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sans voix ? cahier connaissances sur Comment entendre DIALOGUE CITOYEN I octobre 2011 des Débat public : la voix

Débat public : Comment entendre voix la sans voix ? des · faciliter leur prise de parole, nous avions envi-sagé de créer un conseil spécifique, à l’instar de ce que nous avions

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sans voix ?

cahier connaissancessur

Comment entendre

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des

Débat public :

la voix

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La démarche pour qui ? pour quoi ?

La participation citoyenne au processus d’expertise et de décision est au coeur des mutations de l’action publique depuis une dizaine d’années. La création de nouveaux espaces de participation plus ouverts aux citoyens et aux associations de la société civile témoignent d’une évolution de la conception de l’action publique. Pour sa part, la Ville de Nantes s’est engagée dans une politique publique de Dialogue citoyen qui s’appuie sur l’expertise d’usage pour co-produire les politiques publiques.

La question de la participation des plus exclus au débat public est un questionnement transversal au Dialogue citoyen à Nantes. La démarche « Dialogue pour tous » pré-sentée ici vise à questionner les conditions de participa-tion au débat public des citoyens qui s’en sentent exclus notamment du fait de la précarité de leurs conditions de vie. L’échec scolaire, le chômage, la pauvreté, les difficul-tés familiales… Quand on a la tête sous l’eau, difficile de s’impliquer dans la vie de la Cité. Et pourtant la citoyenneté

n’est pas réservée aux mieux lotis. À condition pour la col-lectivité de faire preuve de détermination, d’obstination.

Comment problématiser la question de la participation des plus exclus au débat public et tenter d’y apporter des éléments de réponse ? Pour cela, la Ville de Nantes a posé les enjeux autour de cette question comme essentiels et travaillé sous forme d’atelier citoyen du-rant un an. Elle a fait appel à une méthode éprouvée, construit ainsi une expertise partagée, tout en portant une attention particulière aux réflexions et aux expé-riences conduites ailleurs.

En lançant la première édition du cahier « Connais-sances sur », la Ville fait partager sa propre analyse et expose la diversité des points de vue. Ce partage de la connaissance permet d’accompagner la réflexion et de favoriser le débat public avec tous les acteurs : citoyens, professionnels, associations, experts, scientifiques.

enjeux 4 et 5Une première partie porte sur les enjeux à travers l‘approche des élus, des citoyens et agents de la Ville et de ce qu’ils ont pu puiser et de leurs ambitions dans une telle démarche. Pascale Scilbo, adjointe au maire, chargée de la lutte contre la pauvreté, Michelle Meunier adjointe à la Solidarité, aux Personnes âgées et à l’Insertion sociale, Rachel, citoyenne et militante associative, Charlotte, agent de développement culturel à la Ville de Nantes, Stéphanie, Présidente des Restos du cœur de Loire-Atlantique.

méthode 6 à 9Une deuxième partie développe la méthode innovante autour de la création d’un atelier citoyen composé de citoyens, d’associations et de professionnels agents de la Ville avec à l’appui, la méthode de la qualification mutuelle de Suzanne Rosenberg et le théâtre forum développée par Fabienne Brugel.

anaLyse 10 à 12La troisième partie révèle l’analyse produite par la Ville sous la forme d’un avis citoyen composé de vingt-cinq propositions dont l’instruction par les services de la Ville a produit une réponse argumentée autour de cinq axes et douze actions.

expertise partagée 13 à 19La quatrième partie « expertise partagée » éclaire sur les points de vue recueillis avec Laurence Potié de la Mission

régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes (MRIE), Laurent Sochard, psychosociologue responsable de formation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et en charge des politiques sociales à l’Institut national spécialisé d’études territoriales d’Angers, Camille Chamoux des pôles Exclusion et enfance famille de l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux des Pays de Loire (URIOPSS), et Gilles-Laurent Rayssac consultant au sein de Respublica Conseil et président de l’Association internationale pour la participation publique (AIP2).

des expériences rencontrées 20 à 22Avec le forum permanent de l’insertion à Lille, les universités populaires des parents de la Manche, la démarche du journal Mosaïque à Nantes nord et le Conseil Nantais pour la Citoyenneté des Etrangers (CNCE).

mise en pratique 23 à 26Enfin, en cinquième partie les témoignages des professionnels de la Ville avec la mission Dialogue citoyen, la mission Cité et la direction de l’Action sociale et Insertion.

Plus d’infos 28Site nante.fr, rubrique Dialogue citoyen- S’abonner à la lettre d’information du Dialogue citoyen- S’abonner aux cahiers Connaissances sur

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Faire participer les citoyens vivant des situations de précarité à la vie de la cité : telle a été l’ambition de la démarche dialogue pour tous menée à Nantes. Une action d’ampleur menée dans la continuité de la politique de démocratie locale engagée par la Ville depuis 1989.

Après l’instauration de la charte nantaise du dialogue citoyen votée en jan-vier 2010, la Ville s’est mise davantage à l’écoute des Nantais. Il s’agit de s’ap-puyer sur leurs expériences, de les associer à l’amélioration des services et des projets, de mieux cerner demandes, besoins et nécessités, aspirations et enfin de viser à l’amélioration de l’action publique. Un tel travail a déjà été engagé entre autres auprès des personnes étrangères qui se retrouvent depuis plusieurs années dans un Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers. Les résultats de cette démarche consultative ont rapidement été tangibles : 40% des actions de la politique publique égalité/intégration sont issus des travaux du CNCE.

Mais pas question de laisser quiconque à l’écart. Or, les personnes en situa-tion de précarité sont trop souvent absentes du débat public. Elles y ont pourtant tout autant, sinon plus, leur place que d’autres. Les écouter est une manière irremplaçable de mieux identifier les dysfonctionnements de notre société.

La réalité des citoyens en précarité sociale n’était perçue par la Ville que par l’intermédiaire des professionnels, des associations ou au travers d’études. Des filtres pertinents certes, mais ne permettant pas de saisir la globalité des données à prendre en compte. Le recueil de la parole est apparu indis-pensable pour capter la réalité d’un point de vue sensible et construire les conditions d’un échange permettant un débat entre la Ville et les citoyens.

En ouvrant un atelier citoyen et en organisant un forum public sur le thème des conditions de participation des plus précaires, la Ville a souhaité s’appuyer sur une réflexion approfondie des citoyens au regard de leur situation et de leur expertise d’usage. Elle a proposé aux individus pris dans la « précarité de leur situation sociale » et qui « se sentent exclus et peu ou mal représentés dans les instances collectives » de répondre aux trois questions suivantes :

1 – Ai-je envie de fAire entendre mA voix ?Que signifie pour vous l’idée de participer à quelque chose de collectif ? Vous sentez-vous à Nantes plutôt comme un habitant, un usager des ser-vices, un citoyen ? Comment faites-vous pour être entendu en famille, avec des amis, dans une association, auprès des institutions et administrations, vis-à-vis des élus ?

2 – Qu’est-ce Qui empêche certAins citoyens de s’exprimer ?Est-ce qu’il y a des éléments de blocage dans les formes de participation et d’échanges que propose la Ville : le langage, le regard des autres, les thèmes, le style de réunion ? Quels messages ne sont pas entendus par la Ville, les associations, les autres citoyens et pourquoi ?

3 – comment pArticiper ?En ai-je les moyens concrets, le temps, la disponibilité ? Sur quels thèmes puis-je apporter mon expérience qui aiderait à réaliser des actions adap-tées ? Quelles seraient les conditions idéales pour donner mon point de vue et participer ?

Chacun a son mot à dire

pascale sciLbo, élue du quartier Breil-Barberie, adjointe au maire, chargée de la lutte contre la pau-vreté. pourquoi et comment donner la parole aux exclus ?

Vouloir faire le bien des gens sans eux, sur le papier, ça marche ; sur le terrain, ça ne marche pas du tout. Mais engager le dialogue n’est pas évident. D’une part, les gens ont de plus en plus tendance à prendre les politiques comme des prestataires de services dont ils seraient les clients, à se plaindre si le service ne leur convient pas mais sans volonté de participer à son amélioration. D’autre part, les personnes en situation d’exclusion, de pré-carité, pourtant très concernées par les poli-tiques publiques, restent en retrait. Il n’est pas facile de les mobiliser, notamment parce que leur parole est dévalorisée, y compris à leurs propres yeux. Lorsqu’on y parvient, c’est très enrichissant pour tous les participants. Pour faciliter leur prise de parole, nous avions envi-sagé de créer un conseil spécifique, à l’instar de ce que nous avions fait pour les Nantais en situation de handicap et les personnes de nationalité étrangère. Mais « précaire », c’est une situation, pas une condition. Instaurer une instance aurait été figer une situation. Rapidement, nous avons compris qu’il valait mieux se concen-trer sur des choses spécifiques et de manière transversale. Nous avons commencé par réu-nir dix personnes en situation de précarité, six techniciens de la Ville et quatre représentants d’associations avec l’idée de changer les re-gards des uns sur les autres. Pour y parvenir, le mieux, c’est de construire un petit bout d’histoire ensemble. De voir avec les gens ce qui les éloigne du dialogue, comment les en rapprocher. Toutes les directions sont concer-nées et doivent se mobiliser, pas uniquement la direction de l’action sociale et de l’insertion. Il est essentiel aussi d’apprendre à aborder les gens dans leur globalité, non pas seulement en tant que « précaires » ou « en difficulté ».

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On ne peut pas faire le bien des gens sans eux » »

«

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Stéphanie, qui est en contact régulier avec les personnes en situation de précarité, a participé à l’atelier citoyen qui fut, se souvient-elle « riche en forts moments d’émotion ». Son avis sur l’ex-périence est ambivalent : cette expérience ne lui a rien appris de plus sur le ressenti que ces publics ont de leur place dans la cité ou vis-à-vis de l’association. Elle n’a pas eu non plus le sentiment que ses problèmes et sa pratique associative soient mieux connues de la Ville. En revanche, elle convient que l’expérience a eu des répercussions sur son travail. Elle estime désormais pouvoir mieux cerner les attentes des publics et élaborer de nouvelles approches.

Stéphanie estime que ce type d’opération est à renouveler, comme un principe de veille, de posi-tionnement mutuel permettant d’évaluer réguliè-rement les rapports entre citoyens et profession-nels ; entre intervenants et la Ville. D’une façon générale, elle pense que cela permettra de « mieux travailler avec la Ville ». Elle a été frappée durant ces ateliers par ce sentiment des précaires « de ne pas être entendus parce que considérés comme des citoyens de seconde zone », un fait corrélé par « la méconnaissance par les agents des spécificités de ces publics ». Le plus marquant a été « la fran-chise » et « les barrières qui sont tombées au fur et à mesure des journées passées ensemble ». « Il y avait beaucoup d’a priori au début sur ceux d’en face. Ils

ont été levés », conclut-elle.

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michelle meunier adjointe à la Solidarité, aux Personnes âgées et à l’Insertion sociale et vice-présidente du Centre communal d’action sociale (CCAS).

« Le dialogue citoyen est un grand mouvement »

mo

ign

ag

e

enjeux

Depuis longtemps le CCAS mène une politique d’ac-tion sociale de proximité, accompagnement dans le logement, insertion pré-professionnelle…À l’occa-sion du nouveau mandat, les élus ont redéfini les objectifs de la politique publique, sur la base d’un diagnostic approfondi des nouvelles formes de pré-carité. Ce qui a permis d’actualiser les grands enjeux que la Ville devrait relever pour les années à venir.

« Le nouveau cap du Dialogue citoyen nous a inter-pellés dans la manière de conduire notre politique d’action sociale : le Dialogue pour tous a été la dé-marche fondatrice marquant notre volonté de mette en œuvre notre politique d’action sociale de ma-nière plus participative », explique Michelle Meunier.

Elle s’est d’ailleurs engagée en participant en oc-tobre 2010, via l’Union nationale des CCAS à une expérience « d’immersion totale » menée par ATD Quart Monde sur le croisement des savoirs et expé-riences avec des personnes en situation de préca-rité. Ce séminaire a rassemblé une dizaine d’élus des quatre coins de France. Là encore, « ce fut riche de retours et on en a découvert énormément sur les représentations mutuelles ».

Forte de ces expériences, la Direction Action sociale et insertion conduit un programme de participation sur un certain nombre d’actions. Ainsi, dans le tra-vail lancé pour réorganiser l’accueil du CCAS, des usagers ont été associés. L’avis qu’ils ont donné est riche d’enseignements et remet en partie en cause la posture de l ‘administration. « Nous cherchons à être pragmatiques. » Autre principe qui perdure, ce-lui des bilans réguliers, des « retours d’expérience », toujours menés avec les usagers : « Il faudra toujours le faire, pour réadapter, réajuster ». Les barrières

sont tombées » « stéphanie, présidente des restos du cœur de Loire-atlantique

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charLotte, agent de développement culturel à la Ville de Nantes

« J’avais plutôt des a priori positifs et une curiosité par rapport à ce qui allait se produire, notamment par rapport au mode d’animation. En effet, j’ai trouvé l’atelier très intéressant et formateur sur la notion de co-construction et sur l’aller et retour entre les points de vue du public et de l’institution. Cela m’a aussi permis d’apprendre à mieux travailler avec des associations. Après, je garde à l’esprit des moments forts ou plutôt des souvenirs très positifs, notamment sur le respect de la parole de chacun. Et quelle belle cohé-sion du groupe ! »

Sa vision de la place de la culture a-t-elle été modifiée par cette expérience ? « Pas de manière fondamentale, répond Char-lotte. Mais j’ai encore plus la conviction que l’apport citoyen aux politiques pu-bliques est très important alors que cela restait une notion vague dans ma culture professionnelle. Avec le recul, je me dis que ma posture était peut-être plus insti-tutionnelle. Maintenant j’ai une meilleure qualité d’écoute, je sais mieux construire avec la parole de l’habitant et j’imagine aller plus loin sur des questions liées à la médiation culturelle. »

Son bilan ? « Mon sentiment général est qu’il s’agit là d’une démonstration formi-dable de la force de l’intelligence collec-tive ! »

t é m o i g n a g e

La force de l’intelligence collective »

» « «

Rachel, qui est aussi membre de l’association APIB (*), a fait partie de l’ensemble des ateliers citoyens « des deux côtés : en tant que simple citoyenne principalement, et aussi un peu en tant que militante asso-ciative ». Elle a aussi participé à l’un des ateliers tenus lors du Forum participatif.

« Nous avons travaillé sur des situations concrètes lors de l’atelier citoyen avec des jeux de scènes de théâtre forum : par exemple, sur le problème de la propreté des halls d’immeuble. Nous avons aussi reconstitué une réunion entre habitants pour savoir s’il fallait réhabi-liter ou pas le terrain de pétanque… Il y a eu un exercice de place-ment dans l’espace qui m’a marquée : un monsieur est venu s’instal-ler près d’une poubelle, signifiant l’extrême pauvreté, pour exprimer ce qu’était sa vie… Une dame s’y est placée aussi, mais pour signifier qu’elle vivait alors pour la dernière fois cette situation, qu’il n’était plus question d’y retourner… Il y a donc eu des moments intenses, très rares entre êtres humains, tout simplement. C’était un engagement fort et dans la sincérité. On s’est aperçu alors que chacun voyait les choses de points de vue tellement différents que c’était une décou-verte enrichissante. C’était la première fois que je participais à une telle expérience et j’ai été enthousiasmée de voir comment les bar-rières sont tombées entre élus, professionnels, associatifs, usagers, agents de la ville… On a eu le son de cloche de chaque partie, cha-cun s’est mis à écouter l’autre et à le comprendre. Ce n’est pas tou-jours le cas : l’usager est souvent dans la frustration et le travailleur social, peut-être, dans une certaine routine, une lassitude. Des habi-tants ont découvert qu’ils n’avaient jamais pensé aux freins que pou-vaient rencontrer les travailleurs sociaux. »

Les réponses de la Ville m’ont laissé toutefois un sentiment mitigé. Je ne les ai pas trouvé assez satisfaisantes… Mais je me suis dit que nous étions dans une dynamique créatrice alors que le temps des politiques est forcément plus lent, plus sur le long terme, pas dans la même immédiateté. Je pense qu’il y a eu toutefois une prise en compte réelle de ce qui est ressorti de ces travaux. Je ne sais pas quelles sont les répercussions au niveau des agents, mais je suis en tout cas certaine que cela a fait bouger beaucoup de choses chez les travailleurs sociaux. »

« Même si je connais les publics, il était intéressant de rencontrer des gens qui font autre chose sur le domaine du social, de la cité. On a toujours trop tendance à cloisonner alors qu’en fait tout est lié et c’est une des leçons de l’expérience. C’était vraiment en ce sens de l’action-formation ! « Il faudrait pérenniser ce type d’opération ! On est tous ressortis de là avec le sourire et cela fait tant avancer les choses ! Un groupe s’était formé, c’était profond. On était même triste d’arrêter ces travaux… »

(1) Association pour l’intégration bancaire, qui aide les citoyens en difficultés dans leurs rapports avec les établissements bancaires.

racheL, citoyenne et militante associative

Une dynamique créatrice !

t é m o i g n a g e

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La qualification mutuelle s’appuie sur l’idée d’une démocratie participative qui placerait le citoyen au centre des décisions et innovations sociales et institutionnelles. De la méthode choisie dépendent les résultats. « Qualification mutuelle» et « théâtre forum » ont permis la rédaction d’un avis citoyen, qui a alimenté les réflexions d’un forum participatif.

À l’issue de ces travaux, la Ville a pu fournir des réponses aux questions posées et prendre des mesures concrètes.

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La qualification mutuelle est une démarche imaginée par Suzanne Rosenberg. Elle propose aux utilisateurs habituels des services et aux agents qui les rendent de mutualiser leurs compétences pour trouver ensemble des solutions.

À partir d’un conflit, d’une remise en cause du service par les utilisateurs ou à partir d’une volonté de change-ment des pratiques, il a été proposé de réunir, pendant six jours, vingt personnes, pour moitié utilisateurs, pour moitié professionnels, dans cette démarche. L’objectif premier étant, là encore, de parvenir à une coopération au sein du groupe, préalable incontournable pour impul-ser une transformation des pratiques.

La composition du groupe

À Nantes, les groupes ont été constitués de dix habi-tants en difficulté sociale et de dix professionnels de la ville ou acteurs associatifs. Les trois réunions de groupe, d’une durée de deux jours chacune, se sont tenues en 2010 les 10 et 11 mai, les 25 et 26 mai, les 3 et 18 juin. Il s’agissait de développer à la fois une dyna-mique de groupe pendant les sessions et une phase productive entre chacune d’entre elles, d’où leur espa-cement d’une quinzaine de jours afin de favoriser les réflexions, les échanges, les expérimentations... L’ani-mation a été assurée par Suzanne Rosenberg et Fa-bienne Brugel, de NAJE (Nous n’Abandonnerons Jamais l’Espoir), ainsi par Denys Cordonnier de Valeur Plus.

La constitution du groupe

La première phase permet à un ensemble de per-sonnes de se transformer en un groupe constitué, dans lequel les énergies individuelles s’articulent les unes aux autres : il s’agit de jeux de paroles, passée la présentation de l’atelier citoyen et de ses ambitions. Ainsi, lors du premier atelier on s’est interrogé sur le point suivant : « Quel est l’ordre (même fou) que vous choisiriez de donner au maire de Nantes ? Quelle est l’interdiction absolue que vous lui donneriez de conti-nuer à faire quelque chose qu’il fait actuellement ? »

En binôme, chacun a préparé une réponse et en a donné le contenu à son partenaire, qui l’a restitué au groupe comme si c’était son opinion.

méthodeLa qualification mutuelle appliquée à l’atelier citoyen

une sincérité rare « »suzanne rosenberg, consultante, conseille depuis plus de vingt ans les collectivités locales, l’État et les entreprises de service public sur les attentes des habi-tants et usagers.

Avez-vous souvenir d’un moment particu-lier, celui où on se dit «c’est bien parti», ou, à l’inverse, d’un épisode délicat et de la façon dont il a pu se résoudre ?

– J’ai le souvenir de deux moments forts : celui où une personne a osé parler d’une période délicate de sa vie et celui où un autre participant, qui ne croyait pas en la démarche et se tenait sur la ré-serve a compris à quoi elle pouvait lui servir et, plus généralement, servir à la collectivité.

Les professionnels d’un côté, les citoyens de l’autre : comment avez-vous ressenti les leçons que chaque partie a pu tirer de l’expérience ?

– J’ai ressenti le basculement dont parle Fabienne Brugel (voir page 9) : d’abord les professionnels

ne voulaient pas se dévoiler, ne désiraient pas parler d’eux et des éventuelles difficultés rencontrées. Il a fallu qu’un habitant se fâche pour qu’ils passent de la position d’« être à l’écoute » à celle d’ « être en coopération », acceptent de se placer en situation d’égalité.

Quel bilan tirez-vous de l’action nantaise ?

– Il y a eu une sincérité dans les échanges entre les élus et le groupe (notamment lors de la discussion sur l’avis citoyen) très rarement rencontrée ailleurs. Mais nous n’avons pas eu connaissance d’une suite à

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La qualification mutuelle appliquée à l’atelier citoyen

La seconde phase est consacrée à la détermination d’un objectif commun à tous, qui passe par une remise à plat de la commande et de ses enjeux. Il s’est donc agit de débattre des points soulevés dans la phase une. Ensuite, les élus ont donné mandat au groupe, en reconnaissant ainsi ses membres comme des interlocuteurs qualifiés.

Le jeu de la vie

Il s’agissait de jouer des scènes issues des propos et débats nés dans la première phase, selon la méthode préconisée par Su-zanne Rosenberg : « Tout au long de la formation-action, vont se jouer au sein du groupe les conflits et les tentatives, avortées ou non, de coopération. Des dysfonctionnements personnels ou institutionnels vont se refléter, tout ce qui se passe dans le groupe étant considéré comme un concentré de ce qui se passe dans la réalité. La mise en scène de situations réelles rencontrées par les participants, puis l’analyse de ce qui s’y est joué, va provoquer des prises de conscience, démontrer les po-tentialités de changement, et faire émerger des propositions. Le cheminement vers ce projet est donc une lente construc-tion, pas toujours linéaire, qui a ses avancées et ses reculs. »

Chaque session a été l’occasion de jouer parfois jusqu’à quatre scènes nées des travaux précédents et d’en tirer débats, ana-lyses et compte rendus.

comptes rendus

Entre chaque session, un récit du déroulement des travaux du groupe a été fourni par écrit, d’abord aux participants, puis, avec leur accord, aux commanditaires et partenaires. Il a servi de mémoire au groupe et permis aux commanditaires et parte-naires de suivre au plus près son cheminement.

restitutions et suite

Ce qui est sorti des travaux a été révélé lors du forum partici-patif du 18 juin 2010, réunissant près de 200 personnes. Ce qui s’est traduit par la production d’un avis citoyen. De ces ultimes travaux sont nés les « Réponses de la ville »* et les « douze chantiers », abordés plus loin.

* voir site nantes.fr : rubrique Dialogue citoyen > Mise en débat des politique publiques

Le forum participatif, une reconnaissance de l’autre3questions a denys cordonnier,

consultant au sein de Valeur Plus, il accom-pagne la mise en oeuvre des démarches parti-cipatives/ et a animé le forum du 14 juin 2010.

Quel était votre objectif ?

- Il était de rendre publiques les recommandations faites par le «groupe des vingt» sur la participation des personnes en situation de précarité aux débats citoyens touchant aux politiques de la Ville de Nantes. Mais il était aussi de mettre en débat ces recomman-dations, de manière très interactive, avec les 200 parti-cipants au forum, venus de tous les horizons.

Concrètement, comment anime-t-on un débat avec un public de deux cents personnes ?

- Il existe bien sûr tout un ensemble de techniques d’animation, comme par exemple le théâtre forum, mais cela ne suffit pas. Car le plus important résidait dans la préparation et l’état d’esprit impulsé : une véri-table reconnaissance de la pensée et de la parole de l’autre, de la pensée et de la parole construites collec-tivement par le « groupe des vingt », de la pensée et de la parole de tout participant de l’assemblée. C’est ce qui s’est passé à Nantes, où la journée du 14 juin démarrait, dès le café d’accueil, par la réalisation du « mur des rêves pour la ville de Nantes », rédigés par les participants.

- Quelle suite a eu cette journée de forum ?

- Élus et techniciens de différentes directions ont tra-vaillé sur ce qu’ils allaient faire des recommandations débattues le 14 juin, sous forme de plans d’actions. Et le 13 décembre 2010, le « groupe des vingt » a pris connaissance de ce travail, puis préparé et transmis ses réactions aux élus et techniciens. Cette étape de retour est essentielle, bien que rare. Les élus ont accepté les réactions, mêmes critiques, en cherchant à les com-prendre, sans se mettre dans une posture défensive, prêts à progresser eux-mêmes dans la conduite de démarches participatives.

la hauteur de cette espérance que ces échanges avaient fait naître chez moi. J’ai beaucoup aimé le document « Avis de l’atelier citoyen et réponse de la Ville de Nantes » par sa clarté et sa sincérité. Par exemple, quand on ose afficher : « Ce que la Ville ne retient pas comme proposition ». Enfin, pour moi, l’évaluation est toujours à refaire périodiquement, mais sur un temps long. Avec les participants d’une part : comment voient-ils ce à quoi ils ont participé au fur et à mesure que le temps passe ? Peuvent-il suivre les résultats ou bien doivent-ils aller à la pêche aux informations ? Avec les décideurs d’autre part : qu’est-ce qui les a surpris ? Pourquoi seraient-ils prêts à recommencer ou non ?

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Nous n’Abandonnerons Jamais l’Espoir (NAJE) est une compagnie théâtrale professionnelle pour la transformation sociale relevant du concept de “Théâtre de l’opprimé”, inventé par le Brésilien Au-gusto Boal dans les années 60 et depuis pratiqué dans plus de quarante pays sur tous les continents.

Voici comme il présente ses modes d’intervention : « Nous travaillons avec ceux qui – à l’extérieur ou à l’intérieur des institutions – partagent notre volon-té de transformation : les associations, les acteurs sociaux professionnels ou militants, les élus locaux, les citoyens, souvent les plus fragiles mais aussi les autres. Notre action se situe à la croisée entre indi-viduel et collectif. Elle a trois visées essentielles :

1. Donner aux personnes des outils pour se construire comme sujets : des êtres de vouloir, de pensée et d’agir, des êtres qui, de cette manière, re-définissent leur identité en s’affranchissant de celle qui leur est imposée par le discours du dominant.

2. Déclencher, par la mise en débat public des su-jets qui nous concernent, un processus de mobili-sation et d’actions transformatrices. Ce processus est porté par les citoyens et par les professionnels au sein des institutions qui se sont alliés à cette démarche, mus comme nous par une volonté de transformation.

3. Analyser le fonctionnement de nos institutions, dévoiler ce qu’elles produisent et qui ne nous convient pas afin d’agir pour empêcher leur per-version. »

Parmi ses différentes formes d’intervention (for-mations de personnels, spectacles de commande, interventions de comédiens sur des problèmes spécifiques particulièrement ardus), NAJE est in-tervenu, ces dernières années notamment, sur la question de la démocratie participative. Elle a pour spécialité de monter des créations locales avec des acteurs de terrain : « Cela consiste à faire monter un théâtre forum par un groupe local composé de ci-toyens, le plus souvent issus de milieux populaires, mais aussi, selon les cas, de professionnels des ins-titutions, d’élus locaux, d’associations…

Le contenu est élaboré par le groupe à partir des situations concrètes vécues par les participants

sous la direction de deux professionnels de NAJE. Par exemple : des salariés d’une société HLM, des élus et des locataires sur la question du logement social ; des personnes valides et handicapées sur la question du handicap ; des habitants et des professionnels d’un quartier sur les conflits entre habitants ou sur la question des violences faites au femmes. »

La compagnie a été fondée en 1997 par Jean-Paul Ramat et Fabienne Brugel. Au fil du temps, ils ont réuni autour d’eux des comédiens et des militants et les ont formés aux méthodes du Théâtre de l’op-primé.

L’expertise reconnue de NAJE en France, interve-nant régulier auprès des acteurs sociaux et de la fonction territoriale, en a fait un partenaire et un outil évident dans le cadre du Dialogue citoyen nantais.

Le théâtre forum consiste à jouer des séquences théâtrales qui vont mettre en lumière une problé-matique à partir de situations concrètes tirées de la réalité : par exemple un conflit à un guichet d’ad-ministration, ou entre un service de la ville et un autre ou dans une association… bref, un blocage. La scène est jouée une fois jusqu’au bout, jusqu’à l’échec du protagoniste. Puis elle est réitérée. Lors de cette deuxième séance, chaque personne pré-sente dans l’assistance peut l’interrompre pour remplacer le protagoniste et, à sa place dans l’his-toire, tenter de transformer la situation. Le débat s’installe, les différents points de vue et des pistes de solution apparaissent. Il s’agit de travailler sur des situations concrètes en proposant des actes concrets et non des discours généraux.

Cette méthode permet aussi de se mettre d’accord sur ce qui pose véritablement question. Elle fait naître des points de divergences, fait apparaître des nœuds de situations conflictuelles. En somme, le jeu théâtral est une reconstitution comme mé-diation, comme remue-méninges, permettant de déboucher sur des compromis, des consensus, des solutions et surtout une analyse lucide des pro-blèmes par des interlocuteurs. Surtout, il fait écho à toute expérience similaire vécue.

Le théâtre forum : une action de dévoilement

méthode

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La demande de la ville de Nantes, et le public nantais de l’opération mêlant professionnels, élus et citoyens vous ont-ils menée à adapter vos approches habituelles ?

Nous faisons chaque fois les choses de manière diffé-rente pour nous adapter au cheminement du groupe et à ce qui émerge, mais nous avons l’habitude de faire cela ensemble. Ce qui a été un peu nouveau à Nantes, c’est l’ouverture, chaque fin de session, aux élus pour rendre compte du travail du groupe et échanger avec eux. En effet, nous préférerions que les élus soient membres du groupe pour que tout le monde avance ensemble. Toutefois, les élus sont très pris et ne peuvent dégager tout ce temps, alors le fait d’avoir des temps d’échange avec eux permet de combler le fossé qui pourrait éventuellement se créer entre la production du groupe et leur manière de voir. J’ai, pour ma part, repris cette approche dans certaines autres actions de participation et l’ai donc intégrée dans ma pratique. Ce fut très plaisant parce que les élus et les services étaient porteurs d’une véritable demande et engagés dans une démarche : ils prenaient en compte ce qui sortait du groupe, ont vraiment répondu au groupe et à chacune de ses préconisations. Quand un groupe travaille en sachant que ça servira à quelque chose, il a tendance à bien travailler. À Nantes, l’offre de parti-cipation n’était pas simulée ; c’est loin d’être comme cela partout.

Comment les choses se sont-elles déroulées ?

- Nous avons commencé par des jeux pour aider le groupe à se constituer dans la confiance et le respect de la parole de chacun... Les jeux sont très impor-tants dans la méthode pour permettre aux gens de se connaître et de faire groupe. Les jeux nous ont permis de parler du sujet du travail, en l’occurrence la partici-pation à la vie publique des plus éloignés.Nous avons aussi fait du théâtre-images en créant des tableaux fixes sur les problématiques de relations entre élus, habitants et services. Nous avons cherché ensemble quelles images idéales pourraient rempla-cer les images problématiques. Puis nous avons mis en scène des situations problématiques liées à notre sujet de travail et avons fait forum. Les participants ont très vite compris que cette mé-

thode permettait d’aborder les choses de manière concrète à partir de situations vraies et non des idées des uns et des autres. On peut dès lors analyser la situation : chercher pourquoi tel protagoniste dit ou fait cela, saisir les enjeux plus globaux que l’histoire contient, chercher comment sortir du problème...

Très souvent, quand on dit aux gens qu’on va utiliser le théâtre, cela provoque des choses du type : c’est pas sérieux ou : moi je ne suis pas extraverti, je n’oserais pas me donner en spectacle devant les autres. En général après une journée de pratique, les participants voient à quoi sert la méthode et comment elle fonctionne.

C’était donc le signe que votre outil s’était mis à remplir une partie de ses objectifs...

- En effet. On ne peut pas être dans une action de véritable participation sans cela, sans la parole vraie, car il faut que les habitants comme les professionnels acceptent ce que le travail provoque en eux. Des habi-tants ont changé leur manière de voir les services de

la ville. Ils sont passés de : “Ce sont des fonctionnaires qui ne font pas grand chose” à : “C’est dur pour eux d’affronter ce qu’ils affrontent ; je n’aimerais pas être à leur place”.

Certains citoyens ont décou-vert le métier des professionnels,

ne sachant pas au départ ce que les agents font, ni comment ils procèdent. D’autres, qui n’avaient jamais participé à rien de collectif se sont mis à changer leur manière de percevoir leur propre implication dans la ville. Ils ont perçu leur rôle citoyen, leur responsabilité d’agir. Enfin, certains se sont sentis reconnus en tant que personnes ayant des choses à apporter et pour eux, c’était nouveau.

Au final, je me souviens de l’inventivité du groupe et de sa jubilation au moment de faire des préconisa-tions.

Y a-t-il eu des suites après ce travail pour l’ate-lier citoyen ?

- Après cette action, nous avons invité les habitants du groupe qui le souhaitaient à venir à Paris s’intégrer dans un grand groupe de création national que nous dirigions. Une participante est venue pendant trente jours à Paris créer avec nous un spectacle intitulé La force des gueux qui a été joué en février et avril 2011.

Fabienne brugeL, metteur en scène, dirige la compagnie NAJE, pratique le théâtre forum.

Se sentir reconnu en tant que personne « »

On ne peut pas être dans une

action de véritable participation

sans la parole vraie

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avis analyse

1. L’inFormation et La communication

> Rendre tous les messages com-préhensibles- Produire tous les messages avec des

habitants (un groupe de citoyens mobilisables et renouvelables pour faire avec le service communication) et les tester auprès d’autres citoyens.

- Généraliser la pratique du carton rouge dans toutes les réunions1

> Aller vers les habitants là où ils sont pour diffuser l’information

- Cibler des lieux non institutionnels

- Utiliser le crieur public (sans écrit) et la diffusion orale (bouche à oreille)

- Donner du temps aux professionnels pour faire cela

> Donner aux habitants les moyens et l’envie de faire pas-ser des messages

- Faire un CD qui donne à voir ce qu’est notre modèle de participation (CD du 14 juin)

2. La coLÈre

> Considérer la colère comme légitime et constructive- Mettre en place un séminaire ou une

formation commune élus-habitants-professionnels pour

1°) apprendre à ne pas avoir peur de la colère, donc écouter les raisons de la colère

2°) utiliser la colère comme moteur du changement (voir méthodes et expériences qui ont déjà produit des résultats)

- Réserver dans toutes les réunions publiques un temps de parole pour les gens en colère.

3. VaLorisation de La participation

> Mettre en valeur les actions existantes et les habitants qui les mènent

- Mention obligatoire d’un copyright citoyen sur tous les documents ci-tant l’action ou faits avec leur parti-cipation

> Valoriser le temps, la compé-tence, l’engagement, la res-ponsabilité, des citoyens qui s’engagent dans des actions d’intérêt collectif

- Crédit d’impôt à la citoyenneté

- Crédit de contrepartie en finances, en nature, ou par un document offi-ciel

- S’inspirer du statut des pompiers volontaires ou des heures syndicales

4. conFiance et égaLité entre citoyens, éLus et proFessionneLs

> Créer les conditions d’une plus grande égalité

- Dans les réunions, égaliser le temps de parole de chacun

- Multiplier les ateliers mélangeant les statuts où l’élu n’est pas face mais avec les citoyens.

- Se réunir dans des lieux non institu-tionnels (jardins, cafés,... jusque dans les appartements)

- Lever les obstacles à la participation (garde des enfants, transports,...)

5. animation

> Faire en sorte que les gens aient plaisir à travailler ensemble dans l’écoute et le respect

- Avoir un encadrement compétent et neutre pour animer (passionné, pédagogique, médiateur)

- Proposer des sujets qui concernent les habitants (coproduire les ordres du jour)

- Quitter l’idée qu’il n’y a que la réu-nion, il y a le « faire » (réunion-action)

> Organiser des réunions ano-nymes pour comprendre pour-quoi certains ont décroché de la participation

6. L’institution

- Les institutions doivent changer d’a priori, de posture

- Les ressources humaines doivent privilégier les formations d’accom-pagnement au changement de tous les services de la Ville.

- Instituer du temps pour que les agents, surtout ceux qui ne font pas de terrain, aillent rencontrer les ha-bitants in situ.

7. La suite (pour le groupe de l’atelier)

> Au minimum, il est convié par le comité de pilotage en pré-sence des trois élus concernés pour entendre la suite donnée à l’avis citoyen

- ce qui est retenu, avec les conditions de mise en œuvre (quand, com-ment, avec qui)

- ce qui est refusé et pourquoi

> Envisager quelque chose sur le mode du Forum permanent de l’insertion de Lille

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(1) Lors de la journée du 14 juin, chaque participant disposait d’un carton rouge à utiliser en cas de difficulté de compréhension, … (Par exemple lorsqu’est employé une

abréviation ou un vocabulaire trop technique)

citoyenLes propositions ont été remises le 18 juin et font suite à un travail de synthèse des idées clefs que l’atelier citoyen retient en conclusion de son travail et de la matière du forum du 14 juin 2010.

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réponsede la VilleLa réponse argumentée de la Ville a été présentée le 13 décembre 2010. Après avoir écouté l’avis citoyen, les élus ont souhaité qu’il soit analysé par les services de la Ville. Au regard des questionnements soulevés par l’avis citoyen, huit directions (Dialogue citoyen, Mission Cité, Formation, Communication externe, Fi-nances, Famille, Relation aux usagers, Action sociale et insertion) ont été sollicitées pour répondre aux différentes préconisations.

L’analyse a dégagé des points saillants. L’atelier a réaffirmé que le fait de vivre dans une situation précaire n’est pas en soi un obstacle à la participation et que les freins soule-vés sont souvent les mêmes que ceux rencontrés par tout citoyen. Toutefois trois particularités ont été relevées :

• Les personnes qui vivent des situations de précarité sont des « experts d’usage » de leur situation. À ce titre, ils apportent une connaissance qui doit être mieux prise en compte par les politiques publiques luttant contre la précarité.

• Le public en situation de précarité est de fait davantage en relation avec l’institution au sens large du terme. Il peut nourrir par là même davantage de défiance envers celle-ci. Cette défiance a forcément un impact sur la participation à la vie publique.

• Les situations de précarité peuvent développer le senti-ment d’une vulnérabilité et d’un isolement (matériel, psy-chologique, social) qui implique un cheminement particu-lier de l’individu vers la participation : besoin de restaurer la confiance en soi, de prendre place au sein d’un groupe pour retrouver une capacité d’influence et une légitimité à exprimer son point de vue et à le partager.

Une réponse structurée : cinq axes de progrès identifiés par la Ville et déclinés en douze actions nouvelles

axe 1. Une information claire et accessible :> Mise en place de deux à trois groupes test d’habitants

sur certaines communications de la ville

> Expérimentation d’une information orale sur l’espace public

axe 2. La proximité de l’administration avec le citoyen usager :> Possibilité pour les usagers suivis au CCAS de changer

de travailleur social

> Association des usagers : la mise en place des futures e-services

> Co-formations des agents de la DASI avec des usagers

> Atelier citoyen sur l’accueil du CCAS

axe 3. La valorisation de la participation : > Mise en place d’un mode de garde pendant les réu-

nions dialogue citoyen

> Etablir un cadre à l’indemnisation des citoyens partici-pant aux démarches participatives

> Mise en place d’une reconnaissance de la participation citoyenne

axe 4. La prise en compte de la colère comme légitime et constructive :> Repérage d’actions innovantes sur la prise en compte

de la colère

> Formation des élus sur cette question

axe 5. Les conditions d’égalité dans les proces-sus participatifs :> Formation des agents de la Ville autour de méthodes

d’animations dynamiquescitoyendialo

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”“

DIALOGUEPOUR

TOUS

Avis de l’atelier citoyen et

réponse de la Ville de Nantes

Mai à décembre 2010

L’ensemble de la production de l’avis citoyen et de la réponse argumentée de la Ville a été rendu public en janvier 2011. Edition téléchargeable sur nantes.fr / Dia-logue citoyen/ Mise en débat des politiques publiques.

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pascal boLo adjoint au maire chargé des Finances, de l’Evaluation des politiques publiques et du Dialogue citoyen.

analyse

« »

expertise partagée

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quel est l’enjeu du dialogue pour tous ?

- Jusqu’à présent, nous avons beaucoup orienté nos ac-tions dans le sens de favoriser, créer, consolider le lien so-cial. Sans renier cette préoccupation, nous abordons une nouvelle étape en pleine cohérence avec la démarche manageriale « Nantes s’engage », qui place le citoyen-usa-ger au cœur du service public. Cela consiste notamment à associer les habitants à une coproduction des politiques publiques, en combinant leur expertise d’usage à l’exper-tise technique des services et associations et à l’expertise politique des élus chargés de mettre en œuvre un pro-gramme. Cette volonté doit être déclinée pour toutes les politiques, une par une, à l’échelon géographique perti-nent, en croisant les choses, par politique et par territoire. « Dialogue citoyen », c’est concret : ça veut dire qu’on se cause, et que la Cité est au cœur du sujet. Ce dialogue est désormais inséparable des pratiques managériales à toutes les étapes : diagnostic, mise en œuvre, évalua-tion. Mais il peut heurter des sensibilités, des pratiques en place, voire des cultures politiques ou professionnelles. Il représente une remise en question et nécessite beaucoup de rigueur. C’est pourquoi nos services ont travaillé sur un guide méthodologique que toutes les direc-tions utilisent pour un maximum d’actions. Cela n’est pas évident pour tous les services mais il y a dans toutes les directions des agents qui n’attendaient que ça.

pourquoi et comment amener les plus exclus à participer ?

- L’objectif est de faire émerger une parole collective d’un groupe de bénéficiaires pour avoir leur regard sur une politique publique. Mais on se heurte à une évidence : dans les associations, les conseils de quartier, fédéra-tions, ce sont toujours les mêmes qui interviennent. Le groupe de personnes en situation de précarité écono-mique et sociale que nous avons sollicité nous a immé-diatement fait prendre la mesure du degré de méfiance, voire de défiance des personnes, qui soupçonnaient une opération « bidon », démagogique, voire une intention d’instrumentalisation. Cela a été exprimé immédiate-ment, brutalement. Et le fait que nous ne nous en mon-

trions pas plus choqués que ça a donné acte au groupe qu’il s’agissait d’une vraie question. Au terme du proces-sus, ils nous ont dit : « Vous ne vous êtes pas fichus de nous ». Nous avons passé la première étape, qui consiste à établir une relation de confiance. La démarche « Dia-logue pour tous » doit en elle-même constituer un élé-ment de preuve de notre volonté que tous les citoyens soient concernés. Il s’agit de faire la démonstration que lorsqu’une expérience de ce type est bien menée, elle est intéressante pour la politique publique et pour les participants.

quelles sont les conditions de la réussite ?

- D’abord, quand on invite un habitant à une réunion, il faut indiquer clairement de quoi il s’agit : information, consultation, concertation ou coproduction. Il arrive que des décisions ne soient pas négociables à tous les éche-lons. Le tracé d’une ligne de chronobus, par exemple. Dans ce cas, il s’agit d’informer, d’expliquer, d’assumer.

Mais on peut se concerter pour que tout se passe au mieux, pour gérer la question des nuisances pendant les travaux, des stationnements, des nou-veaux accès, de faciliter l’insertion de la ligne... Pour la question des aména-

gements, de la voirie, le dialogue est déjà une évidence de pratique, avec des habitudes de travail bien ancrées. On discute avec les habitants de chaque aménagement. S’agissant de l’atelier dialogue pour tous, la confronta-tion entre le groupe et les professionnels n’a pas été simple. Les premiers échanges ont renvoyé aux profes-sionnels une image d’eux-mêmes et de l’institution qui n’a pas été forcément bien vécue. Cela a été un moment très fort. Une fois ces choses dites et entendues, on a pu avancer… Nous étions bien entourés, c’est essentiel. La qualité de l’animation est déterminante. Sans elle, tout aurait pu partir en vrille. Grâce à cet accompagnement, les participants ont pu exprimer des choses, alors qu’ils pensaient que ce qu’ils avaient à dire avait peu d’impor-tance. Il a fallu prendre le temps de les convaincre du contraire et de les convaincre que nous étions nous-mêmes convaincus qu’ils pouvaient aider à l’améliora-tion de nos façons de faire.

Coproduire les politiques publiques

Faire émerger une parole

collective pour avoir un regard

sur une politique publique.

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expertise partagée

L’engagement de la Ville à mettre au débat cette question avec les citoyens sous forme d’atelier participatif a suscité des rencontres pour approfondir la réflexion sur la participation de tous au débat public. Parmi les expériences qui ont retenu l’attention de la Ville :

- Laurence Potié à la MRIE,

- Laurent Sochard au CNFPT,

- Camille Chamoux à l’URIOPSS,

- Gilles-Laurent Rayssac à l’AIP2

Ils ont accepté de partager leur point de vue autour de la nécessité de réhabiliter l’activité politique au quotidien, de démocratiser l’action publique et de répondre à ces questions : qui prend les décisions, pour qui et comment ?

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Quelle démarche avez-vous adopté pour favoriser la participation d’un public non investi dans la participation citoyenne ?- Depuis sa création, en 1992, la MRIE travaille sur la question du partenariat avec les personnes confrontées à la précarité et à la pauvreté. Partis du terrain, nous avons d’abord capitalisé, avec un groupe de travail, une trentaine d’expériences afin d’enrichir notre champ de connaissance sur le su-jet et en tirer des « repères pour l’action » publiés en 19961.

Après la loi de lutte contre les exclusions, en 1998, nous avons conduit une réflexion sur l’accès aux droits. Nous avons mobilisé dans la région Rhône-Alpes huit groupes de personnes que l’on a appe-lées « usagers des services publics » même si le terme est discutable, et nous leur avons demandé de s’expri-mer sur leurs difficultés au quotidien. C’était la première phase. Toutes leurs difficultés touchaient à l’accès aux droits. Après un travail d’analyse im-portant, nous avons choisi de creuser la question de l’accès aux prestations sociales. Nous avons alors sollicité un groupe de cadres de différentes insti-tutions sociales ou associations de la région afin qu’à partir des éléments relevés par les groupes, ils puissent élaborer des propositions d’améliora-tion. Voilà pour la deuxième phase. Enfin, troisième phase, ces propositions ont été retravaillées par les groupes d’usagers qui ont également analysé les causes des situations difficiles repérées lors de la première phase.

Après cela, nous avons organisé deux jours de rencontres entre les huit collectifs d’usagers et le groupe des cadres afin d’échanger et aboutir à des propositions concrètes construites ensemble. C’était la quatrième et dernière phase de notre démarche. Pour une fois, usagers et professionnels n’étaient plus face-à-face mais côte à côte pour présenter à des décideurs (élus et directeurs de services ou structures) lors de la dernière demi-

journée, des propositions co-construites2 pour améliorer l’accès aux droits.

Cette méthode est-elle applicable à d’autres sujets de réflexion ?- Bien sûr, mais elle doit s’adapter aux sujets et aux personnes concernés. Il existe toutefois des constantes, des principes fondamentaux. Nous nous sommes beaucoup inspirés des démarches de croisement des savoirs d’ATD Quart Monde. Ainsi, nous travaillons toujours avec des collec-tifs car c’est à travers la démarche collective que les personnes confrontées à la précarité peuvent retrouver une forme de pouvoir. C’est aussi là que peuvent s’élaborer une pensée et une analyse qui dépassent le seul témoignage dans lequel on can-

tonne souvent ces personnes. Le premier temps de réflexion se fait toujours entre pairs avant de se retrouver tous ensemble. En effet, si l’on veut une démarche constructive, il est nécessaire, outre que cha-cun soit volontaire, que les uns et les autres puissent vider leur

sac dans un premier temps, formaliser leurs repré-sentations, construire leur analyse. Ensuite, on peut croiser sa réflexion avec celle de personnes d’un monde différent du sien et aboutir à un échange de qualité. On alterne ainsi des temps entre pairs et des temps tous ensemble et en ateliers mixtes, en nombre plus restreint pour favoriser la participa-tion de ceux qui ont le moins l’habitude de ce type d’échange. L’objectif de ces travaux est de mieux se connaître en partageant ses représentations, ses logiques, ses analyses pour agir ensemble : ce n’est pas la connaissance pour la connaissance, mais en vue de l’action. Nous l’avons appelée le « Connaître avec pour agir ensemble ».

Avez-vous eu l’occasion de travailler sur des territoires précis ?- Oui, nous avons expérimenté cela à la suite de la demande de Pierre-Bénite, une ville de l’agglomé-ration lyonnaise). Nous venions de coordonner une réflexion croisée sur le décrochage3 scolaire avec

Laurence potié, chargée de mission au sein de la Mission régionale d’informa-tion sur l’exclusion en Rhône-Alpes (MRIE).

Connaître avec pour agir ensemble

(1) Dossier ressources « Agir avec les plus défavorisés » Janvier 1996, télé-

chargeable gratuitement sur le site www.mrie.org

(2) Cette démarche et la connaissance produite sont capitalisées dans

un document intitulé « accès aux droits, quelles améliorations ? » janvier

2002, téléchargeable gratuitement sur le site www.mrie.org

expertise partagée

« »

C’est à travers la démarche collec-

tive que les personnes confrontées

à la précarité peuvent retrouver

une forme de pouvoir

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trois groupes de parents de milieu populaire et un groupe de professionnels de l’Éducation nationale lorsque la Ville, partenaire d’un groupe de parents, nous a demandé d’accompagner une démarche de réflexion croisée sur son territoire pour construire des propositions d’actions à mettre en œuvre de façon à améliorer l’avenir des jeunes. Or, à la base, nous sommes là pour produire de la connaissance et non être dans un accompagnement de terrain. Nous l’avons fait à titre expérimental.

Cela dit, la MRIE est positionnée comme un espace tiers permettant la rencontre. C’est important car en étant extérieur, on a du recul, on n’est pas pris dans les enjeux de terrain ou d’institution, on est garant d’une démarche. Cela rassure les habitants comme les professionnels. Finalement, cette ex-périmentation a produit des propositions co-construites entre parents, professionnels de l’action socio-éducative et Éducation nationale. Certaines ont été mises en place cette année et l’action continue. Nous allons capitaliser cette expérience, considérant les connaissances produites mais aussi la méthodologie et l’im-pact de ces actions.

Comment travaillez-vous avec les élus ?

- Nous avons mené des travaux sur la démocratie participative. Nous étions en lien avec le vice-pré-sident à la Démocratie participative de la Région Rhône-Alpes qui souhaitait organiser un colloque international et qui s’interrogeait sur la participa-tion des précaires. Il nous a donné carte blanche sur ce dernier point. Nous avons donc rassemblé des groupes d’habitants que nous connaissions et ensemble proposé un forum, réalisé une vidéo. Notre collectif informel s’est donné un nom « K’ose toujours, citoyens ensemble et autrement ». De plus, en off de ce colloque, K’ose toujours a orga-nisé des rencontres entre habitants des quartiers populaires et délégations étrangères. Elles étaient animées par le collectif Paroles de femmes qui rassemble des groupes de quartiers populaires. Très intéressé par la dynamique et ce qu’elle avait

produit, l’élu nous a demandé d’organiser une ren-contre régionale permettant un dialogue entre les personnes confrontées à la précarité et les élus. Ce fut un véritable travail de construction avec l’élu et son service qui s’est montré capable d’entendre et d’accepter des choses dont il n’avait pas l’habi-tude ; il s’est laissé guider par les acteurs du terrain, ce qui est unique comme organisation. Au final, on a réussi à organiser une journée de rencontre dans les locaux de la Région avec la participation de 400 personnes en exclusion et de 200 élus et profes-sionnels4 !

Quelles difficultés persistent-elles malgré tout ?

- Dans ce travail avec l’élu et ses techniciens, la difficulté a été de faire vivre cette dynamique au-

delà du temps des élections… Car celui qui l’a impulsée et soutenue n’est plus vice-pré-sident aujourd’hui. Un autre problème se dessine, c’est le nombre de professionnels de terrain capables d’animer une dynamique collective ; on a des départs à la retraite et pas beaucoup de relève. La forma-tion des professionnels est un véritable enjeu tout comme

le soutien financier à ces démarches collectives. Elles prennent du temps, leur impact n’est pas for-cément chiffrable, y compris en termes d’insertion professionnelle. Pourtant, elles ont un véritable effet pour les personnes concernées, sur leur accès à la citoyenneté, sur leur capacité de reprendre du pouvoir sur leur propre vie.

Et puis les groupes peuvent se fatiguer de tra-vailler sur des sujets qui les intéressent mais sans voir de changement sur le terrain. Ils ont parfois l’impression que tout cela ne sert à rien. Alors, le rôle des élus et des décideurs est particulièrement important, mais il leur faut accepter de changer de regard sur les personnes confrontées à la pré-carité de prendre le temps de l’échange mais pas n’importe comment, d’accepter de leur laisser une place. Et apparemment c’est difficile …

(3) Voir dossier « Réflexion croisée parents-professionnels sur le décro-

chage scolaire » Janvier 2008 téléchargeable gratuitement sur le site de

la MRIE

(4) Cf publications de décembre 2008 sur le site www.mrie.org

»

Cette expérimentation a produit

des propositions co-construites

entre parents, professionnels

de l’action socio-éducative

et Éducation nationale

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Depuis une dizaine d’années, Laurent Sochard anime des stages sur la question de la participation des usa-gers, notamment des plus exclus. L’INSET d’Angers propose par exemple depuis 2005 en lien avec ATD Quart Monde des stages de co-formation en croisant les regards de militants d’ATD Quart monde vivant des situations de précarité et des professionnels des collec-tivités territoriales.

Quel est l’objectif des stages que vous organisez ?- Il s’agit d’apprendre à comprendre avec les gens comment on peut faire avec eux. C’est de l’éducation populaire, mais dans le sens ascendant pour une fois, alors que ce qui est le plus souvent pratiqué, c’est d’éduquer les gens : là ce sont eux qui nous enseignent des choses.

La particularité de ces stages est qu’ils supposent, dès la formation, une rencontre et une confronta-tion entre les personnels et les personnes exclues. Une approche qui n’est évidente ni pour les uns, ni pour les autres. L’idée que les exclus ne pensent pas et n’ont rien à dire est intégrée par une grande partie de la société et par les personnes concernées elles-mêmes, souvent depuis leur scolarité. Quant aux élus, la plupart n’imaginent même pas que les exclus puissent avoir une analyse. On pense pour eux... avec les meilleures intentions du monde !

Quels sont les pré-requis pour la réussite d’une telle démarche au sein d’un organisme, d’une direction, d’un territoire...?- Bien souvent, dans les stages, les gens se demandent à quoi ils servent. Font-ils de la com’ ?... Il faut essentielle-ment, au préalable, être sincèrement, réellement dans l’intention de changer la façon de faire, de gouverner. Avoir un respect profond pour la dignité des gens. Et être convaincu que de nouvelles solutions surgiront de la confrontation, sans craindre des réactions violentes. Oui, les réactions peuvent être violentes. Mais il s’agit de réactions à des violences subies. Au quotidien, quand on est pauvre, on doit sans cesse faire la preuve qu’on est « un bon pauvre ». S’engager dans une démarche

de démocratie participative suppose une lecture cri-tique de ce qu’est la société : « On n’est pas des zom-bies, on est des êtres pensants ». On ne peut pas penser la question de la démocratie participative sans penser la question de la justice sociale. À partir de là, on peut admettre les réactions violentes, comme il s’en produit souvent, au début. Il faut que « ça sorte ». Puis vient un temps d’élaboration, éclairé par une nouvelle analyse. Les élus doivent être prêts à imaginer de nouvelles so-lutions. Le présupposé éthique est indispensable, mais ne suffit pas. Il faut une vraie démarche méthodolo-gique, pas seulement de grands débats publics, plutôt des groupes de travail, une vraie animation.

Je renvoie aussi les stagiaires à l’étymologie du mot « altération », seule condition pos-sible pour parvenir à l’altérité : élus et fonctionnaires doivent accep-ter d’« altérer » leur propre projet de base en se demandant ce qu’ils sont prêts à négocier, à revoir, seule condition pour que l’autre (alter) y soit ! On s’aperçoit qu’à plusieurs,

on devient plus astucieux... C’est tout le travail de la dyna-mique de groupe. On doit donner aux exclus la capacité de reprendre la main, dans une logique d’empowerment : avoir le pouvoir sur sa propre vie.

En quoi cette démarche est-elle nécessaire ?- Comme le dit Rilke, « les pauvres sont aussi silencieux que les choses ». Ils ont pourtant des choses à dire. Il faut les amener à s’exprimer... et les entendre. Lorsqu’on est confronté directement aux personnes en situation de précarité, on se rend rapidement compte qu’il faut revoir sa façon de penser. Qu’est-ce pour eux qu’un bas-sin d’emploi ? Un bassin de vie ? Une longue distance ? Le mot « mobilité » n’a pas la même signification selon qu’on a une voiture ou non, selon qu’on a l’habitude de prendre le train ou non... Tous les domaines de la vie sont dans ce décalage.

Quels sont les écueils à éviter ?- Il faut faire attention aux termes qu’on emploie. Si l’on n’y prend pas garde, on crée des concepts qui, en creux, désignent les problèmes chez les gens. « Employabilité » induit « pas employable », « paren-

Ne plus penser à la place des exclus

Laurent sochard, psychosociologue, responsable de formation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), en charge des politiques sociales à l’Institut national spé-cialisé d’études territoriales d’Angers.

expertise partagée

« »

On ne peut pas penser la question

de la démocratie participative

sans penser la question

de la justice sociale.

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talité » sous-tend « pas bons parents », « citoyenneté » suppose « mauvais citoyen »... Des usages stigmatisants, des concepts qui permettent aussi de penser que le problème est chez l’autre, qui évitent de remettre en cause sa propre place, la société en géné-ral. On ne cherche jamais à savoir si les habitants des beaux quar-tiers, qui paient des impôts et consomment, ont une vie associative, votent, bref participent, du moment qu’ils consomment ... Dans les quartiers populaires, de nombreuses initiatives, une vraie solidarité existent. C’est une participation active, bien qu’invisible, à la vie so-ciale. Mais on a tendance à confondre citoyenneté et consomma-tion... Par ailleurs, un souci fréquent est la crainte de la focalisation sur des problèmes individuels. Le célèbre « les gens vont parler de leur bout de trottoir ». Oui, sans doute. Chacun a une expérience concrète à mettre en évidence, un « bout de gras » à défendre. Il faut partir de là pour travailler, élargir, analyser. Sinon, cela revient à réfuter l’« expertise d’usage » que, justement, on demande aux gens.

L’intérêt général serait la somme d’intérêts particuliers ?- Non. Mais l’intérêt général n’est pas l’apanage des élus. L’intérêt gé-néral doit guider l’ensemble, mais il n’appartient à personne. Les élus, les premiers, pensent aussi à leur propre carrière... On a envers les gens une exigence démesurée que l’on n’a pas pour soi-même. Les fonctionnaires sont-ils représentatifs de la société ? Non, bien sûr. On vit une crise de la représentativité dans tous les secteurs. Par ailleurs, on sait que tous les progrès sociaux se sont faits à la marge, à partir de minorités actives. Les féministes, par exemple, ou les adversaires de la peine de mort n’étaient pas majoritaires... Le fait majoritaire n’est pas systématiquement légitime. Et le point aveugle majeur de la démocratie participative, c’est qu’elle est portée par la démocra-tie représentative. Sachant qu’on ne représente pas les exclus, on va les chercher pour participer à nos dispositifs, mais on passe par le filtre politique et administratif, au risque de se retrouver pris dans les dysfonctionnements de la démocratie représentative. Ce qui devrait être le remède peut être gagné par les mêmes symptômes.

D’après votre expérience, la situation de « précaire » est, paradoxalement, durable ? - L’accompagnement social a été construit au 20e siècle... C’est une notion récente, donc, axée sur l’idée de « s’en sortir ». C’est ce que demande aux exclus le discours social, et c’est ce qu’ils espèrent eux-mêmes. Force est pourtant de constater que la « condition de pré-caire », qui est un oxymore, est une réalité. Il y a une précarité durable et même transmise sur une, deux générations... Néanmoins, je dirais avec Antonio Gramsci qu’il faut « allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ». Être lucide, mais pas découragé.

Pour

en

savo

ir pl

us

ouVrages, pubLications

- Face à l’insécurité sociale, désamorcer les conflits entre

usagers et agents du service public, Suzanne Rosenberg,

La Découverte - Alternatives sociales

- « Les freins à la transformation de l’action publique

avec les usagers »,

Les cahiers du DSU n°26, mars 2000.

- « Qualification-mutuelle : des habitants-problème aux

habitants-solution », Territoires, la revue de la démocratie

locale, n°441, octobre 2003.

- « La participation des usagers : de la mise en commun

de problème à l’émergence de solutions », Actes, revue

de l’Union nationale des CCAS, juin 2005.

- « Participation des habitants : des luttes urbaines à

l’institutionnalisation », Les intermittences

de la démocratie, sous la direction de Marion Carrel,

Catherine Neveu et Jacques Ion, l’Harmattan, 2009.

sites et pubLications en Ligne

- http://www.inset-angers.cnfpt.fr/ressource_biblio/75.pdf

- Journal de quartier Mosaïque :

www.mosaique-nantesnord.fr

- Universités populaires de parents :

www.upp-acepp.com/

- ATD Quart Monde :

http://www.atd-quartmonde.org/

- « Ce qu’on dit doit faire changer le monde », publication

téléchargeable d’ATD Quart Monde sur le dialogue avec

l’exclusion : www.atd-quartmonde.org/Ce-qu-on-dit-

doit-faire-changer,360.html

« les pauvres sont aussi silencieux que les choses »

Rainer Maria Rilke

»

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Pourquoi l’URIOPSS Pays de la Loire s’est-elle intéressée aux démarches Dialogue citoyen de la Ville de Nantes ?

- L’URIOPSS Pays de la Loire a suivi la démarche dialogue pour tous dans le cadre de ses activités à destination des personnes en situation d’exclusion, de précarité ou de pauvreté. Nous menons nous-mêmes des opéra-tions ou actions similaires. Forte de cette expérience, l’URIOPSS a souhaité engager une réflexion sur l’aspect opérationnel de la participation des usagers, à travers un travail de recensement des démarches participa-tives dans la région des Pays de la Loire.

Aviez-vous connaissance d’opérations similaires ?

- Dans notre état des lieux des démarches participatives en Pays de la Loire, nous avons pu recenser différents dispositifs participatifs, notamment dans la ville d’An-gers, ainsi qu’à La Roche-sur-Yon.

Au regard de ces expériences, la méthode nantaise du dialogue citoyen est très intéressante en ceci qu’il ne s’agit pas d’une instance participative à proprement parler, mais bien d’un processus de participation : on parle de la démarche du dialogue citoyen, applicable à l’ensemble des politiques publiques de la ville de Nantes dès lors que l’avis des citoyens peut être sol-licité. Il ne s’agit pas pour Nantes de multiplier les ins-tances participatives en fonction de la population vi-sée : conseil des jeunes, conseil des sages, conseil pour les personnes en situation de handicap, conseil pour les étrangers… Mais bien d’intégrer la participation aux pratiques professionnelles.

Les chantiers ouverts par la Ville de Nantes et les réponses apportées vous semblent-ils répondre aux préoccupations posées ?

- Les chantiers ouverts par la Ville de Nantes répondent à un objectif d’amélioration de l’efficacité des politiques publiques en mettant le citoyen-usager au cœur du service public. Améliorer l’accueil au CCAS, lutter contre l’isolement, prévenir les discriminations à l’em-ploi ainsi que toutes les actions en faveur des quartiers contribuent à améliorer le quotidien des personnes en situation d’exclusion. En prenant en compte la parole des premiers concernés, il s’agit de restaurer une digni-té bien souvent écorchée par des conditions de vie dif-ficiles. Le terme de « démocratie de proximité » prend tout son sens en ceci que la ville de Nantes intervient sur l’environnement proche des gens, à l’aide d’une démarche participative.

Cependant, lutter efficacement contre les exclusions nécessite également d’aborder les questions de loge-ment, d’hébergement et d’urgence sociale, des aides sociales, de l’emploi… qui ne sont pas des compé-tences municipales. D’où l’importance de pérenniser ces dispositifs participatifs à l’échelle départementale, régionale et nationale, afin que les personnes en dif-ficultés sociales puissent s’exprimer sur les politiques sociales qui les concernent.

N’oublions pas non plus que l’un des objectifs de la démocratie participative est d’étendre la participation politique aux personnes exclues de l’espace public. Cela sous-entend des supports de participation adap-tés, et diversifiés afin de permettre aux personnes qui ne sont pas prêtes encore à la prise de parole en public de s’exprimer librement.

camille chamoux, au sein des pôles Exclusion et enfance famille de l’URIOPSS (Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) Pays de Loire.

Une dignité écorchée

expertise partagée

En 2010, l’URIOPSS des Pays de la Loire, en partenariat avec plusieurs associations de la région (Ni Pauvre Ni Soumis, ADMR Pays de la Loire, ATD Quart Monde, Secours Catho-lique, L’Arche, Le Sénevé, l’association Les eaux vives, La Banque alimentaire et la FNARS), a souhaité attirer l’atten-tion sur l’ « Année européenne de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».La participation des personnes était l’un des thèmes rete-nus par la France dans le cadre de l’Année européenne. Il fut également retenu par le Comité de pilotage de cette journée car, souligne l’URIOPSS, « ce sujet nous apparaissait incontournable au regard des enjeux actuels rencontrés par les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion

sociale en Pays de la Loire. Cette journée a été labellisée « Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclu-sion sociale 2010 » et était ouverte au grand public. Au tra-vers de cette journée qui a réuni plus de 250 personnes, nous souhaitions vivre et partager des temps de convivia-lité, mais aussi comprendre les conditions nécessaires pour créer du neuf dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en mettant en commun les savoirs des personnes vivant la pauvreté et l’exclusion sociale, des professionnels, des membres d’associations, des élus, des citoyens, habi-tants des Pays de la Loire ou d’ailleurs, qui se sont associés à cette rencontre, dans un esprit de fraternité. »

La fédération de la solidarité

» «

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gilles-Laurent rayssac, consultant au sein de Respublica Conseil et président de l’AIP2 (Association internationale pour la participation publique)

quelle est la réflexion à la base de votre travail sur la participation des exclus ?

- Il y a d’abord le constat que, si l’on n’y prend pas garde, et c’est ce qui se passe actuellement, les processus de concertation s’adressent aux mêmes personnes, à celles qui sont dans les bons canaux d’information. Or, par définition, les précaires sont les moins informés : ce n’est pas leur préoccupation pre-mière ; ils doivent d’abord résoudre les problèmes de la vie quotidienne.

Alors, les processus de concertation deviennent ex-cluants. Le paradoxe est que plus ils se développent, plus la pratique démocratique s’éloigne d’une partie des citoyens.

Il faut donc se tourner vers les personnes en difficulté pour s’assurer que l’information leur est accessible. Ensuite, à eux de choisir l’usage qu’ils en feront ou non. Mais au-delà de cette accessibilité, il faut penser au contenu de cette information. Souvent, cette der-nière n’est compréhensible que par une petite partie de la population car ceux qui la rédigent le font pour eux-mêmes. Aujourd’hui cet aspect n’est pas suffisam-ment pris en compte. Or des personnes ne se dépla-

ceront pour un processus de concertation que si elles y trouvent un intérêt. Mais si elles n’ont pas l’informa-tion elles ne pourront pas comprendre en quoi cela les concerne et donc ne se mobiliseront pas.On assiste donc aujourd’hui à une véritable contre-performance démocratique.

comment passer de cette contre-performance à un état normal de la vie démocratique ?

- Dans un premier temps, il faut se donner des moyens d’aller chercher les personnes que l’on aura repérées comme étant exclues du processus de concertation. Dans ce cas, la communication traditionnelle avec les affiches, les tracts, ne fonctionne pas. Il faut donc pas-ser par les réseaux associatifs ou plus informels.

Puis il faut adapter l’information et organiser l’en-trée des exclus dans la discussion par catégories d’acteurs. Des groupes se réunissent d’abord entre eux avant de se retrouver ensemble. Cette mise en présence est accompagnée d’une aide au dialogue avec des outils appropriés ; cela permet de passer de petits groupes à des grands groupes pour une véri-table concertation.

Une contre-performance démocratique » «

En octobre 2010, une soixantaine de per-sonnes se sont réunies à l’Hôtel de Ville de Paris, pour une matinée de discussion sur les modalités de participation des exclus. Cette journée était organisée par AIP2, la branche française de l’Association internationale pour la participation publique * Trois intervenants ont pris la parole pour relater leur expérience du terrain : Patrick Norynberg, directeur général adjoint des services du Blanc-Mesnil qui a exposé l’expérience conduite depuis plusieurs années dans sa ville ; Pascal Bolo, adjoint au maire de Nantes ; les représen-tantes du collectif K’ose Toujours et de la Mis-sion régionale d’information sur l’exclusion de Rhône-Alpes.Des questions simples avaient été choi-

sies comme base de réflexion : comment inviter les publics les plus fragiles à participer et les convaincre qu’ils sont légitimes à le faire ? Comment parvenir à une participation effective et durable des exclus aux processus de participa-tion ?De cette journée sont nées des recomman-dations à destination des élus et des ser-vices des municipalités : - Affirmer la volonté politique de la partici-

pation de tous. - Accepter un changement de posture. - Mettre les processus de participation en

« accessibilité totale ». - Produire de la confiance. - S’assurer de la participation de tous.

- Produire de la connaissance. - Organiser des processus et non des réu-

nions ponctuelles. - Concevoir les processus de participation

selon des méthodes progressives. - Animer les processus de façon à ce que tous

les participants puissent prendre part au débat.

- Donner à tous les moyens de participer. - Inscrire la participation au cœur du fonc-

tionnement des maîtres d’ouvrage. - Evaluer la participation de tous. Ces recommandations se retrouvent dans le déroulé suivi par la mission Dialogue citoyen de la Ville de Nantes et dans les réponses et engagements de la Ville.

aip 2 : des recommandations aux élus

*http://www.aip2france.wordpress.com).

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des expériences rencontrées

Il est né d’un « appel à idées » du département du Nord en 2002 pour favori-ser la participation des allocataires du RMI au dispositif d’insertion. Le Forum permanent de l’insertion de Lille vise désormais à permettre aux personnes impliquées dans le dispositif (allocataires, élus, travailleurs sociaux, bénévoles) de dialoguer et de porter un regard critique pour adapter et améliorer ce dis-positif. Il permet aussi de développer une dynamique entre associations et ins-titutions pour une meilleure participation des bénéficiaires.

Ses actions comprennent : une assemblée plénière mensuelle qui réunit travailleurs sociaux, béné-voles, et allocataires ; des groupes de travail thématiques (emploi, surendettement, mobilité, médias) qui alimentent les assemblées plénières ; un événement annuel fédérateur qui valorise les travaux de l’année.

Les effets positifs de ce forum permanent sont nombreux : ins-tauration d’un dialogue entre les différents acteurs de l’insertion du territoire ; perception accrue du dispositif et des contraintes de chacun ; reconnaissance progres-sive de l’apport des allocataires…

À Lille, un Forum permanent

Le forum participatif organisé par la Ville de Nantes a permis la rencontre de citoyens organisés en collectif ou en associations. Qu’avaient-ils à dire ? Quelles expériences et quels regards portés sur les personnes en difficulté pour quelles visées ?

« Dans les deux villes, Nantes et Lille, on retrouve les mêmes questionnements, les mêmes perspectives et aussi ce paradoxe : on sollicite une participation ci-toyenne des participants mais on n’apporte pas de réponse immédiate. Or certaines personnes sont dans l’urgence. Il est donc important de ne pas vendre de l’illusion, d’être clair. On peut ainsi obtenir une liberté d’adhésion ». Eric Wandewalle est coordinateur au Forum permanent de l’insertion de Lille.

Tém

oign

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des expériences rencontrées

Depuis 2005, à l’initiative de l’ACEPP* (Association des collectifs enfants-parents- professionnels), des Universités populaires de parents ont été créées en France. Ainsi, dans le Nord, le Pas-de-Calais, le Rhône et les Pyrénées-Atlantiques, des parents ont travaillé sur des questions liées à la parentalité, avec le soutien d’universitaires, sur le décrochage scolaire, la transmission des valeurs aux enfants, la cohérence éducative…

Ces travaux ont ensuite été le support de débats locaux entre parents, élus et professionnels. Ils ont débouché sur des projets et des propositions pour renforcer la coopération entre parents et éduca-teurs et améliorer la vie des enfants. Les Universi-tés populaires de parents ont tout à la fois permis de construire des savoirs, de rapprocher l’uni-versité des parents, de générer des dynamiques locales permettant une meilleure compréhension entre parents, professionnels et élus.

L’approche repose sur certains principes forts : s’appuyer sur les ressources des parents et non sur leurs difficultés ; reconnaître leurs propres valeurs et les pratiques éducatives familiales ; donner des occasions de faire ensemble, de construire ensemble, entre pairs ; reconnaître aux parents un droit à l’initiative et à la parole et leur permettre d’avoir un pouvoir réel.

L’idée des Universités populaires de parents a germé à un moment où la question de la paren-talité faisait l’objet d’un débat médiatique assez intense. Les parents, premiers intéressés, étaient

totalement absents du débat. Leur point de vue, notamment celui des parents des quartiers popu-laires, restait inaudible, invisible.

Les objectifs des Universités populaires consistent donc à donner la parole aux parents afin qu’ils apportent leur point de vue sur la parentalité. Ainsi, peut se construire un savoir croisé autour entre parents, experts et politiques qui permet un débat avec d’autres acteurs au niveau local, voire national.

Ces Universités populaires sont des groupes de parents, en général quinze à vingt, qui mènent une recherche avec le soutien méthodologique d’un universitaire. Lorsqu’ils produisent un savoir assez construit, ils mettent en débat celui-ci avec d’autres acteurs, élus, enseignants, travailleurs so-ciaux, pour croiser les points de vue.

* www.upp-acepp.com/

Les Universités populaires des parents : le droit à la parole

« À Nantes, j’ai observé une similitude de démarche : il y a eu un étonnement à voir que les interrogations étaient les mêmes. Elle consiste à s’appuyer sur les ressources des personnes et non sur leurs difficultés ». Florence Berruer est conseillère technique sur la parentalité au sein de la Caisse d’allocations familiales. Dans ce cadre, elle est coordinatrice pour la Manche du Réseau d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents et de l’Université populaire des parents.

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Mosaïque est un trimestriel qui existe en version web et papier. Écrit, réalisé et distribué par des habi-tants pour les habitants, Mosaïque accueille toute participation bénévole. La participation au journal est libre, chacun apporte sa pierre à l’édifice selon son temps et ses compétences. La distribution est assurée par les membres du comité de rédaction.

Outil de développement social, il est un élément fondamental de la participation des habitants, de l’expression et de la promotion de la citoyenneté.

C’est un journal gratuit, financé par la Ville. Il a pour objectifs de favoriser l’expression des habitants, de

valoriser la vie du quartier, d’offrir une information de proximité, de créer du lien social par une dé-marche collective offrant un espace de rencontre, de débat et de convivialité, ouvert vers l’extérieur. Mosaïque est donc un outil privilégié, sinon un labo-ratoire pertinent, dans l’optique du développement du Dialogue citoyen à Nantes.

Enfin, Mosaïque, média de proximité, veille à respec-ter la déontologie du journalisme.

www.mosaique-nantesnord.fr

Mosaïque, le journal des habitants de Nantes Nord

des expériences rencontrées

Ce conseil a été créé en 2003. Intégré dans le dispositif nantais de démocratie locale, il a pour objectif de favoriser l’expression des étrangers non issus de l’Union européenne dans la vie de la Cité, de coproduire une politique d’ac-cueil et d’intégration en direction des populations d’origine étrangère et de faciliter l’accès de tous aux politiques publiques. Le CNCE offre aux étrangers un espace pour s’informer, écouter, échanger et débattre en citoyen nantais. Une quarantaine de résidents étrangers en font actuellement partie.

Par cette antériorité de fonctionnement, le CNCE était un des témoins incon-tournables d’une table ronde lors du Forum participatif de juin 2010. Sa voca-tion étant justement, pour les publics dont il s’occupe, de pallier leur absence dans l’ensemble des instances de participation (conseils de quartier...) et de les impliquer dans la coproduction des politiques publiques. Pour Philippe Rigollier, qui pilote le CNCE, l’expérience de la démarche Dialogue pour tous a « réaffirmé la forme du CNCE et l’a resitué dans un cadre beaucoup plus inté-gré qu’auparavant, même si, bien sûr, tous les étrangers ne sont pas en situa-tion de précarité. » « L’atelier a mis en évidence des sujets sur lesquels nous butions de façon récurrente et la nécessité de trouver des solutions adaptées aux publics côtoyés en termes de mobilisation et de formes d’animation... ». Des verrous ont sauté : « Cela a été bénéfique quant aux formes et modali-tés d’animations. Cela nous a permis d’établir de bonnes pratiques, de créer une garantie d’investissement de temps de la part des élus. Cela a permis de démontrer que des difficultés pouvant se poser au CNCE trouvaient des solu-tions dans des cadres plus larges. »

[email protected]

Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers : des verrous sautent

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mise en pratique

La démarche conduite par la Ville commence à irriguer l’ensemble de ses politiques et de ses manières de faire. En témoignent ces entretiens avec

- Sandra Rataud, directrice la mission Dialogue citoyen Ville de Nantes

- Laurence Crochet, chargée de quartier Nantes centre ville

- Agnès Devy, Directrice adjointe mission citoyenneté et Territoires

- Michel Lorant, Directeur de l’Action Sociale et Insertion.

des expériences rencontrées

Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers : des verrous sautent

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Comment définiriez-vous le dialogue citoyen ?

Depuis 2008, la Ville a reformulé un nou-veau cap pour le Dialogue citoyen qui im-pacte le savoir être et le savoir-faire des pra-tiques professionnelles. Nous avons donc mis en place une dynamique transversale et globale qui irrigue toutes les directions, une véritable co-production des politiques publiques. Cette dernière peut également se définir comme l’expertise d’usage des citoyens associée à l’expertise technique des institutions. Or, pour que les habitants puissent s’approprier un dialogue construc-tif, riche, il faut chercher la diversité des points de vue liée à la diversité de l’âge, des situations vécues…la mission Dialogue citoyen accompagne ces évolutions avec notamment la mise en place du guide mé-thodologique du Dialogue citoyen.

Que faut-il faire alors pour mobiliser le plus grand nombre ?

- On doit s’interroger sur ce que nous de-vons remettre en question pour obtenir la participation de tous, notamment des per-sonnes en situation de précarité. Il faut aussi répondre à cette simple question : « com-ment faire pour fonctionner ensemble ? ».

Comprendre, admettre que les politiques publiques se travaillent aussi avec l’usage des citoyens représente un grand change-ment des pratiques professionnelles et poli-tiques.

Ainsi, on a bien compris que pour travailler avec les habitants, on ne peut pas imposer les codes institutionnels qui sont un frein important à l’échange. Il nous faut donc prendre en compte les horaires, le langage de ces habitants et travailler sur un fond de convivialité et de confiance. Et là, la qualité de l’animation d’un groupe est essentielle.

Pour progresser en ce sens, pas moins de soixante agents ont débuté une formation à la dynamique de groupe créative en sep-tembre 2011.

Cette démarche trouve-t-elle une résonance dans le projet « Ma Ville demain » ?

- « Ma Ville demain » est une démarche conduite par la conférence des vingt-quatre maires de l’agglomération avec l’Agence d’urbanisme de la région nantaise pour opérateur. Elle se déroule en quatre phases pour définir collectivement les principaux caps que se fixe la collectivité pour les vingt ans à venir. On se place ainsi dans une pos-ture prospective qui pose la question de ce que l’on veut pour notre ville et de la ma-nière dont on le réalise.

En phase 1, il y a eu une mise en mou-vement avec des questions qui ont été posées aux habitants. De ces question-naires neuf thèmes, neuf enjeux ont émergé. La deuxième phase est celle de la mise en débat. Nantes a choisi d’animer le débat en mode participatif et ce, grâce à la démarche antérieure du Dialogue pour tous. On a donc postulé que tout le monde était autorisé et compétent pour donner son avis sur l’avenir de la ville. Pour ce faire, il a fallu trouver les moyens pour lever les inhibitions des personnes : « Je ne suis pas assez compétent, je ne sais pas quoi dire … » Pour cela, nous avons créé une boîte à outils qui ressemble à celle utilisée dans la démarche Dialogue pour tous. C’est sans conteste une posture forte et singulière qui repose sur un socle solide de vingt années d’expérience de dialogue dans les quartiers. www.mavilledemain.fr nantes.fr > Nantes 2030

sandra rataud, directrice de la mission Dialogue citoyen à la Ville de Nantes»

« «

«

Chacun a son mot à dire sur l’avenir de Nantes

mise en pratique

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sandra rataud, directrice de la mission Dialogue citoyen à la Ville de Nantes

Laurence crochet, chargée de quartier à Nantes centre Ville à la direction mission Citoyenneté et territoires.

«

Pas simple tous les jours !

agnès deVy, directrice adjointe à la mission citoyenneté et Territoires* à la Ville de Nantes.

«

»

Comment définiriez-vous les pra-tiques mises en œuvre pour rendre ce dialogue possible et constructif ?

- C’est un véritable changement de posture qui, en plus, suppose un temps de travail plus important. On peut être amenés à remettre en cause des orientations validées en amont. Aujourd’hui, on sait qu’il faut un travail très fouillé préalable aux rencontres. Animer un débat demande de bien réfléchir au contenu et aussi d’avoir de la réactivité par rapport aux questionnements des habitants. Il faut valider ce que l’on met à disposition du public.

Autre point : il est nécessaire que le lien existe aussi avec l’élu pour un vrai travail d’équipe.

Au final, les projets doivent être partagés entre les habitants, les acteurs de quartier et les associations : c’est particulièrement important pour réussir ce dialogue.

Peut-on parler d’un enjeu de citoyen-neté ?

- Oui. On constate que les habitants en gé-néral se détournent de la chose publique ou bien s’y intéressent de façon négative, en se plaignant. Il y a donc un véritable enjeu de citoyenneté dans ce dialogue.

Lorsqu’on demande aux habitants de co-élaborer un projet les concernant, ils sont déboussolés. Parfois, certains étaient même étonnés qu’on leur demande leur avis !

Il ne s’agit pas non plus d’en faire des experts de politique publique mais de les impliquer. Et puis on aimerait aussi mobiliser des per-sonnes autres que celles que l’on voit habi-tuellement aux réunions : des jeunes, des précaires. Alors oui, c’est, pour la commune, pour un territoire, un enjeu politique.

« Aller vers »… Quel est le sens de cette démarche ?

- C’est une posture qui est intrinsèquement liée au travail de Mission Cité puisqu’il s’agit de rapprocher les services publics des citoyens. Cela relève bien sûr d’une approche sociale et nous travaillons beaucoup en dialogue avec des associations qui ont un véri-table savoir-faire sur le terrain.

Concrètement, comment tissez-vous du lien avec les habitants des quartiers où vous travaillez ?

- Par exemple, nous animons l’espace public pour faire venir les gens, ce qui peut être un prétexte à travailler les liens de voisinage. Et puis aussi, à l’occa-sion d’une réhabilitation, on apporte des tables, du café, et les plans des futurs travaux afin de pouvoir échanger dans une réelle convivialité. En amont, les actions que nous menons font l’objet de dialogues entre les différents services publics selon le projet : avec Nantes Habitat, les Espaces verts,… Dans notre

programme de travail annuel nous incluons aussi les dialogues post-actions pour analyser ce qui a fonc-tionné ou non, et ce que l’on peut améliorer.

Quelles qualités d’après-vous sont néces-saires à cette approche sur le terrain ?

- Il faut avoir beaucoup d’énergie, être pugnace car ce n’est pas simple tous les jours ! Parmi les agents de ville, ce sont les jardiniers qui ont plus de facilité à discuter avec les habitants. Ils peuvent en effet uti-liser leur art comme terrain d’échange. Mais même lorsqu’on a une relation de qualité, ce n’est pas pour autant que les habitants se déplacent aux réunions organisées par la Ville. Cela est lié au rapport avec les élus, à un problème de prise de parole en public, de distance à l’égard des institutions, de difficulté pour nombre de femmes de se libérer le soir… C’est un long travail, qui n’est jamais gagné.

* Création intimement liée à l’histoire de la territorialisation de la Ville puisque c’est en 1996, que cette mission transversale s’impose dans l’organisation municipale, avec le découpage de Nantes en 11 quartiers et la mise en place des ex Comités Consultatifs de Quartier devenus en 2009 les conseils de quartier.

Un enjeu politique »

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»Quels constats la Ville tire-t-elle de la démarche Dialogue pour tous ?

- Entre juillet et décembre 2009, une stagiaire a effectué une mission exploratoire de six mois pour infuser dans la direction la démarche du dialogue citoyen. Premier constat : cette notion n’était, paradoxalement, pas intégrée dans nos pratiques. On fait pour les gens, mais pas avec eux. Un constat confirmé lors du forum du 14 juin 2010. Ce jour-là, nos assistantes sociales ont pris de plein fouet ce qui leur a été renvoyé par les participants. Un vrai choc car, s’il y a bien des gens soucieux de l’usager, ce sont elles. Les échanges avec le public du Centre Communal d’Action Sociale ont surtout pointé le problème de la posture d’accueil. La manière de recevoir les gens, de communiquer avec eux, de se com-porter, physiquement, devait être reconsidérée. Ce temps a mis en évidence que, pris dans leur quotidien, hyper sollicités, les services sociaux finissent par s’enfermer dans leur logique. Le dia-logue citoyen est salutaire pour lutter contre cet enfermement qui s’installe sans qu’on en prenne conscience. On s’aperçoit qu’en bout de course, si bien intentionné soit-on, on ne sait pas tou-jours bien aider les gens.

Partant de ces constats, entre novembre 2010 et avril 2011, nous avons procédé à une évaluation et travaillé à un projet d’évolution de l’accueil au CCAS, en s’appuyant notamment sur l’expertise d’usage lors d’un atelier citoyen sur ce thème.

Quels changements la démarche a-t-elle engendré dans vos pratiques?

- D’un point de vue logistique, nous avons pu par-tiellement revoir le projet de travaux de rénova-tion de nos locaux, justement en cours, à l’aune de ce qui est ressorti de la restitution. Laquelle nous a également permis de qualifier la réorga-nisation de la direction, prévue en janvier 2012.

Nous avons ainsi initié une révolution qui s’ins-crit dans la durée. Elle commence, par exemple, par cesser de se centrer sur nos seules offres de services. Si on laisse une demande sans réponse, l’interlocuteur a l’impression qu’on se débarrasse de lui, qu’on ne cherche pas à comprendre ses problèmes. Impression évidemment fausse, mais suscitée par notre manière de recevoir les gens. Sans ce travail, j’aurais pu, très certaine-ment, passer à côté de la question de la posture et de la façon d’accueillir. Nous reverrons en ce sens le profil de poste des agents d’accueil, et on fera du théâtre forum pour simuler des situa-tions d’accueil afin d’illustrer le sens, l’esprit de la réforme. On commence à l’automne, avec les agents, pour creuser le sillon, puis courant 2012, des militants d’ATD Quart monde interviendront pour une co-formation des personnels avec des usagers, pour expliquer aux professionnels la manière dont les choses sont vécues du côté du public et croiser les regards. J’ai pleine confiance en la capacité de mes collègues à s’ouvrir, évo-luer, grandir.

mise en pratique

michel Lorant, directeur de l’Action Sociale et Insertion à la Ville de Nantes.

Un vrai choc «

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table des matièresDébat public : comment entendre la voix des sans voix

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enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 et 5La démarche pour qui ? pour quoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2Chacun a son mot à dire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3« On ne peut pas faire le bien des gens sans eux », Pascale Scilbo, élue du quartier Breil Barberie, adjointe au maire chargée de la lutte contre la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3« Le dialogue citoyen est un grand mouvement », Michelle Meunier, adjointe à la Solidarité, aux Personnes âgées et à l’Insertion sociale et vice-présidente du Centre communal d’action sociale (CCAS) . . . page 4« Les barrières sont tombées », Stéphanie, Présidente des restaus du cœur de Loire-Atlantique . . . . . . . . . . . . . . . . page 4« Une dynamique créatrice ! », Rachel, citoyenne et militante associative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 5« La force de l’intelligence collective », Charlotte, agent de développement culturel Ville de Nantes . . . . . . . . . . . page 5

méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 à 9La qualification mutuelle appliquée à l’atelier citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 6« Une sincérité rare », Suzanne Rosenberg, créatrice de la méthode de la qualification mutuelle . . . . . . . . . . . . . . . page 6Le forum participatif, une reconnaissance de l’autre 3 questions à Denys Cordonnier, consultant au sein de Valeur Plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 7Le théâtre forum : une action de dévoilement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 8« Se sentir reconnu en tant que personne », Fabienne Brugel, compagnie NAJE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 9

anaLyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 à 12Avis citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 10Réponse de la Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 11« Coproduire les politiques publiques », Pascal Bolo, adjoint au maire chargé des finances, de l’évaluation des politiques publiques et du dialogue citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page12

expertise partagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 à 19« Connaître avec pour agir ensemble », Laurence Potié, chargée de mission au sein de la Mission régionale d’information sur l’exclusion en Rhône-Alpes (MRIE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pages 14 et 15« Ne plus penser à la place des exclus », Laurent Sochard, psychosociologue responsable de formation au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et en charge des politiques sociales à l’Institut national spécialisé d’études territoriales d’Angers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pages 16 et 17Pour en savoir plus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 17« Une dignité écorchée », Camille Chamoux, des pôles Exclusion et enfance famille de l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux des Pays de Loire (URIOPSS) . . . . . . . . . . . . . . page 18« Une contre-performance démocratique », Gilles-Laurent Rayssac, consultant au sein de Respublica Conseil et président de l’Association internationale pour la participation publique (AIP2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page19

des expériences rencontrées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 à 22A Lille, un Forum permanent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 20Les Universités des parents : le droit à la parole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 21Mosaïque, le journal des habitants de Nantes Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 22Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 22

mise en pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 à 26« Chacun a son mot à dire sur l’avenir de Nantes », Sandra Rataud, directrice de la mission Dialogue citoyen à la Ville de Nantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 24« Un enjeu politique », Laurence Crochet, chargée de quartier à Nantes centre ville à la Mission Citoyenneté et Territoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 25« Pas simple tous les jours ! », Agnès Devy, directrice adjointe à la Mission Citoyenneté et Territoires à la Ville de Nantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 25« Un vrai choc », Michel Lorant, directeur de l’action Sociale et Insertion à la Ville de Nantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 26+ d’Infos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 28

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Les cahiers « connaissances sur » ont pour objet de mettre à profit la connaissance capitalisée autour d’une question ayant fait l’objet d’une expertise approfondie à la Ville de Nantes ou à la métropole en lien notamment avec une démarche d’évaluation ou de dia-logue citoyen. Ces cahiers exposent la diversité des points de vue et font état de la réflexion sur des questions qui croisent politiques publiques municipales et métropoli-taines et sujets de société. Cette connaissance est mise à disposition des acteurs du territoire, des citoyens et de la société civile dans son ensemble et à vocation à animer le débat public.

Directeur de la publication : Pascal Bolo

Co-directrices de la publication : Francine Fenet et Sandra Rataud

Rédaction : Pascale Brosseau (journaliste),

Pascale Wester (journaliste), Francis Mizio (journaliste)

Ont participé à ce numéro : Michel Lorant, Johanna Selze.

Coordination : Nathalie Giraudon

Mise en page : Vu par…

Impression : Chiffoleau

Diffusion : 1 000 exemplaires

Pôle politiques publiques et ProspectiveMission Dialogue citoyen

2, rue de l’Hôtel de Ville44094 Nantes cedextél. 02 40 41 97 10www.nantes.fr

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citoyen > Mise en débat des politiques publiques.

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