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Trimestriel Printemps 2016 2 www.rsf.org LA REVUE DE REPORTERS SANS FRONTIÈRES POUR LA LIBERTÉ DE L’INFORMATION - N°13 DANS L'ACTU p. 10 LA CARTE DES BUREAUX DE RSF DANS LE MONDE GRAND ANGLE p. 7 ALBUM p. 11 TURQUIE : QUATRE MOIS DE MOBILISATION POUR CUMHURIYET VOYAGE À TRAVERS L'OEUVRE DE SALGADO

DANS L'ACTU p. 10 LA CARTE DES BUREAUX DE … · 2017-12-05 · MISE À JOUR DU GUIDE ÉLECTORAL RSF-OIF En coopération avec l’Organisation internationale de la Francophonie

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TrimestrielPrintemps

20162 €

www.rsf.org

LA REVUE DE REPORTERS SANS FRONTIÈRES POUR LA LIBERTÉ DE L’INFORMATION - N°13

DANS L'ACTU p. 10

LA CARTE DES BUREAUX DE RSF DANS LE MONDE

GRAND ANGLE p. 7

ALBUM p. 11

TURQUIE : QUATRE MOIS

DE MOBILISATION POUR CUMHURIYET

VOYAGE À TRAVERS L'OEUVRE

DE SALGADO

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EN VUES

1. BIENTÔT LE CLASSEMENT 2016

Le Classement mondial de la liberté de la presse 2016 sera rendu public à la fin du mois. Publié chaque année par Reporters sans frontières (RSF) depuis 2002, il mesure le degré de liberté dont bénéficient les journalistes dans 180 pays ainsi que les moyens mis en œuvre par les États pour respecter et faire respecter cette liberté. Redouté (avec raison) par un trop grand nombre de gouvernements, attendu avec impatience par les militants de la liberté d’information, les organisations internationales et les diplomates en tiennent largement compte pour apprécier la situation dans tous les pays.

2. MISE À JOUR DU GUIDE ÉLECTORAL RSF-OIF

En coopération avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), RSF a publié en février dernier une version actualisée du Guide pratique du journaliste en période électorale. Alors que de nombreuses élections sont programmées cette année dans plusieurs pays du monde, le Guide est disponible en français, anglais et arabe, en version papier et numérique.Le fascicule vise à préparer les journalistes pour qu'ils effectuent leur travail - celui d'informer les électeurs et de leur permettre un choix personnel libre et éclairé - avec un professionnalisme et une déontologie sans faille. Il s'adresse à tous les acteurs des médias et s’inscrit dans une stratégie plus vaste, entreprise par RSF et l'OIF : la défense de la liberté d'informer et du droit d'être informé.

3. RSF.ORG FAIT PEAU NEUVE

Mis au point par l’agence “La Netscouade”, le tout nouveau site internet de Reporters sans frontières insiste sur l’actualité chaude et les actions de l’organisation. Modernisé et attractif, son ergonomie facilite le parcours des internautes grâce à une arborescence simplifiée. Des formats innovants comme des infographies, des vidéos, des cartes interactives, permettront aux visiteurs d’avoir un aperçu plus concret des démarches de RSF. Enfin, le site propose désormais des fonctionnalités de partage adaptées à l’utilisation des réseaux sociaux.

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RSF

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ÉD

ITO

Reporters sans frontières (RSF) figure sans doute de plus en plus au centre de l’actualité, mais c’est surtout son mandat qui se retrouve de manière croissante au centre des enjeux du monde. L’organisation a pour vocation de défendre les journalistes partout dans le monde, sans tenir compte des frontières, et de défendre tous les reporters qui les franchissent. Avec les évolutions géopolitiques et technologiques, les frontières du monde de l’information sont elles-mêmes abolies et cela suppose de grandes adaptations.

Inutile de gloser ici sur la mondialisation économique, politique, et peut-être culturelle. Circulation des marchandises et des services financiers, accroissement du rôle des négociations internationales lors des sommets en G, mouvement des êtres humains (en tout cas des plus riches) grâce à la démocratisation des moyens de transport, dissémination de certaines cultures populaires (notamment américaine).

Le champ de l’information demeurait, lui, largement national, sous toutes les latitudes. Le débat public tel que défini par le philosophe allemand Jürgen Habermas était cantonné à des sphères linguistiques avec souvent un État au centre, tandis que les médias distinguaient bien l’extérieur de l’intérieur. Or on observe aujourd’hui plusieurs tendances distinctes, qui ont pour point commun de nier les frontières.

L’émergence des multinationales du web est évidemment l’un des premiers facteurs de mondialisation de l’information. Même si de nombreux États entendent réinstaurer des frontières sur Internet, à commencer par la Chine avec son Nouvel ordre médiatique, la toile permet à qui veut (à condition de n’être pas soumis à la censure) de fouiller une bibliothèque ou de compulser un journal au bout du monde.

Là où la propagande était autrefois imposée à l’intérieur du cadre national, elle est aujourd’hui portée au loin grâce à des groupes médiatiques qui sont parfois les bras (armés ou désarmés) de diplomaties. Si vous voulez regarder la télévision officielle chinoise CCTV en français, vous le pouvez aussi bien en Afrique qu’en Suisse, en Belgique ou en France. Et le point de vue russe sur le monde ? Voyez Sputnik. Ce pourrait être un gain en matière de pluralisme mondial s’il s’agissait d’informations indépendantes. Trop souvent c’est de la propagande.

Bref, nous devons faire en sorte que la mondialisation de l’information soit réalisée pour le meilleur et non pas pour le pire. Lutter en France pour une meilleure protection des sources ou des garanties pour l’indépendance journalistique et défendre un journaliste du bout du monde ne participent pas seulement d’une même logique, c’est effectuer des actions interdépendantes.

Lorsqu’un journaliste turc est empêché d’enquêter sur les livraisons d’armes au nord de la Syrie, quand un journaliste chinois est emprisonné pour avoir prévu la chute de la bourse de Shanghai ou qu’un créateur de site Internet est condamné à des coups de fouet dans un pays, l’Arabie saoudite, qui promeut une idéologie dangereuse, ce n’est pas simplement un « très gros » problème pour leurs concitoyens, cela l’est aussi ailleurs pour nous tous sur la planète. Et tant que les journalistes et les opposants érythréens demeureront dans des camps, des êtres humains prendront le risque de se noyer sur des rafiots en Méditerranée.

Nous vivons désormais dans l’interdépendance ? Nous avons besoin de journalistes libres et indépendants pas seulement ici et là, mais partout.

LA MONDIALISATION DE L’INFORMATIONChristophe Deloire I Secrétaire général de Reporters sans frontières

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GRAND ANGLE

Catherine Guilyardi I journaliste

(scyther5/iStock/Thinkstock)

Depuis plus de trente ans, Reporters sans frontières (RSF) lutte contre les exactions commises contre les journalistes (reporters tués, emprisonnés, kidnappés, placés sous surveillance ou sur écoutes, etc). En préparant une grande campagne pour l’indépendance de l’information, l’organisation ouvre un nouveau champ d’action stratégique. Car s’il est insupportable que les journalistes soient placés en détention dans des prisons, il est aussi préjudiciable pour le droit de tous à l’information que les reporters soient confinés dans des « prisons invisibles », enchaînés à des influences qui les empêchent de collecter et diffuser les informations avec pour seules références leur honnêteté, leur curiosité et leurs méthodes.

INDÉPENDANCE DU JOURNALISME : LE NOUVEL ENJEU

L’édition 2015 du Classement mondial de la liberté de la presse montrait qu’un seul être humain sur quatre a accès à une presse libre. Les violences (assassinats, tortures, emprisonnements) et la censure sont les contraintes les plus spectaculaires. Mais partout, dans les dictatures comme d’une tout autre manière dans les démocraties, émergent des moyens inédits d’emprise sur les

consciences, des manipulations subtiles, des interférences politiques et économiques discrètes mais réelles. Il est de plus en plus difficile pour les citoyens de distinguer la communication sponsorisée ou dictée par des intérêts, de l’information indépendante, établie conformément à des règles d’honnêteté, la plus proche possible de l’idéal du journalisme.

Depuis les années 2000, plusieurs rapporteurs spéciaux de grandes organisations y ont fait référence dans leurs déclarations, mais la notion d’indépendance éditoriale comme fondement du droit à l’information reste l’angle mort des grands textes sur les droits humains. Les institutions internationales s’attachent à défendre la liberté et la sécurité des journalistes, sujets ô combien

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GRAND ANGLE

cruciaux, mais s'intéressent peu à défendre le journalisme digne de ce nom contre les influences et les intérêts. L’indépendance de l’information est un enjeu majeur pour l’humanité.

Selon la formule d’Alfred Sauvy, « bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets ». L’information indépendante est la base de choix individuels et collectifs éclairés. L’humanité et les sociétés ont besoin de « tiers de confiance » qui permettent d’effectuer des choix collectifs et individuels fondés sur

« la libre poursuite de la vérité objective », selon l’expression de l’acte constitutif de l’Unesco. Le pluralisme, mentionné dans les textes internationaux, ne saurait être un choix entre propagandes ou dispositifs de « relations publiques ». Lorsque des oligarques font leur shopping pour se servir de médias à des fins personnelles ou pour les mettre au service de leurs groupes économiques, quand des États utilisent des médias d’État pour livrer des guerres de l’information, ou lorsque des « communicants » de mouvances religieuses font mine de créer des

médias qui ne sont que des supports de communication, alors c’est le débat public tel que conçu depuis les Lumières qui est en danger.

C’est pourquoi RSF lance la campagne Save journalistic independence. Le rapport sur les oligarques contribue à un état des lieux, comme un autre, à suivre, sur les guerres de l’information. Deux études au long cours ont par ailleurs été lancées. Professeur à Sciences Po Paris, Julia Cagé coordonne un travail de recherche dans les pays de l’OCDE intitulé « Qui possède les médias?

Capital, gouvernance et indépendance ». En parallèle, l’initiative Media Ownership Monitor (MOM), réalisée par la section allemande de RSF, identifie le paysage de la propriété des médias dans des pays du Sud. L’opération, lancée en premier lieu en Colombie et au Cambodge, se poursuit en Ukraine comme en Tunisie.

Ce sera un travail de longue haleine que de changer le monde de l’information. L’indépendance permettra de faire progresser la qualité. Un beau programme, non ?

INDÉPENDANCE DU JOURNALISME : LE NOUVEL ENJEU

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Aude Rossigneux I Rédactrice en chef

RSF DÉBLOQUE SIX NOUVEAUX SITES CENSURÉS

Le 12 mars 2016, à l’occasion de la journée contre la censure en ligne, Reporters sans frontières a procédé au déblocage technologique de 6 sites censurés dans 5 pays et au lancement de l’application RSF Censorship Detector dans le cadre de l’opération Collateral Freedom #2.

Rendre l’information en ligne accessible depuis les territoires où elle est prohibée et dissuader les Ennemis d’Internet de s’en prendre à des sites d’information : c’est le défi qu’a relevé cette année encore l’opération Collateral Freedom. Après avoir débloqué 11 sites d’information en 2015, l’organisation a rendu accessibles six nouvelles adresses censurées dans leurs pays respectifs : Radio Free Asia et Defend the Defenders (Vietnam), Sarawak report (Malaisie), Boxun (Chine), Sendika.org (Turquie),

European Saudi Organization for Human Rights (Arabie Saoudite).

L’opération repose sur la technique du mirroring : RSF met en ligne une copie conforme du site bloqué sur des services d’hébergement informatique dans les “nuages” tels que Fastly, Amazon, Microsoft ou Google. Rendre inaccessibles les services de ces géants du Web équivaut à priver des milliers d’entreprises de technologies essentielles. Les dommages collatéraux, économiques et politiques, d’un tel blocage seraient difficiles à assumer pour les pays qui s’y risqueraient.

En 2016, RSF innove en mettant à la disposition du public un outil exclusif élaboré spécialement pour l’opération. Les développeurs Brendan Abolivier et Clément Salaün ont créé une extension pour le navigateur Google chrome afin de faciliter l’accès aux versions miroir des sites visés par Collateral

Freedom. Quiconque se rendra sur l’un de ces sites bloqués verra l’icône de l’application RSF Censorship Detector rougir. Il suffira de cliquer sur elle pour être redirigé automatiquement vers la version libre déployée par RSF.

En un an les serveurs dédiés à Collateral Freedom ont absorbé plus de 64 millions de requêtes et servi plus de 587 GB de données. Les premiers jours, le succès de l’opération a contraint l’organisation à faire évoluer les capacités des serveurs pour absorber l’afflux massif de trafic. Depuis, RSF a créé d’autres miroirs et utilise de nouveaux services d’hébergement. L’organisation se ménage ainsi la possibilité de diffuser une nouvelle adresse si un pays prenait la décision de bloquer l’intégralité d’un services. RSF continuera à maintenir l’opération Collateral Freedom tant que ses moyens le lui permettront.

C O L L AT E R A L F R E E D O M # 2

Carte du monde illustrant les pays où 17 sites web ont été débloqués par RSF pour l’opération Collateral Freedom.

MONDE

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Johann Bihr I Responsable du bureau Europe de l'est et Asie centrale

QUATRE MOIS DE MOBILISATION POUR CAN DÜNDAR ET ERDEM GÜL

Le rédacteur en chef de Cumhuriyet et son représentant à Ankara ne cessent de le rappeler : Recep Tayyip Erdogan a fait de leur sort une affaire personnelle. Le président de la République ne leur pardonne pas d’avoir démontré, photos et vidéo à l’appui, que les services secrets turcs avaient livré des armes en Syrie. Un scoop qui leur vaut des chefs d’accusation extrêmement lourds : “divulgation de secrets d’Etat à des fins d’espionnage”, “tentative de renverser le gouvernement” et “assistance à une organisation terroriste”. Relâchés le 25 février après trois mois de détention provisoire, ils risquent toujours la prison à vie.

RSF, qui a remis l’un de ses Prix de la liberté de la presse 2015 à Cumhuriyet, se mobilise sans relâche pour Can Dündar et Erdem Gül. Lorsque les deux journalistes sont arrêtés en novembre, le représentant de l’organisation en Turquie est au palais de justice. Dès le lendemain, RSF sort une pétition demandant la remise en liberté des deux journalistes et interpelle l’Union européenne, qui relance alors en grande pompe ses relations avec

la Turquie lors d’un sommet à Bruxelles. Le secrétaire général de l’organisation se rend à Istanbul dans la foulée et annonce au cours d’une conférence de presse le lancement d’un appel signé par 13 ONG et des dizaines de personnalités internationales.

Dans les mois suivants, RSF a contribué à faire de Can Dündar et d’Erdem Gül des noms mondialement connus. Elle multiplie les conférences de presse et invite l’épouse du rédacteur en chef de Cumhuriyet à Washington, Paris, Berlin… L’organisation joint ses forces à celles d’autres ONG pour mobiliser le grand public à Bruxelles, à Strasbourg, à Paris…Une dizaine de communiqués de presse dédiés à cette affaire sont diffusés.

Dans le même temps, RSF enchaîne les rendez-vous auprès de diplomates turcs, européens, américains, et tente de mobiliser les chancelleries à Istanbul et Ankara. L’organisation interpelle l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en amont de leurs principaux rendez-vous avec les autorités turques,

leur fait parvenir une liste détaillée de journalistes emprisonnés, cherche à nourrir leurs argumentaires. Elle approche les personnalités les plus diverses pour en faire des relais d’influence. Elle saisit le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire.

RSF a toujours rappelé aux journalistes de Cumhuriyet qu’ils n’étaient pas oubliés, même au fond de leur prison. Lorsque les autorités pénitentiaires ont refusé de lui accorder une visite, elle s’est associée aux autres organisations de défense de la liberté de la presse pour une action de protestation devant la prison de Silivri. RSF a systématiquement assisté aux audiences chaque fois que Can Dündar et Erdem Gül comparaissaient dans l’un de leurs nombreux procès. Maintenant que le principal d’entre eux s’est ouvert, l’organisation n‘est pas près de baisser la garde.

Trois semaines après avoir fêté la remise en liberté de Can Dündar et d’Erdem Gül, RSF a refait le déplacement à Istanbul pour assister à l’ouverture de leur procès, le 25 mars. Retour sur quatre mois d’engagement ininterrompu aux côtés des deux journalistes.

T U R Q U I E

Christophe Deloire et Can Dündar lors d’une conférence de presse à Istanbul le 2 mars dernier. (AFP / Ozan Kose)

MONDE

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MONDE

RAPPORT SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE À HONG KONG

MÉDIAS: VERS LA FIN D’ « UN PAYS, DEUX SYSTÈMES »Benjamin Ismaïl I Responsable du bureau Asie - Pacifique

Les manœuvres politico-financières orchestrées par le Parti communiste chinois pour prendre le contrôle de la presse hongkongaise inquiètent RSF. Qu’il s’agisse d’hommes d’affaires aux intérêts économiques établis en Chine, de journalistes ralliés à l’idéologie du Parti ou encore d’officiels locaux, les ennemis de la presse libre avancent à couvert. Ainsi, il rendent plus efficace le musellement des médias en empêchant les organisations de la société civile d’organiser une réponse collective et ciblée.

Si l’année 2014, avec l’apogée et le déclin du mouvement Occupy Central, était apparue comme la plus sombre année en matière de liberté de la presse depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, 2015 a davantage inquiété tant le « calme » qui s’est installé semble indiquer une véritable pacification de la presse autochtone. Les médias sont toujours en mesure de couvrir des sujets sensibles concernant le gouvernement local et la Chine continentale, mais le besoin de se battre pour préserver leur ligne éditoriale de toute influence de Pékin se fait de plus en plus sentir. Pour la presse hongkongaise, il ne fait aucun doute que Pékin est à la manœuvre, et s’appuie sur des hommes

liges qui devancent les “désirs du prince” ou les font exaucer. Il reste néanmoins difficile de démêler simples soupçons et réalité. Dernier exemple en date, le fondateur et PDG du site de commerce en ligne Alibaba.com, Jack Ma, qui vient d’acquérir le South China Morning Post, fondé en 1903 dans ce qui était alors une possession britannique.De nombreux journalistes locaux déplorent une dégradation de l’indépendance des médias et de leur capacité à demeurer critiques envers la Chine, ou à l’égard des grandes fortunes de l’archipel et le gouvernement de Hong Kong. Mais dénoncer cette autocensure sans détailler les processus individuels (et notamment le lien hiérarchique) à

l’œuvre au sein des rédactions, permet aux vrais « collaborateurs de la censure » d’échapper à une publicité qui leur serait préjudiciable et rendrait plus difficile leur stratégie de contrôle de l’information. En s’attachant à nommer ceux qui censurent directement ou indirectement les médias hongkongais, et en posant à nouveau des questions laissées sans réponse, RSF entend rendre sa place à une vérité incontestable, qui permettrait d’exposer la stratégie de contrôle de l’information du Parti communiste chinois sur la presse hongkongaise et de déjouer ainsi la stratégie de la Chine pour imposer sa propagande hors de ses frontières.

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DANSL’ACTU LES OLIGARQUES

FONT LEUR SHOPPING

M E D I A

Le prochain rapport de Reporters sans frontières, qui paraîtra en juin, se penche sur l’emprise grandissante des magnats de l’économie et de la finance sur les médias.

Imaginez un monde où l’information serait la propriété exclusive d’une poignée de personnes : les magnats de l’économie. Pour beaucoup, ce monde est déjà le nôtre : des businessmen en tous genres sont pris d’une inquiétante boulimie d’acquisitions, rachetant à tour de bras les plus grands journaux, chaînes de télévision et stations de radio de la planète. Aucun pays, aucun continent ne semble échapper à l’appétit médiatique de ces nouveaux oligarques : Inde, Chine, États-Unis, Europe…

L’ambition de ces nouveaux empereurs des médias est à la mesure de leurs moyens : sans limites. Certains d’entre eux, se targuent de pouvoir faire et défaire les gouvernements ; d’autres concluent des alliances avec le pouvoir politique dont ils bénéficient en retour des faveurs économiques. Dans tous les cas, leur puissance financière associée à leur mainmise sur les fleurons de la presse leur donne un pouvoir qui met parfois bien à mal les principes journalistiques que tentent de défendre leurs employés.

« Oligarque » français, l’industriel breton Vincent Bolloré, illustre jusqu’à la caricature les effets d’un management cavalier sur l’information. Son arrivée à la tête du groupe Vivendi s’est traduite par un changement brutal des grilles et le départ de plusieurs journalistes, notamment de Canal + et de I-télé. Déjà propriétaire du quotidien gratuit Direct Matin et de la chaîne de télévision D8, le richissime homme d’affaire a toujours assumé son interventionnisme dans les médias qu’il contrôle, s’impliquant personnellement dans le choix et l’élaboration des contenus, tout comme dans le choix des intervenants. « Je suis un investisseur industriel »,

clame-t-il en affichant clairement ses objectifs pour le groupe Vivendi : développer des synergies internes et s’internationaliser. « Dans les médias, ce qui l’intéresse c’est le business. Gagner du pognon », explique l’historien français des médias Patrick Eveno.

Le phénomène est global, et ses

conséquences encore incertaines. Le rapport de RSF dresse le premier état des lieux d’une réalité qui a bouleversé le paysage médiatique aussi bien français qu’international. Le débat, dès lors, est aussi nécessaire qu’urgent : quid de l’information quand les oligarques font leur shopping dans les médias?

Alexandre Lévy I journaliste

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DANSL’ACTU DÉCOUVREZ LES IMPLANTATIONS DE RSF DANS LE

MONDE

B U R E AU X

LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Reporters sans frontières est installé à Paris mais l'organisation compte des bureaux et des sections dans dix villes à l'étranger parmi lesquelles Bruxelles, Washington DC, Berlin, Tunis, Rio de Janeiro et Stockholm.

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DANS L'ACTU

SEBASTIAO SALGADO - 100 PHOTOS POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

A L B U M

Reporters sans frontières présente "100 photos de Sebastião Salgado pour la liberté de la presse", un album consacré au travail d’un des plus grands photographes contemporains, maître de la photo humaniste en noir et blanc. Par son écriture photographique, Salgado témoigne des paradoxes du progrès et de la place de l’homme sur la Terre. Le portfolio plonge le lecteur dans son oeuvre épique à travers une sélection d’images tirées de ses plus célèbres projets photographiques. Des textes inédits apportent un éclairage sur ce photographe hors normes et des articles engagés retracent l’actualité du combat de RSF pour la liberté de la presse.

UN REGARD ÉMOUVANT

Depuis quarante ans, Sebastião Salgado parcourt la planète pour rendre compte de ses bouleversements politiques, naturels ou économiques et de ses grands mouvements humains. Son regard ne se pose pas seulement sur une réalité, celle du monde en crise et en développement, il nous expose les blessures de la nature et la noblesse des hommes. L’engagement de Salgado dépasse le cadre de l’acte photographique : la reforestation de la ferme de ses parents avec sa femme Lélia et l’Instituto Terra témoigne d’un projet de vie tout entier consacré à s’investir au plus près de ses sujets.

Aucun ouvrage avant cet album exceptionnel n’a proposé de rétrospective du travail de Sebastião Salgado et de ses différents projets photographiques des années 70 à nos jours. « 100 Photos de Sebastião Salgado » propose une sélection unique des plus belles images d’une icône de la photographie contemporaine, qui saisit avec la même puissance la majesté des paysages et l’émotion des portraits.

LA PREMIÈRE RÉTROSPECTIVE CONSACRÉE AU PHOTOGRAPHE

Auteur de best-sellers et célèbre auprès du grand public, Sebastião Salgado, photographe de tous les records (120 000 entrées pour « Genesis » à la Maison européenne de la photographie en 2013

3’:HIKNTI=VU^^UV:?k@k@f@a@f";M 03981 - 50H - F: 9,90 E - RD

Imprimé en France

Sebastiao SALGADO

100 PHOTOS POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

51MARS 2016

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Sebastiao SALGADO

REPORTERS SANS FRONTIÈRES

100 PHOTOS POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Dans cet album historique, RSF vous invite à (re)découvrir LA légende du photojournalisme. Avec les reportages de guerre qui ont fait la gloire de Robert Capa, mais aussi ses images en couleurs des célébrités de son époque ! Et 10 grandes signatures rendent hommage à l’homme passionné, courageux, séducteur, icône et modèle des photographes d’aujourd’hui. Et 10 grandes signatures rendent hommage.

AVEC LA PARTICIPATION EXCEPTIONNELLE DE :

Susan GeorgeFred RitchinAlain MingamJean Noel JeanneneyIrina Bokova Shane Smith

et 350 000 spectateurs pour le Sel de la Terre, le documentaire que lui a consacré Wim Wenders), est enfin visible dans un album à un prix attractif, avec un format agrandi et une qualité de papier supérieure qui mettent en valeur ses spectaculaires images.

Le portfolio est accompagné de textes inédits rédigés par des personnalités internationales qui analysent et explicitent le travail de Salgado. Parmi elles, Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, Susan George, militante altermondialiste, Alain Mingam, photographe et commissaire d’exposition, Fred Ritchin, directeur de l’école de photo de l’ICP, ou Jean-Noël Jeanneney, historien et président des Rencontres d’Arles.

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Reporters sans frontières s’engage à la confidentialité la plus absolue en matière de successions. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions.

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LIBRE COURS LA REVUE DE REPORTERS SANS FRONTIÈRES POUR LA LIBERTÉ DE L’INFORMATION - Publication trimestrielle - Prix 2 € - Abonnement un an : 6 € - N°ISSN 1814-8190 - Directeur de publication : Christophe Deloire - Rédacteur en chef : Caroline Pastorelli Responsable de la communication : Caroline Pastorelli - Directrice du développement et de la communication : Perrine Daubas - Impression et routage : Imprimerie Chauveau - 2 rue du 19 Mars 1962 - 28630 Le Coudray - Iconographie : Maud Semelin - Maquette : Alice Danneyrolles - édité par Reporters sans frontières - Association loi 1901 reconnue d’utilité publique - Secrétariat international 75083 Paris Cedex 02 - Tél : 01 44 83 84 84 - Site : www.rsf.org - Dépôt légal à parution

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PHILLIPE AIGRAIN, CO-FONDATEUR DE LA QUADRATURE DU NET

Vous êtes et avez été un fidèle donateur pour RSF. Qu'est-ce que cette cause représente pour vous et pourquoi vous sentir investir ?Mon soutien à RSF procède d'un engagement plus large en faveur de la liberté d'expression et d'information. Bien que les rituels électoraux soient respectés dans nos pays, la démocratie y est à notre époque fortement fragilisée par la domination d'intérêts et de représentations du monde limitées. Mon engagement en faveur de la liberté d'information rejoint les sources de la loi sur la liberté de la presse de 1881 qui proclamait à l'origine : "L'imprimerie et la librairie sont libres."L'imprimerie et la librairie d'aujourd'hui sont faites de logiciels et d'internet autant que de presses et de papier. Et les rôlestraditionnellement réservés aux journalistes professionnels en matièred'information et de commentaire sont

aujourd'hui assurés par une diversité d'acteurs: pigistes dont beaucoup n'ont pas de cartes de presse, blogueurs, simples citoyens parfois. C'est parce que RSF a évolué vers la reconnaissance de ce champ plus large, s'est joint aux combats pour les libertés sur internet qu'il m'a paru essentiel de soutenir ses efforts.

La Quadrature du Net est une association qui a souvent croisé la routede RSF. De quelle manière ?Les rencontres entre La Quadrature du Net et RSF se sont faites à la fois dans la solidarité avec les journalistes et blogueurs persécutés dans des pays autoritaires et dans les luttes contre l'introduction progressive de mesures de censure ou blocage de sites en France et dans d'autres pays. La défense des lanceurs d'alerte qui ont joué un rôle majeur pour faire connaître et dénoncer la surveillance de masse

(Edward Snowden en particulier) nous a bien sûr réunis. La montée en puissance d'un état d'urgence et d'exceptionpermanente au nom de la sécurité suscite pour La Quadrature du Net comme pour RSF des inquiétudes fortes, tout comme le risque d'amalgames ou de stigmatisation qui priveraient des parts importantes de la population del'accès à l'expression publique.

LA DÉFENSE DES LANCEURS D'ALERTE A RÉUNIS LA QUADRATURE DU NET ET RSFPropos recueillis par I Caroline Pastorelli

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