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Dans le train ... Marabelh Dins lo tren ... Dans le train ... Le matin, de septembre à avril, il fait nuit et certains voyageurs, en entrant dans le wagon allumé, l'éteignent sans demander aux voyageurs déjà présents s'ils sont d'accord ou pas. Il les appelle les « éteigneurs » et leur absence de considération pour l'opinion des autres l'effraye un peu. Ce sont des hommes d'environ son âge, l'allure un peu rude, souhaitant dormir. Un matin, des voyageurs ont protesté, un peu bruyamment à son goût, contre cet éteignage forcé. Parfois aussi, des «chefs de bord» fanatiques ont ce train en charge et imposent à tous un contrôle qui suscite une certaine colère parmi les voyageurs car il est rare à cette heure et que le contrôleur, pour l'effectuer, doit rallumer le wagon et réveiller tout le monde. Une fois, « pour des raisons de sécurité », un contrôleur a même imposé à certains wagons de rester allumés pendant tout le voyage. Lui ne se sent ni du camp des « éteigneurs » ni de celui des « allumeurs », il aimerait que tout reste pareil.

Dans le train

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From September to April, it's dark when first early morning train leaves at 05:54. Some commuters, when getting on the carriage, would immediately switch the light off without asking if anybody agrees or not. He would call them "switchoffers" and marvel at their disdain for others' opinion. They were rough middle-aged men, wanting to sleep. One morning, a few awake passengers complained against this forced switching off, a bit noisily according to him. Sometimes, "lamplighters" would come too, fanatic ticket inspectors imposing a rare and strict investigation at that very early hour, causing some discontent. One peculiarly fanatic ticket inspector even imposed once to keep the light on during the entire journey "for security reasons". He felt he was neither on the switchoffers' side, nor on the lamplighters' : he would have liked everything to stay the same.

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Dans le train ... Marabelh

Dins lo tren ...

Dans le train ...Le matin, de septembre à avril, il fait nuit et certains voyageurs, en entrant dans le wagon allumé,

l'éteignent sans demander aux voyageurs déjà présents s'ils sont d'accord ou pas. Il les appelle les « éteigneurs » et leur absence de considération pour l'opinion des autres l'effraye un peu. Ce sont des hommes d'environ son âge, l'allure un peu rude, souhaitant dormir.

Un matin, des voyageurs ont protesté, un peu bruyamment à son goût, contre cet éteignage forcé. Parfois aussi, des «chefs de bord» fanatiques ont ce train en charge et imposent à tous un contrôle qui suscite une certaine colère parmi les voyageurs car il est rare à cette heure et que le contrôleur, pour l'effectuer, doit rallumer le wagon et réveiller tout le monde. Une fois, « pour des raisons de sécurité », un contrôleur a même imposé à certains wagons de rester allumés pendant tout le voyage.

Lui ne se sent ni du camp des « éteigneurs » ni de celui des « allumeurs », il aimerait que tout reste pareil.

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Une femme a passé presque tout le voyage au téléphone, mais sans dire un mot. Si ç'avait été de la musique, elle aurait mis ses oreillettes. Elle avait son téléphone contre l'oreille droite et écoutait, l'air triste. Si triste qu'on aurait pu croire un moment qu'elle pleurait car en plus, elle avait sous l'œil gauche une minuscule excroissance de peau qui faisait penser à une larme.

La plus grande partie du voyage, croyant qu'elle pleurait, il a cessé de la regarder. Et puis après Evreux, il a mieux regardé et vu que ce n'était pas une larme mais qu'elle gardait cet air las et triste. Peut-être écoutait-elle ses messages. Une longue série de messages de celui qui l'a quittée : « Tu ne réponds pas. As-tu écouté mon dernier message ? », «J 'ai appelé plusieurs fois, je ne sais pas très bien quoi te dire. Je te rappellerai tout à l'heure. » « Il fait beau et chaud. Je ne veux pas te faire du mal, je n'ai jamais voulu te faire du mal mais la vie est comme ça. Tu sais que j'ai toujours de l'attachement pour toi, je ne peux pas oublier ce qui s'est passé entre nous. Tu peux me rappeler. »

Pour qu'elle l'écoute si longtemps, il a dû aussi passer à un autre niveau. « Il n'y a pas de miracle. Eléonore dit souvent qu'il n'y a pas de miracle. Je sais que tu n'aimes pas que je parle d'elle et que c'est douloureux pour toi mais j'ai besoin de parler. Je sais que tu ne crois pas à la métempsychose et c'est ton droit. Elle y croit. Est-ce que c'est une raison pour la mépriser ? Eléonore dit que nous avons mérité notre rencontre, qu'en quelque sorte, nous n'y sommes pour rien et que nos actions, bonnes ou mauvaises, dans une vie précédente, ont permis cette rencontre. En quelque sorte, cela me soulage. Vois-tu, le fait que je n'y suis pour rien, je veux dire dans cette vie, que cela devait arriver. C'est une grande liberté. Je ne sais pas si tu me comprends car c'est une liberté pour toi aussi, cela veut dire que tu n'as rien à te reprocher. Est-ce que tu comprends ça ? » Peut-être mais elle ne le laisse pas voir.

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Il est très fatigué. Élégant, avec boutons de manchette, chemise blanche et costume noir, il a vaguement mangé sa salade en boite plastique, a mis à recharger son téléphone. Ses yeux se ferment. Le workshop a été pénible et long. Il est parti ce matin à 5 heures de Caen, le lit était chaud, il a serré Claire longtemps, elle lui a dit : « Si tu veux, je peux t'accompagner à la gare ... ». Il a fait le brave, non, reste ici bien au chaud, sous cette couverture, dans ces draps. Tu es moi et ainsi un peu de moi reste ici, un peu de moi ne va pas à Paris. Reste ici dans le lit, comme j'y laissais mon ours avant de partir à l'école, dans le froid, les rires des autres garçons, les sonneries, les couloirs, le préau ... Il ne lui a dit en fait que : « Non, reste ici bien au chaud ».

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Dans le wagon à compartiments et places non réservables, encore à peu près vide, une dame noire enceinte qui dort, allongée sur les quatre banquettes de droite.

À Evreux, la foule. Un groupe de connaissances s'installe dans le compartiment, la dame noire libère les trois places et s'assied contre la fenêtre. Les connaissances n'arrêtent pas de parler assez fort, rient, s'envoient des piques. Ils ont tous entre 25 et 35 ans, bien habillés. La dame noire essaie de dormir mais c'est impossible : la conversation ne s'arrête pas, ni après Bueil, ni après Bréval. Ni même après Mantes.

Généralement, la conversation d'un groupe d'habitués dure une dizaine de minutes, au plus un quart d'heure, le temps d'épuiser les nouvelles, le commentaire des matchs d'hier soir pour les hommes, la météo, la santé, les enfants, le mari, le chef de service pour les femmes. Et puis chacun a malgré tout des choses à faire, regarder sa série, lire son roman, surtout dormir et, dès qu'on arrive aux beaux prés en pente après la vallée de l'Eure, le silence règne, à peine rompu par un timide ronflement ou le petit grésillement venu d'un casque.

Mais les connaissances continuent à parler, fort, intensément, se relançant l'un l'autre. Ils travaillent dans de très grosses entreprises, des groupes pharmaceutiques, des banques. Jusqu'à Mantes, ils n'ont parlé que d'argent, de salaires, de qui a le plus gros salaire, la plus belle prime. À Poissy, ils sont encore à explorer les possibilités du sujet, le jeune cadre bancaire a fini par livrer sa fourchette annuelle de rémunération qui n'a pas du tout étonné la jeune femme volontaire à droite : « Tu vois bien, je gagne à peine plus que toi et pourtant, j'ai 10 ans d'ancienneté ».

La dame noire se lève quand le train traverse la forêt de Saint-Germain. Ils se taisent quand elle passe entre eux pour rejoindre le couloir et aller vers l'avant du train.

Un court silence et puis l'un d'eux remarque : « Elle porte bien ... ». Petits sourires. Allusions aux allocations, « Ça lui fera un revenu complémentaire », rires, blagues. Le groupe est très remonté contre les Noirs, plus que beaucoup d'autres voyageurs qui limitent généralement leur ressentiment à celui d'honnêtes payeurs de billets et d'abonnements fachés que tous les resquilleurs ne soient pas pincés et jetés du train.

Finalement, la jeune femme volontaire à droite fait un geste, impose le silence : « Arrêtez ! Moi, j'en ai assez qu'on plaisante là-dessus. Moi, j'ai décidé que j'arrêterais de plaisanter : maintenant, il faut agir ! » Tous approuvent, semblant savoir ce que « agir » veut dire. La conversation se calme un peu, le train entre à Saint-Lazare, ils se lèvent, se donnent rendez-vous pour le train du soir.

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Les bavards ont bien de la chance (1)

Ils reviennent d'un congrès, d'un colloque, d'une formation ou d'un workshop. Ils doivent travailler dans la même administration, la même grosse entreprise mais pas dans le même service : ils ne sont pas du genre à travailler ensemble puisqu'ils ne parlent pas boulot ni collègues.

« Ce que m'expliquait la psy, c'est que ... C'est comme ça. »Elle a appelé ses enfants pour savoir s'ils étaient bien rentrés. Ils parlent donc enfants. Elle : d'un premier

mariage puisque le sujet est la garde alternée, dont une fille. Lui : du mariage en cours et deux filles. « Les filles ... »

Elle est posée, calme, attentive, regard perçant et bienveillant, dix ans de plus que lui. Il finit par parler beaucoup, par mener la conversation et parler surtout de lui, de ses filles, de la psychologie des filles, si fier qu'elle l'écoute. Elle l'écoute, gentiment.

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Les bavards ont bien de la chance (2)

Il y a quelques mois, le contestataire ferroviaire (un monsieur à l'allure respectable, légère barbe, gros cartable et pardessus à plis) s'est retrouvé à la fois avec une jeune voisine de siège inconnue et un retard de train non prévu et non justifié. Le contestataire, c'est sa spécialité, s'est alors lancé dans son habituelle diatribe très étayée contre le « je-m'en-foutisme » de la SNCF, rappelant un à un tous les manquements de la compagnie à ses missions de service public ces derniers mois. Cela a duré jusqu'à Mantes (où le train s'arrête pour un arrêt « exceptionnel » chaque soir, ce qui est tout de même un comble), jusqu'à Bueil, jusqu'à Bréval et après les tunnels d'avant Evreux, la jeune femme - qui avait commencé par tenter de participer quelque peu à la conversation avant de comprendre que cela n'était pas nécessaire - a fait mine de se lever : elle descendait à Evreux. Le contestataire l'a regardée d'un air un rien déçu : il avait complètement oublié qu'il devait lui aussi, comme chaque soir, descendre à Evreux.

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Les bavards ont bien de la chance (3)

Un jeune homme à la coiffure sage et frisée qui sort son gros ordi portable noir pour montrer à son amie son dernier jeu de stratégie permettant de suivre toutes les évolutions territoriales dans le monde entier depuis le début des temps. Après avoir longuement suivi l'affaire d'un continent à l'autre et un siècle sur deux, il lui montre un point de l'écran, admiratif : « Et là, par exemple, à ce moment-là, on voit que la Styrie est apparue ! » L'amie se penche et prend un air intéressé : « La Styrie, vraiment ? »

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Je me suis endormie et j'ai rêvé quelque chose. Un mage m'attendait sur le pont et il m'a dit : « Te souviens-tu des collines au-delà de la rivière ? Crois-tu qu'il y ait un temps pour tout et que rien, jamais, ne parvienne à tes oreilles ? » (je me souviens de ses paroles car je ne les ai pas comprises). Je lui ai demandé : « Qui es-tu ? » et puis j'ai regardé les eaux de chaque côté du pont, le courant était fort mais les eaux peu profondes. On m'a poussée, c'était une rivière de montagne comme l'été dernier mais les eaux étaient moins froides que l'été dernier. J'avais la tête hors de l'eau et je ne voyais plus le pont. Les enfants étaient autour de moi tout à coup et Aurélie (Aurélie d'il y a environ dix ans, après son opération) m'a dit en riant : « Ne crois jamais ce qu'on te dira sur moi ! ».

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Je voudrais dormir. Les gens sont durs. Je n'avais pas besoin qu'il me dise ça, hier-soir. Je n'ai pas besoin qu'on me mette dans cet état-là, particulièrement en ce moment. « Oui, oui, la soirée chez Adrien ... » Qu'est-ce qu'il en sait de la soirée chez Adrien ? C'était chiant comme tout chez Adrien, on se regardait tous dans les yeux.

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« CONVOCATION AUX EXAMENS D'OCTOBRE 2013. CE DOCUMENT TIENT LIEU DE CONVOCATION. Ne peuvent se présenter aux examens, que les étudiants ayant effectué leur inscription pédagogique au centre audiovisuel. Rappel du règlement : Toute défaillance à une matière constitutive de l'unité d'enseignement empêche la capitalisation de l'unité concernée. Toutes les notes de la 1ère session inférieures à la moyenne d'une unité d'enseignement non validée dans un semestre non validé doivent être repassées. Toute défaillance fait obstacle à l'admission finale. Il n'y a pas d'inscription particulière pour se présenter aux examens. Il n'y aura pas de convocation envoyée à l'étudiant. Aucune session de remplacement n'est possible pour les étudiants en double cursus. Vous devez vous présenter une demi-heure avant le début des épreuves écrites. Présentez-vous avec votre carte d'étudiant(e) universitaire. Les étudiants sont priés d'éteindre leur portable et de le mettre dans leur cartable laissé dans l'allée de l'amphi. »

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La banquette (1)

Cette histoire avec Vivien ne peut que mal finir. Il ne faut pas que j'y pense trop, il faut que je regarde ce qu'il y a de positif dans ma vie et lui, je ne sais pas encore si c'est du positif ou du négatif. Des fois, le négatif peut se révéler positif, peut-être que ça peut me faire avancer. Il est lourd, il est lourd, il est lourd. Putain qu'il est lourd. À Evreux, ils vont me dire de ne pas prendre toute la banquette. Ils peuvent pas prendre leur train de banlieue les gens d'Evreux ?

Vivien : « Ecoute, il y a encore moyen de se parler, ça dépend de toi. »

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La banquette (2)

J'aime bien quand je perds conscience. Même une minute. Quand je m'endors même une minute avant Evreux, ça suffit. Je rouvre les yeux, j'étais ailleurs. Je ne sais même pas où d'ailleurs. J'ai décroché, comme avec Vivien. À un moment, c'est plus la peine. « Pense à toi, pense à toi ! », c'est pas si facile. On dirait qu'il y a que des boulets dans cette ville. Ou c'est moi qui les attire.

Vivien : « Je pense qu'on a encore des trucs à se dire. Appelle-moi. »

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La banquette (3)

Cet été, j'avais juré que non. Mais avec Léa, c'est toujours plus compliqué que prévu, tout le monde sait pourquoi sauf elle. J'ai pas aimé quand elle a parlé de ma mère au serveur. J'ai eu une enfance pas évidente mais ma mère c'est ma mère et je pars pas en vacances pour parler d'elle. «J'aurais su que tu voulais pas en parler, crois-moi, j'en aurais pas parlé !» Et tu aurais parlé de quoi alors ? De mon père ? Il faut pas que je pense à elle quand je veux dormir.

Vivien : «Depuis que c'est fini, j'arrête pas de penser à toi. Et toi ?»

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La banquette (4)

Le type blond, il faut que je lui demande qui c'est. Vivien : « C'est pas toi qui m'as appelé par hasard ? »

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- Et les furets, c'est gentil ?- C'est un peu comme des chats, ils viennent me faire des bisous. Mon mari, ils le mordent ...- Peut-être qu'ils sentent que c'est un chasseur ?- Je ne sais pas mais ils ne l'aiment pas. - Moi, je n'ai rien contre la chasse en soi, mais les viandards, je n'aime pas : ceux qui viennent avec leur

4x4 et qui alignent 300 lapins ...- Mon mari, il chasse à l'arc. En Ile de France c'est fréquent mais par ici c'est plutôt rare. C'est plus sportif.

Quand il réussit à tirer un faisan, il le traverse de part en part.- C'est mieux, il meurt tout de suite. Le respect de l'animal, je trouve que c'est important. J'ai l'impression

que de plus en plus de gens y sont sensibles d'ailleurs. (Plus tard, à propos des élections) J'ai beaucoup de médiums dans mon entourage et ils m'ont tous dit qu'ils avaient canalisé ça : qu'elle passerait en 2017.

- Moi, j'ai l'impression que ce sera plutôt la fois d'après.

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La plage est déserte. Je nage entre les rochers qui sont de grands rochers comme ceux de Potistika et tout est calme, l'eau est celle d'un lac, légère comme à Saulkrastis, à peine salée. Je me retourne, elle est là et ne semble pas mouillée, elle a cette tête qu'elle a sur la photo devant le château à Hévíz, quand Jancsi a dit : «Regarde, elle est là ta comtesse et elle lit !».

Quand je lui écris, elle me répond. Quand elle me dit des trucs, ça me fait rire. Quand elle est en colère, c'est qu'elle a des raisons de l'être et après elle me regarde et me dit : «Embrasse-moi».

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Chère Aurélie, j'ai appris par Élodie que tu étais à Caen cette année. Ça va ? Moi, je suis à Angers depuis deux ans et c'est sympa mais je ne connais pas grand monde. Je vais souvent dans les cafés pour réviser et ça me rappelle quand on révisait le bac, tu te rappelles ?L'autre jour, JF m'a appelé et m'a raconté que tu avais eu un accident et toute l'histoire. Je ne savais pas

du tout. J'avance bien et je pense pouvoir terminer mon DUT à la fin de l'année. Après, il ne devrait pas y avoir de

problème pour le boulot, il y a pas mal de pistes et j'ai fait un stage à Orléans où ça s'est bien passé et on m'a dit que je pouvais postuler après.

Pour l'accident, je pense que c'est pour ça que tu n'as pas pu répondre à ma dernière lettre.Je t'embrasse.

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Non, j'ai pris la semaine. Oui, on s'est baladés un peu. ... C'est trop ? ... Il a une voiture donc on s'est baladés... OK, on demandera ce qu'on peut faire. Un jour on essaiera de faire quelque chose. ... OK, dis-moi... Ecoute, rassure-toi, j'ai fait la promesse et s'il y a quelque chose, on verra... Oui, oui, si je peux, pas de souci. ... OK. ... Toi, ça va au niveau poste ? ... Oui, oui. ... Oui, oui. ... Oui, oui. ... Oui, oui. ... Oui, oui. ... Le rush, oui. D'accord... un peu fatigant. Ton enfant va bien, le petit garçon ?... OK. ... Oui, ça va. ... OK. ... (rire) Tu me fais rire. ... Oui, oui. Bon. OK. Moi c'est pareil ,je me suis dit comme tu as pris un autre boulot, tu vas te fixer, tout ça. ... Ah mais je te dirai, ne t'inquiète pas, si ça me dérange. Tu sais très bien, je t'ai écrit. ... OK, bisous, bonne soirée, bye, oui, oui.

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C'est une musique assez douce, des guitares au fond et une voix qui parle de mirages. Et puis le rythme s'accélère, on croit entendre des oiseaux et cela devient flamboyant. Je ne sais même pas de qui c'est, on m'a passé le fichier et il n'y a que des chiffres dans le nom. C'est peut-être mieux qu'il y ait pas de nom, tu crois pas ? On écoute et puis on aime ou pas, pas moyen d'avoir des préjugés. Imagine qu'on soit tous comme ça, sans nom, sans apparence (bon, OK, sans apparence, c'est difficile), et que les gens te jugent sur ce que tu es vraiment ?

Après Mantes, je ne sais pas, il faut que je dorme.

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«Manger nécessite des forces». Non, le contraire : «Avoir des forces nécessite de manger». Pas comme ça. «Pour avoir des forces, il faut manger». Ou plutôt : «Manger donne des forces». Mais c'est pas assez long. Sur deux lignes peut-être.

Qu'est-ce qu'il m'a dit déjà ? Ça avait l'air brillant mais ça se résumait à ça : «Pierre, cette société est suicidaire. Je sais que c'est une métaphore facile mais nous sommes à bord d'un navire et le commandant, le pilote sont en train de délibérément faire couler le bateau.»

Je ne dirais pas «délibérément», je dirais «inconsidérément». Ou : «Manger donne vraiment des forces». Non. «Manger, cela donne des forces». Il faut que je fasse

autre chose.

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Dans le train ... Marabelh

Gérard,J’apprends que le projet d’organigramme sur lequel nous avons travaillé avec vous, Lucien et Georges a

été diffusé. Vous saviez que l’organigramme que vous avez eu était un projet, et que nous l’avions aménagé en

réunion. Vous avez donc diffusé une information erronée. De plus cette diffusion ne vous appartenait pas.Et mon commentaire «il faut le communiquer » ne consistait en aucun cas une demande de diffusion qui

vous était adressée, mais plutôt la nécessité d’organiser au niveau de la direction la diffusion d’une information stratégique et non encore aboutie.

Vous saviez que les informations qu’il portait dépassaient largement le cadre du service et concernant de nombreux collaborateurs de l'entreprise, qui n’ont pas besoin dans la période que nous traversons, d’être encore un peu plus perturbés.

Je m’interroge donc sur le sens de votre action dont vous mesurez bien les conséquences.

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Dans le train ... Marabelh

«Lorsque vous voyez et acceptez la nature transitoire de toutes les formes de vie, un étrange sentiment de paix s’installe en vous.»

Je dois laisser cet étrange sentiment de paix s'installer en moi.Je ne dois pas penser à Hugo ni à M. Ferrara. Je ne dois pas penser du tout.«La sagesse accompagne la capacité d’être calme. Il suffit de regarder et d’écouter. Rien de plus. Le

calme, le regard et l’écoute activent en vous l’intelligence non conceptuelle. Laissez la quiétude diriger vos paroles et vos gestes.»

Je ne pense à rien, je laisse la quiétude diriger mes paroles et mes gestes.Je ne pense à rien.À rien.(long silence de la pensée)Quel bonheur de ne pas penser à M. Ferrara.

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Dans le train ... Marabelh

C'est vrai que j'ai été très silencieux.Et que quand elle m'a dit «Tu as vu quoi récemment au cinéma ?», je n'ai pas su quoi répondre.Mais j'avais vu ce film il y a pas si récemment et en plus, je me souviens même pas de son titre. Et puis qu'est-ce que je pouvais en dire ?

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Dans le train ... Marabelh

- Adrien, il a du boulot où il veut. Si tu sais construire une maison ... Tout le monde a besoin d'une maison alors t'as du boulot partout.

- Moi c'est pas charpentier, j'ai pas envie de construire une maison. Mais électricien, plombier ...- Électricien, c'est chaud.- Alors plombier... Non j'rigole, moi j'pourrais pas faire un métier qu'a pas d'sens.

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Le roman à deux voix (1)

«Lucie, j'suis au tel. Je t'appelle après.»

«Appelle-moi tout de suite.»

«Je peux pas. C'est un client.»

«À cette heure ? C'est un client ou c'est ta mère ?»

«Arrêêête.»

«Si c'est ta mère, dis-lui que c'est un client qui appelle.»

«Mais c'est déjà un client qui appelle.»

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Dans le train ... Marabelh

Le roman à deux voix (2)

C'est bizarre, je comprends mieux Benny que Désirée. Pourtant, je suis pas du genre agriculteur. Ni du genre homme. Mais peut-être qu'on comprend toujours mieux l'autre camp en fait.

Je pourrais faire comme dans ce bouquin, écrire ce ce qui se passe de mon point de vue et puis après de son point de vue. Peut-être que je comprendrais mieux son point de vue du coup. Mais peut-être que ça serait pas vraiment son point de vue en fait.

29LucieJ'ai appelé Mathieu dans le train (j'étais dans le train, lui pas). Il m'a dit qu'il pouvait pas me répondre, qu'il

avait un client en ligne. Un client à 21h30 ? Tu bosses dans un hôtel ? Tu bosses dans une PUTAIN de boite qui ferme à 18h, Mathieu ! Tu te FOUS de ma GUEULE, Mathieu !

Bon, j'étais pas aussi énervée en fait.

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Le roman à deux voix (3)

Maintenant le plus dur : son point de vue.

30MathieuLucie m'a appelé alors que j'étais en ligne avec un client.

Putain, je suis gentille.

Elle a pas cru que j'étais en ligne avec un client. Elle a cru que c'était avec Maman.

«Maman» ...

Mais c'était pas Maman, c'était un client.

OK, OK.

Mais elle m'a pas cru, elle m'a dit de raccrocher (avec le client mais elle croyait que c'était Maman) en lui disant (à Maman, mais en fait c'était vraiment un client) qu'un client m'appelait. Ça m'a paru un peu compliqué puisque justement c'était un client qui m'appelait. Et pas Maman.

Mine de rien, je sauve mon couple là.

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Dans le train ... Marabelh

Le débat était sur «Métempsychose et Polythéisme». J'ai tenté de leur faire préciser le sujet qui me semblait un peu vaste puisque nous n'avions qu'une heure trente. Et que l'assistance n'était pas forcément au fait des notions de base.Ils m'ont dit que ce n'était pas eux qui avaient décidé.L'autre intervenant était un chamane hongrois qui m'a semblé légèrement mal à l'aise. D'autant plus qu'il n'y avait pas d'interprète et que son vocabulaire anglais était limité.L'assistance était intéressée mais posait des questions qui n'avaient pas grand chose à voir avec le sujet : «Peut-on danser avec son âme ?», «La sagesse est-elle de droite ?», «Si la douleur est secondaire, comment la surmonter ?»Toutes mes tentatives pour recadrer le sujet ont été vaines.Mais ils ont payé le voyage et j'ai pu vendre un livre.

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- Avec ma cousine, on s'est dit : on monte un truc (elle revenait du Chili). On monte un truc au Chili, on se fait de la thune. On s'est dit : on va regarder si c'est possible ou pas. Parce que ma cousine elle est dans le tourisme responsable. Elle connait un mec, il a eu un terrain magnifique pour 7000 balles.

- Mais pourquoi il a acheté ce terrain ?- Tu sais, c'est une super occase. Moi, monter un truc, ça me dit. Et lui, il est trop partant. - Mais monter quoi ? Moi, si c'est pas un endroit qui me botte ...- C'est un des plus gros spots de surf du Chili.- Ça c'est cool. - Du coup, on s'est dit qu'il fallait monter un truc avec un certain standing. Pas les routards et tout. Moi j'ai

trop envie de trucs comme ça.- En arrivant, on va peut-être aller se faire nos courses parce que moi j'ai rien mangé.

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Dans le train ... Marabelh

Élodie avait appris à ne jamais dire merci. «Tout ce qui t'est donné t'est dû» disait souvent sa mère et Élodie put vérifier plus tard à quel point ce précepte pouvait dissiper sa gêne lorsqu'on lui offrait quelque chose. Mais qui lui offrait quelque chose désormais ?

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Le parent d'élève (1)

Elle le croise tous les mardis à 6 heures du soir. Depuis trois ans.

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Le parent d'élève (2)

Très vite, elle a constaté qu'il avait remarqué cette coïncidence. Et qu'il en semblait à la fois content et gêné. Il ne savait visiblement quelle attitude adopter face à cette régularité. Elle ne pouvait tout de même pas quitter l'école plus tard ou plus tôt pour le tirer de ce plaisir embarrassant.

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Le parent d'élève (3)

À la kermesse en juin, ils se croiseront devant sa classe. Sa fille le tiendra par la main et dira : «Viens, il y a des gâteaux dans la classe de Cynthia». Il laissera entrer sa fille mais n'entrera pas. Alors elle s'approchera et lui dira : «Vous êtes le père d'Alice. Alice est une drôle de fille : elle est toujours fourrée dans ma classe et je ne sais pas du tout pourquoi.» Elle lui dira aussi que c'est amusant qu'ils se croisent ainsi tous les mardis à la même heure : «Nous sommes bien synchronisés». Ils causeront et puis Alice ressortira de la classe et entrainera son père ailleurs.

Il pourrait bien être le père d'Alice.

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Bonjour,Vous êtes inscrit à Pôle-emploi, êtes à la recherche d'un emploi en cohérence avec vos compétences,

expériences professionnelles et/ou formation, votre profil et votre projet professionnel sont cohérents avec le marché du travail et votre stratégie de recherche d'emploi est définie. Lors de votre inscription ou lors d'un entretien avec votre conseiller Pôle-emploi, il a été déterminé que vous étiez autonome dans le cadre de vos démarches (connaissance et maitrise des techniques de recherche d'emploi de base, maitrise d'internet, connaissance des sites généraux de recherche d'emploi...). C'est ce qui a déterminé votre modalité de suivi à Pôle-emploi, et donc, les modalités d'échange correspondants (échanges dématérialisés avec votre conseiller, rendez vous physiques sur demande de l'une ou l'autre des parties en fonction des besoins, etc). Pour autant, être autonome dans ses recherches ne veut pas forcément dire être un expert d'une part, et d'autre part ne pas avoir besoin de conseils.

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Lui, il respire la gentillesse. Elle aussi. Ils sont cools. Pas comme des parents. Et ils kiffent avec tout le monde. C'est dommage qu'on les voie pas plus. Tu peux aller les voir, tu peux rien faire : ils vont pas te prendre le chou. Si tu veux regarder la Loire, tu peux regarder la Loire.

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