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dans La Guerre des boutons de Louis Pergaud et Max et Lili ont volé

des bonbons de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 2

TABLE DES MATIERES

1. Introduction .................................................................................................................................. 3

1.1. Contextualisation ........................................................................................................................... 3

1.2. Pertinence du sujet de recherche .............................................................................................. 3

2. Étude ............................................................................................................................................. 4

2.1. Théorisation des actes de langage ............................................................................................ 4

2.1.1. Cadre théorique et définition ................................................................................................... 4

2.1.2. Les quatre types d’actes de langage ..................................................................................... 4

2.1.3. Règles de réalisation des actes illocutoires ........................................................................... 6

2.1.4. Les actes illocutoires indirects ................................................................................................. 6

2.1.5. Typologies des actes de langage illocutoires....................................................................... 7

2.1.5.1. Typologie de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985) ................................. 7

2.1.6. Quand dire c’est faire plusieurs choses ................................................................................. 8

2.2. Analyse de corpus ........................................................................................................................ 9

2.2.1. Les actes illocutoires dans Max et Lili ont volé des bonbons et La Guerre des

boutons ................................................................................................................................................. 9

2.2.1.1. Les actes assertifs directs ..................................................................................................... 10

2.2.1.2. Les actes assertifs indirects .................................................................................................. 11

2.2.1.3. Les actes directifs direct ...................................................................................................... 12

2.2.1.4. Les actes directifs indirects ................................................................................................. 13

2.2.1.5. Tentatives relativement modestes et relativement ardentes ....................................... 14

2.2.1.6. Les actes expressifs directs ................................................................................................. 15

2.2.1.6. Les actes promissifs directs................................................................................................. 16

3. Conclusion .................................................................................................................................. 17

3.1. Principaux résultats de l’analyse............................................................................................... 17

3.1.1. L’usage privilégié des actes illocutoires directs .................................................................. 17

3.1.2. L’usage privilégié des actes illocutoires non marqués ..................................................... 18

3.2. Difficultés rencontrées ............................................................................................................... 18

4. Bibliographie .............................................................................................................................. 19

4.1. Ressources théoriques ............................................................................................................... 19

4.1.1. Ouvrages ................................................................................................................................... 19

4.1.2. Articles ....................................................................................................................................... 19

4.2. Corpus de textes ........................................................................................................................ 19

4.2.1. Ouvrages ................................................................................................................................... 19

5. Déclarations sur l’honneur ..................................................................................................... 20

5.1. Wendy Aubry .............................................................................................................................. 20

5.2. Giulia Fleury ................................................................................................................................. 21

5.3. Lauranne Schlüchter ................................................................................................................. 22

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 3

1. Introduction

1.1. Contextualisation

Dans notre quotidien, nous mobilisons toutes et tous la parole dans le but de communiquer les

uns avec les autres. Nous avons pour usage de définir cette parole sur la base de son action

descriptive. Autrement dit, la parole sert à dire ce que l’on souhaite exprimer. Toutefois, cette

définition de la parole est incomplète. En effet, « […] dire, c’est sans doute transmettre à autrui

certaines informations sur l’objet dont on parle, mais c’est aussi faire […]» (Kerbrat-

Orecchioni 2008 : 1). Ainsi, nous pouvons compléter notre définition en précisant qu’au-delà

de simplement dire, « la parole elle-même est une forme d’action » (Kerbrat-Orecchioni

2008 :1).

L’idée selon laquelle la parole ne sert pas uniquement à dire n’est certes pas nouvelle à l’orée

du 20ème siècle puisqu’elle fut illustrée dans le passé, notamment par le courant rhétorique

(exploitant le discours dans la visée de convaincre un auditoire). Mais ce sera bien plus tard

que l’étude de la parole cèdera une place prépondérante au contexte en associant une dimension

pragmatique au langage. (Kerbrat-Orecchioni 2008 :1-2)

C’est sur la base de celle-ci que se développeront les théories sur les actes de langage dont le

philosophe analytique J. L. Austin en est reconnu le précurseur par son ouvrage How to do

things with words paru en 1962. Cet ouvrage fondateur sera suivi de près par celui de John R.

Searle intitulé Speech acts et paru en 1969. La voie amorcée par Austin et Searle inspira, et

continue d’inspirer, multiples chercheurs et études.

1.2. Pertinence du sujet de recherche

En ce qui nous concerne, nous avions pour intérêt d’étudier et de déterminer la nature, la

fréquence ainsi que la portée des actes de langage produits par les enfants au sein de leur

discours. Nous nous sommes ainsi majoritairement inspirées de l’ouvrage de Josie Bernicot

(1992), Les actes de langage chez l’enfant, lequel défend l’idée que les enfants vont bien au-

delà du simple apprentissage de la grammaire dans leur initiation à la parole.

En effet, la réalisation d’actes de langage, comme donner un ordre, exprimer la peur ou encore

faire une promesse, apparait très tôt dans l’apprentissage langagier des enfants. Il est essentiel

de noter que ce dernier prend en charge le rôle prépondérant du contexte, autrement dit du

choix d’un énoncé en fonction de la situation sociale en vigueur. Parce qu’il est confronté à des

situations diverses et nombreuses en termes d’interlocuteurs, de lieux et de thèmes de

conversation, « Cette variation des énoncés en fonction de la situation est vitale pour l'insertion

sociale de l'enfant […] » (Bernicot 1992 : 18).

Bien que ce type de variations soit observable dans le discours effectif d’enfants, leur

regroupement au sein d’un corpus n’est pas aisé à se procurer. C’est donc à travers, non pas la

production effective, mais la mise en scène (par des adultes) d’énoncés d’enfants dans nos deux

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 4

corpus, que nous observerons la manière dont ceux-ci produisent des actes de langage dans

leurs énoncés. Sur la base de ces corpus et d’une théorisation préalable sur les actes de langage,

nous découvrirons que la production implicite de ces actes émerge d’abord d’un processus

culturel d’apprentissage des règles qui régissent le langage.

2. Étude

2.1. Théorisation des actes de langage

2.1.1. Cadre théorique et définition

Distinguer la forme du message du contenu réellement transmis, autrement dit différencier ce

qui est dit de l’effective signification qui en découle, représente l’objectif majeur des études

sur les actes de langage. Cette distinction s’avère impossible sans une prise en compte de

l’essentialité de la situation de communication qui nous ouvre la porte sur une approche

pragmatique du langage. Car c’est bien au cœur de celle-ci que la théorie sur les actes de

langage prend source. (Bernicot 1992 : 57)

Mais qu’est-ce exactement qu’un acte de langage ? Searle, successeur d’Austin dans le

développement des théories à ce sujet dira que « […] la production ou l’émission d’une

occurrence de phrase dans certaines conditions, est un acte de langage, et les actes de langage

[…] sont les unités minimales de base de la communication linguistique. » (Searle 1972 : 52)

2.1.2. Les quatre types d’actes de langage

« Quand dire c’est faire » : le leitmotiv d’Austin (1962) réunit sous le nombre de trois les types

d’actes en vigueur dans la production d’un énoncé. Il nomme ainsi un acte locutoire, un acte

illocutoire, et un acte perlocutoire. Searle (1969) enrichira plus tard cette différenciation par

l’ajout de la question du contenu propositionnel. Dès lors, la réalisation d’un énoncé ne compte

plus trois, mais quatre types d’actes de langage, à savoir un acte d’énonciation, un acte

propositionnel – tous deux constituant l’acte locutoire définit par Austin (1962) – un acte

illocutoire, et un acte perlocutoire. Définissons ces actes de manière plus précise.

Acte d’énonciation

Premièrement, l’acte d’énonciation réside dans la production, dénuée de tout contexte, de mots,

de morphèmes et de phrases par un locuteur. Searle dit des actes d’énonciation qu’ils « […]

supposent simplement que l’on énonce une suite de mots » (Searle 1972 : 62).

Acte propositionnel et acte illocutoire

De leur côté, les actes propositionnel et illocutoire requièrent une composante supplémentaire,

explicitée de la sorte par Searle un peu plus loin : « […] il est essentiel pour les actes

illocutionnaires et propositionnels, que les mots soient prononcés à l’intérieur de phrases, dans

certaines situations, sous certaines conditions, et avec certaines intentions ; […] » (1972 : 62).

Nous retiendrons ainsi comme première information au sujet de ces deux actes qu’ils sont

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 5

étudiés en contexte. Plus concrètement, l’acte propositionnel témoigne de l’existence des

propos tenus par le locuteur en rapport à un certain objet. De son côté, l’acte illocutoire, qui

nous intéressera davantage dans le présent dossier, est défini par « l’acte social posé

intentionnellement par le locuteur lors de la production de l’énoncé » (Bernicot 1992 : 58-61).

Cet acte social peut être de plusieurs natures, comme exprimer un sentiment, suggérer,

conseiller ou ordonner quelque chose à quelqu’un, etc. Searle dit des actes illocutoires qu’ils

permettent de « […] réaliser ce que nous voulons en amenant notre interlocuteur à reconnaître

ce que nous cherchons à faire. » (1972 : 88).

Pour clarifier cette distinction entre l’acte propositionnel et l’acte illocutoire, appuyons-nous

encore sur les observations de Searle. Ce dernier définit la formule générale de l’acte illocutoire

sous la forme F (p). La variable « F » y illustre la force illocutoire et la variable « p » le contenu

propositionnel. Il s’agit donc d’observer les marqueurs de force illocutoire F de même que les

marqueurs de contenu propositionnel p pour analyser une production linguistique. Illustrons

ceci par un exemple. Dans un énoncé de type « je t’ordonne de venir », nous distinguerons ainsi

la force illocutoire F « je t’ordonne » du contenu propositionnel p « de venir ». (Bernicot 1992

: 58 – 61) Néanmoins, certains actes illocutoires ne contiennent pas de force illocutoire

explicite et demandent donc une analyse un peu plus fine comme nous le verrons dans l’analyse

de corpus.

Acte perlocutoire

Enfin, les trois actes précédents sont complétés par l’acte perlocutoire. Celui-ci caractérise

«[…] les conséquences, les effets que de tels actes ont sur les actions, les pensées ou les

croyances, etc. des auditeurs. » (Searle 1972 : 62). Ces derniers peuvent dès lors être déçus,

heureux, surpris, ou soulagés, pour ne nommer que quelques effets, à la suite de l’énoncé

produit par un locuteur.

La manière d’analyser ces actes est double. On peut en effet les traiter de manière isolée, ou

comme faisant partie d’une séquence d’actes. Au sein d’une conversation, les actes en séquence

constituent l’apport de plusieurs interlocuteurs et donc de plusieurs tours de parole, ce qui

engendre un objet d’analyse très riche (Bernicot 1992 : 58 – 61). Dans notre corpus d’étude,

nous verrons par exemple que le livre Max et Lili est constitué presque essentiellement de

dialogues qui se succèdent, ce qui nous permet d’avoir affaire à beaucoup d’énoncés

interprétables.

À l’inverse d’Austin et de Searle qui estiment préférable d’analyser les actes illocutoires à l’état

isolé, Bernicot considère plus judicieux d’observer quelques tours de paroles précédant celui

qui constitue notre objet d’étude, ceci afin de « déterminer la valeur même de l’acte illocutoire»

(1992 : 58-61). De manière générale, nous nous rangeons de son côté. Cependant, sur la base

de cette pluralité d’interprétation des énoncés pris en séquence, nous préférerons une étude

isolée des actes illocutoires, ceci par soucis d’être claires et concises.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 6

2.1.3. Règles de réalisation des actes illocutoires

Un des principes fondateurs de la théorie des actes de langage c’est d’affirmer que : « parler

c’est être engagé dans un comportement régi par des règles » (Bernicot 1992 : 61). Au niveau

de l’acquisition du langage, cela implique, comme nous l’avons déjà mentionné, que l’enfant,

lorsqu’il va produire et interpréter le langage, ne prendra pas en considération simplement la

communication verbale, mais devra également considérer l’ensemble des règles sociales qui

régissent le discours. Autrement-dit l’enfant devra être sensible aux règles, aux conventions et

aux connaissances partagées du langage et adopter un comportement linguistique en adéquation

avec elles. Searle justifie cette théorie de la manière suivante : « la signification d’une phrase

est déterminée par des règles qui en spécifient à la fois les conditions d’utilisation et la valeur

illocutoire. Dire quelque chose en ayant l’intention de signifier, comporte l’intention d’amener

l’auditeur à reconnaître ce que l’on fait, notre intention de le faire et cela parce qu’il connaît

les règles qui s’appliquent à la phrase ». (Bernicot 1992 : 61).

Searle met ainsi en avant quatre types de règles qui, selon lui, sont nécessaires à la réalisation

d’un acte illocutoire : la présence d’un contenu propositionnel (l’action à venir), préliminaire

(l’auditeur est en mesure d’effectuer l’action et le locuteur pense que c’est le cas), de sincérité

(le locuteur désire réellement que l’auditeur effectue l’action) et essentielle (la demande revient

à essayer d’amener l’auditeur à effectuer l’action). Pour Searle, le non-respect de l’une de ces

quatre règles conduit à l’absence de réalisation de l’acte illocutoire. (Bernicot 1992 : 61 – 62)

2.1.4. Les actes illocutoires indirects

De manière générale, les actes illocutoires peuvent se présenter sous une forme directe ou

indirecte au sein de la théorie du langage. Dans le cas d’une situation d’énonciation où un

locuteur L produit l’énoncé « Viens à table » il produit un acte illocutoire (de type directif)

direct puisqu’il donne un ordre de manière directe. Si maintenant L produit l’énoncé « Les

pâtes sont cuites » à l’intention de son auditeur, on qualifie d’indirect l’acte illocutoire produit.

Par leurs similarités avec certains phénomènes linguistiques comme l’allusion, l’insinuation,

l’ironie et la métaphore, ces actes illocutoires indirects semblent particulièrement intéressants

à étudier (Bernicot 1992 : 61 – 62). En effet, comme le dit Bernicot, « ils sont le lieu idéal pour

opérationnaliser la différence entre ce qui est signifié et ce qui est dit » (1992 : 63).

Dans la vie de tous les jours, il nous arrive régulièrement de dire quelque chose en voulant le

dire, mais en disant aussi autre chose. En reprenant le célèbre énoncé : « Peux-tu me donner le

sel ? », nous remarquons en effet que ce dernier ne doit pas être compris comme une question

mais comme une demande (Bernicot 1992 : 61 – 62). Pour la saisir, le destinataire doit mettre

en œuvre une stratégie inférentielle qui consiste, comme nous le dit Bernicot, à « établir

d’abord que le but illocutoire primaire diverge du but littéral et ensuite à établir ce but

illocutoire primaire » (1992 : 64). En d’autres termes, la stratégie inférentielle proposée par

Searle et reprise par Bernicot permet au destinataire de passer d’un acte secondaire littéral (la

question) à un acte illocutoire primaire non littéral (la demande).

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 7

Il s’agit premièrement d’interpréter l’énoncé de façon littérale, puis de déterminer inadéquate

cette interprétation dans le contexte de production de l’énoncé, et enfin d’en déduire une autre

interprétation compatible avec le contexte. (Bernicot 1992 : 64)

2.1.5. Typologies des actes de langage illocutoires

Comme l’explicite Bernicot « Dès lors que l’on admet qu’en produisant un énoncé on

accomplit un acte social, il est nécessaire de s’interroger sur le type d’actes sociaux que l’on

peut réaliser » (1992 : 64). Dans cette optique Searle a élaboré une classification visant à

décrire l’ensemble des usages du langage, laquelle distingue les actes illocutoires par trois

critères. Ces trois critères se réfèrent 1) à la différence de but ou de propos de l’acte illocutoire,

2) à la différence de direction d’ajustement entre mots et monde (rendre les mots conformes au

monde — par exemple dans le cas d’un constat — ou inversement — par exemple dans le cas

d’une demande), 3) ainsi qu’à la différence d’état psychologique exprimé (intention, désir,

regret, croyance, etc.) (Bernicot 1992 : 65).

2.1.5.1. Typologie de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985)

Les trois critères précédents ont permis à Searle de déterminer ensuite cinq types d’actes de

langage qu’il a affiné et généralisé plus tard en collaboration avec Vanderveken dans le but

d’en générer une formalisation particulièrement poussée (Bernicot 1992 : 66). Ces cinq types

d’actes de langage sont les suivants :

Type d’actes

illocutoires

de langage1

Visée du locuteur 2

Direction

d’ajustement3

Explication4

Assertifs

Dire à autrui la

manière dont se

présente quelque

chose

Mots → monde

Le locuteur détient la responsabilité de son

énoncé. Ce dernier transmet une croyance

à son auditeur en lui transposant par des

mots l’état du monde qu’il perçoit.

Directifs

Tenter de

provoquer une

action chez le

destinataire

Monde → mots

Le locuteur cherche à faire accomplir une

action par son auditeur. Ses tentatives

visent à faire correspondre son état du

monde aux mots qu’il utilise. Elles peuvent

être relativement modestes ou ardentes

selon le degré d’intensité du but du

locuteur.

1 Bernicot 1992 : 67- 69 2 Kerbrat-Orecchioni 2008 : 20 3 Bernicot 1992 : 67- 69 4 Bernicot 1992 : 67- 69

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 8

Promissifs

S’engager sur la

réalisation de

quelque chose

Monde → mots

Le locuteur exprime au futur son intention

d’adopter un certain comportement.

Expressifs

Formuler ses

attitudes et

sentiments

Pas de direction

d’ajustement

Le locuteur dévoile son état psychologique

vis-à-vis de l’état du monde qu’il perçoit.

Déclarations

Mobiliser une

énonciation pour

engendrer des

altérations dans le

monde

environnant

Monde → mots

Et

Mots → monde

Sur la seule base de son accomplissement

fructueux, le locuteur engendre, en

procédant à une déclaration, à une

modification du statut de l’objet de

référence.

2.1.6. Quand dire c’est faire plusieurs choses

Pour conclure cette théorisation des actes de langage, relevons encore un élément important

soulevé par Bernicot : celui de la possibilité, pour un énoncé, de correspondre à la réalisation

de plusieurs actes de langage (1992 : 70). Au niveau de l’utilisation du langage ce sont d’une

part la réponse de l’auditeur, et d’autre part la réaction du locuteur à cette réponse, qui

détermineront l’importance d’un acte de langage par rapport aux autres (Bernicot 1992 : 7).

Intéressons-nous à l’exemple présenté par Bernicot avec l’énoncé « Il fait froid. » prononcé par

une grand-maman à l’égard de sa petite fille et produit alors que la fenêtre où se déroule la

scène est ouverte. Dans le cadre de la classification (présentée à la page précédente) de Searle

et Vanderveken, il peut s’agir à la fois d’un directif si la petite fille va fermer la fenêtre et que

la grand-mère ne s’y oppose pas, soit d’un assertif si la petite fille discute sur la température

de la pièce et que la grand-mère ne s’y oppose pas (Bernicot 1992 : 70 -71). Nous observons

que la bonne compréhension, par la petite fille, de l’acte de langage produit par sa grand-mère

relève donc bien d’un processus culturel d’apprentissage du langage.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 9

2.2. Analyse de corpus

En partant du sujet des actes des langage chez l’enfant, nous avons cherché quelques œuvres

(littéraires, cinématographiques, etc.) dans lesquels des actes de langage pourraient émerger et

permettre de mener cette analyse. Après de nombreuses réflexions, nous avons sélectionné un

ouvrage de la série de bandes dessinées de Max et Lili de Dominique de Saint Mars et Serge

Bloch intitulé Max et Lili ont volé des bonbons. Construits en plusieurs épisodes quotidiens,

ces petits livres sont gorgés de dialogues et nous permettent de relever des actes de langages

multiples et variés. En guise de deuxième corpus, c’est le roman de Louis Pergaud, La Guerre

des boutons, qui a retenu notre attention en raison de sa mise en scène d’un groupe d’enfants

dont émergent ici aussi un nombre considérable d’actes de langage au sein de leur discours.

Rappelons toutefois que ces corpus n’illustrent non pas des discours et des actes de langages

effectifs produits par des enfants, mais bel et bien leur représentation par des auteurs adultes

chez des enfants entre 7 et 14 ans.

Préférant traiter de manière un peu plus approfondie un type d’acte plutôt que de ne traiter les

quatre en simple survol, nous nous porterons majoritairement sur la réalisation d’actes

illocutoires. Ainsi, nous construirons l’essentiel de notre analyse de corpus sur la base des

catégories de situations de communication et des cinq actes illocutoires proposés par Searle et

Vanderveken (1985) qui en découlent. Nous mobiliserons les actes assertifs, directifs,

expressifs et promissifs mais exclurons les déclarations de cette analyse en raison de leur

production presque totalement absente du langage de l’enfant dans la mesure où, à l’expression

des jeux de fiction, il n’est jamais dans une position sociale qui permette d’en produire

(Bernicot 1992 : 58).

De plus, toute situation de communication étant définie par un certain nombre de paramètres

susceptibles de prendre des valeurs différentes en regard notamment du locuteur, de l’auditeur,

des relations qu’ils entretiennent entre eux, etc, nous veillerons à leur prise en compte dans

notre analyse.

2.2.1. Les actes illocutoires dans Max et Lili ont volé des bonbons et La Guerre des boutons

Afin de mener à bien notre analyse, nous avons sélectionné divers extraits dans nos deux

corpus. Avant de l’entamer, rappelons, comme mentionné plus haut, que nous avons fait le

choix de nous concentrer essentiellement sur les actes illocutoires de langage. Sur cette base,

procédons à un bref contrôle pour déterminer si notre sélection répond bien à ce critère en

s’appuyant sur la typologie des règles nécessaires à la réalisation d’un acte illocutoire

développée par Searle (1972 : 88).

Pour ce faire, prenons l’énoncé suivant : « Viens, Max, on y va ! », produit par Lili au début

du livre Max et Lili ont volé des bonbons. Dans le but de déterminer s’il s’agit bel et bien d’un

acte illocutoire, et non d’un autre type d’acte, examinons ensemble si l’énoncé en question

répond aux quatre conditions théorisées par Searle. Pour rappel, ces dernières sont 1) la

condition de contenu propositionnel (l’action à venir est-elle explicitée ?), 2) la condition

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 10

préparatoire (où l’on se demande si l’auditeur est en mesure

d’effectuer l’action et si le locuteur, ici la locutrice Lili, pense que

c’est le cas), 3) la condition de sincérité (pour laquelle on

s’interroge sur le réel désir du locuteur sur la réalisation de l’action

par l’auditeur) ainsi que 4) la condition essentielle ( l’énoncé

revient-il à tenter d’amener l’auditeur à effectuer l’action ?). En

explicitant l’action supposée suivre son énoncé de la sorte : « Viens

Max on y va ! », Lili valide effectivement la première condition. La

seconde l’est également puisque la situation de communication

nous permet de savoir que Max est aux côtés de Lili, cette dernière

en est consciente et pense bien que lui est en mesure d’effectuer

l’action, à savoir l’accompagner à la boulangerie.

Par sa directive, Lili semble bien déterminée à ce que Max lui emboîte le pas et valide ainsi la

troisième condition. Enfin, l’emploi que fait Lili de l’impératif en énonçant « Viens » établit

une tentative d’emmener Max avec elle à la boulangerie et valide, de ce fait, la condition

essentielle.

Nous ne reproduirons évidemment pas ce cheminement avec tous nos énoncés dans le cadre de

cette analyse, mais il nous paraissait judicieux de l’illustrer avec un exemple pour mieux le

comprendre. Ces précisions fournies, nous sommes désormais à même de passer concrètement

à l’analyse de ces actes illocutoires.

2.2.1.1. Les actes assertifs directs

Au fil des dialogues qui s’installent entre Max, Lili et d’autres

personnages, nous avons observé quelques actes que nous

pouvons, en fonction de la situation de communication,

potentiellement classer dans la catégorie des actes assertifs

implicites.

S’il n’est pas toujours aisé de les percevoir et d’être convaincu

qu’il s’agisse bien d’un acte assertif implicite, nous en avons tout

de même dégagé un qui n’en est un que par la prise en compte de

l’essentialité de la situation de communication. Cet acte est le

suivant : « J’ai les mains moites ! » (de Saint Mars & Bloch

1994 : 4), prononcé par Max lors de son entrée, sous la pression

de sa sœur, dans le magasin.

C’est par l’absence dans l’énoncé d’une force illocutoire F de type « Je t’affirme que j’ai les

mains moites ! » et le côté affirmatif que nous pouvons en effet ranger cet acte sous la catégorie

des assertifs implicites, autrement dit, directs.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 11

Intéressons-nous également au roman La Guerre des boutons et à l’acte illocutoire assertif

direct suivant émis par le chef de groupe Lebrac :

« – Ah ! mais, sacré nom de Dieu ! est-ce que vous ne pouvez pas faire un petit

sacrifice à la Patrie ! Seriez-vous des traîtres par hasard ? Je propose, moi, pour

commencer et avoir tout de suite quelque chose, qu’on donne dès demain un sou

par mois. Plus tard, si on est plus riches et si on fait des prisonniers, on ne mettra

plus qu’un sou tous les deux mois. » (Pergaud 2010 : 109)

Nous remarquons ici un acte assertif direct rendu évident par la présence du « Je propose ». À

travers celui-ci, Lebrac exprime en effet à autrui la manière dont se présente quelque chose,

une proposition stratégique dans ce cas-là, en transposant par des mots l’état du monde qu’il

perçoit. En tant que locuteur, Lebrac détient la responsabilité de son énoncé et transmet cette

croyance à ses interlocuteurs. Notons qu’il s’agit d’un acte assertif direct dans la mesure où la

force illocutoire F se retrouve dans « Je propose » et complète le contenu propositionnel p «

qu’on donne dès demain un sou tous les deux mois ». Dans le cas où cette force illocutoire

serait absente et que seul le contenu propositionnel p régissait l’acte, selon l’exemple suivant :

« Dès demain, nous donnons un sou par mois », l’acte assertif en question serait indirect et la

posture énonciative du chef moins marquée.

2.2.1.2. Les actes assertifs indirects

Après avoir examiné des actes illocutoires directs, passons à

l’étude d’actes illocutoires indirects sur la base de l’énoncé

suivant « Non, on peut pas y aller ! » (de Saint Mars & Bloch

1994 : 17), produit par un Max très anxieux à l’idée de

retourner acheter du pain dans le magasin où Lili et lui ont

volé des bonbons quelques temps plus tôt. Ici encore, il est

totalement indispensable de tenir compte de la situation de

communication pour comprendre cet acte comme assertif

indirect. Étudions de plus près cet aspect indirect.

Nous remarquons que le protagoniste réplique par la négative en s’appuyant sur le verbe modal

‘pouvoir’. Ce dernier est communément employé pour illustrer une capacité. Ainsi, dans son

énoncé, Max affirme ne pas avoir la capacité de se rendre au magasin chercher du pain. Si l’on

s’en tenait à l’énoncé de Max isolé de toute situation de communication, l’analyse s’arrêterait

ici. Mais en intégrant le contexte à notre analyse, nous percevons qu’il faut comprendre ce

verbe modal non pas en termes de capacité, mais bel et bien en termes de volonté. Il ne s’agit

pas pour les deux enfants de ne pas pourvoir aller au magasin ; il s’agit de ne pas le vouloir,

par peur de représailles de la part de la boulangère. Le verbe modal ‘vouloir’ est préféré au

verbe modal ‘pouvoir’ et l’énoncé : « Non, on peut pas y aller ! » devient dès lors : « Non, on

veut pas y aller ! ».

Ainsi, par son emploi du verbe modal ‘pouvoir’, Max renforce indirectement sa volonté de ne

pas retourner au magasin. S’il avait produit son énoncé sous la forme « Non, on veut pas y

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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aller ! » l’acte illocutoire en question ne serait d’une part pas un assertif mais un expressif (par

l’expression d’une volonté) et d’autre part il ne serait pas indirect mais bel et bien direct.

Cependant, nous pouvons accessoirement postuler, sur la base, entres autres, de la théorie de

la pertinence, qu’exprimée de la sorte, l’impact de son énoncé aurait été plus faible (ceci car

l’effort de traitement de l’énoncé indirect étant plus élevé pour l’auditeur, la pertinence est

supposée l’être elle aussi et l’interlocuteur estime consécutivement comme plus accrue la

volonté de Max).

Relevons encore le même mécanisme à l’œuvre dans ce

second énoncé « Oui, nous aussi on a piqué, on doit

travailler ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 31). L’amie

de Lili revendique ici le fait de devoir travailler en

argumentant qu’elle aussi a volé des bonbons. Mais si sa

revendication est ardente, c’est bien parce que le travail

en question, être derrière le comptoir de centaines de

bonbons, lui semble particulièrement attrayant. Pour cet

exemple-ci, positionnons-nous du côté de l’interlocutrice

Lili. Premièrement, cette dernière traite l’énoncé en

acceptant le verbe modal ‘pouvoir’ de façon littérale. Elle juge ensuite comme inadéquate cette

interprétation dans la situation de communication propre à l’énoncé et la modifie en

conséquence. Son amie mobilise le verbe modal ‘devoir’ et produit un acte assertif indirect

plutôt d’un expressif direct de type « Oui, nous aussi on a piqué, on veut travailler ! » de la

même manière que le fait Max dans l’exemple précédent. À travers l’emploi du verbe modal

« devoir », elle accentue ainsi sa volonté de travailler avec les autres.

De ces deux exemples, nous pouvons relever qu’un acte assertif indirect peut être réalisé par

un locuteur en mobilisant un verbe modal à caractère quelque peu hyperbolique à la place d’un

autre verbe modal plus commun, ceci ayant pour effet d’accentuer la portée de ce qu’il souhaite

communiquer.

2.2.1.3. Les actes directifs direct

Intéressons-nous à présent à un autre type d’actes illocutoires,

celui des directifs. En premier lieu nous étudierons des directifs

directs avec une distinction établie entre tentatives modestes et

plus ardentes. Nous nous focaliserons en second lieu sur les

directifs indirects.

Le tout premier énoncé du livre « Hé, tu nous en files ! » (de Saint

Mars & Bloch 1994 : 1), prononcé par Lili à l’attention de son

amie est un bon exemple d’acte illocutoire directif direct. Il s’agit

en effet d’une tentative de la part de Lili de faire faire quelque

chose à son amie, en l’occurrence, de lui donner des bonbons.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 13

Nous validons donc cet acte comme directif et passons à l’étude du caractère direct de l’acte

produit. Nous relevons ici que l’auteur a fait le choix non pas d’un point d’interrogation pour

ponctuer l’énoncé, ce qui lui aurait attribué une valeur de requête, mais bien un point

d’exclamation, lui attribuant une valeur d’ordre. Produit sous forme d’une question de type «

Hé, tu peux nous en filer ? », l’énoncé est indirect en raison du choix du verbe modal.

Cependant, produit sous la forme d’un ordre, ‘l’énoncé en question est direct. Notons que

l’ordre verbalisé par Lili pourrait l’être indépendamment du point d’exclamation mais que sa

présence renforce la posture exigeante de Lili.

En ce qui concerne cette posture exigeante, mentionnons que dans l’ouvrage de Louis Pergaud

les actes directifs sont essentiellement mobilisés par le chef de bande Lebrac comme nous

pouvons le voir dans cet exemple : « - Ne la cassez pas, surtout, reprit Lebrac, et trouvez-en

autant que vous pourrez : vous verrez bien plus tard. » (Pergaud 2010 : 89) qui illustre deux

actes directifs directs. Ceci n’est certes pas étonnant puisque cet acte convient d’être adopté

dans le cadre d’une situation de communication dans laquelle une hiérarchie est plus ou moins

établie. Ici, il paraît donc évident que Lebrac utilise, inconsciemment ou non, des actes

directifs, puisque l’histoire de la Guerre des Boutons est orchestrée par une organisation

permanente de stratégies et de guet-apens, où le besoin de chef et d’ordre serait nécessaire. De

cela, il en résulte que les ordres en question sont souvent implicites. À son rang de chef, il est

en effet tout à fait impertinent pour Lebrac d’expliciter une force illocutoire dans chacun de

ses actes directifs.

Cependant, d’autres personnages produisent tout de même des actes de langages directifs

directs à l’exemple de Tintin dans l’énoncé suivant : « – Prends mon fiautot, fit Tintin à Boulot,

et grimpe sur le chêne que voilà. » (Pergaud 2010 : 77) et de La Crique un peu plus

loin :« Prenons nos mouchoirs et mettons les cailloux dedans. » (Pergaud 2010 : 78) Précisons

que ces multiples actes directifs directs sont non marqués, ne contenant que le contenu

propositionnel p. Ce phénomène trouve facilement une explication dans la tension et la rapidité

qui marquent l’action. Par conséquent, nous pouvons déduire que c’est par souci d’économie

de langage que le groupe va adopter des actes illocutoires de type implicites au détriment

d’actes illocutoires explicites.

2.2.1.4. Les actes directifs indirects

Cette distinction entre actes directifs directs et indirects peut être

appuyée sur la base de deux autres exemples. Sur la première page

toujours, l’amie de Lili énonce : «T’as qu’à les piquer toi-

même ! ». À la page suivante, la même fillette dit à une autre :

«T’es même pas cap’ de piquer… T’as la trouille ! ». Dans les

deux cas, il s’agit d’une tentative de la part de la locutrice L de

faire accomplir une action à son interlocutrice validant l’aspect

directif de l’acte. Cependant le premier énoncé est direct car L

explicite concrètement son acte directif. En effet, «T’as qu’à les

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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piquer toi-même ! » équivaut à « Va en piquer ! ». Au contraire, en décortiquant le second

énoncé, nous pouvons conclure qu’il est indirect. En effet, «T’es même pas cap’ de piquer…

T’as la trouille ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 2), est compris dans le sens d’une capacité

de type « Tu n’en a pas la capacité ». En prenant en compte la situation de communication,

nous observons le caractère hautement provocateur découlant de l’énoncé qui devient dès lors

quelque chose du type « Prouve-moi que tu es cap’ de piquer », encourageant l’interlocutrice

à réellement réaliser l’action du vol de bonbons.

Intéressons-nous à deux autres exemples tirés de La Guerre des boutons. Ces derniers sont

énoncés consécutivement par La Crique et Lebrac de la manière suivante : Faudrait peut-être

bien que quelqu’un aille aussi par là-bas ! » (Pergaud 2010 : 88) et « […] faudra bien regarder

et bien écouter ce qu’il dira » (Pergaud 2010 : 88). Ici, il ne s’agit pas d’opérer une

interprétation de la même manière que dans l’exemple de Max et Lili ont volé des bonbons. Le

caractère indirect des actes directifs en question réside exclusivement dans l’usage que font les

deux locuteurs du conditionnel et respectivement du futur. « Faudrait » et « faudra » doivent

dès lors être interprétés comme un impératif présent de type : « Faites cela ! ». Dans ces deux

exemples, c’est ainsi le temps verbal qui définit l’acte directif comme indirect.

2.2.1.5. Tentatives relativement modestes et relativement ardentes

Ces actes directifs, au-delà d’être directs ou indirects peuvent

représenter des tentatives relativement modestes, ou, au contraire,

relativement ardentes, de faire faire quelque chose au destinataire.

L’énoncé « Bon, moi je pique… Et toi, tu parles à la boulangère… »

(de Saint Mars & Bloch 1994 : 3) illustre ainsi une tentative

relativement modeste de la part de Lili de faire dialoguer Max avec

la boulangère. Cette tentative est relativement modeste car il s’agit

d’une suggestion, d’un conseil ou encore d’une légère directive

donnée par Lili à son frère dans le cadre du vol de bonbons bien plus

qu’un ordre strict et concret.

De même, dans l’énoncé « Ça a l’air génial ! Tu nous laisses ta

place, un peu ? » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 31), nous

remarquons également une tentative très modeste de la locutrice

dirigée à l’attention de l’interlocutrice et l’invitant à lui céder sa

place.

Cette tentative de faire accomplir une action à son destinataire

devient cependant relativement ardente dans un énoncé similaire à

celui produit par Lili : « Prends-en encore ! » (de Saint Mars &

Bloch 1994 : 12), ordonnant à Max de l’aider à finir les bonbons.

Cette tentative relativement ardente se retrouve également dans

l’énoncé « Aide-moi à finir ! ».

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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L’ordre est d’autant plus expressif dans l’énoncé « Viens Max on

y va ! » (de Saint Mars & Bloch 1994 : 2), qui devient une tentative

ardente (> relativement ardente).

On perçoit d’ailleurs que cette tentative est plus ardente que les

deux précédentes car Max ne tente même pas de contrer l’énoncé

de sa sœur comme il le faisait auparavant en exprimant « Ah non,

moi j’en peux plus ! J’en ai déjà mangé plein ! ».

2.2.1.6. Les actes expressifs directs

Certains énoncés contiennent également des actes illocutoires de

type expressif. C’est le cas des énoncés suivants : « La vache ! On

s’est fait prendre ! », « Heureusement, elle n’a pas tout trouvé ! »

(de Saint Mars & Bloch 1994 : 11), et « Pitié ! » (de Saint Mars &

Bloch 1994 : 24), prononcés par Max et Lili ainsi que des

énoncés : « Nom de Dieu de nom de Dieu ! Comment que j’y ai

pas songé ? » (Pergaud 2010 : 77) et « – Ah ! fit La Crique, si on

avait quelqu’un pour nous recoudre des boutons et refaire les

boutonnières ! » (Pergaud 2010 : 104) issus de discours d’enfants

dans La Guerre des boutons.

Premièrement, nous remarquons que ces énoncés sont effectivement expressifs dans le sens où

ils visent à exprimer un état psychologique découlant d’une certaine situation. Ensuite, nous

remarquons également que ces actes expressifs sont tous de nature directe. Notons qu’ils sont

également tous largement implicites. Voyons cela plus en détails. Dans le cas de ces cinq

énoncés, il s’agit, pour les considérer en tant qu’expressifs directs, d’effectuer un léger travail

de décodage. Ainsi, l’énoncé « La vache ! » donne accès à l’état psychologique de choc et

d’étonnement de valeur négative de Max. La réponse de Lili, « Heureusement, elle n’a pas tout

trouvé ! » est également un acte expressif que nous obtenons en le comprenant sous la forme

« Je suis heureuse qu’elle n’ait pas tout trouvé ! ». Nous remarquons alors que ce « Je suis

heureuse » illustre bien un acte expressif direct, implicitement produit sous la forme d’un

adverbe expressif. De la même manière, lorsque Max énonce : « Pitié ! », nous reconnaissons

un acte expressif direct implicite compris en le rendant explicite par la forme : « Je vous en

supplie ». Enfin, dans les deux énoncés issus de l’ouvrage de Louis Pergaud, « Nom de Dieu

de nom de Dieu », au même titre que « Ah ! […] si on avait quelqu’un […] » expriment

également tous deux l’état psychologique dans lequel se trouve leur locuteur au moment de

l’énonciation de manière non marquée. Le premier peut être compris sous une forme de type

« Que je suis bête » et le second sous une forme de type « Ah ! […] si seulement on avait

quelqu’un […] », et donc « J’aimerais que nous ayons quelqu’un […] ».

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

Wendy Aubry, Giulia Fleury & Lauranne Schlüchter 16

Ainsi, ces cinq exemples nous permettent de relever que les actes expressifs peuvent souvent

se retrouver sous une forme directe et non marquée. Ces formes raccourcies permettent en effet

d’exprimer l’état psychologique dans lequel les locuteurs se trouvent au moment de la situation

de communication de manière plus rapide et synthétique.

2.2.1.6. Les actes promissifs directs

Comme mentionné précédemment, nous ne traiterons pas des actes illocutoires de type

déclarations. Ainsi, nous rentrons à présent dans l’ultime type d’acte de notre sélection, à savoir

les actes promissifs. Dans l’ouvrage Max et Lili ont volé des bonbons l’unique acte promissif

que nous avons relevé « Tu vas voir, je vais le dire à la police ! » (de Saint Mars & Bloch

1994 :10), n’est pas produit par un enfant et nous ne ferons ainsi rien de plus de relever sa

présence.

Dans La Guerre des boutons, nous retrouvons cependant l’acte promissif direct suivant produit

par un enfant : « - Pour ça, je m’en charge, fit le lieutenant » (Pergaud 2010 : 89). À travers

« je m’en charge », le locuteur, ici le lieutenant fictif, accomplit en effet un acte de promesse à

l’attention de son interlocuteur. Il ne le fait cependant pas de manière explicite sur la base d’une

force illocutoire marquée comme ce serait le cas dans : « Je vous promets que je m’en charge ».

Le locuteur omettant la force illocutoire F de son énoncé, nous répertorions ainsi cet acte

promissif dans la catégorie des directs implicites. Ce caractère implicite pourrait faire émerger

des doutes sur la nature promissive de l’acte en question. Appuyons-nous donc sur la typologie

de Searle (1979) et de Searle et Vandervenken (1985) afin de confirmer qu’il s’agit tout de

même bien là d’une promesse.

En premier lieu, nous relevons que le locuteur, le lieutenant, s’engage effectivement sur la

réalisation de quelque chose, à savoir la prise en charge d’une affaire. En second lieu, la

direction d’ajustement s’opère bien du monde aux mots dans la mesure où le monde s’ajuste

aux mots du locuteurs. Plus précisément, dans cette situation de communication, on s’attend à

un résultat dans le monde réel, opéré sur la base des mots du locuteur. Le lieutenant paraît

sincère et valide de cette manière une interprétation adéquate de son énoncé par ses auditeurs.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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3. Conclusion

La réalisation de ce travail et notre immersion dans cet univers pragmatique nous a permis de

nous familiariser davantage avec la théorie des actes de langage, en nous appuyant sur divers

ouvrages enrichissants, pour finalement être capable d’appliquer ce bagage théorique au sein

d’une analyse sur deux types de corpus très variés en matière de discours. Au début de notre

travail, nous avions formulé notre problématique comme telle : C’est donc à travers (…) la

mise en scène d’énoncés d’enfants dans nos deux corpus, que nous observerons la manière

dont ceux-ci produisent des actes de langage dans leurs énoncés. Nous avons effectivement

exploré l’utilisation de ces actes de langage en nous intéressant plus particulièrement aux

actes illocutoires chez les enfants. Cette analyse nous a ainsi véritablement permis de faire

ressortir de nouveaux aspects qui nous semblent intrigants et que nous allons présenter dès

lors.

3.1. Principaux résultats de l’analyse

3.1.1. L’usage privilégié des actes illocutoires directs

Au-delà de nos remarques analytiques quant aux différents actes illocutoires que nous avons

perçus dans notre corpus, notre étude de la représentation des actes illocutoires chez l’enfant

nous a permis d’observer notamment deux phénomènes généraux auxquels nous n’avions

porté guère attention jusqu’alors. En explorant les actes illocutoires directs et indirects, nous

avons remarqué un nombre significatif d’actes directs, plus nombreux que d’actes indirects,

et ceci dans chacun de nos deux corpus. D’abord, nous avons entamé notre analyse par le

livre de Max et Lili, qui était pourvu de beaucoup de dialogues. Néanmoins, la longueur

minime de l’ouvrage ne nous suffisait pas pour justifier notre observation. Nous avons ensuite

gardé en tête cette réflexion lors de notre analyse de plusieurs extraits de La Guerre des

Boutons, ce qui nous a confirmé notre point de vue. Afin d’expliquer l’utilisation privilégiée

des actes illocutoires directs par les enfants, nous avons tenté d’avancer l’hypothèse suivante.

Nous pouvons imaginer que si les enfants âgés de 7 à 14 ans privilégient les actes directs aux

actes indirects, c’est premièrement par nécessité d’économie et de simplification du langage,

mais également en raison d’un rapport différent de l’adulte quant au langage indirect qu’il

s’agit d’adopter par politesse. En effet, à cet âge-là, il est connu que les enfants n’ont pas

forcément acquis la même proximité à l’adoption de la politesse dans leur langage et dans

leurs actions. Selon Searle (1982 : 77), les actes de langage indirects permettent au locuteur

d’atténuer ou d’adoucir leur énoncé, motivés par la politesse.

En ce qui concerne ces actes illocutoires indirects, nous en avons tout de même relevé deux,

cités plus haut dans notre analyse. Contrairement au cas des adultes, nous avons relevé que

dans le rare cas où les enfants mobilisent des actes indirects, ce n’est non pas pour atténuer

leur énoncé, mais plutôt pour le renforcer. Nous avions vu l’exemple du verbe modal

‘pouvoir’ dans Max et Lili lorsqu’il s’agissait pour Max d’exprimer une volonté plutôt qu’une

capacité. Cet acte assertif indirect permettait donc à l’enfant de fortifier son énoncé par souci

de persistance et de revendication face à son interlocuteur, plutôt que de l’atténuer par souci

de politesse.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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3.1.2. L’usage privilégié des actes illocutoires non marqués

Le second phénomène que nous avons relevé est celui de l’emploi favorisé des actes

illocutoires de type non marqués plutôt que de type explicite. En effet, d’après les extraits que

nous avons étudiés, il semble que les enfants représentés préfèrent utiliser des formes comme

« Ne la cassez pas » (Lebrac, La Guerre des Boutons, 89) plutôt que « Je vous interdis de la

casser ». Nous pouvons expliquer cela une nouvelle fois pour une raison d’économie et de

simplification du langage, d’autant plus que l’action est mouvementée durant presque toute

la diégèse, et nécessite donc des tours de paroles dynamiques et économes.

3.2. Difficultés rencontrées

Ce travail a prouvé que le sujet des actes illocutoires était bien loin d’être simple ; pourtant,

il nous a été fortement enrichissant. En effet, nous étions déjà familiarisées avec de nombreux

aspects de la partie théorique avant d’entamer le travail mais c’est au fil de notre analyse que

nous avons constaté que l’application de cette théorie était plus difficile que nous ne le

pensions jusque-là. Bien que nous pensions maîtriser le sujet, nous avons, malgré tout, passé

beaucoup de temps à déterminer si des énoncés étaient bel et bien des actes illocutoires ou

non. Cependant, avec du recul, nous remarquons que c’est à travers ces difficultés rencontrées

que nous avons pu approfondir certains angles d’approche qui nous manquaient jusqu’ici,

ainsi que nos deux observations nouvelles.

En effet, il serait intéressant d’approfondir nos hypothèses quant à l’économie du langage

chez l’enfant, par rapport aux actes directs, indirects et à leur type explicites et implicites. La

seconde partie de notre problématique était formulée ainsi : (…) nous découvrirons que la

production implicite de ces actes émerge d’abord d’un processus culturel d’apprentissage

des règles qui régissent le langage. En effet, nous pouvons constater que l’enfant apprend à

utiliser, implicitement, des actes illocutoires. Cependant, la partie de l’apprentissage qui reste

à concevoir est celle du motif de la politesse dans le cadre des actes illocutoires indirects.

D’après nos observations, cette motivation n’est pas employée systématiquement chez les

enfants, ou en tout cas, nettement moins que chez les adultes. Comme nous l’avions vu,

l’apprentissage du langage ne se limite pas seulement aux règles grammaticales, mais prend

en charge la pragmatique. Alors, bien que l’enfant ait déjà acquis un réseau de règles

pragmatiques, tels que celles des actes de langage, cet apprentissage se poursuit et se

consolide bien au-delà de l’âge approximatif des enfants de nos corpus, à savoir une dizaine

d’années.

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Les actes de Langage chez l’enfant : Étude de la représentation des actes de langage chez les enfants

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4. Bibliographie

4.1. Ressources théoriques

4.1.1. Ouvrages

Bernicot, J. (1992). Les actes de langage chez l’enfant. Presses universitaires de France. 1 –

256

Kerbrat-Orecchioni, C. (2008). Les actes de langage dans le discours. Théorie et

fonctionnement. Armand Colin. 1 – 200

4.1.2. Articles

Bernicot, J. (2000) in Michèle Kail et al., L'acquisition du langage. Vol. II. « Chapitre 2. La

pragmatique des énoncés chez l’enfant ». Presses Universitaires de France « Psychologie et

science de la pensée », 45 – 82.

Searle, J.R. (1972). « Les actes de langage : Essai de philosophie du langage. « Chapitre 1.

Méthodes et objet », 37 – 58.

Searle, J.R. (1972). « Les actes de langage : Essai de philosophie du langage. « Chapitre 2.

Expressions, signification et actes de langage », 59 – 94.

4.2. Corpus de textes

4.2.1. Ouvrages

de Saint Mars, D., & Bloch, S. (1994). Max et Lili ont volé des bonbons. Calligram.

Pergaud, L. (2010). La guerre des boutons. Larousse.

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5. Déclarations sur l’honneur

5.1. Wendy Aubry

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5.2. Giulia Fleury

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5.3. Lauranne Schlüchter