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BIBLIO THEQ_UE B r ZAN TINE PUBLIEE sous LA DI RECTION DE PAUL LEMERLE ETUDES - 7 NAISSANCE D'UNE CAPITALE Constantinople et ses institutions d e 3 3 0 a 4 5 1 PAR GILBERT DAGRON Pr of eueur au Co ll ege de Fr ance PREFACE PAR PAUL LEMERLE Membre de ]'Institu t PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

DAGRON, Gilbert, Naissance d+ö+ç+ûune capitale. Constantinople et ses institutions de 330 ++í 451, Paris, 1974

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BIBLIO THEQ_UE B rZAN TINEPUBLIEE sous LA DI RECTION DE PAUL LEMERLE

ETUDES - 7

NAISSANCED'UNE CAPITALE

Con st an ti nop le e t s es in s ti tu ti on s

d e 330 a 451

PAR

GILBERTDAGRONProfeueur au College de France

PREFACE PAR PAUL LEMERLE

Membre de ]'Institut

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

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CHAPITRE PREMIER

LA FONDATION DE CONSTANTINOPLE

BYZANCE AVANT CONSTANTIN

Qu'importe a Constantinople l'histoire de Byzance? L'unite d'une histoi

n'est pas celle d'un site et I'objectivite de I'archeologue serait ici un contresens d

l'historien. Constantinople herite de Byzance ses habitants, quelques-uns de s

monuments, certaines de ses traditions peut-etre, mais de la cite a la future capitalil y a une discontinuite historique qui est le premier enseignement de nos sourc

et qui doit etre notre point de depart. La fondation de Constantinople fait bascul

d'un coup dans l'oubli ou dans la Iegende l'histoire de Byzance telle qu'elle ressode temoignages plus anciens, c'est-a-dire l'histoire d'une cite prospere sinon brillant

animee d'un vif souci de son independance 1.Reconstituer ce passe preconstantinie

ne menerait nulle part, ou plutot conduirait a etablir une relation implicitefausse; etudier sestransformations dans les sources postconstantiniennes permettr

au contraire une premiere evaluation de l 'importance de Constantinople et d

sens a donner a sa fondation.

I . Sur l' hi st oi re de Byzance on consul ter a : J . MILLER, R.E. 3 (1899), col . 1117-1157 (a

Byzantion) e t 1158-1159 (art. Byzas); Louis BREHIER,art . Byzance , dans D.H.G.E. 10 (1938

col. 1501-1511; pour I'epoque romaine: A. H. M. JONES,C i ti es o f t h e E a s te r n R oma n p r ov in c es , pp. 1-2

Les ecrivains preconstantiniens qui donnent sur la cite Byzance les renseignemcnts lesplus interessan

sont : HERODOTEIV, 85-87; 143-144; V, 26); XENOPHONAnabase, VI , 2, 13; 4 , 2 -3 ;4 ,18; VI , 6, 13

VI I, 1 ,2 -38 ; VI I, 2 , 1 -27 ;V II I, 3, 3 ; 5 , I ); ISOCRATEDiscours, V, 53; VIII, 16; XIV, 28; XV, 6

XVIII , 8); THUCYDIDEI, 115; 117; VIII, 80); PHYLARCHOSfrag. 10-10 a, ed, MULLER,F.H.G

I, p. 336); POLYBE(IV, 38-39; 42-48; 50-52); DIODOREDESICILE(XI, 37; XXXII, 15); STRAB

(VII, 6, 2, ed, CAsAUBON,. 320); PLUTARQ.UEPericles, 17; Nic ias, 22; Cimon, 6-9; Dtmosthene, 1

Alexandre, 9; Ciceron, 24, 34; Phocion, 14; C a to n l e j e u ne , 34); CICERON(De p ro vin c ii s c o n su la ri bu s, II

5- IV , 7 ; Lettres d Atticus, IX, 9); TACITE(Annales, XII, 62-63); SUETONEVespasien , 8); DIONCAS

(LXXIV, 6-8; 10-14); HERODIEN(III, 1-2; 6; IV, 3,6). TROGUE-POMPEEst I'auteur d'un ouvra

perdu intitule Origines Byzantii,

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14 LA VILLE IMPERIALE FONDA TION DE CONSTANTINOPLE1

L'histoire de Byzance avant Constantin n'est que rarement evoquee,

Byzance autant que nous pouvons le conclure d'une litterature mutilee, pard an s l es Pa tria

les ecrivains des IVe et ve siecles. Elle parait etre une decouverte

du VIe siecle, decouverte d'une civilisation byzantine (bien representee par Hesychios

de Milet, Stephane de Byzance, Jean Lydos) qui, pour la premiere fois, fait ses

comptes avec l'histoire. Et si l 'on s'avise alors qu'avant Constantinople existait

Byzance, ce n'est pas pour integrer un chapitre nouveau, qui irait de Byzas aConstantin, dans les grandes chroniques qui s'elaborent, mais pour expliquer d'un

mot la brusque irruption de Constantinople au centre de l 'histoire mondiale.Ainsi, dans le mouvement general de I'ceuvre d'Hesychios tel que l'expose Photius,

l'histoire ancienne de Byzance est une maniere d'introduction au debut du livre VI \

distincte de l'ensemble chronologique et qui en fut, en effet, separee pour entrer

dans le recueil des Patria avec des textes anonymes, resumes, faussement attribues

parfois (pseudo-Kodinos) 2; toute une litterature de fiches qui constitue assez vite

un genre a part, detache de l'histoire, et alimente les entreprises encyclopediquesde Constantin VII, les articles de la Souda ou les commentaires d'Eustathe.

C'est a ce genre qu'appartient la Byzance ancienne. L'information fournie

sur elle n'est pas toujours mauvaise; les sources invoquees, quelquefois discutees

(Jean Diakrinomenos, Theodore le lecteur "...) sont bonnes; mais le propos, rneme

chez l'historien Hesychios, est tout sauf historique. Il s'agit de trouver des oracles

aussi loin que possible dans le passe de Byzance annoncant les destinees de Constan-

tinople' (n'est-ce pas precisement le theme d'une enquete que s'assignait Zosime

au ve siecle P) 6, des etymologies rattachant a un passe legendaire tel toponymed'origine incertaine", des historiettes expliquant telle coutume ou croyance popu-

laire (ainsi a propos du respect des serpents a Pinterieur des remparts de Constan-

tinople) 1. La trame chronologique, la oil elle existe, est de toute facon discontinue

et les personnages, si historiques soient-iIs, comme Philippe de Macedoine, voisinen

un peu trop avec Byzas ou Agamemnon pour Ie rester tout a fait. Du reste si l, . ,reclt. sauvegarde encore I'apparence d'une chronologie chez Hesychios, ildevien

ensuite de plus en plus topographique et marque ainsi sa veritable destination.

« La oil vous voyez aujourd'hui I'Hippodrome ... » : c'est Ie style d'un Baedeker

des bouts d'histoires a lire en ayant Constantinople sous les yeux.

Byzance est ainsi reduite a sa geographie. Et dans la mesure oil les Patria

cherchent, malgre tout, a donner l'image d'un passe,ils entreprennent dela remodelersur l'histoire ancienne ou Iegendaire de Rome : Byzas, le fondateur, se dispute

avec son demi-frere Strombos comme Romulus avec Remus 2; on compte sep

strateges dans l'histoire de Byzance comme sept rois dans celIe de Rome; les chien

re:eillent la ville endorrnie quand Philippe tente de la surprendre, comme avaient

fait les oies du Capito le8, On romanise l'histoire de Byzance comme on romanise

la topographie de Constantinople des sa fondation en y decouvrant sept colline

et en y decoupant quatorze Regions. Ces details donnent la cle d'une interpretation:

le passe de Constantinople ne peut etre que de style romain; la veritable histoire

dans laquelle Constantinople se trouve prise a sa fondation est, I'oeuvre dHesychios

le montre bien, une histoire romaine. Des le milieu du IVe siecle, Themistios donnait

la portee historique de cette fondation lorsqu'il comparait Constantin a Romulus

en oubliant Byzas, et lorsqu'il appelait Rome « notre metropole » en reniant

«.l'antique Megare »' . C'est dire que Byzance n'est que la prehistoire de Constan-tinople, et que sa veritable histoire commence a Rome.

I. PHOTIUS, Bibliotheque, cod. 69 ( ed ,HENRY, I, pp. 101-102) . Le cinq uieme l iv re d e l a chroni que

d 'Hesychios va « de la dictature de Jules Cesar jusqu'au moment O U l a v il le de Byzance a tt eign it aun grand renom de puissance»; le sixieme livre « commence au moment ou Constantinople eut le

bonheur d' avoi r Cons tant in pour sou verai n ».

2. Le passage d'HESYCHIOS DE MILET traitant des 7 t O C - rP I C C K w V c r - rC C V ' l 'L V O U 7 t 6 A e : W < ; fut i n s e r e

plus t ard dans un recue il port ant ce t it re, qui comprena it q uelque s c euvre s anonymes ( I I c c p c c c r - r o c c r e : l < ;

a U V' l'O [ J. O I X p O V IX C C (, ~ 1~ Y 'l cr l< ; 7 te :p l. T Ij <; o tx o3 o[ J. 'i j< ; . .. T Ij <; a :y (c c< ; : Eo <p (c c< ;) e t une ceuvre de compi la tion

mise faussement par certains manuscrits sous le nom de Georges KODINOS, mais qui semble avoir

ete ecrite a la fin du xe siecle. Theodor PREGER a donne I'edition de l'ensemble : Scriptores

originum constan tinopoli tanarum, TEUBNER, I(1901 ), I I (1907 ).

3. Voir dans I'edition de PREGER la liste des auteurs cites: I, p. 109 pour les I 1 c c p c c c r - r o c c r e : l < ;

a U V 'l 'O [ J. O L X P O V I X C C (; II, p. 314 pour Ie pseudo-Konrxos.

4. HEsYCHIOS, 3 ( ed. PREGER, I , p. 2); t exte r epri s p ar l e ps eudo-Konr xos. C f. egal ement DION.

Bvz., 23; STEPH. Bvz., s: v. B u ~ o c V ' l ' I O V ; EUSTATH., C o mm . i n D io n. Per., 803 (C eogr . g r a ec . m in ., II,

p. 357)·

5. ZOSIME, II, 36 (ed. MENDELSSOHN,p. 92).

6. Par exemple l'etymologie supposee de B o u x 6 A I C C (ed , PREGER, I, pp. 2-3), de B 6 c r 7 t o p o < ;

et de K l p c c < ; (ibid., pp. 3-4), de X p u c r O \ m O A I < ; rattachee a l'histoire d'Agamemnon (ibid., p. 5), etc.

Ainsi peut-on expliquer qu'un seul episode du passe de ByzanceLa Colonia Antoninia

ou Antoniniana ait retenu vraiment l'attention des patriographes et de la

tradition, et que seul il ait pris les dimensions d'un evenement

historique : le siege, la destruction, puis la reconstruction de la cite par l'empereur

Septime Severe. A partir de faits incontestables, rapportes longuement par Dion

Cassius et par Herodien 6, s'elabore une prefiguration, sur quelques points peut-etre

a demi legendaire mais parfaitement coherente, de la fondation de Constantinople.

C'est l 'histoire d'une fondation manquee, d'une rencontre manquee de l'histoire

romaine - en la personne de Septime Severe - avec la realite geographique qu'est

Byzance. Un moment, en somme, oil Byzance a failli naitre a sa « veritable»histoire.

1. HESYCHIOS, 19 (ed. PREGER, I, p . 8).

2. HEsYCHIOS,20 (ed. PREGER, I, p. 9) . C f. R. JANIN, Constan tinople byzantine2, p. I I.

3· HESYCHIOS27 (ed. PREGER, I , p . II).

4 · THI !.MISTIOS,Disc. XIV, 182 a; XXIII, 298 a-b.

5· DION CASSIUS,LXXIV , 6-14; HERODIEN, II, 14- II I, 6 .

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16 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE

Avant tout examen critique des sources, mettons bout a bout les donnees qui,dans la tradition, font ressortir un parallelisme entre le fondateur qui echoue et

celui qui reussit :

Dans les luttes qui suivent les meur-

tres de Commode et de Pertinax (192-193), apres que Septime Severe eut etenomme empereur par I'armee duDanube, sefut rendu maitre de I'Occi-

dent et fut entre a Rome en liberateur,Byzance soutient l'usurpateur Pescen-

nius Niger et devient l'enjeu de laguerre civile.

Au terme d'un long siege (novem-

bre 193- juillet 196), difficile et meur-trier, la cite est prise. Septime Severe,

pour la punir, fait massacrer la gar-nison et les notables, or donne de

detruire les remparts et les monuments

publics, reduit la ville au rang de

bourgade en supprimant ses droitspolitiques et en la soumettant a Perinthe(Heraclee) 1.

Bientot s'opere un revirement : la

colere cede la place a la politique.

Septime Severe reconnait la situation

exceptionnelle de Byzance2

et decidede rendre la ville plus belle et plus

imperiale qu'avant. La muraille ro-

maine ne fut pas 'immediatement res-tauree, mais, a l'interieur du perimetrequ'elle definissait, Severe entreprit dereconstruire". Les sources insistent Ion-

guement sur l'evergetisme de l'empe-

reur une fois Byzance pardonnee",Parmi les constructions qu'il lance

Dans la confusion qui fait suite ala demission desAugustes (1er mai 305),Constantin est proclame empereur par

les troupes de son pere en Bretagne

(306-307) ; il serend maitre de l'Occi-

dent et est accueilli a Rome en libe-rateur apres avoir battu Maxence au

pont Milvius (312). II entre alors enconflit avec Licinius, son collegue

d'Orient (314).La guerre civile eclate en 324, et

le siege de Byzance, apres la bataille

d'Andrinople et avant celle de Chry-sopolis, en est un point culminant.Peut-etre Constantin punit-il la citepour avoir pris le parti de Licinius

et exile-toilquelques-uns de sesnotables,mais il lui donne aussitot une destinee

nouvelle, car il a reconnu son impor-tance strategique. Apres un rite de

consecration (novembre 324) et ladelimitation d'un nouveau perimetre

agrandissant de trois fois et demiela superficie de la cite severienne, ilengage de tres importants travaux dont

certains ne sont acheves que par sonsuccesseur : nouvelle enceinte, Forum,

gran des voies bordees de portiques,Grand Palais, eglises... A l'hippodrome

de Septime Severe il ajoute une loge

Imperiale. La nouvelle ville est consi-deree comme I'emule de Rome et ses

et que son successeur poursuit 1, onnote : les portiques du Tetrastoon, un

Kynegion2,de tres grands bains (lesther-mes de Zeuxippe, qu'il voulait faire ap-

peler Severion, mais auxquels lesByzan-tins garderent le~1fancien nom) 3, enfinet surtout un hippodrome assez sern-blable au Circus Maximus de Rome'.

C'est it la demande de son filsAntonin (Caracalla) que Septime Se-

vere aurait rendu a Byzance ses droitsde cites. II lui donne, sans doute avecle statut de colonie romaine, Ie nom

dynastique d'Antoninia ou Antoni-niana 6.

Apres la mort de Septime Severe, ilest question un instant de diviser

l'Empire entre les deux AugustesAntonin-Caracalla et son frere Get~

(211-212) : cette division donnerait itCar.acalla l'Occiden~ avec Rome pourcapItale, la Propontide pour frontiere,

et Byzance comme poste militaireavance ; l'Orient reviendrait a Getaavec Antioche ou Alexandrie pour

1

habitants sont appeles p o p ul u s r oma n u s" .Elle recoit Ie nom de Constantinople

et sa destinee est unie a celle de ladynastie : Ie jour de sa fondation es

aussi celui de I'elevation de Constance II a l'Empire (8 novembre 324)A la mort de Constantin s'ouvre une

longue crise de succession : l'Empireest d'abord partage entre Constan-

tin II, Constant et Constance II·puis Constantin II est elimine l'Occi~

dent revient a Constant in~talle aRome, et l'Orient a Constance qui

partage son temps entre Antioche etConstantinople.

Lorsque meurt Constant, en 350,Constance II retablit I'unite de I'Em-pire a son profit.

I. Souda, loco cit .

2 . Sur Ie Kuv1}ytOV ou KUVllyeO" tOv, amphi thea tre reserve aux uenationes, voi r Du CANGE , s . u .;

A. CH_AS~AGNOL, e s in a t r~,:,ain "" I : rigne d' Odoacre , pp. 51-52 , 57-58 , 61-63 ; R . JANIN , Constantinople

byzantine , pp; ~96~197 : ~ I d. en tI fi ca tlOn ave c I e theatrum majus de la Notitia de Constantinople n'est

~as a s~ur ee ; I histoire de I edi fi ce et celIe des uenationes a Byzance rest ent a etudier d'apres les allusions

Iitteraires, les textes legislatifs e t l 'i co nogr ap hi e d es d ip ty qu es consulaires, Sur Ie Tetrastoon voirplus bas. '

3· Chron,Pasch., Bonn, I, p. 495.

. 4· Pseudo-KoD~Nos, 61 (ed. PREGER , p . 1 45 ) : C on st an ti n n 'a p as b ea ucoup d e t ra ns fo rma ti on s

a faire po~ r q ue I'hippodrome de Constantinople soit « a I'image de celui de Rome ».

~..Hist. Aug., Caracalla, I , 7·I I n'est pas impossible que la fondation de la colonia Antoninia ou

Ant~mmana c~ rresponde au cour onn~me nt de Caraca lla en 198. Le nouve l int eret prete par Septime

Sever e a l a CI te du Bosphore daterait d e son s ec ond sejour en Orient, apres s a v ic to ir e s ur Albi nu s(de 197 a 202).

6. Ht SYCHIOS, 38 (ed. PREGER, I , p. 16) , r epri s t extuel ler nent par Ie pseudo-Koorxos : «Tant

que ve~ur ent Severe et son f il s Antoni n, la vi ll e s'appela 'AVTWVW(IX,ens uite ... el le repr it I e nom de

Byzantl On.» La forme es t douteuse : Pre ger edite 'Av,wvlv lX , cer ta ins manuscr its donnent ' AVTWV(I

sa~s doute par haplographie; la forme latine colonia Antoninia, ou mieux Antoniniana, nou s p ar ai t

p re fe ra bl e. C f. , e n d ehor s d 'H esyc hi os , EUSTATHE, Comm. in Dian. per., 803 (Geogr. graec, min., II,

pp. 356-357); Souda, s. u. 'Av,wv(1X : 1t6AL~. Les qualificatifs Antoninia et Antoniniana son t donnes

p ar e xemp le a d es c it es d e . Ci li c.i e, c f. A . H:~. JONES, Cities of the Eastern Roman p r o o i n c e s » , pp. 206-207.

7 .! - MAURICE, Numismatique constantiniennr, I I, p p. 5 36 -5 37 . V oi r p lu s b as , p . 2 99 , l es d is cu ss io nsa ce sujet,

J. Nous suivons ici les rec its de DION CASSIUS e t d' HtRODlEN, res umes par HtsYCHlOS (36;

ed, PREGER, I, p. 15) et repri s par tout e l a tradi ti on. Le passage de DION CASSIUSne nous est connu

que par l'epi tome de Jean XIPff iLlN, ne veu du pat riar che du XI" s ie cl e, m ai s n i s a f orme n i s o n c on te nu

ne semblent avoi r ete al ter es.

2. Chron. Pasch., Bonn, p . 4 95 . H tROD IEN ins is ta it de ja s ur l 'impor ta nc e strategique de Byzance

(III, I, 6-7).

3. W. MULLER-WIENER, Bonner Jahrbacher, 161 , 1961, pp. 165-175 ; C . MANOO, Le diueloppement

urbain de Constantinople, Paris , 1984, pp. 2-3.

4 . ZOS IME, I , 8 ; I I, 3 0; Ht sYCHIOS , 3 7, r ep ri s p ar l e p se udo-Konrxo s; MALALAS, Bonn, p p. 2 91 -

292; Chron. Pasch., Bonn, I, p. 415; II, p. 342; KtDRENOS, Bonn, I, p. 44; Souda, s, u. l:e:01ipo~

(ed. ADLER, IV, p. 334). Cf, R.E. 3 , c ol . 1 13 9- 1140 ( ar t. B yz an ti on ).

G DAORON

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18 LA VI LLE I MPERI ALE FONDA TI ON DE CONSTANTI NOPLE 19

Les correspondances ressortent clairement et elles conduisent a un certain

nombre de constatations. Dans une situation de guerre civile et devant une menace

de partitio de l'Empire, Byzance prend soudain une valeur politique et strategique

exceptionneIle. EIle n'est pas la capitale d'un Orient dissident (c'est Antioche),

elle en est la cle et un empereur qui tente de fonder son pouvoir sur un schisme

(Niger, Geta, Licinius) doit d'abord la gagner a sa cause. Herodien, qui ecrit au

me siecle et dont le recit est done pur de toute contamination, nous montre Niger

faisant alliance contre Septime Severe (c'est-a-dire contre Rome) avec les Parthes

et les Armeniens, residant a Antioche, tete de la coalition orientale, mais fondant

son systeme de defense sur Byzance>. Pour diviser l'Empire en deux parties sensi-

blementegales, on propose de fortifier face a face Byzance et Chalcedoine. Inver-

sement, un empereur qui cherche a reconstituer a son profit I 'unite romaine

(Septime Severe, Constantin) fait de la soumission de Byzance son principal objectif.

Niger est deja mort depuis longtemps, sa tete a ete montree aux Byzantins pour les

engager a se rallier, mais Septirne Severe comprend que la dissidence n'est vraiment

conjuree que lorsque Byzance tombe enfin3.

Et pour supprimer un danger preta renaitre, il choisit d'abord, parmi les deux solutions possibles, la mauvaise : il

detruit la cite; Constantin choisit d'emblee la bonne: il Ia romanise.

lei, les sources posterieures a la fondation de Constantinople ajoutent sans

doute aux faits historiques leur interpretation. EIles insistent moins exclusivement

que Dion Cassius et Herodien sur le chatiment de Byzance par Septime Severe

et bien davantage sur ce qu'elles interpretent comme une premiere « renovation »

de la cite de Byzas. L'intervention de CaracaIla nous est connue par I'Histoire

Auguste , Ie nom de colonia Antoninia ou Antoniniana par Hesychios et la tradition

des Patria+. Ces precisions ne sont pas inventees, mais on n'en comprend la portee

qu'apres Constantin. Agrandir, embeIlir une cite de Thrace n'est en somme qu'une

generosite banale d'empereur evergete; il faut que Byzance soit devenue Constanti-

nople pour que la colonia Antoniniana apparaisse comme un acte politique important.

Acte politique dans la logique d'un systeme qui conduit a la fondation d'une

« autre Rome »; au moins poste avarice de Rome, comme dans Ie projet de Cara-

calla, au mieux implantation de Rome elle-meme en Orient. Remarquable a cet

egard est la construction de l'Hippodrome par Septime Severe, sur un modele

romain, avec Ie caractere d'institution populaire qui caracterise cet edifice dans I

passe de Rome et dans l'avenir de Constantinople. On pourrait voir la un premier

pas vers l'attribution aux Byzantins du titre de p o pu lu s r om a nu s. Mais pour cette

fois la greffe n'a pas pris. Byzance ne s'est pas reveillee romaine; les Byzantins

n'ont pas voulu appeler Severion les bains de Zeuxippe, et la colonia Antoniniana

disparait avec CaracalJa au contraire de Constantinople qui survit a Constance II.

Septime Severe n'accomplit pas du reste jusqu'au bout Ie geste de la fondation

a son hippodrome manque Ie kathisma+; i comprend l'importance de Byzance

mais il choisit de rentrer en Occident.

Les conclusions a tirer de ce parallelisme sont de deux ordres. L'episode du

regne de Septime Severe fournit incontestablement une piste a suivre pour I'inter-

pretation de la politique constantinienne. Mais que des auteurs tardifs aient, plu

ou moins consciemment, recompose I'evenement pour en faire une prefiguration

de la fondation de Constantinople montre que cette fondation est comprise pa

eux non pas seulement comme l'acte d'un empereur, mais comme Ie terme d'un

choix depuis longtemps offert a l'Empire, et que si Byzance vue de Constantinople

n'a pas d'histoire, elle a au moins un destin historique qu'elJe realise avec Constantin.

capitale, Chalcedoine comme ville

frontiere. Leur mere fait abandonner

Ieprojet en repliquant :« Vous pouvezbien partager l'Empire, mais moi,comment me partagerez-vous? »1.Caracalla retablit I'unite de l'Empire

a son profit en faisant assassiner Geta,

CONSTANTIN, ROME ET L'EMPIRE

Venons-en done a Constantin puisque c'est avec lui que tout commence, e

a Rome puisque c'est Rome qui donne la reponse a la question posee par le

historiens des Ie IVe siecle : pourquoi avoir fonde Constantinople? La reponse o

plutot des reponses qui seront ici examinees dans un ordre de complexite croissante

celles de Zosime et d'Hesychios, simples dans leur expression ideologique; cell

de la V it a Con st a nt in i qui est d'une admirable coherence politique; celles enfin qu'on

peut glaner a travers les textes, au plus pres de I'evenement et au plus loin de sointerpretation, et sur lesquelles devront se fonder nos conclusions.

1. HERODIEN, IV , 3, 4-9.

2. HERODIEN, II, 14, 6; III, I, 1-7; 2, 1.

3. DION CASSIUS, LXXIV, 14 :« Quant a Severe, qui e ta it a lors en Mesopotamie, i l eut une si

grande joie de la prise de Byzance qu'il dit a ses soldats : 'Enfin nous avons pris aussi Byzance! ' »;

HERODIEN, III, 6, 8-9.

4 . L oc . c it .

Opposes sur Ie diagnostic, Zosime et Hesychios sont d'accord sur l'issue

Constantinople fut creee - rivale ou heritiere - pour remplaceou renouueau

Rome.L'explication de Zosime est toute psychologique : apres avoir triomphe d

Licinius, Constantin revient a Rome. Se produit alors un drame familial qui ensan

Decadence

I.Voir plus bas, p. 306.

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20 LA VILLE IMPERIALE

glante Ie palais; sur denonciation de sa femme Fausta, nouvelle Phedre, il fait

assassiner son fils Crispus, puis, a l 'instigation de sa mere Helene, il fait mourir

Fausta dans un bain bouillant. L'ame de l'empereur est alors en proie au remords;

il s'adonne au christianisme comme a la seule religion qui accorde Ie pardon de

crimes aussi odieux 1. II renie Ie paganisme de ses peres et un incident eclate :

« Lorsqu'arriva la fete nationale (les vicennalia) au cours de laquelle l 'armee doit

monter au Capitole pour y executer les ceremonies prescrites, Constantin, par

crainte des soldats, participa a la fete. Mais l'Egyptien (Ie pretre responsable de

sa conversion; c'est sans doute Ossius qui, curieusement, est ainsi designe) luienvoya une vision ( c p e X O " f L a ) qui reprochait formellement a l'empereur sa rnonteeau Capitole. Aussi se tint-il a I'ecart de la ceremonie et encourut-il Ia haine du senatet du peuple 2. Comme il ne supportait pas les injures qu'on lui adressait pour

ainsi dire de toute part, il chercha une ville qui flit Ie contrepoids de Rome et

ou il put etablir Ie siege de son Empire ( 1 t6 A L V O C V " t "L P P 0 1 t O Vrij~ ' P W f L 1 J ~ E ~ ~ " t " e : L x a e '

~ v a u "t "o v ~ 8 e:L ~ a o" LA e :L a x a" t" aO " ~O " aa e aL ) »3. Le texte est difficile a rendre dans sesnuances ( o c v " t " ( p p 0 1 t O ~ implique a la fois opposition et equilibre, ~ a o " L A e : L a est a lafois Ie palais de l'empereur et Ie siege de l'Empire), mais la conclusion vient plus

loin avec nettete : Constantin, par la fondation de Constantinople, est responsable

de la destruction de l 'Empire romain ( O C1 tW A e :L a 'r wv 1 tp a YfL e X 'r wv ) ' .

Notons que l'explication psychologique de Zosime repose sur une erreur chrono-

logique : la double execution de Crispus et de Fausta date de 3265, tandis que la

decision de fonder Constantinople est prise des 324; au mieux l'incident rapporte

par Zosime (et par lui seul) rendrait compte du fait que Constantin quitte Romea la fin de septembre 326 et n'y revient plus, pas meme pour les tricennalia qui se

deroulent a Nicomedie puis a Constantinople en 335 et 3368. Relevons aussi une

I. ZOSIME,II, 29 (ed, MENDELSSOHN,pp. 85-86).

2. Pour ce passage de ZOSlME,voir la recente edi tion de F. PASCHOUD(Paris, 1971, t. I, pp. 101-

102) et la longue note (39, pp. 219-224) ou I 'edi teur resume son art ic le , Zosime, 2 , 29, et la version

paienne de la conversion de Constantin, Historic, 20, 1971. La version de Zosime parait remonter a

Eunape; elle est deja refutee par Sozomene, Le texte de ZOSIMB,par ailleurs, n'est pas clair et perturbe

sans doute la chronologie: F. Paschoud suppose qu'i l y a contamination entre une montee de Cons-

tantin au Capitole en 315 et un refus en 326. Quant a la « vision» envoyee par Ossius, elle est un acte

de magie bien digne d'un « Egyptien »,

3. ZOSIME,II, 29-30 (ed, MENDELSSOHN,pp. 86-87).

4. ID., I I, 34 (ed. MENDELSSOHN,p. 92). .

5. Celie de Crispus se produit a Pola (AMMIENMARCELLIN,XIV, I1,20), donc.au prmtemp~ 326,

lorsque Constantin se rend a Rome pour feter le s oicennalia ( il ent re dans la capi tale Ie 18 jui llet ),

6. Les vicennalia sont fetes en 325 a Nicee et Nicomedie, puis a Rome en 326. D'apres les travaux

les plus recents, les tricennalia auraient ete celebres d'abord a Nicomedie en jui llet 335; . Constant in

serait ensuite parti en Pannonie, en Macedoine ; il est a Nicopolis I e 23 octobr e et recoit A thanase

a Constant inople environ une semaine plus tard ; I 'annee des tricennalia est close par une fete dans la

FONDATION DE CONSTANTINOPLE 21

erreur d'interpretation courante : Ie Constantin de Zosime n'est pas un empereur

chretien qui lutte contre Ie paganisme et interdit la ceremonie du Capitole, il est

un empereur qu'un scrupule religieux retient de participer personnellement, comme

c'est son devoir, a une ceremonie nationale et qui est en quelque sorte declaredechu de la dignite romaine par un mouvement de l'opinion 1. L'episode n'en

comporte pas moins une morale: Constantinople est I'anti-Rome, l' « innovation »

d'un empereur qui rejette la tradition romaine et trahit l'Empire. Nous retrouvons

Ie point de vue d'Eunape 2, Iejugement deJulien dans sa lettre au senat de Rome

et dans son pamphlet des Cisars+, tout l'esprit politique de la « reaction paienne »

a la fin du IVe siecle. II suffira de remarquer que Ie senat de Rome - et Ammien

Marcellin avec lui - recuse les accusations de Julien '.

Zosime resume et acheve une tradition 6, Hesychios en inaugure une autre :

Constantinople remplace Rome par droit de successionet parce que Rome declinait.

LesPatria extraits de son Histoire s'achevent par la phrase:« C'est ainsi que Constan-

tinople fut portee a ce point de grandeur, recevant (de Constantin) Ietitre de reine

herite (de Rome) - €x a L a oo x -Y i~ ~ a O "L A e :u o fL E V 1 J - qu'elle conserve jusqu'a nos

jours »; et les memes Patria commencent par cette phrase : « L'ancienne Rome

avait vecu trois cent soixante-deux ans depuis I 'avenernent de Cesar Auguste,

et sesaffaires etaient deja arrivees a leur declin - x a t 'r W V 1 tp a Yf Le X 'r w v c xu -r -Y i~ ~ 81 J

1 tP O ~ 1 tE P C X ~ o c rp L Y fL E V W V - lorsque Constantin ... fonda la nouvelle Rome »6. Ici,

ce n'est plus un monde qui s'acheve, mais une civilisation qui renait avec Constan-

tinople, fidele a son modele ancien. Nous voyons a son origine une version des evene-

ments qui devient officielle, Ie point de vue de ces« herrtiers » que sont lesByzantins

du VIe siecle, comme plus tard ceux des IXe et xe siecles, II telescope pres d'un siecle

capitale ou Constance vient d' A ntioche au meme moment celebrer son mariage (juillet 336) :

cf. P. M BRUUN, Studi es in Constantinian Chronology, Numismati cs Notes and Monographs, 146,

New York, 1961; C. H V. SUTHERLANDet R. A. G. CARSON, The Roman Imper ial Coinage , VII,

Constant ine and Licinius a.d. 313-337, pp. 15et 74-75.

I. Voir a ce sujet A. ALFOLDI, The conversion of Constantine, pp. 91-104 . La Vie de Sylvestre montre

les senateurs de Rome desapprouvant les ceremonies chret iennes de Constant in.

2. EUNAPE,frag. 48, ed, MULLER, F.H.G., IV, p. 35.

3· AMMIENMARCELLIN,XXI, 10, 7-8; JULIEN, Les Ctsars, 38 (ed. LACOMBRADE,p. 70).

4. Le senat reprend Julien sur les accusations qu' il porte contre Constance, et Ammien Mar -

cel lin juge qu'en accusant Constant in d'avoir innove et enfreint les t radi tions, i l a agi insulse nimirum

et leviter (AMMIENMARCELLlN, lac. cit.).

5. Cette t radi tion cesse d'i !t re vivante, mais elle n 'est pas sans echos ; ainsi Ie geographe arabe

I shaq b. aI -Husain ecrit au xe siecl e que Constantinople « a ete batie par Constantin fils du roi desRomains pour la raison suivante : la premiere fois que, croyant en Jesus et s'e tant converti, i l fi

ouvertement profession de foi chretienne, la populat ion de son royaume de Rome Ie desapprouva

I I quit ta alors Rome et fonda Constantinople qu' il appela de son nom. Les Romains ne cesserent

de s' y transport er, et elle devint la capitale de son Empire et sa residence» . (A. A. VASILIEV,Byzance

et les Arabes, ed. franc, de H GREGOIREe t M CANARD, I I, 2, p. 426.)

6. HESYCHlOS, I et 42 (ed. PREGER, I , pp. I et 18 ).

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22 LA VILLE IMP BRIALE

d'histoire pendant lequel Rome existe encore comme capitale, au moins symbolique,

de l'Occident, et se brouille avec sajeune rivale du Bosphore avant de disparaitre

presque entierement dans la tourmente des invasions. Ideologic de la decadence

romaine, correspondant aux inquietudes de la reaction paienne, ideologic de la

succession repondant aux aspirations du nouvel Empire byzantin, nous sommes

de toute facon tres loin de la realite historique de 324-330.

Nous nous en rapprochons beaucoup avec la Vita Constantini,

Interpretation politique eeuvre politique d'une admirable densite si on l 'examinede la Vita Constantinidans sa coherence profonde. Pour Eusebe, s'il en est bien

I'auteur ', la fondation de Constantinople est a comprendre comme l'acte d'un

empereur qui vient de reconquerir Rome et de redecouvrir I'unite et I'cecumenisme

de l'Empire romain. Cequi etait suggere dans d'autres sources a propos de SeptimeSevere est ici nettement souligne a propos de Constantin.

Le fils de Constance Chlore ne vise a rien de moins qu'a renverser un regime,celui de la tetrarchie, pour fonder une dynastie. Le Diocletien de la Vita n'est pas

tant un persecuteur qu'un empereur jaloux qui veut empecher Constantin de

succeder a son pere 2; aux pouvoirs issus du regime tetrarchique, Constantin

oppose de plus en plus ouvertement sa legitimite et sa conception d'un Empire

qui est « propriete », « heritage» de famille". II pretend l 'avoir rec;u ainsi de

son pere, il le transmet ainsi a ses trois fils4. Et cette legitimite nouvelle illu-

mine Constantin, qui comprend, comme par une sorte de conversion politique

correspondant chronologiquement dans la Vita a sa conversion religieuse, que

l'Empire est un tout dont la tete est Rome ". C'est le debut de la croisade contre

Maxence.

Les Romains et les gens d'Italie enroles dans l'arrnee de Constantin s'etaient

battus, reconnait Zosime", avec un acharnement particulier; Rome accueille le

vainqueur du pont Milvius en liberateur ",Cette entree dans Rome est pour l'auteur

(ou lesadaptateurs) de la Vita une date certainement plusimportante que la fondation

1. Pour une mise au point sur cette question, cf. nos indications bibliographiques dans Le

tlmoignage de Thtmistios, p. 88, n. 25.

2. Vita Constantini, I , 20. Plus generalement, opposi tion aux empereurs de la Tetrarchie : I, 13;

22; II, 49.

3. Ibid., I, 9 ( 7 t C X ' " t " p ij > o < ; X A l j p O < ; ) ; IV, 51 ( m x T P <9 C ! . o v c rl C !. ); IV, 63 ; De laud. Const ., 6.

4. Vita Constantini, IV, 5 I : ' 0 < ; 0011 O tC !.T tp CU 'l T W II & X pC U Ii T 1j < ; O A 1) <; o tX O U [L tl l 1 )< ; E :X P CiT e: l , T 1J 1Ic rU [ L7 tC ! .c rc !'1 I T 1 j< ; ~ C !. cr IA d C !. <; & . PX - lj ll T P Ia L T O L e; C ! .U T O U l kh p e: 1 7 tC ! .l cr LI I, o to c n ll C! . 7 tC ! .T p <9 C !. 1I o v cr L C! .1 I T O L e;

c !'U T OU X A 1) po IlO T wl I C PI AT O CT O Ie ;.

5. Vita Constantini, I, 26.

6. ZOSIME,II, 16 (ed , MENDELSSOHN,P: 73)·

7. Vita Constantini, I , 39-41; ZOSIME,II, 13 (ed. MENDELSSOHN,p. 74) Constant in remet de

I'ordre dans les affaires de Rome avant de regagner la Gaule.

FONDATION DE CONSTANTINOPLE 2

de Constantinople: c'est a ce propos qu'intervient la legende de la croix apercuedans le ciel+, c'est a Rome que le vainqueur se serait fait dresser une statue avele labarum (?) rappelant que « par ce signe salvateur ... le senat et le peuple d

Rome ont ete Iiberes et rendus a leurs anciennes gloire et splendeur » ". En quittantlestraditions douteuses pour l'histoire, notonsque leCodeTheodosien part dumomen

ou Ie senat de Rome confera a Constantin en 312, avec le titre de premier Augustele droit de legiferer sur tout I 'Empire ". Quant aux relations entre Constantin e

Rome elles furent sans doute, quoi qu'en dise Zosime, excellentes jusqu'au bout

Les fetes des vicennalia, celebrees a Nicomedie en 325 apres le concile de Nicee mairenouvelees a Rome en 326, sont I'occasion de medaillons representant Constantinen senateur, en chevalier et avec legenie du peuple romain 4; enmourant, Constantin

fait des liberalites aux habitants de Rome s; ceux-ci manifestent leur affliction e

Iesenat porte Constantin au nombre des dieux"; enfin les Romains supportent ma

de savoir Constantin enterre dans la ville qui porte son nom, « car - ecrit Aureliu

Victor 7 - on devait considerer que la ville de Rome avait ete comme renove

par ses armes, ses lois et la clemence de son regne ».

La Vita, les panegyristes, mais aussi les historiens, lesmonnaies, I'ceuvre legis

lative " montrent Constantin avant tout comme le reformateur de Rome, et fon

penser que la fondation de Constantinople n'est apres tout qu'un element d'un

vaste programme de renovation romaine.

A travers Maxence Constantin detruisait un regime, contre Licinius il redui

I. Vita Constantini, I , 28-3 I.

2. Ibid., I, 40. Sur cet episode et sur la statue dressee a Rome par Constant in en 312, citon

seulement ici H.GREGOIRE,La statue de Constantin etle signe de la croix, L ' An t iq u i te c l a ss i que , I, 1932

pp. 135-143 (l' empereur de la statue tiendrait non pas une croix mais « une longue haste en forme

de croix »}; PIO FRANCHIDE' CAVALIERI,Constantiniana (Studi e Testi , 171), Vat ican, 1953 (Intorno

alla visione di Costantino ed al labaro, pp. 5-50; Eusebio non e l'autore della Vita Constantini?,

pp. 51-65).

3. Cf. LACTANCE,De mortibus persecutorum, 44; EUMENE,ed. GALLETIER,Panegyriques latins, IX 2

(« titulus prirni nominis »), Voir a ce sujet O. SEECK,Die Zeitfolge der Gesetze Constantius, Zeitschrif

d. Savigny Sti ftung fur Rechtsgeschichte, 1889, pp. 179-182; J. MAURICE, Numismatique constantinienne

I, p. LXXXVI;J. R. PALANQ.UE,Collegialite et partages dans l 'Empire romain, Revue desEtudes ancienne

46, 1944, p. 51-52, qui parle a ce propos d'un « coup d'Etat» faisant reconnaitre a Constantin l

premiere place dans Ie college des empereurs.

4. M R. ALFOLDI , Konstantinische G o ld p rd g un g , p. 99 et pI. 12. Voir aussi Ie commentaire d

A. ALFOLDI, On the foundat ion of Constant inople . .. , pp. 12-13 ; et, sur une emission monetaire

celebrant la victoi re de 312, J. MAURICE, Numismatique constantinienne, I, p. LXXXV.

5. Vita Constantini, IV, 63.

6. Ibid., IV, 69; EUTROPE, X 8.

7. Vita Constantini, IV, 69; AURELIUSVICTOR: « Funus relatum in urbem sui nonums; quod

sane populus romanus aegerrime tul it quippe cujus armis, legibus, clement i imperio quasi novatam

urbem Romam arbitraretur.» (De caes. , 41,17).

8. Voir plus bas les chapitres concernant I e senat et la prefecture urbaine.

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24 LA VILLE IMPERIALE FONDATI ON DE CONSTANTINOPLE 25

une dissidence. Ce n'est plus une definition de l 'Empire qui est en jeu, mais une

definition de I'Orient romain. II ne faut pas chercher dans la Vita un expose, meme

caricature, des idees politiques de Licinius; Ie tyran et l 'empereur sont opposes

comme la nuit au jour, la felonie a la generosite+ : c'est la loi du genre. Mais onremarquera l'insistance d'Eusebe sur certains themes. Licinius est accuse d'aban-

donner les traditions de Rome, de corrompre la legislation en y introduisant des

principes etrangers au droit romain 2, et, en dernier lieu, de persecuter les chretiens ;

comme sila persecution et le paganisme etaient en Orient une activite schismatique

ou le prelude a une division de l'Empire, tandis que I'unite Imperiale et la pureromanite avaient pris desormais le visage du christianisme ', C'est donc a unetentative de partitio» que Constantin, comme avant lui Septime Severe, s'oppose;

et quand il marche contre Licinius son dessein, revele par la Vita, est de changer

le statut de 1'0rient dans l 'Empire, d'en faire non « l 'autre partie» de l'Empire

(parlant I' « autre langue »), mais le meme Empire romain 6. A cette unification

politique devra correspondre une unification religieuse : a la bataille de Chrysopolisfait pendant le concile de Nicee" .

Eusebe ne nous mene pas plus loin, mais il nous a mis dans la bonne direction.

La Vitti Constantini parle fort peu de Constantinople, presque exclusivement de

seseglises,et sans evoquer les raisons de sa fondation; mais il est un point sur lequel

elle porte un jugement implicite : dans ce monde unitaire dont Constantin est

le symbole, il n'y a pas plus de place pour deux capitales que pour deux orthodoxies.

Constantin ne fonde pas Constantinople pour faire perdre a Rome, mais pour lui

rendre sa grandeur de jadis.

I. Vita Constantini, I , 49.

2. Ibid., I, 54; e t s ur to ut Hist. eccl. , X, 8 , 11-13 (ed . S CH WA RT Z, pp. 894-896). Commen t a i r e

de R. LAQ_UEUR , Eusebius als Historiker seiner Zeit, Berlin-Leipzig, 1929, pp. 193-201, e t A LF OL DI ,

On the founda tion of Constan tinople ... , p. 14. Constan tin est ici presen te comm e Ie defenseu r

de la pu re roma nite ; c 'est un« slogan» politique, m ais que la leg is la tion constantinienne ne con tred it

pas: on a tort d 'in s ister su r quelques innova tions de deta il comme C .Th ., IV, 1 0, I s ur la r ev oc at io n

possib le de l'a ffranch issem en t, de 313 ( A. P IG A NI OL , L'empereur Constantin, p. 107).

3 . C e them e d'une rela tion entre pa gan isme et div is ion, ch ristia nism e et un ite, es t deja net

dans la Vita Constantini (I, 51-52; 56), m ais c 'est Ie De laudibus Constantini ( no t ammen t , 16, ed, HEIKEL ,

p. 250) qu i lu i donne les proportions d 'une theorie du pouvoir.

4· Vita Constantini , I, 49 : w e ; aO ) ( e: L II T I ] II m ) [ L 7t o cc r ot l i tm o ' P OO [ LOCEOLC ; . PX~ I I a u c rL T [ L ~[ LOC c rL

& '7 tOAl]<pOe:Lc roc liOL ) (EvOCL I IU) (TL ) (OCL1 ) [L€pq : .

5. Ibid. , II, 19 e t s u rt ou t II, 22 : l'O rien t qu i, aupa ravan t, ne profita it pa s des m em es avan tages

que I'au tre pa rtie de I'Em pire, beneficie desorrna is d 'un sort ega l (c 'est la definition d 'une in teg ra tion

polit ique); II, 54 : C ons ta ntin , s'a dres sa nt a D ieu , Ie prie d 'e tre clem ent T OL C; croL C; & 'lIoc TO AL )(O Le;,et

ind ique que Ie sort de l'O rien t est l'enjeu de sa v ictoire; su rtou t, Hist. eccl., X 9, 6 (ed, SCHWARTZ ,

p. 902) : C ons ta ntin et s on fils C rispu s recu peren t « l eu r» O ri en t : T ~I I O t) (e ;[ O CI i£ 4> oc li & 'm :A tX [L oo cI IO Ii) ( OCL [ L E oc l i E :l lOO [ L € II l ]1 IT I ] II ' P o o[ L oc E o ol i ) ( OCT <XTO 7 t OCAot LOV7 t OCP e :LXO I i& .PX~ I I T I ] II & 7 t ' & I I Ec r xO Ii TOC ; 1 )AE o u

7 t oc c rOC I i il ) ( U ) (A< : > ) ( OCT <XO t h e :p o c T ' ij C ; o t ) (OU [ L € II l ]e ; & P ) ( TO II T e : O [ L oG ) ( OCL[ L e :c r l] [ L Op[OC I i c ; i tc r xOCTOCUO[L € II l ]< ;

1) [L €P OC <;U 7tO T ~II O CU TC ;W& YO IIT e:e; e:tP ~IIl]II. C ette reu nifica tion d e l'E mpire est la con clu sion d e

I' Histoire ecclesiastique d 'EusEBE .

6. Vita Constantini , II, 59; 73 : La crise a rienne risque de div iser au spirituel l'Empire qui a

tr ou ve s on u nite p oli tiq ue ; III, 7-8 : Nicee e st I e c on cile d e l a re un if ic atio n.

Quittons Rome pour les rives du Bosphore, et rassemblons les

Constantinople textes qui peuvent nous aider a definir le caractere exact de lacapitale dynastique

fondation projetee par Constantin.

Premiere constatation : nos sources mentionnent generalement la fondation

de Constantinople dans une phrase ou dans un passage qui evoque d'abord la reuni-fication de l 'Empire au profit de Constantin :

Julien: « (Constantin), une fois maitre de l'univers ... »1.

Zosime : « Apres que l'Empire tout entier eut ete soumis au seul Constantin ... »2.

Sozomene : « Apres que Constantin eut reussi dans ses entreprises (de restau-

ration) interieures et qu'il eut redresse la situation exterieure par des guerres

et par des traites . .. »3.

Chronikon Paschale : « Constantin, devenu seul empereur ( [L o v (t PX ~ O '( X C ;; ~ O C (n A € U C ;; )

de l 'Empire romain tout entier... »4 .

Zonaras : « Constantin, etant ainsi devenu seul empereur ( [ L O \ l O C P X ~O ' O C C ; ; ) . . . »6 .

Le lien temporel est bien plut6t un lien causal : Constantinople est la conse

quence directe de la reunification de l 'Empire. Et le mot qui finit par prevaloir

dans la tradition pour designer cette reunification, [ L O \ l O C P X ~O ' o c c ; ; , est tire d'Eusebe

( [L O \l CX P XL X ~ e ~o u O'L o c, [ LO \l OC p XL O C) 6, O U il symbolise toute I'ideologie constantinienne

rattachement plus intime de l'Orient a l'Occident, conception unitaire de l'Empirea laquelle correspond la conversion a une foi unique. On peut rapprocher cetteremarque de vocabulaire de certains details iconographiques ou de titulature qu

indiquent quelque chose comme un changement de regime politique en 324-330

le diademe de perles et de pierres precieuses que Constantin porte pour la premiere

fois a la fondation de Constantinople ", les titres (qui ne sont pas nouveaux, mai

I. JUL IEN, Eloge de Constance, 6 (ed, B ID EZ , p. 18).

2. ZOSIME , II, 29 (ed . M EN DE LS SO HN , p. 85)·

3 . S OZ OM EN E, II, 3, 2 (ed . B IDEZ , p. 51).

4. Chron. Pasch., Bonn , p. 525, I. 19-20.

5 . Z ON A RA S, XIII, 2 , I (B onn , III, p. 7)·

6. Vita Constantini , II, 19. Le regne de C ons tan tin illum ine tou t, comm e un soleil qu i cha sse le

te ne br es d e la ty ra nn ie : c ru v~ 7t Te :T 6 T e: 7 to cc roc 8 c rl] T Le ; U 7tO ' Po o[L oc Eo u< ; e .U YX O Cl le : [ Lo Lp oc , T WI I ) (O C

T ~ V £ 4 >o tV e O vW v £ VOU [L E ll O OI iO O C T €P < :>[ L €p e: L, [ L L~ T e : T 7 l T OG 7 tt X II T O< ; & P X 7l & c r7 te :p n li L ) (e :C P O C A 7l O 7 tO

) (OCTe: ) (Oc r [Le:LTOc rW[LOC, [LOI IOCPXL )( ' i j e; e~ouc r [oc e; aLe) : 7 t tX\ lTOOV 1) ) (OUc r l ]<; . . '0 a L . I IL ) (l ]T I ]C ; ~ O C cr L Ae :u c

T ~ V £ 4 >o cv & 7 te :A& [ LOOC ve :) ( OC L [ L [ O CV c r u V l] [L [ L€ I Il ]V ) ( OC T e) : T O 7 tO C AOC LOV~ II T W II ' P O O [L o cE o ov & p X ~1 I ucp

E :OCUTO II7 t OL e: L TO , [ L o vo c px E o c< ; [ L € II t ~ tXPXOOV Oe : oG ) ( l] p UY [LOCTO< ;TOLC ; 7 t o cm , [ L ol l oc pXE q: 8 € ) ( OCLOCUTO< ; O

'Poo [LotEoov ) (p tXTOUC;TOi l c rU[L7 tOCI ITOCn)8OCAWUX WII ~Eo l i.

7. M ALALAs, Bonn , p. 321, 1. 18-22; Chron. Pasch., Bonn , p. 529,1. 18-19.

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26 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 2

qui sont une redecouverte de I'cecumenisme imperial coincidant avec la fondation

de Constantinople) de« triumphator omnium gentium », « rector totius orbis »,« ubique victor »...1.

On comprend mieux, des lors, la formule un peu elliptique par laquelle une

de nos meilleures sources, l'anonyme de Valois, rend compte de la transformation

de Byzance en Constantinople : « Constantinus autem ex se Byzantium Constan-

tinopolim nuncupavit ob insignis victoriae memoriam »2. Constantinople est la

ville qui commernore la victoire sur Licinius, etant bien entendu que cette victoire

ne se reduit pas au combat de Chrysopolis mais represente le triomphe perpetuelde Rome. Ici encore de nombreux paralleles s'imposent avec les symboles triom-

phaux qui accompagnent presque toujours l'image de Constantinople dans I'ico-

nographie : avant la couronne « royale », c'est la couronne de laurier qui ceint la

tete de la ville; le calendrier de 354 represente Constantinople entouree d'une

pompe triomphale; la statue de Constantin sur la colonne de porphyre tient dans

la main droite Ie globe surmonte de la victoire, et ce symbole romain devient la

Tyche de Constantinople>. En ce sens, Constantinople est tres precisement la ville

de la victoire de Rome.

Elle est aussi I 'etablissement du vainqueur. Constantin voulut fonder une

ville « qui portat son nom»; c'est l'explication donnee par Eusebe, Julien, Sozo-

mene s, et il s'agit bien d'une explication sil'on prend garde que Constantin fonde

un regime dynastique et que Constantinople devient, sinon la capitale de cette

dynastie, au moins la ville de la legitimite constantinienne. Et en effet sources

numismatiques et sources litteraires indiquent un lien precis entre les destineesde la ville et cellesde la famille de Constantin : une phrase de Themistios permet

de croire que l~ promotion de Constance II au rang de Cesar (novembre 324)

coincida avec la fondation de la ville 5; ce synchronisme serait confirme par le fait

que des monnaies a l'effigie de Constance portent des leur apparition, c'est-a-dir

des que Ie fils bien-airne de Constantin est nomme Cesar, la marque de l'atelie

CONS(tantinopolis) 1.

Dans la rhetorique de Themistios, l'exaltation de la legitirnite constantinienne

sert de support aux ambitions politiques de Constantinople : la ville est fille d

Constantin, done seur de Constance et bientot mere de la royaute issue de la leg

mite constantinienne ", L'anonyme de Valois suggere une interpretation tres voisin

lorsqu'il ecrit : « Quam (Constantinopolim) v e lu t p a t ri am cultu decoravit ingen

et Romae desideravit aequari. » Au v e lu t p a t ri am de l'anonyme, qui se rapportea Constantinople, correspond le ot&. " tW IX 7 t1 X" t'p cf l IX V O U cr (IX V qui caracterise che

Eusebe la conception dynastique que Constantin avait de I'Empire ".

Toutes les nouveautes du regne de Constantin gardent un rapport etroi

avec la personne de l 'empereur et les meilleures sources ne manquent jamais d

souligner ce lien strictement personnel: le monogramme ou la croix sont Ie sign

de sa victoire+; le Dieu chretien est appele dans la Vita (; 7 t 1X " t' P < J) O < ; I X U "t '< J ) 6 e :6 < ;6

comme si la future religion de l'Empire etait d'abord celIe de la dynastie constan

tinienne; l 'Empire lui-meme se reduit a un heritage de son pere qu'il transmet

ses enfants. De meme Constantinople est sa ville et il ne faut pas lui chercher un

autre definition institutionnelle au moment de sa fondation 6. On pense au mo

prete a Constantin et souvent commente :« Ma Rome, c'est Sardique » 7, qui marque

certes un interet pour lesBalkans, un desinteret pour la ville de Rome, et qui annonc

done la fondation de Constantinople, mais qui est a interpreter sans doute dan

le sens de la replique cornelienne :« Rome n'est plus dans Rome, elle est toute oje suis. » La oureside l'empereur, la est le centre de l'Empire. Ainsi Sardique, o

Constantin reside en 3I7 et en 3I9, annonce Constantinople; mais en 324 unnouvelle etape est franchie : Constantin, en donnant son nom a sa residence

implante sa Rome et fonde pour sa dynastie, c'est-a-dire pour les heritiers de so

Empire, une capitale.

I.J . MAURICE (Numismatique constantinienne, I, p . CXXIX-CXXX) ins is te sur I e changemen t i cono -

graphique qui suit la victoire de 324.

2. Anonym!LS ualesianus, 6, 30. La premiere partie de I'ouvrage connu sous ce nom porte sur la

periode 293-337 et pourrait etre Ie temoignage d'un senateur romain, a peu pres con temporain des

faits rapportes,

3· Voi r plus bas. TOYNBEE es t I e p rem ier a avoir insiste sur le caractere t ri omphal des r ep re -

sentations de Constantinople (Roma and Constantinopolis in Late-Antique Art. .. ). ALFOLDI

(On the foun dati on of Const ant inopl e . .. ) , et STERN (Le calendrier de 354, p. 125) estiment que les

syrnboles triomphaux devi enne nt des 328 de ve ri t abl es in sig nes imperiaux qui entament la supre-

matie de Rome.

4· Vita Constantini , III, 48 (La ville a laquelle il avait decide de faire porter son nom : 1jv TIje;

tmyopLCle; TIje; EClUTOU6ALVtnwvu[J.ov &'nocp'ijvClL~xpLve); JULIEN, Eloge de Constance, 6 (ed , BIDEZ,

p. 18) ; SOZOMENE, I I, 3, 2.

5 · THEMISTIOS, Disc. IV, 58 b : ... ~ClmAd (Constance II) i le: dx6TWe; cruvClu~aveTClLn6ALe; ~

TIje;~ClmAdCle;~ALxL<7me;.IIuv6avo[J.ClL yocp w e ; XClt 7)[J.cpLClaevOfJ.ou 0 yew7)TWP T6na T U TIi>XUXAW

XCltTOV Ine:Cl- r t i &.AoupyLilL. • •

I.J. MAURICE, Numismatique constantinienne, II, p. 482, pl. XV, n. 10, dont les conclusions n

semblent pas r ete nues par P. M. BRUUN, op. cit .

2. THEMISTIOS, Di sc. III , 40 C; IV, 53 a-c; 58 b ; 59 a-b ; VI, 82 d-83 a.

3. Anonymus ualesianus, 6,30; Vita Constantini, IV, 51. Si l' on en cr oit THEOPHANE ( ed , de BOO

p. 44, I. 22-28) c'est aussi la conception de Constance II, qui retire la pourpre a Vetranion e

s 'appuyan t sur l es p rinc ipes d'heredite et duriite du pouvoir imperial.

4. Vita Constantini , I, 38 (TOUTcpVLXCl st un me ssage pers onnel de D ieu a Constantin); I, 4

(I'inscription supposee de la statue de Constantin : « C'est par ce s igne . .. que j'ai sauve votr

ville ... »).

5. Vita Constantini , I, 27·

6. Ibid. , 111 ,48; 50; 54; IV, 61 : ~ ClUTOU~ClaLA€We;)n6ALe ;; IV, 46; 48; 58; 66; De laud. Const .,

1j tnwvu[J.oe; ~ClaLAe:we;(ClUTOU,ClUTij» n6ALe;; Vita Constantini, III, 55 : xClAA(noAL<;,~ClmALx-I]eaTL

7. « 'H EfJ.-I]PW[J.l) ~ClpilLX7)tanv », le co nti nuat eur ano nyme d e Di on, fr ag. 1 5 ( ed. MULLE

F.H.G., IV, p. 199).

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28 LA VILLE IMPERIALEFONDATION DE CONSTANTINOPLE 29

Cette capitale dynastique presage-t-elle une succession et un partage? En

la fondant, Constantin pense-t-il a un dedoublement de l'Empire ou meme a unedivision de type tetrarchique ? La suite des evenements, entre 324 et 337-338,

donne d'abord cette impression : l'empereur unique donne successivement rang

de Cesars a ses fils, Crispus et Constantin vers 3I7, Constance en 324, Constant

en 333, et rneme a son neveu Delmatius en 335. Mais il est douteux que ces nom-

breux Cesars soient exactement des heritiers de l'Empire; ils sont plutot, comme

dit Eusebe, les rayons que Ie soleil projette au loin, les representants d'une autorite

imperiale que Constantin detient, jusqu'a sa mort, tout entiere et qu'il entend

laisser dans son integralite a Constantin II, son fils aine depuis l'assassinat de

Crispus en 3261. Ni les responsabilites de Constance en Orient, de Constant en

Italie, du Cesar Constantin en Gaule, de Delmatius sur Ie bas Danube, ni merne

la nomination d'Hannibalianus comme rex regum et Ponticarum gentium (Anonyme

de Valois, 35) ne rompent I'unite de l'Empire. II n'y eut pas partage, et c'est preci-

sement ce qui explique l'embarras des heritiers de Constantin en 337 et la lutte

qui s'engage entre eux aussitot. La chronologie s'etablit vraisemblablement ainsi :

- 22 mai 337 : mort de Constantin; Constance organise les funerailles de

son pere a Constantinople.- Avant Ie 9 septembre 337 : les soldats mutines assassinent les descendants

des branches collaterales de Ia famille de Constantin, et notamment Ie Cesar

Delmatius et Ie « roi » Hannibalianus ",

- 9 septembre 337 : apres environ trois mois dinterregne sont proclames

Augustes Iestrois fils: Constantin II, Constance et Constant (Chron. min., I, p. 235).

- Les trois empereurs se rencontrent a Viminacium, probablement au prin-

temps 338, et conviennent pour Ia premiere fois d'un partage. Constantin II a

la suprematie sur tout l 'Occident, merne s' iI ne controle effectivement que la

Bretagne, la Gaule et l'Espagne, et siConstant garde juridiction sur 1'1talie, l'Afrique

et Ia Pannonie; Constance II recoitl'Orient, l'Asie et le Pont. En outre les anciens

territoires de Delmatius sont divises : a Constance II la Thrace; a Constant (disentles sources), done sous la souverainete occidentale de Constantin II, la Dacie et

la Macedoine 1.

Malgre beaucoup d'incertitude dans le detail, on retiendra que l'Empire cons-

tantinien reste indivis pendant a peu pres un an, que Constantinople (dont Cons-

tance II prend possessiondes la mort de son pere) et Rome (ou est installe Constant)

ne deviennent les poles d'un partage, les capitales d'un Empire divise qu'apres

I'elimination de Constantin II, Ie chef de la dynastie, par Constant en 340. De

toute evidence, cette evolution n'entrait pas dans les projets de Constantin Ie Grand

en 324-330.

LA FONDATION

Des speculations politiques passons au recit, c'est-a-dire a la trame narrativesur laquelle la tradition byzantine juxtapose le souvenir de quelques faits, Ie mer-

veilleux de quelques legendes et la diversite des interpretations.

Au lendemain de Ia victoire de Chrysopolis (18 septembre 324) 2,

us hesitat ions Constantin, resolu a fonder une ville qui porte son nom, hesite surde Constantin

Ie choix d'un emplacement : il pense a Sardique (l'actuelle Sofia),

Ilion, Chalcedoine, peut-etre meme Thessalonique 3; et finalement c'est Byzance

I.Cf. W. SESTON,Die Konstantinische Frage, B) Faits politiques, arrnee, finances, Congresso

Internazionale di Scienze Storiche, Rome, 1955, I I, pp. 783-784, qui s 'appuie notamment sur une etude

deJ. LAFAURIErendant au Cesar Constantin en 336 une serie de medaillons que l'on attribuait a torta Gallus (Revue numismatique, 5" serie, II, 1949, pp. 35-48). II est probable que Constantin n'a jamais

eu de proje t de partage. Voir, sur la nomination et l 'affectation des Cesars e t d 'Hannibalianus, puis

l e partage de 337-338, E . STEIN, Bas-Empire, I , pp. 131-132 (avec les corrections apportees par

J. R . PALANQ.UEux n. I et 4) ; A. H. M JONES,Later Roman Empire, pp. 84-85, 112-113.

2. II est impossible d'arriver a une certitude chronologique. Le massacre de Constantinople

est place apres Ie9 septembre par BIDEZ(La vie de l'empereur Julien, pp. 14sq.), avant cette date par

A. PIGANIOL(L'Empire chretien, p. 74, n. 6) et A. H. M JONES (loc. cit.). Cette derniere hypotheseparait la bonne; e lle rend mieux compte du retard de trois mois avant la proclamation des Augustes .

II faut inversement placer I 'entrevue de Pannonie apres Ie9 septembre 337; vers le 12juin 338 proba-

blement , puisque C.Th. , X 10, 4 nous mont re Constantin II a Viminacium a cet te date et que

Constance I I y recoit Athanase vers la merne epoque avant de gagner l 'Orient, OUil se trouve assu-

rement a la fin de juillet. Sur l'enchainement de ces evenements, Julien (temoin et presque victime)

apporte de precieux renseignements dans son eloge de Constance (Or., I, 14, ed. BIDEZ,pp. 31-33).

I. Les sources concordent a peu pres; JULIEN (loc. cit.) parle d 'un partage en trois parts , dans

lequel Constance aurait pu obtenir plus (l' II lyricum orienta l?) s' il n 'avait sacrifie ses ambitions ala concorde; PHILOSTORGEArtemii passio, 8, ed. BIDEZ,pp. 29-30) precise que Constance obtient

l 'Orient et qu'il fait de Constantinople sa capitale, soumettant ensuite l'Lllyricum (Dacie et Mace-

doine, apres 340?) a sa royaute ; voir aussi AURELIUSVICTOR (Epit . caes. , 41, zo) et l 'Ano'lYme de

Valois (6, 35), qui tous deux sereferent non pas a un partage, mais a une division des responsabilitesentre les Cesars du vivant de Constantin; ZOSIME,II, 39, 2; ZONARAS,XIII, 5, 1-14. Les sources ont

tendance a presenter un decoupage de l 'Empire en trois ; on peut neanmoins douter que l 'Occident

a it ete vraiment partage entre Constantin I I e t Constant (J.-R. PALANQ.UE,evue desetudes anciennes,

46,1944, pp. 56sq.). Notons l'erreur de SEECK,pour qui la Thrace et Constantinople auraient d'abord

ete accordees a Constant et ne seraient revenues a Constance qu'en 339, lor s du confl it ent re

Constantin II et Constant V::'eitschriftfur Numismatik, 1898, pp. 49-62).

2. La date de la bataille de Chrysopolis est bien etablie depuis la decouverte par Jouguet d 'un

papyrus de Theadelphie (cf. JOUGUET,En quelle annee finit la guerre entre Constantin et Licinius,Comptes rendus des seances de l'Academie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1906, pp. 231-236; L.BREHIER

Constantin et la fondation de Constantinople, Revue historique, 110, 1915, pp. 245-246).

3. Cf. Erik GREN,Eranos, 45, 1947, pp. 153-154 et Zu den Legenden von der Griindung Konstan-

tinopels, Serla Kazarooiana, I , Sofia, 1950, pp. 151-157. Sardique ; Continuateur de Dion, frag. 15

(ed, MULLER,F.H.G., IV, p. 199); ZONARAS,XIII , 3,1-4 (Bonn, I II , pp. 13-14). I lion; SOZOMEN

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30 LA VILLE IMPERIALE FONDAT ION DE CONSTANTI NOPLE 31

qui est retenue. Ces hesitations, dont il est bien inutile de se demander si elles

furent vraiment celles de l'empereur, sont I'expose en forme narrative des raisons

qui presiderent au choix definitif

Sardique, nous venons de le voir, peut etre consideree comme un premier

pas vers la fondation de Constantinople : Constantin y reside apres la treve

intervenue avec Licinius en 3I6; en rnars 3I7 il y eleve au rang de Cesarssesf ils

Crispus et Constantin ainsi que le fils de Licinius 1; en somme, c'est la ville de

la treve et d'une premiere ebauche de succession, qui annonce la ville de la victoire

et de la succession definitives. De la meme facon, Thessalonique, O U Constantin

prepara sa flotte contre Licinius>, est la ville de la veillee d'armes et souligne,

comme Sardique, l'importance strategique des Balkans aussi bien dans les conflits

interieurs que dans les guerres exterieures.

Ilion, c'est le retour aux sources legendaires de Rome. La tradition est bien

etablie ; Sozornene" affirme meme que les travaux avaient commence dans la

plaine O U campaient les Acheens et que les marins de son temps, en croisant le

cap Sigee, apercoivent encore des portes monumentales. Quoi qu'il en soit, le

choix d'Ilion correspond a la mention du Palladium que Constantin aurait fait

venir de Rome et aurait place comme un talisman sous la colonne de porphyre+;

une maniere d'insister sur la romanite de la ville, d'associer les destinees de la

nouvelle Rome a celles de l 'ancienne.

Chalcedoine, c'est Ie Bosphore, mais du mauvais cote; c'est Byzance, mais

en Asie et non pas en Europe; c'est une juste appreciation de l'importance

economique d'un port situe a I'entree de la mer Noire, mais gachee par l'ignorancedes courants qui defavorisent la cote Sud. L'opposition Byzance-Chalcedoine

apparait des Herodote".« Megabase, pour avoir tenu Iepropos queje vais rapporter,

a laisse un souvenir imperissable chez les Hellespontins : etant a Byzance, il apprit

que les Chalcedoniens s'etaient etablis dans le pays dix-sept ans avant les Byzantins,

et quand ill'eut appris il fit la reflexion que les Chalcedoniens etaient alors aveugles;

car s'ils n'avaient pas ete aveugles, ils n'auraient pas choisi pour s'etablir le moins

bon emplacement alors que le meilleur s'offrait a eux. » Le bon mot d'un general

devient, dans la tradition populaire rapportee par Strabon et Tacite, un oracle

du dieu de Delphes : « Apollon, interroge par ceux qui fonderent Byzance apres

que les Megariens eurent fonde Chalcedoine, leur prescrivit, dit-on, de s'installer

en face des aveugles, designant par « aveugles » les Chalcedoniens qui, avant eux,

avaient parcouru ces regions et qui, negligeant la rive opposee si riche, avaient

choisi le plus mauvais cote» 1. La legende rapportee par Kedrenos et par Zonaras 2

pour la fondation de Constantinople est une transposition dans le langage du

christianisme de cette version de la double fondation de Chalcedoine-Byzance :

Constantin avait choisi Chalcedoine et les travaux avaient deja commence, lorsque

des aigles vinrent enlever les cordages (ou, chez certains auteurs, les pierres elles-

memes) des mains des ouvriers et les porterent a Byzance, de l'autre cote du

Bosphore. Constantin est un « aveugle» subitement eclaire ; l'intervention divine

rectifie au dernier moment le jugement de l'empereur.

. AinsiByzance reunit les avantages ou les caracteres de Sardique- Thessalonique,

Ilion, Chalcedoine ; mais entre les hesitations et le choix il y a la distance d'un

miracle. Sur ce point toutes les sources concordent : dans Sozomene, Dieu apparait

a Constantin, lui dit de quitter Ilion et le« pousse» a Byzance; les vers de l'Anthologie

evoquent une interdiction divine 3; Philostorge montre Constantin tracant, la

lance a Ia main, le perimetre de la nouvelle ville et declarant qu'il avancerait

«jusqu'a ce que s'arrete celui qui marche devant » 4. Et l'histoire legendaire rejoint

le temoignage des lois: Ie Code Theodosien marque lui aussi d'un sceau divin lafondation de Constantinople : « ... urbis quam aeterno nomine D eo j ub en te

donavimus ... »6.

. J. STRABON,VII, 6, 2 (ed. CASAUBON,p. 320); TACITE, Annales, XII, 63 : « Namque artissimo

mter Europam Asiamque divort io, Byzantium in extrema Europa posuere graeei, quibus Pythium

Apoll inem eonsulent ibus ubi eonderent urbem reddi tum oraeulum est quaererent sedem eaeeorum

terris adversam. Ea ambage Chalcedonii monstrabantur, quod pr iores i lIue eveet i, praevisa loeorum

utilitate, pejora legissent. » Bien d'autres textes indiquent que l 'opposition Byzance-Chalcedoine

apparait dans des dietons populaires avant la fondat ion de Constant inople et qu'elle s 'est perpetuee

a I'epoque byzantine; nous nous proposons de revenir ail leurs sur ee sujet .

2. Loc. cit .

3· K~v~c rl X c ; l X u 't " 6v , SOZOMENE,II, 3, 3; Anthologie grecque, XIV, 115, ed , BECKBY,IV, p. 228 :

K w vc r: IX Y 't "i :~ o c; t A6 wy t Y Ti i T p ot q: 1 tA lJ cr tO Y ~ o oU A ~6 lJ X 't "t cr IX L 1 t6 AL Y ~ lX c r~ A LX ~ Y, X lX t A IX O WY 't "o v X P lJ -

c r !J .OY l X ye :XWP l J c re : x l X l X ' t" t ~ e: L KWyc r 't " IX I J 't " LYOU1 tOA t 'J .

- O u 6 E! J. Lc ; t Y T p ot lJ C; c e 1 tO C AI XL t" !J .l J6 €I J' t" L 6 e :! J. El A< p I P 6 > !J . lJ C ; t 3p U cr IX L Y € O Y O ( )V O !J . IX · ~ 1 Xi :Y E 3 1 :

X lX lpw ,Y I de; ! J. EY lX p~ ·i oy & c rr u I Ip o1 to Y 't "l 3o c; & Y XL 6 IX M cr O" 1J C;I ~ y 6' t x6 u c; ~ A IX 'P 6 c ; ' t "E Y O ! J. O Y ~ 6 cr xO Y 't "I X L

TOY l Xu 't " 6v .

4· PHILOSTORGE, II, 3.

5· C.Th., XII,S, 7 (de 334 ?).

II, 3; ZOSIME,II, 30; CASSIODORE,Hist. ecel. trip., II, 18; THllOPHANE, ed, de BOOR,p. 23, I.22 sq.;

ZONARAS,XIII, 3 (Bonn, III, pp. 13-14); Anthologie grecque, XIV, 115, ed. BECKBY,IV, p. 228. Chalce-

doine : KEDRlmos, Bonn, I, p. 496; ZONARAS,loc. cit.; Constantin MANASsEs, V. 2337-2355 (Bonn,

pp. 101-102); Mchel GLYKAS,Bonn, p. 462; ehronique anonyme, ed. A. KIRPICNIKOV(Eine volkstum-

liehe Kaiserehronik, B.Z., I, 1892, pp. 309-310) . Cette meme ehronique anonyme etKEDRENOS

(Bonn, I, p. 496) parlent de Thessalonique.

J. Anonymus ualesianus, 5, 19.2. ZOSIME, II, 22, 1-3 .

3. Loc. cit .

4. Cf. A. ALFOLDI, On the foundat ion of Constant inople . .. , p. II; E. GREN, op, cit., 161-162.

Sur Ie Palladium, voir plus bas.

5. HERODOTE, IV, 144·

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32 LA VILLE IMPERIALEFONDATION DE CONSTANTINOPLE 33

Dans I'episode miraculeux rapporte par Philostorge, on reconnaitus dates

de la fondation ~a ceremonie tradition~elle de limitatio et de consecrat io 1, a laquelle.. I I faut peut-etre associer certains rites de fondation diriges par

Ie neoplatonicien Sopatros 2 et la legende del'horoscope dela ville tire par l'astrologue

Valens>. C'est alors un immense chantier qui est ouvert.

Quand? Le synchronisme releve par Themistios entre I'elevation de Constance

au rang de Cesar et la delimitation (plutot que la construction) de la nouvelle

enceinte de Constantinople, si elle est a prendre au pied de la lettre ', donne une

date precise : 8 ou 13novembre 3245. Des 324, des emissions monetaires portent

la marque de l'atelier de Constantinople' , et a partir de 325 Constantinople

commence a apparaitre egalement dans les souscriptions du Code Theodosian 7.

Enfin le temoignage des historiens, souvent imprecis, conduit lui aussi a penserque les travaux furent entrepris tres peu de temps apres la defaite de Licinius :

Socrate place la construction d'eglises, de monuments et d'une nouvelle enceinte

apres les vicennalia qui eurent l ieu en Orient en 3258; Theophane reunit dans la

merne annee ( an no m un di 5816 = 325 selon I'ere d'Alexandrie) les vicennalia, le

couronnement d'Helene et la fondation de Constantinople 9; Kedrenos place

cette derniere dans la dix-huitieme annee du regne (= 324) 10; quant au Chronikon

I.Rite d'origine etrusque, cf. Leon HOMO,Rome imperiale, p. 15.

2. LYDos,De mens., ed,WUNSCH,p. 65. D. LATHOUD(La consecration et la dedicace de Constan-

tin~ple, E.O., 24, 1925, p. 192) assimile la ceremonie de Sopatros a cel le du transfert de la Tyche(voir plus bas! . Tout depend du sens

adonner

al'expression de Lydos t 1 tl ' ri j) 1 tOAL <! f L ij ) ' t "i j< ; 1 t 6A£ c . >< ;.

En tout cas I'mtervention de Sopatros, aux cotes de qui seserait trouve Vettius Agorius Praetextatus,

ne donne pas un caractere neoplatonicien a la fondation de Constantinople comme PIGANIOLI'a

pretendu (L'empereur Constantin, p. 162). '

3· L'astrologue Vettius Valens aurait ete consulte par Constantin a la fondation de Constan-

t~nople ; i l aurait ~epon~u quatorze ans plus tard que la capitale vivrait intac te et heureuse pendant

SIXcent quatre-vmgt-seize annees (KEDRENOS,Bonn, I , p. 497; ZONARAS,Bonn, I II , pp. 14-15;

Michel. GLYKAS,Bonn, p. 463, qui ajoute que cette prediction s'est revelee fausse; Ca t a log us cod icum

a s t ro l o gi c or um , V, I, pp. I I8, n. 2 et 131). Comme le remarque Ch. DIEHL (De quelques croyances

b~antines sur la fin de Constantinople, B.Z., 30, 1929-1930, pp. 192-193), il s'agit d'un anachro-

msme, car I 'astrologue Valens semble avoir vecu sous les Antonins.

4· THEMISTI0S,Disc. IV, 58 b ; texte cite plus haut. Relevons une erreur frequente de data tion :

Ie discours de Themistios n'est pas prononce « a I'occasion de I'elevation de Constance a l'Empire »en 324, mais quelque trente ans plus tard.

5· 8 novembre : SEECK,Regesten, p. 174, d'apres Chron, Pasch., Bonn, p. 525et C.I.L., I , 2,p. 276,

13novembre : A. ALFOLDI,On the foundation of Constantinople . .• , p. I I , n. 9, d 'apres une inscrip-

tion trouvee par Anibaldi a Amiternum.

6. Numismatique constantinienne, II, p. 481-492. Voir aussi L. BREHIER,Constantin et la fondationde Constantinople, Revue historique, 110, 1915, pp. 246-247; KLUGE, Hist. Jahrb., XLI I, p. 99.

7· SEECK,Regesten, p. 175.

8. SOCRATE,I, 16.

9· THEOPHANE,ed, de BOOR,p. 23.

10. KEDRENOS,Bonn, I, pp. 496-497.

Paschale, sans doute pour les facilites de l'expose, il fait coincider avec un passage

de Constantin a Byzance en 328, qui n'est pas invraisemblable, l'agrandissementde l'enceinte, le choix du nom de Constantinople et la plupart des travaux de

construction qui transformerent la cite (remparts, loge imperiale a I'Hippodrome,colonne de porphyre et Forum, Palais imperial et grandes avenues bordees de

portiques) 1; mais le merne chroniqueur, evoquant I'inauguration de Sainte-Sophie

sous l'annee 360, declare que Constantin avait jete les fondations quelque trente-

quatre ans avant, ce qui nous reporte cette fois a 3262. Une chronologie sommaire,

sans doute moins assuree qu'on ne ledit, mais tres vraisemblable, s'etablit done ainsi :

18 septembre 324 : victoire de Constantin sur Licinius a Chrysopolis. .

Novembre 324 : en meme temps qu'il eleve son fils Constance au rang de Cesar,

Constantin decide de fonder Constantinople a l'emplacement de Byzance etdans une ceremonie de« consecration» il donne a la cite son nom et un nouveau

perimetre ; lui-meme porte pour la premiere fois Ie diademe perle 8.

3~5 : la plupart des grands travaux sont entrepris des cette annee ; sans doutesont-ils actives ou leur ampleur accrue lorsque Constantin, apres avoir quitte

Rome, vient en Orient et fait un sejour a Constantinople (327-328).

II mai 330 : fete de la « dedicace » qui devient, comme le 2I avril pour Rome,l'anniversaire de Constantinople.

335-336 : les travaux principaux n'etaient peut-etre pas acheves en 330; unephrase deJulien lelaisse entendre:« Constantin mit moins de dix ans a batirla ville qui porte son nom »'. Sans doute Constantinople reste-t-elle un chantier

au moins jusqu'aux tricennalia fetees d'abord a Nicomedie en 335, puis avececlat a Constantinople en juillet 336, alors que les vicennalia avaient ete fetees

aRome. Philostorge, qui place la fondation de Constantinople dans la vingt-

huitieme annee du regne (=334), indiquerait ainsi (s'il ne s'agit pas d'unesimple erreur) qu'alors seulement Constantinople « remplaca » Rome I.

Tres tot la tradition ramasse en une seule annee cette periode de dix ans,

et la resume en une fete, celIe du IImai 330'.

1. Chron, Pascli., Bonn, p. 527-529.

2. Ibid., Bonn, p. 544.

3. J. MAURICE,Numismatique constantinienne, II, pp. 486-487.

4. JULIEN,Eloge de Constance, 6 (ed. BIDEZ,p. 18). MAURICE(op. cit., pp. 484-485) nous paralt

serrer Ie texte de Juli en de trop pres.

5. PHILOSTORGE,II, 9.

6. C'est la conclusion commune de PREGER(Das Grundungsdatum von Konstantinopel, Hermes,

36, 1901, pp. 336-342; 37, 1902, p. 316-318) et de MAURICE(Numismatique constantinienne, II, p. 490,

et Les origines de Constantinople, Centenaire dela Sociitt desAntiquaires de France, Paris, 1904, pp. 281-290,

retenue egalement par MOMMSENdans son edition du Code Theodosien (Prolegomena, p. CCXXI).Mais

la chronologie de Preger est sensiblement di fferente de celle de Maur ice que nous avons, dans

I'ensemble, adoptee. Preger distingue : I) Les constructions principales qui auraient pu commencer

en juillet-aout 325; 2) La fondation proprement dite et la pose de la premiere pierre de l 'enceinte

agrandie, Ie 26 novembre 328, peut-etre a la meme date que I 'e rection de la colonne de porphyre

(cf. L'ORANGE, Symbolae osloenses, 14, 1935, pp. 113 sq.); 3) La dedicace du II mai 330. Cette chrono-

logie repose en fait sur les renseignements donnes en divers passages par le pseudo-Konrxos : 55

(ed. PREGER,II, pp. 142-143) : Ie26novembre 5837 (= 328) furent posees les fondations des murailles

o. DAGlON 3

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34 LA VILLE IMP BRIALE FO NDAT ION DE CONSTA NTI NOP LE 3

Entrer dans le detail des constructions qui furent alors entreprises

d e U';!o::~:~~~le supposerait une enquete archeologique qui excede notre propos;

l'examen des sources Iitteraires ne permet pas de tirer des conclusions

sur la date des travaux et sur les moyens effectivement mis en oeuvre, mais il

peut - et lui seulle peut - nous apprendre cequ'est Constantinople a sanaissance :

une ville qui coute cher; un phenomene urbain d'une ampleur exceptionnelle;

une capitale batie pour etre le centre politique de l'Empire et Ie lieu de rencontre

privilegie de I'hellenisme et de la romanite, Ces trois caracteres, que nous allons

approfondir et mettre en relation avec les quelques donnees sfires qui nous sont

parvenues, se retrouvent dans tous les textes; ils forment la premiere et la plus

exacte definition de la future capitale de l'Empire byzantin.

Le projet de Constantin exigeait beaucoup d'argent. Sozomene parle d'un

impot nouveau leve pour la construction et la decoration des monuments ainsi

que pour la distribution gratuite de vivres aux habitants 1 : les depenses de fondation

sont done tout de suite associees a un « train de vie» de capitale. Julien dit que

Constantin utilisa pour construire Constantinople le tresor laisse par Licinius 2,

on peut ajouter aussi les biens confisques aux temples parens (qui furent sans doute

tres considerables) 3, certains revenus retires aux cites4. L'argent coule a flots,

ce qui semble avoir provoque une crise de numeraire 1; certains ateliers monetaires

sont provisoirement fermes, II y a done un probleme economique lie a la fondation

de Constantinople, mais ce probleme de conjoncture est presque aussit6t traduit

en principe : pour Julien, Constantin depensant l'argent amasse par Licinius,

c'est le geste genereux de la sparsio oppose a celui de l'accumulation improductive s

Ce geste annonce deja un nouveau type d'economle ; Constantinople absorbe toute

la richesse de l'Empire (ruine les cites.idisent certains), elle consomme et redistribue.

Elle est aussi un pari demographique qui faillit, nous Ie verrons 3, etre perdu

par Constantin, mais qui finalement reussit et fonda au terme de l'Antiquite la

premiere grande ville du Moyen Age. Pari en effet, puisque les murailles precedent

les maisons et les maisons leurs habitants; Themistios, Sozomene, les Patria fon

ressortir, chacun a sa maniere, cette particularite+; et Philostorge insiste dans l

legende de la fondation sur I 'ecart qu'il y a entre la realite et les previsions: on

s'etonne de voir l'empereur tracer avec sa lance un si large perimetre pour si peu

d'habitants et celui-ci seretranche derriere la volonte divine qui guide son geste+

L'archeologie confirme ces proportions ambitieuses : la superficie de la ville projetee

par Constantin est trois fois et demie celle de Byzance 8. Pour construire la nouvelle

ville, on precede a une veritable mobilisation d'ouvriers et d'architectes"; deux

lois de Constantin montrent que l'empereur chercha a favoriser la vocation d

ces derniers, notamment par des exemptions fiscales", et differents textes - malheuoccidentales; apres seize mois de travaux, les muraiIles terrestres et maritimes sont achevees ainsi que

la plupart des edifices; on fete a lors les eyxcxLvlcxdu II mai 330. Mais Ie meme auteur place ensuite

les eyxcxLvlcxdans la douzieme annee du regne de Constantin (58, ed. PREGER, II, p. 142,1. 16-17;

5 9 , i b id ., p. 144,1. 9 sq.), et i l dit que cette annee-la Byzance fut agrandie, appelee Constantinople,et que furent construits IePalais, les Saints-Apotres, etc. Or la douzieme annee du regne de Constantin,

si l 'on comptait a partir de 307, donnerait 318, ce qui n 'a pas de sens, et , si l 'on comptait par exception

a partir de la nomination comme premier Auguste en 312, donnerai t 323. On peut done supposer

que Iepseudo-Kodinos confond lui aussi les evenements de 324 et ceux de 330, et qu 'i l ne faut pas

fonder une interpretation sur son recit,

I. SOZOMENE,II, 3, 5 :« ... q:>6pou~31:'t"&~cx~,t"ou~fLl:vd~ otxo30fLcX~XCXLeXM7)'t"1j~7t6AEW~,

TOU~31:d~&.7tOTpOq:>~VWV7tOAITWV.. » Reste a savoir si ces impots, definis ici par leur util isa tion,

sont ceux dont parle longuement ZOSIME: Ie chrysargyron , l 'Impot senatorial du follis, les pretures,

Zosime insiste lui aussi sur la lourdeur des imp6ts qui sont la consequence de la fondation de Constan-

tinople (II , 37, ed, MENDELSSOHN,p. 95, 1. 9-10; 38, ibid., p. 96).

2. JULIEN, E l og e d e C o n st a nc e ,6 (ed. BIDEZ,p. 18) :« Une fois maitre de l'univers, apres une crise

ou l'insatiable cupidite de son predecesseur avait tout tari comme Ieferait une periode de secheresse,

la misere regnant partout tandis que la richesse s'etait entassee dans les caves du palais, i l en ouvrit

les portes et , tout d'un coup, inonda Ie monde d'un flot d'abondance.»

3. SOZOMENE,II, 5, 3. Cette confiscation parait etre l'essentiel de la politique« anti-paienne »

de Constantin. JULIENaccuse Constantin d'avoir pille les offrandes votives ( C on t re l e c yn i qu e H e ra k li o s ) ,

Libanios lui reproche d'avoir« utilise les richesses des temples pour batir la ville a laquelle il consacra

son zele », mais reconnai t qu'« il ne changea rien au culte legal» (Or. , XXX 6) et se contenta de

depouiller les dieux de leurs richesses (Or., LXII, 8). Cette mesure de confiscation des biens des temples

a sans doute des raisons economiques et financieres autant que religieuses; elle est liee a la fondation

de Constantinople.

4. Voir plus bas.

I.J. MAURICE, Numi sma ti qu e c on s ta n t in i en ne , I, pp. XIV-XV,CLIV.Ne restent ouverts en 326 queles ateliers monetaires de Rome, Constantinople, Alexandrie, Treves, Arles, Cela pourrait correspondre

a une penu ric de metal au moment ou des sommes considerables ont deja ete investies dans le

constructions de Constantinople. En 333, quand les travaux sont a peu pres acheves, la plupart de

ateliers sont rouverts et la frappe redevient abondante.

2. JULIEN, lococ it . ; on trouve un equivalent iconographique dans les monnaies constantiniennes

Constantin, sur un char, repand des pieces de monnaie (M R. ALFOLDI,Konstan tin ische Goldpri igun

pI . 21, piece nO256). Voir aussi la representation de Rome sur leCalendrier de 354 (plus bas, p. 59

3. Voir plus bas, pp. 48, 87 et 520-521.

4. THI!.MISTIOS,Disc. III, 46 d-48 d et SOZOMENE(II, 3, 4) parlent des grandes demeures disse

minces un peu partout dans la ville pour att irer a Constantinople une elite romaine ou provinciale,

les autochtones ne suffisant pas; Ie pseudo-Kornxos (63-66, ed, PREGER, II, pp. 146-147) donne ace

renseignement la forme d'une legende : des architectes auraient reproduit a Constantinople les maison

des principaux senateurs romains.

5. PHILOSTORGE,II, 3.

6. Cf. R. JANIN, Con s tan t i no p l e by z an t i ne2, pp. 26-31.

7. Contrairement a ce qui est souvent affirme, JORDANESne dit pas que 40000 Goths federe

furent employes aux travaux, mais qu 'i ls furent recrutes comme soldats par Constantin au temps dla fondation de Constantinople pour proteger les frontieres de l'Empire (Get., 112 :« Nam et ut (u

manuscrit donne: dum) famosissimam et Romae emulam in suo nomine conderct civitatem, gothorum

interfuit operatio, qui, foedus inito cum imperatore, quadraginta suorum milia ill i in solatio contra

gentes varias obtulere ... »

8. C.Th., XIII, 4, I et 2 (de 334 et 337).

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36 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 37

reusement peu surs1- nous conservent peut-etre les principaux noms : Euphratas,

qui aurait concu ou au moins dirige l'ensemble de l'ceuvre et qui serait mort peu

de temps apres Constantin, Urbicius, Ie « preposite » Olybrius, Isidorus, les

« patrices » Eustorgius et Michel, le« prefet »Honoresius,

Des edifices publics, disons que les sources les attribuent a Constantin moins

par souci de les dater que pour dessiner des la fondation constantinienne un espace

politique coherent et complet qui soit celui d'une capitale de l'Empire, et aussi

d'une capitale chretienne a son origine : circonference des remparts, centre symbolisepar la colonne de porphyre sur Ie Forum, quatre rayonnantes principales qui sont

de grandes voies bordees de portiques ( ~ { l 6 0 A O L ) 2, palais imperial, c'est-a-dire siege

de la royaute, senat, Hippodrome remodele a l'image du cirque de Rome par

adjonction d'une loge imperiale et d'un passage permettant la communication

directe avec Ie palais, c'est-a-dire la communication de l'institution populaire avec

l'institution imperiale 3, eglises enfin, Sainte-Irene, Saints-Apotres et quelques autres

anachroniques '. La description n'est complete que lorsque les sources ont fait

ressortir certaines identites avec la topographie romaine 6 : les sept collines de la

ville theodosienne, les quatorze Regions creees par Constantin 6, le Milion de

I'Augousteon, replique du milliaire d'or, qui figure Iedepart detoute route et signifie

que Constantinople, comme Rome, est appelee a devenir Ie centre du monde ";

et lorsqu'elles ont presente la nouvelle ville comme un veritable musee de l'Orient

helleniquef : sont exposes dans les rues et sur les places les statues ou les objets

les plus sacres (1'Apollon pythien, les Muses de l'Helicon, Ie trepied de Delphes ou du

moins la colonne serpentine, le Pan qui rappelait lui aussi la victoire des Grecscontre les Medes ...), non pas, comme l'affirment Eusebe et Sozomene apres lui,

par derision, mais bien pour signifier que la Rome orientale herite de I'hellenisme

ses richesses et ses gloires. « Constantinopolis dedicatur paene omnium urbium

nuditate », note la Chronique de saint Jerome 1.

I . F . HALKIN, Le regne de Constan tin d 'apres l a chron ique inedi te du pseudo-Symeon , Byzantion,

29-30, 1960, pp. 17-18 et 27. Aux chapitres 10 et 16 de ce te xte compos e au x· s iec le, Ie mys ter ieu x

Euphratas apparait bi en comme une so rte d'architecte « en chef» de Constantinople a sa fondation.

Voi r aus si KEDRENOS, Bonn, I , p . 496 e t l a chron ique anonyme edi te e par KIRPICNIKOV (B.Z., 1,1892,p. 309). Un passage du pseudo-Konrxos (58, ed, PREGER, II, pp. 143-144) donne avec Ie nom

d'Euphratas Ie nom des six autres personnes (pourvues de titres plus ou moins anachroniques) qui

aurai en t par ti cipe e ff ec tivement ou par l eu rs conse il s a l a const ruct ion de la v il le ; c et te enumera tion

est placee sous l'autorite, peut-etre f anta is ist e, d'Eutyc hiano s, d'El eusi os, d'Eu tro pios , de Troilos

et d'Hesychios. Euphrat as , c it e a nouveau un peu plus loin (65, ed. PREGER, II, p. 147), est

s ans dou te de to us ces p erso nnages c elu i qui a Ie plus de co nsis ta nce.

2. Pseudo-Komxos, Patria, ed, PREGER, p. 148; R. JANIN, Constantinople byzantine', p. 31.

3. Voir plus bas, p. 306.

4. Voir plus bas, pp. 392-402.5. R. JANIN, Constantinople byzantine', p. 24·

6. Ibid., pp. 4-7 et 46-58.

7. Voir plus bas la representation de Rome dans la Tabula peutingeriana.

8. EUSEBE, Vita Constantini, I II , 54 ; LIBANIOS, Or., XXX, 6, 37 (ed. FOERSTER, III, pp. 90, 107);

SOCRATE, I, 16 (P.G., 67, col. 117); SOZOMENE, II, 5, 4; ZOSIME, I I, 31, I.

On peut, avec D. Lathoud, rapporter a Constantinople la distinctionLe II mai 330

que suggere Ciceron entre la « consecration », qui fait cesser le

caractere profane, et la dedicatio, qui' cree l'appartenance religieuse s : d'un cote

nous avons les rites de fondation de 324, dont Iebut est de donner a la cite un nouveauperimetre et une nouvelle personnalite, de l'autre la ceremonie des e j ' X o c ( v L o c T I j c ;

n 6 A e : w c ; 3 du I I mai 330 (« inauguration» devenue par la suite « anniversaire »

7 ) ' r&v y e : v e : O A LW V 7 ) { l ep o c ) " sur laquelle nous renseigne une tradition a la fois prolixe

et incertaine, et qui lie - si l'on peut traduire ainsi le religiosa de Ciceron - les

destinees de la ville. Elle les lie en effet dans une symbolique dont on trouve quelques

exemples precis : ainsi une chaine cadenassee entoure, au Milion, une croix portee

par les statues de Constantin et d'Helene et lie la Tyche de Constantinople placee

en sonmilieu 6; cette chaine garantit I'integrite de la ville, precise Iepseudo-Kodinos,

et la victoire de l'Empire sur tous les peuples. La cle du cadenas, pour plus de surete,

est enterree sous un pilier du monument.

Cette representation permet de comprendre Iesens profond des rites de dedicace,

mais eIle n'est pas a commenter ici, car elle n'est certainement pas contemporaine

de la fondation. Si l'on excepte les inaugurations profanes, comme celle des bains

de Zeuxippe restaures pour la circonstance, et les festivites populaires de quarante

jours qui suivirent ", les differentes phases de la ceremonie historique des e j ' X o c ( v L o cse rapportent toutes a la statue de Constantin qui surmonte la colonne de porphyre

sur le Forum 7 : on la met en place, on la transforme en un veritable reliquaire,

on honore sa replique en bois a I'Hippodrome. On notera que la colonne, avec

sa statue ou, apres 1105, avec la croix qui la remplaces, reste pendant toute la duree

de l'Empire byzantin lesymbole de lafondation et de la preservation de la ville: les

I. JEROME, Chronique, anno 334.2. CICERON, Pro domo, 48, 125; ci te pa r D , LATHOUD,La cons ecra ti on e t l a dedi cace de Con sta n-

tinople, E.O., 23,1924, pp, 289-290; LYDOS (De mag., II, 30) identif ie la consecratio latine a I'cX7t06iwmgrecque.

3. Pseudo-KoDINOS, 55 (ed . PREGER, II, p. 143)·

4. HESYCHIOS, 42 (ed . PREGER, I, p. 18); ZONARAS, XIII, 3, 5 (Bonn, III, p. 14) : 'Y£VWA

d't 'o1JV t y x o t t V L o t .

5. Pseudo-KoDINOS, 29 (ed. PREGER, II, p. 166). Cf. DIEHL, De que lques c royances byzan tine s

sur la fin de Constantinople, B.Z., 30, 1929-1930, pp. 193-194. Le tex te du pseudo-Kodinos ne perme t

ni de se representer exactement s'il s'agit d'un groupe de statues, ni de savoir dans quelle position

il s e tr ouvai t par r apport a la vout e d u Mi li on.

6. Patria, ed , PREGER, I, p. 57.

7. Su r cet te col onne, cf. R .JANIN , Constantinople byzantine2, pp. 77-80.

8. Miche l GLYKAS, Bonn, p . 617; ZONARAS, XIII , 3 , 26-27 (Bonn, III, p. 18).

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38 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 39

empereurs victorieux y viennent en cortege et entonnent le cantique de Moise1;

dans les visions apocalyptiques de la Vi e d'Andre Salos (xe siecle), la colonne est

ce qui doit emerger de Constantinople engloutie, parce que s'y trouvent conserves

les clous de la Passion, et les survivants y amarreront leurs barques pour pleurer

sur les malheurs de la capitale 2; dans l'imagination populaire, la colonne est l'ultime

sauvegarde : on pensait que, lorsque les Turcs entreraient dans la ville, un ange

descendu du ciel remettrait une epee a un pauvre inconnu au pied de la colonne,

et que les ennemis seraient chasses>. Enfin, apres que Ie dernier empereur byzantin,

ConstantinXI,

eut disparu dans l'assaut de1453,

lalegende

Ie transforme en une

statue invisible dont la reapparition redonnera vie aux reves millenaires d'hege-

monie Imperiale. Au debut et a la fin de Constantinople il y a une statue de

Constantin pour symboliser une « grande idee »,

La statue de 330, elle, est bien reelle ; il n'y a guere de doute sur son identi-

fication dans les textes+, II s'agirait d'une statue d'Apollon a tete radiee provenant

de Phrygie selon Ie Chronikon Paschale, d'IIion precisent Malalas et Zonaras, et

transformee en statue imperiale ". L'otigine n'est pas indifferente si l 'on pense aux

traditions apolliniennes de la dynastie et, en admettant la provenance de Troie, si

l 'on y voit un signe supplementaire de la volonte de Constantin d'unir en lui helle-

nisme et romanite. De reunir sur lui aussi les vertus protectrices des religions paiennes

et chretiennes.

L'empereur tenait dans sa main droite un sceptre (Anne Cornnene) ou plus

vraisemblablement une lance (Kedrenos) qu'un tremblement de terre fit tomber

en 541-5426, et dans la main gauche un globe surmonte d'une victoire ailee (d'unecroix selon Nicephore Calliste) 7. La tradition conserve trois dedicaces qui auraient

ete inscrites au pied de la statue, mais qui sont toutes des inventions tardives :

l'une paienne (« A Constantin qui resplendit comme Helios ») est probablement

inspiree par une phrase d'Hesychioss ; une autre, chretienne (« A toi, Christ Dieu,

je dedie cette ville »), est donnee par Nicephore Calliste et derive sans doute d'une

remarque de la Vita Constantini et de Sozomene 1; la troisieme est plus litteraire,

mais n'est pas plus authentique :

« Tu es, 0Christ, Ie roi et Ie maitre du monde ;

Je te dedie cette vil le, ta servante,

Avec ce sceptre et toute la puissance de Rome.Garde-la, sauve-la de tout dommage »2.

La colonne, en partie conservee, mesurait quelque cinquante metres et reposai

sur une base carree a laquelle on accedait par une serie de gradins; et qui etaimunie d'arcs s'ouvrant sur Ie Forum. Sous l'un de cesarcs, sans doute, setrouvait

une sorte d'oratoire O U se deroulaient chaque annee des processions solennelles

peut-etre un autel situe au-dessus d'un mundus a la mode antique, designant l

region ideale des ames des ancetres". En tout cas la tradition rapporte que fu

enterree sousla base la statue archaique de Pallas appelee Palladium, que Constantin

aurait fait enlever secreternent a Rome', comme symbole d'heureuse destinee

Et sur ce point les sources pourtant les moins critiques, comme Malalas et I

pseudo-Kodinos, expriment un doute qui n'est pas tant d'incredulite que de pessi

misme : l'histoire aurait ete inventee pour donner confiance a une cite obsedeepar I'idee de sa fin 5.

La ceremonie du 11 mai 330, telle qu'on peut la reconstituer d'apres de

passages disperses des Patria, semble s'etre deroulee en deux temps. Vne processio

partie du Philadelphion ou, selon Jean Diakrinomenos, de la Magnaure, se rend

au Forum de Constantin pour placer la statue sur la colonne; prealablement on

I. Cf. R. jANIN, loco cit.

2. Vie d'Andre Salos, 224 (P.G., I I I , col. 868).

3. Cf . DOUKAS, Bo nn, p. 28g-290.

4. Bien que jANIN (op. cit ., p. 79) n 'en parai sse pas conva incu .

5. Chron,Pasch., Bonn, p. 528; MALALAS, Bonn, p. 320; ZONARAS,XIII, 3 , 2 5- 26 (Bonn, III,

p. 18). Mala las pre cis e que de la tete par ta ient sep t r ayons. La men tion d 'I1ion est .peu t: et re ent ra i~ee

par l' association ou la confusion de "D.tOV-~AtOC;; GLYKAS (Bonn, p. 4 64 ) : H eli op ol is de P hrygie ;

KtDRENOS (Bonn , pp. 517-518) di t que l a st at ue vi ent d'Athenes et qu'?lle etait I 'reuvre de Phi~.ias.

6. Anne COMNENE, Alexiade, XII, 4, 5, ed, B. LEIB, III, p. 66; KtDRENOS, Bonn, I, p. 656. L lCO-

nographie montre Ie plus souvent la statue de Constantin avec une A6yx~, cf. plus bas .p., 58. II

faut se souvenir que c'est avec une lance, selon Philostorge, que Constantin trace Ie perimetre deConstantinople.

7. NICEPHORE CALLISTE, VII, 49 (P.G., 145, col. 1325 CD), dont Ie temoignage est suspect. Le

gl obe tombe en 867 a la suite d'un autre tremblement de terre (Lsox LE GRAMMAIRIEN,Bonn,~. 254) .

8 . K(J )I IO"' I "O(vr lv (J )AtXfL1 tOVn 'HALO\) Sber ll l , LEON LE GRAMMAIRIEN, Bonn, p. 87; version un

peu d if fe rente dans KEDRENOS (Bonn , I, p. 5 I 7"518 : tv iii (&.IISpttXII'I"t) yeYPO(1t 'l"O(t 'K(J)VO"'I"O(V'I"LVOC;',

IfAO(fL<jJ~-/jAtO\) Sb<"I)II.. . A. FROLOW (La dedicace de Cons ta nti nopl e dans la t radi ti on byzan ti ne,

Revue del'histoire desreligions, 1 27 , 1 94 4 , pp. 65-68) r emarque que ces deux var iantes parai ssen t p roveni r

d 'une s imple phrase d 'HESYCHIOS (41, ed, PREGER, I, p. 1 7) : KWVO" 'I "O (V ' I"LVOV)PWfL~ S l x" I ) v - / jAL

1tPOAtXfL1tOV'\"o(l"OLC;1tOAt'l"O(LC;.Cf. aus si PREGER, Konstan tin Hel io s, Hermes, 3 6, 19 01, pp. 457-469.

I . SOZOMENE, II, 3, 7; Vita Constantini, III, 48; NICEPHORE CALLISTE, VII, 49 (P.G., 145

col. 1 3 25 ) : ~OL, Xp to " 'I " l: ( ) 6 e: 0c ; , 1 tO ( P o( 'I "W" I) fL tI ) v 1 t6A tV ' l"O (U' \" " I )v .

2 . ~U , X ptO "T e, x60 " fLO \) Xo[pO(VOC;XO((Se:0"1t6 '\ ""1 )C;,~O( VUV1tPOO""l )U~o(T)1 I3e:TI )V 30UA"I)V1 t6AtV,

Ko (L = ' ij 1t T po ( T tX3 e :xO (t TO T ' ii c ; ' P 6 lfL " I)C ;XP tXTOC; I <l>UAo(T't"e:o(U'\""I)V, " w ~ e T ' t x 1 tt XO "" I) C;AtX6"1)c;.Cons-

t an tin I e Rhodien ( x" s ie cl e) , r ep rodu it par KEDRENOS (Bonn , I, pp. 564-565). Cf. Th. REINACH

Commentaire archeologique sur Ie poeme de Constan tin I e Rhodien , R.E.G., 9 , 18 96, pp. 71-74.

3· On a cr u l ongt emps que l 'ora toi re etait situe a I'interieur meme de l a col onne (D . LATHOUD

op. cit., p. 307), mais l es f ouil le s de M. Wet t (en 1929-1930) ont permi s de retablir l a ver it e ( cf . E. DAL

LEGIO d'ALEssIO, Les fouilles archeologiques au pi ed de l a co lonne de Const ant in a Con sta nti nopl e,

E.O., 29, 1930, pp. 339-341; R. DELBRticK, Antike Porphynoerke, Berlin, 1932, p. 140; jANIN, Constan

tinople byzantine2, pp. 77-78). De ce petit oratoire on parle dans Ie De cerimoniis, I, I, 24 (Bonn,

pp. 29-30) en meme t emps que des p roce ss ions annue ll es a la colonne (ibid., I , 1 0, 3, Bonn, I, p. 74-75).

4· PROCOPE, Bell. goth., I, 15; MALALAS, Bonn, p. 320; Chron, Pasch., Bonn , p. 528; HtsYCHIOS

4, ed , PREGER, I, p. 17 ( interpolation du XI" siecle}; pseudo-Konrxos,45 (Patria, ed. PREGER, II, p. 174)

5· Cf. DIEHL, De que lques c royances byzan tine s sur l a f in de Constan tinople, B.Z., 30, 1929- 1930,

pp. 192-196.

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40 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 41

ete introduits dans la statue ou places au sommet de la colonne toutes sortes d'objets

magiques ou de reliques : Jean Diakrinomenos parle notamment de pieces d'or

(mille kentenaria) frappees a l'effigie de Constantin, symbole de prosperite; la traditionchretienne ajoute plus ou moins tardivement des reliques de saints, un fragment de

la vraie croix, les paniers de la multiplication des pains, Ie vase du saint Chreme,

Iemanche de la hache de Noe, la pierre d'ou Moise avait faitjaillir l 'eau, les clous

de la crucifixion 1.. Le patriographe anonyme, qui cite dans Ie cortege un prefer

du nom d'Olbanius, parle aussi des pretres, de chants chretiens, de recitations

de Ky ri e E l ei s on et d'un vceu final: « Assure a cette (ville) la prosperite jusqu'a la

fin des temps, Seigneur! »2. Le ton chretien et les anachronismes institutionnels

mis a part, ily a dans cerecit dela vraisemblance. C'est alors sansdoute que Constan-tinople recut en plus de son nom de « ville de Constantin» son nom hieratique de

& v 6 o u O " o t qui fait pendant a celui de Rome, Flora, s'il n'en est pas tout simplement

la traduction dans nos sources 3.

Le deuxieme temps est la pompa c i rc e ns is , qui eut lieu effectivement le IImai 330,

mais qui surtout est presentee comme Ie modele officiel, edicte par Constantin

lui-memo, des ceremonies qui devront chaque annee commemorer l'anniversaire

de la fondation. Le recit le plus coherent est celui du C hro niko n P as ch ale+ :

« (Constantin) avait fait executer une autre" statue de lui-meme, en bois dore,

qui portait dans sa main droite la Tyche de la ville, elle aussi doree. II prescrivit

que lejour ou sedonneraient a l'Hippodrome lesjeux anniversaires (de la fondation

de la ville), cette meme statue de bois flit introduite, escortee par des soldats portant

la chlamyde et chausses des campagi, avec chacun a la main un cierge blanc, et queIe char qui l'amenait, apres avoir contourne le kempton superieur de l'Hippodrome,

vint seplacer dans le s kamma ( st am a ), en facedu kathisma imperials, et que l'empereur

regnant alors selevat et se prosternat a la vue de la statue de l'empereur Constantinet de la Tyche de la vil le. » On imagine la procession, on devine aussi que la statuede bois est a quelques variantes pres une reproduction plus maniable de la statue

du Forum et done que la ceremonie est purement et simplement une commemo-

ration de la dedicace 1; toutefois bien des points restent obscurs. Quelle est cette

Tyche de la vil le que Constantin porte cette fois dans la main droite? II s'agit

sans doute (nous le verrons plus loin) du globe surmonte de la victoire, comme pour

la statue de bronze, et non pas d'une representation figuree de la ville; en somme

le symbole de sa puissance romaine, non son image de cite. Pourquoi les patrio-

graphes appellent-ils le char sur lequel est transportee la statue de bois : char du

SoleiI2? On retrouve ici la symbolique solaire qui avait fait choisir une statue

d'Apollon pour la transformer en statue irnperiale a tete radiee ; mais l'expressionn'en est pas moins obscure. Et si la p omp a c ir ce ns is est bien attestee par quelques

textes qui la rattachent a Constantin, il semble que la tradition n'enfut pas conserveelongtemps : Julien aurait fait enterrer la statue de bois dore en raison de la croix

qu'eUe portait, affirment les patriographes+, bien qu'aucune croix n'apparaisse

dans les descriptions; plus vraisemblablement, cette ceremonie d'adoration fu

jugee trop paienne et fut supprimee '. Seuls subsisterent les jeux et les distributions

de vivres qui sont encore attestes, en effet, au xe siecle",

Deux problemes sont a evoquer ici, qui ont donne naissance a une abondantelitterature et auxquels il nous parait maintenant assez facile de repondre : la cere

monie dont nous venons d'etudier les differentes phases est-elle paienne ou chre

tienne ? A qui Constantinople est-elle dediee ?

Sur Ie premier point, on a pris l 'habitude de distinguer arbitrairement une

consecration paienne en 324, avec l'intervention hypothetique du neoplatonicien

Sopatros et celIe - anachronique de toute facon - de l'astrologue Valens, et une

dedicace chretienne en 330, avec les processions de pretres que decrivent les Patria,

avec les eglises qui ont ete construites entre-temps dans la capitale; 330 serait une

« prise de possession chretienne de Constantinople »6. Rien n'autorise cette distinc

tion; il est probable que des symboles chretiens etaient presents aux rites de fondation

de 324, il est certain en revanche que les ceremonies de 330 ne furent pas uniquement

des ceremonies chretiennes, Meme si l'on suppose des progres du christianisme che

1. Pour le fragment de la croix: SOCRATE, I, 17 (P.G., 67, col. 120 B); pour les clous de la

Passion: Vied'Andrt Salos,loc,cit.; pour les autres reliques : interpolation a HESYCHIOS,41 (ed. PREGER,

I, p. 17), et le s textes rassernbles par Fnor.ow, op. cit., p. 77, n. I et 2.

2. Patria, ed. PREGER, I, pp. 56-57.3. MALALAS,Bonn, p. 320; Chron, Pasch., Bonn, p. 529; EUSTATHE, Comm.in Dion. Per. (Geogr.

graec.min., II, p. 357). Cf. D . LATHOUD, La co nsecr ati on et la dedicace de Constantinople, E.O., 24,

1925, pp. 180-183. Dans le Code Theodosien on trouve Constantinople designee par l 'expressionfloren-tissima urbs ( C.Th. , V II , 8, 14, de 427; XV, 2, 4, de 389 ?).

4. Chron.Pasch., Bonn, p. 530; voi r aus si : MALALAS,Bonn, p . 322; Patria, ed, PREGER, I, pp. 42,

56; II, pp. 173, 177, 196.5. La premiere etant la statue de bronze du Forum.

6. Voir plus bas, pp. 306-307.

I. C 'est l' opini on de LATHOUD (op. cit.); A. Frol owi nver sement s emble c onclur e que la cer e

monie du Forum a lieu la veille de la pompacircensiset que cett e derniere ceremonie est la veritable

dedicace.

2. Patria, loc. cit.

3. Patria, ed. PREGER, I, p. 42; II, pp. 172-173, 196.

4. Le pseudo-Konrxos attribue cette suppression a « Theodose le grand» (PREGER, II, p. 196)

ma is MALALAs decl are que l a ceremonie a encore lieu de son temps (loc. cit). Voir ce que pensece sujet F. DOLGER dans un compte rendu d'une etude de B. K. STEPHANIDES (B.Z·, 32, 193

pp. 441-442).5. CONSTANTINPORPHYR.OGENETE, De cerim., I, 70 (Bonn, I, pp. 340-349).

6. LATHOUD, op.cit., p. 192. C'e st aus si l 'opinion deJu le s Mauri ce . A. FROLOW (op.cit., pp. 79-85

admet une dedicace paienne, corrigee ensuite par une tradition chretienne,

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42 LA VILLE IMPERIALE FONDA TI ON DE CONSTA NTI NOP LE 4

Constantin entre 324 et 330, ils secombinent avec une permanence des rites solaires

et des symboles patens. Au demeurant, il ne s'agit pas tant de christianisme et de

paganisme que du Constantin paien et du Constantin chretien, car Philostorge

nous avertit 1, au grand scandale de Photius mais en accord avec le passage traduit

plus haut du Ch roni k on P a s ch a l e, que c'est Constantin qu'on adorait, que c'est devant

lui qu'on se prosternait; en lui prennent une unite les rites d'origine religieuse

diverse qui president a la fondation; les reliques chretiennes et les symboles paiens

sont reunis dans sa statue; en lui n'existent pas les oppositions et les exclusives que

l'histoire moderne croit reconnaitre entre les religions : elles ne sont ici que des

garanties cumulees,

C'est ce qui fait aussi que les dedicaces avancees, et qui paraissent contradic-

toires, sont a la fois vraies et fausses. Laissons de cote, evidemment, la dedicace a

la Vierge, qui n'apparait que tardivement et finit par l'emporter dans la tradition

byzantine 2. Eusebe dit que la vil le fut dediee au Dieu des martyrs, et Sozomene

precise : au Christ 3; ce qui est vrai si l'on se refere a la tradition qui presente la

croix du Christ ou Ie chrisme comme le signe de la victoire de Constantin. De

meme on peut dire que Constantinople est dediee a la Tyche de Rome+, si l'on

entend par Ia qu'a travers le geste de Constantin, qui porte dans sa main le globe

et la Victoire, Constantinople se voit promettre, a sa fondation, le benefice de

la Tyche romaine. Mais c'est Constantin qui fait l 'unite de ces destins, comme sa

statue fait I'unite des ceremonies de 3:W, comme sa personne et son nom fixent la

place institutionnelle de la nouvelle ville. Constantinople est dediee a Constantin,

c'est-a-dire, par lui, a l'Empire nouveau qu'il represente deja ou tend a representer :romain, oriental, et bientot chretien,

LA « NOUVELLE ROME»

Si Constantinople n'est pas a proprement parler « dediee a la TychLa Tyche de la viIle» (s'exprimer ainsi, c 'est d'abord commettre une petition dde l a v il le

principe, comme le fait remarquer D. Lathoud) 1, il n'en reste pas moin

que la« Tyche» - dans un senstantot precis, tantot vague - intervient frequemmen

dans les sources a propos de la fondation de la vilIe, et que cette notion confuse pos

un problerne complexe.Pour tenter de le resoudre nous distinguerons quatre emplois differents de c

mot :

I. Sont designes comme Tyche deux modeles iconographiques qui figuren

notamment sur les monnaies, dont l'un est appele par les numismates Tyche d

Rome (une Minerve casquee) et l'autre« Tyche de Constantinople» (une femm

coiffee d'une couronne tourelee, tenant une corne d'abondance et posant le pie

sur la proue d'un navire) 2. Aucun doute que le premier type symbolise la puissanc

romaine ou la deesse Roma, et que le second soit une figuration a la mode hell

nistique de la cite Constantinople; mais on ne doit pas parler d'une« double Tyche

dans la mesure ou, sous Ie regne de Constantin, ces deux images n'apparaissent

jamais simultanement sur les memes pieces. On ne peut pas non plus parler d

« deux Tyche » distinctes dans la mesure ou toutes les deux, selon les emissionpeuvent il lustrer une piece de Constantinople aussi bien que de Rome : ainsi

M i ne rv e c a sq u ee , tenant la haste et le globe surmonte de la victoire, qui estrepresentesur les emissions de Constantinople avec la legende G l or ia R oman o rum . Disons qu

nous avons d'une part une Tyche romaine, et d'autre part une representation

symbolique de Constantinople qui est deja traditionnelle au IVe siecle, et qui

reste longtemps encore, puisque Zonaras" decrit une statue de ce type sousAnastas

et les vertus que l'opinion pub Iique lui prete, et que le pseudo-Kodinos nous par

lui aussi d'une statue en bronze de la Tyche de la vil le ! l - E ' T O C ! l - O a [ o u , situee sur u

arc oriental du Forum de Constantin 4.

I. PHILOSTORGE,II, 17 (ed. BIDEz, p. 28) : sacrifices et prieres a la statue de Constantin; THEO-

DORET ( H is t . e c cl ., I, 17, ed, PARMENTIER,p. 90) suggere la merne chose: MALALAS(Bonn, p. 320)

et apres lui Ie Chron .Pa sc h . (Bonn, p. 528) parlent de« sacri fices non sanglants», ce qui a ete interprete

comme signifiant simplement« liturgie », messe (hypothese de LIETZMANNrefutee par FROLOW, op. c i t . ,

pp. 79, 83)·

2. Cf. Le Grand Canon d'Andre de Crete, l'Akathiste (premiere strophe), I e Typikon de

Patmos, etc. Cette tradition d'une dedicace a l a Vierge prend un aspect histor ique dans Ie Synaxaire

de Constantinople (a la date du I I mai); a partir du XI"siecle, Ie theme est partout repris; ZONARAS,Bonn, III, p. 14 ... Voir a ce sujet FROLOW, o p . c it ., pp. 69-71.

3 · V it a C o ns ta nt in i, I II , 48; SOZOMENE, II , 3, 7.

4. C'est la these de STRZYGOWSKl(Die Tyche von Konstantinopel, Ana l ec t a gr a eci en s ia , Graz,

1893 , pp. 151 sq. ) qui reprend les conclusions de Burkhardt et de Mommsen (cf .J. MAURICE, Numis-ma t iqu e c on s ta n t in i en ne , II, p. 491; R. JANIN, Constan tinople byzantine» , p. 26) .

1. Op . c it ., p. 183.

2. Cf. J. MAURICE, Numi sma ti qu e c on s ta n t in i en ne , I I, pp. 488-489, 491; M R. Ar.FOLDI ,Konsta

t in ische Goldpri igung, pp. 104-106. Sur I'apparition simultanee des deux Tyche, voir plus bas, p. 5

3. ZONARAS,XIV, 4, 12-19 (Bonn, I II , pp. 141-142). Ce passage precise simplement que

statue existai t au temps de l 'empereur Anastase, qu'elle etait en bronze, qu'elle avait.un pied po

sur un bateau. La descr ipt ion evoque evidemment Ie type iconographique figurant sur les monnaieset ce type lui -rnerne est rapproche avec raison par TOYNBEE(Roma and Constant inopolis in Lat

Antique Art, J.R.S., 37, 1947, p. 136) de celui de Rhea-Cybele, traditionnellement tourelee elle aus

Cette f igurat ion de Constant inople der iverait done de la Rhea ant ique qui semble avoir ete la dees

tutelaire de Byzance; voir ci-dessous.

4. Patria, ed , PREGER, II, p. 205, I. 5.

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44 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 4

2 . 11y a aussi le - r u X C X L O V ancien de Byzance, qui, selon Hesychios ', serait Ie

« temple» de Rhea avec sa statue, edifiee par Byzas lui-meme sur la place dite

-rij~ ( 3 C X G L A L X 1 j ~ . On pense evidemment au temple de Rhea dont Zosime nous dit

que Constantin Ie « construisit » et y adjoignit un autre « temple» contenant la

statue de la Tyche de Rome", Zosime place cette double construction sur la place

du Tetrastoon, l'ancien centre de la Byzance severienne ".

3. Et il existait bien dans la Basilique une statue honoree comme la Tyche

de la ville, qui etait une Tyche romaine d'un type comparable a la Minerve des

monnaies. Le pseudo-Kodinos precise que Constantin l'avait fait venir de Rome';

on connait une epigramme qui etait inscrite sur un cote de la Basilique", et qui

felicitait un certain Theodore « d'avoir orne d'une si grande merveille (?) le templede la Tyche aux belles colonnes, et d'avoir offert des dons splendides a la Romeau bouclier d'or qui l'avait fait consul" et trois fois prefet »; c'est evidemment

dans ce « temple» de la Tyche de la ville de Constantin que Julien, dans le recit

de Socrate, va offrir des sacrifices publics 7.

4. La symbolique se precise encore si l'on examine les textes qui concernent

la fondation de la ville par Constantin. Malalas 8 : « La Tyche de cette ville qu'il

avait reriovee et a qui il avait donne son nom, apres un sacrifice non sanglant,

ill'appela Anthousa », ce qui revient a dire qu'il donne a la Tyche de Constantinoplele nom de celIe de Rome, Flora . A la fin des ceremonies qui marquent la conse-

cration de la statue de Constantin sur le Forum, les Patria nous disent que des

hymnes sont chantes et que tout le monde se prosterne devant la statue comme

devant la Tyche de la ville". La statue de bois de la p ompa c ir ce n si s porte dans samain droite la Tyche de la ville10. 11nous parait que I'element commun de toutes

ces designations est le globe surmonte de la victoire que porte Minerve sur le

monnaies G l or ia R oman o rum , Constantin lui-meme sur la colonne du Forum e

probablement sa statue de I'Hippodrome '.

Ainsi Constantinople n'a qu'une Tyche (le Tychaion d'Hesychios etant u

souvenir archaique et la Tyche de Zonaras une figuration symbolique de la cite)

et cette Tyche est la promesse d'une domination mondiale, commune avec Rome

recue par l'Intermediaire de l'empereur eponyme. L'examen des sources litteraire

apporte une confirmation : Constance II recormait a Constantinople une 't"U

romaine en meme temps qu'une ocpe:'t"'f)ellenique et insiste sur l'union de ces deu

caracteres qui fait I'originalite de la ville de Constantin 2; dans la rhetorique d

IVe siecle ce theme est abondamment exploite, et sa signification politique e

claire, meme s'il n'est pas precise que la 't"UXYJst romaine (ce qui va de soi) e

que l'ocpe:'t"'f)st hellenique (ce qui est egalement evident) 3; plus tard, enfin, Lydo

reproche a Constantin d'avoir abandonne la 't"UXYJn quittant Rome, et a secontemporains d'avoir perdu la 't"UXYJes institutions romaines en renoncant

I'usage du latin au profit de la langue grecque '. On voit sans peine de quel sens I

mot est charge, et on comprend ce que Constantin chercha a realiser par tous lemoyens de la magie et de la religion : une extension, sinon deja un transfert ,

Constantinople de la Tyche romaine.

I.HESYCHIOS, 15 ( e d . PREGER, I, p. 6 ) . . . . 'P E e x~ I L€ V x ex 'r & ' 'r ov T Ij~ ~ ex (r LA L X 'i j ~ A t: y6 IL & V OV

' r6 7 to v V e : 6l 11 'r e : X e x l C i ye x A IL e xx e x{ h 8p u cr ex 'r o , I lm : p X e x l T U X e x L oV ' ro t: ~ 7 t O A (' re x L ~ ' re :'r (I L 1 )'r e xL .

2 . ZOSIME, I I, 31 (ed . MENDELSSOHN,pp. 88-89 ).

3. cr. R. JANIN (Constantinople byzantine2, p. 157), qui semble admettre l'identification, mais

r est e i ncer ta in sur Ie probleme de la Tyche (ibid., pp. 14 et 25).

4. Patria, ed. PREGER, II, p. 257 .

5. Anthologie grecque, IX, 697 (ed, BECKBY, III, p. 412) :

( e : t ~ h e :p o v I L E PO ~ 'r 'i j~ e x uT I j~ ~ e xc r LA L X ' ij ~)

" E 7t p e: 7 tE c o r, 0 e: 6 8w p e : , T U X1 )~ & u x [o ve x V 1) O V

~ p y o u x o c rI L 1 ) c re x L 6 e x u I L e x 'r L ' ro c r cr e x 'r ( o u

8 w p eX ' re : x u 8 1) e: v 'r ex 7 t O pe :t :v x p u cr eX c r m 8 L 'P 6 lI L 71

1 \ c r ' \ )7 te x 'r o v ' re :u ~ e: v , x e xl 'r P L cr E 7t ex p X O V O p E f.

Nous sommes tres pres de la notion d'une seconde ou d'une nouvelle Rome

Y eut-il, au temps de Constantin, quelque chose de plus? C'est ce qu'affirme u

passage de l'historien Socrate " : « La vil le qui autrefois s'appelait Byzanc

(Constantin) la developpa, la ceignit de grandes murailles, l'orna de divers monu

ments; l'ayant mise a egalite avec Rome, la ville regnante, et lui ayant donne lnouveau nom de Constantinople, il prescrivit par une loi qu'elle s'appellerait

« deuxieme Rome ». Cette loi fut gravee sur une stele de pierre et Constantin l

fit placer, lors d'une ceremonie publique, sur la place du Strategion a cote de sstatue equestre. » Aucune autre source ne nous fait connaitre cet acte Iegislatif, e

il y a de fortes raisons de penser que Socrate confond plusieurs choses : Ie nom d

Anthousa donne a Constantinople et derive de Flora-Roma, la ceremonie d'inaugu-

ration de 330, peut-etre une inscription placee au Strategion qui aurait appel

Constantinople « deuxieme Rome », Plusieurs documents, en tout cas, prouven

6. En 399.

7. SOCRATE, III, 2 (P.G., 67, co! . 409); cr. a ussi JULIEN, epi tr e 172 ( 7 tp O ~ 8 'i j IL o v e : U < j l1 ) I L 1 )c r e xV ' r 1X -

tv 'r 0 T u X ex (c :» ; Souda, s . v . Mares; NICEPHORE CALLISTE, X, 20 (P.G., 146 , co! . 496 ).

8. MALALAS, Bon n, p. 32 0; Chron. Pasch., Bonn, p. 528.

g. Patria, ed, PREOER, I, 56 'E v o t ~ tv ' r0 « l> 6 p c: > ' rL 6 e :t :c re x (T ) c r -r 1 )A 1 ) } x e xl 7 t6 M e x ~ . .. u I L vw 8 l cx c ;

8 e : ~ e x I L t v 1 ) e : t ~ - rU X 1 ) V T I j~ 7 t6 A e :W ~ 7 t po c re :x u v1 ) 61 ) 7 te x p& . 7 te X v -r w v ; II, p. 177·

10. MALALAS, Bonn , p. 322.

I. Restent quelques descriptions diffici les a i nt erpret er ; a in si c et te Tyche de la ville « au milieu

de la croix» portee par Constantin et Helene (voir plus haut).2. Lettre de Constance au Stnat , 21 a (Themisti i orationes, ed , DINDORF, p. 24).

3. Par ex emp le HIMERIOS, Or., XLI, 3 (ed, COLONNA, p . 170); pl us nett ement encor e, THE

MISTIOS, Disc., III, 42 a-b.

4 . LYDos , De mag., II, 10; 12.

5· SOCRATE, I , 16 (P.G., 6 7, co!. 11 6 C); HtsYCHIOS, 39, 00 . PREOER, I, p. 17.

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46 LA VILLE IMPERIALE FONDATION DE CONSTANTINOPLE 47

qu'il y eut des le debut assimilation rhetorique, portee ensuite sur le plan institu-

tionnel, de Constantinople a Rome : en 324, Alexandre recevrait deja le titre

d' « eveque de la nouvelle Rome» 1; un poeme officiel adresse a Constantin par

Optatianus Porphyrius en 325-326 (avant l'assassinat de Crispus) designe Constan-

tinople comme altera Roma 2; dans des textes plus tardifs, mais beaucoup plus expli-

cites, Libanios appelle Constantin « 0 - r 1 i ' Pw ! L ll o ! L W V \ )! L ov e y e: L pc x £; n 6)..L 'J - celui

qui crea une ville portant le meme nom que Rome »3 et Themistios dit que

Constantinople « participe au nom de Rome» 4; enfin Sozornene, dans un passage

qui ne depend pas de Socrate, affirrne qu'en 381 Constantinople possedait depuis

deja longtemps le nom ( n p o O ' 1 ) y o p ( c x ) de nouvelle Rome 5. Nous entrons dans la

tradition que resume Balsamon en commentaire du 3e canon du concile de

Constantinople : « Constantin Ie Grand transfera (a Byzance) Ie sceptre de la

royaute des Romains, donna a la vil le Ie nom de Constantinople et de nouvelle

Rome, en fit la reine de toutes les cites» 6.

D'une precision moindre que celle de Socrate, toutes les sources donnent le

meme echo: « Constantin a concu une vil le a l' image de Rome» 7, il a voulu que

Constantinople« ait merne pouvoir que Rome et partage avec Rome la direction

de l'Empire »8; des intentions on passe aux mesures Iegislatives qui fonderent cette

egalite et qui, toutes, sont rattachees au regne de Constantin. II y a anticipation,

il n'y a pas erreur dinterpretation. On brusque un siecle entier d'histoire afin

de resumer la fondation dans les limites chronologiques qui sont celles du fondateur,

et de la saisir ainsi dans une coherence plus profonde. D'un coup, tout est donne

a Constantinople : ses dimensions, son statut, son Empire. Le choix de Byzance

en 324, l'inauguration de 330, les etapes d'une lente promotion au rang de capitale

dont l'aboutissement sera Ie 28e canon du concile de Chalcedoine en 451, tout cela

trouve place dans un seul chapitre de Sozomene X , et, plus naivement, dans une

seule phrase, aussi pleine d'erreurs que de sens, de la Chronique de Malalas>. On

peut enoncer comme une regle que tout cequi est considere dans nos sources comme

indispensable a la constitution d'une capitale romaine est mis au compte de

Constantin, et que tout ce qui est detail ou simple developpement historique es

laisse a sa place chronologique dans l'histoire de Constantinople. Par ce biais

nous pouvons nous faire une idee precise, sinon du premier visage de la nouvelle

ville constantinienne, du moins de la maniere dont les ecrivains des Ve_VIe siecle

voyaient la grande capitale romaine de l'Orient.Constantinople devient une nouvelle

Rome de trois manieres 3 :

I.En echappant a la juridiction provinciale et en devenant, en merne temps

que siege de l'empereur, centre de l'Empire.

I.En heritant de Rome, avec ses droits et son nom, les institutions qui la

caracterisent : Ie senat, les denies, un prefet+,

III. En devenant une ville de proportion gigantesque, qui pourtant ne suffi

pas a une population en perpetuel accroissement, et O U le principal probleme

est de nourrir les hommes; en devenant, sans ressources propres, la ville la plus

riche du monde romain, le creuset d'une civil isation du luxe et de la pauvrete.

I. E. SCHWARTZ, Gesammelte Schriften, III (Zur Geschichte des Athanasius), p. 136 : Nachrichien

v. d. ksnigl, Gesellschaft d. Wissenschaften zu Gsuingen, Phi l. -h is t. Kla sse, 1905, p . 272 . Parmi l es documen ts

int er es sant l a c ri se a ri enne avant 325 , Schwart z e tudie e t edi te cet &.v ·r£ypcxq :>ovd re sse par l es eveques

du synode d'Antioche a Alexa ndre, « eveq ue de l a nouve ll e Rome» ( int it ule ou sus cri pti on), con nu

seulement par une version syriaque et dont la traduction en grec est de Schwartz lui-meme. On ne

peut, d'apres ce seul do cument, af fi rmer que Const ant inopl e po rte l e nom de Nouve ll e Rome des 324-

(ainsi que fait A. H. M. JONES, Later Roman Empire, p. 83 et n. 13).

2. Publii Optatiani Porphyrii Carmina, ed. L. MULLER, IV, v . 5 -6 , p . 7 :« . .. v idea tque coruscosfPont i

nob il it as , a lt er a Roma, duces . » L'ensemble des poesi es d 'Optat ianus Porphyr iu s, don t I 'authent ic it e

n'a pas ete, a not re connai ssa nce, cont est ee, a ete compos e pour les vicennalia, peu de temps avant

l 'ass ass inat de Cri spus. Le ti tr e de Nouve ll e Rome ex ist e done a vant 330 da ns la r heto riq ue offi ci ell e;

c f. A. ALFOLDI , The Conversion of Constantine, pp. 97-98 et n. 5.

3. LIBANIOS, Or., XX, 24 (ed, FOERSTER, I I, p . 432 ).

4. THEM1STIOS, D is c. II I, 42 a-b ; XIV, 184 a.

5· SOZOMENE, VII, 9, 3 (ed. BIDEZ, p. 312).

6 . BALsAMoN, I n ca n. 3 cone . Const ant inop. I I, P.G., 137, col . 321. Nous examino ns pl us loi nle probleme de la designation de Constantinople comme « deuxieme » ou « nouvelle Rome ».

7. MALALAS, Bonn, p. 320 (xcx6' o[LOL6n)'t"cx);Patria, ed . PREGER, II, p. 145 (xcx't"cXL([L1)cnvT7je;

'P6>[L1)e;) ; LIBANIOS, Or. , XVIII , 13 (ed. FOERSTER, II, p. 242: 1tpOe;t"l]V'P6>[L1)Ve:tXCXO"[LEV1)t6A~e;;

LYDOS, De mag., II, 30.

8. SOZOMENE, II, 3, 6.

I. Ibid., II, 3; avec un interessant resume (VII, 9, 3) pour justifier, a propos du concile de

Constantinople de 381, le titre de « nouvelle Rome» (canon 3).

2. MALALAS, Bonn, P: 323 : '0a€ cxu't"oe;KWVO"'t"CXV't"LVOe;£[Le~VEcxO"~AeuwvvKwvO"'t"cxv't"Lvou1t6A

&.cpEA6[Levoe;xu't"l]v&'1tOTYie;Eup6>1t1)e; ~1tCXpx[cxe;&'1tOHpCXXAdcxe;t"lie;[L1)'t"p01t6AEWe;xu't"'1je;,oue; cxuT

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3. Nous reduisons ici a le urs el eme nts ess enti el s les pas sages prec edemmen t ci tes de Socr ate ,

Sozornene , Zos ime e t Malal as .

4· Cf. SOZOMENE, VII, 9, 3·