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Dansymétrie – Virginie Ouada et Pauline Fleury - 2011 Page 1 DANSYMETRIE 1. Des parcours éclairant……………………………………………….………………………….page 2 Virginie, le corps vers la parole…………………………………………………………………………..……....page 2 Pauline, de la musique aux mathématiques ……………………………………………………………………page 3 2. Naissance du projet …………………………………………………………………..…………..page 3 Un projet motivé………………………………………………………………………………………….………...page 3 Pourquoi des mathématiques et de la danse ?………………………………………………………….……..page 5 3. Mise en œuvre du projet …………………………………………………………………………page 6 4. Quels contenus…………………………………………………………………………..………….page 7 Les notions travaillées…………………………………………………………………………………………...page 9 Repérage dans le plan Symétries axiale et centrale Introduction à la danse Les segments corporels : la situation du bonhomme et des points- lettre Les élastiques Les poèmes mathématiques de Guillevic Cartes postales chorégraphiques…………………………………………………………………….………..page 17 5. Au-delà des contenus………………………………………………………………….……....page 19 Transmettre des messages……………………………………………………………………….……….…..page 19 Utiliser la diversité……………………………………………………………………………………….……...page 21 Participer à des rencontres…………………………………………………………………………………..... page 22 Une équipe pédagogique investie……………………………………………………………………….…....page 22

Dansymétrie

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DANSYMETRIE

1. Des parcours éclairant……………………………………………….………………………….page 2 Virginie, le corps vers la parole…………………………………………………………………………..……....page 2

Pauline, de la musique aux mathématiques……………………………………………………………………page 3

2. Naissance du projet…………………………………………………………………..…………..page 3 Un projet motivé………………………………………………………………………………………….………...page 3 Pourquoi des mathématiques et de la danse ?………………………………………………………….……..page 5

3. Mise en œuvre du projet…………………………………………………………………………page 6

4. Quels contenus…………………………………………………………………………..………….page 7

Les notions travaillées…………………………………………………………………………………………...page 9

Ø Repérage dans le plan

Ø Symétries axiale et centrale

Ø Introduction à la danse

Ø Les segments corporels : la situation du bonhomme et des points- lettre

Ø Les élastiques

Ø Les poèmes mathématiques de Guillevic

Cartes postales chorégraphiques…………………………………………………………………….………..page 17

5. Au-delà des contenus………………………………………………………………….……....page 19

Transmettre des messages……………………………………………………………………….……….…..page 19

Utiliser la diversité……………………………………………………………………………………….……...page 21

Participer à des rencontres………………………………………………………………………………….....page 22

Une équipe pédagogique investie……………………………………………………………………….…....page 22

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Ouverture artistique et culturelle………………………………………………………………………………page 23

L’image du collège valorisée………………………………………………….……………………………….page 25

6. Le spectacle qui finalise le projet…………………………………………………………page 27

Photos du spectacle et paroles d’élèves ……………………………………………………………………page 29

Et les collègues, qu’en ont-ils pensé ?..……………………………………..…………………….………..page 32

7. Et après ? …………………………………………………………………………………………....page 33

Le collège Blaise Cendrars de Boissy-Saint-Léger est situé dans le quartier populaire de la Haie-Griselle., quartier enclavé derrière le terminus de la ligne du RER A. Il accueille une population majoritairement issue de milieux sociaux défavorisés et présente une mixité culturelle riche. Classé en Zone d’Education Prioritaire, ce collège comme beaucoup d’établissements de l’Académie de Créteil, a des équipes pédagogiques instables, cependant quelques enseignants sont en poste depuis de nombreuses années (record à ce jour : 32 années !) Ces témoins constatent une nette augmentation du niveau de pauvreté des familles et des conditions d’enseignement plus difficiles.

Globalement, les élèves arrivent en 6ème avec des lacunes importantes, notamment dans la maîtrise de la langue. Les élèves n’ont pas l’habitude de lire, échangent peu avec les adultes et leur vocabulaire est pauvre. A ces difficultés, s’ajoutent bien souvent une absence de travail à la maison, des barrières méthodologiques et organisationnelles et des problèmes de comportement et de concentration.

Même si les enfants font trop souvent preuve d’agressivité et de violence verbale entre eux, les incidents violents restent rares. Cependant la violence à l’école croît ces dernières années et le langage

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s’avilit, s’abîme.

1. Des parcours éclairant

• Virginie, le corps vers la parole

J’étais une enfant rêveuse, trop dans les nuages pour aimer la rigueur des mathématiques. Je me souviens de mes angoisses en CM2 les jours de « calcul mental », de mes difficultés de logique, de raisonnement. Il me fallait éprouver les choses dans la vie pour les comprendre, les écrire, j’étais une littéraire réfugiée dans le corps, très sportive (gymnaste, danseuse, un peu d’athlétisme, de triathlon et beaucoup de sport de pleine nature). Alors, J’ai finalement choisi l’EPS, peut-être plus pour suivre le désir du père que le mien. A l’université, je découvre la danse contemporaine avec Armande Leppelec et je me passionne pour cette pratique artistique.

J’enseigne l’EPS depuis 1996 en zone d’éducation prioritaire (Seine-Saint-Denis puis Val-de-Marne). Danseuse, j’ai tenté par la danse, d’ouvrir les élèves à des univers artistiques, en laissant libre cours à la créativité chorégraphique pour exprimer, pour parler avec le corps, pour dire en mouvement. Je m’impliquais dans le développement de cette pratique en EPS. Je participais aux commissions régionales et

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départementales UNSS en danse, j’étais jury aux épreuves EPS/ danse du Certificat d’aptitude au professorat des écoles ainsi qu’aux épreuves du baccalauréat pour les options danse. Je montais des partenariats avec des structures culturelles pour lancer des projets (classe à PAC) pour emmener les élèves voir des spectacles, pour dynamiser l’association sportive danse.

Peu à peu, mes lectures et mon travail d’analyse de pratiques ont attisé mon désir d’aller au delà du corps vers la parole, pour offrir aux élèves, un temps, un espace pour dire les mots et les maux qui font blocage à la réussite et à la confiance en soi. Aujourd’hui, j’enseigne en classe relais à Boissy-Saint-Léger depuis deux ans.

• Pauline, de la musique aux mathématiques

Clarinettiste depuis l’enfance, j’ai suivi une scolarité classique. C’est en terminale que j’ai dû faire un choix pour les études supérieures : mathématiques ou musique ? Finalement, j’ai choisi l’option mathématique, préférant garder la musique et les spectacles comme loisirs.

C’était la discipline dans laquelle j’avais le plus de facilité, d’abord parce que je m’y suis intéressée très tôt et puis, j’avais hâte de savoir ce que les étudiants des classes préparatoires scientifiques ou des universités voulaient dire par : « ce que vous faites au collège ou au lycée, ce ne sont pas vraiment des maths » Quelle ne fut pas ma déception ! Après trois années passées sur les bancs de la faculté, je ne savais plus du tout pourquoi j’avais choisi cette voie. Je n’avais pas trouvé ce que je cherchais dans cette vision des mathématiques.

C’est en 2006 que je fais ma première rentrée en tant que professeure titulaire dans l’académie de Créteil bien différente de celle de Rennes où j’ai fait mes études.

Les débuts sont difficiles : en plus du changement de région, je me retrouve devant toutes les complexités de la tâche professionnelle qui m’est confiée. Heureusement, l’équipe du collège Blaise Cendrars m’a accueillie de manière chaleureuse, réconfortante, encourageante et surtout stimulante.

J’ai retrouvé alors le plaisir de faire des mathématiques c’est-à-dire de raisonner, calculer, manipuler les nombres ou les éléments de géométrie, découvrir ; argumenter, débattre de l’utilité (voir de l’inutilité !), s’exprimer, donner un sens…

Dans ce contexte, j’ai eu l’impression d’apprendre vite le métier d’enseignant ; les élèves ne m’ont pas laissé pas le choix ! Les rentrées suivantes se sont mieux passées.

C’est en 2008, après une année de travail ensemble que nous décidons de monter ce projet.

2. Naissance du projet

• Un projet motivé :

En septembre 2008, le collège perdait 3 classes : de 19 classes, nous passions à 16. Les classes seraient plus chargées. L’année s’annonçait donc plus difficile encore.

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Le déclic pour Pauline

Lors de la première édition du forum de l’innovation pédagogique à Rennes, j’ai rencontré des enseignants extraordinaires, qui menaient dans leurs classes des projets à la fois inventifs et simples (création de jeux de société pédagogiques, la philosophie en maternelle, être éco-citoyen au collège…), toujours avec un but précis : la réussite de l’élève. J’y allais pour présenter notre façon d’enseigner par compétences dans notre collège. Ces journées ont été un élément déclencheur pour moi : Je ne pouvais pas me satisfaire de l’enseignement traditionnel caricatural : Le prof sur son estrade, les élèves invités à recueillir la bonne parole et à se taire, la note sur 20 qui entérine le chapitre avec des commentaires qui ne permettent pas à l’élève de progresser : « pas assez de travail », « peut mieux faire »… J’avais des convictions, il fallait les assumer et se lancer. Je me devais de changer de décor, de distribuer les rôles différemment et de revoir le scénario.

La richesse des supports, des approches, des méthodes, des ressources et des outils me semblait désormais incontournable pour mieux accompagner l’élève dans son parcours.

Tout enseignant en mathématiques le sait. De nombreux élèves (et adultes !) voient les mathématiques comme un univers totalement obscur. Qui n’a jamais entendu cela : « De toute façon, ça sert à rien de m’expliquer, je suis nul en maths ! » Des perceptions certainement dues à un langage spécifique. Mais c’est aussi le revers de la médaille, de la place que l’on a toujours voulu donner à cette discipline : mathématiques, symbole de sélection, d’élitisme voir même d’intelligence.

Je ne peux accepter l’idée d’ignorer et de parquer au fond de la classe les élèves en difficultés avec ma discipline, autrefois appelés cancres.

Lorsque, pendant un cours de mathématiques, on demande à une classe de reproduire une figure géométrique, beaucoup n’y arrivent pas alors que d’autres n’essaient même pas. Proposé lors d’un cours d’Arts Plastiques, les résultats de ce même exercice sont tout à fait différents. Tous essaient et quelques uns seulement ne produisent rien. Le constat est édifiant et me conforte dans l’idée qu’il faut trouver une entrée à cette discipline tant détestée et qu’il me faut la désacraliser.

Notre collège ne déroge pas à la règle : le nombre de copies blanches parle de lui-même. Néanmoins, un travail différent est mené depuis 4 ans par les équipes de français et mathématiques, basé sur l’enseignement par compétences et l’une des conséquences positives remarquables est la quasi-absence de copies blanches aux examens.

J’avais bien essayé de proposer des situations concrètes proches du quotidien des élèves. En vain. Bizarrement, ils ne voyaient pas l’intérêt de calculer l’angle que devait faire la trajectoire du ballon avec le sol pour passer au dessus d’un gardien de plus d’un mètre quatre-vingt dix. « Moi, je regarde et je tire » m’a fait remarquer un élève. C’est sûr c’est plus simple !

… Et pour Virginie : Pourquoi faire un projet de classe avec des mathématiques et de la danse ?

Les balbutiements du projet sont apparus en avril 2008, lorsque Pauline a découvert le travail que nous réalisions avec les élèves, à l’AS danse du collège. Certains élèves de 3ème, très difficiles et décrocheurs en cours s’avéraient être des artistes danseurs. La richesse et la précision des mouvements, la créativité, la justesse et la vérité de l’interprétation que nous donnaient à voir ces jeunes, en nous offrant une part d’eux-mêmes, étaient exceptionnelles. Quel enseignant, riche de tout son savoir pouvait offrir cette vérité pour la transmettre ? Christopher, élève en décrochage, nous interpellait par la danse en nous disant « coucou, je me montre à vous, tel que je suis, vraiment. » Il nous montrait les limites de nos jugements : notre savoir ne sert pas à résoudre la question du « qui suis-je », très présente chez nos élèves.

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Cette année là, la chorégraphie présentée sur le thème de l’adolescence, s’intitulait « les mots contre les maux ». Cette question sans réponse, Christopher a pu s’en approcher à travers la danse. La danse était un espace de réalisation, de réussite et de reconnaissance.

Alors pourquoi ne pas mêler le savoir mathématique au savoir du corps, pour apprendre ?

Le désir de réaliser un projet de classe en mélangeant nos compétences respectives, commençait à émerger. Nous souhaitions fédérer les élèves autour d’une expérience de vie commune dont ils garderaient le souvenir, et qu’ils pourraient réinvestir, autrement dans leurs vies futures. Nous voulions donner la parole aux élèves sur les « les mathématiques et la danse », en leur offrant un espace et un temps d’expression et de pratique dans ces deux disciplines. Désormais, chacun d’entre eux auraient une expérience pratique et singulière du travail d’interdisciplinarité possible entre le français, les mathématiques et l’EPS.

Il fallut trouver des points de liaison, des points d’ancrage, d’abord dans les mots, nous parlions de corps, de mouvements, d’espace, de mots, de mesures, de temps, de musique, d’écriture, de littérature…tout était en lien, nous possédions la matière, il nous restait à tisser le fil, à sculpter le bloc de pierre pour l’affiner par les idées qui jaillissaient, qui changeaient, qui s’improvisaient au cours du temps pour donner naissance à l’œuvre des élèves, DANSYMETRIE.

• Pourquoi des mathématiques et de la danse ?

(Pauline)

Virginie et moi avions beaucoup de points de convergence sur la vision de l’enseignement, des élèves, de la place du projet au sein de la classe. Nous pensions notamment que le savoir était toujours beaucoup trop découpé en tranches, à chaque prof la sienne et aux élèves de s’y retrouver. Une bonne raison pour nous de travailler autour d’un projet commun.

De plus, c’est un élève qui m’a convaincu que la danse pouvait être un support intéressant pour approcher les mathématiques. Virginie avait en charge, dans le cadre de l’AS, l’activité danse le mercredi après-midi. Un élève redoutable de 3è (décrochage scolaire, attitude en classe très gênante) m’a un jour montré une partie de la chorégraphie qu’il présentait aux Rencontres Chorégraphiques Départementales puis Régionales. Quelle ne fut pas ma surprise ! J’étais loin d’imaginer qu’il était capable de faire un tel travail. Christopher dansait avec précision. Chacun de ses pas montrait une extrême rigueur. La concentration dont il faisait preuve me laissait sans voix. C’est une série de mouvements parfaitement symétriques qui m’a complètement décidé : nous allions faire des maths en dansant.

Aussitôt, les idées fleurissaient. Géométrie, nombres, gestions de l’espace… la danse offrait des possibilités d’exploitation. Cela dit, c’est surtout un projet plus ambitieux qui m’a motivée. L’idée de trouver une entrée oui. Mais si on arrêtait de voir les mathématiques comme un outil ? Et si on montrait à l’élève que les mathématiques sont vraies, justes, rigoureuses, exactes ? Et si on montrait à l’élève que les mathématiques sont belles ?

(Virginie): les Mathématiques comme champ d’expression

C’est en souvenir de mes propres angoisses en mathématiques, tout au long de ma scolarité et de mes facilités dans le travail du corps que je me suis questionnée sur les résultats que pourraient donner l’alchimie des mathématiques et de la danse, pour contribuer à la réussite des élèves et leur faire dépasser leur vision erronée des mathématiques. Peut-être que les mathématiques s’inscrivent en nous selon

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différentes formes. Elles s’inscrivent dans le corps à travers, le mouvement, l’orientation dans l’espace, les directions, les trajectoires, la coordination, l’effort, la mesure du temps, la vitesse…Les mathématiques du corps et les mathématiques à l’école étaient une idée intéressante à analyser, à approfondir, à travailler et à éprouver avec des élèves. J’avais la chance d’avoir rencontré la professeure de mathématiques qui partageait l’idée d’une conception innovante de la pédagogie, de la transmission du savoir à l’école et du rapport aux élèves dans la parole et non dans le discours du maître. Nous avons choisi de prendre appui sur le langage (oral, écrit, chorégraphié) des élèves pour rompre avec la logique d’enfermement de l’application de la tâche à l’école. Ainsi, le savoir s’est construit par un questionnement, des tâtonnements, de l’incompréhension, des retours en arrière, des improvisations, des expérimentations, des recherches, des désaccords. Les élèves sont devenus des chercheurs, non des exécutants, ils étaient ainsi responsables de leur « dire et de leur faire ». Le chemin parcouru par les élèves n’était pas linéaire, il était en vie (dans l’envie, dans le désir et en vie) car tous y participaient en y mettant un peu d’eux même.

Le projet Dansymétrie est né d’une rencontre entre deux personnes soucieuses de faire émerger la singularité de chaque enfant, de valoriser et d’utiliser la richesse des différences du sujet pour créer, apprendre, travailler, imaginer, écrire, parler, construire, s’exprimer avec des mots, avec des maths, avec des corps.

3. Mise en œuvre du projet

• Présentation du projet aux élèves

Nous choisissons de présenter le projet dès le début de l’année. Choix stratégique : Il fallait que les enfants arrivent en classe le premier jour et qu’on leur impose un projet collectif, qu’il soit encadré par celui-ci avant même d’avoir le temps de se connaître et d’établir des relations défavorables.

Je suis désignée professeure principale de la classe, c’est donc dès le jour de prérentrée que le projet leur est présenté. Les élèves manifestent très peu de réactions à ce moment là. C’est une classe classique de 5è, composée de 21 élèves. Ni les élèves ni les professeurs n’ont choisi la composition de cette classe. Aucun élève n’est donc volontaire pour ce projet.

Je ne développe pas le contenu des enseignements mais leur parle des modalités : 1 heure de mathématiques hebdomadaire et le cycle danse seront consacrés au projet. Ils devront également obligatoirement suivre une heure d’accompagnement éducatif hebdomadaire à partir du mois de janvier pour préparer l’échéance : le spectacle de fin d’année qu’ils présenteront à leurs camarades et leur famille, ainsi qu’au personnel du collège, au conseil municipal, aux éducateurs du quartier… Quelques commentaires sont chuchotés, mêlant peur ou répulsion. Je les rassure en leur expliquant qu’on travaillera ensemble, élèves et professeurs dans le but d’arriver au meilleur résultat possible.

F Franchement Madame j’ai rien compris ! Des maths et de la danse ?

Oh là, ça y est on est cuits !

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4. Quels contenus

Ø La première séance est consacrée aux questionnaires sur leur vision des mathématiques et de la danse :

Projet : séance 1

1) Les mathématiques tu trouves ca :

2) Les mathématiques c’est ....(3 mots)

3) D’après toi, à quoi ça sert les maths ?

4) Les mathématiques c’est facile quand....(3 exemples)

5) Les mathématiques c’est difficile quand....(3 exemples)

6) Quels liens y a-t-il entre les mathématiques et la danse ?

J’ai pas très bien compris ce qu’on allait faire, mais j’étais tout de suite motivée à l’idée d’apprendre autrement !

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Celui-ci sera à nouveau utilisé au mois de janvier.

Deux objectifs sont visés :

Le premier est d‘établir des séries statistiques que nous étudierons dans le cadre du programme « gestion de données » avec regroupement de données en classe, calcul d’effectifs, calcul de fréquence, construction de diagramme circulaire grâce à un tableur grapheur. La nouvelle enquête, faite en janvier sera l’occasion de faire des comparaisons de ces résultats.

Le second est de faire réfléchir les élèves sur leur vision des mathématiques, de prendre conscience de leurs compétences et de leurs difficultés, ainsi qu’évaluer les représentations convergentes qu’ils ont des mathématiques et de la danse. Ce dernier point sera très révélateur : à part quelques élèves qui répondent « on compte les pas », la majorité de la classe répond « je ne vois pas », « je ne sais pas » ou « il n’y a aucun rapport »

Ø La séance suivante consistera à approfondir ce point.

D’abord individuellement puis par groupe de 2 ou 3, je leur demande de répondre à la consigne suivante :

« Etablir tableau présentant les points communs et les différences entre les mathématiques et la danse ». La mise en commun mène au tableau suivant :

Certains éléments (proposés par des groupes différents) sont contradictoires et mènent à des discussions qui resteront sans réponses définitives de ma part.

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Exposé des points de vue sur les différences et les points communs entre les mathématiques et la danse.

• Les notions travaillées

Ø Repérage dans le plan

Cette séance se passe dans la cour du collège. J’ai quelques appréhensions. J’ai l’habitude d’enseigner à des enfants assis, un cahier ouvert devant eux. Là c’est différent. Comment gérer une classe hors de la classe ?

Je prends conseil auprès des collègues d’EPS et je me lance… J’installe un cadre strict en demandant aux élèves de se ranger le long du mur qui borde la cours, je passe ainsi les consignes facilement, dans le silence et l’attention, et la séance se passe bien.

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La scène est un plan et nous allons y construire un repère. Les élèves commencent par graduer deux cordes de plus de 20 mètres que nous appellerons axes. Certains prennent la règle pour mesurer, d’autres déroulent la corde, d’autres marquent les graduations au feutre, et enfin certains regardent en commentant et indiquant aux autres ce qu’ils doivent faire.

A aucun moment je n’ai désigné le rôle de chacun, j’ai juste fait deux groupes (un pour chaque corde). Je suis déjà surprise des capacités de la classe à prendre des initiatives et à travailler en groupe. Quelques élèves restent en retrait de l’activité. Je vais vers eux en leur montrant l’intérêt de prendre part aux activités et d’essayer de trouver une place dans le groupe.

On place alors les axes au milieu de la cour, puis les élèves se postent aux coordonnées que je leur indique : plutôt que de dire à Fatima de se déplacer en fond de scène à droite ou à jardin, je lui demande de se rendre au point (7 ; 5)

Un des objectifs principal du projet est de s’approprier le langage mathématique, de le comprendre et de l’utiliser. Aussi, nous nous efforçons de passer du langage courant au langage mathématique régulièrement. Ils prennent ainsi conscience que ce terme utilisé, a priori technique et abscons, a un sens et détermine un concept.

Les élèves M, A, J et V sont placés sur la scène comme ceci, pour réaliser une chorégraphie sur le poème rectangle.

Détermine les coordonnées de chacun d’eux :

M( ; ) A ( ; ) J( ; ) et V( ; )

Mme Ouada n’est pas satisfaite : le public ne peut pas voir les points A et M cachés par J et V.

A et M décide de se décaler et se place ainsi A( -1 ; 3) et M (3 ;3).

Maintenant c’est Mme Fleury qui n’est pas du tout contente.

« Bien-sûr !, s’écrit J, nous devions faire une danse sur le rectangle. »

Explique la réponse de J et place les 4 points correctement.

Ø Symétries axiale et centrale

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Nous reprenons les axes construits la séance dernière et les plaçons dans la cour. Après un rapide retour sur les coordonnées d’un point je leur demande de se mettre par binôme. L’un des deux membres doit se placer sur la scène en répondant à la contrainte suivante : Il devient un point d’ordonnée positive. L’autre membre doit, lui, se placer en fonction de son coéquipier, de telle façon que l’axe des abscisses soit un miroir. Nous abordons rapidement la notion de distance à l’axe des abscisses, et chaque élève exprime les coordonnées qu’il représente.

Ensuite, je demande à chaque élève d’un groupe d’effectuer des mouvements, son camarade devant toujours respecter le concept du miroir.

Nous venons d’introduire la symétrie axiale.

La séance se termine par un travail par groupes de 3 à 5 : les élèves sont libres d’effectuer une suite de mouvements illustrant la symétrie axiale. Certains continuent de prendre une corde comme axe de symétrie, d’autres choisissent d’effectuer des symétries par rapport à l’un d’entre eux ou plusieurs d’entre eux.

La séance suivante se déroule de la même manière.

Auparavant, nous avions vu en classe la construction d’abord à main levée puis avec les instruments, de symétrique (de points puis de figures). Il est arrivé que je ressorte les cordes en classe pour qu’ils visualisent les choses : deux élèves tiennent la corde, souvent en diagonale dans la classe puis certains se déplacent.

C’est par ce biais que nous avons observé les propriétés liées aux symétries.

Nous travaillons sur le concept de demi-tour. C’est seulement en fin d’heure que j’introduis le terme de symétrie centrale, une fois que la notion de point autour duquel on fait demi-tour (le centre de la symétrie) est bien installée dans leur esprit.

De la même façon que la semaine précédente, les élèves créent une suite de mouvements illustrant la symétrie centrale. Les réalisations respectent la contrainte demandée et sont nettement plus chorégraphiques que précédemment.

Les trois séances suivantes sont consacrées à la structuration chorégraphique des différentes séquences élaborées par les élèves sur le thème des symétries. Ils ont eu ensuite à répéter afin de mémoriser et d’inscrire le mouvement dans le corps. Cette étape d’appropriation a permis aux élèves de laisser libre cours à leur interprétation dans la chorégraphie finale.

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Les élèves à la découverte de la symétrie centrale.

Ø Introduction à la danse

C’est à partir du travail mathématique mené auparavant que le cycle de danse a débuté.

La première séance était consacrée à la connaissance des différents espaces utilisés en danse.

L’espace scénique :la situation d’apprentissage consistait à se déplacer sur un espace délimité par vague de quatre d’une coulisse à l’autre de façon neutre mais concentré sans geste parasite, sans parole, sans musique. Ce travail simple et répétitif a d’abord été ressenti comme rébarbatif par les élèves qui n’en comprenaient pas le sens. Pour remédier à cela, j’ai introduit progressivement de nouvelles consignes et notamment une intention claire pour chaque passage de marche (pressé, mou, apeuré, heureux triste…). Le groupe classe était divisé en deux : un groupe de spectateurs et un groupe de danseurs. Ainsi le travail prenait sens chez les élèves qui comprenaient la difficulté de se déplacer en danse et la concentration que cela demandait pour capter l’attention des spectateurs. Les élèves ont immédiatement perçu la différence de concentration et de sérieux du travail réalisé selon les groupes. Après chaque passage, les spectateurs émettaient des critiques constructives pour améliorer le passage suivant.

L’espace corporel : Nous avons ensuite définit l’espace du danseur c'est-à-dire l’espace autour du corps du danseur délimité par ses mouvements .Pour intégrer cette notion nous avons travaillé en binôme sur le jeu du miroir .A tour de rôle les élèves devaient réaliser des mouvements face à face, avec différentes parties du corps en prenant conscience du point d’origine du mouvement, une articulation (poignet, coude, épaule, hanche, tête, phalanges, genoux, chevilles). L’un créait le mouvement, l’autre le reproduisait dans le même temps. Ce Travail sollicitait chez eux, l’écoute, l’observation, la concentration pour reproduire à l’identique le mouvement du camarade. Ce travail était présenté quatre par quatre binômes précédé d’une marche d’entrée sur l’espace scénique en fin de séance devant les élèves spectateurs. Dés le début du cycle les élèves devaient danser pour présenter le travail réalisé aux autres. C’est une façon de s’habituer au regard d’autrui et travailler le rôle du spectateur, du danseur et du chorégraphe et de prendre conscience du travail.

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Ø Les segments corporels : la situation du bonhomme et des points-lettre

Un bonhomme est dessiné sur une feuille avec une lettre de l’alphabet sur 26 points du corps laissant apparaître les différents segments corporels (toutes les articulations plus le nez, les yeux, le menton et les oreilles). Chaque élève doit intégrer ce nouveau langage alphabétique du corps en écrivant avec des impulsions de ces points son prénom. Puis dans un jeu de question réponse par deux, ils répondent à la question comment t’appelles-tu ?

Ils sont très amusés par ce travail et d’eux même inventent de nouvelles questions simples et s’amusent à y répondre.

Dans un deuxième temps l’impulsion devient le point d’origine du mouvement et donne naissance à la poursuite du mouvement jusqu’au bout du segment. On obtient alors des formes dansées par ondulations. Ils trouvent cela très joli et comprennent peu à peu la transformation vers une motricité dansée ou stylisée ainsi que les différents espaces.

Le travail est présenté en fin de séance et j’encourage chacun à y apposer sa note personnelle dans une qualité de mouvement : l’énergie.

Point X : Dos

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Les élèves réalisent devant leurs camarades les créations de la séance.

Ø Les élastiques

La première contrainte de la danse avec les élastiques fut de se mettre en mouvement, en maintenant toujours l’élastique tendu. Nous travaillons donc en élongation du mouvement comme pour aller au-delà de soi-même, de ses segments comme un prolongement de ceux-ci. L’élastique est ce qui fait lien entre deux segments du corps, les réunit, les assemblent, les attachent. Après des manipulations, des recherches d’improvisation, nous décidons que l’élastique liera la main droite et le pied droit.une moitié du corps libre de ces mouvements, tandis que la seconde moitié est contrainte par l’élastique dans le mouvement. Les six élèves de ce tableau chorégraphique composent en s’amusant à rentrer, sortir, tourner, sauter, aller au sol

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avec toujours cet espace tendu, qui fait partie du corps du danseur, comme un handicap à sublimer par la danse, à rendre esthétique dans le mouvement.

Ø Les poèmes mathématiques de Guillevic Après ces séances, je me suis intéressée à la notion de langage ; c’était ce qui réunissait nos trois disciplines. C’est pour en connaître plus sur le sujet, que j’ai commencé à faire des recherches. J’y ai découvert ce qui y allait être comme un tournant pour ce projet : les Euclidiennes d’Eugène Guillevic.

En lisant ces poèmes, j’ai tout de suite su que nous allions pouvoir (et même devoir !) les exploiter. C’était d’abord une illustration du fait que mathématiques et littérature n’étaient ni opposés ni cloisonnés, et ensuite ceux-ci apparaissaient clairement comme un excellent univers de création.

Cette partie a constitué la base de la construction chorégraphique, le début d’un engagement réel dans l’écriture de « Dansymétrie ». C’est par l’écriture, la trace d’un autre que les élèves ont construit leur propre trace dansée. Les poèmes ont été étudiés, puis nous avons formés des groupe de figures géométriques, triangle T1, T2, T3, rectangles 1, 2,3 ont illustré le poème par de la danse. Une fois compris, appropriés, subjectivés et ressentis, les poèmes ont fait naitre assez naturellement chez les élèves l’inspiration d’une réécriture par les mouvements du corps.

Le répertoire de possibilités abordées avec les segments , les points à l’origine du mouvement et le temps de la recherche, de la réflexion pour établir un lien entre le sens de l’écriture et l’écriture chorégraphique, a permis l’émergence progressive et autonome de la danse des poèmes. Les élèves ont apprécié et compris l’intérêt et la richesse du travail de groupe pour travailler, pour créer. Ce travail de création à facilité et élevé les échanges verbaux. Tous étaient focalisés sur une création commune.

La danse a donné un sens profond à ces poèmes. Elle les a inscrits dans le corps par le mouvement. Deux ans après cette fabuleuse expérience, les élèves sont capables de réciter ces poésies et peut-être même de les danser !

En groupe alors là, c’est sûr, on travaille.

Je me souviens, on était tous assis au fond de la salle, sur le banc, on réfléchissait et d’un seul coup, on a trouvé ce qu’on allait faire, alors on l’a fait.

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Quelques uns des poèmes sur lesquels nous avons travaillé :

Point

Je ne suis que le fruit peut-être De deux lignes qui se rencontrent.

Je n'ai rien

On dit : partir du point, Y arriver.

Je n'en sais rien.

Mais qui M'effacera ?

Les droites parallèles Ne se frôlent pas l’aile Elles sont toujours à l’écart Ne se frôlent que du regard Leur regard est mesuré Pas en degrés mais en pieds Si par malheur elles se croisaient Ce serait fini pour l’éternité

triangle scalène

Bon pour danser,

Virevolter

Sur ma base, sur mon sommet,

Sur mes côté, mes autres angles.

C’est que je suis toujours

Agité, tiraillé,

Par des angles, par des côtés

triangle isocèle

J’ai réussi à mettre

Un peu d’ordre en moi-même.

J’ai tendance à me plaire.

Dansymétrie – Virginie Ouada et Pauline Fleury - 2011 Page 18

Assemblés au hasard

Et sans égalité.

triangle équilatéral

Je suis allé trop loin

Avec mon souci d’ordre

Rien ne peut plus venir

triangle rectangle

J’ai fermé l’angle droit

Qui souffrait d’être ouvert

En grand sur l’aventure.

Je suis une demeure

Où rêver est de droit.

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Les élèves réalisent une chorégraphie sur un poème imposé par groupe (photo 1 et 2) Une chorégraphie pour la classe entière sera élaborée sur le poème le point (photo 3).

Lorsque nous avons commencé à travailler sur ces poèmes, la création chorégraphique a d’abord été décevante. Après analyse, nous nous rendions compte de la difficulté pour les élèves à comprendre le sens de ces poèmes.

Nous avons distribué les textes aux élèves dans la salle où ils dansent et n’avons même pas pris le temps de lire les textes ensemble : nous étions allées trop vite.

La poésie étant au programme de 5è, Joël Gonzalez, professeur de français, étudie ces poèmes de Guillevic avec les élèves.

Afin de comprendre toute la richesse de ces poèmes, il fallait que les élèves aient une bonne connaissance des termes mathématiques employés.

Nous avons travaillé sur les polysémies rencontrées en mathématiques. Avec l’aide de Christelle Cornic l’enseignante documentaliste, les élèves doivent définir les termes suivant une première fois dans la vie courante et une seconde en mathématiques. Ce travail a abouti à un lexique illustré des termes suivants, rencontrés dans les programmes de 6è et de 5è.

A addition

aigu

arc

arête

arrondi

C calcul

F face

figure

formule

fraction

fréquence

G grandeur

H

P parallèle patron

plan

point

positif

preuve

problème

produit

Dansymétrie – Virginie Ouada et Pauline Fleury - 2011 Page 20

centre

comparaison

corde

coordonnée

côté

D défaut

degré

disque

dividende

division

droite

E échelle

égalité

entier

excès

exposant

hauteur

I image

impair

inconnue

indice

inégalité

M milieu

N nature

négatif

nul

O obtus

opération

opposé

ordre

origine

R rayon

rapporteur

relatif

repère

reste

retenue

S signe

solide

solution

somme

sommet

supérieur

T table

trapèze

V vol

Après ce travail, les créations chorégraphiques par groupes de 2 à 4.

De plus la lecture des vers sera travaillée puis les voix des élèves seront enregistrées par Jean-Luc Nègre qui élaborera la bande-son du spectacle.

Cette partie du projet a été primordiale : non seulement, elle nous a pris beaucoup de temps (du fait de la richesse des exploitations possibles) mais c’est lors de ces séances que les élèves ont vraiment commencé à donner le meilleur d’eux-mêmes. Je me souviens notamment de Mohamed lors d’une de ces séances. C’est un élève très en difficulté, qui a effectué une session en atelier relais en 6è du fait de ces difficultés. Son comportement est trop souvent vacillant du fait de ses difficultés de compréhension et de son désintérêt pour les disciplines scolaires. Il danse régulièrement en dehors de l’école, et participe a des batailles de danse hip-hop, appelé battle. Alors que je travaille avec trois élèves sur le triangle, Mohamed propose à ces élèves non danseurs des enchaînements puis il vient vers moi pour me conseiller : « vous devez bien décomposer les pas. Ils doivent bien les faire pour qu’on comprenne de quelle phrase du poème on parle ».

Dansymétrie – Virginie Ouada et Pauline Fleury - 2011 Page 21

Après cette séance, je donnerai des responsabilités multiples à Mohamed, car il l’a bien compris, n’étant pas danseuse moi-même, il a beaucoup plus à apporter que moi sur ce terrain là. Ainsi valorisé, il sera un élément moteur pour le projet et une source évidente de motivation pour nous.

• Cartes postales chorégraphiques

Pauline : Tout au long de l’année de cinquième, je propose aux élèves des problèmes ouverts. Les élèves ont l’habitude depuis l’école primaire de répondre à ce genre de problème, mais ceux-ci ont été longtemps délaissés au collège, sous prétexte de manque de temps et au profit d’activité de démonstration plus encadrées. Pourtant, comme le dit Albert Jacquard, ils favorisent la démarche intérieure : « toujours hésitante, faite d’avancées, de reculs, d’impasses explorées, d’obstacles paraissant infranchissables et soudain dépassés, de découragement devant des mots ou des formules qui semblent autant d’ennemis, d’enthousiasmes aussi lorsque des évidences sont soudain entraperçues. »

C’est aussi l’occasion pour moi de présenter une des facettes du métier de mathématicien.

Aussi, nous faisons rapidement le lien avec la classe entre deux objectifs qui nous préoccupent : résoudre un problème et créer une chorégraphie. Les élèves y trouvent de nombreuses similitudes :

Je demande à chaque élève d’écrire un texte. Toujours dans l’objectif de produire un travail collectif, on lit ensemble les productions de chacun d’entre eux en retenant les parties intéressantes. Quatre élèves sont chargées de la mise en forme finale qui conduira au texte suivant :

Quand on me donne un problème de maths ou une chorégraphie à créer, c’est toujours la même chose ! Tout d’abord on se casse la tête pour trouver une idée. Chaque minute passe, on a toujours rien de noté sur notre feuille blanche. J’attends mais la solution ne vient pas à moi. Donc je réfléchis jusqu’à temps que cela vienne, mais rien ne vient dans mon esprit d’élève. Ca énerve, ça m’énerve !!!!!! Ma tête explose. Au bout d’un moment j’en ai tellement marre que je voudrais presque lâcher l’affaire. Mais je me dis qu’il faut se reprendre : je commence à me concentrer, à être sérieux, à réfléchir… Et tout d’un coup, une idée me vient à la tête ! Elle était juste devant moi, je n’y crois pas. Maintenant, j’ai envie de continuer à chercher. Ma tête se remplit d’idées ; tout s’accélère. C’est le bonheur. Celui-ci servira de base aux cartes postales chorégraphiques.

Virginie : Je m’inspire du stage de formation danse sur le thème des « cartes postales chorégraphiques » projet initié par, la chorégraphe et danseuse, Dominique Hervieu, pour le festival « francofffonnies » en 2006 (festival francophone en France qui célèbre la diversité culturelle des pays francophones).

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Je décide de créer trois duos dansés parlés dans trois langues, pour interpréter le texte écrit par les élèves. Trois messages dansés en arabes, en créole et en chinois, seront filmés, sous-titrés et projetés pendant le spectacle.

Chaque duo choisit ses règles du jeu chorégraphique :

1) Les rôles :

• un narrateur et un danseur : l’un parle pendant que l’autre danse.

• Deux Danseurs- narrateurs : Les deux élèves parlent en dansant.

2) L’espace scénique est délimité :

• danser à l’intérieur d’un carré de quatre mètre carré

• danser dans l’espace corporel du narrateur, utiliser le corps de l’autre pour danser

3) la gestuelle : passer du mime à la danse

Les élèves partent de ce que le texte évoque pour elles en mouvement. C’est comme une traduction en langage des signes avec tout le corps.

Exemple : Pour traduire la phrase du texte, « On se casse la tête pour trouver une idée », tous ont eu le même réflexe de prendre leur tête entre les mains.

Il fallait ensuite styliser, personnaliser, chorégraphier les mouvements.

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Réalisation de la carte postale chorégraphique en chinois dans le hall du collège.

5. Au-delà des contenus…

• Transmettre des messages

Même si l’ambiance, entre les élèves de cette classe est bonne, celle-ci n’échappe pas à un des fléaux du collège. De nombreux élèves subissent régulièrement des brimades de la part de leurs camarades, sont victimes (et parfois coupables) de moqueries, qu’elles portent sur leur origine, sur leur couleur, sur un détail physique ou bien sur d’autres plus ou moins incongrus (nom de famille ou prénom du père par exemple…). Certains sont aussi victimes de rumeurs colportées à leur insu.

Etant professeur principal de la classe, le sujet, comme tous les ans me préoccupe.

Je fais le lien entre ce qui se passe dans la classe (et plus largement dans le collège) et le projet au travers du texte suivant de Raymond Devos :

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Mesdames et messieurs ... Je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh ! Je sais ! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire ... il ferait mieux de se taire !" Evidemment ! Mais c'est trop facile ! ... c'est trop facile ! Vous voudriez que je fasse comme tout ceux qui n'ont rien à dire et qui le gardent pour eux ? Eh bien non ! Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache ! Je veux en faire profiter les autres ! Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs, vous n'avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en discute ! Je ne suis pas ennemi du colloque. Mais, me direz-vous, si on en parle pour ne rien dire, de quoi allons-nous parler ? Eh bien, de rien ! De rien ! Car rien ... ce n'est pas rien. La preuve c'est qu'on peut le soustraire. Exemple : Rien moins rien = moins que rien ! Si l'on peut trouver moins que rien c'est que rien vaut déjà quelque chose ! On peut acheter quelque chose avec rien ! En le multipliant Une fois rien ... c'est rien Deux fois rien ... c'est pas beaucoup ! Mais trois fois rien ! ... Pour trois fois rien on peut déjà acheter quelque chose ! ... Et pour pas cher ! Maintenant si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien : Rien multiplié par rien = rien. Trois multiplié par trois = neuf. Cela fait rien de neuf ! Oui ... ce n'est pas la peine d'en parler ! Bon ! Parlons d'autres choses ! Parlons de la situation, tenez ! Sans préciser laquelle ! Si vous le permettez, je vais faire brièvement l'historique de la situation, quelle qu'elle soit ! Il y a quelques mois, souvenez-vous la situation pour n'être pas pire que celle d'aujourd'hui n'en n'était pas meilleure non plus ! Déjà nous allions vers la catastrophe nous le savions ... Nous en étions conscients ! Car il ne faudrait pas croire que les responsables d'hier étaient plus ignorants de la situation que ne le sont ceux d'aujourd'hui ! Oui la catastrophe, nous le pensions, était pour demain ! C'est-à-dire qu'en fait elle devait être pour aujourd'hui ! Si mes calculs sont justes ! Or, que voyons-nous aujourd'hui ? Qu'elle est toujours pour demain ! Alors je vous pose la question, mesdames et messieurs : Est-ce en remettant toujours au lendemain la catastrophe que nous pourrions faire le jour même que nos l'éviterons ? D'ailleurs je vous signale entre parenthèses que si le gouvernement actuel n'est pas capable d'assurer la catastrophe, il est possible que l'opposition s'en empare ! Raymond Devos.

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Lors d’une heure de vie de classe, nous lisons l’extrait du texte que j’ai choisi (le début). A la fin de la lecture, tous disent l’apprécier, même si certains m’avouent n’avoir « rien compris ». Je leur montre la première de couverture du livre « Sens dessus dessous ». Un seul élève connaît Raymond Devos : « il joue du violon, j’ai un DVD chez moi ! ».

Par un travail collaboratif, nous expliquons le texte ; j’emmène assez vite les élèves vers le thème de la diffamation. Nous étudierons les points suivants : Qu’est-ce que la diffamation ? Quelles peuvent être les conséquences sur la victime ? Que risque le coupable ? Comment l’éviter ?

Avec Virginie, nous décidons d’intégrer ce texte dans le spectacle sous la forme d’une carte postale chorégraphique. Nous choisissons Vivien et Alan, deux élèves à forte personnalité qui ont une place importante dans la classe.

Sur le texte que je lis, les deux garçons ont créé une chorégraphie qu’ils effectuent sur mon bureau dans leur salle de cours de mathématiques.

Vivien et Alan effectuent leur chorégraphie sur le texte de Raymond Devos.

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Le choix des textes de RONAN CHENEAU m’est apparu comme une évidence lors de la représentation à la Maison des Arts de Créteil du spectacle de danse, « Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue », en 2008. Il s’agissait de mettre en évidence la peur que peuvent éprouver les gens vis-à-vis d’une jeunesse qui s’éloigne peu à peu des codes sociaux et culturels des anciennes générations. Je voulais pointer du doigt ce fossé creusé par l’ignorance et les jugements des gens qui ont peur.

Peur de parler, peur d’échanger , peur de partager, peur de découvrir, peur du lien social , peur de l’autre différent de soi, peur de celui que l’on ne connait pas mais que l’on juge sans savoir .

Il s’agissait de décortiquer la thématique de la peur, de comprendre qu’elle nous éloigne les uns des autres, en nous interdisant de rencontrer, de voyager et d’apprendre des autres.

Mélodie, Anaïs et Florencia travaillent sur le texte de Ronan Cheneau.

• Utiliser la diversité

Si l’on considère Dansymétrie comme l’ œuvre d’art des élèves de 5eme B, il était important de rendre visible et lisible l’hétérogénéité, les subjectivités de chacun, les similitudes, la diversité culturelle qui a été source d’inspiration dans la chorégraphie .Cette ouverture à l’identité de l’autre a permis de construire une œuvre complète riche du travail et des différences de tous. Chacun y a mis son empreinte en appréciant et en respectant celle des autres. La peur n’existait pas. Ils ne considéraient plus leurs différences comme un handicap mais comme une source de créativité. Les élèves reconnaissaient et s’appropriaient cette diversité des idées, des cultures, des humeurs, des styles comme une richesse supplémentaire qui les réunissaient à un moment dans leur parcours de vie.

Chacun dansait dans le style qu’il voulait en respectant les contraintes.

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Par l’utilisation de plusieurs langues parlées par les élèves dans leur famille pour les cartes postales chorégraphiques (créole, arabe et chinois), nous mettions davantage en exergue ce pluralisme.

• Participer à des rencontres

Très contente d’avoir participé à la première édition du forum de l’innovation pédagogique l’année précédente, je n’hésite pas une seconde devant l’invitation pour la deuxième édition.

Ce n’est pas seulement l’idée de rencontrer des enseignants qui partagent mon idée de l’éducation qui me pousse à y participer à nouveau ; Je suis fière de présenter ce projet, qui me tient tant à cœur.

L’accueil y est remarquable : les visiteurs présentent un intérêt certain pour notre projet. Ils sont d’abord souvent intrigués, puis convaincus par le fait de mêler ces deux disciplines au travers d’un projet riche. Certains soulignent également la simplicité des outils utilisés.

L’accueil y a été tellement positif que le jury, présidé par Philippe Meirieu, m’a remis le Prix de l’enseignant innovant.

Je rentre au collège le lundi plus que motivée, annonce la nouvelle aux élèves qui sont ravis. Ayant reçu un appareil photo, je confie celui-ci à la classe jusque la fin de l’année. Devant tant d’autonomie, certains sont désarçonnés : « Oh moi je m’en servirais pas, j’ai trop peur de le casser ! ».

Le panneau Dansymétrie présenté au forum.

• Une équipe pédagogique investie

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C’est Joël Gonzalez, professeur de français de la classe, qui a répondu le premier positivement à l’appel pour s’engager à nos côtés dans ce projet. Bien que TZR et nommé tardivement sur ce poste, il a dès le mois de septembre manifesté l’envie de participer.

La plus grande partie de son travail a consisté à étudier avec les poèmes d’E.Guillevic. Il a aussi préparé l’enregistrement de la lecture des poèmes et la mise en scène de nos deux présentateurs.

Enfin, par sa participation aux sorties, aux répétitions et à la gestion des coulisses (assurant calme et sérénité aux élèves !), il a pleinement pris part à cette aventure humaine.

Pour préparer le spectacle, c’est toute une équipe qui s’est laissé embarquée. Benoît Candas (professeur de sciences physiques) a élaboré les cartes postales chorégraphiques et le DVD du spectacle, Jean-Luc Nègre (professeur de musique) s’est chargé de la sonorisation et Mireille Bretton (professeure de technologie), Catherine Burger (professeure d’histoire géographie) et Geneviève Leleu (professeure de mathématiques) ont confectionné les costumes pour les danseurs.

Lors de la soirée, ce sont des professeurs qui ont assuré l’accueil et la sécurité des spectateurs ainsi que le maquillage des danseurs.

Ainsi, c’est une grande partie des enseignants du collège qui s’est investie en cette fin d’année. Ce spectacle a permis de fédérer toute une équipe autour d’un projet qui valorise les élèves.

Depuis, un spectacle de fin d’année a lieu tous les ans, et chacun trouve sa place en y participant à sa façon.

• Ouverture artistique et culturelle

Pour initier les élèves au rôle du spectateur, les sensibiliser et les ouvrir à l’univers artistique de la danse, nous avons organisé deux sorties à la maison des arts de Créteil (partenariat M.A.C avec le collège) au cours de l’année.

En octobre, la classe a vu « Gershwin » une création chorégraphique de la compagnie Montalvo –Hervieu.

C’est fou, j’ai vu des symétries dans toutes les chorégraphies!

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En avril, nous avons organisé une journée de visite et spectacle à la M.A.C par un technicien. Les élèves ont visité les dessous de scène, le grand plateau, le petit plateau, les coulisses, les salles de répétition ainsi que le plateau technique avec la préparation des décors, de la sonorisation, la lumière.

Visite de la MAC avec un technicien.

L’après midi nous avons assisté au spectacle « Monstre Moi !» par la compagnie Caryatides. Cette chorégraphie abordait la thématique du regard des autres sur la difformité, différence ou le handicap physique ou psychique.

Ces deux ouvertures au monde culturel et artistique ont nourri la créativité, surpris et réveillé la curiosité et l’inventivité des élèves. En ces occasions, ils ont voyagé dans des univers qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont compris le sens de leur travail, offrir un moment d’évasion et de bonheur, suspendre, le temps d’un spectacle, RESPIRER.

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Les sorties à la MAC de Créteil ont permis à la classe de se soudé davantage.

• L’image du collège valorisée

Le collège étant situé dans un quartier difficile, il souffre d’une image très souvent négative. Certes, les faits de violence et d’incivilités existent, mais trop souvent la mairie, le personnel du collège ou les familles réduisent le discours à « ce qui va mal ».

Aussi, ce projet a permis de donner à chacun une autre image du collège : montrer qu’il s’y passait aussi des évènements positifs, de partage et de réussite.

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Article paru dans le Boissy Mag.

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Article paru dans la Gazette de Blaise

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6. Le spectacle qui finalise le projet

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Spectacle de fin d’année du collège Blaise Cendrars

23 juin 2009 – salle des fêtes de la ferme

Au collège Blaise Cendrars, on fait des projets, on découvre d’autres horizons, on innove, on ose même….

Bonne soirée à tous !

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Introduction « Nos enfants nous font-ils peur ? », texte de R.Cheneau

Voix : Joël Gonzalez

Les symétries Découverts par les élèves par le biais de leur corps, la géométrie « en miroir » et des « demi-tours » sont présents dans la vie courante et bien sûr dans l’art. Carte postale chorégraphique en créole A la croisée des langues et des langages… Danse et voix : Priscillia Vallade et Florencia Cozema Elastique et quadrilatère Chorégraphie créée pour développer la connaissance des propriétés des quadrilatères particuliers avec la contrainte des élastiques, qui permet l’exploration de nouveaux univers de création. Carte postale chorégraphique en arabe Danse et voix : Nessrine Naili et Fatima Hatri Poèmes mathématiques L’étude de la littérature mathématique, notamment des poèmes du breton A. Guillevic est encore une nouvelle occasion pour les élèves de lier mathématique et art par la créativité. Carte postale chorégraphique en chinois Voix : Céline Diep Danse : Virginie Ouada

« Elle est où la peur ? », texte de Voix : Oumou Bajo et Medhi Foueni Carte postale chorégraphique : « Parler pour ne rien dire » de R. Devos Danseurs : Vivien Malonga et Alan André Voix : Pauline Fleury Improvisation Chercher, essayer, trouver, se tromper, persévérer, abandonner, explorer, construire, communiquer… le mathématicien et le danseur ont-ils un travail si différent ? Chorégraphes : Jordan et Issa Présentation : Oumou Bajo et Medhi Foueni Chorégraphies mathématiques : les élèves de la classe de 5èB Assistance : Virginie Ouada et Pauline Fleury Etude littéraire : Joël Gonzalez Son : Jean-Luc Nègre Films : Benoît Candas Technique : Patrick Cazanove Costumes : Catherine Burger, Mireille Bretton et Geneviève Leleu Invitations : Céline Diep, Catherine Burger et Brigitte pour le coup de ciseaux Merci à la municipalité de Boissy-Saint-Léger, à M. Déis, principal du collège, ainsi qu’à tous les collègues qui nous ont permis de réaliser ce projet…

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• Photos du spectacle et paroles d’élèves

C’était mon premier grand spectacle.

Le jour du spectacle, tout le monde était beau : Oumou avec son boa, Medhy avec se cravate qui se prenait pour le maire…

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A la première représentation, je ne suis pas venu parce que j’avais trop peur de danser devant les copains. Mais pour la deuxième, j’étais obligé d’y aller car je m’étais trop investi.

Les autres nous disaient qu’on allait se ridiculiser.

A la fin du spectacle, je n’étais pas content que ça se termine.

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La fierté qu’on ressent à la fin du spectacle, quand les gens applaudissent.

Les autres nous disaient « on va vous afficher », mais tous ont dit que c’était bien. J’ai regretté de ne pas être là.

Le spectacle ce n’était pas le plus important, c’est surtout tout le travail qu’on avait fait avant.

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A la fin du spectacle, c’était émouvant avec tous les profs.

Après le spectacle, les autres classes avaient envie de participer.

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• Et les collègues, qu’en ont-ils pensé ?

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.

7. Et après ?

Deux ans ont passé depuis la fin de ce projet. Les élèves sont désormais pour la plupart en 3è. Je n’en ai aucun en cours cette année, mais certains viennent me voir régulièrement. Ils me parlent de ce qu’il se passe dans leur classe, se confient. Parfois, nous nous remémorons cette année, nous partageons des anecdotes.

Nous avons rencontrés quatre d’entre eux : Mohamed, John, Myriam et Mélodie. Ils nous ont livrés leurs souvenirs.

Vous allez faire un spectacle cette année Madame ? Je pense qu’il ne sera pas aussi bien que le notre !

Certains élèves ont révélé des capacités que je ne soupçonnais pas car elles n’étaient pas scolaires. Mohamed par exemple ou Alan se sont montrés excellents danseurs, avec une bonne présence sur scène. Autant ils étaient éteints en classe, autant ils étaient pétillants sur scène.

J’ai aussi découvert des qualités insoupçonnées chez mes collègues

Je me souviens des difficultés que les collègues rencontraient pour faire travailler ces élèves.

Je me souviens que le jour de la répétition générale, on avait très peur du résultat. Et le jour J, les élèves ont donné le meilleur d’eux même et c’était très réussi.

Idée géniale et audacieuse : faire des Maths en dansant. Quelle belle réussite !!!!

BRAVO aux élèves et aux enseignants qui ont tous été formidables... et MERCI

Un projet pluridisciplinaire, transdisciplinaire,... mais aussi un moment d'échange et de partage de culture avec les cartes postales arabes, créoles et chinoises très émouvantes.

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Qu’est-ce qui restera le plus important pour toi dans ce projet ?

Myriam : C’est le travail en équipe. Il faut réussir à s’entendre et puis même si on n’est pas intéressé, en voyant les autres, ça motive.

Mélodie : C’est travailler en équipe. Certains avaient plus de mal, mais on était solidaire. Pour travailler la synchronisation, nous devions nous écouter, nous regarder, respecter les autres. On était tous sur un pied d’égalité.

John : Grâce à ce projet, on a pu travailler avec plus de rigolades, il y avait moins de disputes et moins d’embrouilles. C’est grâce aux sorties aussi, qu’on avait un vrai esprit de groupe. Comme la fois où on est allé à la MAC et qu’on a fait un pique-nique au bord de Créteil. Comme il y avait ce projet, quand on faisait des maths normales, on était plus au travail.

Quelle était l’ambiance dans la classe ?

John : Au début, on n’écoutait pas, on ne faisait rien. Et puis, au bout d’un moment, je me suis dit que je devais faire plaisir à Madame Fleury. On s’est mis au travail à plusieurs, et tous ont suivi.

Mohamed : Au début, personne ne voulait faire ce projet mais c’est le groupe qui a encouragé. Quand on est tous ensemble c’est sûr que cela fait travailler.

Mélodie : C’était une ambiance très conviviale, même amicale. Mais ce qui était bien c’est qu’on travaillait quand même vraiment.

Quelle relation aviez-vous avec nous ?

John : On parlait bien, on rigolait. On se confiait à eux même parfois.

Mohamed : On a partagé pleins de choses. On a beaucoup parlé avec vous, on s’est confié. Mais c’est normal, on a passé beaucoup de temps ensemble, on se voyait presque tous les jours.

Et si c’était à refaire ?

Mélodie : Volontiers !

Myriam : Je le referai mais avec plus de conviction. Je ne m’étais pas assez investie, je m’étais fait une fausse idée. Maintenant, je regrette.

Mohamed : Oui, je le referai, mais avec la même classe. En plus, je sais que les autres élèves ils voudraient le faire aussi.

John : Des fois je m’imagine retourner en arrière pour revivre cette année.

Vous voulez ajouter quelque chose ?

Myriam : L’autre jour, j’étais en cours de mathématiques et j’ai repensé à Dansymétrie en voyant un triangle devant moi.

Mélodie : On en reparle souvent.

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Virginie :

Le projet Dansymétrie a été moteur de l’année 2008/2009. Nous avons au cours de cette année établi une véritable relation de confiance et de travail de groupe avec les élèves, nous les avons rencontré autrement, dans des moments favorisant des temps forts, d’efforts, de conflits, de rire, de partage, de convivialité, de vie. Cette expérience s’est inscrite en nous car elle correspondait à notre désir. Pour cette raison, nous avons transmis « cette envie à vivre ».

Aujourd’hui, toujours soucieuse d’être dans l’échange des mots pour soulager les maux, je travaille en classe relais à Boissy-Saint-Léger. La classe relais est un dispositif pédagogique visant à accueillir les élèves de niveau 4e, 3e en décrochage scolaire, manquant de repère sociaux, scolaires et/ou familiaux. Ce dispositif reçoit un groupe de huit élèves par sessions (3 sessions de 8 à10 semaines par an). J’ai eu la joie de travailler avec Pauline sur la classe relais en 2009/2010.Mais nous n’avons pas renouvelé une expérience si bien réussie. La peur de faire moins bien sans doute !

Dansymétrie restera gravée, comme une trace d’émotion intense et de bonheur dans mon parcours professionnel. Merci aux enfants de la classe de 5e B 2008/2009 de nous avoir suivi dans ce projet un peu fou qui nous a fait du bien à tous.

Pauline :

Pour ma part, je réitère depuis tous les ans mon engagement dans le développement de l’accès à la culture à l’école : en 2009/2010, j’ai collaboré au projet « atelier de création musicale » et en 2010/2011, nous abordons l’art du théâtre par la mise en scène de « la ballade des planches » de Jean-Pierre Allègre. C’est deux projets ont été mené avec l’association de Jean-Luc Nègre, qui sans doute a pris goût au travail en équipe et à l’esprit d’aventure. Bien-sûr, tous ces projets mènent à l’organisation d’un spectacle de fin d’année, devenu rituel désormais. Chaque professeur a alors à cœur de participer à cet évènement, toujours de leur propre volonté.

Je me demande souvent ce qui poussent mes collègues à donner de leur temps et à s’impliquer comme ils le font alors que rien ni personne ne les y oblige. C’est pour moi l’envie de participer à la vie du collège et apporter leur contribution dans la mise en valeur du travail des élèves. Mais c’est aussi certainement l’occasion de manifester leur soutien et leur reconnaissance pour notre travail.