le contexte précis d’un événement, soit parce que ses détails se sont effilochés avec le temps, soit parce que nous le regroupons dans une catégorie plus large. Nous perdons de l’information sur le souvenir, mais notre vision du monde gagne en cohérence, en simplicité et en stabilité. Selon le psychologue britannique Martin Conway, qui s’appuie sur des résultats expérimentaux, l’oubli du superflu permet de sélectionner les éléments que nous jugeons les plus importants pour nous définir, raconter notre histoire, préserver et réaménager notre identité, justifier le sens que nous donnons actuellement à notre existence : nous « brodons3 », nous occultons4, nous enjolivons, noircissons, relativisons… Le cas échéant, nous expliquons un pan entier de notre vie par un seul événement auquel nous conférons5 une symbolique particulière. Le souvenir n’est pas un objet inerte, immuable6, toujours rangé dans la même petite case. Chaque évocation le modifie. Notre mémoire ressemble donc moins à un album à feuilleter qu’à une autobiographie sans cesse récrite à notre insu. Jean-François Marmion, « Mémoire : n’oublie pas d’oublier », Les Grands Dossiers des

Sciences humaines, n° 10 (mars-avril-mai 2008). 1. Encodage : traitement d’un souvenir par la mémoire afin de le retrouver facilement. 2. Sémantisation : phénomène qui permet de ne conserver que l’interprétation d’un souvenir. 3. Brodons : développons le récit, en inventant parfois. 4. Occultons : dissimulons. 5. Conférons : attribuons. 6. Immuable : qui ne change pas. Document 3 À quoi sert d’oublier ? [Le] processus de sémantisation est essentiel, guide de l’oubli du superflu et trame de nos connaissances sur le monde et sur nous-mêmes, ponctuées de souvenirs emblématiques de telle période ou de tel changement dans notre itinéraire de vie. Vers une nouvelle science de la mémoire ? Hermann Ebbinghaus, l’un des initiateurs de la psychologie expérimentale en Allemagne à la fin du XIXe siècle, a inventé la mesure de la mémoire. Il rapporte des faits qu’il résume dans la courbe de l’oubli, d’abord très pentue, puis s’estompant au fil du temps. Différents facteurs ont une influence sur cette courbe de l’oubli. Certains sont physiologiques1, comme le

12

sommeil et ses différents stades et mécanismes, d’autres sont psychologiques ou psychosociaux comme les schémas, structures mentales impliquées dans l’organisation de nouvelles informations en mémoire. Leur rôle est ainsi de favoriser la consolidation du souvenir, mais également de faciliter l’oubli. Progressivement, des méthodologies ont été élaborées pour explorer les mécanismes mêmes de l’oubli et leur effet sur la mémoire. […] D’autres pathologies2 de la mémoire aident à comprendre les mécanismes de la mémoire et de l’oubli. Dans l’hypermnésie autobiographique, le patient est capable de relater plusieurs événements survenus un jour précis plusieurs années auparavant. Ces capacités de mémoire inhabituelles rappellent le vrai travail de mémoire, constitué de tri, de synthèse et d’oubli. Francis Eustache, « À quoi sert d’oublier ? » © Sciences humaines, n° 264 (nov. 2014). 1. Physiologiques : liés au fonctionnement du corps humain. 2. Pathologies : maladies. Document 4 Funès ou la mémoire Le narrateur rencontre Ireneo Funès, un homme qui souffre d’hypermnésie : il n’oublie rien.

Locke1, au XVIIe siècle, postula2 (et réprouva3) une langue impossible dans laquelle chaque chose individuelle, chaque pierre, chaque oiseau et chaque branche eût un nom propre ; Funès projeta une fois une langue analogue mais il la rejeta parce qu’elle lui semblait trop générale, trop ambiguë. En effet, non seulement Funès se rappelait chaque feuille de chaque arbre de chaque bois, mais chacune des fois qu’il l’avait vue ou imaginée. Il décida de réduire chacune de ses journées passées à quelque soixante-dix mille souvenirs, qu’il définirait ensuite par des chiffres. Il en fut dissuadé par deux considérations : la conscience que la besogne était interminable, la conscience qu’elle était inutile. Il pensa qu’à l’heure de sa mort il n’aurait pas fini de classer tous ses souvenirs d’enfance. […] Il était le spectateur solitaire et lucide d’un monde multiforme, instantané et presque intolérablement précis. Babylone, Londres et New York ont accablé d’une splendeur féroce l’imagination des hommes ; personne, dans leurs tours populeuses ou leurs avenues urgentes, n’a senti la chaleur et la pression d’une réalité aussi infatigable que celle qui jour et nuit convergeait sur le malheureux Ireneo dans son pauvre faubourg sud-américain. Il lui était très difficile de dormir. Dormir c’est se distraire du monde ; Funès, allongé dans son lit, dans l’ombre, se représentait chaque fissure et chaque moulure des maisons précises qui l’entouraient. (Je répète que le moins important de ses souvenirs était plus minutieux et plus vif que notre perception d’une jouissance ou d’un supplice physique.) Vers l’Est, dans une partie qui ne constituait pas encore un pâté de maisons, il y avait des bâtisses neuves, inconnues. Funès les imaginait noires, compactes, faites de ténèbres homogènes ; il tournait la tête dans leur direction pour dormir. Il avait aussi l’habitude de s’imaginer dans le fond du fleuve, bercé et annulé par le courant. Il avait appris sans effort l’anglais, le français, le portugais, le latin. Je soupçonne cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser c’est oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funès il n’y avait que des détails, presque immédiats. La clarté craintive de l’aube entra par le patio4 de terre. Je vis alors le visage de la voix qui avait parlé toute la nuit. Ireneo avait dix-neuf ans ; il était né en 1868 ; il me parut monumental comme le bronze, plus antique que l’Égypte, antérieur aux prophéties et aux pyramides. Je pensai que chacun de mes mots (que chacune de mes attitudes) allait demeurer dans son implacable mémoire ; je fus engourdi par la crainte de multiplier des gestes inutiles.

13

Ireneo Funès mourut en 1889, d’une congestion pulmonaire. Jorge Luis Borges, « Funès ou la Mémoire » (1942), traduit de l’espagnol par P. Verdevoye, dans Fictions © Gallimard, www.gallimard.fr. 1. Locke (1632-1704) : philosophe anglais. 2. Postula : proposa. 3. Réprouva : rejeta. 4. Patio : cour intérieure. Page 14 4 Formuler une problématique 1 a. Lisez les textes du corpus 3 (p. 12-13), puis entourez trois mots-clés dans la liste proposée. oubli superflu essentiel mémoire temps cerveau b. Soulignez les idées principales de chaque texte. 2 Parmi les problématiques suivantes, laquelle pourrait apparaître dans la synthèse de ce corpus ? Justifiez votre réponse. Problématique 1. Faut-il se souvenir de tout ? Cette problématique ne convient pas, car elle n’est pas traitée dans la fable de La Fontaine. Les autres textes ne montrent pas la nécessité de retenir une chose, mais bien de l’oublier. Problématique 2. Pourquoi l’homme oublie-t-il ? Cette problématique ne convient pas, car elle pose une question large, qui n’est pas traitée dans certains textes (La Fontaine). Problématique 3. L’oubli est-il une activité essentielle de notre mémoire ? Cette problématique convient, car elle reprend les mots-clés du corpus. 3 Proposez deux ou trois mots-clés associés au corpus 7 (p. 28-29). Nostalgie, souffrance, intérêt. Le corpus aborde la nostalgie comme sentiment qui peut faire souffrir, mais qui apporte aussi beaucoup à chacun. 4 Proposez une problématique pour le corpus 5 (p. 20-21). Comment se construisent de faux souvenirs ? Vers l’écriture personnelle Que nous apporte l’oubli ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur le corpus 3, sur les lectures faites en classe et sur votre culture personnelle. On peut obtenir une réponse dialectique rappelant que l’oubli peut avant tout apporter des ennuis (ex. : à l’école, dans le milieu professionnel). Mais il est cependant nécessaire à une vie équilibrée, comme le montre le corpus.

14

Page 15 5 Reformuler une idée 1 Relisez le corpus 3 (p. 12-13). La première idée surlignée dans le document 3 est reformulée ci-dessous. Cochez la reformulation qui convient et justifiez votre choix. □ 1. La sémantisation est très importante car elle facilite l’oubli des détails et organise les connaissances sur le monde et sur soi, rythmées par des souvenirs marquants. Cette reformulation ne convient pas, car elle relève de la paraphrase. □ 2. La mémoire est capable de traiter chaque souvenir pour n’en conserver que la signification nécessaire à la vision du monde et de sa propre existence. Cette reformulation convient : elle généralise le propos. □ 3. Pour chaque souvenir, il faut se livrer à une sémantisation. Cette reformulation ne correspond pas à l’idée du texte. 2 a. Les termes surlignés dans le document 1 sont associés à deux thèmes, précisez lesquels. Ils sont associés aux thèmes de la tristesse et de la joie. b. Que dit La Fontaine concernant les effets du temps sur le souvenir ? Reformulez clairement son idée en une phrase. La Fontaine dit que le temps atténue la violence des émotions liées au souvenir. 3 Reformulez les quatre idées principales du document 4. 1. L’hypermnésique est seul dans un univers surchargé d’informations inutiles. 2. L’hypermnésique est incapable de s’isoler du monde, d’arrêter de voir les détails qui l’entourent. 3. L’hypermnésique retient tout facilement. 4. L’hypermnésique se perd dans des informations superflues, il est incapable de prendre de la distance pour élaborer une connaissance plus générale du monde. 4 a. Surlignez la thèse de l’auteur dans le document 2. Reformulez-la. Il faut la reformuler en la reliant au sous-thème de l’oubli : l’oubli permet de fixer le souvenir de manière efficace en supprimant les éléments superflus. b. Reformulez les arguments avancés dans ce texte. Argument 1 : Le souvenir perd de ses détails grâce à deux phénomènes : le temps qui passe et la sémantisation. Argument 2 : Les éléments oubliés sont secondaires pour construire une conception du monde. Argument 3 : Un souvenir peut devenir l’unique illustration d’une période de l’existence. Vers la synthèse de documents Lisez le corpus 7 (p. 28-29) et reformulez les idées principales de chaque texte. Document 1. M.-C. Deprund, « La nostalgie, un sentiment qu’il faut savoir maîtriser ». - La souffrance peut attirer certains. - La nostalgie permet de mieux percevoir le présent. - Le vintage est lié à la projection dans un passé idéalisé, plus authentique. - La politique exploite négativement la nostalgie d’un passé idéalisé.

15

- Les Corses accueillent la journaliste et lui livrent les secrets de la région. Par conséquent, elle regrette la Corse quand elle n’y est pas. Document 2. P. Senk, « Les bons côtés de la nostalgie ». - La nostalgie donne du sens à la vie, aide à affronter le présent. - La nostalgie n’est possible que si la conscience du présent est totale. - La nostalgie s’appuie sur des événements positifs. - La nostalgie crée un sentiment d’appartenance à un groupe. Document 3. A. Böcklin, Ulysse et Calypso. - Ulysse préfère regarder la mer que Calypso. - Ulysse regrette sa vie à Ithaque, auprès de sa femme Pénélope et de son fils Télémaque. - Ulysse est triste, sombre. Document 4. J. Du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse… ». - Le poète est triste d’être loin de chez lui. - Le poète préfère se souvenir de son pays natal plutôt que d’apprécier les splendeurs de Rome. Page 16-17 6 Rédiger une synthèse de documents complète 1 a. Numérotez les éléments proposés afin de reconstituer l’introduction de la synthèse du corpus 3 (p. 12-13). Attention, tous les éléments ne seront pas utilisés. 1 a. La mémoire permet à l’homme de conserver et d’organiser des informations et des faits. Mais un individu ne peut pas se souvenir de tout. Il faut parfois oublier pour mieux retenir. b. Tout d’abord, je vais montrer que oui, puis que non. 4 c. Dans un premier temps, les documents montrent comment on peut oublier. Dans un second temps, ils révèlent que l’oubli assure des fonctions essentielles pour chacun. d. « J’y pense et puis j’oublie », voilà ce que chacun peut penser chaque jour. 2 e. Le corpus porte sur l’importance de l’oubli dans la construction de chacun. f. Que dois-je oublier ? 3 g. Comment l’oubli se met-il en place ? Dans quel but ? b. Précisez à quelle étape de l’introduction chaque élément choisi correspond. L’élément a est une amorce qui présente le thème précis du corpus. L’élément c est l’annonce du plan. L’élément e est la présentation du corpus. L’élément g est la proposition d’une problématique. 2 a. Rédigez une amorce pour l’introduction de la synthèse du corpus 1 (p. 4-5). Lorsqu’une construction a été le symbole d’une oppression politique, elle s’impose dans la mémoire personnelle et collective comme une preuve de ce passé révolu et douloureux. b. Rédigez l’annonce de la problématique puis du plan proposé dans l’exercice 1 (d. et e.) de la fiche 3 (p. 9). Le corpus de documents pose la question de la nature même du souvenir du mur de Berlin. On peut voir dans un premier temps que le mur de Berlin a disparu en tant que construction.

16

Dans un second temps, la mémoire collective a intégré la chute du Mur dans la continuité de l’histoire, en tenant compte de ce changement de nature. 3 a. Combien de paragraphes attend-on dans le développement de cette synthèse du corpus 3 ? Justifiez votre réponse. Plan I – Comment oublier ? 1) avec le temps (doc. 1, 2, 3 et 4) 2) en se changeant les idées (doc. 1 et 4) 3) en dormant (doc. 2) II – Pourquoi oublier ? 1) on ne peut pas tout retenir : hypermnésie = maladie (doc. 3 et 4) 2) nécessité de hiérarchiser nos souvenirs (doc. 2 et 3) 3) nécessité de sémantiser nos souvenirs (doc. 2, 3 et 4) On attend six paragraphes dans le développement de cette synthèse, un pour chaque sous-partie. b. Rédigez la 1re sous-partie du I. L’homme est contraint à l’oubli car sa mémoire ne peut conserver toutes les informations qu’il reçoit. Mais il arrive parfois qu’un événement soit si chargé en émotions que l’oubli paraisse impossible. C’est ce qu’évoque La Fontaine avec la jeune femme inconsolable de la perte de son époux. Cependant, on remarque que le temps facilite l’oubli en diminuant l’intensité des sentiments associés au souvenir : la jeune femme est prête à s’unir à nouveau. Peu à peu, comme les textes de F. Eustache et J.-F. Marmion le montrent, le souvenir est débarrassé de nombreux éléments secondaires pour ne conserver que l’essentiel. À l’inverse, la nouvelle de Borges expose un homme dont la vie devient insupportable car il n’oublie aucun détail. c. Rédigez la transition entre les deux parties du plan proposé. L’esprit humain suit donc divers chemins pour oublier. Cet oubli, quelle que soit la manière dont il a lieu, a plusieurs fonctions. d. Rédigez la conclusion de cette synthèse de documents. Dans un premier temps, l’oubli se réalise grâce à différents moyens, tous liés à la manière dont chacun occupe son esprit. Ces divers moyens permettent à l’oubli d’avoir lieu et donc de remplir ses nombreux rôles dans la construction d’une identité et d’une vision du monde. Par conséquent, cette fonction de la mémoire, qui est de ne pas retenir, s’impose comme une activité essentielle de l’esprit humain. Cependant, l’homme ne pourrait pas se construire s’il ne retenait rien. L’amnésie est une pathologie de la mémoire qui illustre cette difficulté à vivre dans l’oubli total.

17

4 Complétez le tableau avec au moins trois mots ou expressions de liaison par case. Ordonner des idées

1re idée tout d’abord, en premier lieu, dans un premier temps, pour commencer…

Idée suivante ensuite, par la suite, dans un deuxième temps, puis… Dernière idée en conclusion, enfin, finalement, pour finir…

Opposer des idées cependant, toutefois, néanmoins, pourtant, alors que… Ajouter une idée aussi, de plus, en outre, également… Illustrer une idée ainsi, c’est le cas de, par exemple, comme… Relier des idées

Cause car, comme, puisque, parce que, étant donné que… Conséquence au point que, c’est pourquoi, de ce fait, par conséquent, donc…

Vers la synthèse de documents Rédigez la synthèse de documents correspondant au corpus 7 (p. 28-29). La nostalgie peut s’emparer de chacun lorsque le regret du passé ou du pays natal se fait sentir. Le corpus proposé s’intéresse à ce sentiment lié au passé, mais qui surgit et influence le présent. La nostalgie n’est-elle qu’une souffrance stérile ? Dans un premier temps, la nostalgie se présente avant tout comme une souffrance. Dans un second temps, cette souffrance est loin d’être vaine : elle a de nombreux bienfaits. Rappel : la présentation détaillée des documents n’est pas exigée dans l’introduction. Elle peut se faire à chaque fois qu’un document est évoqué pour la première fois, au fil du développement. I – La nostalgie est une souffrance. 1) Le nostalgique est triste (doc. 3 et 4). 2) Le nostalgique préfère souffrir que d’apprécier le présent (doc. 1, 3 et 4). Transition : Si la nostalgie se manifeste comme une souffrance liée au manque, elle n’est pourtant pas totalement négative. Elle est même constructive pour celui qui la ressent. II – La nostalgie est constructive. 1) La nostalgie rappelle des faits heureux (doc. 1, 2 et 3). 2) La nostalgie crée un lien avec autrui (doc. 1 et 2). 3) La nostalgie donne du sens au présent (doc. 1 et 2). La nostalgie évoque, d’une part, une souffrance, parfois recherchée par celui qui n’est pas là où il voudrait être. D’autre part, elle est fortement liée au présent, permettant de mieux le percevoir et le comprendre. Elle nourrit également la chaleur humaine. Ce corpus montre donc que la nostalgie est un sentiment ambivalent, qui mêle le passé et le présent.

18

Page 20-21 Une identité ne s’élabore-t-elle qu’à partir de souvenirs ? Corpus 5 Souvenirs et identité Document 1 Souvenirs à vendre Quail rêve d’un voyage sur Mars, en tant qu’agent secret, mais n’a pas assez d’argent pour un tel

voyage. Il se rend chez MémoiRe, une société qui implante de faux souvenirs.

« Vous serez convaincu d’y être allé, ne vous en faites pas. Vous ne vous souviendrez ni de nous, ni de cette entrevue, ni de votre passage ici. Dans votre mémoire, ce sera un vrai voyage ; nous vous le garantissons. Quinze jours de souvenirs, remémorés dans le moindre détail. N’oubliez jamais ceci : si un jour vous doutiez d’avoir réellement effectué un séjour prolongé sur Mars, revenez et vous serez intégralement remboursé. Vous voyez ! – Seulement voilà : je n’y suis pas allé, insista Quail. Je n’y serai pas allé quelles que soient les preuves que vous me fournirez. » Il prit une profonde inspiration saccadée. « Et je n’ai jamais été un agent secret d’Interplan1. » Il lui paraissait impossible que l’implantation de souvenirs extra-factuels2 par MémoiRe SA fonctionne effectivement, quoi qu’il eût entendu dire autour de lui. « Mr Quail, reprit patiemment McClane. Comme vous nous l’avez expliqué dans votre lettre, vous n’avez pas la moindre chance d’aller un jour sur Mars ; vous n’en avez pas les moyens et, beaucoup plus important, vous ne présentez pas les qualités requises pour être agent secret chez Interplan ou ailleurs. Ce que nous vous proposons est donc la seule manière de réaliser… hum, le rêve de votre vie. Est-ce que je me trompe ? Non, vous ne pouvez ni être agent secret ni vous rendre pour de vrai sur Mars. » Il gloussa. « Mais vous pouvez l’avoir été

et y être allé. Nous nous en chargerons. Et notre tarif est raisonnable, sans mauvaises surprises. » Il eut un sourire encourageant. « Le souvenir extra-factuel est-il à ce point convaincant ? interrogea Quail. – Plus vrai qu’un vrai. Si vous étiez vraiment allé sur Mars comme agent d’Interplan, à l’heure actuelle vous auriez oublié la quasi-totalité de votre mission. » Philip K. Dick, « Souvenirs à vendre » (1966), dans Total Recall et autres récits © Gallimard, traduit de l’anglais par H. Collon © Denoël (1994-1998), extrait de We Can

Remember it for You Wholesale © 1966, L. Coelho, C. Dick, I. Hackett, used by permission of the Wylie Agency. 1. Interplan : agence de renseignement et de sécurité. 2. Souvenirs extra-factuels : faux souvenirs implantés dans le cerveau. Document 2 De faux souvenirs implantés chez des souris Des chercheurs américains ont réussi pour la première fois à manipuler la mémoire de souris. À partir de deux événements indépendants vécus par les animaux, ils ont créé un faux souvenir. Comme le rappellent les auteurs de l’étude, « la mémoire est dynamique et constructive par nature ». Nos souvenirs ne sont donc pas de simples photographies qui seraient « gravées » dans notre mémoire comme sur un disque dur. Se remémorer un souvenir nécessite une reconstruction, susceptible d’induire des modifications. « L’être humain est un animal très imaginatif, relève Susumu Tonegawa, Prix Nobel en 1987. Et comme chez nos souris, il est tout à fait possible que des événements émotionnellement forts puissent être associés à une

19

expérience passée et conduire à un faux souvenir. » À ceux qui opposeraient que le cerveau d’une souris reste assez éloigné de celui d’un humain, Pierre-Marie Lledo, chercheur en neurosciences au CNRS et à l’Institut Pasteur, rappelle que « les processus mnésiques ont été intimement conservés entre les espèces au cours de l’évolution, du ver à l’humain. » Mais est-il possible de discriminer les vrais souvenirs des illusions créées de toutes pièces ? « C’est un autre résultat important de cette publication, souligne Pierre-Marie Lledo. Les données montrent que la mémoire fictive est tout aussi efficace que la vraie mémoire pour déclencher des réponses affectives. Et dans les deux cas, ce sont les mêmes circuits neuronaux qui sont impliqués. La frontière entre le réel et l’imaginaire s’efface. » Des résultats qui n’ont pas manqué de raviver le débat sur l’utilisation des neurosciences cognitives1 dans le domaine légal. L’étude a été particulièrement commentée aux États-Unis, où en février dernier, des chercheurs s’étaient interrogés dans la revue Nature Neurosciences

sur le rôle que devaient jouer les neurosciences dans le déroulement des affaires judiciaires. Car qui dit faux souvenirs, dit aussi faux témoignages. Aux États-Unis, trois quarts des 250 personnes impliquées dans des affaires pénales et finalement innocentées par les premiers tests ADN avaient été accusées sur la base de témoignages oculaires. Comprendre comment le cerveau humain peut produire de faux souvenirs reste donc un enjeu scientifique majeur, aux retombées sociétales importantes. Stéphany Gardier, « De faux souvenirs implantés chez des souris » © S. Gardier / Lefigaro.fr (11 août 2013). 1. Neurosciences cognitives : études des mécanismes du système nerveux qui influencent nos capacités à apprendre (perception, mémoire, langage, etc.). Document 3 Mémoires programmées

ph © Columbia Pictures / BBQ_DFY / Aurimages

Affiche du film Total Recall (2012) de Len Wiseman. Ce film est une adaptation de la nouvelle de Ph. K. Dick, « Souvenirs à vendre » (document 1).

20

Document 4 Faux souvenirs : le poids de l’émotion Notre mémoire nous joue des tours, d’autant plus que les réminiscences1 sont liées à un contexte émotionnel. Et plus encore lorsque ce contexte évoque un danger. Votre médecin vous a prescrit un médicament. À un moment de la journée, vous vous dites : « Il ne faut pas que j’oublie de prendre mes comprimés. » Vous visualisez cette action, l’étiquette du flacon, l’étagère sur laquelle vous l’avez posé, la couleur et la forme des comprimés… Si au moment où vous nourrissez ces pensées, votre attention est distraite par un élément extérieur, il peut advenir que, plus tard dans la journée, quand vous repenserez à votre traitement, vous soyez persuadé de l’avoir déjà pris. Dans ce cas, la représentation mentale détaillée que vous vous serez forgée précédemment de la prise de votre médicament vous apparaîtra comme le souvenir d’un événement ayant effectivement eu lieu. Il ne s’agira pourtant que d’une construction de toutes pièces. Les recherches en psychologie nous enseignent que l’éclosion d’un faux souvenir nécessite trois conditions. Il faut que l’événement qui en constitue la substance soit plausible, que nous nous en soyons construit une représentation mentale et enfin que l’information récupérée nous apparaisse comme issue du passé et non comme le résultat d’un travail mental récent, telle une rêverie. En laboratoire, il est possible de faire naître de faux souvenirs chez un pourcentage considérable des individus – environ 50 %. Sont notamment utilisées des narrations de récits « fabriqués » (« votre mère nous a dit que… ») ou la présentation de photos truquées. Ainsi, au début des années 2000, Stephen Lindsay, de l’université Victoria (Canada), réussit à convaincre environ la moitié des volontaires qui s’étaient prêtés à son expérience qu’ils avaient effectué un vol en montgolfière dans leur enfance, alors qu’ils n’étaient jamais montés dans un ballon. La coloration émotionnelle Récemment, des psychologues des universités de Liège et de Genève ont souligné l’influence des émotions – neutres, positives ou négatives – sur la production de faux souvenirs. On sait que lorsque l’on présente à des volontaires une liste de mots (feuille, branche, tronc, écorce…) possédant tous un lien sémantique2 avec un « mot cible » qui, lui, n’apparaît pas (arbre dans notre exemple), il est très fréquent, au cours d’épreuves ultérieures de mémoire, que les sujets citent le mot cible. Les chercheurs présentèrent aux participants des listes de douze mots tantôt émotionnellement neutres, tantôt présentant une coloration émotionnelle positive ou négative. Ainsi, l’une des listes positives comportait des mots tels que témérité, bravoure ou cran, le mot cible étant courage. Et l’une des listes négatives, des mots comme bombardement, soldat, bataille – mot cible : guerre. Il apparut clairement que les sujets se trompaient davantage lors d’épreuves de mémoire quand ils étaient confrontés à des listes chargées d’émotions positives ou négatives. Dans ces listes, la tonalité émotionnelle faciliterait le rappel du mot cible, c’est-à-dire l’émergence d’un faux souvenir. Philippe Lambert, « Faux souvenirs : le poids de l’émotion » © Sciences humaines, n° 229

(août-sept. 2011). 1. Réminiscences : retours à la conscience de souvenirs vagues. 2. Sémantique : qui a rapport à la signification d’un mot.

21

Page 22 7 Développer des idées à partir d’une problématique 1 Lisez et observez les documents du corpus 5 (p. 20-21), puis répondez aux questions suivantes. 1. Quelle problématique ce corpus soulève-t-il ? Ce corpus soulève la problématique du rapport entre mémoire et identité : comment puis-je être sûr de ce que je suis si ce dont je me souviens peut être faux ? 2. Comment cette idée de fausse mémoire a-t-elle pu inspirer les auteurs de science-fiction ? Les auteurs de science-fiction ont vu dans l’idée d’une mémoire fausse ou trompeuse des ressorts narratifs intéressants car elle interroge sur l’identité des personnages et sur la réalité même. 3. Selon vous, cette problématique est-elle uniquement moderne ? Distinguer le faux du vrai dans notre perception ou notre mémoire est une question ancienne. On rejoint le doute radical déjà posé par Descartes au XVIIe siècle : comment puis-je être sûr que ce je vois, ce que je ressens, ce que je vis, est la réalité et pas un mensonge (rêve, illusion, etc.) ? 4. Quelles avancées scientifiques récentes, expliquées dans le document 2, montrent que cette problématique est toujours d’actualité ? Des chercheurs en neurosciences ont récemment démontré qu’on pouvait, en effet, implanter de faux souvenirs à des souris. On peut aussi, comme l’ont montré les chercheurs en sciences sociales, suggérer à quelqu’un de faux souvenirs au point qu’il finit par les considérer comme vrais. Il ne s’agit donc plus d’un thème de science-fiction mais bien d’une possibilité à prendre en compte. 2 Montrez que les documents du corpus 5 ne portent pas tous le même regard sur le phénomène des faux souvenirs. Les documents du corpus envisagent différentes répercussions de cette implantation de faux souvenirs : certains nous mettent en garde alors que d’autres montrent l’intérêt d’avoir de faux souvenirs. Dans la nouvelle de Ph. K. Dick, l’implantation de faux souvenirs est volontaire, elle permet à Quail de voyager sur Mars et de connaître une vie qui est normalement hors d’atteinte pour lui. Cependant, l’affiche du film, dont le scénario est basé sur la nouvelle, est plus inquiétante. La réalité et même l’identité du personnage semblent s’effriter ; et les deux sous-titres « Mémoires programmées » et « Qu’est-ce qui est réel ? » font planer un doute sur tout ce qui entoure le personnage principal, ainsi que sur sa connaissance de lui-même. L’article de Sciences humaines montre que ces faux souvenirs peuvent certes nous jouer des tours, mais participent aussi à nos mécanismes de survie. Quant à l’article du Figaro, il montre les implications judiciaires qui peuvent être liées à ces faux souvenirs. Aller plus loin Avez-vous déjà fait l’expérience d’un faux souvenir (ex. : un épisode de votre enfance qu’on vous a rapporté) ? Racontez-le en montrant qu’il est pourtant constitutif de votre identité actuelle. Il s’agit d’amener les étudiants à évoquer des souvenirs d’enfance, qui sont davantage des souvenirs construits, car appartenant à une période où on n’a en fait presque aucun souvenir.

22

Ce sont en général des épisodes racontés maintes fois en famille, parce qu’ils illustrent une maladresse ou un tempérament aventureux de l’enfant par exemple. Page 23 8 Illustrer une idée avec un exemple 1 a. Lisez le texte et encadrez l’exemple qu’il propose. Puis soulignez les expressions qui prolongent cet exemple. Selon Freud, le souvenir-écran est un souvenir fictif a priori insignifiant, qui revient fréquemment. Ce

souvenir cache en réalité une scène traumatisante du passé. Notre mémoire retient donc un souvenir-

écran qui masque cette réalité.

L’image qui pour l’expliquer vient à l’esprit pourrait être celle du pare-étincelles. Cet objet n’a d’autre utilité que de protéger du rayonnement d’un feu. De plus, si sa surface représente la scène choisie d’un foyer incandescent1, il ne fera que renvoyer à l’embrasement qui émet une chaleur et des étincelles réelles. Mais l’écran de cheminée n’est qu’un panneau, ou un filtre, alors que le souvenir-écran est plus que cela, au moins en d’autres traits indiqués par Freud. Guy Rosolato, « Souvenir-écran », dans Communications, « Psychanalyse et Cinéma », n° 23 (1975), p. 79. 1. Incandescent : éblouissant. b. Quel est le rôle de cet exemple ? Pourquoi est-il particulièrement efficace ? L’exemple est ici illustratif. Il est efficace car l’image du pare-étincelles permet de saisir concrètement l’intérêt du souvenir-écran : refléter un souvenir réel trop dangereux pour être appréhendé sans un filtre protecteur. 2 a. Lisez les documents 2 et 4 du corpus 5 (p. 20-21) et surlignez en jaune les exemples démonstratifs et en bleu les exemples illustratifs. 3 Illustrez les idées suivantes avec un exemple puisé dans votre expérience personnelle ou vos lectures. 1. Nous ne pouvons pas nous fier à notre mémoire. Ainsi, il m’est déjà arrivé d’être certain d’avoir pris avec moi les clés de la maison et de me retrouver devant le seuil de la porte sans les avoir sur moi. 2. Nos souvenirs les plus clairs sont ceux qui sont liés à des émotions très fortes. Je n’ai jamais oublié, par exemple, l’endroit où je me trouvais et ce que je faisais le 11 septembre 2001, lorsqu’a été diffusée la nouvelle sur les attentats. 3. Un faux souvenir peut révéler des éléments importants de ce que nous sommes. Freud donne comme exemple sa propre expérience : il avait le souvenir très net d’avoir vu son frère enfermer sa mère dans un coffre alors qu’il s’agissait en fait de sa nourrice qui avait été « coffrée » pour vol, sur le témoignage de son frère. Ce souvenir révélait à quel point la disparition de sa nourrice avait été vécue douloureusement par lui.

23

Aller plus loin Faites des recherches sur les différents troubles de la mémoire qui peuvent exister. Pourquoi posent-ils la question de notre identité ? On peut aider les étudiants dans leur recherche, en leur conseillant de consulter : - la revue Sciences humaines, n° 201 (février 2009) : « Les troubles de la mémoire » ; - le site de l’Inserm, qui propose un dossier très complet sur la mémoire et les troubles qui lui sont associés : www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psyhiatrie/dossiers-d-information/memoire. Le lien entre la mémoire et l’identité est particulièrement abordé dans le corpus 6 (p. 26-27), consacré à l’analyse du film Memento de Christopher Nolan ; et le sujet de l’exercice 4 (p. 25) aborde cette question. Page 24-25 9 Structurer son propos 1 a. Lisez le document 2 du corpus 5 (p. 20-21) et encadrez les mots de liaison qui soulignent les étapes du raisonnement. b. Indiquez quelles relations logiques ils établissent. Proposez un autre mot de liaison. Comme introduit ici une cause (= vu que). Donc indique la conséquence (= ainsi). Mais établit une relation d’opposition (= pourtant). Car indique une relation de cause (= parce que). c. Quel lien le journaliste établit-il dans le dernier paragraphe ? Reformulez cette idée. Le journaliste crée un lien entre les faux souvenirs et les témoignages lors de procès. Dans la mesure où nous fabriquons à notre insu de faux souvenirs, quelle valeur juridique doit-on accorder à des témoins de bonne foi ? 2 Complétez ce résumé de l’article de la revue Sciences humaines (document 4 du corpus 5) par les mots de liaison suivants : ainsi, ensuite, de plus, de fait, pourtant, tout d’abord,

enfin. La mémoire est trompeuse, surtout quand les souvenirs reviennent sous le coup de l’émotion. Nous pouvons, en effet, construire le souvenir d’un acte qui n’a pas eu lieu à trois conditions. Tout d’abord, il faut qu’il soit vraisemblable, ensuite que nous ayons élaboré une représentation mentale de celui-ci, enfin que nous ayons l’impression que ce souvenir appartient bien à notre passé et pas à une rêverie. Ainsi, les recherches en laboratoire ont prouvé qu’on pouvait convaincre des individus, grâce à des récits ou à des photos, d’avoir le souvenir d’actions qu’ils n’avaient pourtant jamais effectuées. De plus, ces recherches ont montré que les émotions avaient une influence sur la création de faux souvenirs. De fait, sous le coup d’une émotion, nous créons davantage de faux souvenirs. 3 a. Lisez le document 1 du corpus 5 et encadrez deux phrases hypothétiques. Pourquoi ce recours à des hypothèses dans le texte ? Les hypothèses sont ici des énoncés impossibles. McClane ne pense pas que Quail pourra faire la différence entre de vrais et de faux souvenirs et il est tout à fait impossible à Quail d’aller sur Mars en tant qu’agent secret.

24

b. Soulignez dans le texte une phrase concessive. Qu’indique-t-elle ? La concessive souligne la méfiance et l’incrédulité de Quail qui ne croit pas à la possibilité des faux souvenirs. c. Dans les phrases suivantes, encadrez les mots de liaison. Indiquez la relation qu’ils expriment. Réécrivez chaque phrase en proposant un autre mot de liaison et en reformulant l’idée exprimée. – Je n’y serai pas allé quelles que soient les preuves que vous me fournirez. Quelles que indique une relation de concession. Æ Bien que vous me fournissiez des preuves, je n’y serai pas allé. – Ce que nous vous proposons est donc la seule manière de réaliser le rêve de votre vie. Donc indique la conséquence. Æ Ce que nous vous proposons est par conséquent la seule manière de réaliser le rêve de votre vie. – Vous ne pouvez ni être agent secret ni vous rendre pour de vrai sur Mars. Mais vous pouvez l’avoir été et y être allé. Mais indique une relation d’opposition. Æ Vous ne pouvez ni être agent secret ni vous rendre pour de vrai sur Mars, en revanche vous pouvez l’avoir été et y être allé. 4 a. Trouvez dans les textes du corpus 5 des arguments pour soutenir les différentes parties du plan suivant. Reformulez-les. b. Rédigez la transition entre chaque grande partie. Sujet. Dans quelle mesure les faux souvenirs posent-ils la question de notre identité réelle ? Plan I. Avoir de faux souvenirs implique que notre perception de la réalité et de ce que nous sommes est fausse. Argument 1. Nous ne pouvons plus nous fier à notre mémoire pour savoir ce que nous avons réellement fait ou pas, car on peut nous implanter de faux souvenirs (doc. 1, 3 et 4). Argument 2. Nous devons donc remettre en cause ce qui provient de notre mémoire, car les faux souvenirs ne peuvent pas se distinguer des vrais : nous ne savons plus ce qui est réel et ce qui ne l’est pas (doc. 1, 3 et 4). Transition : Ainsi, les faux souvenirs étant un phénomène avéré, ils nous poussent à remettre en cause notre perception du monde et de ce que nous sommes. Mais, pour qui veut se pencher sur ces faux souvenirs, ils révèlent aussi une part de nous-mêmes. II. Les faux souvenirs nous aident à mieux appréhender la réalité à travers un filtre qui la rend acceptable ; ils révèlent ce que nous sommes de manière indirecte. Argument 1. Les faux souvenirs sont liés, le plus souvent, à des émotions fortes ; ils traduisent donc, en image à décrypter, une réalité émotionnelle (doc. 1 et 4). Argument 2. Nos connaissances dans le domaine des neurosciences nous permettent de mieux comprendre les mécanismes des faux souvenirs et ce qu’ils représentent. On peut donc penser qu’une meilleure compréhension de ceux-ci aura pour conséquence une meilleure connaissance de nous-mêmes (doc. 2 et 4). Vers l’écriture personnelle Rédigez le sujet d’écriture personnelle de l’exercice 4 en vous appuyant sur le plan ci-dessus et sur les éléments de réponse de la rubrique « Aller plus loin » des fiches 7 et 8.

25

Rédaction de l’introduction et de la première partie Dans la nouvelle « Souvenirs à vendre », Philip K. Dick imagine un personnage qui souhaite tellement aller sur Mars qu’il va se faire implanter le souvenir d’y être allé. Dès lors, la nouvelle perd le lecteur qui ne sait plus ce qui relève de la réalité ou du faux souvenir, qui se demande si cette obsession de Quail pour Mars ne provient pas en fait de son passé, une mise en abyme vertigineuse qui fait que Quail, comme le lecteur, ne sait plus qui il est vraiment. Il est, en effet, évident que nos souvenirs sont en grande partie ce qui constitue notre identité. Dès lors, la découverte de l’existence de faux souvenirs met en doute notre capacité à nous connaître. Nous verrons, dans un premier temps, que les faux souvenirs remettent en cause notre identité, mais que, dans un deuxième temps, ils révèlent aussi ce que nous sommes, de manière indirecte. À partir du moment où l’existence des faux souvenirs est avérée et ne relève plus de la science-fiction, le doute s’installe sur ce que je suis réellement. Nous avons tous des souvenirs d’enfance marquants, racontés plusieurs fois dans le cercle familial. Or, ces souvenirs sont souvent des reconstructions que nous nous sommes appropriées comme de vrais souvenirs, sans pouvoir faire la distinction entre les uns et les autres. Jules Vallès, dans L’Enfant, évoque un souvenir douloureux remontant, dit-il, à l’âge de cinq ans. Derrière le récit sobre de l’enfant, on voit bien toute une reconstruction de la scène, une impossibilité à évoquer directement la réalité, la culpabilité de l’enfant, son incapacité à remettre en cause la violence de sa mère. La scène reste ici vivace, mais Freud montre que, dans les cas de traumatisme, nous pouvons même substituer des souvenirs-écrans qui sont totalement faux. De ce fait, nous sommes amenés à nous demander qui nous sommes réellement. Par ailleurs, rien ne nous permet de distinguer les vrais souvenirs des faux souvenirs, les uns sont pour nous totalement identiques aux autres, et notre cerveau les a enregistrés de la même façon. Ainsi, nous sommes absolument certains d’avoir vu ou fait des choses qui ne se sont jamais produites. Les expériences en psychologie ont montré qu’il était possible de persuader, par une simple conversation, certaines personnes d’avoir effectué un tour en montgolfière sans qu’elles ne l’aient pourtant jamais fait. Elles avaient alors des souvenirs très prégnants de ce voyage qui n’avait pas été réalisé. Il est donc possible que plusieurs souvenirs que j’ai emmagasinés n’aient en fait jamais eu lieu et ce qui forme la somme de mon passé, ce qui est moi, est, au final, en partie faux ou inventé.

26

Page 28-29 La nostalgie permet-elle de construire l’avenir ? Corpus 7 La nostalgie : douceur ou douleur du passé Document 1 La nostalgie, un sentiment qu’il faut savoir maîtriser La philosophe Barbara Cassin signe La Nostalgie. Quand donc est-on chez soi ? Un ouvrage érudit dans lequel elle nous incite à faire bon usage de ce sentiment ambigu, délicieux et parfois dangereux. Je suis partie d’une sensation. Celle, irrépressible, que j’éprouve quand je suis loin de la Corse ou que je suis de retour chez moi. J’y possède une maison, mais pas de « racines ». Je n’ai pas d’ancêtres dans cette île, je n’y suis pas née, je n’y ai pas vécu mon enfance. Qu’est-ce qui tisse cette identité et peut, à certains moments de la vie, nous manquer si fort ? Un sentiment auquel on peut avoir envie de s’abandonner Qu’est-ce que la nostalgie, cette douleur complexe, à ne pas être chez soi mais ressentie aussi à rentrer chez soi ? La souffrance a parfois des attraits, Ulysse nous l’a prouvé. Figure de la nostalgie dans l’Antiquité, il n’en finit pas d’errer. Il prend plaisir à retarder son retour, ce qui ne l’empêche pas de pleurer en regardant la mer, en pensant à Ithaque et à Pénélope. Après dix ans de guerre, il mettra encore dix ans avant de les retrouver. Aujourd’hui aussi, la nostalgie est un sentiment auquel on peut avoir envie de s’abandonner. Elle enveloppe le présent, le double en quelque sorte, accroît sa perception, en lui insufflant une dimension supplémentaire, celle du temps. La mode du rétro, du vintage, relève de cette nostalgie. Nous nous autorisons à regretter une période qui n’est plus, cultivant l’image d’un monde plus vrai, dans lequel on se projette, imaginant qu’on y était bien ou qu’on s’y serait senti bien. L’éloignement conduit à des folies Dans ce monde-là, il n’y avait pas de scandale Findus1, on buvait du lait frais, on grandissait et on mourait dans son foyer. À l’envahissement technique, à la dureté des évaluations constantes (on est évalué sur tout, au travail et dans le quotidien), on oppose le retour à la nature et aux sources. Nous avons ainsi l’impression que, dans le passé, il y avait de l’immédiat. Au contraire, l’« éloignement » conduit à des folies. Scandale des plats cuisinés ou des subprimes2 relèvent d’un même dérèglement : celui d’un monde qui nous dépasse, avec très peu de gens pour le penser globalement. Nous sommes pénétrés de nostalgie, car, au fond, nous ne sommes pas convaincus que tous les progrès techniques vont au cœur de nos préoccupations. Nous le regrettons sans pour autant vouloir céder sur le progrès. En substance, la vie moderne nous plaît ; nous ne sommes pas enclins à renoncer au confort que la technologie nous apporte. En ce sens, la nostalgie, celle à laquelle je m’intéresse en tout cas, n’est plus ce qu’elle était. Elle n’est d’ailleurs pas toujours recommandable. Quand elle fait son entrée en politique, qu’elle étend des regrets sur un temps imaginé, où la terre et les femmes étaient saines et pures, quand le droit de la terre et du sang s’installe. La mauvaise nostalgie est enracinée dans le sol. Elle est obsolète. Aujourd’hui, il y a de moins en moins d’autochtones, de « nés de la terre ». Et les Ulysse sont si nombreux… […] Nous sommes devenus des citoyens du monde, de la planète Nous élevons nos enfants dans l’idée qu’ils peuvent s’installer à l’étranger. Nous sommes devenus des citoyens du monde. De la planète. À tel point que nous pourrions nous demander si le sentiment patriotique actuel ne serait pas l’écologie.

27

Dans ce contexte, et plus que jamais, c’est la qualité d’un accueil qui nous fait nous sentir chez nous. Être accueilli, « hospité », c’est-à-dire accepté dans sa singularité. La nostalgie comme un partage En Corse, mes voisins m’ont livré quelques secrets de leur terre : où trouver des champignons et des asperges. Je suis xenos, moins au sens d’étrangère que d’hôte, de bienvenue, je suis celle avec laquelle se tisse un lien réciproque (contrairement à l’hôte chez les Latins, hostis, qui donnera « hostile »). Il s’agit donc de savoir sur quel mode on est nostalgique. Est-ce sur le mode de l’exclusivité : « Je veux cela et rien d’autre, cela, c’est à moi et à personne d’autre. » Ou sur celui de l’ouverture : « Regardez comme c’est beau, regardez comme c’est intéressant, c’est aussi à vous, mais je suis aussi d’ailleurs. » Cette nostalgie-là est le plus beau des programmes pour l’avenir. Marie-Christine Deprund, « La nostalgie, un sentiment qu’il faut savoir maîtriser », publié sur www.lexpress.fr (2 avril 2013) © M.-C. Deprund / L’Express Styles. 1. Findus : entreprise spécialisée dans les surgelés. Un scandale a éclaté en 2013 : Findus avait commercialisé de la viande de cheval sous l’appellation « viande de bœuf ». 2. Subprimes : crise des subprimes aux États-Unis, qui a déclenché une crise financière de 2007 à 2011. Le mot désigne des emprunts très risqués pour le prêteur. À la suite de cette crise, plusieurs épargnants se sont retrouvés ruinés. Document 2 Les bons côtés de la nostalgie Longtemps perçue comme un sentiment négatif, la nostalgie apporterait, selon les chercheurs, réconfort et sens à notre vie. […] Bien loin d’augmenter les sentiments négatifs, la nostalgie au contraire intensifie la bonne humeur puisqu’elle s’appuie sur des expériences passées le plus souvent heureuses (mariages, fêtes familiales, voyages…). Même si elle surgit souvent à un moment où l’individu ressent une émotion négative (un sentiment d’isolement ou de vide), la nostalgie vient booster l’estime de soi et promouvoir l’idée que la vie est pleine de sens. Le Dr Routledge la considère donc comme « une ressource psychologique que l’on emploie pour contrer des émotions négatives et des sentiments de vulnérabilité. Elle permet aux gens d’utiliser les expériences passées pour les aider à affronter les défis du présent », écrit-il. La nostalgie réchauffe… littéralement Autre bienfait démontré : la nostalgie intensifie l’impression d’être connecté à d’autres. « En effet, elle donne un sentiment de cohésion de groupe et d’appartenance générationnelle, confirme Hedwige Dehon, chercheuse en sciences cognitives de l’université de Liège qui travaille sur les faux souvenirs et le vieillissement. Et dans des parcours de résilience1, qui impliquent de rebondir après une épreuve, elle permet de réajuster le sentiment d’identité ». À l’université de Southampton, l’équipe du Pr Constantin Sedikides a découvert que les couples se sentent plus intimement liés et paraissent plus heureux lorsqu’ils partagent des souvenirs nostalgiques. Ils ont aussi montré que lorsqu’on a froid, on peut littéralement utiliser la nostalgie pour se réchauffer. Devant de tels bienfaits, le Pr Sedikides invite chacun à créer des moments qui deviendront mémorables et viendront nourrir le sentiment nostalgique plus tard. Hedwige Dehon approuve cette suggestion, à certaines conditions : « C’est possible si l’on prend le temps de bien appréhender tous les détails des expériences / situations que nous vivons et leur donnons l’importance qu’elles méritent. » Car être fatigué, ou distrait empêche

28

de garder en mémoire un événement. Ainsi, plus on est conscient du présent, plus on sera capable d’éprouver de la nostalgie. Pascale Senk, « Les bons côtés de la nostalgie » © P. Senk / Lefigaro.fr (4 octobre 2013). 1. Résilience : capacité à résister et à reprendre une vie normale après un état de stress post-traumatique. Document 3 La nostalgie de la terre natale

ph © AKG-images

Arnold Böcklin, Ulysse et Calypso (1882), huile sur acajou (104 x 150 cm), Kunstmuseum, Bâle (Suisse). Document 4 « Heureux qui comme Ulysse… » Du Bellay écrit le recueil Les Regrets durant son voyage en Italie, entre 1553 et 1557. Au lieu de se

laisser charmer par Rome, il est envahi par les regrets de sa terre natale.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme celui-là qui conquit la Toison1, Et puis est retourné, plein d’usage2 et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux, Que des palais romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine,

29

Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin, Plus mon petit Liré3 que le mont Palatin, Et plus que l’air marin la douceur angevine. Joachim Du Bellay, Les Regrets (1558). 1. Référence à Jason, héros grec parti faire un long voyage en mer pour conquérir la Toison d’or. 2. Usage : expérience. 3. Liré : village natal de Du Bellay, en Anjou. Page 30 10 Nuancer sa pensée 1 Soulignez les outils qu’utilise Barbara Cassin pour nuancer sa pensée dans le document 1 du corpus 7 (p. 28-29). Tout le texte est rédigé à la première personne je : l’auteur part d’ailleurs d’un ressenti personnel pour étudier la nostalgie, et continue avec un nous qui inclut le lecteur. Le propos est nuancé par les verbes on peut, nous avons l’impression que, nous ne sommes pas convaincus

que, nous pourrions nous demander et il s’agit de savoir. On trouve aussi plusieurs termes modalisateurs comme parfois, en quelque sorte, au fond, d’ailleurs, qui restreignent la portée du propos, en le rendant moins catégorique. De plus, des mots de liaison soulignent l’opposition (mais, au contraire, contrairement à) et la conséquence (ainsi, donc). L’auteur a aussi recours à une restriction pour bien préciser son champ d’étude : celle à laquelle je m’intéresse en tout cas. L’emploi du conditionnel (on s’y serait senti, serait) permet de garder les propos à distance. 2 Ces phrases sont des reformulations d’arguments avancés dans les documents du corpus 7. Nuancez ces propos en utilisant la grammaire ou le vocabulaire. a. Le vrai bonheur est de retrouver ses racines. À mon avis, le vrai bonheur est sans doute de retrouver ses racines. b. La nostalgie intensifie notre rapport aux autres. Il est possible que la nostalgie intensifie notre rapport aux autres. c. Les gens regrettent leur terre natale. Les personnes déracinées regrettent souvent leur terre natale. d. La nostalgie est un sentiment utile. La nostalgie serait un sentiment utile, à condition de savoir profiter du présent. e. La nostalgie permet d’utiliser les expériences passées pour affronter les défis du présent. La nostalgie permettrait peut-être d’utiliser les expériences passées pour affronter les défis du présent. Vers l’écriture personnelle Selon vous, se remémorer le passé, n’est-ce pas s’empêcher de se projeter vers l’avenir ? Après avoir lu les textes du corpus 7, répondez à cette question en nuançant votre pensée. Il faut amener les étudiants à comprendre qu’ils doivent, en écriture personnelle, choisir une position claire, ce qui n’empêche pas de nuancer sa pensée au cours du devoir afin d’envisager la thèse adverse. L’exercice 2 (p. 32) propose aux étudiants de repérer les arguments avancés par le corpus. On les invitera à insérer plusieurs outils de modalisation de la pensée à l’aide de l’encadré « L’essentiel » p. 30.

30

Page 31 11 Justifier son point de vue 1 Après avoir lu les textes du corpus 7 (p. 28-29), cochez l’argument le plus pertinent pour étayer la thèse suivante. Justifiez votre réponse. Thèse. La nostalgie nous empêche de vivre dans le présent. □ Argument 1. Nous ne trouvons pas de plaisir à ce qui nous entoure, car nous ne cessons de le comparer à nos souvenirs qui sont magnifiés. L’argument 1 est le plus pertinent : il explique logiquement pourquoi nous avons du mal à profiter du présent quand nous sommes trop pris par le regret du passé. □ Argument 2. Nous pouvons plus facilement entretenir notre souvenir du passé grâce aux nouvelles technologies. L’argument 2 est sans rapport avec la thèse ; ce n’est pas un argument, mais une simple constatation non justifiée. □ Argument 3. Homère le montre dans l’Odyssée. L’argument 3 n’est qu’une illustration. Ce pourrait être un argument d’autorité à condition de le développer. 2 a. Dans le document 2 du corpus 7, soulignez en rouge les arguments avancés par la journaliste en faveur de la nostalgie. b. De quels types d’arguments s’agit-il ? Les deux premiers arguments sont des arguments logiques : ils sont introduits par des connecteurs logiques et participent à un raisonnement déductif. Les deux arguments suivants sont des arguments d’expérience, observés du réel. On peut noter toutefois que l’ensemble de l’article repose sur des arguments d’autorité puisqu’il mentionne le Dr Routledge, la chercheuse Hedwige Dehon et le professeur Contantin Sedikides : leur nom est accompagné de leur titre, afin de donner plus de poids au propos. c. Quand il y en a, soulignez en vert les exemples qui illustrent ces arguments. Vers l’écriture personnelle a. Choisissez un objet actuel emblématique, selon vous, de la nostalgie. b. Êtes-vous personnellement favorable à cette mode du « vintage » ? Cherchez des arguments variés à l’appui de votre thèse. c. En vous appuyant sur les arguments que vous avez trouvés, rédigez un texte élogieux ou dépréciateur dans lequel vous présenterez l’objet choisi, en montrant que tout l’intérêt ou l’inconvénient de cet objet réside dans son lien avec le passé. Le vintage est à la mode, il est facile d’en trouver des exemples. Pour la recherche d’arguments, on peut s’appuyer sur les corrigés du sujet de BTS de l’année 2104-2015 qui abordait précisément ce thème. Exemple de texte élogieux rédigé à partir d’une boîte à gâteaux : www.maisonsdumonde.com/FR/fr/produits/fiche/bote-biscuits-vintage-rose-et-bleue-h-20-cm-patisserie-124048.htm Cette boîte à gâteaux évoque, avant même qu’on ne l’ouvre, la douceur sucrée des pâtisseries qu’elle enferme. Elle a la solidité et l’hermétisme de cette époque où les objets étaient

31

construits pour durer, et le métal qui la compose lui donne un cachet que le plastique n’atteindra jamais. Ses couleurs acidulées nous éloignent de la tristesse sobre de notre XXIe siècle, et redonnent un parfum d’enfance à la cuisine. Loin des scandales de cette nourriture peu saine dont nous sommes entourés aujourd’hui, une femme surgie de notre passé, tenant une recette familiale en main, nous invite au plaisir simple de manger. Par sa seule présence au milieu de notre cuisine, cette boîte ancienne, évoque le bonheur des repas en famille ou entre amis et apporte de la gaieté et de la chaleur dans notre maison. Page 32-33 12 Rédiger un devoir d’écriture personnelle complet Sujet. La nostalgie nous empêche-t-elle de profiter pleinement du présent ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée, en vous appuyant sur les documents du corpus 7 (p. 28-29), sur vos lectures de l’année et sur vos connaissances personnelles. 1 Analysez le sujet. a. Soulignez les mots-clés dans le sujet ci-dessus. b. Quel type de plan faut-il adopter pour répondre à cette question ? Justifiez votre réponse. Il faut adopter un plan dialectique : après avoir montré que vivre dans le souvenir du passé nous coupe du présent, on nuancera cette position en montrant que la nostalgie peut, au contraire, nous aider à mieux vivre. On élargira enfin en observant que les ponts entre passé et présent sont la preuve de la richesse de notre vie personnelle. 2 Recherchez des idées pour construire votre plan. a. Dans les textes du corpus 7, surlignez en vert les arguments montrant que vivre dans le souvenir est négatif, en jaune ceux indiquant les aspects positifs de la nostalgie. Pour le document 3, indiquez quels éléments peuvent constituer un ou des arguments. Le tableau de Böcklin semble blâmer la nostalgie. Le recours à des couleurs sombres et tristes pour Ulysse, qui s’opposent aux couleurs vives de Calypso (le rouge du tissu et la blancheur de sa peau), indique la tristesse de celui qui vit dans le passé. De plus, Calypso est tournée vers Ulysse ; elle se soucie de lui, tandis que lui nous tourne le dos ; il ne s’intéresse à rien de ce qui l’entoure (silhouette solitaire et massive emmurée dans le regret du passé). b. Choisissez les arguments pertinents et placez-les dans le plan. c. Équilibrez le plan en y ajoutant des arguments personnels. d. Rédigez les transitions entre chaque grande partie. I. Vivre dans le souvenir du passé nous coupe du présent. Argument 1. Nous valorisons un passé qui est embelli dans notre souvenir sans qu’il soit réellement en rapport avec la réalité. Argument 2. Être dans le regret du passé nous empêche d’apprécier ce qui nous entoure (doc. 2 et doc. 3). Transition : Nous voyons donc que la nostalgie, en nous maintenant dans un passé idyllique, plus souvent fantasmé que réel, peut engendrer une grande déception par rapport au

32

présent. Mais, au-delà de ce risque, ce sentiment ne nous rend-il pas paradoxalement bien plus à même de savourer chaque instant ? II. La nostalgie nous permet de faire le lien avec le présent. Argument 1. C’est notre passé qui nous enracine dans des lieux et nous offre le sentiment d’appartenir à une histoire. Il donne un sens à tout ce qui nous arrive et nous permet de mieux le comprendre (doc. 1 et 4). Argument 2. Nous rappeler des bonheurs passés nous permet de surmonter les épreuves présentes et de garder un cap à suivre. Transition : On voit donc que la nostalgie nous aide à mieux vivre le présent. En fait, séparer les deux n’a aucun sens, les ponts entre passé et présent s’enrichissent mutuellement. III. La nostalgie est le pont entre passé et présent. Argument 1. C’est par la qualité de notre présence au monde, par notre capacité à savourer les instants de joie que nous partageons avec les autres que nous nous créons des souvenirs heureux. La nostalgie ne naît que d’une vie intensément appréciée (doc. 2). Argument 2. La nostalgie est un sentiment qui contient autant de douleur que de joie. Elle manifeste dans le présent tout ce qu’a été notre vie passée et le rappelle à notre mémoire. Elle colore donc le présent d’une saveur supplémentaire (doc. 1). 3 Rédigez l’introduction. a. Quelles sont les trois étapes attendues dans une introduction ? Les trois étapes attendues sont l’amorce, qui présente le thème abordé. Puis vient la problématique, qui reprend le sujet et présente la direction suivie par le devoir. Il faut enfin annoncer le plan choisi. b. Quelle amorce convient ? Justifiez votre réponse. Amorce 1. De tout temps, les hommes ont vécu dans la nostalgie du passé en pensant que « c’était mieux avant ». Cette amorce commence par un cliché à éviter absolument : de tout temps, les hommes. Amorce 2. Dans « Heureux qui comme Ulysse… », Du Bellay évoque la douleur qu’il ressent loin de son foyer et son indifférence à l’égard des splendeurs de Rome où il séjourne. Cette amorce convient : elle s’appuie sur un exemple extrait du corpus qui sert de constat général. Amorce 3. À chaque fois que je retourne dans la maison de mon enfance, mon cœur se serre et je retrouve avec joie les souvenirs de ma jeunesse. Cette amorce commence par un exemple et non par un constat général. c. En vous appuyant sur le plan de l’exercice 2, rédigez l’introduction de ce sujet. Proposez une amorce différente de celle de l’exercice 3b. « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », déplore Baudelaire dans Les Fleurs du mal, où il compare son cerveau à un meuble encombré de bonheurs fanés. Assailli par les souvenirs trop nombreux, le poète devient impuissant, terrassé par l’ennui. Ce sentiment que le passé pèse parfois fortement sur nos épaules peut ainsi nous amener à nous demander si la nostalgie ne nous empêche pas de profiter pleinement du présent. Nous verrons, dans un premier temps, que, si le poids du passé nous coupe parfois du présent, il nous permet le plus souvent, comme nous le montrerons dans un deuxième temps, de mieux comprendre ce que nous vivons. En définitive, présent et passé sont liés, et la nostalgie est ce sentiment doux amer qui nous permet de jouir pleinement de notre histoire personnelle.

33

Vers l’écriture personnelle Rédigez une partie du développement de ce devoir, en vous appuyant sur le plan ci-dessus. Le plan étant déjà donné, on fera porter l’attention sur la rédaction et la recherche d’exemples pouvant illustrer les arguments. Critères attendus : - la position est claire et personnelle (on peut recourir au « je ») ; - le propos est nuancé par des modalisateurs et le recours au conditionnel ; - on soigne les liens entre chaque argument en employant des connecteurs logiques ; - chaque argument est illustré par un exemple, qui sera issu soit du corpus, soit de la culture personnelle de l’étudiant ; - les phrases sont simples, pas trop longues et bien construites ; - les répétitions sont évitées ; - le vocabulaire est varié, les termes trop vagues sont remplacés par des termes précis quand c’est possible ; - la copie est relue pour éliminer les fautes de langue les plus courantes (homophones, accords…).

34

Page 36-37 Je me souviens Sujet blanc 1 Se souvenir de l’indicible : la Shoah Première partie : synthèse (/ 40 points) Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants. Document 1. Charlotte Delbo, La Mémoire et les Jours © Berg International (1995, 2015). Document 2. Primo Levi, Si c’est un homme / Se questo e un uomo © Giulio Einaudi Editore (1958, 1976), trad. française Julliard (1987, 1994), Robert Laffont (1996). Document 3. Pierre Boncenne, extrait d’une entrevue avec Boris Cyrulnik, Le Monde (2002), DR. Document 4. Carine Trevisan, « Anny Dayan Rosenman, Les Alphabets de la Shoah. Survivre,

témoigner, écrire » © Questions de communication, n° 15 (2009). Proposition de tableau de confrontation Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Dans le camp, la réalité est trop présente pour permettre de s’échapper par l’esprit.

La souffrance oblige à être créatif. L’article ne précise pas que la souffrance est plus celle de celui qui est revenu que celle de celui qui est dans le camp. Il semble donc s’opposer au doc. 1.

Le travail de l’esprit est rendu impossible dans le camp.

Les conditions de vie dans les camps empêchent le travail libérateur de l’esprit humain.

La mémoire rappelle que l’esprit est en vie, mais n’amoindrit pas la souffrance.

Les déportés perdent parfois la force de se souvenir : ils sont déshumanisés.

Le souvenir est essentiel au statut d’être humain.

L’expérience du camp est impossible à oublier : elle est inscrite dans le corps.

Les hommes et femmes déportés ont souffert au-delà de ce qui est imaginable.

Le souvenir du camp est inscrit dans le corps, dans les sens.

Le souvenir du camp est lié au corps, aux sensations.

35

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation La mémoire du camp est à part, dans une mémoire profonde : elle semble appartenir à une autre personne.

La souffrance est compensée par la création artistique : elle est détachée du moi.

Le survivant semble parler à la place de ceux qui ne sont pas revenus et qui le hantent.

Le souvenir du camp se trouve dans une partie de la mémoire séparée de la mémoire quotidienne.

Même si le témoignage dérange, il faut parler.

La création semble essentielle pour se reconstruire, le témoignage également.

Témoigner permet de redevenir humain.

Le témoignage est essentiel pour retrouver sa place parmi les êtres humains.

Le poème commence par une apostrophe à ceux qui vivent dans le confort, qui ne sont pas dérangés.

Il faut parler à tout le monde, pas seulement aux proches.

Le témoignage s’adresse toujours à quelqu’un qui doit écouter.

Le témoignage doit être entendu pour être efficace.

Proposition de problématique Quel est le rôle de la mémoire dans la vie de ceux qui ont vécu l’horreur de la déportation ? Proposition de plan Rappel en introduction que la déportation est une expérience traumatisante que le monde n’a pas toujours accueilli avec bienveillance. Les témoignages se multiplient seulement quelque temps après le choc des événements. Plan thématique (chronologique, il suit le fonctionnement de la mémoire suivant les étapes du traumatisme) : I – La mémoire pendant la déportation 1) Les conditions de vie dans les camps empêchent le travail libérateur de l’esprit humain. 2) Le souvenir est essentiel au statut d’être humain. II – Le souvenir de la déportation 1) Le souvenir du camp se trouve dans une partie de la mémoire séparée de la mémoire quotidienne. 2) Le souvenir du camp est lié au corps, aux sensations. III – Le fonctionnement du témoignage 1) Le témoignage est essentiel pour que les déportés retrouvent leur place parmi les êtres humains. 2) Le témoignage doit être entendu pour être efficace.

36

La conclusion montrera que le corpus nuance la fonction de la mémoire pendant la vie dans les camps. Elle ne semble pas toujours avoir le même effet libérateur. Le témoignage rétrospectif garde, quant à lui, toujours les mêmes caractéristiques, notamment la difficulté à être entendu. Deuxième partie : écriture personnelle (/ 20 points) L’horreur vécue peut-elle être un sujet d’œuvre d’art ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée, en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles. Proposition de problématique L’art peut-il parler de tout, même de la pire barbarie ? Proposition de plan I – L’horreur vécue peut être un sujet d’œuvre d’art au même titre que tous les autres. 1) L’art ne doit pas se limiter aux sujets banals. Il peut traiter de tout ce que le monde propose. Ex. : le film 12 years a slave (2013) de Steve McQueen rappelle l’esclavage en Amérique. 2) L’art est un mode d’expression plus riche que le témoignage. Ex. : images littéraires, picturales qui apportent un sens plus riche que le simple témoignage ; Les Croix de bois (1919) de Roland Dorgelès développe, de manière littéraire et travaillée, les pensées des personnages, donnant accès à l’humanité face à l’horreur. 3) L’art est accessible au plus grand nombre. Sa diffusion ne se limite pas au contexte du lieu de mémoire. Ex. : Guernica (1937) de Pablo Picasso, peint en Espagne, exposé à Paris, puis conservé à New York pendant la Seconde Guerre mondiale et la dictature franquiste, avant d’être transféré en Espagne dans les années 1980. II – L’horreur vécue ne peut pas être traitée de la même manière que les autres sujets. 1) L’œuvre d’art modifie l’image de ceux qu’elle met en scène. Ex. : certains peuvent ne pas se reconnaître ou se sentir trahis par leur transposition dans une représentation. Primo Levi explique qu’il a attendu la mort de certains survivants pour parler d’eux dans des récits sur les camps. 2) L’horreur vécue est un sujet très sensible. Ceux qui l’ont vécue peuvent rejeter le regard porté par l’artiste. Ex. : le film La vie est belle (1997) de Roberto Benigni a fait scandale en montrant la déportation sous un jour nouveau. 3) L’œuvre qui porte sur l’horreur vécue s’inscrit dans le devoir de mémoire, en plus de la démarche artistique. Ex. : Hiroshima mon amour (1959), film d’Alain Resnais au scénario de Marguerite Duras, fait réfléchir sur l’impossibilité de dire toute l’horreur, mais s’inscrit également fortement dans une modernité artistique.

37

Page 38-39 Je me souviens Sujet blanc 2 La mémoire numérique Première partie : synthèse (/ 40 points) Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants. Document 1. Michel Eltchaninoff, « Pourquoi nous ne mémorisons plus comme avant » © Philosophie magazine, n° 62 (sept. 2012). Document 2. Anne-Claire Norot, « Total Recall, une e-mémoire pour enregistrer toute votre vie » © Les Inrocks (23 janvier 2011). Document 3. Philippe Testard-Vaillant, « Le numérique nous fait-il perdre la mémoire ? » © CNRSlejournal.fr (23 octobre 2014). Document 4. Salvador Dalí, Désintégration de la persistance de la mémoire (1952-1954), huile sur toile (25,4 x 33 cm), Salvador Dalí Museum (St. Petersburg, États-Unis). Proposition de tableau de confrontation Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Les mêmes termes sont utilisés pour désigner le fonctionnement de la mémoire et celui du cerveau.

Des chercheurs ont créé un programme qui enregistre toutes les données confiées autrefois à la mémoire.

Le Web est devenu la super-mémoire du monde.

La mémoire consiste à stocker des informations.

Enregistrer ses données permet d’y avoir accès rapidement et de les classer efficacement. On n’a pas à se concentrer sur le fait de retenir : on peut s’intéresser à l’essentiel.

Nous n’avons plus besoin d’archiver et d’apprendre par cœur, nous pouvons « avoir une tête bien faite » (Montaigne), au lieu qu’elle soit juste « bien pleine ».

À la mollesse de la mémoire s’oppose la dureté des rectangles, comme une redoutable précision.

Pouvoir externaliser sa mémoire permet davantage de se concentrer sur des tâches plus gratifiantes que d’apprendre et de retenir.

38

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation La mémoire diminue sous le coup de l’anxiété ; mais elle a d’autres fonctions que la simple remémoration.

La réflexion et les émotions influencent notre mémoire.

Notre mémoire n’a pas la capacité de travail simultané qu’a la mémoire d’un ordinateur, mais elle met en place une réflexion sur les liens existants entre les différents souvenirs.

La mémoire ne fonctionne pas comme un ordinateur : elle est soumise à des influences diverses.

Ne plus mémoriser appauvrit l’esprit.

Mémoriser, à long terme, lutte contre les maladies dégénératives, développe notre sens de la rêverie et de l’introspection, et crée un patrimoine mémoriel commun qui favorise la solidarité.

Au premier plan, le décor semble disparaître, être « désintégré » par les lignes qui évoquent le langage numérique. On pourrait voir dans ce tableau une allégorie de la mémoire désintégrée par les technologies.

Confier le travail de la mémoire à des machines revient à perdre des capacités importantes.

Grâce à la mémoire, un souvenir peut être envisagé de plusieurs façons.

Les souvenirs sont réévalués avec le temps, certains sont mêmes occultés. Notre mémoire filtre aussi notre rapport aux autres, ce que nous pouvons dévoiler d’eux.

Les déformations que subissent les éléments du tableau montrent que ce qui persiste dans la mémoire, l’est sous forme imprécise, sous d’autres angles que la réalité telle qu’elle était.

Nos souvenirs ne sont pas traités par la mémoire comme un ordinateur traite des données numériques.

39

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation On ne peut pas retrouver automatiquement un souvenir.

Cela permet de transmettre l’intégralité de ses souvenirs à ses descendants et donc d’acquérir une forme d’immortalité numérique.

Externaliser nos souvenirs permet de lutter contre l’érosion du temps.

Proposition de problématique Le développement de la mémoire numérique est-il bénéfique pour le fonctionnement de notre propre mémoire ? Proposition de plan Rappel en introduction que la mémoire numérique fait référence aux capacités de stockage et d’enregistrement des outils numériques, de plus en plus nombreux dans notre quotidien. Plan dialectique I – La mémoire numérique permet de compléter et d’améliorer nos performances. 1) La mémoire consiste à stocker des informations, comme un ordinateur. 2) Externaliser nos souvenirs permet de lutter contre l’érosion du temps. 3) Pouvoir externaliser sa mémoire permet davantage de se concentrer sur des tâches plus gratifiantes que d’apprendre et de retenir. II – La mémoire numérique ne tient pas compte des capacités spécifiques de notre mémoire et risque d’appauvrir notre esprit. 1) La mémoire ne fonctionne pas comme un ordinateur : elle est soumise à des influences diverses. 2) Nos souvenirs ne sont pas traités par la mémoire comme un ordinateur traite des données numériques. 3) Confier le travail de la mémoire à des machines revient à perdre des capacités importantes. La conclusion montrera que le corpus, même s’il concède certains avantages à l’utilisation du numérique pour stocker des données, nous met surtout en garde sur le risque que constitue un recours excessif au numérique pour suppléer à notre mémoire.

40

Deuxième partie : écriture personnelle (/ 20 points) Devons-nous confier notre mémoire à des outils numériques ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée, en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles. Proposition de problématique Quels sont les risques qu’il y a à recourir excessivement à une mémoire externalisée ? Proposition de plan I – Notre mémoire, avec ses défauts, est un atout important pour notre identité. 1) A priori, notre cerveau, détaché des obligations de retenir et d’apprendre, pourrait se consacrer à la réflexion et à l’imagination, être plus dans la créativité. Ex. : on retrouve les préceptes de l’éducation humaniste, qui s’opposait à l’apprentissage par cœur des textes pour favoriser une réflexion sur ces mêmes textes. 2) Mais cet effort de mémorisation est en fait une façon d’entretenir et de faire fonctionner notre cerveau, de créer des liens qui vont nourrir notre réflexion. Ex. : les études montrent que faire des efforts de mémorisation, à long terme, aide à lutter contre la dégénérescence du cerveau. 3) Les défaillances de notre mémoire sont autant d’atouts : certains souvenirs traumatisants sont oubliés ou modifiés pour nous permettre de survivre, d’autres sont embellis. Ex. : on peut penser aux souvenirs-écrans mis en évidence par Freud qui, bien qu’ils soient faux, sont des mécanismes de résilience importants. II – La qualité même de stockage et d’archivage des souvenirs via le numérique est en fait un défaut. 1) Une mémoire externalisée permet de stocker plus de données et de n’en perdre aucune Ex. : le lifelogging permet d’enregistrer, de stocker et de consulter toutes les informations possibles sur soi (doc. 2). 2) En contrepartie, il n’y a plus de droit à l’oubli, plus de confidentialité. On pourrait même imaginer une manipulation de nos souvenirs, comme des marchandises. Ex. : c’est le sujet du film de science-fiction Strange Days (1995) de Kathryn Bigelow, dans lequel les souvenirs enregistrés se vendent pour pouvoir être vécus par d’autres. 3) Il s’agit d’une réification du souvenir, l’opposé du fonctionnement mouvant et plastique de la mémoire. Ex. : on peut penser au passage, dans Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, consacré à l’émergence lente d’un souvenir d’enfance lié à la saveur d’une madeleine.

41

Page 40-41 Je me souviens Sujet blanc 3 La mémoire et les sens Première partie : synthèse (/ 40 points) Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants. Document 1. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann (1913). Document 2. Olivier Hertel, « La pub touche notre mémoire implicite » © Le Nouvel

Observateur. Document 3. « Les odeurs émotionnelles créent des souvenirs forts » © Inserm. Document 4. Johannes Vermeer, La Laitière (vers 1660) ; logo de la marque La Laitière, Nestlé (1973). Proposition de tableau de confrontation Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Le goût de la madeleine a fait remonter à la surface du narrateur un souvenir.

Nous enregistrons des souvenirs à travers nos sens, sans même en avoir conscience : il s’agit de la mémoire implicite.

Tous les sens imprègnent la mémoire, mais le mécanisme qui permet de faire surgir un souvenir à travers eux reste encore mal connu.

Les souvenirs et les sens entretiennent des liens étroits.

La saveur de la madeleine est reconnue comme ayant été déjà expérimentée parce qu’elle a su « émouvoir, solliciter » le plaisir d’un instant identique dans le passé.

À force d’être exposés à des logos, nous leur associons des valeurs positives, car ils sont liés à des souvenirs et nous paraissent familiers et rassurants.

L’expérience montre que les souvenirs reviennent plus facilement quand ils sont accompagnés d’odeurs particulières, et d’autant mieux quand cette odeur produit une émotion forte.

Le logo de La

Laitière de la marque Nestlé a été choisi car La

Laitière de Vermeer est un tableau célèbre, qui active une mémoire rassurante.

Le lien se fait entre les sens, les émotions et la mémoire, les uns agissant sur les autres. Plus l’émotion est forte, plus le souvenir restera vivace et prêt à ressurgir en détail au moindre sens qui le sollicite.

42

Document 1 Document 2 Document 3 Document 4 Reformulation Le narrateur insiste sur l’aspect très ancien du souvenir.

L’odeur est particulièrement efficace pour faire ressurgir un souvenir très ancien pouvant remonter à la petite enfance.

La scène du tableau s’appuie sur des aliments populaires : le pain et le lait, des saveurs que nous connaissons et inscrivent la marque dans un souvenir collectif.

Certains sens, comme l’odeur et le goût, nous permettent de faire ressurgir des souvenirs très anciens, qu’on croyait oubliés à jamais.

Ce sont l’image, la saveur et l’odeur qui ont déclenché la mémoire du narrateur, jusqu’à véhiculer une immense charge de souvenir.

L’expérience prouve que l’efficacité de la publicité repose ici sur le fait de ne pas avoir été consciemment vue : elle n’a pas été verbalisée, et nous sommes donc exposés à des souvenirs créés par nos sens à notre insu.

Les souvenirs liés à l’odeur sont très enfouis et n’ont pas été verbalisés, ils nous transportent donc dans le passé de façon beaucoup plus fidèle.

Moins nous avons conscience de nos souvenirs et des sens qui y sont associés, moins nous les verbalisons, et plus ils restent précis quand ils ressurgissent.

La vue seule de la madeleine n’avait jamais fait surgir ce souvenir chez le narrateur.

La publicité dont nous avons conscience ne nous paraît pas efficace car nous estimons avoir une capacité critique suffisante pour nous méfier des slogans.

Un souvenir lié à la vue ou au son est davantage verbalisé, remonte plus souvent à la surface de la mémoire et est souvent moins fidèle.

Certains sens sont moins performants : la vue ou l’ouïe qui sont plus souvent sollicitées ou dont nous avons davantage conscience, alors que le goût et l’odorat sont très efficaces.

43

Proposition de problématique De quelle manière surgit le souvenir ? Proposition de plan Rappel en introduction que les cinq sens, l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût et le toucher, constituent notre façon concrète d’entrer en contact avec ce qui nous entoure, alors que le souvenir est un phénomène abstrait qui est ancré dans notre mémoire. Plan analytique I – Souvenirs, sens et émotions sont étroitement liés. 1) Les souvenirs et les sens entretiennent des liens étroits. 2) Le lien se fait entre les sens, les émotions et la mémoire, les uns agissant sur les autres. Plus l’émotion est forte, plus le souvenir restera vivace et prêt à ressurgir en détail au moindre sens qui le sollicite. 3) Moins nous avons conscience de nos souvenirs et des sens qui y sont associés, moins nous les verbalisons et plus ils restent précis quand ils ressurgissent. II – Certains sens sont plus efficaces que d’autres pour faire surgir un souvenir. 1) Certains sens sont moins performants : la vue ou l’ouïe qui sont plus souvent sollicitées ou dont nous avons davantage conscience, alors que le goût et l’odorat sont très efficaces. 2) Certains sens comme l’odeur et la saveur nous permettent de faire surgir des souvenirs très anciens, qu’on croyait oubliés à jamais. La conclusion montrera que le corpus permet de saisir les liens entre les sens et les souvenirs, l’odorat et le goût étant des vecteurs privilégiés des souvenirs anciens. Deuxième partie : écriture personnelle (/ 20 points) Pouvons-nous nous fier à nos souvenirs ? Vous répondrez à cette question d’une façon argumentée, en vous appuyant sur les documents du corpus, vos lectures de l’année et vos connaissances personnelles. Proposition de problématique Nos souvenirs peuvent-ils être trompeurs ? Proposition de plan I – Nos souvenirs sont parfois sujets à caution. 1) Nous pouvons avoir de faux souvenirs. Ex. : les souvenirs-écrans de Freud masquent des traumatismes réels. 2) Nos sens peuvent nous induire en erreur. Ex. : la publicité est enregistrée machinalement par nos sens et nous influence sans que nous en ayons conscience. 3) Nous ne contrôlons pas nos souvenirs qui peuvent surgir inopinément, et non pas au moment où on les sollicite. Ex. : Proust montre bien que toute sa volonté tendue ne parvient à faire surgir le souvenir, alors qu’une seule bouchée de la madeleine le fait affleurer tout entier.

44

II – Nos souvenirs sont discutables. 1) Nous avons tendance à idéaliser et à modifier les souvenirs : ils donnent aux lieux ou aux événements des qualités que, parfois, ils n’ont pas. Ex. : il nous arrive d’être déçus par des endroits où nous avions passé de bons moments car nous ne retrouvons pas la splendeur qu’ils avaient dans nos souvenirs. 2) Nous verbalisons nos souvenirs et nous les modifions, à force de les raconter. Ex. : nous nous approprions comme vrais des détails d’une histoire que nous avons parfois complétée et nous sommes incapables ensuite de faire la différence entre la réalité et l’imagination liée au récit. 3) Nos souvenirs sont en lien avec nos émotions et nous en gardons certains qui ne sont pas toujours les plus pertinents, parce que nous avons été marqués par un sentiment fort. Ex. : Nathalie Sarraute, dans Enfance (1983), montre que son seul souvenir de ses grands-parents est l’impression d’une dispute avec son père qui leur reprochait de risquer de prendre froid ; l’air furieux et le ton du père ont effacé tous les autres souvenirs de son unique séjour chez eux. Conclusion Nous ne pouvons pas nous fier à nos souvenirs comme garants d’une vérité, mais ils sont constitutifs dans leurs erreurs même de notre identité, et c’est ce que leur donne de la valeur.