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Édition scientifique • Bulletin de veille n o 17 • Avril 2012 Notes d’actualité scientifique Santé / Environnement / Travail ulletin eille de cientifique

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique Santé / Environnement / Travail

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cientifique

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Nous sommes ravis de vous présenter le premier bulletin de l’année 2012. C’est l’occasion d’inaugurer quelques changements. Lors de notre précédent numéro nous vous faisions part des résultats de notre enquête, et notamment du besoin exprimé par une partie de nos lecteurs, d’un niveau de lecture du bulletin plus accessible. Pour y répondre, nous avons ajouté un sommaire « détaillé », enrichi du résumé de chaque note. En un coup d’œil rapide, le lecteur peut apprécier la globalité des sujets traités. Nous souhaitons, ainsi, satisfaire l’ensemble de nos lecteurs.

Les sujets couverts dans ce bulletin sont très variés, de l’étude du lien entre composés perfluorés et cancer du sein chez les femmes Inuites du Groenland qui, loin de tout, subissent les conséquences d’un monde moderne, à la souffrance au travail et aux maladies professionnelles dans nos sociétés industrielles. Plus généralement, ce bulletin traite de l’effet d’innovations technologiques ou médicales sur la santé ou l’environnement, la santé étant ici à prendre au sens où l’entend l’OMS, « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

Si le progrès technique a incontestablement permis d’augmenter le niveau de santé des populations dans les pays riches, il convient d’anticiper les questions associées et de préserver l’environnement. Cette anticipation recouvre toute une palette d’outils abordés dans ce bulletin, de l’étude des mécanismes de toxicité à l’analyse des besoins du consommateur.

Le comité de rédaction

Éditorial

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Agents physiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �9Écotoxicité et exposition à un nanomatériau de construction : le dioxyde de titane � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 10Julien FATISSON et Michèle BOUCHARD

Du fait de leur grande utilisation dans l’industrie du bâtiment et de leur possible relargage dans la nature, il convient d’analyser les plus récentes études traitant des nanomatériaux, parmi lesquels figure un des chefs de file : le nano-dioxyde de titane (nTiO2). Le premier article propose une méthode intéressante qui détaille plusieurs paramètres causant la sédimentation du nTiO2 en milieu naturel. Puis, l’expérimentation sur des lombrics, dans le second article sélectionné, montre l’importance de varier les espèces étudiées pour mieux évaluer l’écotoxicité du nTiO2. En vue d’une meilleure appréciation des influences environnementales des nanomatériaux, cette note rapporte les progrès en recherche et souligne l’importance d’intégrer deux angles complémentaires : exposition et écotoxicologie.

Toxicité pulmonaire des nanoparticules� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 13Jacques-Aurélien SERGENT

La nanotoxicologie n’est pas une simple miniaturisation de la toxicologie appliquée aux éléments dont l’une des dimensions est comprise entre 1 et 100 nm. En effet, des propriétés uniques apparaissent et nécessitent de repenser les usages courants en toxicologie. Le premier article traite d’une métrique de présentation des résultats en montrant que la surface ou la masse de nanoparticules testées peut être directement reliée à des indicateurs d’effets biologiques contrairement à leur nombre. Le second article présente les premiers symptômes pulmonaires chez des travailleurs, qui pourraient être directement reliés à l’exposition aux nanoparticules. Ces travaux montrent à quel point l’établissement de normes et consensus internationaux est nécessaire dans l’exploration des effets des nanomatériaux.

Étude de toxicité in vitro et in vivo de boîtes quantiques contenant du cadmium et synthétisées par voie aqueuse � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �16Bertrand BOCQUET

La toxicité in vivo et in vitro de nouvelles classes de boîtes quantiques synthétisées par voie aqueuse est abordée. La première publication est une étude in vivo réalisée chez la souris qui montre que ces nanoparticules circulent dans l’organisme et s’accumulent dans certains organes. L’histologie des organes, les analyses biochimiques et les mesures de poids ne montrent pas d’effet de toxicité sur le court et le long terme. La deuxième étude in vitro, s’intéresse aux effets des boîtes quantiques sur la cytotoxicité et la prolifération cellulaire. L’utilisation d’un microscope puissant montre qu’une concentration localisée des nanoparticules se produit au sein des cellules. Une accumulation dans des organelles vitales pourrait être responsable d’une moindre prolifération cellulaire. Ce paramètre doit être pris en compte dans les études futures de cytotoxicité.

Téléphone portable et tumeurs cérébrales � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 20Gaëlle COUREAU et Isabelle BALDI

Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses études se sont intéressées au lien entre téléphone portable et tumeur cérébrale, dont Interphone, qui ne mettait pas en évidence d’augmentation du risque de manière générale. Deux études récentes ont analysé la relation entre la consommation téléphonique rapportée par les opérateurs de téléphonie portable et les tumeurs cérébrales. La première conclut à une fréquence des tumeurs cérébrales comparable entre les sujets abonnés et les non abonnés. La seconde, conclut à une augmentation du risque chez les enfants et adolescents pour une durée d’abonnement supérieure à 2,8 ans rapportée par les opérateurs, non retrouvée avec la durée déclarée par les sujets, ni avec la durée cumulée passée au téléphone. Ces études, globalement concordantes avec les précédentes, montrent à nouveau les difficultés méthodologiques rencontrées dans ce domaine pour le choix des indicateurs d’exposition aux radiofréquences des téléphones portables.

Agents chimiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 23Exposition à des biocides dans des lieux publics fermés � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 24Catherine TOMICIC

L’exposition à des produits biocides dans des situations courantes ou connues, n’est pas toujours négligeable. La première étude indique que les niveaux d’exposition aux sous-produits de chloration dans les piscines intérieures ne sont pas encore entièrement maîtrisés. Les paramètres identifiés pouvant influencer ces niveaux d’exposition, notamment la ventilation et le nombre de visiteurs, aideront à mieux formuler les recommandations destinées au personnel de piscine. La deuxième étude présente pour la première fois une évaluation de l’exposition à des insecticides appliqués à l’intérieur des avions, par des marqueurs biologiques dans l’urine de membres d’équipage, montrant que la contribution à l’exposition, par voie cutanée, est importante. Dans les deux cas, l’absorption des substances étudiées peut devenir non négligeable et des effets sur la santé ont été observés chez les travailleurs. Chez des populations plus susceptibles (bébés, personnes âgées), des effets pourraient survenir à de faibles concentrations.

Sommaire

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’Espagne � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 28Laëtitia THEUNIS

Les auteurs des études analysées ont recherché et quantifié des composés chimiques représentatifs de différentes classes de polluants émergents, dont des médicaments, des organophosphorés, des cosmétiques, dans des échantillons d’eaux. Certains de ces contaminants émergents ont été retrouvés à différents maillons de la chaîne de l’eau : des eaux usées aux eaux de distribution, en passant par les eaux de surface. Le risque environnemental, lié à la présence de ces contaminants émergents dans les eaux de surface, a été évalué en utilisant la méthode expérimentale, mais prometteuse, des coefficients de risque (CR). Certains médicaments ont aussi été mesurés dans l’eau du robinet (comme la carbamazépine, un anticonvulsivant). Les êtres humains courent ainsi un risque potentiel d’être exposés de façon chronique à un mélange complexe de polluants émergents, tels les médicaments, observés à des concentrations faibles.

Résidus de médicaments vétérinaires antibactériens dans l’environnement : écopharmacovigilance des sulfamides � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �33Brigitte ENRIQUEZ

Les médicaments vétérinaires en particulier antibactériens destinés aux animaux de production génèrent une exposition de l’environnement directement (dépôt des excréments sur les pâtures) ou indirectement (utilisation des excreta d’animaux en amendement sur les cultures). Il est donc important de connaître les effets potentiels des résidus de certaines de ces molécules sur les environnements terrestres et aquatiques. Les deux articles sélectionnés décrivent les effets des sulfamides sur la physiologie de différents organismes tests (bactéries, algues, plantes). Ils mettent en évidence des perturbations des processus de nitrification ou de réduction du fer ainsi que de croissance ou de reproduction. Ces résultats incitent à proposer aux gestionnaires de risque de considérer les effets sublétaux chroniques ou subchroniques des molécules antibactériennes dans des conditions semblables à celle du « terrain » c’est-à-dire en mélange et à faibles concentrations.

Possibles effets endocriniens de l’herbicide Roundup (glyphosate) et de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �37Pierre CRETTAZ

Les résultats de deux études in vitro traitant des effets sanitaires des perturbateurs endocriniens sont présentés dans cette note. Dans la première étude, les auteurs testent les effets de l’herbicide Roundup et de sa substance active, le glyphosate, sur des cellules testiculaires. Le Roundup pourrait agir comme un perturbateur endocrinien, en perturbant le niveau de testostérone dans les cellules testiculaires de rats. Le rôle des adjuvants dans la toxicité totale de cet herbicide suggère que des effets peuvent ne pas être détectés en testant la toxicité chronique uniquement de la substance active et non pas du produit. L’impact de la génistéine et du 4-tert-octylphénol sur les modifications physiologiques des spermatozoïdes a été étudié dans la seconde étude in vitro. Il ressort que l’exposition à ces deux substances peut induire une stimulation significative de la réaction acrosomique des spermatozoïdes.

Associations épidémiologiques entre composés perfluorés et effets sanitaires : de nouvelles observations � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �41Claude EMOND et Pascale KRZYWKOWSKI

Dans cette note de veille, deux études épidémiologiques ont été analysées. La première montre pour la première fois une association positive entre le cancer du sein et la concentration sérique d’acide perfluorooctanoïque et de perfluorooctane sulfonate dans une population d’Inuites du Groenland. Cependant, comme le soulignent les auteurs, d’autres investigations sont nécessaires pour documenter ces observations. La deuxième publication conclut à une association entre la concentration d’acide urique et la présence d’acide perfluorooctanoïque et de perfluorooctane sulfonate dans le sang selon une analyse multivariée dans laquelle plusieurs facteurs de confusion ont été retenus. Cependant, d’autres facteurs importants semblent avoir été négligés par les auteurs de cette publication. Étant donné qu’un changement d’acide urique peut se produire en l’absence d’exposition environnementale, il est nécessaire de s’assurer de considérer l’ensemble des facteurs confondants.

Imprévisibles interactions entre contaminants� Les modèles d’additivité sont loin d’être toujours valides � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 45Pierre-Marie BADOT

L’évaluation des risques liés aux substances chimiques est essentiellement basée sur un corpus de connaissances toxicologiques et écotoxicologiques, dont une large part traite des effets de substances considérées isolément. Les effets de la co-exposition à plusieurs substances toxiques agissant simultanément sont en général beaucoup moins bien connus. Plusieurs travaux récents montrent qu’il est souvent difficile de prédire les interactions susceptibles d’exister entre contaminants et indiquent que les modèles d’additivité conventionnellement utilisés sont assez fréquemment pris en défaut soit qu’ils minorent, soit qu’ils majorent les réponses. Les approches de toxicologie des systèmes en autorisant une meilleure connaissance des mécanismes d’action, sont vraisemblablement une des voies qui permettra de mieux évaluer a priori la toxicité des substances en co-exposition.

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Les interactions entre les substances toxiques et les autres facteurs stressants doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques écotoxicologiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 47Pierre-Marie BADOT

Les tests écotoxicologiques classiques sont réalisés de manière à être reproductibles ; pour cela, les paramètres environnementaux sont fixés par l’expérimentateur. Les tests s’effectuent dans un environnement strictement contrôlé qui le plus souvent ne correspond qu’à une faible fraction des conditions que les organismes rencontrent dans les systèmes environnementaux réels. Les interactions entre les contaminants chimiques et les paramètres environnementaux (facteurs climatiques, disponibilité de la nourriture…) peuvent être nombreuses et un nombre croissant d’études récentes indique qu’elles sont souvent sous-estimées. Ces résultats montrent que les évaluations des risques liés aux contaminations environnementales doivent mieux prendre en compte la variabilité naturelle des environnements réels pour avoir une réelle signification opérationnelle en matière de gestion.

Agents biologiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 53L’exposition aux moisissures des enfants en milieu citadin et rural � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 54Hélène NICULITA-HIRZEL

L’asthme est une des maladies chroniques des plus fréquentes chez l’enfant qui touche 7,6 % à 10,7 % de la population infantile française. Un des facteurs étiologiques de cette pathologie serait les moisissures visibles de l’habitat. La première étude analysée conforte cette suspicion grâce à une méta-analyse effectuée sur un effectif impressionnant d’enfants européens. Elle met également en évidence la fenêtre d’exposition la plus critique au cours de l’enfance qui serait avant 3 ans. La deuxième étude informe sur les moisissures qui entourent les enfants dans différents environnements associés dans la littérature à une prévalence plus ou moins importante de l’asthme. Elle prouve que la flore microbienne des chambres d’enfants rurales provient des étables d’animaux et émet l’hypothèse qu’une telle exposition aurait un effet protecteur contre l’asthme infantile. Ainsi, paradoxalement, l’exposition à quelques espèces de moisissures « domestiques » augmenterait la prévalence de l’asthme plus qu’une exposition à une microflore diversifiée provenant des animaux de fermes.

Milieux � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 59Impact économique et environnemental du phytomanagement � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �60Arnaud GAUTHIER

Les techniques de traitement des sols pollués par des métaux lourds ont montré leur efficacité en termes d’absorption de ces éléments traces métalliques. Cependant, peu d’éléments d’information sont disponibles sur les autres potentialités de ces espèces végétales en termes d’impact sur la production des gaz à effet de serre, mais aussi de ressource énergétique. La présente note analyse ces autres paramètres afin de faire un bilan complet de ces techniques et d’évaluer ainsi leur efficacité réelle. Il apparaît ainsi que la culture de plantes à des fins de phytoremédiation non seulement permet de réduire les teneurs en métaux dans les sols, mais de plus permet une valorisation énergétique extrêmement intéressante de ces cultures et une diminution de la production de gaz à effet de serre.

Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 63Muriel MAZZUCA

Le saturnisme est toujours considéré comme un problème de santé publique. Au travers des études présentées dans cette note, les auteurs tentent d’évaluer l’impact de l’environnement sur les variations de la plombémie. Pour cela, des bases de données européennes qui intègrent des données environnementales sont utilisées dans la première étude et dans la seconde, les auteurs se servent d’un système d’information géographique afin de vérifier l’impact d’une source de contamination sur la plombémie. Les objectifs communs de ces deux études sont de pouvoir aider les pouvoirs publics à prendre des décisions pour réduire l’imprégnation des populations au plomb.

Exposition aéroportée aux endotoxines : caractérisation de la réponse inflammatoire et influence des facteurs génétiques � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �68Anne OPPLIGER et Frédéric MASCLAUX

Les endotoxines, peuvent provoquer d’importants problèmes respiratoires et pulmonaires lorsqu’elles sont inhalées (poussières). Certains travailleurs, notamment des professions agricoles, sont exposés à de très fortes concentrations aéroportées. Un des articles analysés montre que les réponses physiologiques suite à une exposition dépendent du patrimoine génétique des individus. Certains individus ont de plus en plus de problèmes respiratoires lorsque la concentration en endotoxines dans l’air augmente, alors qu’au contraire d’autres n’ont pas ces problèmes. Dès lors, il pourrait être plus utile de procéder à des estimations individuelles des effets des endotoxines sur la santé des travailleurs en mettant en contact leur sang avec les poussières aéroportées collectées dans leur environnement de travail afin de mesurer individuellement la réponse inflammatoire induite telle que proposé par le second article analysé.

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Pathologies et populations � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 71Multiplicité des aéro-contaminants en cause dans les maladies allergiques respiratoires de l’enfant � � � � � � � � �72Denis CHARPIN

Le rôle de l’exposition vis-à-vis des allergènes domestiques et des moisissures est maintenant un facteur bien établi d’aggravation d’une maladie allergique respiratoire telle que la rhinite et l’asthme. Ces notions sont à la base des programmes d’éviction des allergènes et autres aéro-contaminants. La première étude révèle le rôle délétère des moisissures présentes dans les salles de classe sur les symptômes asthmatiques et la fonction respiratoire. La seconde montre la multiplicité des allergènes domestiques impliqués et la multisensibilisation allergique de ces enfants. Elle ne trouve pas de relation entre l’exposition aux allergènes acariens et de chat et le risque d’être asthmatique. L’exposition précoce aux allergènes du chat représente un facteur d’induction de tolérance plutôt que d’allergie. Enfin, dans le domaine des allergènes acariens, il est possible que l’action délétère asthmogène ne concerne que les sujets porteurs d’un polymorphisme génétique particulier.

Expositions professionnelles et cancer du rein � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �75Mimoza MANIKA et Jean-Marc SOULAT

Le cancer du rein ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles. En raison de la fréquence élevée de ce type de cancer, des facteurs de risque professionnels ou environnementaux sont recherchés dans plusieurs études ciblées principalement sur l’amiante, l’arsenic, les solvants organiques, le cadmium et le plomb. Dans la première publication, les résultats suggèrent une augmentation du risque du cancer du rein associée à l’exposition professionnelle au plomb. Dans la deuxième publication, les auteurs montrent, dans le milieu de l’imprimerie, une augmentation significative de la mortalité par cancer rénal chez les sujets ayant la plus forte exposition cumulée au plomb. Ces études encore préliminaires de par leur insuffisance méthodologique mériteraient d’être approfondies. De plus, une prise en considération des acquis récents sur les facteurs de risque génétiques du cancer du rein et sur les mécanismes d’action des métaux est nécessaire pour obtenir des résultats concluant.

Risques et société� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 79Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produits � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �80Stéphanie LACOUR

De nombreux acteurs du développement des nanotechnologies regrettent le manque d’informations qui les entourent. La question est plus cruciale encore quand elle concerne les nombreux nanoproduits mis sur le marché, que rien ne permet, pour le moment, d’identifier. Les deux articles analysés dressent un état des lieux des raisons qui justifient le recours à l’étiquetage comme réponse à ces préoccupations et en analysent la portée. Au regard de l’ensemble des mesures qui peuvent être adoptées, dans ce domaine où les risques demeurent incertains, en application du principe de précaution, l’intérêt de la mise en place d’une obligation d’étiquetage des produits mis sur le marché mérite d’être nuancé et complété en fonction des objectifs visés.

Travail, sens, valeurs et reconnaissance : comment la rationalisation peut-elle être à l’origine de pathologies professionnelles ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 83Cédric SURIRÉ et Frédérick LEMARCHAND

Avec la parution de plus en plus fréquente d’articles relatifs à la souffrance au travail pour les travailleurs et pour les personnes en charge du suivi des pathologies professionnelles, il paraît assez urgent de croiser les différents points de vue afin de faire ressortir des solutions applicables sur le terrain par les acteurs du travail et de la prévention. Les trois textes analysés ici, montrent que la dimension collective reste trop peu présente dans les approches pluridisciplinaires qui se penchent sur les souffrances au travail aujourd’hui. Or, il semble apparaître que c’est une voie principale de prévention capable de saisir la profondeur de la problématique des atteintes à la santé. Elle offre, en effet, la possibilité d’inscrire les acteurs atteints par des risques professionnels dans les processus de décisions, en apportant les valeurs et le sens que les écarts entre travail prescrit et travail réel ont tendance à faire disparaître.

Santé au travail : prendre en compte les parcours professionnels � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 87Olivier CRASSET et Annie DUSSUET

Les recherches sur la santé au travail qui focalisent leur attention sur la situation des individus au moment de l’enquête n’expliquent pas pourquoi les travailleurs qui effectuent des tâches pénibles apparaissent pourtant en bonne santé. En analysant deux articles qui mettent en œuvre les démarches quantitatives et qualitatives, cette note montre comment l’analyse des parcours professionnels peut rendre visibles des problèmes de santé qui sont occultés par l’« effet travailleur sain ». Des conditions de travail pénibles imposent en effet d’avoir une bonne santé et ceux qui défaillent quittent parfois leur emploi pour rejoindre d’autres catégories, comme celle des inactifs. Ces changements de statuts modifient la mesure de l’état de santé de la catégorie socioprofessionnelle que le travailleur quitte et de celle qu’il rejoint. En outre, l’usure professionnelle est ressentie par les acteurs et fait l’objet de stratégies pour la gérer et l’anticiper.

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Les notes d’actualité scientifique reflètent le point de vue des équipes scientifiques partenaires et n’engagent nullement le Comité éditorial ou l’Anses�

« Précipitation n’est pas raison » ou le droit à l’épreuve du gaz de schiste � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �91Nathalie HERVÉ-FOURNEREAU

La médiatisation des préoccupations du public à l’encontre de l’extraction du gaz de schiste contraint le gouvernement français à réagir dans la précipitation. Adoptée dans l’urgence, la loi 2011/835 « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique » se prête à de vives discussions. De récentes publications présentent un éclairage de la mise à l’épreuve du droit. De visée différente, elles permettent de mesurer la variété des intérêts socio-économiques et écologiques en jeu et la variabilité de leur impact sur l’encadrement juridique de l’évaluation et la gestion des risques. Elles invitent à s’interroger sur les répercussions internationales et européennes de cette loi de « circonstance » et sur les perspectives de réforme du Code Minier.

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

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Nanoparticules de dioxyde de titane commerciales dans l’eau synthétique et naturelle : analyse détaillée multidimensionnelle et prédiction du comportement d’agrégation Ottofuelling S, Von Der Kammer F, Hofmann T. Commercial Titanium Dioxide Nanoparticles in Both Natural and Synthetic Water : Comprehensive Multidimensional Testing and Prediction of Aggregation Behavior. Environ Sci Technol 2011 ; 45 : 10045–10052.

Résumé

Cette étude s’intéresse au comportement colloïdal de suspensions de nTiO2 de 20 nm de diamètre et plus spécifiquement à leur propension à l’agrégation dans l’eau en fonction de la composition ionique et du pH, mais aussi de la présence de matière organique naturelle (MON) de la rivière Suwannee. Les auteurs ont utilisé

un produit commercial de nTiO2 (Evonik P25), fabriqué pour l’OCDE pour leur programme d’expérimentation. Des tests de stabilité de suspensions de nTiO2 (à une concentration de 25 mg L-1) dans différentes matrices aqueuses ont été effectués. Plusieurs matrices aqueuses synthétiques ont été préparées à base de NaCl, de CaCl2, ou de Na2SO4 (entre 0,01 et 500 mmol L-1), en présence ou non de MON, couvrant un grand domaine de pH (7 valeurs entre 4 et 8). Une eau synthétique, préparée selon les recommandations de l’Agence américaine de protection environnementale (EPA) ainsi que 7 eaux naturelles provenant dans l’ensemble de diverses régions autrichiennes mais aussi d’une source française ont aussi été étudiées. Les analyses du surnageant après une période de 15 h, laissant place à l’agrégation et la sédimentation des nanoparticules, montrent notamment que le point de charge zéro2 du nTiO2 semble changer avec la concentration de NaCl. Cette observation

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Écotoxicité et exposition à un nanomatériau de construction : le dioxyde de titanePériode : septembre 2011 à décembre 2011

Julien FATISSON* et Michèle BOUCHARD**

* Stagiaire Postdoctoral à l’École de Technologie Supérieure – Génie Mécanique – Montréal

** Université de Montréal – Département de santé environnementale et santé au travail – Montréal

Mots clés : Construction, Écotoxicité, Environnement, Exposition, Nanomatériaux, Nanoparticules, Risques, TiO2

Chaque jour, la science démontre l’utilité des nanotechnologies et la fabrication des nanomatériaux fait partie d’une révolution industrielle (et médicale) qui est maintenant amorcée. Malgré leurs propriétés bénéfiques, de nouveaux problèmes, comme ceux relatifs à la santé humaine et à l’environnement, se manifestent. Malgré tout, bon nombre d’industries se lancent dans leur production sans que les impacts sanitaires et environnementaux aient été évalués. Les nanotechnologies touchent tous les secteurs de production et en particulier l’industrie de la construction. Dans une revue récente, Lee et al. (2010) ont dressé la liste des principaux nanomatériaux utilisés dans le domaine du bâtiment. Il s’avère que le dioxyde de titane (TiO2) figure parmi les plus utilisés de ces nanomatériaux de construction. Ce type de nanoparticules est utilisé notamment pour renforcer les matériaux existants ou leur apporter des propriétés intéressantes, comme d’auto-nettoyage (pour des vitres, des toits ou même des chaussées) ou d’antibuée. Du fait de l’usure relativement rapide de ces matériaux à l’air libre, le risque de relargage de ces nanoparticules dans l’environnement apparaît presque inévitable. C’est, entre autres, pour ces raisons, que le nano-TiO2 (nTiO2) a été beaucoup étudié jusqu’à présent et figure parmi la liste des nanomatériaux dans le champ de surveillance de l’OCDE (2) (OECD 2010). Christensen et al. (2011) ont récemment répertorié les études de toxicologie du nTiO2 et les risques pour la santé humaine associés à son exposition. D’un point de vue exposition, la littérature abonde et permet de mieux expliquer comment le nTiO2 peut être transporté dans l’environnement. Néanmoins, les efforts de recherche doivent être poursuivis pour maîtriser tous les aspects liés à la toxicité et à l’écotoxicité de ce nanomatériau et en minimiser les risques associés.D’autres nanoparticules sont aussi utilisées dans les matériaux de construction et ont fait l’objet d’études récemment publiées, comme les nanotubes de carbone ou les nanoparticules d’argent (voir autres publications identifiées). Il apparaît maintenant intéressant de rapporter les progrès en recherche sur l’interaction entre le nTiO2 et l’environnement sous deux angles complémentaires : exposition (comportement colloïdal en milieu liquide dans le premier article) et écotoxicologie (toxicité envers des lombrics dans le deuxième article sélectionné).

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Écotoxicité et exposition à un nanomatériau de construction : le dioxyde de titaneJulien FATISSON et Michèle BOUCHARD

Cañas et al. (2011) ont utilisé des nZnO entre 40 et 100 nm et des nTiO2 d’environ 32 nm. Des suspensions de différentes concentrations (entre 0,1 et 10 000 mg L-1) ont été préparées par sonication et selon les auteurs, ces suspensions pouvaient rester stables durant plusieurs semaines. La taille moyenne de ces colloïdes a été caractérisée par diffusion dynamique de la lumière (DLS), ainsi que par microscopie électronique à balayage (SEM). La caractérisation des nanoparticules en solution montre une augmentation de la distribution de la taille des colloïdes avec leur concentration, tel qu’attendu. Ces colloïdes ont aussi été dispersés dans du sable d’Ottawa et du sol artificiel, qui ont servi de milieux de vie et de reproduction pour les lombrics. Différents effets toxiques des nanoparticules ont été étudiés : la toxicité aigüe par le calcul du taux de mortalité et la toxicité reproductive par la mesure de la production de cocons chez les lombrics (Eisenia fetida). Les auteurs de cette étude montrent clairement l’absence de toxicité aiguë autant du nZnO que du nTiO2 envers les lombrics dans le sable, après une période d’incubation de 14 jours. Cependant, même si le taux de mortalité n’a pas significativement changé, une diminution du nombre de cocons a été observée avec l’augmentation de la concentration de nanoparticules pour les deux types d’oxydes métalliques après 4 semaines d’incubation.

Commentaire

Cet article, parmi beaucoup d’autres depuis quelques années, démontre le besoin souligné par d’autres auteurs (Oberdöster et al., 2005) de standardisation des tests de toxicité de façon plus générale et pour une caractérisation plus détaillée. L’utilisation de la méthode de mesure de taille par DLS (z-moyen (4)) et par SEM pour les agrégats a souvent été critiquée dans le passé par plusieurs groupes de recherche, en particulier pour les nanoparticules (Domingos et al., 2009) car elles ne donnent pas d’indications représentatives de la distribution des nanoparticules en solution. Néanmoins, les valeurs de polydispersité (5) présentées démontrent la diminution de stabilité colloïdale avec l’augmentation de la concentration de nanoparticules. Le manque de détails dans la caractérisation empêche parfois de corréler efficacement les résultats intéressants de toxicité chez les lombrics avec les paramètres intrinsèques des nanoparticules et leurs propriétés interfaciales.Cependant, cet article montre la nécessité d’utiliser d’autres espèces que la Daphnia pour l’estimation de l’écotoxicité de nanomatériaux. Une comparaison de plusieurs études du même type reste à réaliser pour une meilleure évaluation des risques et de l’écotoxicité du TiO2 envers les lombrics.

intéressante indique que le Na+ n’est peut-être pas aussi neutre que l’on l’imagine et qu’il peut interagir avec la surface des nanoparticules. Dans le cas des ions monovalents, une corrélation entre stabilité colloïdale et potentiel zéta (3) négatif a pu être établie alors que l’utilisation d’ions divalents semble changer la charge de surface des nanoparticules vers les valeurs positives. Les auteurs ont même noté cet effet sur la stabilité relative des suspensions de nTiO2 de façon non attendue. Les mesures confirment l’augmentation de l’agrégation des nTiO2 lors de l’ajout d’ions sulfate, de même que l’effet stabilisateur de MON sur ce produit en suspension ainsi que l’effet déstabilisateur des ions calcium ajoutés. De façon générale et dans une certaine mesure, les résultats obtenus avec des matrices synthétiques ont permis de prédire le comportement de nTiO2 suspendus dans des matrices naturelles.

Commentaire

L’objectif principal de cette étude est d’émettre des liens directs entre les différentes expérimentations réalisées sur le nTiO2 en présence de matrices aqueuses synthétiques et naturelles pour mieux prédire le comportement d’un tel nano-colloïde dans l’environnement. En ce sens, Ottofuelling et ses collaborateurs (2011) ont atteint cet objectif en réalisant une étude très détaillée et approfondie de l’influence de plusieurs paramètres critiques sur l’agrégation et la sédimentation de nTiO2. Cette étude présente une façon intéressante et inusitée de voir les domaines de pH et de force ionique où l’agrégation et la sédimentation semblent être plus significatives. De plus, les auteurs ont réussi à utiliser cette approche générique pour expliquer les observations faites dans des matrices aqueuses naturelles. Cette étude présente des avantages intéressants sur la façon dont les études scientifiques peuvent être menées dans ce domaine pour mieux comprendre le comportement des nanoparticules dans l’environnement. C’est un bon exemple de recherche permettant de mieux prédire les impacts et les risques environnementaux posés par le relargage contrôlé ou non de nanoparticules.

Toxicité aiguë et reprotoxicité d’oxydes métalliques (ZnO and TiO2) de taille nanométrique envers des lombrics (Eisena fetida)Cañas JE, Qi B, Li S, Maul JD, Cox SB, Das S, Green MJJ. Acute and reproductive toxicity of nano-sized metal oxides (ZnO and TiO2) to earthworms (Eisenia fetida). Environ Monit. 2011 ; 13 : 3351–3357.

Résumé

Cet article présente une étude portant sur la toxicité de deux types de nanoparticules à base d’oxyde métallique (nTiO2 et nZnO) envers une espèce de lombric communément utilisée, testée dans deux types de sol (sable ou sol artificiel contenant du fumier de vache). De manière générale et comme dans toute approche de gestion de risques, il apparaît important et nécessaire d’étudier l’écotoxicité des nanotechnologies afin de supporter ou non leur développement durable.

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Écotoxicité et exposition à un nanomatériau de construction : le dioxyde de titaneJulien FATISSON et Michèle BOUCHARD

determination of particle sizes. Environ Sci Technol 2009 ; 43 : 7277-7294.Lee J, Mahendra S, Alvarez PJJ. Nanomaterials in the construction industry: A review of their applications and environmental health and safety considerations. ACS Nano. 2010 ; 4 : 3580-3590.Oberdoster G, Maynard A, Donaldson K et al�. A report from the ILSI Research Foundation/Risk Science Institute Nanomaterial Toxicity Screening Working Group. Principles for characterizing the potential human health effects from exposure to nanomaterials: elements of a screening strategy. Part Fibre Toxicol. 2005 ; 2 : 8-42.OECD 2010. List of Manufactured Nanomaterials and List of Endpoints for Phase One of the Sponsorship Program for the Testing of Manufactured Nanomaterials: Revision. In : Nanomaterials, S.o.t.S.o.M. (Ed.), vol. 27.

Autres publications identifiées

Park JW, Henry TB, Ard S et al�. The association between nC60 and 17α-ethinlestradiol (EE2) decreases EE2 bioavailability in zebrafish and alter nanoaggregate characteristics. Nanotoxicology. 2011 ; 5 : 406-416.Cette étude contribue à la compréhension de l’interaction entre fullerènes (nC60) et substances chimiques et la possibilité de diminuer l’impact négatif de ces substances sur l’environnement, en évoquant la fonction « d’éponges à contaminants » des nC60, aussi utilisés dans l’industrie du bâtiment.Shoults-Wilson WA, Reinsch BC, Tsyusko OV et al�. Effect of silver nanoparticle surface coating on bioaccumulation and reproductive toxicity in earthworms (Eisenia fetida). Nanotoxicology. 2011 ; 5 : 432-444.Les résultats présentés dans cet article montrent que la modification de surface de nanoparticules d’argent a un impact positif sur leur toxicité envers des lombrics et que cette toxicité est liée au possible relargage d’ions d’argent.Taurozzi JS, Hackley VA, Wiesner MR. Ultrasonic dispersion of nanoparticles for environmental, health and safety assessment – issues and recommendations. Nanotoxicology. 2011 ; 5 : 711-729Ce travail avait notamment pour but d’examiner les effets de l’ultra-sonication sur les propriétés biologiques et physico-chimiques de nanoparticules dispersées dans un liquide. Cette étude propose également certains tests pour pallier au manque de standardisation des étapes d’ultra-sonication.Demir ER, Vales G, Kaya B et al�. Genotoxic analysis of silver nanoparticles in Drosophila. Nanotoxicology. 2011 ; 5 : 417-424Les auteurs de cette recherche démontrent la capacité de nanoparticules d’argent à causer des effets génotoxiques sur des mouches, en particulier via un mécanisme d’induction de cancer. Leur étude renforce la validité du modèle de mouche utilisé pour tester la toxicité de nanoparticules.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Construction, Ecotoxicity, Environment, Exposure, Industry, Nanomaterial, Nanoparticle, Risk.

Conclusion générale

Alors que les nanoparticules, comme le nTiO2, sont de plus en plus utilisées dans les matériaux de construction, on assiste à une recrudescence, depuis quelques années, d’études détaillant les enjeux écologiques et toxiques qui leur sont associés� Ces deux études montrent qu’une compréhension très détaillée du comportement de nano-colloïdes en milieu naturel et qu’une analyse originale de leur toxicité potentielle envers des organismes peu étudiés peut permettre de mieux appréhender les risques associés au relargage contrôlé ou non de nanoparticules� Ces deux articles diffèrent par le détail de caractérisation des nanoparticules et cela montre qu’une étude poussée dans ce sens peut permettre d’avancer des conclusions plus représentatives de la situation� Ces deux articles ouvrent la voix vers d’autres perspectives et une meilleure estimation des risques écologiques entrainés par l’utilisation de nanoparticules dans les matériaux de construction, dont notamment de nTiO2� Les progrès méthodologiques obtenus dans ces articles sont avantageux en matière d’identification et de gestion des risques� La combinaison de ces deux études offre de nouveaux horizons et devrait se généraliser étant donné que beaucoup d’incertitudes entourant les nanoparticules et leurs risques subsistent�

Lexique(1) OECD (anglais), OCDE (français) : Organisation de coopération

et de développement économique.(2) Point de charge zéro : valeur de pH où les charges positives

contrebalancent les charges négatives d’une particule, résultant en une charge apparente nulle.

(3) Potentiel zéta : charge électrique d’une particule qui interagit avec les ions qui l’entourent lorsque celle-ci se trouve en solution.

(4) z-moyen : moyenne d’une multitude de mesures du diamètre hydrodynamique, en se basant sur l’intensité de lumière diffusée par une distribution de particules.

(5) Polydispersité (PD) : paramètre calculé par intégration de la distribution des valeurs de diamètre hydrodynamique (6), indicatif de l’étalement de ces valeurs et donc de la présence de peu ou de nombreuses variétés de taille de particules.

(6) Diamètre hydrodynamique : diamètre calculé à partir du mouvement brownien des particules, et tenant de la sphère d’hydratation des particules en suspensions.

Publications de référence

Christensen FM, Johnston HJ, Stone V et al�. Nano-TiO2 – feasibility and challenges for human health risk assessment based on open literature. Nanotoxicology. 2011 ; 5 : 110–124.Domingos RF, Baalousha MA, Ju-Nam Y et al�. Characterizing manufactured nanoparticles in the environment: multimethod

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

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Toxicité pulmonaire de particules fines ou nanométriques d’oxide de zinc : une métrique par la masse et la surface d’expositionHo M, Wu K-Y, Chein H-M, Chen L-C, Cheng T-J. Pulmonary toxicity of inhaled nanoscale and fine zinc oxide particles: Mass and surface area as an exposure metric. Inhal Tox 2011 ; 23 : 947-956.

Résumé

Parmi les nanoparticules les plus utilisées industriellement, il est possible d’identifier les nanoparticules d’argent, à base carbonées ou de silice, d’oxyde de titane(TiO2) et de zinc (ZnO). La toxicité de ces dernières est liée, au moins en partie, à la libération de l’ion zinc. Cette toxicité est associée à la surface de nanoparticules d’exposition et l’équipe de Ho (2011) propose une alternative reposant sur la masse d’exposition en nanoparticules, en particulier si la dissolution des NPs de ZnO se fait suffisamment rapidement au niveau du tissu pulmonaire. Les auteurs ont donc utilisé une exposition sur des rats, par inhalation, de trois doses de deux types de particules de ZnO (diamètre de 35 nm et 250 nm) en évaluant l’effet biologique au travers de lavages broncho-alvéolaires (LBA) (1) après 6 h d’exposition et un sacrifice intervenant 24 h après l’exposition. Les auteurs ont mis au point une méthode de synthèse de nanoparticules de ZnO leur permettant une caractérisation de la pureté de leurs nanoparticules et ont évalué les effets de trois doses sur la quantité de cellules et de protéines totales, le pourcentage de neutrophiles, la libération de LDH (2) (altération des membranes) et la quantité de 8OHdG (3) (stress oxydant) dans les LBA afin de déterminer les facteurs prédictifs de l’inflammation pulmonaire. Les résultats montrent que l’exposition aux deux nanoparticules provoque une inflammation pulmonaire et une augmentation des globules blancs dans le sang périphérique de rats. Ces résultats sont présentés sous trois métriques d’exposition différentes : la masse, la surface de ZnO et le nombre de nanoparticules. Les

auteurs montrent ici de très bonnes corrélations (R2>0,8) entre masse ou surface et pourcentage ou nombre de neutrophiles et une bonne corrélation (R2>0,7) entre masse ou surface et nombre total de cellules retrouvées dans les LBA. Cependant, aucune corrélation entre nombre de nanoparticules et ces différents paramètres n’a pu être mise en évidence. Par ailleurs, les protéines totales, la LDH et la 8OHdG ne corrèlent à aucune métrique.

Commentaire

Les auteurs ont vérifié ici certains des marqueurs connus de l’inflammation pulmonaire due aux nanoparticules et montrent que deux métriques différentes peuvent être utilisées pour les nanoparticules d’oxyde de zinc. Cette étude montre aussi que la VLEP (5 mg/m3) n’est sans doute pas adaptée puisque des effets sur le poumon sont visibles à partir de 2,4 mg/m3 pour les nanoparticules de 35 nm de diamètre. Ces différentes métriques doivent maintenant être validées sur des échantillons de nanoparticules variant en termes de solubilité, constitution, forme, taille afin de connaitre la validité de ces nouvelles méthodes de quantification appliquées aux nanomatériaux.

Nanoexposition, nouvelles maladies et considération pour la sécurité et la santéSong Y, Tang S. Nanoexposure, Unusual diseases and New Health and Safety Concerns. ScientificWorldJournal. 2011 ; 11 : 1821-1828

Résumé

L’équipe de Song (2011) a suivi durant deux ans des travailleurs exposés à un environnement contenant des nanoparticules à base de silice et de silicates. Ces 7 patientes, de 18 à 47 ans et travaillant dans le même environnement et ne bénéficiant

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Toxicité pulmonaire des nanoparticulesPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Jacques-Aurélien SERGENT

CEA – DSV/iRCM/SREIT/LCE – Fontenay-aux-Roses

Mots clés : Inflammation, Maladies, Masse, Métrique, Nanoparticules, Nombre, Poumon, Surface, ZnO

La production de nanoparticules (NPs) est réalisée à une échelle industrielle et connait une croissance exponentielle depuis quelques années. Une récente prise de conscience a permis de montrer la nécessité d’études approfondies de leurs propriétés, en particulier en raison des effets biologiques qu’elles peuvent induire. En effet, l’accélération de l’utilisation de nanoparticules, pour leurs propriétés uniques, dans des produits de différents domaines industriels (médecine, électronique, cosmétique…) pourrait être associée à des effets indésirables et encore méconnus à ce jour. De nombreuses études au niveau toxicologique et écotoxicologique ont déjà pu être réalisées mais présentent souvent des conclusions variables et contradictoires en fonction des propriétés de dispersion et de stabilité des nanomatériaux utilisés. Pour cela, de nouvelles propositions de métriques commencent à être suggérées comme le montre le premier article présenté dans cette note. Le choix des deux articles sélectionnés s’est donc porté sur des publications portant sur les effets pulmonaires attendus suite à l’exposition aux nanomatériaux, le premier s’intéressant tout particulièrement à une proposition de nouvelle métrique de présentation des résultats alors que le second présente les effets pulmonaires potentiels associés à l’exposition aux nanomatériaux.

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Toxicité pulmonaire des nanoparticulesJacques-Aurélien SERGENT

Conclusion générale

Ces deux études montrent à quel point la discipline émergente qu’est la toxicologie des nanoparticules soulève des problématiques particulières� Elle nécessite la réflexion transdisciplinaire de chimistes, physiciens et métrologistes pour connaitre l’ensemble des caractéristiques physico-chimiques nécessaire à la compréhension des mécanismes biologiques susceptibles d’être développés� Certains des dogmes de la toxicologie conventionnelle ne s’appliquent pas directement tel que « la dose fait le poison » et l’émergence de nouvelles métriques de quantification de l’exposition, comme le propose Ho et al�. (2011), montre l’avancée des réflexions actuelles dans ce domaine� Dans le cadre de la toxicologie des nanoparticules une SL50, « Surface Létale 50 », plutôt qu’une DL50 (Dose Létale 50) sera-t-elle à instituer ? Ces problématiques de tests des nanoparticules et de compréhension des effets biologiques produits sont d’autant plus importantes que des premières études sur des cohortes de travailleurs montrent des tableaux cliniques uniques et non imputables à leur environnement général de travail (Song et Tang, 2009)� L’exposition des travailleurs soulève la question de l’exposition chronique à des quantités importantes d’une unique ou de rares types de nanoparticules, en particulier pour les industries, alors que celle de la population à des quantités faibles mais d’une profusion de caractéristiques soulève encore de nouvelles questions auxquelles aucune étude robuste ne peut répondre en l’état actuel des connaissances�

Lexique

(1) LBA : lavage broncho-alvéolaire : méthode permettant de collecter via le lavage de l’arbre pulmonaire son environnement dans une solution physiologique préalablement stérilisée.

(2) LDH : Lactate Déshydrogénase : enzyme présent dans la membrane et retrouvé dans le milieu extracellulaire en cas de lésion de la membrane plasmique.

(3) 8OHdG : base oxydée de l’ADN, son dosage permet d’apprécier le stress oxydant cellulaire.

(4) EPI : Équipement de Protection Individuelle. (5) Épanchement pleurale : présence anormale de liquide dans

la plèvre.

d’aucun équipement de protection individuel (EPI) (4), ont toutes montré dans une même période les symptômes cliniques suivants : épanchement (5) et lésions pleurales ainsi que fibrose pulmonaire progressive. L’équipe de Song (2011) a recherché parmi les contaminants présents dans l’environnement de travail les différentes sources non-nanométriques possibles provoquant les symptômes décrits sans pouvoir établir un lien avec les substances retrouvées. Des effets indirects ont également pu être mis en évidence parmi lesquels une cardiotoxicité et une hépatotoxicité. L’épanchement pleural présenté par l’ensemble des patientes n’a pu être relié à aucune physiopathologie classique. Les auteurs ont ensuite étudié les structures nanoparticulaires à base de silice présentes dans les poumons des patientes et ont identifié 13 à 15 formes structurelles de nanoparticules de silice ou de silicates avec différents ratio Si/O. La forme amorphe de nanoparticules de SiO2 a pu être localisée in vitro dans le noyau cellulaire. Elle provoque une augmentation du stress oxydant, modifie l’activité mitochondriale et est capable de se bioaccumuler dans les reins, le foie, le poumon, l’intestin, la moelle osseuse ou encore le cerveau. À partir des données disponibles sur les différentes formes de SiO2, les auteurs font donc l’hypothèse que la fraction nanométrique de SiO2 peut être reliée aux différents signes cliniques multi-organes décrits, cette fraction étant au moins en partie responsable de dommages multi-organes, de dommages pleuraux et de fibroses pulmonaires en raison d’expositions chroniques et répétées.

Commentaire

L’équipe de Song (2011) tente de démontrer le lien entre l’exposition de travailleurs à des nanoparticules à base de silice et des manifestations cliniques qui ne correspondent à aucune physiopathologie connue. Toutefois, l’étude ne porte que sur le suivi de 7 patients ce qui est un groupe relativement faible. La comparaison des résultats présentés ici avec des données cliniques observées sur des travailleurs exposés à d’autres types de nanoparticules pourrait permettre de mieux comprendre les risques auxquels peuvent être exposées les personnes en contact avec les nanoparticules. Les auteurs finissent par soulever l’urgence d’établir des guides d’utilisation et de manipulation de ces nano-composés. Les travailleurs présentés dans cette étude ne se savaient pas exposés à des nanomatériaux et par conséquent un étiquetage des matériaux comportant une fraction nanométrique permettrait aux travailleurs d’adapter leurs EPI. Cet enjeu de santé publique nécessite un travail multidisciplinaire que des médecins, physiciens, chimistes, toxicologues… devront mener au niveau toxicologique et écotoxicologique.

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Toxicité pulmonaire des nanoparticulesJacques-Aurélien SERGENT

Publications de référence

Ku BK, Maynard AD. Comparing aerosol surface-area measurements of monodisperse ultrafine silver agglomerates by mobility analysis, transmission electron microscopy and diffusion charging. J Aerosol Sci. 2005 ; 36 : 1108–1124.Donaldson K, Brown D, Clouter A et al�. The pulmonary toxicology of ultrafine particles. J Aerosol Med. 2002 ; 15 : 213–220.Heitbrink WA, Evans DE, Ku BK et al�. Relationships among particle number, surface area, and respirable mass concentrations in automotive engine manufacturing. J Occup Environ Hyg. 2009 ; 6 : 19–31.Sager TM, Castranova V. Surface area of particle administered versus mass in determining the pulmonary toxicity of ultrafine and fine carbon black: Comparison to ultrafine titanium dioxide. Part Fibre Toxicol. 2009 ; 6 : 15.Song Y, Li X, Du X. Exposure to nanoparticles is related to pleural effusion, pulmonary fibrosis and granuloma Eur Res Journal. 2009 ; 34 : 559-567Song Y�, Li X�, Wang L et al�. Nanomaterials in humans: identification, characteristics, and potential damage. Toxicol Pathol. 2011 ; 39 : 841–849.

Revues de la littérature

Nel A, Xia T, Madler L et al�. Toxic potential of materials at the nanolevel. Science. 2006 ; 311 : 622–627.

Autres publications identifiées

Mullen DG, Banaszak Holl MM. Heterogeneous ligand-nanoparticle distributions: a major obstacle to scientific understanding and commercial translation. Acc Chem Res. 2011 ; 15 :1135-1145.Cette étude utilise comme matériel nanométrique des nanoparticules fonctionnalisées et l’importance du ratio nombre de ligands par nanoparticule.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Nanoparticle, Occupational hygiene, Pulmonary toxicity.

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Distribution, pharmacocinétique et toxicité in vivo de boîtes quantiques contenant du cadmium et synthétisées par voie aqueuseSu Y, Peng F, Jiang Z, Zhong Y, Lu Y, Jiang X, Huang Q, Fan C, Lee ST, He Y. In vivo distribution, pharmacokinetics, and toxicity of aqueous synthesized cadmium-containing quantum dots. Biomaterials. 2011 ; 32 : 5855-5862

Résumé

L’article s’intéresse à une nouvelle classe de quantum dots (QDs) synthétisées par voie aqueuse (aqQDs) qui présente l’avantage d’être hydrophile, de petite taille, de synthèse plus simple et moins polluante en termes de fabrication. Par conséquent, par rapport à des QDs obtenues par voie organique, le traitement de surface (enveloppe hydrophile de polymère ou de silice par exemple) n’est pas nécessaire.Les études in vivo (3) à court et long terme, menées par les auteurs, tendent à combler le manque de connaissance de la toxicité des aqQDs. Elles sont effectuées sur des groupes de 4 à 5 souris à des temps différents (30 min, 1 h, 4 h, 15 j, 80 j) et pour des tailles différentes de QDs (2,8 nm, 3,2 nm, 4,5 nm). Ces groupes sont comparés à un groupe témoin. Une concentration de 0,2 nmol de aqQDs dans un volume de 0,1 ml est injectée par voie intraveineuse. Les animaux sont sacrifiés et les organes prélevés

(cœur, foie, rate, poumon, rein, intestin). Ils sont examinés en ICP-MS (4) pour détecter la quantité d’ions cadmium présents. Ces grandeurs serviront à quantifier un taux d’accumulation défini par le pourcentage de la dose injectée par gramme de tissu.Dès 30 min après l’injection, les nanoparticules s’accumulent principalement dans le foie avec un pic d’accumulation à 4 h d’environ 30 % de la quantité injectée. Puis, progressivement, les QDs vont migrer et s’accumuler de plus en plus dans le rein avec un pic à 80 j pouvant monter à 40 % de la quantité injectée. Il est intéressant de noter que les nanoparticules les plus grosses (4,5 nm) sont moins facilement piégées par le rein mais qu’on les retrouve à la même concentration dans le foie et la rate 4 h après l’injection. Contrairement aux QDs obtenus par voie organique, le métabolisme des plus grosses aqQDs passe aussi par la rate.L’étude histologique sur les tissus prélevés est effectuée à l’aide d’un microscope confocal à fluorescence. Elle ne montre pas d’anomalie apparente, ni de lésion pour les différentes QDs étudiées.La toxicité induite in vivo est plus difficile à quantifier. Une analyse biochimique est effectuée à l’aide de 5 marqueurs analysant principalement les dysfonctionnements du foie et du rein. On distingue les jeunes souris sacrifiées âgées de moins de 2 mois des plus âgées qui peuvent présenter des variations des paramètres biochimiques naturels liées à l’âge. Les trois tailles

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Étude de toxicité in vitro et in vivo de boîtes quantiques contenant du cadmium et synthétisées par voie aqueusePériode : septembre 2011 à décembre 2011

Bertrand BOCQUET

Université Lille1 – IEMN – UMR CNRS 8520 – Villeneuve d’Ascq

Mots clés : Boite quantique, Boite quantique à base de cadmium, Boite quantique synthétisée par voie aqueuse, Cytotoxicité, In vitro, In vivo, Microfluidique, Nanomatériau, Nanotoxicité, Nanotoxicologie

Nous constatons actuellement une consommation croissante de nanomatériaux fonctionnels comme par exemple, les nanotubes de carbone, les nanofils de silicium, les nanoparticules d’or ou d’argent ou encore les boîtes quantiques (quantum dots – QDs (1)), qui possèdent des propriétés électriques, mécaniques ou optiques spécifiques. Nous nous intéresserons aux QDs et à leur toxicité.Elles sont utilisées principalement comme sondes fluorescentes dans le domaine médical pour relever des contrastes en imagerie ou comme marqueur pour des analyses biologiques. L’intérêt principal de cette technologie par rapport à des marqueurs fluorescents naturels à base de protéines, est de deux ordres : une très grande photostabilité et des émissions précises en longueur d’onde stimulées facilement par des sources lumineuses à large bande de longueur d’onde.Ces caractéristiques devraient voir l’émergence de ces QDs à grande échelle. Leur production industrielle est aussi un facteur clé dans cette émergence. L’essentiel des synthèses de QD passe par des voies organiques, suivies généralement d’un traitement les rendant hydrophiles et permettant de réduire le relargage toxique des ions cadmium. En revanche, l’augmentation de la taille des nanoparticules contrarie leur élimination par l’organisme. Il commence à émerger une nouvelle famille de QDs synthétisées par voie aqueuse (aqueous quantum dots – aqQDs (2)), plus petites, plus simples à produire et moins polluantes en termes de fabrication. La filière technologique correspondante ne nécessite pas de traitement de surface puisqu’elles sont naturellement hydrophiles. Ces nanoparticules sont en général directement injectées aux patients. La question de leur toxicité, encore peu étudiée aujourd’hui, est posée. Nous examinerons les études de cytotoxicité de cette nouvelle classe de QDs par deux équipes.

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Étude de toxicité in vitro et in vivo de boîtes quantiques contenant du cadmium et synthétisées par voie aqueuse – Bertrand BOCQUET

entraîne une perte de fonctions métaboliques. La distinction doit être faite entre la génération des Cd2+ et une action spécifique des QDs dans la genèse du stress oxydatif. Une étude est menée avec du CdCl2 en solution de 5 000 nM (pas de changement significatif) à 100 000 nM (inhibition complète). Une quantification des ions Cd2+ intracellulaire est faite par ICP-MS pour relier ces mesures. Pour des valeurs intermédiaires de concentration de CdCl2 ou de aqQDs corrélées aux effets d’inhibition, on retrouve des teneurs en Cd2+ supérieures à 20 ng/105 cellules avec 10 000 nM de CdCl2 contre des teneurs inférieures à 10 ng/105 cellules avec 150 nM de CdTe. Or, la présence de ces QDs a une action inhibitrice sur la prolifération cellulaire bien plus élevée suggérant d’autres mécanismes d’action.Les auteurs ont effectué une étude complémentaire en expression de gènes sur les cellules HEK293 pour les deux traitements en condition de basse toxicité (37,5 nM de aqQDs et 10 000 nM de CdCl2) et haute toxicité (300 nM de aqQDs et 60 000 nM de CdCl2). La sur-régulation de métalloprotéines ne dépend pas du dosage et renforce les conclusions issues des mesures ICP-MS. Pour le traitement avec CdCl2, où les ions Cd2+ sont l’unique raison de la toxicité, la sur-régulation est nettement plus élevée qu’avec les QDs, résultat confirmé par les mesures ICP-MS. Par contre, il n’y a pas de différences significatives d’expression entre QDs et CdCl2, suggérant que ce sont bien les ions Cd2+ qui créent des expressions différenciées et non pas une influence spécifique des QDs au niveau de l’expression des gènes.Par conséquent, d’où peut provenir cette toxicité différenciée ? L’hypothèse testée par les auteurs est celle d’un regroupement localisé des QDs au sein même des cellules. Leurs études antérieures en fluorescence montrent une localisation privilégiée dans le cytoplasme peri-nucléaire. Afin de gagner en résolution spatiale, un microscope à rayons X en transmission (STXM (11)) est utilisé pour observer des cellules HeLa (12) déshydratées, soumises au préalable à des QDs à double enveloppe. On retrouve alors des images à concentrations hétérogènes en QDs dans le cytoplasme. Cette distribution est ici caractérisée spécifiquement pour le cas des QDs à enveloppes multiples qui pourraient s’accumuler dans des zones privilégiées, par exemple autour du noyau ou dans des organelles comme les mitochondries. Ces concentrations localisées sont responsables de la cytotoxicité plus grande liée spécifiquement aux nanoparticules. Ces regroupements de QDs sont susceptibles de créer localement des concentrations importantes d’ions Cd2+ et d’agir sur des fonctions vitales des cellules, entraînant un ralentissement dans la prolifération cellulaire.

Commentaire

Nous nous intéressons ici à une nouvelle classe de QDs synthétisées par voie aqueuse peu étudiées en cytotoxicité. L’article est intéressant dans la mesure où il montre de façon convaincante un effet spécifique des aqQDs dépassant le cadre classique des effets des ions Cd2+. La mise en œuvre d’une imagerie de très haute résolution pouvant atteindre 50 nm permet d’observer les distributions hétérogènes de QDs à double enveloppe. Sans doute pour des raisons techniques, cette imagerie est pratiquée

de QDs sont prises en compte. Les résultats montrent que les données biochimiques restent semblables pendant toutes les durées d’examen. L’explication pourrait être que la quantité d’ions métalliques reste à un niveau modeste par rapport à leurs présences en conditions normales (Hauck et al., 2010).Enfin, la mesure du poids des souris sur toute la période ne montre pas de différence entre les souris traitées et le groupe de référence.

Commentaire

Cette étude est intéressante par son caractère in vivo sur une nouvelle famille de QDs qui, à la vue de son mode d’élaboration, pourrait aboutir à leur production en grand nombre. Il est intéressant de noter que, bien que les auteurs ne soient pas issus d’un laboratoire de biologie, la question posée est clairement de fabriquer des objets nanométriques présentant une toxicité la plus faible possible. Nous voyons bien apparaître une circulation de ces nanoparticules au cours du temps dans l’organisme, avec des accumulations ciblées dans le foie (et la rate pour les plus grosses) au temps court. Il y a progressivement migration et accumulation dans le rein. Les études histologiques, biochimiques et de poids ne montrent pas de dégradation apparente physique ou fonctionnelle des tissus.

Cytotoxicité des boîtes quantiques contenant du cadmiumChen N, He Y, Su Y, Li X, Huang Q, Wang H, Zhang X, Tai R, Fan C. The cytotoxicity of cadmium-based quantum dots. Biomaterials. 2012 ; 33 : 1238-1244

Résumé

L’article s’intéresse à une étude de cytotoxicité de boîtes quantiques (QDs) synthétisées par voie aqueuse. Dans un autre article (Su et al., 2010), les auteurs avaient mis en évidence une relation entre le relargage d’ions cadmium (Cd2+) et des nanoparticules simples (CdTe (5)) ou ayant des enveloppes multiples (CdTe/CdS (6)/ZnS (7)). Une relation directe avait été mise en évidence entre la cytotoxicité des QDs et les ions cadmium. En allant plus avant, ils ont montré que les aqQDs CdTe étaient plus toxiques que des solutions de CdCl2, alors que la concentration en ion Cd2+ était identique, montrant une action plus spécifique des nanoparticules. C’est cette spécificité que les auteurs cherchent à appréhender ici.Les auteurs avaient employé la méthode classique MTT (8) qui reflète l’activité métabolique des cellules mais cette activité n’est pas toujours corrélée à d’autres facteurs comme la croissance, la prolifération ou l’apoptose. Cette nouvelle étude est centrée sur la prolifération cellulaire de HEK293 (9). Différentes concentrations de aqQDs sont étudiées allant de 37,5 nM (10) (pas d’altération significative) à 600 nM (inhibition complète). La comparaison avec leurs travaux antérieurs utilisant la méthode MTT montre que pour les concentrations faibles à moyennes, la cytotoxicité est liée à l’inhibition de l’activité métabolique, suggérant la génération de radicaux libres comme l’oxygène. Ce stress oxydatif

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(4) ICP-MS : Inductive Coupled Plasma – Mass Spectrometry, spectrométrie de masse permettant des détections de métaux à très basse concentration.

(5) CdTe : tellurure de cadmium, semi-conducteur de la famille II-VI.

(6) CdS : sulfure de cadmium, semi-conducteur de la famille II-VI.(7) ZnS : sulfure de zinc, semi-conducteur de la famille II-VI.(8) MTT : MTT assay, le test MTT est une méthode rapide de

numération des cellules vivantes, révélatrice de l’activité mitochondriale et donc de la vitalité de la cellule.

(9) HEK293 : Human Embryonic Kidney, lignée cellulaire d’épithélium rénal couramment utilisée en laboratoire.

(10) nM : concentration nano molaire soit 10-9 mol L-1.(11) STXM : Scanning Transmission X-ray Microscope, microscope

à rayons X en transmission à balayage.(12) HeLa : cellule issue d’une lignée cancéreuse effectuée sur une

patiente atteinte d’un cancer du col de l’utérus.(13) In vitro : examens pratiqués sur des organes, des tissus, des

cellules.

Publications de référence

Derfus AM, Chan WCW, Bhatia N. Probing the cytotoxicity of semiconductor quantum dots. Nano Letters. 2004 ; 4 : 11-18.Fischer HC, Liu L, Pang KS et al�. Pharmacokinetics of nanoscale quantum dots: in vivo distribution, sequestration, and clearance in the rat. Adv Funct Mater. 2006 ; 16 : 1299-1305.Hauck TS, Anderson RE, Fischer HC et al�. In vivo quantum-dot toxicity assessment. Small. 2010 ; 6 : 138 - 144.Ipe BI, Lehnig M, Niemeyer CM. On the generation of free radical species from quantum dots. Small. 2005 ; 1 : 706 - 709.Kirchner C, Liedl T, Kudera S et al�. Cytoxicity of colloidal CdSe and CdSe/ZnS nanoparticles. Nano Letters. 2005 ; 5 : 331 - 338.Parak WJ, Pellegrino T, Planc C et al�. Labelling of cells with quantum dots. Nanotechnology. 2005 ; 16 : R9 - 25.Su Y, He Y, Lu H et al�. The cytotoxicity of cadmium based, aqueous phase-synthesized, quantum dots an dits modulation by surface coating. Biomaterials. 2009 ; 30 : 19 - 25.Su Y, Hu M, Fan C et al�. The cytotoxicity of CdTe quantum dots and the relative contributions from released cadmium ions and nanoparticle properties. Biomaterials. 2010 ; 31 : 4829 - 4834.

Revues de la littérature

Hardman R. A toxicologic review of quantum dots: toxicity depends on physicochemical and environmental factors. Environ Health Perspect. 2006 ; 114 : 165 - 172.Le Hecho I, Potin-Gauthier M, Lespes G. Défis analytiques liés aux nanomatériaux. Éditions Techniques de l’Ingénieur. 2010 ; NM8015 : 1 - 9.Walkey C, Sykes EA, Chan WCW. Application of semiconductor and metal nanostructures in biology and medicine. ASH Education Books ; 2009.

sur des cellules épithéliales HeLa différentes des cellules étudiées dans le contenu principal de l’article. Les auteurs observent une distribution hétérogène de la concentration de nanoparticules dans le cytoplasme des cellules. Ils émettent l’hypothèse que la concentration locale de boîtes quantiques dans des organelles internes des cellules vivantes peut jouer un rôle délétère sur la prolifération cellulaire au sein des cellules.

Conclusion générale

Ces articles s’intéressent à des boîtes quantiques (quantum dots - QD) synthétisées par voie aqueuse (aqQDs)� Nous obtenons alors des tailles de particules très faibles et exploitables sans traitement particulier en médecine ou en biologie� Néanmoins, elles ont un potentiel de toxicité plus élevé compte tenu du relargage facilité d’ions Cd2+�L’étude in vivo s’intéresse aux effets à court et long terme sur des souris� Après une injection, les nanoparticules s’accumulent préférentiellement dans le foie entre 30 min et 4 h, et dans le foie et la rate pour les nanoparticules plus grosses (4,5 nm)� Elles migrent ensuite préférentiellement vers le rein entre 15 j et 80 j� L’histologie des organes observés dans l’étude, les analyses biochimiques et les mesures de poids ne montrent pas d’effet de toxicité des aqQDs sur le court et long terme�Les études in vitro (13) réalisées antérieurement en comparant des aqQDs et des QDs multi-enveloppes synthétisées par voie organique montrent une cytotoxicité plus grande des aqQDs� En effet, plus le nombre d’enveloppes est grand, moins le taux de relargage est élevé� L’étude présentée ici compare les aqQDs à des solutions de CdCl2 afin de mieux cerner un effet spécifique des nanoparticules� L’utilisation d’un microscope puissant dont la résolution peut atteindre 50 nm montre qu’il est très vraisemblable que des aqQDs se concentrent localement dans des organelles de la cellule, accroissant localement la concentration d’ions cadmium� Cet effet spécifique agit sur la prolifération cellulaire� Au-delà de leur taille ou de leur composition chimique de surface, ce paramètre supplémentaire sera dorénavant à considérer lors des études de cytotoxicité�

Lexique

(1) QD : quantum dot ou boîte quantique, nanocristal semi-conducteur dont la fluorescence résulte de l’excitation - désexcitation d’un électron de valence.

(2) aqQD : boîte quantique synthétisée par voie aqueuse(3) In vivo : recherche ou examen pratiqué sur l’ensemble d’un

organisme vivant.

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Autres publications identifiées

Mahto SV, Yoon TH, Rhee SW. A new perspective on in vitro assessment method for evaluating quantum dot toxicity by using microfluidics technology. Biomicrofluidics. 2010 ; 4 : 03411- 03418.Les tests de nanotoxicité sont plus aisés sur des cultures cellulaires plutôt que sur des animaux. C’est encore plus vrai si on prend en compte les considérations éthiques. Malheureusement, les résultats obtenus entre ces deux approches sont assez différents. Un premier niveau d’explication pourrait être lié à l’aspect statique de l’interaction des QDs avec les cellules, créant un biais lié par exemple à la sédimentation des nanoparticules. Pour y remédier, une approche mimant mieux une circulation de fluide pourrait être envisagée à l’aide de puces microfluidiques. Les cellules sont alors soumises à un renouvellement permanent garantissant un pH constant et une alimentation continue. Cette étude repose sur la comparaison entre méthodes statique et dynamique avec un niveau de concentration de 40 pM de QD. Les résultats obtenus sont alors sensiblement différents au niveau du détachement et de la déformation des cellules. Les résultats montrent donc que les profils de cytotoxicité des QDs changent en fonction de la méthode d’exposition. Cette étude est encore préliminaire, avec un biais possible lié à l’interaction avec les parois en polymère des canaux microfluidiques, mais c’est une orientation méthodologique intéressante qui permettrait de faire converger les mesures in vivo et in vitro.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Aqueous synthesis quantum dots, Cadmium based quantum dots, Cytoxicity, In vitro, In vivo, Microfluidic, Nanomaterials, Nanotoxicity, Nanotoxicology, Quantum dots.

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Téléphone portable et risque de tumeurs cérébrales : mise à jour d’une étude de cohorte danoiseFrei P, Poulsen AH, Johansen C, Olsen JH, Steding-Jessen M, Schüz J. Use of mobile phones and risk of brain tumours : update of Danish cohort study. BMJ. 2011 ;343:D6387.

Résumé

En 2001, Johansen publiait les résultats d’une des premières études de cohorte étudiant la survenue de tumeurs du SNC chez des utilisateurs de TP au long terme (Johansen et al., 2001). Cette étude rétrospective portait sur 420 095 utilisateurs de TP entre 1982 et 1995 au Danemark (identifiés grâce aux opérateurs de téléphonie mobile). Les cas de cancer étaient identifiés depuis la souscription de leur abonnement téléphonique jusqu’en 1996 grâce au registre des cancers danois. Les taux d’incidence des tumeurs du SNC observés chez les utilisateurs de TP ont été comparés aux taux d’incidence attendus pour la population générale danoise à l’aide d’un ratio d’incidence standardisé (SIR (3)). Cette première analyse concluait à une diminution du risque de cancer non significative chez les utilisateurs de TP (SIR = 0,95 ; IC95 % = [0,81 ; 1,12]). De nouvelles analyses ont pu être effectuées portant sur les sujets de la cohorte pour lesquels des données socio-économiques étaient disponibles par croisement avec une étude danoise concernant inégalités sociales et cancers initiée en 1990. Au total,

358 403 abonnés depuis plus d’un an entre 1987 et 1995 ont été inclus dans cette analyse. L’incidence des tumeurs du SNC chez les utilisateurs de TP entre 1990 et 2007 a été comparée à celle des non-utilisateurs. Les résultats ne montrent pas d’augmentation significative de l’incidence des tumeurs du SNC chez les utilisateurs de TP comparés aux non-utilisateurs, avec des ratios d’incidence de 1,02 ; IC95 % = [0,94 ; 1,10] pour les hommes et 1,02 ; IC95 % = [0,86 ; 1,22] pour les femmes. Aucune tendance n’est retrouvée selon la durée d’utilisation (pas d’augmentation du risque pour une durée d’utilisation de plus de 10 ans). Il n’est pas non plus retrouvé d’augmentation de l’incidence pour des types histologiques particuliers ni selon la localisation, y compris pour le lobe temporal, le plus exposé (SIR = 1,13 ; IC95 % = [0,86 ; 1,48] chez les hommes pour les gliomes). Les auteurs nuancent cependant leurs résultats car les sujets disposant uniquement d’un abonnement professionnel n’ont pas été inclus dans la cohorte initiale des abonnés, alors même qu’ils étaient susceptibles d’être de forts utilisateurs. De plus, les données d’utilisation fournies par les compagnies d’opérateurs ne reflètent pas forcément l’exposition individuelle, l’abonné n’étant pas toujours l’utilisateur du TP. Par ailleurs, les inclusions initiales ne concernant que les souscriptions antérieures à 1995, les personnes s’étant abonnées après 1996 ont été classées parmi les non-utilisateurs (et inversement pour ceux ayant arrêté après).

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Téléphone portable et tumeurs cérébralesPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Gaëlle COUREAU et Isabelle BALDI

Université Bordeaux Segalen – Laboratoire santé travail environnement (LSTE) – Bordeaux

Mots clés : Cancer, Champs électromagnétiques, Enfants, Radiofréquences, Téléphonie mobile, Tumeurs du système nerveux central

Le nombre d’utilisateurs de téléphones portables (TP (1)) atteint aujourd’hui près de 5 milliards à travers le monde. Le rôle potentiel que pourraient avoir les TP sur la promotion des tumeurs du système nerveux central (SNC) est depuis quelques années au cœur de nombreuses polémiques.Au cours des dernières décennies, une augmentation lente et progressive de l’incidence des tumeurs cérébrales a été observée (Deltour et al., 2009 ; De Vocht, Burstyn, Cherrie, 2011 ; Inskip, Hoover, Devesa, 2011). Cet accroissement pourrait s’expliquer par l’amélioration du recensement des tumeurs et des techniques diagnostiques, mais on ne peut exclure que cette élévation soit liée à la modification des facteurs de risque, comme l’exposition aux radiofréquences. Depuis une quinzaine d’années, plusieurs études cas-témoins ont été réalisées afin d’étudier la relation entre l’utilisation des TP et la survenue de tumeurs du SNC (2). L’une d’entre elles, INTERPHONE, a été réalisée dans 13 pays et a permis d’inclure près de 7 000 cas (Cardis et al., 2010 ; Interphone study group, 2011). Les résultats globaux de cette étude ne permettent pas de conclure à une augmentation du risque des tumeurs du SNC avec l’utilisation régulière des TP. Si la plupart des études et méta-analyses concluent de manière concordante à une absence de risque, des incertitudes persistent devant les résultats divergents obtenus par l’équipe de Hardell en Suède (Hardell, Carlberg, Hansson Mild, 2006a ; Hardell, Carlberg, Hansson Mild, 2006b). Cette divergence met en avant les nombreuses difficultés méthodologiques rencontrées dans ces études, notamment pour la mesure rétrospective de l’exposition, la définition et la standardisation des indicateurs pertinents pour le TP et le manque de recul pour étudier des tumeurs à développement très lent. Deux articles récents apportent des éléments nouveaux en mesurant l’exposition aux radiofréquences à partir de données fournies par les opérateurs de téléphonie mobile et non à partir de la seule déclaration des sujets. La première étude, (Frei et al., 2011) présente par ailleurs l’intérêt d’avoir un recul important avec une cohorte suivie depuis 20 ans, la seconde (Aydin et al., 2011) est une des premières études à publier des résultats chez les enfants et les adolescents.

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Téléphone portable et tumeurs cérébralesGaëlle COUREAU et Isabelle BALDI

d’abonnement depuis plus de 2,8 ans est associée à un doublement significatif du risque de tumeur cérébrale (OR = 2,15 ; IC95 % = [1,07 ; 4,29]). Ce résultat est difficilement interprétable si l’on considère que des interruptions d’abonnement ont pu avoir lieu sur la période, car la durée cumulative d’abonnement n’est pas associée à une augmentation du risque, ni les deux autres indicateurs se rapprochant au mieux de la consommation réelle à savoir la durée cumulée des appels, ou le nombre d’appels. Enfin, l’observation de la courbe d’incidence des tumeurs du SNC chez les enfants et adolescents en Suède depuis 1990 ne montre pas d’augmentation au cours du temps.Les auteurs concluent que leurs résultats ne sont pas en faveur d’une augmentation du risque de tumeurs du SNC chez les enfants et adolescents utilisateurs de TP, en dehors de la durée depuis la première souscription d’un abonnement fournie par les opérateurs, indicateur probablement moins pertinent que les autres. Par ailleurs, les analyses prenant en compte le côté d’utilisation du TP et la localisation de la tumeur n’apportent pas d’argument supplémentaire concernant une possible association.

Commentaire

Cette étude est l’une des premières à s’intéresser aux enfants avec un effectif important. L’étude Moby-kids, en cours, permettra de confronter les résultats. Le taux de participation important est à souligner, réduisant les risques de biais de sélection de la population. Elle présente l’avantage de mesurer l’exposition à la fois à partir des déclarations des sujets mais aussi grâce aux données des opérateurs, ce qui est peu fréquent.Cependant les limites concernant la mesure de l’exposition persistent ici, entraînant certains résultats contradictoires. Si les auteurs mentionnent une surestimation de la consommation déclarée par les enfants et adolescents (comparable chez les cas et les témoins), on constate dans les résultats qu’ils sont moins nombreux à déclarer une durée de souscription et une utilisation importantes que ne le rapportent les opérateurs, suggérant des biais de classement pour les deux méthodes de mesure. De plus, les durées et nombres d’appels semblent avoir plus de sens que la date de première souscription. Se pose aussi la question de la signification des données des opérateurs, surtout s’agissant d’enfants, qui peuvent ne pas être les seuls à utiliser leur TP ou à l’inverse utiliser celui de leurs parents. Dans ce sens la consommation déclarée, bien que sujette à des biais de mémorisation, paraît plus le reflet de la consommation réelle, en l’absence de pondération des données des opérateurs liée au partage des téléphones. Ainsi, en considérant la multiplicité des indicateurs d’exposition et leurs différentes interprétations, cette étude ne permet pas de conclure à une augmentation du risque de tumeur cérébrale avec l’utilisation des TP.

Remarque des membres du Comité éditorial : la 2e publication est parue avant la période de veille mais, à l’analyse, a été exceptionnellement acceptée en raison de l’importance du sujet.

Commentaire

Cette étude présente l’avantage d’être une étude de cohorte, mesurant la survenue des tumeurs après l’exposition aux TP, elle permet donc une meilleure reconstitution de la séquence exposition-tumeur. Elle porte sur une population importante et dispose d’un recul de plus de 10 ans. Par ailleurs, les sujets ne sont pas directement interrogés sur leur consommation téléphonique antérieure, ce qui évite les biais de mémorisation. Cependant, on constate que les sujets ayant une utilisation professionnelle du TP ont été classés parmi les non-utilisateurs, de même les périodes de suspension d’abonnement n’ont pas été prises en compte. Ces différentes erreurs de classement des sujets vis-à-vis de leur consommation téléphonique pourraient avoir entraîné une sous-estimation du risque. Enfin, le seul indicateur utilisé ici est la durée depuis la première utilisation, sans tenir compte de la durée des communications ni de l’utilisation de kits mains-libres. Si les données des opérateurs évitent ici un biais de mémorisation, on peut se demander si elles n’entraînent pas une perte d’informations concernant la consommation réelle et les modes d’utilisation du TP.

Téléphone portable et tumeurs cérébrales chez les enfants et adolescents : une étude cas-témoin multicentriqueAydin D, Feychting M, Schüz J, Tynes T, Andersen TV, Schmidt LS, Poulsen AH, Johansen C, Prochazka M, Lannering B, Klæboe L, Eggen T, Jenni D, Grotzer M, Von der Weid N, Kuehni CE, Röösli M. Mobile Phone Use and Brain Tumors in Children and Adolescents: A Multicenter Case-Control Study. J Natl Cancer Inst. 2011 ; 103 : 1264-1276.

Résumé

CEFALO est une étude cas-témoins associant 4 pays : le Danemark, la Suède, la Norvège et la Suisse, et portant sur la relation entre l’utilisation du TP et les tumeurs cérébrales chez les enfants et adolescents de 7 à 19 ans. Les patients atteints de tumeurs diagnostiquées entre 2004 et 2008, identifiées à partir des registres de cancers ou des services cliniques, ont été inclus (n = 352). Pour chaque cas, deux témoins, indemnes de tumeur, ont été tirés au sort à partir des registres de population (n = 646). Le recueil des données d’exposition au TP a été effectué par des enquêteurs formés, en face à face.Les résultats montrent une élévation non significative du risque de tumeur du SNC chez les utilisateurs réguliers de TP (au moins un appel par semaine durant 6 mois) : OR = 1,36 ; IC95 % = [0,92 ; 2,02]. Aucune association significative n’est mise en évidence avec la durée depuis le début d’utilisation d’un TP (OR = 1,26 ; IC95 % = [0,70 ; 2,28] pour une utilisation >5 ans), la durée cumulée d’appels et le nombre d’appels. Les analyses ne mettent pas en évidence de risque supplémentaire avec une utilisation du TP du côté de la tumeur ou pour les tumeurs temporales, frontales et cérébelleuses, localisations les plus exposées. Pour 35 % des sujets, les données des opérateurs mobiles ont pu être obtenues (196 cas et 360 témoins) et ont donné lieu à une analyse de sous-groupes. Celle-ci montre qu’une première souscription

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Téléphone portable et tumeurs cérébralesGaëlle COUREAU et Isabelle BALDI

Hardell L, Carlberg M, Hansson Mild K. Pooled analysis of two case-control studies on use of cellular and cordless telephones and the risk for malignant brain tumours diagnosed in 1997-2003. Int Arch Occup Environ Health. 2006 ; 79 : 630-639.Inskip PD, Hoover RN, Devesa SS. Brain cancer incidence trends in relation to cellular telephone use in the United States. Neuro Oncol. 2011 ; 12 : 1147-1151.Interphone study group. Acoustic neuroma risk in relation to mobile telephone use: results of the INTERPHONE international case-control study. Cancer Epidemiol. 2011 ; 35 : 453-464.Johansen C, Boice JD, McLaughlin JK et al�. Cellular telephones and cancer - A nationwide cohort study in Denmark. J Natl Cancer Inst. 2001 ; 93 : 203-207.

Autres publications identifiées

Schuz J, Steding-Jessen M, Hansen S et al�. Long-Term Mobile Phone Use and the Risk of Vestibular Schwannoma: A Danish Nationwide Cohort Study. Am J Epidemiol. 2011 ; 174 : 416-422.Il s’agit d’une sous-étude de l’article commenté de Frei étudiant spécifiquement les neurinomes de l’acoustique après une utilisation du TP supérieure à 11 ans. L’incidence des neurinomes chez les utilisateurs de plus de 11 ans était comparable à celle des non-utilisateurs et des utilisateurs de moins de 11 ans. Cardis E, Armstrong BK, Bowman JD et al�. Risk of brain tumours in relation to estimated RF dose from mobile phones: results from five Interphone countries. Occup Environ Med. 2011 ; 68 : 631-640.Il s’agit d’une sous-analyse de l’étude Interphone étudiant l’association entre les tumeurs du SNC et une estimation de la dose de radiofréquences reçue. Un algorithme a permis d’estimer la dose d’énergie spécifique cumulée absorbée par une zone du cerveau en fonction du type de téléphone, des bandes de fréquence, du débit d’absorption spécifique, de la latéralité d’utilisation du téléphone, de l’utilisation d’un kit mains-libres et de la durée des appels. L’analyse ne montrait pas d’association entre les tumeurs du SNC et la dose d’énergie spécifique cumulée, ni en termes de tendance ni avec l’exposition la plus élevée. Chez les sujets exposés depuis plus de 7 ans, une augmentation du risque était retrouvée pour la plus forte exposition, pour les gliomes et pour les méningiomes. Larjavaara S, Schüz J, Swerdlow A et al�. Location of Gliomas in Relation to Mobile Telephone Use : A Case-Case and Case-Specular Analysis. Am J Epidemiol. 2011 ; 174 : 2-11.Sous-analyse à partir de l’étude Interphone s’intéressant à la localisation des tumeurs. La distance entre la tumeur et la source d’exposition était calculée à partir de l’imagerie par des neuroradiologues et comparée en fonction de l’exposition au TP. L’étude concluait que la distance entre la tumeur et la source potentielle d’exposition due au TP (≤ 5 cm vs. > 5 cm) n’était pas associée à l’utilisation régulière du téléphone portable ni aux autres indicateurs (durée d’utilisation et durée cumulée des appels).

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Brain tumor, Cancer, Electromagnetic field, Mobile phone, Radiofrequency,

Conclusion générale

Ces études ne retrouvent pas d’augmentation du risque de tumeur du SNC de manière générale, allant dans le sens de l’étude INTERPHONE� L’étude CEFALO suggère cependant un sur-risque chez les jeunes ayant souscrit à un premier abonnement depuis près de trois ans selon les données des opérateurs, résultat non retrouvé à partir des données déclarées� Ces deux études présentent l’intérêt de mesurer l’exposition aux TP à partir des données des opérateurs de téléphonie portable et non uniquement à partir de la déclaration des sujets� Elles sont donc a priori susceptibles de mieux classer les sujets car elles ne sont pas impactées par les biais de mémorisation� Cependant, les données des opérateurs ne prennent pas en compte les interruptions ni le partage du téléphone ou les modes d’utilisation, tels que l’usage d’un kit mains-libres et ne sont pas un exact reflet de l’exposition� De même, les abonnements professionnels sont plus difficiles à rapporter à leurs utilisateurs réels, alors qu’ils sont susceptibles d’être associés à des expositions conséquentes� Ainsi, on constate que les résultats peuvent être contradictoires selon les indicateurs ce qui souligne à nouveau les difficultés méthodologiques pour choisir des indicateurs d’exposition pertinents� Il faut également noter que ces deux études n’ont porté que sur les ondes émises par les TP, mais qu’elles n’ont pas pris en compte les autres circonstances d’exposition aux champs élec-tromagnétiques, radiofréquences et autres champs�

Lexique(1) TP : téléphone portable.(2) SNc : système nerveux central.(3) SIR : ratio d’incidence standardisée. Rapport entre l’incidence

observée d’une maladie dans un groupe et l’incidence attendue dans une région donnée et sur une période déterminée pour la population générale. L’incidence attendue est fondée sur les taux spécifiques en fonction de facteurs particuliers (sexe, âge…), pour la région étudiée et sur la même période.

Publications de référence

Cardis E, Deltour I, Vrijheid M et al�. Brain tumour risk in relation to mobile telephone use: results of the INTERPHONE international case-control study. Int J Epidemiol. 2010 ; 39 : 675-694.de Vocht F, Burstyn I, Cherrie JW. Time Trends (1998-2007) in Brain Cancer Incidence Rates in Relation to Mobile Phone Use in England. Bioelectromagnetics. 2011 ; 32 : 334-339.Deltour I, Johansen C, Auvinen A et al�. Time trends in brain tumor incidence rates in Denmark, Finland, Norway, and Sweden, 1974-2003. J Natl Cancer Inst. 2009 ;101:1721-1724.Hardell L, Carlberg M, Hansson Mild K. Pooled analysis of two case-control studies on the use of cellular and cordless telephones and the risk of benign brain tumours diagnosed during 1997-2003. Int J Oncol. 2006 ; 28 : 509-518.

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Agents physiques

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

ulletineillede

cientifique

Agents chimiques

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Paramètres influençant la qualité de l’air dans les piscines intérieures traitées au chloreBessonneau V, Derbez M, Clément M et al�. Determinants of chlorination by-products in indoor swimming pools. Int J Hyg Environ Health. 2011 ; 215 : 76-85.

Résumé

Le chlore est un désinfectant couramment utilisé dans le traitement des eaux de piscines pour limiter le risque dû à des infections bactériennes, virales ou encore parasitaires. Il peut réagir avec la matière organique azotée (urine, sueur) amenée par les nageurs pour former des sous-produits de chloration, représentés principalement par la trichloramine (NCl3) et les trihalogénométhanes (THM). Ces derniers sont très volatiles et peuvent se concentrer à la surface de la piscine et dans l’air ambiant de celle-ci. Plusieurs études indiquent une association entre l’exposition à la NCl3 et aux THM et les symptômes respiratoires, que ce soit au sein du personnel de piscine (Thickett et al., 2001 ; Jacobs et al., 2007 ; Fantuzzi et al., 2010) ou encore parmi les nageurs (Lévesque et al., 2006 ; Font-Ribera et al., 2010). Pour une exposition à des concentrations élevées en THM bromés, des effets génotoxiques potentiels ont même été mis en évidence (Kogevinas et al., 2010).Peu d’auteurs ont étudié les paramètres pouvant influencer les concentrations dans l’air en produits de sous-chloration. Bessonneau et al. (2011) se sont penchés notamment sur cette question et ont effectué des mesures dans 15 piscines intérieures couvertes situées en Bretagne. Ces piscines ont été sélectionnées en fonction du rapport (V/E) entre le nombre de visiteurs (en l’occurrence d’écoliers) par année et le volume total en eau disponible dans les bassins, ainsi qu’en fonction du renouvellement d’air dans le hall de la piscine. Deux classes de contamination ont été proposées à partir des données de fréquentation écolière (Guillam et al., 2007) : faible et forte contamination respectivement lorsque V/E était inférieur et supérieur à 93 écoliers par mètre cube et par an. Ces classes ont été subdivisées en deux groupes selon que le recyclage de l’air

était supérieur ou inférieur à 50 %. L’étude a été conduite de juin à novembre 2009. Pour rendre compte des variabilités des niveaux de concentrations en sous-produits de chloration, 8 campagnes de mesures ont été effectuées dans chaque piscine : en hiver et en été, des jours de faible et de forte fréquentation, le matin et l’après-midi. Les prélèvements d’air ont été réalisés à hauteur des voies aériennes des maîtres nageurs (2 prélèvements) et à 25 cm de la surface de l’eau (1 prélèvement). Les paramètres mesurés dans l’air étaient la NCl3 et les THM (chloroforme, bromoforme, dibromochlorométhane et dichlorobromométhane). Les paramètres mesurés simultanément dans l’eau des bassins étaient la concentration de THM, le carbone organique total, l’azote Kjeldahl, les chlorures, le chlore total, combiné et libre, le pH et la température. Les caractéristiques de la piscine, sa ventilation et sa fréquentation au moment des mesures étaient également prises en compte.La concentration atmosphérique de NCl3 était comprise entre 20 μg/m3 et 1 260 μg/m3, avec une moyenne géométrique de 190 ± 10 μg/m3, et celle des THM était comprise entre 1,45 μg/m3 et 793 μg/m3, avec une moyenne géométrique de 74,9 ± 6,7 μg/m3. Dix-sept pour cent (17 %) des valeurs mesurées en NCl3 dépassent la valeur limite d’exposition proposée par l’Anses, qui est de 300 μg/m3. Une analyse statistique multivariée a pu mettre en évidence une association positive entre la concentration en NCl3 dans l’air et le rapport V/E, la saison, le nombre de nageurs présents le jour du prélèvement et la température de l’air, et une association négative entre la concentration en NCl3 dans l’air et le volume du hall ainsi que le pH de l’eau. De même, l’analyse a pu mettre en évidence une association positive entre les concentrations en THM dans l’air et la proportion d’air recyclé, le rapport V/E, la saison, le nombre de nageurs présents le jour du prélèvement, et les concentrations en THM dans l’eau, et une association négative entre la concentration en THM dans l’air et le volume du hall. Certains paramètres utilisés dans l’analyse statistique présentent des limites comme par exemple la proportion d’air recyclé car elle n’a pas pu être mesurée mais repose uniquement sur la réponse

Agents chimiques

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Exposition à des biocides dans des lieux publics fermésPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Catherine TOMICIC

Office fédéral de la santé publique – Division Produits chimiques – Section Biocides – CH-3003 Berne

Mots clés : Biocides, Exposition, Insecticides, Intérieur, Sous-produits de chloration

Les produits biocides sont utilisés à grande échelle et pour une large palette d’applications, entre autres comme désinfectants, insecticides ou conservateurs. Deux publications récentes portant sur l’évaluation de l’exposition à des produits biocides indiquent que même dans des situations qui peuvent nous paraître courantes ou bien connues, l’exposition ne reste pas toujours négligeable. Ces scénarios d’exposition indiquent qu’il est important de bien identifier les déterminants d’exposition afin de pouvoir maîtriser au mieux le risque lié à l’exposition.

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Exposition à des biocides dans des lieux publics fermésCatherine TOMICIC

indésirables sur la santé humaine associés à l’exposition à des pyréthrinoïdes, dont deux au sein des occupants d’un avion après désinsectisation (Murawski, 2005 ; Sutton et al., 2007). Une évaluation récente (Wei, Mohan, Weisel, 2011) de l’exposition à des pyréthrinoïdes appliqués dans des avions a été faite en mesurant cinq indicateurs biologiques (métabolites urinaires de pyréthrinoïdes) auprès de 28 membres du personnel navigant commercial de compagnies aériennes nord-américaines effectuant seulement des vols domestiques (7 personnes), ou des vols internationaux vers l’Europe, l’Amérique du sud, l’Asie ou l’Australie (21 personnes). 84 échantillons ont été récoltés ; 3 échantillons d’urine ont été prélevés par personne, avec le premier avant l’embarquement, le deuxième après le vol et un troisième environ 24 heures plus tard. Les métabolites mesurés étaient l’acide 3-phénoxybenzoïque (3-PBA), les acides cis- et trans-3(2,2-dichlorovinyl)-2,2-diméthylcyclopropanecarboxylique (cis et trans-Cl2CA), l’acide cis-3-(2,2-dibromovinyl)-2,2-diméthylcyclopropanecarboxylique (cis-Br2CA) et l’acide 4-fluro-3-phénoxybenzoïque (4F-3-PBA). Parmi les 28 participants, 17 ont été considérés dans un groupe de lignes de vols n’effectuant aucune procédure de désinsectisation et 11 dans un groupe de lignes de vols avec traitement contre les insectes. Des données au sujet de chaque participant ont également été récoltées afin d’obtenir des informations sur les potentiels déterminants d’exposition (application de l’insecticide dans l’avion par la personne même, utilisation d’insecticides à titre privé en dehors de l’étude…).Le 3-PBA a été détecté dans tous les échantillons d’urines (84), le cis- et le trans-Cl2CA dans respectivement 77 et 92 % d’entre eux, le cis-Br2CA et le 4F-3-PBA dans 24 et 18 %. Les concentrations de 3-PBA, cis- et trans-Cl2CA étaient plus élevées chez les personnels des vols avec désinsectisation (moyennes géométriques de 9,01, 0,98 et 3,92 μg/g créatinine vs 1,12, 0,23 et 0,58 μg/g créatinine, respectivement). Chez les personnels des vols sans désinsectisation, il n’a pas été observé de variation statistiquement significative des concentrations de 3-PBA, cis- et trans-Cl2CA associées au vol. En revanche, les concentrations de ces 3 métabolites dans les urines des personnels des vols avec désinsectisation étaient significativement plus élevées en fin de vol qu’avant le départ (augmentations de respectivement, 569 %, 797 % et 857 %) et que 24 heures après l’arrivée, ce qui démontre la contamination pendant le vol. La concentration urinaire de 3-PBA dans les urines des personnels à l’arrivée des vols avec désinsectisation était plus de 10 fois supérieure à celle observée dans la population générale américaine (plus de 5 fois en début de vol). La perméthrine était l’insecticide rapporté et cela correspond au profil métabolique observé. Les concentrations de 3-PBA et trans-Cl2CA étaient plus élevées avant le départ chez les personnels des vols avec désinsectisation que chez les autres, ce qui traduit simplement une variabilité faible des affectations des personnels. Les personnels des vols en direction de l’Australie avaient les concentrations urinaires les plus élevées de ces 3 métabolites, parce que la désinsectisation est systématique sur ces vols. Dans cette étude, le principal déterminant des concentrations urinaires de 3-PBA, cis- et trans-Cl2CA est le délai entre le traitement de

obtenue par le personnel responsable de piscine. L’absence d’une association entre les concentrations en sous-produits de chloration dans l’air et celles dans l’eau suggère que d’autres paramètres influencent les concentrations dans l’air mesurées lors de cette étude. Cette étude vise à mieux comprendre les paramètres influençant les concentrations dans l’air de sous-produits de chloration. L’hiver est en particulier propice pour des niveaux d’expositions élevés en sous-produits de chloration, ce qui est dû au manque d’apport d’air frais dans le hall de piscine. Ainsi la ventilation représente de manière générale un paramètre déterminant afin d’assurer une bonne qualité de l’air intérieur dans les piscines publiques couvertes. Pour limiter la formation de sous-produits de chloration, il est nécessaire de contrôler le nombre de visiteurs dans les bassins publics.

Commentaire

Les auteurs ont mis en place une stratégie de mesures très complète, et une analyse statistique approfondie a pu mettre en évidence les différentes associations observées. Cette étude met en évidence que dans presque un cinquième des piscines étudiées, les niveaux d’exposition en trichloramine sont encore trop élevés. Les THM se retrouvaient surtout sous forme de chloroforme, mais les THM bromés constituent un effet génotoxique potentiel et leurs niveaux de concentrations devraient être gardés au plus bas. Le fait d’avoir clairement identifié les paramètres pouvant influencer ces niveaux d’exposition aide à mieux formuler les recommandations destinées au personnel de piscine. Il est donc utile de mettre au point un système de ventilation avec un taux de renouvellement assez élevé, limiter le nombre de visiteurs. Des contrôles réguliers des concentrations dans l’air de sous-produits de chloration ciblés permettraient d’adapter ces paramètres au mieux.

Évaluation de l’exposition du personnel navigant commercial aux insecticides utilisés lors de la désinsectisation d’avion Wei B, Mohan KR, Weisel CP. Exposure of flight attendants to pyrethroid insecticides on commercial flights: Urinary metabolite levels and implications. Int J Hyg Environ Health. 2011 ; doi :10.1016/j.ijheh.2011.08.006.

Résumé

La désinsectisation (1) des avions est une pratique courante pour les destinations présentant un risque élevé d’importation d’insectes susceptibles d’être porteurs de maladies telles que la malaria ou la dengue. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande deux pyréthrinoïdes (2) comme substances actives à utiliser lors de ce type de traitement, la perméthrine et la d-phénothrine. L’OMS affirme que la procédure de désinsectisation à bord d’un avion comporte un risque faible pour la santé humaine et a fait des recommandations pour cette pratique en 1995. Cependant, quelques publications rapportent des cas d’effets

Agents chimiques

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Exposition à des biocides dans des lieux publics fermésCatherine TOMICIC

Lexique

(1) Désinsectisation d’avions : c’est une mesure de santé publique comprenant le traitement de l’intérieur de l’avion au moyen d’insecticides selon différentes méthodes, comme par exemple par pulvérisation à l’intérieur de l’appareil après embarquement des passagers et juste avant le décollage, ou encore par pulvérisation à l’intérieur de l’appareil au sol, avant l’embarquement des passagers. Une troisième méthode est l’application régulière d’un insecticide à effet rémanent sur toutes les surfaces à l’intérieur de l’appareil, en évitant les endroits où les repas sont préparés.

(2) Pyréthrinoïdes : famille d’insecticides, analogues synthétiques des pyréthrines naturelles

Publications de référence

Berger-Preiss E, Koch W, Behnke W et al�. In-flight spraying in aircrafts : determination of the exposure scenario. Int J Hyg Environ Health. 2004 ; 207 : 419-430.Bessonneau V, Derbez M, Clément M et al�. Determinants of chlorination by-products in indoor swimming pools. Int J Hyg Environ Health. 2011 ; 215 : 76-85.Fantuzzi G, Righi E, Predieri G et al�. Prevalence of ocular, respiratory and cutaneous symptoms in indoor swimming pool workers and exposure to disinfection by-products (DBPs). Int J Environ Res Public Health. 2010 ; 7 : 1379-1391.Font-Ribera L, Kogevinas M, Zock JP et al�. Short-term changes in respiratory biomarkers after swimming in a chlorinated pool. Environ Health Perspect. 2010 ; 118 : 1538-1544.Guillam MT, Thomas N, Nedellec V et al�. Les piscines couvertes en France : caractéristiques et qualité de l’air. Poll Atm. 2007 ; 196 : 329-335.Jacobs J, Spaan S, van Rooy G et al�. Exposure to trichloramine and respiratory symptoms in indoor swimming pool workers. Eur Respir J. 2007 ; 29 : 690-698.Kogevinas M, Villanueva CM, Font-Ribera L et al�. Genotoxic effects in swimmers exposed to disinfection by-products in indoor swimming pools. Environ Health Perspect. 2010 ; 118 : 1531-1537.Lévesque B, Duchesne J, Gingras S et al�. The determinants of prevalence of health complaints among young competitive swimmers. Int Arch Occup Environ Health. 2006 ; 80 : 32–39.Murawski J. Insecticide use in occupied areas of aircraft. Handbook of Environmental Chemistry. 2005 ; 4 : 169-190. Sutton PM, Vergara X, Beckman J et al�. Pesticide illness among flight attendants due to aircraft disinsection. Am J Ind Med. 2007 ; 50 : 345-356.Thickett KM, McCoach JS, Gerber JM et al�. Occupational asthma caused by chloramines in indoor swimming-pool air. Eur Respir J. 2001 ; 19 : 827-832.

l’avion et le prélèvement (plus il est long, plus la concentration est faible). Le point intéressant dans cette étude est que les 11 personnes concernées par la désinsectisation n’appliquaient pas eux-mêmes les produits biocides. Par conséquent, l’absorption des pyréthrinoïdes devait surtout se faire par voie dermale et potentiellement aussi par voie orale.

Commentaire

Comme il a été souligné en 2004 par Berger-Preiss et al., certains scénarios d’exposition liés à la désinsectisation des avions peuvent mener à des niveaux d’exposition assez élevés, que ce soit pour le personnel navigant commercial ou encore pour les passagers. Les travaux menés par Wei, Mohan et Weisel (2011) présentent pour la première fois une évaluation de l’exposition à des pyréthrinoïdes appliqués lors de désinsectisation d’avions en mesurant des indicateurs biologiques urinaires. Les chercheurs ont clairement mis en évidence que le personnel concerné par la désinsectisation d’avions pouvait avoir une exposition interne de pyréthrinoïdes non négligeable. Il aurait été intéressant de présenter plus de détails concernant les déterminants d’exposition obtenus avec le questionnaire, comme par exemple le type de produits utilisés, la substance active choisie ainsi que la concentration d’application. Une estimation d’une exposition indirecte aux pyréthrinoïdes (par ex. voyageur) aurait pu faire faire partie de la discussion de l’article vu la supposition que l’absorption des substances actives a dû majoritairement se faire par voie dermale (possible par le contact avec les sièges et autres surfaces).

Conclusion générale

Cette note présente de plus près deux scénarios d’exposition à des produits biocides dans des lieux publics fermés : dans une piscine intérieure, de manière indirecte, à des sous-produits de chloration, et dans un avion, de manière directe, à des insecticides� Dans les deux cas, l’absorption de substances peut devenir non négligeable et en fonction du type de population, des effets sur la santé peuvent apparaître� Il est surtout nécessaire de bien identifier les déterminants d’exposition afin de pouvoir contrôler au mieux les niveaux d’exposition, qui sont d’autant plus difficiles à maîtriser dans des endroits publics fermés� Les sous-populations plus susceptibles comme les enfants ou les personnes âgées ont particulièrement besoin d’attention dans ce type de lieux�

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Exposition à des biocides dans des lieux publics fermésCatherine TOMICIC

Autres publications identifiées

Aylward LL, Krishnan K, Kirman CR et al�. Biomonitoring equivalents for deltamethrin. Regul Toxicol Pharmacol. 2011 ; 60 : 189-199.Détermination d’une valeur limite utile dans l’évaluation d’exposition pour la population générale.Nazimek T, Wasak M, Zgrajka W et al�. Content of transfluthrin in indoor air during the use of electro-vaporizers. Ann Agric Environ Med. 2011 ; 18 : 85-88.Ces travaux ont été publiés un peu avant la période de veille mais intéressant vu le manque de données d’exposition pour des utilisations d’insecticides à usage domestique. Sams C, Jones K. Biological monitoring for exposure to deltamethrin: A human oral dosing study and background levels in the UK general population. Toxicol Lett. 2011 ; doi.org/10.1016/j.toxlet.2011.04.014.Détermination de la toxicocinétique de la deltaméthrine chez des volontaires humains.Weng S, Blatchley ER 3rd. Disinfection by-product dynamics in a chlorinated, indoor swimming pool under conditions of heavy use: national swimming competition. Water Res. 2011 ; 45 : 5241-5248. Mesure de sous-produits de chloration en continu lors d’une utilisation intense des bassins publics.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

(Occupational) Exposure biocides, (Occupational) Exposure biocidal products, (Occupational) Exposure indoor, (Occupational) Exposure insecticides indoor.

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Occurrence et concentrations de composés pharmaceutiques dans les eaux de surface et le réseau d’eau potable à Madrid Valcárcel Y, González Alonso S, Rodríguez-Gil JL, Gil A, Catalá M. Detection of pharmaceutically active compounds in the rivers and tap water of the Madrid Region (Spain) and potential ecotoxicological risk. Chemosphere. 2011 ; 84 : 1336-1348.

Résumé

En Espagne, une grande partie du réseau d’eau potable est alimentée par de l’eau pompée dans les cours d’eau et traitée ensuite en vue de sa potabilisation. Toutefois, il est à craindre une efficacité assez relative pour l’élimination des contaminants émergents, tels les médicaments. Or, il est à noter une forte consommation de produits pharmaceutiques dans ce pays. Ainsi, les auteurs ont recherché la présence de 33 composés pharmaceutiques, choisis en fonction de la présence d’un intérêt environnemental et sanitaire, d’une forte consommation et des techniques de détection disponibles. L’échantillonnage des eaux de surface a eu lieu en octobre 2007 sur les cinq principaux cours

d’eau madrilènes (la Jarama, la Manzanares, la Guadarrama, le Henares et le Tagus). Les prélèvements d’eau potable, dans des bâtiments publics et des résidences privées de la zone métropolitaine de Madrid, se sont également déroulés en octobre 2007. Les analyses ont été réalisées par chromatographie liquide à haute pression, couplée à un spectromètre de masse en tandem (HPLC-MS/MS (5)).Vingt-cinq composés pharmaceutiques et métabolites ont été détectés dans les échantillons d’eau de surface prélevés en aval de la sortie des 10 principales stations d’épuration de Madrid. La caféine, la paraxantrine, la nicotine, la cotinine et la carbamazépine ont été retrouvées dans tous les échantillons, et avec les plus fortes concentrations (respectivement 1 898 ng/L, 1 772,5 ng/L, 527,5 ng/L, 496,5 ng/L et 455,5 ng/L). Pour la première fois en Espagne, les auteurs ont détecté la présence d’ifosfamide (immunosuppresseur utilisé en chimiothérapie).Le risque environnemental lié à cette contamination des masses d’eaux superficielles a été évalué en calculant les coefficients de risque (CR) sur base des plus basses valeurs de PNEC du réseau trophique des écosystèmes aquatiques (poisson, daphnie et

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’EspagnePériode : septembre 2011 à décembre 2011

Laëtitia THEUNIS

Université de Liège (Belgique) – Département de Biologie, Écologie et Évolution – Laboratoire d’Écologie animale et d’Écotoxicologie – Liège

Mots clés : Eau potable, Eau de surface, Médicament, Pollution

Plus de 3 000 médicaments sont actuellement disponibles légalement sur le marché de l’Union européenne. Plus de 160 molécules pharmacologiquement actives, présentes à des concentrations allant du ng/L au μg/L, ont été inventoriées de par le monde, dans des échantillons d’eau entrant dans les stations d’épuration, d’eau de surface et d’eau destinée à la consommation humaine. Ces résultats ont permis à de nombreux scientifiques de mettre l’accent sur l’efficacité des processus de traitement des eaux usées pour éliminer ces contaminants émergeants (Kümmerer, 2009). En effet, les organismes aquatiques, mais également les êtres humains, courent un risque potentiel d’être exposés de façon chronique à un mélange complexe de médicaments observés à des concentrations pouvant aller jusqu’à l’ordre du ng/L. Malgré une 29e place mondiale liée à sa démographie, l’Espagne se situe au 8e rang mondial en termes de prescription pharmaceutique, équivalente à des dépenses chiffrées à 14 109 euros en 2008 (Varcarcel et al., 2011). Dans ce contexte, la première étude analysée a pour but de déterminer la présence de 33 composés pharmaceutiques parmi les plus consommés dans des échantillons prélevés en des points spécifiques sur les principaux cours d’eau madrilènes, ainsi que dans des échantillons d’eau potable provenant du robinet d’habitations situées dans la zone métropolitaine de Madrid. L’évaluation du risque environnemental sur les eaux de surface en utilisant les coefficients de risque (CR (1)) est ici également présentée. Basé sur les directives de l’Agence européenne des Médicaments (EMEA (2)), le CR est le rapport entre la Concentration Environnementale Mesurée (MEC (3)) et le PNEC (4) (Predicted No-Effect Concentration), lui-même divisé par un facteur d’incertitude pertinent.La seconde étude verra l’analyse d’eaux usées, d’eaux à la sortie de la station d’épuration, d’eaux de surface et d’eaux du robinet, et la recherche de 53 polluants représentatifs de différentes classes de polluants émergents, dont les médicaments.

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’Espagne – Laëtitia THEUNIS

Afin d’évaluer le risque environnemental total dû aux composés pharmaceutiques présents dans l’échantillon, les auteurs additionnent les CR individuels de chaque molécule recherchée. Cette somme se révèle être supérieure à 10, en chacun des 10 points d’échantillonnage. Les auteurs insistent sur l’aspect expérimental de cette méthode d’évaluation du risque environnemental, tant via les CR individuels que par l’exploitation scientifique de leur somme. Parmi les 33 composés pharmaceutiques recherchés dans les 5 échantillons madrilènes d’eau du robinet, cinq ont été détectés. Il s’agit, par ordre décroissant de concentration médiane de : la nicotine, la caféine, la cotinine, la carbamazépine et la venlafaxine. La cotinine et la caféine, indicateurs de la contamination

algue) présents. Lorsque le CR est compris entre 1 et 10, cela indique l’existence probable d’un risque toxique environnemental modéré. C’est le cas pour les CR médians de la clarithromycine, le sulfaméthoxazole, le triméthoprim et la caféine. Un risque toxique environnemental élevé est révélé par un CR>10. Les auteurs ont calculé un CR médian de 27,6 pour l’azithromycin anhydre.Sans présenter de CR médian>1, plusieurs molécules ont présenté de façon plus ponctuelle un CR de faible risque environnemental, compris entre 0,1 et 1, en au moins un point d’échantillonnage. C’est le cas pour l’erythromycine, la carbamazépine, la loratadine, la métronidazole, la paraxanthine, l’oméprazole, la ranitidine et la nicotine.

Agents chimiques

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Composés retrouvés dans les échantillons d’eau de surface Groupe thérapeutique

Concentration médiane (ng/L)

Fréquence de détection parmi les 10 échantillons analysés (%)

Coefficient de Risque médian (CR)

Caféine stimulant 1 898 100 2,64

Carbamazépine anticonvulsivant 455,5 100 <1

Clarithromycine antibactérien 235 100 5,11

Cotinine stimulant 496,5 100 <1

Nicotine stimulant 527,5 100 <1

Paraxanthine stimulant 1 772,5 100 <1

Ranitidineantisécrétoire gastrique  (de type anti-H2) 396,5 100 <1

Sulfamethoxazole antibactérien 326 100 2,53

Trimethoprim antibactérien 424 100 4,71

Venlafaxine antidépresseur 395,5 100 <1

Metronidazole antibactérien 1 195,5 90 <1

Ofloxacine antibactérien 179 90 <1

Carbamazépine 10,11-epoxide anticonvulsivant 102,5 80 <1

Diazépam anxiolytique 12,5 80 <1

Erythromycin antibactérien 320,5 80 <1

Citalopram hydrobromide antidépresseur 54 70 <1

Salbutamol bronchodilatateur 16,5 70 <1

Azithromycin anhydre antibactérien 120 60 27,6

Primidone anticonvulsivant 234,3 50 <1

Composés détectés dans 10 à 20 % des échantillons :  Ciprofloxacin (antibactérien), Lansoprazole (antisécrétoire), Loratadine (antihistaminique), Omeprazole (antisécrétoire gastrique de type IPP), Famotidine (antisécrétoire gastrique de type anti-H2), Ifosfamide (immunosuppresseur).

Composés retrouvés dans les échantillons d’eau du robinet

Groupe thérapeutique

Concentration médiane (ng/L)

Fréquence de détection parmi les 5 échantillons analysés (%)

Carbamazépine anticonvulsivant 4 60

Caféine stimulant 30 100

Cotinine stimulant 25 100

Nicotine stimulant 36 60

Venlafaxine antidépresseur < LD (6) 20

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’Espagne – Laëtitia THEUNIS

Galice, dans le nord-ouest de l’Espagne. Il y a quatre campagnes d’échantillonnage, réparties sur chacune des saisons, entre novembre 2007 et septembre 2008. Sur la base de l’intérêt scientifique et de la probabilité de présence dans le milieu aquatique, les auteurs ont recherché différentes classes de contaminants émergents : 15 médicaments, 19 organophosphorés/retardateurs de flamme/plastifiants, 6 herbicides largement utilisés, 4 insecticides couramment utilisés, 8 cosmétiques à filtres ultraviolet (UV) et le triclosan (principal bactéricide très utilisés dans les produits cosmétiques et connu pour son haut potentiel à former des produits de transformation plus toxiques que la molécule-mère). Dans chacun des prélèvements, 53 composés chimiques ont été recherchés par une analyse en chromatographie liquide à haute pression, couplée à un spectromètre de masse en tandem (LC-MS/MS), après extraction en phase solide (SPE).Sur un total de 53 composés chimiques, 19 d’entre eux ont été retrouvés dans les eaux usées à l’entrée des stations d’épuration, à des concentrations médianes supérieures à 0,1 μg/L. Parmi ceux-ci, l’acide salicylique (concentration médiane = 2,4 μg/L), l’ibuprofène (concentration médiane = 7,5 μg/L) et la benzophénone-4 cosmétique à filtre UV (BP-4) (concentration médiane égale à 2,1 μg/L) étaient présents aux concentrations les plus élevées. L’aténolol et le naproxène ont été quantifiés à, respectivement, 0,9 μg/L et 0,75 μg/L. De nombreux organophosphorés ont été détectés, dont des diesters ioniques. À la sortie de la station d’épuration de petite capacité, les auteurs ont détecté 11 composés chimiques parmi les 19 cités précédemment. Les processus de traitement épuratoires semblent donc insuffisamment efficaces pour l’élimination de ces 11 polluants. Il s’agit de composés pharmaceutiques (ibuprofène (264 ng/L), naproxène (109 ng/L), diclofénac (230 ng/L) et aténolol (511 ng/L)), d’organophosphorés et d’un cosmétique à filtre UV (BP-4). Ce dernier, présent à une concentration médiane égale à 1,2 μg/L, était le composé le plus concentré. Parmi les organophosphorés, les composés chlorés TCEP (7) et TCPP (8) ne sont pas du tout éliminés par le processus épuratoire, tandis que celui-ci fonctionne mais de façon insuffisante pour TnBP (9) et TBEP (10), ainsi que pour les organophosphorés diestériques, DPhP (11) et DEHP (12).Dans les eaux de surface et les 5 échantillons d’eau potable analysés, les organophosphorés ont majoritairement été retrouvés. Le TnBP est détecté à une concentration maximale de 148 ng/L. La concentration médiane du TCPP, organophosphoré chloré, est de 40 ng/L dans l’eau du robinet. Les composés pharmaceutiques (aténolol et carbamazépine) et les cosmétiques à filtre UV présentaient des concentrations inférieures à 10 ng/L dans les eaux de surface. Un échantillon d’eau du robinet a tout de même présenté une teneur en BP-4 de 62 ng/L.Le triclosan a été détecté dans certains échantillons, mais à des teneurs inférieures à celles reprises dans la littérature scientifique. Les herbicides ont été détectés uniquement lors de la dernière campagne saisonnière, en accord avec l’application saisonnière de ces produits. Ils présentaient une concentration inférieure à 100 ng/L, limite maximale réglementaire pour la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine dans

anthropique des eaux, ont été retrouvées dans chaque échantillon, à des concentrations comprises, respectivement de 15 à 75 ng/L, et 14 à 34 ng/L. La carbamazépine et la nicotine ont été mis en évidence dans 60 % des échantillons analysés. L’antidépresseur venlafaxine n’a été détecté que dans un seul échantillon. C’est la première fois que la présence de ce composé dans un échantillon d’eau du robinet est mentionnée dans la littérature. Malgré un petit nombre d’échantillon analysé et des concentrations faibles, les auteurs mettent en évidence la problématique de la présence de ces contaminants pharmaceutiques dans l’eau du robinet.

Commentaire

Cette étude met en évidence la nécessité d’avoir un contrôle de la qualité de l’eau, en termes de teneur en composés pharmaceutiques, à différents maillons de la chaîne de l’eau : des eaux usées aux eaux de distribution, en passant par les eaux de surface. Elle montre également que la recherche et développement dans le domaine de l’évaluation du risque environnemental doivent être encouragés. L’effet cocktail est un sujet dans l’air du temps. La méthode expérimentale de détermination du risque environnemental, exploitant les coefficients de risque, proposée ici est prometteuse. Alors que l’approche unitaire a tout son sens, il faut émettre des réserves par rapport à la méthode de simple addition des CR unitaires pour évaluer le risque environnemental global. En effet, la mise en présence de certaines molécules entre elles peut induire des effets synergiques ou antagonistes. Afin d’éviter toute surestimation ou sous-estimation de ce risque environnemental, il est nécessaire de tenir compte, dans le calcul des CR, des possibles effets synergiques ou antagonistes des molécules entre elles, et ce via des PNEC affinés. Il faut toutefois noter que, bien que certains polluants se retrouvent dans l’eau de consommation humaine, la population générale s’y trouve exposée à de faibles doses. Une exposition chronique à des concentrations très faibles n’est pas nécessairement corrélée avec un risque d’atteinte à la santé humaine.La concentration en carbamazépine dans l’eau potable (4 ng/L), et celles de la caféine (35 ng/L), de la cotinine (25 ng/L) et de la nicotine (36 ng/L) sont assez similaires aux valeurs retrouvées dans la littérature (Kim et al., 2007 ; Heberer et al., 2004 ; Togola and Budzinski, 2008).

Concentration et occurrence de contaminants émergents dans les eaux usées, les eaux de surface et le réseau d’eau potable en Galice Rodil R, Quintana JB, Concha-Graña E, López-Mahía P, Muniategui-Lorenzo S, Prada-Rodríguez D. Emerging pollutants in sewage, surface and drinking water in Galicia (NW Spain). Chemosphere. 2012 ; 86 :1040-1049. Epub 2011 Dec 20.

Résumé

Un large programme de surveillance de la qualité des eaux usées, des eaux de surface et de l’eau de distribution a été réalisé en

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Agents chimiques

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’Espagne – Laëtitia THEUNIS

les eaux de surface et d’effluents� Toutefois, cet outil est encore expérimental� Les PNEC ne tiennent pas compte des effets synergiques (ou antagonistes) possibles entre polluants environnementaux� Ainsi, afin d’évaluer le risque environnemental encouru, il est nécessaire d’affiner les PNEC utilisés�La présence, entre autres, de composés pharmaceutiques dans l’eau destinée à la consommation humaine a initié de nombreuses réflexions scientifiques sur l’impact sanitaire d’une telle exposition chronique� Toutefois, la communauté scientifique ne s’accorde pas sur les possibles effets à court et long terme pour la population générale, liés à une exposition chronique à des faibles concentrations en composés médicamenteux� La recherche scientifique est nécessaire et urgente dans ce domaine�

Lexique

(1) CR : coefficient de risque.(2) EMEA : European Medecines Agency = Agence européenne

des médicaments.(3) MEC : Measured Environmental Concentration =

Concentration environnementale mesurée.(4) PNEC : Predicted No-Effect Concentration= concentration

estimée du médicament sélectionné, à laquelle il n’y a pas d’effet de toxicité aigüe.

(5) LC-MS/MS : chromatographie liquide couplée à de la spectrométrie de masse en tandem.

(6) LD : limite de détection.(7) TCEP : organophosphoré Tri(2-chloroethyl)phosphate.(8) TCPP : organophosphoré Tri(chloropropyl)phosphate.(9) TnBP : organophosphoré Tri-n-butyl phosphate.(10) TBEP : organophosphoré Tributoxyethyl phosphate.(11) DPhP : organophosphoré Diphenylphosphate.(12) DEHP : organophosphoré Diethylhexyl phosphate.(13) DEET : insecticide N, N,-diethyl-m-toluamide.

Publications de référence

Heberer T, Mechlinski A, Fanck B et al�. Field studies on the fate and transport of pharmaceutical residues in bank filtration. Ground Water Monit Remediat. 2004 ; 24 : 70-77.Jones OA, Lester JN, Voulvoulis N. Pharmaceuticals : a threat to drinking water? Trends Biotechnol. 2005 ; 23 : 163–167.Kim SD, Cho J, Kim IS et al�. Occurrence and removal of pharmaceuticals and endocrine disruptors in South Korean surface, drinking, and waste waters. Water Res. 2007 ; 41 : 1013–1021.Kümmerer K. The presence of pharmaceuticals in the environment due to human use : present knowledge and future challenges. J Environ Manage. 2009 ; 8 : 2354–2358.

l’Union européenne. Parmi les insecticides, le DEET (13) semble être difficilement dégradé (60 %) dans les stations d’épuration, si bien qu’il a parfois été retrouvé dans les effluents, et même dans quelques échantillons d’eau de surface et du robinet, à des concentrations inférieures à 20 ng/L.

Commentaire

Cette étude est localisée mais traite de nombreux contaminants émergents, tels les médicaments, les organophosphorés et les cosmétiques. Les auteurs mettent en évidence la contamination par ces polluants émergents de chaque maillon de la chaîne de l’eau : des eaux à la sortie de station d’épuration aux eaux de surface et à l’eau de distribution.L’eau du robinet n’est donc pas exempte de contaminants émergents. Ainsi, le TCPP, un organophosphoré chloré, y a été retrouvé à une concentration médiane de 40 ng/L. Tandis que le cosmétique BP-4 y a été quantifié à 62 ng/L.Bien que les familles de polluants émergents comme les organophosphorés, les cosmétiques ou les médicaments, se retrouvent dans l’eau potable, et que la population générale s’y trouve exposée, cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait un risque d’atteinte à la santé humaine. En effet, ces composés pharmaceutiques sont présents à des concentrations très faibles. Il est nécessaire d’avoir plus de données toxicologiques pour être capable de déterminer si les concentrations citées ici sont, ou non, dangereuses pour la santé de l’Homme, via une exposition chronique à ces produits.

Conclusion générale

L’Espagne est un pays dominé par une forte consommation de produits pharmaceutiques� Il est à craindre que celle-ci ait des répercussions sur la qualité de l’eau issue des stations d’épuration, et rejetée dans le milieu naturel� Une grande partie du réseau d’eau potable est alimentée par de l’eau pompée dans ces cours d’eau et traitée en vue de sa potabilisation� Les études analysées ici pointent bien la problématique de la non-élimination des polluants émergents tout au long du trajet que prend l’eau, depuis son statut d’eaux usées à celui d’eau du robinet� Ainsi, ces contaminants se retrouvent à l’entrée et à la sortie des stations d’épuration, dans les eaux de surfaces, ainsi que dans l’eau du robinet destinée à la consommation humaine� Cette problématique semble concerner plusieurs groupes de contaminants émergents : les médicaments, mais aussi les organophosphorés/retardateurs de flamme/plastifiants, des herbicides, des insecticides, des cosmétiques à filtre UV… L’outil d’évaluation du risque environnemental exploitant les coefficients de risque est prometteur, et permet d’ores et déjà de donner une idée du risque environnemental potentiel lié aux médicaments dans

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Des eaux usées à l’eau du robinet : occurrence et concentrations en polluants émergents dans différents compartiments environnementaux – cas de l’Espagne – Laëtitia THEUNIS

Mompelat S, Le BB, Thomas O. Occurrence and fate of pharmaceutical products and by-products, from resource to drinking water. Environ Int. 2009 ; 35 : 803–814.Togola A, Budzinski H. Multi-residue analysis of pharmaceutical compounds in aqueous samples. J.Chromatogr A. 2008 ; 1177 : 150–158.

Revues de la littérature

Stuart M, Lapworth D, Crane E et al�. Review of risk from potential emerging contaminants in UK groundwater. Sci Total Environ. 2011 In Press, Corrected Proof.Touraud E, Roig B, Sumpter J et al�. Drug residues and endocrine disruptors in drinking water: Risk for humans? Int J Hyg Envir Health. 2011 ; 214 : 437-441.

Autres publications identifiées

Houeto P, Carton A, Guerbet M et al�. Assessment of the health risks related to the presence of drug residues in water for human consumption: Application to carbamazepine. Regul Toxicol Pharmacol. 2011 In Press, Uncorrected Proof.Les composés pharmaceutiques sont souvent détectés à des teneurs de l’ordre du ng/L dans le réseau d’eau de consommation. Évaluation du risque sanitaire. La carbamazépine et son métabolite ne semble pas générer un impact négatif sur la santé humaine. Jin X, Peldszus S. Selection of representative emerging micropollutants for drinking water treatment studies: A systematic approach. Sci Total Environ. 2011, In Press, Corrected Proof.Développement d’une méthode permettant de sélectionner les composés représentatifs de groupes de polluants émergents en vue de déterminer les effets des traitements de potabilisation sur la charge polluante.da Silva B, Jelic A, López-Serna R et al�. Occurrence and distribution of pharmaceuticals in surface water, suspended solids and sediments of the Ebro river basin, Spain. Chemosphere. 2011 ; 85 : 1331-1339.Occurrence de médicaments dans les eaux de surface de l’Ebro, fleuve espagnol. Étude de la distribution entre la phase liquide et la phase solide. Étude de la distribution géographique et des principales sources de contamination.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Drinking water, Emerging pollutant, Pharmaceuticals, River, Surface water, Tap water.

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Des antibiotiques vétérinaires à des concentrations environnementales réalistes inhibent les capacités de réduction du fer et de nitrification du sol Totha JD, Yucheng F, Zhengxia D. Veterinary antibiotics at environmentally relevant concentrations inhibit soil iron reduction and nitrification. Soil Biol Biochem. 2011 ; 43 : 2470-2472.

Résumé

L’objectif de cette étude est de rechercher les effets sur les processus biologiques propres aux micro-organismes du sol - respiration, nitrification, réduction du fer, et certains profils physiologiques/comportements communautaires (CLPP) - de molécules antibactériennes utilisées chez les animaux de production, lorsque celles-ci se retrouvent dans les sols via le fumier.Pour cela, les auteurs utilisent du fumier issu d’élevages de volailles d’une part, de vaches laitières d’autre part, ces animaux n’ayant pas été traités par les molécules antibiotiques à tester. Ils incorporent dans un premier temps des solutions aqueuses diluées chlortétracycline et de sulfadimethoxine dans le premier fumier, une suspension de RUMENSIN 80 (contenant du monensine (2)) dans le second, puis mélangent ces fumiers

« enrichis » dans un sol – à caractères bien définis – de façon à obtenir des concentrations en molécules actives équivalentes à celles retrouvées dans les sols ayant reçu de la fumure provenant d’animaux traités et utilisées classiquement dans les publications (concentrations toutes inférieures ou égales à 200 μg/kg).Finalement, ces mélanges sont incubés en laboratoire à température ambiante et des échantillons sont prélevés de façon séquentielle afin de déterminer les variations éventuelles des processus biologiques prédéfinis au cours du temps (1er, 8e, 15e, 22e, 30e et 50e jour) par rapport à un sol « témoin » n’ayant reçu que de la fumure.La chlortétracycline n’interfère ni avec la nitrification (formation de NO2) ni avec la réduction du fer (maintien du fer à l’état ferreux). Par contre la sulfadimethoxine (gamme de concentration de 25, 50, 100 et 200 μg/kg) interfère avec ces deux processus : elle inhibe la nitrification avec un effet s’intensifiant avec la dose et apparaissant au 15e jour et à la concentration de 50 μg/kg, et elle restreint fortement la réduction anaérobie du fer tout au long de l’étude aux deux plus fortes concentrations. Ainsi, la quantité de fer ferreux n’est que 11 % de celle du sol témoin à la fin de l’étude. Quant au monensine, ses effets de blocage de la réduction du fer sont intenses mais transitoires avec une réversion après le 22e jour. Le monensine est enfin la seule molécule à engendrer une

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Résidus de médicaments vétérinaires antibactériens dans l’environnement : écopharmacovigilance des sulfamidesPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Brigitte ENRIQUEZ

Inserm – U 955 Inserm/ENVA ; équipe 03 – Maisons-Alfort

Mots clés : Animaux, Antibactériens, Eaux, Écopharmacovigilance, Environnement, Résidus, Sol, Sulfamides

L’Écopharmacovigilance est une discipline récente qui consiste à prendre en considération la présence de résidus de médicaments dans l’environnement, leur suivi et l’évaluation de leurs éventuels effets indésirables sur les différents compartiments de la biosphère après leur mise sur le marché. La profession vétérinaire s’est très tôt préoccupé des effets délétères des médicaments sur l’environnement compte tenu des lieus de vie des espèces traitées.L’étude, dès avant la mise sur le marché-des effets délétères des résidus de médicaments vétérinaires sur l’environnement, est ainsi incluse dans l’évaluation de la sécurité d’emploi de ces médicaments (dossier « Sécurité » du dossier d’AMM) depuis la directive 81/852/EEC et cette exigence s’est étendue aux molécules anciennes « génériquées ». La prise de conscience de l’impact de certaines molécules d’origine naturelle sur l’environnement (en particulier l’Ivermectine et ses effets sur les bousiers) a justifié la nécessité d’une surveillance post-AMM.La médecine des animaux (en particulier d’élevage) fait appel à d’anciennes molécules antibactériennes à coût limité comme les pénicillines, les sulfamides (1), les tétracyclines. Ces molécules ou/et leurs métabolites se retrouvent dans les excreta des animaux et donc dans le sol avec des effets potentiels sur la microfaune et flore locales.Les publications sélectionnées correspondent à deux approches complémentaires de caractérisation des dangers : la première fait état de résultats de tests de toxicité microbienne menés en laboratoire sur sols mélangés à du fumier « enrichi » en molécules antibactériennes couramment utilisées chez les animaux de production aux États-Unis ; la seconde exploite des tests sur des modèles divers - organismes cibles (bactéries) et non cibles (algues, plantes supérieures) où les composés antibactériens (uniquement les sulfamides) sont, sous forme de solution, directement placés au contact des organismes tests par incorporation à leur milieu de croissance.

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Résidus de médicaments vétérinaires antibactériens dans l’environnement : écopharmacovigilance des sulfamides – Brigitte ENRIQUEZ

faibles sur les éléments des chaînes trophiques alors qu’ils sont fréquemment utilisés, persistants dans l’environnement, et que leur mécanisme d’action (antagonisme par analogie structurale avec l’acide para-aminobenzoïque cofacteur de la synthèse des acides foliques) pourrait avoir des conséquences sur d’autres organismes que les organismes bactériens cibles.Les tests utilisés ont été les suivants :• deux tests enzymatiques présentés comme des tests de

screening des effets potentiels subcellulaires : 1) inhibition de l’acétylcholinestérase (enzyme assurant la dégradation de l’acétylcholine en acide acétique et en choline limitant ainsi la durée de la stimulation neuronale), 2) inhibition de la glutathion réductase de levure (enzyme assurant le maintien d’un stock de glutathion à l’état réduit et donc indicatrice du niveau du potentiel Redox des cellules) ;

• deux tests bactériens présentés comme des tests représentatifs des flores microbiennes de leurs milieux : 1) inhibition de la bioluminescence de Vibrio fischeri (bactérie marine), 2) inhibition des déshydrogénases bactériennes de Arthrobacter globiformis, bactérie aérobie commune des sols ;

• deux tests menés sur organismes aquatiques non cibles pouvant être exposés par ruissellement issu des pâtures : 1) inhibition de la reproduction (de la croissance) d’algues vertes limniques, Scenedesmus vacuolatus, 2) inhibition de la croissance de la lentille d’eau, Lemna minor.

Les résultats sont exprimés en IC50 (concentration d’inhibition de 50 % de l’activité enzymatique) ou EC50 (concentration efficace (toxique) sur 50 % des sujets testés (tests bactériens et sur végétaux ou algues).Il n’existe pas - au large panel de concentrations testées (de 1 à 1 166 μM soit de 1 à 250 mg/L) d’inhibition de l’acétylcholinestérase - sans doute en lien avec la nature anionique des sulfamides. Même à la plus forte concentration testée (400 μM soit environ 80 mg/L) l’activité de la glutathion réductase n’est pas modifiée.Il apparait qu’aucun sulfamide ne présente de toxicité vis-à-vis de la bactérie marine (V. fischeri) à des concentrations compatibles avec les concentrations attendues sur le terrain (EC50 approximatives supérieures à 25 mg/L).Par contre les valeurs d’EC50 pour l’algue verte testée varient de 6,10 à 113,55 μM (1,54 à 32,25 mg/L) suivant les composés signant un risque pour les espèces non-cibles et pour l’ensemble de l’écosystème aquatique. La lentille d’eau apparait encore plus sensible (d’environ 3 ordres de grandeur) avec une gamme d’EC50 allant de 0,06 μM (sulfadimethoxine) à 19,18 μM (sulfathiazole). L’action inhibitrice de la synthèse des folates serait à l’origine de ces effets d’inhibition de croissance.Selon les auteurs, leurs résultats montrent que les sulfamides, à des niveaux de concentrations compatibles avec celles retrouvées dans l’environnement (μg/l), peuvent représenter un danger pour des organismes non-cibles. Leurs résultats suggèrent également de s’intéresser aux effets chroniques et subchroniques des sulfamides plutôt qu’à leurs effets aigus.Cette proposition est d’autant plus recevable que ces molécules peuvent être utilisées en médecine humaine et vétérinaire, engendrant une pression constante sur l’environnement. Néanmoins, il est difficile d’extrapoler les résultats de tests

augmentation de 4 à 5 % de l’index Shannon (3) de diversité sans explication plausible de la part des auteurs. Il apparaît qu’aucune de ces molécules ne modifie la respiration ou les CLPP.Les auteurs concluent que l’absence d’effet des trois molécules indique que les indices d’activité microbienne ne sont pas sensibles à de faibles concentrations en antibiotiques. Cependant, les effets sur la nitrification ou le métabolisme du fer pourraient avoir des conséquences sur le cycle biogéochimique des nutriments du sol et posent la question des mécanismes impliqués. Ils incitent à l’évaluation des effets dans un contexte d’exposition réitérée plus proche encore de la réalité des pratiques agronomiques et vétérinaires.

Commentaire

Cette étude présente l’intérêt de se placer dans les conditions « de terrain » avec des concentrations en molécules antibactériennes compatibles avec la réalité des pratiques et les processus de biotransformation, contrairement à la majorité des études où les concentrations sont de l’ordre du mg/kg sol. Elle montre que la seule nature « antibactérienne » ne suffit pas à prédire l’intensité des effets des résidus de médicaments vétérinaires sur la flore microbienne des sols. Une étude approfondie de la dégradation, de la biodisponibilité de ces molécules dans le sol utilisé reste à mener. Il est possible que l’adsorption sur les ions bivalents bien connue des tétracyclines ait pu en diminuer la biodisponibilité et donc la toxicité vis-à-vis des micro-organismes du sol. Le statut redox pourrait également intervenir : les tétracyclines sont des molécules amphotères alors que les deux autres molécules ont un caractère acide. Il s’agit donc ici plutôt d’une étude exploratoire ouvrant la voie vers des recherches mécanistiques.Le choix des molécules est important pour l’extrapolation des résultats entre pays. En particulier alors que les sulfamides et les tétracyclines sont classiquement utilisés en médecine vétérinaire des animaux de production, le monensine n’est plus autorisé dans l’Union européenne que comme additif alimentaire chez la volaille pour son action anti-coccidienne.Enfin, des études par contact réitéré de sols mélangés à des fumures et recevant régulièrement une quantité donnée de molécules antibactériennes rendraient mieux compte des modalités d’exposition classiques et des risques à long terme des faibles doses.

Évaluation écotoxicologique de certains sulfamidesBiałk-Bielinska A, Stolte S, Arning J, Uebers U, Boschen A, Stepnowski P. Ecotoxicity evaluation of selected sulfonamides. Chemosphere. 2011, doi :10.1016/ j.chemosphere.2011.06.058.

Résumé

L’objectif de cette étude est d’évaluer la toxicité de douze sulfamides utilisés en médecine vétérinaire (par des tests bien codifiés menés sur des organismes tests issus des milieux aquatique et terrestre). Le choix des auteurs s’est porté sur ces molécules car les sulfamides ont une toxicité mal connue à doses

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Résidus de médicaments vétérinaires antibactériens dans l’environnement : écopharmacovigilance des sulfamides – Brigitte ENRIQUEZ

Une collaboration entre experts vétérinaires et médecins pourrait conduire à mieux caractériser les dangers communs aux deux médecines et à favoriser l’évolution des réglementations relatives aux résidus de médicaments à prescription commune�

Lexique

(1) Sulfamides (ou sulfonamides) : composés antibactériens obtenus par synthèse totale et développés dans les années 1950. Ils dérivent de l’acide para-aminobenzoïque par substitution de la fonction acide carboxylique par une fonction sulfonamide.

(2) Monensine : antibiotique ionophore : Les ionophores agissent comme échangeurs d’ions (sodium, potassium, calcium et hydrogène) entre la bactérie et son milieu environnant. Les déséquilibres ioniques ainsi créés finissent par épuiser et tuer les bactéries qui sont sensibles aux ionophores. Ils sont administrés par voie orale à des ruminants qui les dégradent et les inactivent. Les ionophores ont donc une action limitée à l’intérieur du tube digestif de l’animal, plus particulièrement au niveau du rumen. Les ionophores non digérés seront rejetés dans les fèces et dans l’environnement. En Europe, en 2006, le monensine est interdit comme les autres additifs alimentaires en production animale. L’intérêt des ionophores est d’induire une augmentation de l’efficacité ou de la conversion alimentaire, donc une meilleure rentabilité.

(http://www.agrireseau.qc.ca/bovinslaitiers/documents/Monensin-Martineau.pdf)

(3) l’index Shannon : l’indice de Shannon est un indice permettant de mesurer la biodiversité. Les appellations Shannon-Weaver ou Shannon-Wiener sont incorrectes : seul Claude Elwood Shannon est à l’origine de cet indice, qui est basé sur la notion d’entropie (entropie de Shannon).

SH’ = – S pi ln pi i=1

H’ : indice de biodiversité de Shannon. i : une espèce du milieu d’étude. pi : proportion d’une espèce i par rapport au nombre total

d’espèces (S) dans le milieu d’étude (ou richesse spécifique du milieu), qui se calcule de la façon suivante : p(i) = ni/ N

où ni est le nombre d’individus pour l’espèce i et N est l’effectif total (les individus de toutes les espèces).

ln : indique le logarithme naturel. Cet indice permet de quantifier l’hétérogénéité de la

biodiversité d’un milieu d’étude et donc d’observer une évolution au cours du temps. Cet indice varie toujours de 0 à ln S (ou log S ou log2 S, selon le choix de la base du logarithme)

Cet indice est l’un des plus connus et des plus utilisés par les spécialistes.

(Manuel de statistique pour la recherche forestière : www. fao.org/DOCREP/003/X6831F/X6831f18.htm)

menés dans des conditions de pH et de durée données. Par conséquent des investigations supplémentaires et sur les effets de mélanges sont nécessaires.

Commentaire

Il est intéressant de disposer de données multiples sur différents composés de cette famille même si le sulfisoxazole n’est plus utilisé (du moins en France). La relation structure-toxicité n’est pas évidente à poser : interviennent certainement la valeur du pKa (variant entre 5,0 et 8,4 suivant les composés testés), la balance hydro-liposolubilité, la nature des substituants portés par les radicaux présents sur la fonction sulfonamide.Parmi les composés les plus toxiques pour les algues vertes figurent trois molécules fréquemment utilisées en médecine vétérinaire : le sulfamethoxazole, la sulfadiazine et la sulfamethoxypyridazine.Même si les résultats de tests menés in vitro sont toujours contestables quant à leur validité en conditions de terrain, l’utilisation de l’atrazine (herbicide) comme témoin positif a cependant montré une toxicité encore plus intense de la sulfadimethoxine vis-à-vis de l’espèce végétale terrestre test !Ainsi, cette étude conduit à préconiser une révision à la baisse ou une adaptation au cas par cas des valeurs de concentrations limites en deçà desquelles les études d’écotoxicité ne sont pas considérées comme nécessaires, afin de prendre en compte les expositions réitérées et à faibles doses des écosystèmes aux résidus de médicaments.

Conclusion générale

Ces deux articles illustrent les effets délétères potentiels de certaines molécules antibactériennes classiquement utilisées en médecine vétérinaire sur les équilibres des milieux terrestres (inhibition de la nitrification ou de la réduction du fer) et/ou aquatiques (inhibition de la reproduction d’algues vertes limniques, inhibition de la croissance de la lentille d’eau)� Dans les deux études d’éco pharmacovigilance les auteurs émettent le souhait de voir se développer des études d’évaluation des risques pour l’environnement soumis en continu à des concentrations faibles en molécules antibactériennes� Leurs données complètent celles plus actuelles relatives aux impacts en matière d’antibiorésistance�Ces études illustrent également la préoccupation actuelle des chercheurs de mettre en place des essais dans des conditions – en particulier de concentrations - compatibles avec la réalité du terrain et d’interpréter les résultats de toxicité en fonction des concentrations attendues� Ces tests menés dans des conditions de laboratoire sont le tremplin nécessaire à une meilleure connaissance des mécanismes de toxicité en particulier pour des composés anciens dont certains non « génériqués » n’ont pas encore été évalués quant au risque environnemental�

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Résidus de médicaments vétérinaires antibactériens dans l’environnement : écopharmacovigilance des sulfamides – Brigitte ENRIQUEZ

Publications de référence

Directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (http://europa.eu/legislation_summaries/food_safety/animal_health/l21231_fr.htm)Virlouet G. Résidus de médicaments dans les eaux : contribution des activités humaines et vétérinaires. Environ Risques Santé. 2006 ; 5 : 239-241.

Revues de la littérature

Wojciech B, Adamek E, Justyna Ziemianska J et al�. Effects of the presence of sulfonamides in the environment and their influence on human health. 2011. J Hazard Mater.doi :10.1016/j.jhazmat.2011.08.082

Autres publications identifiées

Xun P, Zhimin Q, Weiwei B et al�. Residual veterinary antibiotics in swine manure form concentrated animal feeding operations in Shandong Province, China. Chemosphere. 2011 ; 84 : 695-700Cette publication montre que l’utilisation des fumures issues d’élevages porcins participe à la contamination des pâtures et de l’environnement aquatique (identification et quantification de 5 sulfamides, 3 tétracyclines, un macrolide. Variations des teneurs suivant l’alimentation, la saison, la race de porcs).Zhou L-J, Ying g-G, Zhao J-L et al�. Trends in the occurrence of human and veterinary antibiotics in the sediments of the yellow River, Hai river and Liao River in northern China. Environ Pollut. 2011 ; 159 : 1877-1885.Les auteurs ont montré que 17 substances à activité antibactérienne peuvent être détectées dans les sédiments de 3 rivières du nord de la Chine ; l’oxytétracycline et trois quinolones sont les plus fréquemment retrouvées à de fortes concentrations (en aval de grandes villes et à proximité d’élevages bovins ou de mares d’aquaculture).YongSIk O, SungChul K, KwonRae K et al�. Monitoring of selected veterinary antibiotics in environmental compartments near a composting facility in Gangwon province, Korea. Environ Monit Asses. 2011 ; 174 : 693-701.Évaluation de la concentration en antibactériens (dont les sulfamides) dans l’eau, les sédiments, le sol à proximité d’une usine de compostage en Corée. Mise en évidence des plus fortes concentrations dans un site adjacent à l’usine. Décroissance des concentrations le long du cours d’eau.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Antibiotics, Antibacterial, Environment, Residues, Toxicity, Sulfamide, Tetracycline, Quinolone.

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Un herbicide à base de glyphosate peut induire in vitro une nécrose et apoptose des cellules testiculaires du rat, ainsi qu’une diminution de la testostérone à de faibles niveaux d’expositionClair E, Mesnage R, Travert C, Séralini G. A glyphosate-based herbicide induces necrosis and apoptosis in mature rat testicular cells in vitro, and testosterone decrease at lower levels. Toxicol In Vitro. 2012 ; 26 : 269-279. Epub 2011 Dec 19.

Résumé

Le Roundup est l’un des herbicides les plus utilisés au monde. De nombreuses plantes ont été génétiquement modifiées ces dernières années afin de les rendre résistantes à sa substance active, le glyphosate, augmentant ainsi la consommation de cet herbicide. Le Roundup se compose de 360 g/l de glyphosate et de différents xénobiotiques (1) utilisés comme adjuvant (son principal adjuvant est le POEA = polyethoxylated tallowamine), représentant ainsi un bon cas de figure pour étudier les effets combinés de plusieurs xénobiotiques (Richard et al., 2005). L’impact du Roundup sur le système reproductif est assez bien documenté (Dallegrave et al., 2007), mais son possible effet sur les testicules a été jusqu’à ce jour peu étudié. Or, les testicules sont connues pour être des glandes sensibles aux perturbateurs endocriniens (Anway et al., 2006). La présente étude de Clair et al., (2011) vise à étudier les effets du Roundup et du glyphosate sur les principales cellules testiculaires adultes du rat, à savoir les cellules de Leydig, les cellules de Sertoli et les cellules germinales. La cytotoxicité, la nécrose (2), l’apoptose (3) et la perturbation endocrinienne ont été testées sur ces différents types de cellules testiculaires. Il est apparu que les cellules de Leydig sont celles qui sont le plus fortement sensibles au Roundup en comparaison à une exposition unique au glyphosate. Après 6 heures de traitement, le Roundup

et le glyphosate peuvent induire une apoptose des cellules de Leydig. Un effet cytotoxique du Roundup via la dégradation de la membrane cellulaire a pu être mis en évidence dans les cellules de Leydig à des doses 1 000 fois inférieures à celles des produits commerciaux à base de glyphosate. Ces doses correspondent à des niveaux 10 fois inférieurs à la plus faible dilution utilisée en agriculture comme pesticide. Le Roundup s’attaque à la membrane cellulaire, alors que le glyphosate ne le fait pas, sans doute du fait des adjuvants présents dans cet herbicide. Il a été testé si la cytotoxicité du Roundup via la dégradation de la membrane cellulaire était due à la nécrose ou à l’apoptose. La nécrose est alors apparue comme la principale cause de mortalité cellulaire. La perturbation endocrinienne a été étudiée via les niveaux d’ARNm pour les récepteurs d’aromatase, d’androgène et d’estrogène. Une baisse du niveau de testostérone, induite par le Roundup et le glyphosate, a été le seul effet endocrinien qui a pu être rapporté à des faibles concentrations de Roundup. Dans les cellules de Sertoli et les cellules germinales, le Roundup induit une chute de caspases (4) 3/7, ce qui témoigne d’une nécrose avec une dégradation de la membrane cellulaire ; cette dégradation est moins importante que celle observée dans les cellules de Leydig. Les cellules de Sertoli étudiées de manière isolée sont apparues comme sensibles, alors que ces cellules ne le sont presque pas en présence de cellules germinales.

Commentaire

Cette étude est une des premières études à tester les effets du Roundup et de sa substance active, le glyphosate, sur des cellules testiculaires. Elle propose un modèle in vitro permettant d’étudier les effets des xénobiotiques sur ces cellules reproductrices. Les effets différents du Roundup sur les différentes cellules testiculaires pourraient s’expliquer par la différence de leurs

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Possibles effets endocriniens de l’herbicide Roundup (glyphosate) et de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénolPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Pierre CRETTAZ

Office fédéral de la santé publique – Unité de protection des consommateurs – Berne, Suisse

Mots clés : 4-tert-octylphénol, Apoptose, Capacitation des spermatozoïdes, Génistéine, Glyphosate, Perturbateurs endocriniens, Réaction acrosomique, Xénoestrogènes

Certains perturbateurs endocriniens sont soupçonnés de pouvoir induire chez l’homme des effets négatifs sur le développement et la fonction reproductrice mâle. Cette note explore cette hypothèse en analysant deux études in vitro. La première étude traite des effets possibles de l’herbicide Roundup et de sa substance active, le glyphosate, sur les cellules testiculaires de rat. La seconde étude in vitro étudie l’impact de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol, sur la formation des spermatozoïdes chez la souris.

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Possibles effets endocriniens de l’herbicide Roundup (glyphosate) et de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol – Pierre CRETTAZ

une molécule utilisée en médecine comme anticoagulant, a été retenue comme contrôle positif car elle est connue pour induire la capacitation et la réaction acrosomique. Les spermatozoïdes ont été prélevés sur des souris âgées de 9 semaines. Ils ont ensuite été incubés pendant 15 ou 30 minutes à six concentrations différentes (allant de 0,001 à 100 μM) des deux xénœstrogènes retenus. Le test CTC (chlorotétracycline) a été entrepris pour mesurer la capacitation et la réaction acrosomique des spermatozoïdes.Aucun effet sur la capacitation n’a été observé après une exposition pendant 15 minutes à des concentrations de 0,001 à 1 μM de génistéine. Mais les concentrations de 10 et 100 μM ont conduit à une diminution significative de la capacitation des spermatozoïdes. Aucun effet n’a été rapporté sur la réaction acrosomique après une exposition de 15 minutes. Avec une durée d’exposition de 30 minutes, la capacitation a été affectée à la concentration de 10 μM, et ceci à un niveau comparable à celui rapporté avec le contrôle positif. La réaction acrosomique a alors été stimulée à des concentrations allant de 0,1 à 100 μM. Concernant le 4-tert-octylphénol, la capacitation des spermatozoïdes a augmenté significativement à des concentrations allant de 0,01 à 0,1 μM après une exposition de 15 minutes ; la réaction acrosomique a alors été stimulée significativement à hautes concentrations (10 et 100 μM). Après 30 minutes d’exposition, la capacitation des spermatozoïdes a augmenté significativement à toutes les concentrations testées, mais aucun effet n’a été rapporté sur la réaction acrosomique.

Commentaire

Les spermatozoïdes sont un modèle intéressant pour étudier l’activité estrogène des perturbateurs endocriniens, car leur membrane présente des récepteurs hormonaux sur lesquels peuvent se fixer ces substances. Malgré cela, la majorité des études entreprises à ce jour sur la génistéine et le 4-tert-octylphénol n’ont pas étudié en détail les spermatozoïdes. La présente étude permet de combler partiellement cette lacune. Le résultat principal pour la génistéine est qu’une exposition pendant 30 minutes à cette isoflavone entraine une stimulation significative de la réaction acrosomique des spermatozoïdes de souris, et ceci d’autant plus fortement que la concentration d’exposition est élevée. À la plus haute concentration testée (100 μM), la génistéine augmente même la proportion de spermatozoïdes avec une réaction acrosomique de façon plus significative que l’estrogène et l’héparine. L’effet principal du 4-tert-octylphénol est une augmentation de la réaction acrosomique des spermatozoïdes à la plus haute dose testée après une exposition de 15 minutes, alors qu’une exposition pendant 30 minutes induit une augmentation de la capacitation. Cela suggère que l’effet sur la capacitation dépend de la durée d’exposition. Ce facteur « durée d’exposition » est important dans la perspective d’extrapoler les résultats de cette étude à l’homme, et devrait être étudié plus en détail dans le futur afin de tenir compte de l’exposition à long terme de l’homme. Des études complémentaires sont requises pour confirmer que la génistéine et le 4-tert-octylphénol peuvent induire chez l’homme des effets sur les spermatozoïdes via une altération de la capacitation et de

membranes cellulaires. Il ressort de cette étude que le Roundup pourrait agir comme un perturbateur endocrinien, car il perturbe le niveau de testostérone dans les cellules testiculaires à des doses de 1-10 ppm. Une des originalités de cette étude est d’étudier simultanément divers composés (glyphosate et Roundup) afin de pouvoir évaluer les effets combinés de plusieurs xénobiotiques. La sensibilité générale des cellules testiculaires au Roundup, que ce soit par perturbation des caspases 3/7 ou par la dégradation de la membrane cellulaire, peut s’expliquer par une sensibilité combinée au glyphosate et aux adjuvants du Roundup ou par une sensibilité majeure à un des adjuvants. L’impact possible des adjuvants sur la toxicité totale d’un produit apparait dans cet article ; cela suggère que des effets peuvent ne pas être détectés en testant la toxicité chronique uniquement sur la substance active (ici le glyphosate) et non pas sur le produit (ici le Roundup). L’effet cytotoxique rapporté à des niveaux 10 fois inférieurs au plus faible niveau de dilution utilisé en agriculture pourrait être considéré lors de futures évaluations du risque de ce type d’herbicide. Des travaux précédents ont indiqué que certains effets du Roundup sont liés au POEA. Cet adjuvant pourrait donc être testé avec le modèle in vitro proposé dans cette étude afin d’évaluer ses effets et de mettre en évidence un éventuel impact combiné avec le glyphosate ou avec le glyphosate et les autres adjuvants du Roundup. La pertinence du modèle in vitro utilisé pour évaluer les effets sur le développement et la fonction reproductrice mâle mériterait un examen approfondi dépassant le cadre de cette note.

Des substances xénœstrogènes peuvent altérer le comportement des spermatozoïdes chez la sourisPark Y, Mohamed E, Kwon W, You Y, Ryu B, Pang M. Xenoestrogenic chemicals effectively alter sperm functional behavior in mice. Repro Tox. 2011 ; 32 : 418-424.

Résumé

La génistéine est un phyoestrogène pouvant interagir avec les récepteurs d’estrogène et ainsi induire une réponse biologique (Kuiper et al., 1997). L’exposition humaine à cette isoflavone a lieu principalement via la consommation de produits du soja. Il a été montré que la génistéine peut induire chez le rat des effets dans divers tissus sensibles aux estrogènes, et ceci à des doses comparables au niveau d’exposition de l’homme. Quelques études suggèrent aussi que la génistéine peut avoir un impact sur les spermatozoïdes (Delclos et al., 2001). Le 4-tert-octylphénol est pour sa part une substance industrielle présente à des niveaux d’exposition significatifs dans l’environnement. Il peut se fixer sur les récepteurs d’estrogène. Son effet sur les spermatozoïdes a été très peu évalué à ce jour (Mohamed et al., 2011). La présente étude de Park et al. (2011) étudie les effets estrogènes de la génistéine et du 4-tert-octylphénol, en caractérisant leurs impacts sur la capacitation (5) et la réaction acrosomique (6) des spermatozoïdes. Les résultats obtenus pour ces xénoestrogènes (7) sont alors comparés à ceux de deux hormones endogènes (l’estrogène et la progestérone) et de l’héparine. L’héparine,

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Possibles effets endocriniens de l’herbicide Roundup (glyphosate) et de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol – Pierre CRETTAZ

Lexique

(1) Xénobiotiques : les xénobiotiques sont des substances chimiques pouvant être toxiques pour l’organisme humain, y compris à de faibles concentrations d’exposition.

(2) Nécrose : la nécrose des cellules est leur mort causée par des enzymes spéciales. La cassure de la membrane plasmique qui en résulte conduit à la libération dans le milieu extérieur du contenu cytoplasmique. Contrairement à l’apoptose, la nécrose est habituellement accompagnée d’une réponse inflammatoire.

(3) Apoptose : l’apoptose ou mort programmée des cellules est le processus par lequel les cellules déclenchent leur auto-destruction en réponse à un signal. Cette mort cellulaire est physiologique, génétiquement programmée et absolument nécessaire à la survie des organismes multicellulaires. Elle est en équilibre constant avec la prolifération cellulaire. Contrairement à la nécrose, elle ne provoque pas d’inflammation.

(4) Caspases : les caspases sont un groupe de protéases à cystéine. Elles jouent un rôle central dans les phénomènes d’apoptose, de nécrose et d’inflammation.

(5) Capacitation : les spermatozoïdes doivent subir quelques modifications physiologiques avant de pouvoir pénétrer la membrane cellulaire de l’ovule. La capacitation est la première de ces modifications. Elle est accomplie par les spermatozoïdes durant l’ascension du tractus génital. Il s’agit d’un processus de maturation physiologique de la membrane des spermatozoïdes, condition préalable à l’étape suivante, la réaction acrosomique.

(6) Réaction acrosomique : la réaction acrosomique est une réaction caractérisée par la fusion des enveloppes externes de la tête du spermatozoïde (membrane plasmique et membrane acrosomique externe). Cette fusion aboutit à la fenestration puis à la disparition de ces membranes, libérant le contenu de l’acrosome et permettant la mise en contact direct de la membrane acrosomique interne avec la zone pellucide (structure entourant l’ovocyte). Le spermatozoïde doit donc modifier la structure de sa tête via la réaction acrosomique afin de pouvoir traverser la zone pellucide.

(7) Xénoestrogènes : les xénoestrogènes sont des substances chimiques étrangère à l’organisme humain et pouvant perturber la fonction hormonale de l’homme en agissant comme des estrogènes.

Publications de référence

Anway M, Memon M, Uzumcu M et al�. Transgenerational effect of the endocrine disruptor vinclozolin on male spermatogenesis. J Androl. 2006 ; 27 : 868–879.Dallegrave E, Mantese F, Oliveira R et al�. Pre- and postnatal toxicity of the commercial glyphosate formulation in Wistar rats. Arch Toxicol. 2007 ; 81 : 665-673.

la réaction acrosomique. Un autre modèle que la souris pourrait être utilisé dans une étude future, car les estrogènes se fixent chez l’homme aux récepteurs ERα et ERβ qui sont absents des spermatozoïdes de la souris. Finalement, le modèle in vitro proposé devrait encore être testé sur d’autres xénoestrogènes afin d’évaluer s’il représente un modèle fiable et pertinent pour mettre en évidence les effets physiologiques des composés xénoestrogéniques sur les fonctions spermatiques. Les effets observés à ce stade pour la génistéine et le 4-tert-octylphénol n’apparaissent que secondaires, et doivent être interprétés au regard des résultats obtenus dans les mêmes conditions pour des stéroïdes connus.

Conclusion générale

Deux études in vitro étudiant les effets sanitaires possibles des perturbateurs endocriniens ont été présentées dans cette note� La première étude a porté sur les effets possibles de l’herbicide Roundup et de sa substance active, le glyphosate, sur les cellules testiculaires du rat� Elle a fait apparaître que les effets différents du Roundup sur les différentes cellules testiculaires pourraient s’expliquer par la différence de leurs membranes cellulaires� Il ressort de cette étude que le Roundup pourrait agir comme un perturbateur endocrinien en perturbant le niveau de testostérone dans les cellules testiculaires� Il faut souligner l’importance de la co-exposition au glyphosate et aux adjuvants, et donc des synergies possible avec le produit Roundup� Dans cette perspective, l’adjuvant POEA pourrait être testé avec le modèle in vitro proposé afin d’évaluer ses effets et de mettre en évidence un éventuel impact combiné avec le glyphosate et/ou avec les autres adjuvants du Roundup� La seconde étude in vitro a étudié chez la souris l’impact de deux substances xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol, sur les modifications physiologiques que doivent subir les spermatozoïdes avant de pouvoir pénétrer la membrane cellulaire de l’ovule� Cette étude a fait apparaître que l’exposition pendant 30 minutes à la génistéine peut entrainer une stimulation significative de la réaction acrosomique des spermatozoïdes, alors que l’effet principal du 4-tert-octylphénol est une augmentation de la réaction acrosomique des spermatozoïdes à la plus haute dose testée après une exposition pendant 15 minutes� Le facteur « durée d’exposition » devrait être étudié plus en détail dans le futur afin de tenir compte de l’exposition à long terme de l’homme� Les conclusions de ces deux études nécessitent d’être vérifiées dans d’autres études et sur d’autres modèles avant de pouvoir conclure� Un grand travail reste donc à accomplir dans les années à venir pour mieux évaluer les risques liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens, en particulier à de faibles doses d’exposition�

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Possibles effets endocriniens de l’herbicide Roundup (glyphosate) et de deux xénoestrogènes, la génistéine et le 4-tert-octylphénol – Pierre CRETTAZ

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Acrosome reaction, Endocrine disruptor, Spermatozoon, Testicular cells, Testosterone.

Delclos K, Bucci T, Lomax L et al�. Effects of dietary genistein exposure during development on male and female CD (Sprague-Dawley) rats. Reprod Toxicol. 2001 ; 15 : 647-663.Kuiper G, Carlsson B, Grandien K et al�. Comparison of the ligand binding specificity and transcript tissue distribution of estrogen receptors alpha and beta. Endoc. 1997 ; 138 : 863-870.Mohamed E, Park Y, Song W et al�. Xenoestrogenic compounds promote capacitation and an acrosome reaction in porcine sperm. Theriogenology. 2011 ; 75 : 1161-1169.Richard S, Moslemi S, Sipahutar H et al�. Differential effects of glyphosate and roundup on human placental cells and aromatase. Environ Health Perspect. 2005 ; 113 : 716-720.

Revues de la littérature

Fowler P, Bellingham M, Sinclair K et al�. Impact of endocrine-disrupting compounds (EDCs) on female reproductive health. Mol Cell Endocrinol. 2011. Sous presse.Schug T, Janesick A, Blumberg B et al�. Endocrine disrupting chemicals and disease susceptibility. J Steroid Biochem Mol Biol. 2011 ; 127 : 204-215.

Autres publications identifiées

Gore A, Walker D, Zama A et al�. Early life exposure to endocrine-disrupting chemicals causes lifelong molecular reprogramming of the hypothalamus and premature reproductive aging. Mol Endocrinol. 2011 ; 25 : 2157-2168.Cette étude s’intéresse à l’exposition lors de la phase gestationnelle au méthoxychlore, et à la perturbation endocrinienne qui peut en découler sur le système reproductif féminin à l’âge adulte. Pour ce faire, un modèle in vivo a été retenu et l’expression de certains gènes a été caractérisée. Il apparait que l’exposition in utero peut avoir des effets à long terme sur l’expression des gènes. Dickerson E, Sathyapalan T, Knight R et al�. Endocrine disruptor & nutritional effects of heavy metals in ovarian hyperstimulation. J Assist Reprod Genet. 2011 ; 28 : 1223-1228.Cet article traite des effets endocriniens de métaux lourds comme le mercure, le zinc et le sélénium. Le niveau d’exposition à ces métaux a été mesuré dans les cheveux de 30 femmes. Les résultats obtenus suggèrent que le mercure a un effet néfaste sur la réponse ovarienne à la thérapie de fertilisation in vitro. Carbone S, Samaniego YA, Cutrera R et al�. Different effects by sex on hypothalamic-pituitary axis of prepubertal offspring rats produced by in utero and lactational exposure to di-(2-ethylhexyl) phthalate (DEHP). Neurotoxicology. 2011 ; 33 : 78-84. Cette étude examine l’effet sur les paramètres neuroendocriniens d’une exposition pré et périnatale au DEHP chez le rat. Elle fournit de nouvelles données sur les changements produits par le DEHP sur les neurotransmetteurs impliqués dans la régulation neuroendocrinienne.

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L’exposition aux perfluorés et le risque de cancer du sein chez des populations inuites du Groenland : étude cas témoinBonefeld-Jorgensen EC, Long M, Ayotte P, Asmund G, Krüger T, Krüger M, Ghisari M, Mulvad, Kern P, Nzulumiki P, DeWailly E. Perfluorinated compounds are related to breast cancer risk in greenlandic inuit: A case control study. Environ Health 2011 ; 10 : 1-16.

Résumé

L’objectif de cette étude épidémiologique sur le cancer du sein était de rechercher une association entre les concentrations de POPs (4) sériques en lien avec des effets observés impliquant les récepteurs à œstrogènes ER (5), à androgènes AR (6) et les récepteurs AhR (7) d’une population de femmes inuites du Groenland. Pour ce faire, Bonefeld-Jorgensen et al. (2011) ont conduit une étude cas/témoin, en comparant 31 cas de cancer du sein à 115 témoins appariés pour l’âge et l’origine géographique. Des prélèvements ont été effectués pour chacun des sujets au moment de l’inclusion dans l’étude, ou au moment du diagnostic pour les cas, entre 2000 et 2003. Les indicateurs mesurés dans le sérum des participantes étaient 12 congénères de polychlorobiphényles

(PCBs (8)), 8 pesticides organochlorés (OCPs (9): produits inchangés et/ou métabolites) et 10 PFCs dont (PFHpA (10), PFOA, PFNA (11), PFDA (12), PFUnA (13), PFDoA (14), PFTrA (15), PFHxS (16), PFOS, PFOSA (17)), les acides gras, la cotinine et l’œstradiol. La concentration de cinq métaux (sélénium, zinc, plomb, mercure et cadmium) a aussi été mesurée dans le sang total. De plus, les auteurs ont mesuré l’activité combinée des POPs sériques sur les ER, AR et AhR. Une analyse statistique (t-test et modèle de régression logistique), a montré que le groupe cancer du sein et le groupe témoin étaient comparables du point de vue de l’âge, de la consommation de produits de la mer, de l’IMC (18), du tabagisme et de l’histoire gynéco-obstétricale ; ils différaient pour le tabagisme au moment de l’étude (plus faible chez les cas) et les grossesses à terme (moindres chez les cas). Les concentrations sériques de PFCs étaient significativement plus élevées chez les cas de cancer et cette différence persistait après ajustement pour l’âge, l’IMC, le nombre de grossesses et le tabagisme au moment de l’étude (exprimé en concentration sérique de cotinine). Cette différence était observable pour le PFOA, PFOS, la somme des acides perfluorocarboxyliques, ainsi que celle des concentrations de PFOSA et PFHxS. Les concentrations moyennes en PCBs étaient

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Associations épidémiologiques entre composés perfluorés et effets sanitaires : de nouvelles observationsPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Claude EMOND* et Pascale KRZYWKOWSKI**

* Université de Montréal – Département de santé environnementale et santé au travail – Montréal

** Université du Québec à Montréal – GRETESS : Groupe de recherche sur la Gouvernance, les Risques, l’Environnement, les Technosciences, la Santé et la Société – Montréal

Mots clés : Acide urique, Cancer du sein, Épidémiologie, Perfluorés, PFOA, PFOS, Sang

Les composés perfluorés (PFCs (1)), tels que le PFOA (2) et le PFOS (3), sont utilisés depuis plus de 50 ans dans une grande variété de produits domestiques et industriels. Ils sont détectés dans le sang humain de toutes les populations du monde (Eriksen et al., 2011). Leur durée de vie s’échelonne de plusieurs années à plusieurs décennies et certains sont bioaccumulables. Ces caractéristiques peuvent donc conduire à leur accumulation dans l’environnement à des concentrations reconnues comme toxiques. Les PFCs sont de fabrication anthropique, et non de formation naturelle. Chez des animaux de laboratoire, le PFOA et le PFOS sont suspectés notamment d’avoir des activités cancérogènes. Par exemple, certains PFCs ont induit des tumeurs hépatiques, pancréatiques, mammaires et testiculaires (Klaunig, Hocevar et Kamendulis, 2011). Les PFCs sont aussi associés à divers effets sur la fertilité et le développement. Des effets de perturbation endocrinienne sont rapportés in vitro et in vivo. Mais plusieurs questions cruciales subsistent (aspects d’exposition multiples, fenêtres de sensibilité, bioaccumulation, bioamplification et de synergie entre composés) et surtout la possibilité d’extrapolation des effets observés de l’animal à l’espèce humaine. À cet égard, les études épidémiologiques sont importantes pour mettre en évidence des associations potentielles entre les niveaux de contaminants et certains effets délétères. Plusieurs études épidémiologiques récentes avaient pour objectif de combler certaines lacunes dans la connaissance sur les PFCs, dont les deux articles résumés ci-dessous. Dans le cadre de cette veille, notre intérêt a porté sur une étude démontrant un lien entre la concentration sériques en PFCs et le cancer du sein. À notre connaissance et selon les auteurs, c’est la première fois qu’une association entre ce type de cancer et l’exposition aux PFCs est mise en évidence dans l’espèce humaine. Le second article a révélé un autre type d’association positive entre les taux de PFCs et d’acide urique, biomarqueur de plusieurs pathologies.

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d’exposition des populations en les suivant tout au long de leur vie (études dites longitudinales), on a recours à une méthodologie pharmacocinétique nommée modélisation pharmacocinétique à base physiologique. Ce type de modèle, aussi cité par les auteurs du présent article, a la particularité de pouvoir prédire des concentrations sanguine ou tissulaire durant la vie entière de la personne ou de la population exposée.

L’exposition aux perfluoroalkyles et l’élévation sérique d’acide urique chez la population adulte américaineShankar A, Xiao J, Ducatman A. Perfluoroalkyl chemicals and elevated serum uric acid in US adults. Clin Epidemiol. 2011 ; 3 : 251-258.

Résumé

Le taux sérique d’acide urique sert de biomarqueur car son augmentation, même faible, peut être associée au développement de divers effets pathologiques, tels que l’hypertension artérielle, le diabète sucré, des maladies cardiovasculaires ou encore de maladies rénales chroniques. La présente étude avait pour objectif de rechercher une association entre les concentrations sériques de PFOA et de PFOS et celle de l’acide urique dans un échantillon de la population américaine adulte. Le PFOA et le PFOS sont présents dans le sang de 98 % des Américains (Calafat et al., 2007). Un total de 3 883 adultes issus des cohortes 1999-2000, 2003-2004 et 2005-2006 de NHANES (20) a été étudié. Chez tous ces participants, les concentrations sériques de composés de PFOA, PFOS et d’acide urique ont été mesurées et des associations ont été recherchées. En utilisant différents modèles statistiques, les auteurs ont évalué l’impact de divers facteurs confondants. Une association positive entre les concentrations de PFOA et de PFOS et l’uricémie a été observée. Cette association est indépendante des facteurs confondants comme l’âge, le genre, l’appartenance ethnique, l’IMC, les risques d’hypertension, de diabète et le taux de cholestérol sérique. La même association a été observée dans un sous-groupe d’individus souffrant d’hyperuricémie (définie comme une concentration sérique en acide urique supérieure à 68 mg/L chez un homme et à 60 mg/L chez une femme). Chez ces derniers, en comparant le quartile 1 (la référence) avec le quartile 4, l’analyse multivariée montre un indice de rapport de cotes (odds ratio) d’hyperuricémie de 1,97 (IC95 %

(21) = [1,44 ; 2,70]) pour le PFOA et de 1,48 (IC95 % = [0,99 ; 2,22]) pour le PFOS. Exprimé différemment, en comparant le 4e quartile au premier, après ajustement pour les facteurs de confusion, l’augmentation de l’uricémie est de 2,2 mg/L (IC95 % = [1,5 ; 3,0]) pour le PFOA et de 2,7 mg/L (IC95 % = [1,3 ; 4,1]) pour le PFOS. Selon les auteurs, ces résultats démontrent que plus les niveaux de PFCs sont élevés dans le sérum d’adultes de la population générale américaine, plus on observe une augmentation de l’uricémie et du risque d’hyperuricémie.

Commentaire

Cette publication met en évidence une association de l’acide urique et des niveaux sériques de deux contaminants, le PFOA

comparables dans les deux groupes pour les trois premiers quartiles. Cependant, le 4e quartile (concentration moyenne en PCBs > 2 645 μg/kg lipide) était significativement supérieur pour le groupe cancer du sein comparé au groupe contrôle. Les auteurs n’ont pas observé d’association liée au risque de cancer du sein entre les concentrations sériques d’OCPs ou les concentrations de métaux, à l’exception du zinc, plus élevées chez les cas. Les paramètres démographiques, les habitudes de vie et les paramètres classiques liés à la reproduction et de fécondité ne variaient pas non plus en fonction des niveaux de PFCs. En ajustant les données en fonction des facteurs confondants, les auteurs ont comparé les niveaux sériques de contaminants et l’activité œstrogénique, androgénique et celle des AhR. L’activité xéno-œstrogénique du sérum ne différait pas chez les cas par rapport aux témoins. De même, l’équivalent toxique AhR n’était pas significativement différent dans les deux groupes. Néanmoins, l’activité xéno-androgénique était significativement augmentée chez les cas. Les auteurs concluent que certains POPs, et plus particulièrement les PFCs, sont susceptibles d’être des facteurs de risques dans le développement du cancer du sein chez la population inuite étudiée. Les auteurs soulignent qu’il s’agit de la première étude à démontrer une association entre les niveaux sériques de PFCs et le cancer du sein dans cette population pour laquelle le risque de cancer du sein était faible jusqu’au début des années 1970.

Commentaire

Les auteurs ont identifié une association positive entre les concentrations sériques de PFCs et le risque de cancer du sein dans une population de femmes inuites. Le cancer du sein prend plusieurs années à se développer à partir de l’initiation. L’hypothèse de l’implication des contaminants de l’environnement et d’une exposition en bas âge dans l’initiation du cancer est soutenue par de nombreuses observations. Notamment, la relation entre cancer du sein et POPs est vraisemblable et documentée. Des études in vivo chez la souris ont montré un retard de la maturation des glandes mammaires chez des souris exposés in utero au PFOA (Hines et al., 2009), paramètre reconnu comme influençant le développement de tumeurs mammaires (White et al., 2011). Ici, les auteurs apportent une autre observation de cette relation entre contaminants et cancer du sein. Comme les POPs sont pour la majorité des composés persistants dans les tissus biologiques, des études épidémiologiques transversales comme celle-ci nous donnent un indice de la charge corporelle d’une population en contaminants et de l’intensité de l’exposition. Cependant, le scénario d’exposition pour arriver à cette charge corporelle nous est totalement inconnu. C’est pourquoi la connaissance des FS (19) – périodes durant lesquelles la concentration donnant lieu à un effet délétère peut être inférieure à la charge corporelle mesurée chez une population au moment de la maladie – est essentielle, particulièrement lorsque, comme pour le cancer du sein, la pathologie connaît une longue période de latence. Dans ce cas précis, connaître la variation de l’exposition sur la vie entière pourrait nous aider à comprendre l’origine temporelle de ce cancer. Pour pallier à la difficulté de connaître le profil

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Agents chimiques

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le mode d’action de ces composés reste à être analysé plus en détail.

Conclusion générale

Les deux publications présentées dans le cadre de cette veille soulignent deux préoccupations liées à la présence des PFCs dans les tissus biologiques� D’abord, dans la première publication, on identifie une association entre les PFCs sériques et le cancer du sein� Même si le nombre de cas diagnostiqués est limité (n = 31), cette observation est sous-tendue par plusieurs données obtenues chez les rongeurs dans lesquelles ces associations sont démontrées, mais dont les mécanismes restent à élucider� L’étude de ces derniers a été retardée car les PFCs sont des agonistes de PPAR, dont l’implication dans l’initiation de tumeurs dans l’espèce humaine est moindre que chez les rongeurs� Toutefois, d’autres mécanismes d’action peuvent expliquer les effets toxiques des PFCs comme cette étude le montre� Dans la seconde publication, les auteurs mettent en évidence une association entre l’augmentation d’acide urique dans le sang et la concentration de PFCs� Cependant, on a noté la présence d’imprécisions dans la sélection des facteurs de confusion� Tel que mentionné dans cette veille, l’acide urique sérique varie dans un grand nombre de pathologies� D’autres auteurs ont aussi obtenu des résultats similaires, à des niveaux d’exposition plus importants ce qui augmente le niveau de confiance dans cette association� Ces observations importantes auront néanmoins besoin d’être confirmées�

Lexique

(1) PFCs : composés perfluorés.(2) PFOA : acide perfluorooctanoïque.(3) PFOS : perfluorooctane sulfonate.(4) POPs : polluants organiques persistants.(5) ER : récepteurs à œstrogènes.(6) AR : récepteurs à androgènes.(7) AhR : aryl hydrocarbure receptor.(8) PCBs : polychlorobiphényles.(9) OCP : pesticides organochlorés.(10) PFHpA : acides perfluoroheptanoïque.(11) PFNA : acide perfluorononanoïque.(12) PFDA : acide perfluorodécanoïque.(13) PFUnA : acide perfluoroundécanoïque.(14) PFDoA : acide perfluorododécanoïque.(15) PFTrA : acide perflouorotridécanoïque.(16) PFHxS : perfluorohexanesulfonate.(17) PFOSA : acide perfluorooctanesulfonamide.(18) IMC : indice de masse corporelle.(19) FS : fenêtre de sensibilité.(20) NHANES : National Health and Nutrition Examination Survey(21) IC : intervalle de confiance.

et le PFOS. La présence PFOA et le PFOS dans le sang a été démontrée dans la majorité des populations analysées et de nombreux écosystèmes (Kannan et al., 2004). Une observation similaire à celles de cette publication a été faite dans des cohortes de travailleurs et un échantillon de population générale exposé à de fortes concentrations de PFOA (Steenland et al., 2010). Toutefois, la demi-vie de plusieurs années des PFCs dans le sang rend d’autant plus importante l’analyse d’exposition chronique à de faibles doses de composés susceptibles de s’accumuler, liés aux protéines plasmatiques notamment. Les auteurs de cette présente publication ont considéré plusieurs facteurs confondants dans le modèle multivarié, notamment l’âge, le genre, la race, le niveau d’éducation, la consommation d’alcool, l’IMC, le diabète et l’hypertension. L’association entre les taux sériques d’acide urique et de PFCs demeure après ajustement, ce qui renforce l’observation, malgré l’oubli de la prise en compte d’un autre facteur confondant potentiel, la plombémie (Chanel et al., 1999). L’acide urique est un biomarqueur de plusieurs pathologies pouvant expliquer les changements de l’uricémie. En revanche, une augmentation de l’uricémie peut aussi engendrer certaines pathologies. Les facteurs de confusion considérés dans un modèle multivarié peuvent alors résulter en un surajustement de l’association mise en cause, entraînant une perte de l’association recherchée. Il faut donc être prudent quant à l’utilisation de l’acide urique comme biomarqueur spécifique de l’exposition au PFOA et au PFOS, puisqu’il est à la fois facteur de risque et conséquence des variations de l’uricémie. Une des limites de l’étude est de ne pas avoir tenu compte de plusieurs de ces facteurs de confusion comme des problèmes rénaux (diminution de la filtration glomérulaire ou tubulaire, ou une augmentation de la réabsorption tubulaire), des pathologies cardiaques, la goutte, des déficiences génétiques ou encore reliés aux habitudes de vie comme l’exposition chimique ou encore forte consommation de viande grasse, d’alcool et de charcuterie. Une autre faiblesse identifiée de cette publication est de ne pas avoir fourni le détail des concentrations de contaminants ni de l’acide urique, mais seulement l’augmentation proportionnelle de l’uricémie par quartile de PFCs. Étant donné qu’il existe certains chevauchements des IC entre les quartiles, il aurait été intéressant de décrire les distributions des valeurs brutes de chaque groupe pour mieux illustrer la pertinence de l’association observée. De plus, les auteurs ont omis de discuter de l’apparente association plus forte du PFOA comparé au PFOS avec l’uricémie et l’hyperuricémie, d’autant plus que la concentration sérique de PFOS est généralement plus élevée dans les populations d’Amérique du Nord. Alors que les valeurs d’uricémie et d’hyperuricémie augmentent graduellement avec les niveaux de PFOA, la variation de l’uricémie semble plus liée à la présence de PFOS qu’aux niveaux spécifiques du composé. Il en est de même pour l’hyperuricémie. L’association rapportée pourrait s’expliquer par les modes d’action décrits pour les PFCs, telle que, chez le rat, une inhibition des transporteurs d’anions organiques de type 2 et 3 dans le rein pour le PFOA (Kudo et al., 2002), et une inhibition réversible par le PFOS de la communication à travers les jonctions intercellulaires de cellules de rein (Hu et al., 2002). L’association apparaît plus solide pour le PFOA que pour le PFOS. Toutefois,

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Associations épidémiologiques entre composés perfluorés et effets sanitaires : de nouvelles observationsClaude EMOND et Pascale KRZYWKOWSKI

Revues de la littérature

Kerger BD, Copeland TL, DeCaprio AP. Tenuous dose-response correlations for common disease states: case study of cholesterol and perfluorooctanoate/sulfonate (PFOA/PFOS) in the C8 Health Project. Drug Chem Toxicol. 2011 ; 34 : 396-404.White SS, Fenton SE, Hines EP. Endocrine disrupting properties of perfluorooctanoic acid. J Steroid Biochem 2011 ; 127: 16-26.

Autres publications identifiées

Harada KH, Hitomi T, Niisoe T, Takanaka K, Kamiyama S, Watanabe T, Moon CS, Yang HR, Hung NN, Koizumi A. Odd-numbered perfluorocarboxylates predominate over perfluorooctanoic acid in serum samples from Japan, Korea and Vietnam. Environ Int. 2011 ; 37 : 1183-1189.Cette publication analyse les concentrations sanguines dans des échantillons de population de trois pays d’Asie : le Japon, la Corée et le Vietnam. Les auteurs ont comparé plusieurs périodes afin d’en estimer les variations temporelles. Les concentrations de PFOA sont comparables aux valeurs américaines et à celles des Inuites du Groenland. Le plus intéressant dans cet article réside dans les observations de la proportion de PFCs à longues chaînes carbonées comparées à celle rapportée par les pays de l’ouest. Compte tenu de la toxicité et de la bioaccumulation différente pour ces PFCs à longues chaînes, les auteurs soulignent l’importance d’étudier leur cinétique et leurs variations temporelles dans le sang chez l’humain. Cette publication n’a pas été retenue, car il ne s’agissait pas d’une relation dose effet, mais d’une mesure d’exposition.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Perfluorinated, Perfluorinated, Perfluorooctane acid, Perfluorooctane sulfonate, PFOA, PFOS.

Publications de référence

Calafat AM, Wong LY, Kuklenyik Z et al�. Polyfluoroalkyl chemicals in the U.S. population: data from the National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) 2003-2004 and comparisons with NHANES 1999-2000. Environ Health Persp. 2007 ; 115 : 1596-1602.Chanel O, Dollfus C, Haguenoer JM et al�. INSERM : Plomb dans l’environnement : quels risques pour la santé ? chapitre 2 : données biologiques et cliniques, 209 p. lara.inist.fr. 1999 ; (accédé le 14-02-2012)Eriksen KT, Sorensen M, McLaughlin J et al�. Determinants of plasma PFOA and PFOS levels among 652 Danish men. Environ Sci Technol. 2011 ; 45 : 8137-8143Gray J, Nudelman M A, Engel C. State of the Evidence: The connection between the environment and breast cancer. Sixth edition, Breast Cancer Fund/www.breastcancerfund.org 2010 ; rapport.Hines EP, White SS, Stanko JP et al�. Phenotypic dichotomy following developmental exposure to perfluorooctanoic acid (PFOA) in female CD-1 mice: Low doses induce elevated serum leptin and insulin, and overweight in mid-life. Mol Cell Endocrinol. 2009 ; 304 : 97-105.Hu W, Jones PD, Upham B et al�. Inhibition of gap junctional intercellular communication by perfluorinated compounds in rat liver and dolphin kidney epithelial cell lines in vitro and Sprague-Dawley rats in vivo.Toxicol Sci. 2002 ; 68 : 429-436Kannan K, Corsolini S, Falandysz J et al�. Perfluorooctanesulfonate and related fluorochemicals in human blood from several countries. Environ Sci Technol. 2004 ; 38 : 4489-4495.Klaunig JE, Hocevar BA, Kamendulis LM. Mode of Action analysis of perfluorooctanoic acid (PFOA) tumorigenicity and Human Relevance. Reprod Toxicol. 2011 ; 10.1021/es100626h [doi]Kudo N, Katakura M, Sato Y et al�. Sex hormone-regulated renal transport of perfluorooctanoic acid. 2002. Chem Biol Interact ; 139 : 301-316.Rudel RA, Fenton SE, Ackerman JM et al�. Environmental exposures and mammary gland development: state of the science, public health implications, and research recommendations. Environ Health Persp. 2011 ; 119: 1053-1061.Steenland K, Tinker S, Shankar A et al�. Association of Perfluorooctanoic Acid (PFOA) and Perfluorooctane Sulfonate (PFOS) with Uric Acid among Adults with Elevated Community Exposure to PFOA. Environ Health Persp 2010 ; 118 : 229–233.White SS, Stanko JP, Kato K et al�. Gestational and chronic low-dose PFOA exposures and mammary gland growth and differentiation in three generations of CD-1 mice. Environ Health Persp. 2011 ; 119: 1070-1076.

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Agents chimiques

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Effets du bisphénol A et du triclocarban sur l’expression spécifique de l’aromatase dans le cerveau de très jeunes embryons de poisson zèbreChung E, Genco MC, Megrelis L, Ruderman JV. Effects of bisphenol A and triclocarban on brain-specific expression of aromatase in early-fish embryos. Proc Natl Acad Sci. 108 ; 43 : 17732-17737.

Résumé

Les œstrogènes sont impliqués dans la régulation de nombreux processus physiologiques et développementaux. La plupart de leurs effets sont dépendants de récepteurs œstrogéniques qui fonctionnent comme des facteurs de transcripteurs régulés par ligands. À côté des œstrogènes endogènes, de nombreux contaminants environnementaux sont capables d’activer ces récepteurs œstrogéniques. Ces xéno-œstrogènes ont donc la capacité d’interférer avec le développement, le comportement et les capacités reproductives de nombreuses espèces vivantes.

L’occurrence croissante des perturbations endocriniennes en résultant est une source de préoccupations de plus en plus vives en matière de santé publique et de protection de la vie sauvage.L’étude a pour objectif d’élucider comment deux substances connues pour leurs activités œstrogéniques et communes dans l’environnement – le bisphénol A et le triclocarban – affectent l’expression in vivo du gène de l’aromatase B dans le cerveau de lots de 30 embryons de poisson zèbre. L’aromatase B est une enzyme qui convertit les androgènes en œstrogènes et le gène de cette enzyme est une cible connue des œstrogènes endogènes. Le bisphénol A est connu depuis très longtemps pour ces propriétés œstrogéniques, il est très largement utilisé comme monomère par l’industrie des matières plastiques. Le triclocarban possède des propriétés antifongiques et antibactériennes qui font qu’il est présent dans de nombreux produits d’hygiène et de soins corporels. Les deux substances sont très répandues dans l’environnement et on les trouve notamment dans les boues de stations d’épuration et dans les milieux aquatiques.

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Imprévisibles interactions entre contaminants. Les modèles d’additivité sont loin d’être toujours validesPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Pierre-Marie BADOT

Université de Franche-Comté, CNRS – UMR 6249 Chrono-environnement – Besançon

Mots clés : Co-exposition, Évaluation des risques, Interactions, Modèles d’additivité, Multi-contamination, Toxicité des mélanges

De très nombreuses substances chimiques présentes dans l’environnement sont toxiques pour l’homme et d’autres organismes vivants. Un corpus considérable de connaissances a été réuni afin de décrire et de caractériser les effets délétères des expositions à ces substances toxiques. Ces informations sont utilisées pour évaluer les dangers et elles constituent la base des textes réglementaires qui permettent de gérer les risques liés à la toxicité et à l’écotoxicité des substances chimiques.Cependant, la plupart des données toxicologiques et écotoxicologiques disponibles dans la littérature portent sur les effets de substances agissant isolément alors que dans le monde réel les organismes sont fréquemment exposés à de multiples substances agissant de manière concomitante. La multiplicité des combinaisons possibles de contaminants, la diversité des conditions d’exposition, la variété des organismes exposés interdisent toute approche exhaustive visant à une évaluation expérimentale de la toxicité des substances en co-exposition (1). Dans ce contexte, les effets toxiques des mélanges de contaminants sont usuellement prédits à partir de modèles de référence basés sur les informations obtenues sur les substances agissant isolément et dont les effets ont été évalués indépendamment. Ainsi, les modèles d’addition des concentrations (2) et d’indépendance d’action (3) sont les plus utilisés et de nombreux travaux ont montré leur utilité lorsqu’il s’agit de disposer d’une première évaluation a priori de la toxicité des mélanges. Cependant, de nombreux cas d’interactions entre substances toxiques ont été décrits dans la littérature et l’on estime entre 20 et 40 % (Jonker et al., 2004) la part des cas où des synergies (4) ou des antagonismes (5) entre contaminants sont observés. Dans de telles situations, les modèles usuels ne prédisent pas correctement la toxicité réelle des mélanges. De nombreux travaux sont conduits actuellement pour combler les lacunes de l’évaluation a priori de la toxicité des mélanges. De nouvelles voies de modélisation mathématique sont en développement, mais l’un des plus grands challenges reste celui de prédire l’existence des interactions entre contaminants et de comprendre les mécanismes d’action à la base de ces interactions. Les nouveaux outils de la biologique cellulaire et moléculaire et notamment les approches génomiques, transcriptomiques et métabolomiques laissent entrevoir de prometteuses perspectives pour, d’une part, mieux comprendre et prévoir les interactions susceptibles d’exister entre substances toxiques induisant ou non des effets analogues et, d’autre part, mieux évaluer leur toxicité cumulée.

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Imprévisibles interactions entre contaminants� Les modèles d’additivité sont loin d’être toujours validesPierre-Marie BADOT

prise en compte appropriée de ces interactions dans la gestion des risques et la législation. Il faut aussi remarquer que les concentrations utilisées dans ces expériences sont supérieures d’un à plusieurs ordres de grandeur à celles usuellement rencontrées dans l’environnement. Dans le cas présent, l’interaction mise en évidence entre les deux contaminants tend à réduire la toxicité réelle du mélange, qui en tout état de cause est inférieure à celles prédites par les modèles d’additivité classiques.

Évaluation transcriptomique des interactions pesticide/métal lourd chez les bivalvesDondero F, Banni M, Negri A, Boatti L, Dagnino A, Viarengo A. Interactions of a pesticide/heavy metal mixture in marine bivalves : a transcriptomic assessment. BMC Genomics. 2011, 12 :195 (Open Access)

Résumé

Les mélanges de substances chimiques toxiques présentes dans l’environnement marin exercent sur les organismes des effets conjoints, qui peuvent être additifs, synergiques ou antagonistes. L’étude a pour objectif de rechercher dans des modifications toxicocinétiques9 et toxicodynamiques10 l’origine des différences enregistrées entre les données de toxicité expérimentales obtenues sur un mélange et les prévisions issues des modèles d’additivité utilisant les données de toxicité recueillies après exposition aux substances agissant isolément. Pour cela, une approche de toxicologie des systèmes a été conduite en exposant des moules à des mélanges binaires de nickel et de chlorpyrifos et en observant les conséquences en matière de profilage haut débit (11) de l’expression génique, de génomique fonctionnelle (12), de biomarqueurs de stress et de toxicocinétique. Les biomarqueurs cellulaires et tissulaires tels que la stabilité des membranes lysosomiales de la glande digestive, le ratio entre volume lysosomial et volume cellulaire, le contenu en lipides neutres, ou l’activité acétylcholinestérase dans les branchies sont altérés tant par le nickel que par le chlorpyrifos. Cependant l’action conjointe des deux polluants se traduit par une réduction du syndrome de stress : les tests réalisés à l’aide de cette batterie d’indicateurs physiologiques montrent que les animaux exposés aux mélanges de polluants présentent un meilleur état de santé que ceux exposés aux substances isolées. L’étude montre aussi que l’atténuation de la toxicité qui est observée dans les mélanges n’est pas liée à des différences toxicocinétiques. Au contraire, le profilage haut débit de l’expression génique et une analyse de génomique fonctionnelle basée sur l’ontologie des gènes montrent que cette diminution de la toxicité est sans doute liée à des réponses toxicodynamiques spécifiques. Le nickel et le chlorpyrifos élicitent des réponses biologiques similaires, mais génèrent des empreintes moléculaires distinctes qui conduisent à des différences dans les profils de transcription. L’exposition au nickel, métal qui est connu pour ses propriétés cancérogènes liées aux dommages oxydatifs qu’il cause sur les molécules d’acides nucléiques, permet d’identifier 135 gènes exprimés différentiellement, dont les transcrits sont impliqués dans le

Les résultats de l’étude montrent que, d’une part le bisphénol A, lorsqu’il agit de manière isolée, provoque une forte surexpression des ARN codant pour l’aromatase B et que d’autre part ceci se produit exclusivement dans le télencéphale, l’hypothalamus et les aires pré-optiques qui sont les régions cérébrales où sont présents les récepteurs œstrogéniques et où sont produits les œstrogènes endogènes. Le triclocarban n’a, quant à lui, qu’un effet modéré sur l’expression de l’aromatase lorsqu’il est seul, mais il stimule fortement la surexpression induite par les œstrogènes produits par l’embryon. Les deux substances bisphénol A et triclocarban, considérées isolément, ont donc le potentiel d’élever les niveaux de l’aromatase B dans le cerveau et par voie de conséquence d’y augmenter les quantités d’œstrogènes endogènes. L’étude montre surtout que contrairement à ce qui pouvait être attendu, le triclocarban ne stimule pas la surexpression de l’aromatase B induite par le bisphénol A et au contraire tend à l’inhiber. Ce résultat montre que l’incidence d’un mélange même simple de polluants présentant une activité hormonale – les deux substances sont considérées toutes deux comme des xéno-œstrogènes – ne peut être prédite en l’état actuel des connaissances à partir des effets individuels de chaque substance.

Commentaire

L’approche biologique intégrée – alliant expression génique, hybridation in situ, toxicologie - qui est mise en œuvre dans ce travail a permis de confirmer plusieurs résultats antérieurs et d’obtenir des informations originales concernant certains des processus impliqués dans les mécanismes d’action du bisphénol A et du triclocarban sur la régulation œstrogénique : alors que le bisphénol A induit une surexpression des ARN codant pour l’aromatase B, le triclocarban n’a qu’un faible effet sur l’aromatase lorsqu’il est seul, mais est capable de stimuler la surexpression induite par les œstrogènes produits par l’embryon. En l’état, les auteurs ne proposent toutefois pas d’explication mécanistique à l’effet du triclocarban. Une meilleure compréhension des phénomènes sous-jacents permettrait vraisemblablement de mieux prendre en compte les éventuelles interactions susceptibles d’exister entre différents types de xéno-œstrogènes dans l’évaluation de leur toxicité combinée. Il serait notamment intéressant de mieux apprécier quelle est la nature exacte des interactions entre le triclocarban et les autres substances impliquées (œstrogènes endogènes et bisphénol A) : potentialisation (6), inhibition (7), masquage (8), synergie ou antagonisme.Cependant, cette étude à l’instar d’un nombre croissant d’autres travaux, confirme que lorsque les informations de nature biologique sur les mécanismes d’action des contaminants sont parcellaires, et que les données sur leurs possibles interactions sont inexistantes, il n’est pas possible de prédire avec une fiabilité suffisante leur toxicité conjointe. Sur un plan pratique, il est donc indispensable dans de tels cas d’envisager la possibilité que de telles interactions modulent positivement ou négativement les effets toxiques. Bien souvent, seule l’étude de la toxicité des mélanges réels permet alors la

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Imprévisibles interactions entre contaminants� Les modèles d’additivité sont loin d’être toujours validesPierre-Marie BADOT

Lexique

(1) Co-exposition : exposition conjointe à plusieurs contaminants environnementaux.

(2) Addition des concentrations : lorsque les substances en co-exposition ont le même mécanisme d’action, il est possible d’évaluer leur toxicité conjointe en additionnant leurs concentrations exprimées en équivalents toxiques.

(3) Indépendance d’actions : lorsque des substances en co-exposition ne présentent pas d’interactions, il est possible d’évaluer leur toxicité conjointe en additionnant leurs réponses.

(4) Synergie : effet combiné de plusieurs composés chimiques supérieur à la somme des effets de chacun des substances considérées isolément.

(5) Antagonisme : effet combiné de plusieurs composés chimiques inférieur à la somme des effets de chacun des substances considérées isolément.

(6) Potentialisation : action d’une substance qui n’a pas d’effet par elle-même, mais qui renforce l’effet d’une autre substance.

(7) Inhibition : action d’une substance qui n’a pas d’effet par elle-même, mais qui diminue l’effet d’une autre substance.

(8) Masquage : action de composés exerçant des effets opposés ou fonctionnellement compétitifs sur un même site actif réduisant leur toxicité conjointe.

(9) Toxicocinétique : étude descriptive et quantitative du devenir des toxiques dans un organisme au cours du temps.

(10) Toxicodynamique : étude de l’ensemble des processus impliqués dans la distribution d’un toxique à des sites cibles et dans les effets toxiques induits.

(11) Profilage haut débit : technique permettant de mesurer l’expression simultanée de milliers de gènes afin d’obtenir une description globale du fonctionnement cellulaire.

(12) Génomique fonctionnelle : la génomique vise à baliser et séquencer le génome (cartographie physique des génomes, analyse de la structure des gènes, recherche de polymorphisme) ce qui permet notamment la recherche des causes génétiques de la variabilité des caractères. La génomique fonctionnelle s’intéresse à la fonction et à l’expression des gènes sous formes de transcrits (transcriptomique) et de protéines (protéomique), la métabolomique étant l’étude du profil en métabolites dans les fluides biologiques.

Publications de référence

Boon WC, Chow JD, Simpson ER. The multiple roles of estrogens and the enzyme aromatase. Prog Brain Res. 2010 ; 181 : 209-232.Crain DA, Eriksen M, Iguchi T et al�. An ecological assessment of bisphenol-A: Evidence from comparative biology. Reprod Toxicol. 2007 ; 24 : 225-239.De Zwart D, Posthuma L. Complex mixture toxicity for single and multiple species: proposed methodologies. Environ Toxicol Chem. 2005 ; 24 : 2665–2676.

métabolisme des acides nucléiques, la prolifération cellulaire et le métabolisme des lipides. L’exposition au chlorpyrifos, insecticide organophosphoré inhibiteur d’acétylcholinestérase, conduit à l’identification de 43 gènes exprimés différentiellement, dont la signature moléculaire est liée au métabolisme des carbohydrates et notamment celui de la chitine. L’exposition conjointe au nickel et au chlorpyrifos élicite l’expression de 103 gènes exprimés différentiellement, qui correspondent notamment à ceux ciblés par l’insecticide, mais qui présentent aussi des caractéristiques uniques au mélange de polluants.L’approche transcriptomique est ainsi en pleine cohérence avec les données cellulaires et physiologiques : l’ensemble des résultats montre que la co-exposition se traduit par une réduction de la toxicité c’est-à-dire que la toxicité conjointe est inférieure à celle prédite. Ceci est vraisemblablement lié à la réduction ou même à la suppression des réponses lysosomiales. L’étude montre le potentiel des approches de toxicologie des systèmes pour progresser dans la description des mécanismes d’action des substances toxiques. Elle confirme que l’hypothèse d’absence d’interactions entre contaminants au sein d’un mélange est souvent erronée.

Commentaire

Ce travail démontre la puissance des nouvelles approches de toxicologie des systèmes et notamment des outils de génomique, transcriptomique et métabolomique pour l’étude des possibles interactions entre contaminants. Il confirme aussi que les modèles conventionnels de prédiction de la toxicité des substances en co-exposition peuvent être pris en défaut et qu’en conséquence leur utilisation est sujette à caution.

Conclusion générale

Les résultats présentés dans les deux publications analysées comme ceux de nombreux autres travaux récents montrent qu’il est extrêmement difficile de déterminer a priori les interactions susceptibles de se produire entre des substances toxiques agissant de manière concomitante� Or, une évaluation satisfaisante des risques doit impérativement prendre en compte ces interactions�Les modèles d’additivité conventionnels sont certes utiles en première approche, mais ils s’avèrent insuffisants lorsque ces interactions existent� Ils ne permettent pas alors de prédire la toxicité conjointe et peuvent conduire à des décisions problématiques en majorant sans réelle justification les risques liés à l’utilisation de certains composés ou au contraire en minorant les effets de l’exposition combinée�Les approches autorisées par les techniques biologiques récentes devraient permettre de progresser dans l’identification et la connaissance des interactions entre substances toxiques en mettant l’accent sur une meilleure compréhension de leurs mécanismes d’action en fonction des conditions réelles d’exposition externe, de la toxicocinétique et de la toxicodynamique des polluants�

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Imprévisibles interactions entre contaminants� Les modèles d’additivité sont loin d’être toujours validesPierre-Marie BADOT

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Joint, Mixture, Toxicity

EPA� Trichlocarban. High Production Volume (HPV) Chemical Challenge Program Data Availability and Screening Level Assessment. 2007 ; http://www.epa.gov/hpv/pubs/summaries/tricloca/c14186tp.pdf. Jonker D, Freidig AP, Groten JP et al�. Safety evaluation of chemical mixtures and combinations of chemical and non-chemical stressors. Rev Environ Health. 2004 ; 19 : 83-139.Spurgeon DJ, Jones OAH, Dorne JLCM et al�. Systems toxicology approaches for understanding the joint effects of environmental chemical mixtures. Sci Tot Environ. 2010 ; 408 : 3725-3734.Vijver MG, Elliott EG, Peijnenburg WJGM et al�. Response predictions for organisms water-exposed to metal mixtures: a meta analysis. Environ Tox Chem. 2011 ; 30 : 1482-1487.

Revues de la littérature

Altenburger R. Understanding Combined Effects for Metal Co-Exposure in Ecotoxicology. Metal ions in toxicology: effects, interactions, interdependencies. Met Ions Life Sci. 2011 ; 8 : 1-26.Badot PM. Is the assessment of mixture toxicity an impossible challenge? Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement. 2011 ; 72 : 600-612Callahan MA, Sexton K. If cumulative risk assessment is the answer, what is the question? Environ Health Persp. 2007 ; 115 : 799–806.Mumtaz MM, Sipes IG, Clewell HJ et al�. Risk assessment of chemical mixtures: biologic and toxicologic issues. Fundam Appl Toxicol. 1993 ; 21 : 258–269.University of London, School of Pharmacy. State of the art report on mixture toxicity. 2009. http://ec.europa.eu/environment/chemicals/pdf/report_Mixture %20toxicity.pdf/.

Autres publications identifiées

Lister LJ, Svendsen C, Wright J et al�. Modelling the joint effects of a metal and a pesticide on reproduction and toxicokinetics in Lumbricid earthworms. Environ Int. 2011 ; 37: 663–670.Étude montrant l’importance de la toxico-cinétique dans l’analyse des interactions entre contaminants. Exemple portant sur les effets conjoints des métaux et d’un pesticide chez les lombrics.Santos MJG, Soares AMVM, Loureiro S. Joint toxicity of three plant protection products to Triticum aestivum (L.) and Brassica rapa (L.). J Soils Sediments 2011 ; 11 :990–999.Exemple portant sur des organismes végétaux en environnement terrestre exposés à des pesticides largement utilisés (glyphosate, dimethoate et spirodiclofen).Xu X, Li Y, Wang Y et al�. Assessment of toxic interactions of heavy metals in multi-component mixtures using sea urchin embryo-larval bioassay. Toxicol in vitro 2011 ; 25 : 294-300.Développement d’un modèle prédictif basé sur l’évaluation des facteurs de concentration.

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Le rayonnement ultraviolet est-il un stresseur synergique en cas d’exposition combinée ? L’exemple de l’exposition de Daphnia magna aux UV et au carbendazimRibeiro F, Ferreira NC, Ferreira A, Soares AM, Loureiro S. Is ultraviolet radiation a synergistic stressor in combined exposures? The case study of Daphnia magna exposure to UV and carbendazim. Aquatic Toxicol. 2011 ; 102: 114-122.

Résumé

Les conditions environnementales changent en permanence en raison d’événements naturels difficilement prévisibles et des activités anthropiques. Les organismes vivants sont donc fréquemment exposés à des conditions stressantes. L’étude vise à évaluer les effets du carbendazim et du rayonnement ultraviolet, agissant seuls ou de manière combinée sur différentes caractéristiques biologiques de populations de daphnies. L’exposition au rayonnement UV est en augmentation en raison de la déplétion de la couche d’ozone stratosphérique notamment sous l’effet des chlorofluorcarbones. Le carbendazim (méthyl-2 benzimidazole carbamate) est un fongicide largement utilisé en agriculture pour la prévention des maladies cryptogamiques et le contrôle de leur dissémination. Le carbendazim agit sur la division cellulaire fongique, mais pourrait aussi inhiber les acétylcholinestérases des invertébrés. Les réponses en termes de taux d’alimentation, de reproduction, et de croissance ont été étudiées dans le but de mettre en

évidence d’éventuelles interactions. Les effets conjoints des stress combinés ont été prédits à l’aide du modèle conceptuel d’action indépendante à partir des données obtenues lors de l’exposition à l’un ou l’autre des deux agents stressants. Ces évaluations ont ensuite été comparées aux effets enregistrés lors de l’exposition combinée aux deux facteurs agissant conjointement. Les deux agents stressants provoquent des effets négatifs sur le taux d’alimentation et les capacités reproductives des animaux lorsqu’ils agissent isolément. Le rayonnement UV provoque en outre une diminution de la croissance des daphnies et une baisse significative des contenus en carbohydrates et en lipides chez les individus exposés. Les résultats indiquent également que le rayonnement UV n’affecte pas directement les œufs formés, mais qu’il agirait plutôt sur leur formation. Une des hypothèses explicatives serait qu’il existe une compétition en matière d’allocation des réserves énergétiques entre les besoins liés aux réparations des dommages à l’ADN causés par les UV et ceux liés à la production de la progéniture. L’exposition au carbendazim provoque quant à elle une altération des capacités reproductives qui se traduit par des différences significatives en ce qui concerne le nombre de naissances et le nombre d’œufs avortés. Ceci tiendrait au fait que le blocage des divisions cellulaires sous l’effet du pesticide empêcherait le développement de l’œuf.Ces deux réponses montrent des déviations dose-ratio dépendantes par rapport aux prévisions du modèle d’action indépendante chez les daphnies subissant l’exposition combinée au rayonnement UV et au carbendazim. Les résultats suggèrent

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Les interactions entre les substances toxiques et les autres facteurs stressants doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques écotoxicologiquesPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Pierre-Marie BADOT

Université de Franche-Comté, CNRS – UMR 6249 Chrono-environnement – Besançon

Mots clés : Écotoxicologie, Évaluation des risques, Exposition combinée, Interaction, Stresseur, Toxicité

Au sein des systèmes écologiques, les organismes vivants sont très rarement placés dans des conditions optimales. Au contraire, les organismes vivants sont presque constamment exposés à de très nombreux facteurs stressants. Ces stresseurs (1) sont des agents d’intensité variable dont l’effet est de réduire de manière significative les performances des organismes qui se trouvent alors dans un état de contrainte (2). De très nombreux facteurs peuvent agir comme des stresseurs : rayonnements, température, disponibilité ou non de substances chimiques essentielles, présence de substances toxiques, forces mécaniques, etc. En règle générale, les substances chimiques toxiques n’agissent pas seules sur les organismes et elles peuvent interférer avec différents stresseurs. De nombreux travaux font état de l’existence d’interactions entre substances toxiques et différents facteurs environnementaux naturels. Ces études montrent que les effets des polluants sur les organismes peuvent différer de manière très significative en fonction des conditions externes. Des recherches sont actuellement entreprises dans le but de déterminer dans quelle mesure il importe de prendre en compte ces interactions entre contaminants et facteurs environnementaux naturels dans l’évaluation des risques liés aux substances chimiques.

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Les interactions entre les substances toxiques et les autres facteurs stressants doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques écotoxicologiques – Pierre-Marie BADOT

environnement sont susceptibles de moduler les réponses écotoxicologiques. L’article met l’accent sur le fait que les tests écotoxicologiques sont en règle générale réalisés en conditions contrôlées. Or, les conditions retenues pour ces tests ne correspondent pas le plus souvent à celles qui règnent dans les milieux naturels, ce qui peut conduire à des erreurs en matière d’évaluation des risques écologiques.Les principaux paramètres étudiés ont été la température, l’humidité et la concentration en oxygène dissous. Les polluants analysés sont de nature chimique variée puisqu’il s’agit d’éléments en traces métalliques, de pesticides et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Plusieurs méthodes statistiques dont la méthode de troncature des produits ont été utilisées pour calculer la fréquence des études montrant des interactions significatives entre facteurs environnementaux naturels et substances chimiques chez différentes espèces d’Invertébrés et une espèce de poisson. Cette méthode a notamment permis de montrer que l’hypothèse selon laquelle il n’existe pas d’interactions entre polluants et facteurs environnementaux naturels peut être rejetée avec un risque d’erreur infime évaluée à 2,7 10-82. Les effets d’une large gamme de substances toxiques sur les organismes vivants peuvent différer très largement en fonction des variations des conditions externes. Dans 62 % des cas étudiés, il existe des interactions significatives entre polluants et facteurs environnementaux naturels et ce pourcentage atteint même 100 % pour les interactions entre polluants aquatiques et concentration en oxygène dissous. Les interactions entre polluants et facteurs environnementaux naturels peuvent être de nature complexe : elles peuvent moduler les réponses soit par des effets directs sur les organismes soit en affectant les voies chimiques et biochimiques des substances toxiques. Pour quelques expériences plus complexes, il a en effet été possible de mettre en évidence des interactions de second ordre qui indiquent que les paramètres environnementaux peuvent agir en modifiant les interactions entre substances chimiques. Les auteurs considèrent en conclusion qu’il est important d’inclure dans les procédures d’évaluation des risques les informations sur les facteurs environnementaux naturels et notamment celles liées à leurs variations spatiales et temporelles. Dans le même ordre d’idées, il importe de tester les effets toxiques des polluants dans une large gamme de conditions environnementales.

Commentaire

Cette méta-analyse renforce les conclusions des travaux réalisés jusqu’ici en ce qui concerne l’existence d’interactions entre facteurs environnementaux naturels et substances toxiques, interactions qui sont susceptibles de moduler drastiquement l’expression de la toxicité vis-à-vis des organismes vivants.L’analyse statistique qui est conduite fournit une base solide aux conclusions des auteurs et démontre si besoin était qu’il est important de prendre en compte l’incidence des variations environnementales dans les procédures d’évaluation des risques écologiques liés aux substances toxiques.

l’existence d’un antagonisme entre les deux stresseurs pour les fortes concentrations en carbendazim et les faibles doses de rayonnement UV. Au contraire, une synergie est observée lorsque le rayonnement UV est le stresseur majeur, c’est-à-dire pour des doses élevées de rayonnement et des concentrations faibles en carbendazim. Ces résultats sont en cohérence avec ceux rapportés chez la daphnie exposée conjointement à du nickel et de fortes températures.En conclusion, les résultats rapportés dans ce travail indiquent qu’il est nécessaire de considérer les interactions entre le rayonnement UV et le carbendazim dans l’évaluation des risques du pesticide. Plus généralement, ces interactions entre substances toxiques et agents naturels stressants devraient systématiquement être prise en compte dans l’évaluation des risques liés aux substances chimiques.

Commentaire

Le travail de Ribeiro et al. (2011) fait suite à une série de publications, dont les résultats sont convergents à savoir que les possibles interactions entre les substances toxiques et d’autres paramètres environnementaux ne peuvent être négligées lors des procédures d’évaluation des risques. Ribeiro et al. (2011) ont utilisé le modèle d’action indépendante et ces auteurs montrent que ce modèle simple ne prédit pas les effets observés. En outre, ils mettent en évidence des interactions qui vont au-delà de l’indépendance d’action ou de la simple additivité : synergie ou antagonisme.L’ensemble de ces travaux montrent que lorsque des interactions polluants – facteurs naturels existent, il est nécessaire d’étudier les effets des polluants sur les organismes vivants dans une large gamme de conditions environnementales en prenant notamment en compte les variations saisonnières des facteurs stressants naturels. De telles précautions devraient notamment être prises pour l’ensemble des polluants dont l’occurrence environnementale où les utilisations sont saisonnières.

Interactions entre des substances toxiques et des facteurs environnementaux naturels� Méta-analyse et exemplesLaskowski R, Bednarska AJ, Kramarz PE, Loureiro S, Scheil V, Kudłek J, Holmstrup M. Interactions between toxic chemicals and natural environnement – A meta-analysis and case studies. Sci Tot Environ. 2011 ; 408: 3763-3774.

Résumé

L’étude est une méta-analyse effectuée à partir de 61 articles traitant des effets des facteurs environnementaux naturels sur la toxicité des polluants vis-à-vis des organismes. La plupart de ces études ont été réalisées dans le cadre du projet européen NoMiracle (Nouvelles méthodes pour l’évaluation intégrée des risques liés aux stress cumulés en Europe).L’objectif est d’identifier si les fortes variations des facteurs naturels auxquelles sont exposés les organismes dans leur

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Les interactions entre les substances toxiques et les autres facteurs stressants doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques écotoxicologiques – Pierre-Marie BADOT

Kiesecker J. Global stressors and the global decline of amphibians : tipping the stress immunocompetency axis. Ecol Research. 2011 ; 26 : 897-908.Les stresseurs globaux interagissent avec les contaminants chimiques et menacent de causer des extinctions massives d’amphibiens.Qin G, Presley SM, Anderson TA et al�. Effects of predator cues on pesticide toxicities : toward an understanding of the mechanism of interaction. Environ Toxicol Chem. 2011 ; 30 : 1926-1934.La toxicité des pesticides est potentialisée ou synergisée par la co-occurrence de stress environnementaux et écologiques.Hegseth MN, Camus L, Corbi S et al�. Effects of exposure to halogenated organic compounds combined with dietary restrictions on the antioxidant defense system in herring gull chick. Sci Tot Environ. 2011 ; 14 : 2717-2714.Les restrictions alimentaires modifient la réponse aux PCBs chez une mouette.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Combined exposure, Stress.

Conclusion générale

Les travaux passés en revue confirment que les interactions entre substances toxiques et facteurs environnementaux naturels ont un caractère général� Ils montrent qu’il est nécessaire de prendre en compte dans les tests écotoxicologiques les variations des paramètres environnementaux susceptibles d’agir comme des facteurs stressants et de mimer, autant que faire se peut, par des modalités expérimentales appropriées l’éventail des conditions réelles�En conclusion, ces travaux démontrent aussi qu’il est nécessaire d’inclure les possibles effets conjoints des substances chimiques et des autres facteurs stressants dans les procédures d’évaluation des risques écotoxicologiques�

Lexique

(1) Facteur stressant ou stresseur : facteur extérieur potentiellement défavorable, c’est-à-dire susceptible d’induire une réduction d’une ou plusieurs grandeurs physiologiques chez un organisme vivant.

(2) Contrainte : état d’un organisme soumis à un facteur stressant.

Publications de référence

Ferreira A, Serra P, Soares A et al�. The influence of natural stressors on the toxicity of nickel to Daphnia magna. Environ Sci Pollut Res Int. 2010 ; 17 : 1217–1229.Van den Brink PJ, Hattink J, Bransen F et al�. Impact of the fungicide carbendazim in freshwater microcosms. II. Zooplankton, primary producers and final conclusions. Aquat Toxicol. 2000 ; 48 : 251–264.

Revues de la littérature

Solomon C. Stratospheric ozone depletion : a review of concepts and history. Reviews in Geophysics. 1999 ; 37: 275–316.

Autres publications identifiées

Altshuler I, Demiri B, Xu S et al�. An Integrated Multi-Disciplinary Approach for Studying Multiple Stressors in Freshwater Ecosystems : Daphnia as a Model Organism. Integr Comp Biol. 2011 ; 51 : 623-633.Publication démontrant l’intérêt de l’utilisation de Daphnia comme organisme modèle pour étudier les stress multiples toxiques ou non.

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

ulletineillede

cientifique

Agents biologiques

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Méta-analyse des effets de l’exposition aux moisissures et à l’humidité sur l’asthme et l’allergie dans huit cohortes européennes d’enfants : une initiative ENRIECOTischer CG, Hohmann C, Thiering E, Herbarth O, Müller A, Henderson J, Granell R, Fantini MP, Luciano L, Bergström A, Kull I, Link E, von Berg A, Kuehni CE, Strippoli MP, Gehring U, Wijga A, Eller E, Bindslev-Jensen C, Keil T, Heinrich J ; ENRIECO consortium. Meta-analysis of mould and dampness exposure on asthma and allergy in eight European birth cohorts: an ENRIECO initiative. Allergy. 2011 ; 66 : 1570-1579.

Résumé

L’objectif de cette méta-analyse menée dans le cadre d’ENRIECO (initiative sur les risques sanitaires environnementaux dans les cohortes de naissance européennes), était d’évaluer, au niveau Européen, le degré d’association d’une exposition aux moisissures visibles et à l’humidité lors des deux premières années de vie avec le développement de l’asthme ou de maladies allergiques chez l’enfant. Cette analyse à grande échelle a été réalisée grâce aux données disponibles de huit cohortes européennes incluant 31 742 enfants, suivis depuis leur naissance pendant la période 1985-2004. Il s’agit de 2 cohortes britanniques, LEICESTER (nombre d’enfants à la naissance n = 330) et ALSPAC (n = 14 057), 1 cohorte suédoise, BAMSE(n = 4 089), 2 cohortes allemandes, GINIplus (n = 5 991) et LISAplus (n = 3 097), 1 cohorte des Pays-Bas, PIAMA-NHS (n = 3 182), 1 cohorte danoise, DARC (n = 562), et 1 cohorte italienne, CO.N.ER (n = 432).La présence de moisissures visibles dans n’importe quelle pièce de la maison durant les deux premières années de la vie a été reportée par les parents. Un enfant était considéré asthmatique sur la base d’un questionnaire si au moins deux des trois conditions suivantes étaient satisfaites : diagnostic médical d’asthme, respiration sifflante déclarées par les parents, prise d’un traitement médical pour l’asthme. Afin de déterminer le laps de temps au bout duquel

un asthme induit par une exposition aux moisissures visibles peut se déclarer, trois catégories d’âge ont été considérées en fonction des données disponibles des différentes cohortes : enfants déclarés asthmatiques avant l’âge de 2 ans, entre 6 et 8 ans, entre 3 et 10 ans. Les symptômes de la rhinite allergique, définis comme crises d’éternuements, écoulement nasal, démangeaisons du nez en absence de rhume ont été répertoriés pour les enfants de 6 à 8 ans. Les taux de sensibilisation IgE-dépendante aux moisissures et autres allergènes domestiques (squames de chat, squames de chien, acariens, pollen) étant disponibles dans 5 des 8 cohortes, des associations entre la sensibilisation contre ces allergènes et la présence de moisissures dans l’habitat pendant les premières années de vie, ont pu être explorés, pour les enfants de 6 à 8 ans. Ont également été retenus des facteurs confondants (1) tels que les antécédents atopiques familiaux (2), le niveau d’éducation des parents, les habitudes tabagiques de la mère, l’allaitement au sein pour durant au moins 4 mois. Des modèles à effet fixe ou aléatoire ont été utilisés dans le cadre des méta-analyses. Les auteurs mettent en évidence une association significative entre la présence de moisissures visibles et les symptômes d’asthme chez les enfants de moins de 3 ans (analyse ajustée de données provenant de quatre cohortes, aOR (3), 1,39 ; IC95 % (4) = [1,05 – 1,84]) ainsi qu’entre la présence de moisissures et les symptômes de rhinite allergique chez les enfants de 3 à 10 ans (analyse ajustée de données provenant de six cohortes, aOR = 1,18, IC95 % = [1,09–1,28]). Néanmoins, aucune association entre l’exposition précoce aux moisissures visibles et la sensibilisation IgE-dépendante aux moisissures ou autres aéro-allergènes n’a été observée chez les enfants en âge scolaire, qu’il s’agisse d’enfants avec antécédents familiaux ou non.

Commentaire

L’intérêt de cette méta-analyse de cohortes prospective réside dans la mise en commun des données issues de 8 cohortes

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

L’exposition aux moisissures des enfants en milieu citadin et ruralPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Hélène NICULITA-HIRZEL

Institut Universitaire Romand de Santé au Travail – Groupe Risques Biologiques – Lausanne, Suisse

Mots clés : Asthme, Enfants, Épidémiologie, Moisissures domestiques, Rhinite allergique, Troubles respiratoires

L’asthme est une des maladies chroniques des plus fréquentes chez l’enfant qui touche 7,6 à 10,7 % de la population infantile française (ISAAC, 1998). Un des facteurs étiologiques impliqué dans cette pathologie est les moisissures présentes dans l’habitat. Néanmoins, il reste toujours à clarifier quelle est la fenêtre d’exposition la plus critique au cours de l’enfance et à comprendre le mécanisme de cette étiologie. En effet, des effets contradictoires ont été associés à l’exposition précoce des enfants aux moisissures. L’exposition à une espèce de moisissure dominante augmente l’incidence de l’asthme chez le jeune enfant, alors que l’exposition à des bioaérosols riches et diversifiés en micro-organismes, comme ceux présent dans les fermes, le diminue. Ces deux effets font l’objet des deux études choisies dans cette note.

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L’exposition aux moisissures des enfants en milieu citadin et ruralHélène NICULITA-HIRZEL

et n’ayant aucun contact avec des fermes. La poussière a été récoltée pendant l’hiver dans la chambre de tous ces enfants et dans 111 écuries et 126 granges des fermes incluses dans l’étude. La méthode utilisée est une méthode passive avec des collecteurs de poussière électrostatiques pendant 14 jours. Les moisissures et bactéries présentes dans cette poussière ont été identifiées phénotypiquement après culture sur différents types de milieux. Les abondances relatives ont été évaluées en comptant le nombre de colonies se développant sur les boîtes. Une microflore très diversifiée en moisissures et bactéries a été identifiée dans les 680 échantillons analysés. Il est notable qu’un petit nombre de ces micro-organismes (seulement une famille de moisissure Penicillium spp., les bactéries Gram négatif et bacilles et coccis Gram positif) ont été retrouvés dans une majorité de ces échantillons (~ 50 % des échantillons prélevés dans les différents environnements). Un résultat majeur de cette étude est la différence dans la fréquence et l’abondance des espèces microbiennes entre l’environnement des enfants vivants dans les fermes et celle des deux autres groupes d’enfants. Les bioaérosols des chambres d’enfants visitant occasionnellement ou jamais une ferme étaient tous deux dominés par une seule espèce de moisissure, Penicillium spp., alors que les chambres des enfants vivants dans les fermes étaient dominées par Eurotium spp., Aspergillus spp., Penicillium spp. et Cladosporium spp. De plus, la concentration de bactéries était significativement plus élevée dans la chambre des enfants vivants dans les fermes que dans celle des deux autres groupes d’enfants. Il est intéressant de noter qu’une corrélation significative et positive a été trouvée entre la moyenne géométrique de la concentration de chacun des micro-organismes détectés dans la chambre des enfants vivant dans des fermes et celle trouvées dans les écuries ou granges. Ces résultats corroborent l’hypothèse d’un transfert notable de la flore microbienne depuis la remise des animaux à l’habitation de la ferme. Ainsi les spores de champignons et d’actinomycètes seraient transportées dans les habitations par voie aéroportée et/ ou sur les mains, les vêtements ou les chaussures des agriculteurs et de leurs enfants. Néanmoins la concentration moyenne des actinomycètes et de la plupart des groupes fongiques est 10 à 40 fois moins importante dans la chambre de l’enfant que dans les dépendances de la ferme. Ainsi, il faudrait, selon les auteurs, qu’un enfant passe entre 10 à 40 heures dans sa chambre pour cumuler le même niveau d’exposition à la microflore microbienne que s’il passe 1 heure dans les écuries ou la grange.

Commentaire

Ces données confirment que les enfants qui vivent à la ferme sont exposés à une plus grande variété et quantité de micro-organismes (bactéries et champignons) que les enfants vivant en milieu semi-rural ou urbain. Associées aux résultats épidémiologiques de l’étude GABRIEL publiés un peu plus tôt cette année par les mêmes auteurs, ces résultats prônent l’importance d’une exposition précoce des jeunes enfants à une grande diversité de micro-organismes, aussi bien des moisissures que des bactéries, afin de diminuer le risque de développer un asthme ou une allergie. Un autre résultat intéressant c’est la

européennes regroupant, au total, 31 742 enfants, ce qui en fait l’étude sur les plus grands effectifs d’enfants suivis depuis leur naissance pour les troubles respiratoires induits par la présence de moisissures dans l’habitat pendant leur petite enfance. Le design prospectif de ces études de cohorte est la meilleure approche pour évaluer la séquence temporelle entre l’exposition pendant la petite enfance et les effets sur la santé. Néanmoins, des cohortes avec des variations considérables dans la taille, dans l’exposition aux moisissures et dans les facteurs confondants potentiels retenus ont été cumulées dans cette étude. De plus, l’évaluation par les parents d’une exposition aux moisissures peut être erronée.En effet, une exposition aux moisissures peut ne pas être rapportée, lorsque ces moisissures sont cachées derrière un meuble par exemple. Un comptage systématique des spores dans l’air et/ou dans les poussières pourrait éviter ce type d’erreur, mais cette méthode est difficile à réaliser dans les grandes cohortes. Par ailleurs, comme l’exposition aux moisissures visibles et à l’humidité était auto-rapportée, ces moisissures n’ont pas été identifiées. Par conséquent, il est impossible de dire si une ou plusieurs espèces de moisissures induisent ce type de troubles respiratoires. En effet, plusieurs espèces ont été identifiées par d’autres études dans l’environnement intérieur dont Alternaria, Cladosporium, Penicillium, Aspergillus ou Stachybotrys chartarum. Par ailleurs, la présence de bactéries productrices d’endotoxines telles que Streptomyces n’a pas été considérée, alors que leur présence peut accroitre la production de mycotoxines de certaines espèces fongiques. Enfin la surreprésentation (45 % des données) de l’étude ALSPAC pose le problème d’un biais dans cette méta-analyse lié au poids respectif des 8 études.

Microflore cultivable aéroportée dans les habitations rurales et transfert de ces microbes depuis les bâtiments agricoles aux habitations ruralesRéférence : Normand AC, Sudre B, Vacheyrou M, Depner M, Wouters IM, Noss I, Heederik D, Hyvärinen A, Genuneit J, Braun-Fahrländer C, von Mutius E, Piarroux R ; GABRIEL-A Study Group. Airborne cultivable microflora and microbial transfer in farm buildings and rural dwellings. Occup Environ Med. 2011 ; 68 : 849-855.

Résumé

L’exposition à un environnement riche en micro-organismes tel que celui des fermes a été démontrée par plusieurs études comme ayant un effet protecteur contre le développement de l’asthme et de l’allergie pendant la petite enfance. Néanmoins, une description de cette flore microbienne manquait toujours. Le but de cette étude, qui fait partie du projet GABRIEL-A, était de combler cette lacune et d’identifier la source de ces microbes. Trois environnements dans un milieu rural dans la région des Alpes allemandes ont été choisis pour répondre à cette question : (1) la chambre de 144 enfants vivant dans une ferme avec des animaux, (2) celle de 149 enfants ne vivant pas dans une ferme, mais qui visitaient régulièrement une ferme, (3) celle de 150 enfants ne vivant pas dans une ferme

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L’exposition aux moisissures des enfants en milieu citadin et ruralHélène NICULITA-HIRZEL

Lexique

(1) Facteur confondant : c’est un facteur de risque associé à la maladie mais qui n’y est pas directement impliqué, susceptible d’induire un biais dans l’analyse des liens entre la maladie et les facteurs de risque. Si on n’en tient pas compte, de fausses associations peuvent être avancées.

(2) Antécédent atopique familial : prédisposition génétique au développement cumulé d’allergies courantes.

(3) aOR : Odd ratio ajusté.(4) IC : différence interquartile de l’exposition.

Publications de référence

The International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC) Steering Committee. Worldwide variation in prevalence of symptoms of asthma, allergic rhinoconjunctivitis, and atopic eczema : Lancet. 1998 ; 351: 1225–1232.

Revues de la littérature

Ege MJ, Mayer M, Normand AC et al�. GABRIEL-A Transregio 22 Study Group. Exposure to environmental microorganisms and childhood asthma. N Engl J Med. 2011 ; 364 : 701-709.Tischer C, Chen CM, Heinrich J. Association between domestic mould and mould components, and asthma and allergy in children : a systematic review. Eur Respir J. 2011 ; 38 : 812-824.

Autres publications identifiées

Williams AH, Smith JT, Hudgens EE et al�. Allergens in household dust and serological indicators of atopy and sensitization in Detroit children with history-based evidence of asthma. J Asthma. 2011 ; 48 : 674-684.Étude exhaustive sur tous les facteurs allergisants connus présents dans l’habitat (chat, chien, acariens, blattes, souris, moisissures) qui met en évidence l’importance de diminuer le nombre de ces sources d’allergènes afin de diminuer le risque de développer l’asthme. Les moisissures en font partie.Täubel M, Sulyok M, Vishwanath V et al�. Co-occurrence of toxic bacterial and fungal secondary metabolites in moisture-damaged indoor environments. Indoor Air. 2011 ; 21 : 368-375.Étude intéressante montrant la présence de 33 différentes toxines dans l’environnement intérieur. L’apport majeur de l’étude tient à la détection de toxines bactériennes en plus des mycotoxines de moisissures.Norbäck D, Cai GH. Fungal DNA in hotel rooms in Europe and Asia--associations with latitude, precipitation, building data, room characteristics and hotel ranking. J Environ Monit. 2011 ; 13 : 2895-2903.Cette étude attire l’attention sur le niveau de contamination de l’air par des moisissures Aspergillus Penicillium dans les hôtels de part le monde. Les bioaérosols des hôtels des régions tropicales

détection de la même famille des moisissures, Penicillium spp., dans l’habitat des enfants avec une grande prévalence d’asthme, et dans l’habitat des enfants avec une faible prévalence. Ce résultat soulève la question s’il s’agit de la même espèce de Penicillium spp. dans ces deux environnements. Si c’est le cas, il serait intéressant d’identifier les facteurs protecteurs contre l’effet de cette espèce sur la santé des enfants. Est-ce que ces facteurs pourraient justement être d’autres espèces de moisissures ? Pour répondre à ces questions une identification des micro-organismes au niveau de l’espèce est indispensable alors que, malheureusement, la méthode d’identification des micro-organismes utilisée dans cette étude définit seulement l’appartenance du micro-organisme à une famille d’espèces. Seuls les outils moléculaires auraient permis une identification au niveau de l’espèce. Par ailleurs, seulement une petite fraction de tous les micro-organismes aéroportés (les spores de champignons mésophiles et thermophiles ainsi que les actinomycètes) a été isolée par les auteurs. Ainsi, une différence dans la composition des bioaérosols entre les trois groupes étudiés ne peut pas être complètement exclue. Pour avoir une image exhaustive de la diversité microbienne dans ces différents types d’habitations, une méthode moléculaire qui ne passe pas par la culture des micro-organismes, devrait être utilisée. Cependant, cette étude démontre l’intérêt du prélèvement cumulatif de poussière sur lingette électrostatique par rapport à un prélèvement de poussière par aspirateur ou un prélèvement d’air.

Conclusion générale

Un nombre croissant d’études incriminent l’exposition des jeunes enfants aux moisissures visibles comme un facteur étiologique important dans le développement de l’asthme ou de l’allergie chez l’enfant� La première étude analysée dans cette note vient conforter ces résultats par une méta-analyse sur 31 742 enfants européens� Néanmoins les espèces de moisissures impliquées n’ont malheureusement pas été identifiées, laissant ouverte la question de l’étiologie de ces pathologies respiratoires� La deuxième étude apporte justement quelques éléments sur la composition de la flore microbienne qui entourent les enfants au sein de milieux associés, dans la littérature, avec une prévalence plus ou moins importante de l’asthme� Elle confirme qu’une plus grande diversité de moisissures entoure les enfants des fermes (associé dans la littérature avec une prévalence moins importante de l’asthme) et prouve que la source de ces moisissures est bien les animaux de ferme� Ces résultats suggèrent donc que l’exposition précoce des enfants à la flore microbienne associée aux animaux de ferme aurait un effet protecteur contre l’asthme et l’allergie Il reste néanmoins à résoudre quelles espèces ou mélanges d’espèces joue un rôle dans l’étiologie de l’asthme chez l’enfant�

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L’exposition aux moisissures des enfants en milieu citadin et ruralHélène NICULITA-HIRZEL

semblent avoir 10-100 fois plus de ces moisissures que ceux des régions avec un climat tempéré.Unoura K, Miyazaki Y, Sumi Y et al�. Identification of fungal DNA in BALF from patients with home-related hypersensitivity pneumonitis. Respir Med. 2011 ; 105 : 1696-1703.Étude méthodologique de détection de l’ADN de moisissures dans les cellules du liquide de lavage broncho-alvéolaire.Pitkäranta M, Meklin T, Hyvärinen A et al�. Molecular profiling of fungal communities in moisture damaged buildings before and after remediation--a comparison of culture-dependent and culture-independent methods. BMC Microbiol. 2011 ; 11 : 235.Étude montrant l’importance mais aussi les limites des outils moléculaires dans la description de la diversité fongique des environnements intérieurs.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Childhood, Children, Indoor, Microbes, Molds.

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

ulletineillede

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Phytostabilisation par des sous-produits industriels de sols semi-arides contaminés par des éléments traces : durabilité et risquesPerez-de-Mora P, Madejon P, Burgos P, Cabrera F. Phytostabilization of semiarid soils residually contaminated with trace elements using by-products : Sustainability and risks. Environ Pollut. 2011 ; 159 : 3018-3027

Résumé

Ce travail porte sur les effets de trois amendements (7) (deux d’origine organique et le troisième minéral) sur la colonisation et la croissance de plantes dans une zone contaminée, l’accumulation éventuelle d’éléments traces dans les biomasses produites ainsi que les risques associés. L’étude a été réalisée sur un terrain situé en Espagne affecté par des dépôts miniers. Malgré des travaux antérieurs de dépollution, ce sol contient encore des éléments métalliques en quantité non négligeables (42,44 g kg-1 de fer, 145 mg kg-1 d’arsenic, 286 mg kg-1 de plomb et 205 mg kg-1 de zinc). Trois amendements ont été utilisés : un compost produit à partir de la fraction solide résiduelle du traitement d’une eau usée industrielle, de la leonardite (8) ainsi qu’un amendement minéral issu de la production de déchets de betterave stabilisés par de la chaux. Le terrain a été divisé en 12 parcelles expérimentales et sur chacune d’elles ont été apportés les différents amendements. L’expérience a ainsi été menée sur une durée totale de 4 ans. À la fin de ce traitement, des échantillons de sol ont été prélevés afin d’être analysés. Un inventaire de la flore présente a également été réalisé et trois espèces de plantes ont été plus spécifiquement étudiées : Raphanus raphanistrum L., Poa

annua L. et Lamarckia aurea. Ces plantes ont été retenues car c’était les plus abondantes sur ces terrains. Sur chacune de ces espèces, les teneurs en métaux traces (As, Cd, Cu, Pb et Zn) ont été mesurées. Les résultats obtenus montrent qu’en deux ans de traitement, la couverture végétale a augmenté d’au moins 50 % pour les sols ayant subi un amendement. De la même manière, la diversité a elle aussi augmenté pour les sols avec amendement (4 espèces pour le sol témoin sans amendement contre 15 espèces en moyenne pour les sols avec amendements). Concernant les concentrations en éléments traces métalliques, l’effet d’un amendement est également observable. Ainsi pour Raphanus, les concentrations en plomb sont respectivement de 3 mg kg-1

(sol sans amendement) et 1 mg kg-1 (sol avec amendement), celles en zinc de 500 mg kg-1 et 100 mg kg-1, respectivement. Ces résultats montrent que l’incorporation de co-produits en tant qu’amendement du sol a un effet positif et durable sur la couverture végétale, la croissance des plantes, ainsi que la diversité de celles-ci dans des conditions de climat semi-arides où l’érosion des sols contaminés est un facteur important de dispersion des pollutions.

Commentaire

L’objectif de cette étude était de suivre in situ l’effet de trois amendements sur la croissance d’espèces végétales en relation avec leurs propriétés hyperaccumulatrices. Il s’agit là d’une étude extrêmement complète s’intéressant à des sols issus de conditions pédoclimatiques précises, prenant en compte à la fois l’accumulation des métaux, mais aussi et surtout le

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Impact économique et environnemental du phytomanagementPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Arnaud GAUTHIER

Université Lille 1 – Laboratoire Génie-Civil et géoEnvironnement – Villeneuve-d’Ascq

Mots clés : Biodiversité, Économie, Gaz à effet de serre, Phytoremédiation, Valorisation énergétique

Le concept de phytomanagement (1) a été employé pour la première fois dans les années 1980, et a initié une intense activité de recherche, à la fois fondamentale sur la physiologie et la génétique des plantes candidates et appliquée, avec des tests de faisabilité réalisés le plus souvent en pots. Des revues récentes de ces travaux montrent que les méthodes comme la phytoextraction (2), la phytovolatilisation (3), la phytofixation (4) et la rhizofiltration (5) ont un réel potentiel, en raison principalement de leur plus grande efficacité (en particulier en termes de coût) et de leur moindre dangerosité par rapport aux méthodes traditionnelles (Pulford et Watson, 2003). La phytoextraction serait indiquée pour le traitement de sites peu ou moyennement pollués, alors que la phytostabilisation serait indiquée pour les sites fortement contaminés. Pourtant, ces méthodes peinent à être réellement utilisées. Les principaux freins sont : 1) le manque de connaissances de base sur les mécanismes responsables de la tolérance et de l’hyperaccumulation (6) des métaux, 2) le manque de données de terrain testant les différentes espèces ou écotypes candidats et les différentes conditions de culture (Clemens, 2001) et 3) d’une façon générale, le manque de données permettant d’apprécier la généricité du procédé, afin de pouvoir l’appliquer quelque soit la plante ou le sol choisi. De telles recherches associant recherche fondamentale et recherche finalisée sont donc nécessaires pour développer des procédés de phytoremédiation efficaces. En outre, peu d’études ont été menées sur l’impact économique et environnemental de ces cultures.

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Impact économique et environnemental du phytomanagementArnaud GAUTHIER

Commentaire

Il s’agit là d’une des rares études s’attachant non pas aux capacités d’absorption des métaux lourds par des plantes, mais bien aux effets même de ces cultures sur l’environnement et plus particulièrement des apports d’amendement. Pour être totalement complète, et afin de renseigner le cas de l’utilisation assez courante du tournesol pour la phytoextraction, il aurait été intéressant de mener des expériences similaires sur des sols présentant des teneurs en métaux lourds importantes afin notamment de voir quels pourraient être les effets de ces métaux sur le développement des plantes mais aussi sur l’efficacité des amendements.

La phytoremédiation est-elle une technologie de remédiation durable ? Conclusions à partir d’un cas d’étude� I : production d’énergie et diminution du dioxyde de carboneWitters N, Mendelson RO, Van Slycken S, Weyens N, Schreurs E, Meers E, Tack F, Carleer R, Vangronsveld J. Phytoremediation, a sustainable remediation technology ? Conclusions from a case study. I : Energy production and carbon dioxide abatement. Biomass Bioenergy. 2011 : 1-16.

Résumé

La phytoremédiation apparaît comme une technique efficace pour traiter des sols contaminés par des métaux lourds. Elle présente en outre l’avantage de pouvoir générer une biomasse intéressante d’un point de vue énergétique. La présente étude porte sur la potentialité énergétique de certaines cultures, mais aussi sur une analyse de leur cycle de vie et leurs effets sur la réduction du CO2. L’étude, réalisée dans la région de Campine en Belgique, a porté sur 3 espèces végétales : saule, maïs et colza. Pour chacune de ces cultures, la biomasse fraîche et sèche a été mesurée, de même que les concentrations en métaux. Les résultats obtenus, montrent une production de biomasse variable d’une espèce à l’autre. Ainsi dans le cas des saules elle est de 6 tonnes par hectare et par an, de 5,2 pour une culture de colza et de 20 pour le maïs. À partir de ces résultats, une estimation des durées de traitement a été réalisée. Ainsi, il faudrait un peu plus d’un siècle pour absorber l’ensemble du cadmium avec du saule et mille ans dans le cas d’emploi de maïs ou de colza. La suite de l’étude est consacrée à la valorisation énergétique de ces cultures. Ainsi, dans le cas du maïs, la culture annuelle d’un hectare produirait une énergie nette de 148 289 mégajoules (Mj), celle de saule de 63 230 Mj et celle de colza de 35 640 Mj. Ces résultats ont été obtenus en tenant compte des dépenses énergétiques pour la culture, le traitement des plantes et des déchets produits. Au-delà du gain énergétique, ont également été calculés les abattements de CO2 lors des cultures. Ainsi, la culture d’un hectare de maïs permettrait d’éviter l’émission de 14 214 kg de CO2 par an, celle de saule entre 4 460 et 25 055 kg en fonction de la filière choisie, tandis que la culture colza éviterait l’émission de plus de 2 tonnes de CO2. Ainsi les filières de culture d’espèces végétales présentant un potentiel en phytoextraction

développement de ces plantes, notamment en termes de biodiversité et de développement du couvert végétal et en retour l’impact de ces plantes sur la translocation (9) des éléments traces. Afin de la rendre pleinement complète, il aurait été pertinent d’étudier également les interactions avec le sol, notamment en termes de structuration de celui-ci, de variation de son chimisme…

Émissions de gaz à effet de serre et caractéristiques des plantes lors de culture de tournesol (Hel�ianthus annuus L�) avec apport de fertilisants organiques ou minérauxLopez-Valdez F, Fernandez-Luqeno F, Luna-Suarez S, Dendooven L. Greenhouse gas emissions and plant characteristics from soil cultivated with sunflower (Helianthus annuus L.) and amended with organic or inorganic fertilizers. Sci Total Environ. 2011 ; 412-413 : 254-264.

Résumé

L’objectif de cette recherche a été de voir dans quelle mesure l’apport d’amendement organique ou inorganique a pu modifier les propriétés d’un sol sur lequel étaient cultivés des tournesols, mais aussi de déterminer si l’apport d’urée ou de boues issues du traitement d’eaux usées augmente les émissions de CO2 et N2O. L’étude a été menée sur un site mexicain à 150 km au nord de Mexico. Des sols reconstitués ont été mis en place dans des tubes en PVC (50 cm de longueur et 16 cm de diamètre), et dans chacun d’entre eux ont été cultivés des graines de tournesol. Trois traitements différents ont été appliqués ont été réalisés pour chacune des échéances suivantes : 37, 60 et 95 jours. Le premier traitement a consisté en un apport de 1 g d’urée en deux périodes (soit un équivalent de 150 kg N ha-1), le second en un ajout de 30 g de boues, le troisième test a consisté à suivre les croissances sans amendement. Un sol témoin (sans plante et sans amendement) a également été étudié dans les mêmes conditions. À la fin de chaque échéance, des prélèvements de sols et de plantes ont été réalisés afin notamment de suivre la croissance des végétaux (longueur des racines, quantité de biomasse produite) et de doser l’azote sous différentes formes (nitrate, nitrite, ammonium). En outre, une expérience de quantification des teneurs en CO2 et N2O dans les échantillons de sol a également été menée. Les résultats montrent que l’utilisation d’urée ainsi que de boues en tant qu’amendement, modifie les caractéristiques du sol durant les deux premiers mois de traitement. Ces amendements ont également un impact sur la croissance des végétaux. Ainsi en présence de boues, la masse de graine par plante est de 4,43 g, contre 3,36 g dans le cas d’un apport d’urée et 2,82 g pour une culture sans amendement. Concernant la production de gaz à effet de serre, cette étude montre également un impact des amendements. Ainsi les quantités produites de CO2 sont respectivement de 2,03 mg de C par kg de sol par jour pour une culture sans amendement, de 2,60 mg pour un ajout d’urée et de 2,96 mg lorsque cet amendement est une boue. Dans le cas du N2O, les variations sont encore plus importantes (0,27 μg N kg-1

jour-1 pour une plante seule, 0,66 μg N kg-1 jour-1 avec de l’urée et 2,49 μg N kg-1 jour-1 avec de la boue)

Milieux

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Impact économique et environnemental du phytomanagementArnaud GAUTHIER

(7) Amendement : apport d’un produit fertilisant ou d’un matériau afin d’améliorer la qualité des sols.

(8) Leonardite : argile riche en acide humique et fulvique produite par l’oxydation du lignite.

(9) Translocation : action de transférer les métaux depuis les racines vers les parties aériennes d’une plante.

Publications de référence

Clemens S. Molecular mechanisms of plant metal tolerance and homeostasis. Planta. 2001 ; 212 : 475-486.Pulford ID, Watson C. Phytoremediation of heavy metal-contaminated land by trees – a review. Environ Int. 2003 ; 29: 529-540.

Revues de la littérature

Megharaj M, Ramakrishnan B, Venkateswarlu K et al�. Bioremediation approaches for organic pollutants: A critical perspective. Environ Int. 2011 ; 37 : 1362-1375.

Autres publications identifiées

Hartley W, Riby P, Dickinson NM et al�. Planting woody crops on dredged contaminated sediment provides both positive and negative effects in terms of remediation. Environ Pollut. 2011 ; 159 : 3416-3424Cette étude porte sur l’utilisation d’arbres (saule, peuplier, aulne) en tant qu’espèce accumulatrice de métaux lourds présents dans des sédiments de dragage.Aryal N, Reinhold DM. Phytoaccumulation of antimicrobials from biosolids : Impacts on environmental fate and relevance to human exposure. Water Res. 2011 ; 45 : 5545-5552.L’originalité de cette étude est de suivre l’incorporation d’antibiotique, provenant des boues de stations d’épuration, par des plantes et notamment des légumes. Suruchi, Khanna P. Assessment of heavy metal contamination in different vegetables grown in and around urban areas. Research Journal of Environmental Toxicology. 2011 ; 5 : 162-179.Cette étude porte sur l’assimilation par des légumes d’éléments métalliques (plomb, cadmium) et sur une comparaison entre différents sites contaminés dans le monde.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Biodiversity, Economy, Greenhouse gas, Phytoremediation, Energy.

permettent non seulement de traiter des sols contaminés mais aussi de produire de l’énergie en quantité équivalente à celle des énergies fossiles tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Commentaire

Article très complet avec un autre regard sur la technologie de phytoremédiation. Les auteurs se sont attachés à prendre en compte l’ensemble des étapes depuis la culture de la plante jusqu’à son traitement en valorisation énergique, ce qui en fait son originalité. L’ensemble des filières de valorisation sont présentées et richement documentées avec notamment une liste bibliographique extrêmement riche et exhaustive. On peut cependant regretter que les auteurs ne se soient intéressés qu’à trois espèces. Il aurait pu être intéressant notamment de voir les résultats dans le cas de cultures utilisées dans d’autres pays pour leur intérêt énergétique tel que le Miscanthus par exemple, pour lequel en particulier ils pointent le manque de données.

Conclusion générale

Ces études ont permis de montrer que la gestion et la remédiation des sites et sols pollués par des techniques douces à l’aide de plantes peuvent être appréhendés autrement que par le prisme des seules teneurs en métaux extraits� La réalisation de bilans énergétiques complets et comparatifs avec les autres sources d’énergies (notamment fossiles) ainsi que ceux relatifs à la réduction des gaz à effet de serre devront permettre d’accroitre nos connaissances dans le domaine du phytomanagement, mais surtout permettront d’aider à la décision lors de l’emploi de techniques alternatives de traitement des sols contaminés�

Lexique

(1) Phytomanagement : ensemble des méthodes permettant la gestion de sites contaminés grâce à l’utilisation de végétaux.

(2) Phytoextraction : utilisation de plantes pour extraire les éléments traces métalliques présents dans un sol.

(3) Phytovolatilisation : action de relargage des métaux présents dans une plante par évaporation.

(4) Phytofixation : capacité des plantes à maintenir en place un couvert végétal et à stabiliser les métaux lourds présents dans le sol.

(5) Rhizofiltration : technique de dépollution des sols, à l’aide de racines immergées de plantes captant les éléments traces métalliques

(6) Hyperaccumulation : propriété que possèdent certaines plantes à stocker de manière importante des éléments métalliques.

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Prédiction de la plombémie à partir de données environnementales actuelles et passées en EuropeBierkens J, Smolders R, Van Holderbeke M, Cornelis C. Predicting blood lead levels from current and past environmental data in Europe. Sci Total Environ. 2011 ; 409 : 5101-5110.

Résumé

Les auteurs souhaitent établir des corrélations entre le degré d’imprégnation de la population de pays européens par des substances préoccupantes et des données d’expositions environnementales et alimentaires. La finalité de ces corrélations est 1) de prédire la charge corporelle des populations européennes spatialement et temporellement et 2) d’identifier les populations cibles particulièrement exposées à ces substances.Afin de vérifier la faisabilité de leur projet, ils ont tenté d’établir des associations entre le plomb présent dans différents compartiments de l’environnement (air, sol, poussière intérieure des habitations, eau potable et alimentation) et la plombémie de populations européennes reparties par sexe et par âge. Pour cela, les auteurs ont agrégé des données environnementales d’exposition et d’imprégnation au niveau de la population

générale provenant de plusieurs pays européens. La distribution de l’ensemble des données recueillies ainsi que leur association avec le pays d’origine, l’année d’obtention, l’âge et le sexe des individus ont été étudiées et des corrélations entre la plombémie de la population européenne subdivisée par groupes d’âge et par sexe et les concentrations en plomb de certains compartiments environnementaux ont été recherchées.Ainsi, des corrélations significatives ont été établies entre les plombémies et les concentrations de plomb dans l’air et dans l’alimentation. Une baisse significative de 85 % de la concentration de plomb dans l’air a été observée au cours des deux dernières décennies : avant 1990 la concentration moyenne était de 0,31 μg/m3 (P95 (7) : 0,94 ; n = 98) et en 2007 de 0,045 μg/m3 (P95 : 0,11 ; n = 256). Cette baisse des concentrations en plomb dans l’atmosphère est corrélée à une diminution des plombémies de 48 % chez les femmes adultes, de 57 % chez les hommes adultes et de 16 % chez les enfants préscolarisés.De même, il existe une corrélation entre la diminution de 48 % de l’apport alimentaire en plomb entre 1978 et 2000 (avec des apports alimentaires respectivement égaux à 68,7 mg/j (P95 : 161,6 ; n = 19) et à 35,7 mg/j (P95 : 82,3 ; n = 33) pour 1978 et 2000) et la baisse de 32 % de la plombémie chez les femmes adultes,

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Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement Période : Septembre 2011 à Décembre 2011

Muriel MAZZUCA

PRES Lille Nord de France - UDSL – EA 4483 Impact de l’environnement chimique sur la santé humaine – Lille

Mots clés : Comparaison européenne, Concentrations environnementales en plomb, Essence au plomb dans l’aviation, Imprégnation de la population, Plombémie, Système d’Information Géographique (SIG)

L’exposition de la population au plomb s’effectue par des voies multiples dont les principales sont (InVS, 2002) : l’ingestion d’éléments contenant du plomb (eau, aliments, écailles de peintures, poussières, sols contenant du plomb…) et l’inhalation de poussières émises dans l’atmosphère à partir de sources générant du plomb. Peuvent s’y ajouter l’exposition professionnelle (portage de plomb au domicile par des salariés exposés) ainsi que l’exposition lors des loisirs. En revanche, l’absorption percutanée n’est valable que pour les dérivés organiques (INSERM, 1999).La plombémie (1) correspond à la mesure du niveau d’imprégnation au plomb d’un individu. Le saturnisme (2) infantile est une maladie à déclaration obligatoire réglementairement définie lorsque la plombémie d’un enfant est ≥ 100 μg/L. Le saturnisme infantile (3) est reconnu comme un problème de santé publique majeur dans plusieurs pays. En effet, les enfants âgés de moins de 6 ans sont considérés comme une population à risque (U.S. EPA (4), 1986) étant donné que les effets cognitifs du plomb chez les jeunes enfants sont considérés comme sans seuil et ont été relatés pour des plombémies <20 μg/L. (Canfield et al., 2003 ; Lanphear et al., 2005 ; Surkan et al., 2007 ; Jusko et al., 2008). Le CDC (5) a même déclaré qu’il n’existe pas de seuil sécuritaire pour la plombémie des enfants (CDC, 2005a).Les deux articles sélectionnés tentent d’évaluer l’impact de l’environnement sur les variations de la plombémie. Pour cela, le premier utilise des bases de données européennes qui intègrent des paramètres environnementaux et le second, un SIG (6) (Système d’Information Géographique) afin de vérifier l’impact d’une source de contamination sur la plombémie et d’aider ainsi les pouvoirs publics à prendre des décisions pour réduire l’imprégnation au plomb des populations.

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Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement – Muriel MAZZUCA

Analyse géospatiale des effets de l’essence provenant de l’aviation sur les plombémies des enfants dans six comtés de Caroline du NordMiranda ML, Anthopolos R, Hastings D. A geospatial analysis of the effects of aviation gasoline on childhood blood lead levels. Environ Health Perspect. 2011 ; 119 : 1513-1516.

Résumé

L’essence employée dans l’aviation, appelée communément AVGAS (8), est un carburant au plomb utilisé dans les petits avions. En raison du risque d’intoxication que peut engendrer le plomb et sous la pression d’associations environnementales, des réglementations plus strictes concernant l’utilisation du plomb dans l’AVGAS sont en cours d’examen.Afin d’étudier s’il existe une relation entre l’utilisation de l’essence AVGAS dans les aéroports et une plombémie plus élevée chez des enfants âgés de 9 mois à 7 ans vivant à proximité, les auteurs ont mis en place une étude dans six comtés de la Caroline du Nord. Une étude antérieure (Piazza, 1999) avait montré qu’il existe une augmentation exponentielle des concentrations de plomb dans l’air avec la proximité d’aéroport aussi ont-ils utilisé un SIG. Sur la base de l’équivalent de nos avis d’imposition, les auteurs ont obtenu des informations concernant 1) l’âge du logement ; 2) le revenu médian des ménages ; 3) l’attribution des aides publiques ; 4) l’ethnie des familles, éléments considérés comme facteurs de confusion.L’étude a inclus les résultats de plombémies de 125 197 enfants âges de 9 mois à 7 ans collectées entre 1995 et 2003 dans les six comtés de l’étude dont 13 478 concernant des enfants vivant à moins de 2 000 m d’un aéroport.Les résultats obtenus, ajustés sur les facteurs de confusion cités plus haut, montrent que les enfants vivant à moins de 500 m, 1 000 m et 1 500 m d’un aéroport utilisant de l’AVGAS présentent une augmentation de leur plombémie respectivement de 4,4 %, 3,8 % et 2,1 % par rapport au groupe de référence vivant à plus de 2 km du même aéroport.

Commentaire

Les résultats de cette étude montrent qu’il existe un impact, certes faible (entre 2,1 % et 4,4 %) mais significatif entre la proximité des aéroports utilisant de l’AVGAS et l’augmentation de la plombémie des enfants.Cependant, les auteurs soulignent que lors du géocodage des données, des paramètres importants comme le sens de vents dominants et le flux aérien de chaque aéroport n’ont pas été intégrés, ce qui aurait peut-être permis de consolider davantage les résultats obtenus.De plus, de par le choix opéré sur le mode de recueil des données et leurs sources, cette étude n’inclut pas de questionnaires de vie, ni de données environnementales. Or, il est montré dans la littérature que la fréquence du portage main-bouche ou la présence de pica chez des enfants âgés de moins de 6 ans résidant dans un environnement contaminé peut accentuer le risque d’avoir une plombémie élevée (Duggan et Inskip, 1985 ; Adgate

de 33 % chez les enfants du primaire et de 19 % chez les enfants préscolarisés. Les données en rapport avec les hommes adultes et les enfants du secondaire sont insuffisantes pour établir des corrélations statistiquement significatives.Aucune relation n’a pu être établie entre la concentration de plomb dans les sols et la plombémie des différents sous-groupes de population.Les données concernant les teneurs en plomb dans les poussières intérieures et l’eau potable étant reparties de façon inégale par pays et étant en nombre très limité, elles n’ont pu être prises en compte dans l’analyse statistique.Bien que des modèles de régression aient été établis pour prédire la plombémie dans différents sous-groupes de population en Europe, basés sur les concentrations de plomb dans l’air et dans l’alimentation, les auteurs indiquent que les données disponibles sont insuffisantes pour prédire avec précision l’actuelle et la future exposition au plomb dans différents compartiments de l’environnement, et de parvenir à définir des populations cibles vis-à-vis de l’impact sanitaire du plomb à l’échelle européenne.

Commentaire

Les auteurs ont constaté l’existence de disparités dans les bases de données européennes disponibles. Celles-ci ne sont pas harmonisées et les données peuvent être sous ou sur-représentées par année, par la taille de l’échantillon, par groupe d’âge, par sexe ou par pays.Les relations constatées entre les concentrations de plomb dans l’air et la baisse des plombémies ont déjà été démontrées (Bono et al., 1995 ; Huel et al., 2002 ; Jones et al., 2009 ; Etchevers et al., 2010). Elles s’expliquent en partie par la suppression de plomb dans les carburants (Rodamilans et al., 1996 ; Strömberg et al., 2008 ; Stroh et al., 2009) ainsi que par la diminution des rejets industriels dans l’air (Lai et al., 1997 ; Louekari et al., 2004). De plus, les concentrations en plomb dans l’air ne présentent pas de liens directs avec la plombémie (VRAR, 2007) mais contribuent à alimenter d’autres compartiments de l’environnement, comme le sol, les poussières et les végétaux (Rasmussen, Subramanian, Jessiman, 2001 ; MacKinnon et al., 2011) qui sont identifiés comme d’importants contributeurs à l’exposition au plomb de la population, notamment chez les enfants (Lanphear et al., 1998a et 1998b ; Laidlaw et Taylor, 2011).En conclusion, cette étude montre la nécessité d’homogénéiser les bases de données européennes afin de pouvoir les exploiter correctement. À l’heure actuelle, au vu de ces résultats, il parait peu probable que des prédictions temporelles ou spatiales puissent être envisagées au niveau européen, mais cela devrait sensibiliser les pouvoirs publics des différents pays à harmoniser leurs bases de données.

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Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement – Muriel MAZZUCA

Lexique

(1) Plombémie : taux de plomb dans le sang mesuré sur sang veineux exprimé en μg/L de sang total. Cette mesure du taux de plomb dans le sang permet d’évaluer les niveaux d’imprégnation d’un individu au plomb.

(2) Saturnisme : terme créé en 1877 désignant une intoxication aiguë ou chronique, professionnelle ou domestique par le plomb, ses vapeurs ou ses sels.

(3) Saturnisme infantile : maladie à déclaration obligatoire, définie par une plombémie supérieure ou égale à 100 μg/L. La loi du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions, et le décret du 6 mai 1999, fixant la liste des maladies à déclaration obligatoire, ont rendu obligatoire le signalement et la notification des cas de saturnisme infantile aux autorités sanitaires - Direction générale de la santé. Circulaire DGS/2004/185 relative à la surveillance nationale du saturnisme chez l’enfant mineur. 1-12, 21-4-2004. Ministère de la Santé et de la Protection sociale.

(4) U.S. EPA : U.S. Environmental Protection Agency (Agence Américaine pour la Protection de l’Environnement).

(5) CDC : Centers for Disease Control and Prevention : centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies

(6) SIG : Système d’Information Géographique. C’est un système d’information permettant d’organiser et de présenter des données alphanumériques spatialement référencées, ainsi que de produire des plans et des cartes.

(7) P95 : 95e percentile.(8) AVGAS : Aviation Gasoline. Carburant spécifique utilisé dans

les moteurs d’avions à pistons. C’est une essence à très haut indice d’octane traitée pour être moins volatile que l’essence ordinaire en particulier pour le vol en altitude. La plus utilisée en aviation légère est l’AVGAS 100LL (Low Lead).

Publications de référence

Adgate JL, Weisel C, Wang Y et al�. Lead in house dust : relationships between exposure metrics. Environ Res. 1995 ; 70 : 194-147.Becker K, Müssig-Zufika M, Conrad A, et al�. German Environmental Survey for children 2003/06-GerES IV- Human Biomonitoring. Levels of selected substances in blood and urine of children in Germany. Rapport 2008 Berlin : UmweltbundesamtBono R, Pignata C, Scursatone E et al�. Updating about reductions of air and blood lead concentrations in Turin, Italy, following reductions in the lead content of gasoline. Environ Res. 1995 ; 70 : 30-34.Canfield RL, Henderson CR Jr, Cory-Slechta DA et al�. Intellectual impairment in children with blood lead concentrations below 10 microg per deciliter. N Engl J Med. 2003 ; 348 : 1517-1526.CDC (Centers for Disease Control and Prevention). 2005a. Preventing Lead Poisoning in Young Children. Atlanta, GA :CDC.CDC (Centers for Disease Control and Prevention). Blood lead levels-United States, 1999-2002. MMWR 2005b ; 54 : 513-516.

et al., 1995 ; Lanphear et al., 1995 ; Dudka et al., 1996 ; Manton et al., 2000 ; Melnyk et al., 2000 ; Freeman et al., 2001). Aussi, avant de conclure à un lien de causalité entre la distance à l’aéroport et le niveau de la plombémie, il serait important de préciser ces résultats par une étude basée sur des données individuelles de vie des familles et de leur environnement qui pourraient être accompagnée de prélèvements de sol et de poussières au domicile des enfants. Les résultats de ce travail pourraient alors conforter ceux obtenus et contribueraient pleinement à alimenter le débat public concernant la réglementation sur l’ajout de plomb dans les carburants destinés aux petits avions.

Conclusion générale

La baisse de la plombémie moyenne et la diminution de la prévalence du saturnisme chez les enfants âgés de 0 à 6 ans, en France comme à l’étranger (CDC, 2005b ; Becker et al�., 2008 ; CDC 2009 ; Etchevers et al�., 2010), indiquent que les actions visant à réduire les émissions de plomb dans l’environnement ont été bénéfiques : suppression de l’essence au plomb, surveillance de l’alimentation, traitement des eaux de distribution et de leur approvisionnement, politiques sociales, politiques de l’habitat, contrôle des émissions industrielles… Néanmoins, il reste toujours des populations présentant des cas particuliers vis-à-vis de l’exposition au plomb : populations vivant à proximité d’un site industriel, sur des sols contaminés, ou dans un habitat dégradé…C’est pourquoi, dans le cadre de l’évaluation des risques liés à l’imprégnation de la population au plomb, différentes études pourraient être mises en œuvre� Leurs objectifs seraient d’identifier ces populations ou, au contraire, d’identifier des sources potentielles de contamination (comme la proximité d’un aéroport) et d’en rechercher les causes (directes ou indirectes) susceptibles d’avoir des répercussions sur la plombémie afin d’aider les pouvoirs publics à prendre des mesures adaptées�Pour cela, il est nécessaire d’identifier les facteurs susceptibles d’avoir un lien direct et ceux qui sont des facteurs de confusion� Des alternatives existent, comme l’utilisation de végétaux ou d’animaux sentinelles qui permettent d’établir des liens entre les sources de contamination et l’environnement� Le choix et le recueil de données sous forme de variables qualitatives ou quantitatives sont alors primordiaux pour mener à bien ce type d’étude�

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Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement – Muriel MAZZUCA

Louekari K, Mroueh UM, Maidell-Münster L et al�. Reducing the risks of children living near the site of a former lead smeltery. Sci Total Environ. 2004 ; 319 : 65-75.MacKinnon G, MacKenzie AB, Cook GT et al�. Spatial and temporal variations in Pb concentrations and isotopic composition in road dust, farmland soil and vegetation in proximity to roads since cessation of use of leaded petrol in the UK. Sci Total Environ. 2011 ; 409: 5010-5019. Manton WI, Angle CR, Stanek KL et al�. Acquisition and retention of lead by young children. Environ Res. 2000 ; 82: 60-80.Melnyk L, Berry M, Sheldon L et al�. Dietary exposure of children in lead-laden environments. J Expo Anal Environ Epidemiol. 2000 ; 10 : 723-731.Piazza B. Santa Monica Municipal Airport: A Report on the Generation and Downwind Extent of Emissions Generated from Aircraft and Ground Support Operations. 1999. Available : http://yosemite.epa.gov/oar/communityassessment.nsf/6ce396ab3fa98ee485256db0004acd94/$FILE/Santa_Monica.pdfRasmussen PE, Subramanian KS, Jessiman BJ. A multi-element profile of housedust in relation to exterior dust and soils in the city of Ottawa, Canada. Sci Total Environ. 2001 ; 267 : 125-140.Rodamilans M, Torra M, To-Figueras J et al. Effect of the reduction of petrol lead on blood lead levels of the population of Barcelona (Spain). Bull Environ Contam Toxicol. 1996 ; 56 : 717-721.Stroh E, Lundh T, Oudin A et al�. Geographical patterns in blood lead in relation to industrial emissions and traffic in Swedish children, 1978-2007. BMC Public Health. 2009 ; 9 : 225.Strömberg U, Lundh T, Skerfving S. Yearly measurements of blood lead in Swedish children since 1978: the declining trend continues in the petrol-lead-free period 1995-2007. Environ Res. 2008 ; 107 : 332-335. Surkan PJ, Zhang A, Trachtenberg F et al�. Neuropsychological function in children with blood lead levels <10 microg/dL. Neurotoxicology. 2007 ; 28 : 1170-1177.U�S� EPA (U.S. Environmental Protection Agency). Air quality criteria for lead, Research Triangle Park. NC : Office of health and environmental assessment, environmental criteria and assessment office : EPA report N° EPA-600-8-83/028aF-dF, NTIS, Springfield, 1986, VA : PB-87-142378VRAR Voluntary risk assessment report on lead and some lead compounds, human health section, interim revised draft status. 2007. 05/07/07http://www.chem.unep.ch/Pb_and_Cd/SR/GOV/VRAR_Pb_0707_hh.pdf.

Revues de la littérature

Zia MH, Codling EE, Scheckel KG et al�. In vitro and in vivo approaches for the measurement of oral bioavailability of lead (Pb) in contaminated soils : A review. Environ Pollut. 2011 ; 159 : 2320-2327.

CDC (Centers for Disease Control and Prevention). Fourth National Report on Human Exposure to Environmental Chemicals. Atlanta, 2009, GA : CDC.Dudka S, Piotrowska M, Terelak H. Transfer of cadmium, lead, and zinc from industrially contaminated soil to crop plants : a field study. Environ Pollut. 1996 ; 94: 181-188.Duggan MJ et Inskip M. Childhood exposure to lead in surface dust and soil : a community health problem. Public Health Rev. 1985 ; 13 : 1-54Etchevers A, Lecoffre C, Le Tertre A et al�. Imprégnation des enfants par le plomb en France en 2008-2009. BEHWeb 2010 ;2:8 pages. Disponible en ligne : www.invs.sante.fr/behweb/2010/02/index.htmFreeman NC, Sheldon L, Jimenez M et al�. Contribution of children’s activities to lead contamination of food. J Expo Anal Environ Epidemiol. 2001 ; 11: 407-413.Huel G, Frery N, Takser L et al�. Evolution of blood lead levels in urban French population (1979-1995) Revue d’épidémiologie et de santé publique. 2002 ; 50 : 287-295INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale). Plomb dans l’environnement : quels risques pour la santé ? INSERM, 1999 ; 1-461. InVS (Institut Veille Sanitaire) Dépistage du saturnisme infantile autour des sources industrielles de plomb - Analyse de la pertinence de la mise en œuvre d’un dépistage : du diagnostic environnemental à l’estimation des expositions. INVS, mars 2002 ; Tome 1 :1-72Jones RL, Horna DM, Meyer PA et al�. Trends in blood lead levels and blood lead testing among US children aged 1 to 5 years, 1988–2004. Pediatrics. 2009 ; 123 : 376-385.Jusko TA, Henderson CR, Lanphear BP et al�. Blood lead concentrations < 10 microg/dL and child intelligence at 6 years of age. Environ Health Perspect. 2008 ; 116 : 243-248. Lai JS, Wu TN, Liou SH et al�. A study of the relationship between ambient lead and blood lead among lead battery workers. Int Arch Occup Environ Health. 1997 ; 69: 295-300.Laidlaw MA et Taylor MP. Potential for childhood lead poisoning in the inner cities of Australia due to exposure to lead in soil dust. Environ Pollut. 2011 ; 159 : 1-9. Lanphear BP, Emond M, Jacobs DE et al�. A side -by-side comparaison of dust collection methods for sampling lead-contaminated house dust. Environ Res. 1995 ; 68 : 114-123.Lanphear BP, Matte TD, Rogers J et al�. The contribution of lead-contaminated house dust and residential soil to children’s blood lead levels. A pooled analysis of 12 epidemiologic studies. Environ Res. 1998a ; 79 : 51-68.Lanphear BP, Burgoon DA, Rust SW et al�. Environmental exposures to lead and urban children’s blood lead levels. Environ Res. 1998b ; 76 : 120-130.Lanphear BP, Hornung R, Khoury J et al�. Low-level environmental lead exposure and children’s intellectual function : an international pooled analysis. Environ Health Perspect. 2005 ; 113 : 894-899.

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Identification des liens entre les niveaux d’imprégnation de la population au plomb et le plomb présent dans l’environnement – Muriel MAZZUCA

programme de prévention du saturnisme infantile s’appuie sur un dépistage d’enfants âgés de moins de 6 ans entre 2000 et 2005 (avant et après l’Ouragan Katrina) qui inclut les plombémies de 9 807 enfants. Les concentrations de plomb dans les sols et les plombémies des enfants ont été regroupées par secteurs entre les logements publics et les propriétés résidentielles privées. Les logements publics situés au cœur de la ville présentent des contaminations de plomb dans les sols significativement plus élevées que les logements publics dans les zones périphériques de la ville. Cette augmentation est liée à une prévalence plus élevée de la plombémie des enfants de même âges résidant en centre-ville par rapport à ceux résidant en périphérie. La médiane des concentrations en plomb dans les poussières du centre-ville fait est de 438 mg/kg soit 3,7 fois plus élevée que celles des poussières prélevées dans ses régions éloignées (117 Pb mg/kg). La prévalence des plombémies ≥ 100 µg/L chez les enfants avant le passage de l’ouragan Katrina était de 22,9 % dans le centre-ville, comparativement à 9,1 % dans les zones extérieures de la Nouvelle-Orléans.Rabito FA, Iqbal S, Perry S et al� . Environmental Lead after Hurricane Katrina : Implications for Future Populations. Environ Health Perspect. 2011. [Epub ahead of print]Les chercheurs souhaitent dans un premier temps évaluer la distribution en plomb dans les sols résidentiels et les poussières de plomb deux ans après la tempête la tempête Katrina à la Nouvelle-Orléans et dans un second temps de comparer ces teneurs avant et après le passage de l’ouragan. L’objectif secondaire était de comparer les concentrations de plomb dans les sols avant et après le passage de la tempête.Une étude transversale a été menée en Nouvelle-Orléans, Louisiane. Les ménages ont été sélectionnés par échantillonnage aléatoire stratifié. Un questionnaire standard a été administré et des prélèvements de plomb ont été réalisés à la fois l’intérieur et l’extérieur des maisons. Une régression logistique a été utilisée pour identifier des facteurs prédictifs pouvant indiquer une augmentation des niveaux de plomb au-delà des niveaux autorisés.Ainsi 109 ménages ont été inclus dans l’étude, 61 % avaient au moins une mesure de plomb supérieures aux normes. La prévalence élevée de mesures de plomb situées au-dessus des niveaux recommandés dans le sol et dans les échantillons de poussière à l’intérieur et autour des résidences soulève des inquiétudes sur les risques potentiels pour la santé de la population de la Nouvelle-Orléans, et plus particulièrement celle des enfants. Des mesures devraient être prises pour atténuer le risque d’exposition au plomb des sols contaminés et de la poussière. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour quantifier la contribution possible des activités de reconstruction au niveau des teneurs de plomb retrouvées dans l’environnement.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Bioaccumulation, Contaminated soil, Heavy metals, Lead, Risk assessment, Soil exposure

Autres publications identifiées

Callan AC, Winters M, Barton C et al�. Children’s Exposure to Metals : A Community-Initiated Study Arch Environ Contam Toxicol. 2011 [Epub ahead of print]En 2007, il a été démontré que l’expédition de plomb en partance du port de l’Espérance en Australie occidentale a entraîné une augmentation de la plombémie des enfants vivants à proximité. Une stratégie d’assainissement a été mise en œuvre. Cependant, peu d’attention a été donnée à d’autres métaux. C’est pourquoi une étude d’exposition transversale a été conçue. Trente-neuf enfants âgés de 1 à 12 ans ont fourni des échantillons de cheveux, d’urine, d’eau potable, de sol d’habitation et de poussières. Les concentrations de nickel et de plomb ont été faibles dans les échantillons biologiques et environnementaux. Les concentrations d’aluminium et de cuivre dans les cheveux, ainsi que l’aluminium urinaire, le manganèse urinaire et le cuivre urinaire ont augmenté pour un petit nombre de participants. Les concentrations de nickel dans l’urine, le sol et la poussière diminuent avec l’augmentation de la distance du port, tout comme les concentrations de plomb dans le sol. Les résultats suggèrent que l’exposition au plomb et au nickel a été limitée chez les enfants au moment de l’échantillonnage en 2009. Dong Z et Hu J. Development of Lead Source-specific Exposure Standards Based on Aggregate Exposure Assessment : Bayesian Inversion from Biomonitoring Information to Multipathway Exposure. Environ Sci Technol. 2011. [Epub ahead of print]Afin d’établir des normes d’exposition pour protéger les enfants contre les dangers associés à l’exposition au plomb, un outil d’analyse pour évaluer l’exposition globale a été élaboré sur la base d’un modèle hiérarchique Bayésien. Celui-ci a ensuite été utilisé pour identifier les liens entre l’exposition au plomb via l’alimentation, la peinture, le sol, l’air et l’eau potable et les plombémies d’enfants chinois âgés de 1-6 ans.Sur la base des données d’exposition recueillies, les sources en plomb provenant de l’alimentation, de la peinture, du sol, de l’air et d’eau potable en Chine ont été estimées à 65,80 ± 7,92 %, 16,98 ± 7,88 %, 13,65 ± 5,05 %, 3,36 ± 1,75 % et 0,20 ± 0,14 %, respectivement. Sur la base de ces teneurs en plomb estimées pour chaque source, les normes d’exposition ont été évaluées à 0,2 µg/m3, 24,25 mg/kg, 0,027 µg/L, 0,051 µg/mg, 0,042 µg/mg, 38,02 µg/mg pour l’air, le sol, l’eau, les céréales, les légumes et la peinture, respectivement. Comme la procédure de l’établissement de ces normes est basée sur l’évaluation de l’exposition globale du plomb, les normes d’exposition nouvellement proposées devraient assurer la sécurité des enfants.Mielke HW, Gonzales CR, Mielke PW Jr. The continuing impact of lead dust on children’s blood lead : comparison of public and private properties in New Orleans. Environ Res. 2011 ; 111 : 1164-1172.L’objectif de cette étude est d’évaluer les relations entre les plombémies d’enfants résidant dans des logements publics et privés et les concentrations de plomb dans les sols avant le passage de l’ouragan Katrina dans le centre-ville par rapport aux zones périphériques de la Nouvelle-Orléans. Pour cela, cette étude inclut 224 échantillons de sol de 10 logements publics et 363 échantillons de sol provenant de propriétés résidentielles. En Louisiane, un

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Exposition aux endotoxines, CD14 et respiration sifflante chez les agriculteurs : une interaction gène-environnementSmit LA, Heederik D, Doekes G, Koppelman GH, Bottema RW, Postma DS, Wouters IM. Endotoxin exposure, CD14 and wheeze among farmers : a gene–environment interaction. Occup Environ Med. 2011 ; 68 : 826-831.

Résumé

Smit et al. (2011) ont étudié une population initiale de 408 travailleurs néerlandais du monde agricole (agriculteurs et personnels du traitement industriel de produits agricoles) qui sont exposés aux endotoxines. Leur objectif était de déterminer si la variabilité génétique pouvait modifier la susceptibilité de ces travailleurs aux endotoxines. Les travailleurs ont été soumis à des tests respiratoires (spirométrie), à des questionnaires sur leurs symptômes respiratoires et parfois (chez 198), leur niveau d’exposition aux endotoxines dans l’air a été mesuré. De plus, pour chacun de ces travailleurs, plusieurs gènes impliqués dans la reconnaissance des endotoxines (CD14 et MD2) ont été génotypés

à des positions variables (polymorphisme d’un seul nucléotide ou SNP pour single-nucleotide polymorphism). Les auteurs ont trouvé que l’association entre l’exposition aux endotoxines et le sifflement respiratoire était modifié par le polymorphisme de 3 positions du gène CD14 et une position du gène MD2. Par exemple, pour la position nucléotidique -260 du gène CD14, 82 % de la population de travailleurs étudiée est porteuse du génotype CC (homozygote) ou CT (hétérozygote) et 18 % du génotype TT (homozygote). Les porteurs du génotype CC ou CT présentent une prévalence de sifflement respiratoire qui augmente avec le niveau d’exposition aux endotoxines. Les porteurs de l’allèle minoritaire à la position -260 (génotype TT) présentent le phénomène inverse : la prévalence de sifflement respiratoire diminue avec le niveau d’exposition aux endotoxines, même en considérant des concentrations très élevées en endotoxines. Les auteurs ont aussi montré que le polymorphisme du gène CD14 a également un effet marginal sur l’association entre l’exposition aux endotoxines et le « volume expiratoire forcé durant la première seconde » (VEMS).

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Exposition aéroportée aux endotoxines : caractérisation de la réponse inflammatoire et influence des facteurs génétiquesPériode de veille : septembre 2011 à décembre 2011

Anne OPPLIGER et Frédéric MASCLAUX

Institut universitaire romand de Santé au Travail, Université de Lausanne et Genève – Groupe des risques biologiques – Lausanne

Mots clés : Endotoxine, Réponse inflammatoire pulmonaire, Santé au travail, Station d’épuration des eaux usées

L’exposition aux endotoxines, notamment par voie intraveineuse, peut provoquer un syndrome de détresse respiratoire aigu, en raison des fortes réactions inflammatoires qu’elles initient. Paradoxalement, il a aussi été montré que l’exposition aux endotoxines pouvait avoir un rôle bénéfique sur les maladies de type allergique avec prédisposition génétique (atopie), notamment lorsque l’exposition a eu lieu pendant l’enfance. Les travailleurs du monde agricole peuvent être exposés à de très fortes quantités inhalables d’endotoxines, 100 à 10 000 fois plus que les quantités observées dans des habitations. Les études épidémiologiques ont montré que les travailleurs agricoles exposés avaient un risque élevé de développer des maladies respiratoires. Cependant, beaucoup de ces travailleurs ne présentent pas de réduction de leurs capacités respiratoires, ce qui suggère l’existence d’une grande variabilité de sensibilité entre les individus. Le rôle des facteurs génétiques dans l’apparition ou non de certains symptômes suite à une exposition aux endotoxines est mal connu, en milieu professionnel. C’est cette problématique qui est abordée dans le premier article proposé.Le second article concerne la caractérisation de la réponse inflammatoire aux particules aéroportées chez les travailleurs de stations d’épuration des eaux usées (STEP). Dans cet article, les auteurs ont utilisé une méthode relativement nouvelle pour mesurer les effets (l’activité) des endotoxines, entre autres, sur les personnes exposées. Cette nouvelle façon de caractériser l’exposition aux endotoxines, par le biais de la réponse physiologique est prometteuse. Auparavant, la grande majorité des études faites sur les liens entre l’exposition aux poussières organiques et/ou endotoxines et les symptômes médicaux utilisaient la métrologie aérienne pour estimer le risque pour la santé. Lorsque l’on sait que la réponse à ce type d’exposition dépend beaucoup de la susceptibilité individuelle des personnes (voir premier article discuté), l’utilisation d’une méthode qui permet d’estimer directement les effets de la nuisance sur les personnes semble être beaucoup plus pertinente même si sa mise en œuvre est plus délicate à réaliser que la métrologie classique.

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Exposition aéroportée aux endotoxines : caractérisation de la réponse inflammatoire et influence des facteurs génétiques – Anne OPPLIGER et Frédéric MASCLAUX

(UE) avec un peu plus de 20 % dépassant les 200 UE. Les échantillons de poussières collectées près des sources de contamination montrent une induction de TNF-α quatre fois plus élevée que les échantillons collectés dans les bureaux. Les concentrations de ces TNF-α sont aussi corrélées positivement avec les concentrations en endotoxines mesurées aux mêmes endroits.Les analyses bactériologiques montrent une prédominance de bactéries gram positif (67 à 90 % des bactéries cultivables) avec Bacillus sp présent dans 63 % des échantillons et Micrococcus sp présent dans 8 % des échantillons. Les bactéries gram négatif sont représentées surtout par des entérobactéries (86 à 94 % des bactéries gram négatif) avec Escherichia coli présent dans 17 % des échantillons. Ces trois espèces dominantes se retrouvent aussi bien dans l’air à proximité des sources de contamination que dans les bureaux.

Commentaire

Le titre de cet article laissait présager qu’il porterait principalement sur les mesures de l’activité biologiques des endotoxines. Or, il s’avère que les résultats et la discussion sont axés principalement sur les communautés bactériennes rencontrées dans les STEP. Le lien entre la composition de ces communautés bactériennes et leur rôle dans l’induction de réponses inflammatoires n’est pas du tout abordé. Pour les résultats de l’activité biologique, il n’y a pas de données sur les réponses inflammatoires induites par les échantillons où les endotoxines ont été inhibées. Les auteurs signalent juste que la réduction des TNF-α est plus grande que celle attendue et suggèrent que les endotoxines peuvent agir comme des adjuvants sans donner davantage d’explications.

Conclusion générale

Bien que le lecteur reste un peu sur sa faim avec le deuxième article, il est très intéressant de mettre en parallèle ces deux articles très complémentaires� En effet, la susceptibilité individuelle génétique des réponses physiologiques suite à une exposition aéroportée aux endotoxines montre que le dosage des endotoxines dans l’air est un indicateur très relatif des effets que ces endotoxines peuvent engendrer chez les personnes exposées� Dès lors, selon le principe de la surveillance biologique, il pourrait être plus utile de procéder à des estimations individuelles des effets des endotoxines sur la santé des travailleurs en confrontant leur sang avec les poussières aéroportées collectées dans leur environnement de travail afin de mesurer individuellement la réponse inflammatoire induite (ceci nécessitant d’être vérifié dans d’autres études…)�

Commentaire

Ces données sont en accord avec les travaux précédemment publiés sur la susceptibilité des individus aux endotoxines et le polymorphisme nucléotidique de gènes comme CD14 (LeVan et al., 2005). Cette étude est originale car elle révèle que le polymorphisme des gènes CD14 et MD2 modifie l’association entre le sifflement respiratoire et l’exposition aux endotoxines dans une population de travailleurs agricoles qui sont potentiellement exposés à de fortes concentrations en endotoxines. Les résultats pourraient être consolidés avec une population de travailleurs plus importante car la taille de la population étudiée dans cette étude est plutôt faible, ce que les auteurs reconnaissent eux-mêmes. Cependant, leurs résultats mettent en évidence que la susceptibilité aux endotoxines des travailleurs agricoles est dépendante de leur patrimoine génétique.

Caractérisation de particules biologiques aéroportées dans les stations d’épuration des eaux usées et réponse inflammatoireGangamma S, Patil RS, Mukherji S. Characterization and proinflammatory response of airborne biological particles from wastewater treatment plants. Environ Sci Technol. 2011 ; 45 : 3282-3287.

Résumé

Cette étude a été menée en Inde en 2009 dans 6 Stations d’Épuration des eaux usées (STEP). 63 prélèvements de particules aéroportées ont été faits à l’aide d’un barboteur (2) permettant de collecter les bactéries et leurs dérivés, les endotoxines, dans une suspension liquide. Ces prélèvements ont été faits sur le site de chaque STEP, à différents endroits, notamment près des sources de contamination (vers le dégrillage (3), ainsi que vers le lagunage (4)), mais aussi dans les bureaux du personnel qui sont éloignés des sources de contaminations majeures. L’étude ne précise pas si les prélèvements dans chaque STEP ont été faits le même jour ou étaient étalés sur plusieurs jours.Le but de l’étude était de mesurer la concentration en endotoxines de ces prélèvements, de compter et d’identifier les bactéries ainsi que de mesurer la réponse inflammatoire induite par les poussières aéroportées récoltées dans l’eau des barboteurs. Cette mesure de la réponse inflammatoire s’est faite in vitro pour 25 échantillons, en utilisant un essai au sang complet qui consiste à mettre en présence le sang d’un donneur avec le liquide collecté dans le barboteur afin, ensuite, de doser les facteurs de nécrose tumorale (TNF-α) qui sont un groupe de cytokines (5) sécrétées par certains globules blancs lors de réactions inflammatoires. Les concentrations de TNF- α obtenues sont ainsi corrélées à l’intensité de la réponse inflammatoire induite par les poussières organiques présentes dans l’air. Dans un deuxième temps, les mêmes 25 échantillons ont été analysés à nouveau mais en inhibant l’activité des endotoxines par l’ajout de sulfate de polymixine B. La proportion de la réponse inflammatoire attribuée aux endotoxines a ainsi pu être établie. Les résultats montrent que les niveaux d’exposition aux endotoxines sont assez élevés puisqu’environ 50 % des prélèvements ont des valeurs de plus de 50 Unités d’Endotoxines

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Pankhurst LJ, Deacon LJ, Liu J et al�. Spatial variations in airborne microorganisms and endotoxin concentrations at green waste composting facilities. Int J Hyg Environ Health. 2011 ; 214 : 376-383.Dans cette étude, les auteurs ont aussi mesuré les concentrations aéroportées en bactéries, champignons (Aspergillus fumigatus en particulier) et endotoxines à diverses distances autour d’installations de compostage de plein air. Les résultats montrent aussi que les concentrations en bioaérosols observées sont assez importantes.Le Goff O, Godon JJ, Steyer JP et al�. New specific indicators for qPCR monitoring of airborne microorganisms emitted by composting plants. Atmos Environ. 2011 ; 45 : 5342-5350.Étude très intéressante, qui a mis en évidence des marqueurs aéroportés (deux types de bactéries et un groupe de champignons) de dissémination des bioaérosols dans les environnements naturels situés autour des stations de compostage.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Endotoxin, Farmers, Occupational health.

Lexique

(1) Endotoxines : les endotoxines sont définies comme étant des, composants de la paroi des bactéries Gram négatif qui sont libérées lors de la multiplication et la lyse (ou destruction) de ces bactéries. Les lipopolysaccharides, éléments biologiquement actifs de ces endotoxines, ont des actions sur le système immunitaire, la coagulation et l’inflammation (déf INRS. 2011).

(2) Barboteur : en métrologie aéroportée, le barboteur ou impinger en anglais, est un vase qui contient un liquide à travers lequel on fait passer l’air à analyser. Les particules en suspension dans l’air sont ainsi piégées dans le liquide.

(3) Dégrillage : le dégrillage est destiné à retenir les matières volumineuses et déchets de toutes sortes contenus dans les eaux usées. Il est situé généralement en amont d’une filière de traitement des eaux usées (wikipedia).

(4) Lagunage : le lagunage est une technique biologique d’épuration des eaux usées, où le traitement est assuré par une combinaison de procédés aérobies et anaérobies impliquant un large éventail de micro-organismes (essentiellement des algues et des bactéries). Les mécanismes épuratoires et les micro-organismes qui y participent sont fondamentalement les mêmes que ceux responsables du phénomène d’autoépuration des lacs et des rivières (Wikipedia).

(5) Cytokine : la cytokine est une glycoprotéine (en chimie : association d’un sucre et d’une protéine) sécrétée par les lymphocytes et les macrophages, qui sont les cellules de défense de l’organisme chargées d’absorber des particules étrangères. Les cytokines sont impliquées dans le développement et la régulation du système immunitaire.

Publications de référence

LeVan TD, Von Essen S, Romberg DJ et al�. Polymorphisms in the CD14 gene associated with pulmonary function in farmers. Am J Respir Crit Care Med. 2005 ; 171 : 773-779.Gehin D, Le Bacle C. Documents pour le médecin du travail. Collection dossier médico-techniques. INRS, 2011.

Autres publications identifiées

Dungan RS, Leytem AB, Bjorneberg DL. Concentrations of airborne endotoxin and microorganisms at a 10’000-cow open-freestall dairy. J Anim Sci. 2011 ; 89 : 3300-3309.Dans cette étude, les auteurs ont mesuré les concentrations aéroportées en bactéries, champignons et endotoxines à 50 et 200 mètres autour d’installation de bovins en stabulation libre à ciel ouvert.Cette étude est intéressante d’un point de vue santé publique, puisqu’elle montre que l’exposition aux bioaérosols autour des installations d’élevage intensif de bovins n’est pas négligeable et qu’elle dépend de facteurs climatiques et saisonniers.

Exposition aéroportée aux endotoxines : caractérisation de la réponse inflammatoire et influence des facteurs génétiques – Anne OPPLIGER et Frédéric MASCLAUX

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

ulletineillede

cientifique

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une toux sèche nocturne, une toux persistante et une rhinite. La présence d’ADN fungique global était aussi associée à la présence d’une rhinite (association statistiquement significative) et de la toux (association à la limite de la significativité). La force de l’association dépendait de la nature de la moisissure en cause. L’exposition à Aspergillus ou Penicillium était associée à un risque de toux nocturne, toux persistante et sifflements thoraciques. En ce qui concerne les tests de fonction ventilatoire, la présence d’ADN d’Aspergillus était associée à une diminution de la CVF (3) tandis que l’exposition à Streptomyces était liée à une diminution du VEMS (4) et du CVF risque respiratoire.

Commentaire

L’intérêt de cette étude est de montrer, par 2 techniques mycologiques complémentaires, la forte prévalence de moisissures dans les milieux scolaires en Europe et l’association entre l’exposition aux moisissures dans les locaux scolaires et présence de symptômes respiratoires chroniques. Le nombre de moisissures viables était significativement plus élevé dans les centres d’Europe du sud par rapport à ceux d’Europe du nord et inversement corrélé au taux de renouvellement de l’air dans les salles de classe. Ce dernier était significativement plus important dans les écoles suédoises ou norvégiennes qui sont pour la plupart équipées d’une ventilation mécanique contrôlée. La plus forte concentration en moisissures totales et en ADN fungique a été enregistrée dans les écoles de Reims. Par contre, on ne trouvait pas de corrélation entre le taux de renouvellement de l’air et la quantité d’ADN fungique. La mesure des moisissures viables laisse échapper les moisissures non viables et aussi les fragments mycotiques qui peuvent renfermer des allergènes ou des mycotoxines, d’où le caractère complémentaire de ces 2 techniques mycologiques. La présente étude n’a pas porté

Mesure des moisissures viables et de l’ADN fungique dans les salles de classe et sa relation avec la santé respiratoire et la fonction ventilatoire d’écoliers européens Simoni M, Gui-Hong C, Norback D, Annesi-Maesano I, Lavaud F, Sigsgaard T, Wieslander G, Nystad W, Canciani M, Viegi G, Sestini P. Total viable molds and fungal DNA in classrooms and association with respiratory health and pulmonary function of European schoolchildren. Pediatr Allergy Immunol. 2011 ; 22 : 843-852.

Résumé

Cette étude épidémiologique transversale a cherché à corréler la présence de moisissures dans les salles de classe avec des indicateurs de santé respiratoire chez les écoliers. Le groupe étudié se compose de 654 enfants âgés de 9 à 11 ans, scolarisés dans 6 villes européennes, à Reims en ce qui concerne le site français. L’évaluation de l’exposition aux moisissures a été effectuée par 2 techniques, d’une part le comptage de moisissures viables dans l’air ambiant échantillonné par aspiration, d’autre part par la mesure de l’ADN de différentes espèces fungiques sur la poussière aspirée sur le sol des salles de classe. L’évaluation de l’état de santé respiratoire a reposé sur un questionnaire épidémiologique standardisé posé aux parents des enfants et sur une spirométrie (1) réalisée dans un échantillon de la population totale. L’étude statistique a consisté en une analyse de régression logistique contrôlant les variables de confusion potentielles telles que l’âge, le sexe, la taille et l’exposition au tabagisme passif. Des moisissures ont été identifiées par les deux techniques dans toutes les classes testées, avec des niveaux plus élevés dans les établissements où des problèmes de moisissures/dégâts des eaux avaient été identifiés. Les enfants exposés à un taux élevé (supérieur à 300 cfu (2)/m3) de moisissures viables avaient, par rapport aux enfants exposés à un taux faible, 3 fois plus souvent

Pathologies et populations

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Multiplicité des aéro-contaminants en cause dans les maladies allergiques respiratoires de l’enfantPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Denis CHARPIN

Clinique des bronches, allergie et sommeil, hôpital Nord, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et Inserm UMR 600, Aix Marseille Université

Mots clés : Allergènes, Épidémiologie, Moisissures domestiques, Santé

Les facteurs de risque des maladies allergiques respiratoires (telles que l’asthme) incluent une prédisposition génétique et l’influence de l’environnement dont la modification dans les dernières décennies explique très vraisemblablement l’augmentation progressive de la prévalence de ces affections. Dans une optique de prévention, il faut s’efforcer de mieux connaitre les différents facteurs environnementaux qui pourraient faire l’objet de mesures d’éviction. Cette revue de la littérature illustre la multiplicité des aéro-contaminants, allergéniques et non allergéniques qui à la maison et à l’école sont des facteurs de risque pour la survenue et l’entretien de ces affections.

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Multiplicité des aéro-contaminants en cause dans les maladies allergiques respiratoires de l’enfantDenis CHARPIN

Cladosporium herbarum (24 %), les phanères de chat (22 %), les blattes (18 %) et la souris (5 %). Beaucoup d’enfants étaient sensibilisés à plusieurs allergènes, et ceci plus fréquemment chez les asthmatiques. Chez les enfants polysensibilisés on retrouvait plus d’allergènes différents à leur domicile. Chez ces sujets, il existait une relation statistique entre la présence d’allergènes de chien dans la poussière de maison et la présence d’asthme, mais pas avec le taux d’allergènes acariens et d’allergènes de chat. D’une manière générale, le taux de sensibilisation aux aéroallergènes était statistiquement plus élevé chez les asthmatiques que chez les non asthmatiques. Les auteurs concluent en disant que les mesures d’intervention devraient viser à éliminer les allergènes de façon globale plutôt que de s’attaquer à un seul élément.

Commentaire

L’étude a l’intérêt de montrer que, dans ce groupe d’enfants vivant dans les quartiers défavorisés d’une grande ville américaine, les logements comportent plusieurs aérocontaminants allergéniques différents qui sont responsables d’une polysensibilisation et qui devraient être pris en compte dans les mesures d’éviction proposées à la famille. Elle met aussi l’accent sur le fait qu’il n’y a pas de relation statistiquement significative, comme on aurait pu le penser, entre l’exposition aux allergènes acariens et chat et l’asthme. De fait, cette relation est débattue et représente pourtant un élément d’information essentiel si l’on veut donner à la famille des conseils d’éviction pertinents. D’autres études permettent de penser qu’il existe une hétérogénéité génétique dans la prédisposition à développer un asthme en lien avec une exposition aux allergènes acariens et que les sujets porteurs de certains polymorphismes génétiques seraient plus à risque que ceux qui ne le sont pas.Dans cette étude, on est surpris de constater la part des moisissures domestiques dans la sensibilisation allergique mais les auteurs ne précisent pas le pourcentage de logements ayant fait l’objet de dégâts des eaux, ayant une odeur de moisi ou comportant des moisissures visibles. Le faible pourcentage d’enfants sensibilisés vis-à-vis de Dermatophagoides pteronyssinus est également étonnant au regard d’une part à la co-sensibilisation habituelle avec Dermatophagoides farinae, d’autre part à la sensibilisation fréquente des enfants vis-à-vis de cet allergène.

Conclusion générale

Au travers de ces 2 articles, on perçoit combien l’objectif de prévention tertiaire des maladies allergiques respiratoires est complexe puisque les aérocontaminants, facteurs de risque de ces affections une fois déclarées sont ubiquitaires, retrouvés à la fois au domicile et à l’école et très souvent multiples� La question de la prévention primaire, qui sort du cadre de cette présentation, est elle aussi complexe puisqu’il n’est pas établi que ces aérocontaminants sont des facteurs de risque d’apparition de ces mêmes affections�

sur un échantillon représentatif d’écoles ou d’écoliers mais a l’intérêt d’avoir mis en œuvre un protocole bien standardisé et surtout d’avoir recherché des associations spécifiques avec les différentes espèces fungiques au travers de la mesure de l’ADN fungique. La notion selon laquelle les différents espèces de moisissures n’ont pas le même impact sanitaire ressort d’autres publications (Osborne et al., 2006) et a pour conséquences que l’identification de ou des moisissure(s) en cause est nécessaire lors de l’audit environnemental d’un logement, ce qui n’est pas fait en pratique par les services communaux d’hygiène et de santé. Les résultats de cette étude confirment par ailleurs les résultats des méta-analyses récemment publiées sur le sujet (Fisk, Lei-Gomez, Mendell, 2007, Mendell et al., 2011, Tischer, Chen, Heinrich, 2011) qui concluent à l’existence d’une relation causale entre l’exposition aux moisissures domestiques et les symptômes ORL et bronchiques.

Taux d’allergènes dans la poussière domestique et sensibilisation allergique dans un groupe d’enfants asthmatiques vivant à Détroit (Michigan, USA) Williams AH, Smith JT, Hudgens EE, Rhoney S, Ozkaynak H, Hamilton RG, Gallagher JE. Allergens in household dust and serological indicators of atopy and sensitization in Detroit children with history-based evidence of asthma. J Asthma. Early Online, 1-11, 2011.

Résumé

On connait le facteur de risque de sensibilisation allergique (5) que représente la présence dans le logement de tel ou tel allergène aéroporté ou pneumallergène. Cette étude avait pour objectif de préciser les relations entre l’exposition aux allergènes inhalés et les conséquences respiratoires en termes de sensibilisation allergique et de risque d’asthme. Il s’agit d’une étude épidémiologique transversale qui a inclus 185 enfants âgés de 9 à 12 ans, dont la moitié est asthmatiques. Ces enfants vivaient à Détroit, dans l’État du Michigan, et appartenaient, pour la plupart (85 %), à la communauté noire. L’étude a comporté un questionnaire préalable permettant d’identifier les asthmatiques et l’activité de la maladie chez ceux-ci (87 % des asthmatiques avaient un asthme actif, c’est-à-dire des symptômes asthmatiques récents, les autres des antécédents d’asthme), le dosage des allergènes domestiques (acariens, phanères de chat, phanères de chien, blattes, rat et souris) dans la poussière du sac d’aspirateur de la famille et la mesure des IgE spécifiques dans le sérum des enfants. Parmi les allergènes dosés dans la poussière recueillie dans le sac de l’aspirateur familial, le plus souvent retrouvés étaient : les allergènes de l’acarien Dermatophagoides farinae (83 % des logements), les phanères de chien (78 %), les allergènes de souris (53 %), les allergènes de chat (50 %), les allergènes de blattes (9 %) et les allergènes de Dermatophagoides pteronyssinus (7 %). Les 2/3 du groupe étaient sensibilisés vis-à-vis des aéroallergènes, par ordre de fréquence : les moisissures Alternaria (35 %), Aspergillus fumigatus (32 %) et Penicillium notatum (27 %), l’acarien Dermatophagoides pteronyssinus (31 %), la moisissure

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Pathologies et populations

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Hwang BF, Liu IP, Huang TP. Molds, parental atopy and pediatric incident asthma. Indoor Air. 2011 ; 21 : 472-478. Étude cas-témoin montrant comme facteur de risque d’apparition de l’asthme, les antécédents atopiques parentaux, la présence d’odeur de moisi et de moisissures visibles au domicile. Il existe une interaction entre ces 2 facteurs.Osawa Y, Suzuki D, Ito Y et al�. Prevalence of inhaled antigen sensitization and nasal eosinophils in Japanese children under two years old. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 2011 dec 2 [pub ahead of print].

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Allergens, Epidemiology, Health, Indoor mold.

Lexique

(1) Spirométrie : test simple mesurant la fonction ventilatoire. (2) cfu : Colony-forming units : dénombrement des colonies

bactériennes.(3) CVF : capacité vitale forcée, indicateur du volume d’air

mobilisable. (4) VEMS : volume expiratoire maximum seconde, indice de

débit aérien bronchique.(5) Sensibilisation allergique : allergie biologique, sans

nécessairement traduction clinique.

Publications de référence

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Revues de la littérature

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Autres publications identifiées

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Multiplicité des aéro-contaminants en cause dans les maladies allergiques respiratoires de l’enfantDenis CHARPIN

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pathologie sans rapport avec le tabagisme) et appariés sur le lieu de résidence, le sexe et l’âge. Cas et témoins ont été interrogés sur leur tabagisme et leur carrière professionnelle. Les expositions à l’arsenic, au chrome, au nickel, au cadmium et au plomb ont secondairement été évaluées par une équipe pluridisciplinaire (hygiénistes, chimistes et médecins de travail), en distinguant les expositions aux poussières et aux fumées ; la fréquence et l’intensité de l’exposition ont été prises en considération. Un modèle de régression logistique non conditionnelle (1) a été utilisé initialement pour quantifier l’association entre l’exposition aux métaux et le risque de cancer du rein.L’OR (2) et son intervalle de confiance à 95 % ont été calculés pour chaque agent en comparant les sujets exposés aux témoins. Les données ont été ensuite modélisées. Les variables d’ajustement étaient le sexe, l’âge, le centre hospitalier, ainsi que les facteurs de risque connus de cancer du rein (vie en milieu rural ou urbain, tabagisme, index de masse corporelle, épisodes d’hypertension auto-déclarés).Une augmentation de risque de cancer du rein a été observée en cas d’exposition au plomb OR = 1,55 : IC 95 % = [1,09 ; 2,21] et au cadmium OR = 1,40 : IC 95 % = [0,69 ; 2,85] tandis qu’aucune augmentation de risque n’a été observée pour les autres métaux étudiés. L’OR est significativement élevé dans la catégorie des sujets les plus fortement exposés au plomb OR = 2,25 : IC 95 % = [1,21 ; 4,19]. Aucune association significative n’a été observée avec l’exposition aux poussières et aux fumées considérées isolément. L’analyse plus détaillée des expositions combinées au cadmium et/ou au plomb ne montre pas d’hétérogénéité entre les centres. Aucune relation durée d’exposition – effet n’a pu être établie pour l’exposition cumulée. La prise en compte d’un délai

Exposition professionnelle à l’arsenic, au cadmium, au chrome, au plomb et au nickel et carcinome des cellules rénales : une étude cas-témoin en Europe centrale et l’Europe de l’est Boffetta P, Fontana L, Stewart P, Zaridze D, Szeszenia-Dabrowska N, Janout V, Bencko V, Foretova L, Jinga V, Matveev V, Kollarova H, Ferro G, Chow WH, Rothman N, van Bemmel D, Karami S, Brennan P, Moore LE. Occupational exposure to arsenic, cadmium, chromium, lead and nickel, and renal cell carcinoma : a case-control study from Central and Eastern Europe. Occup Environ Med. 2011 ; 68 : 723-728.

Résumé

Une forte augmentation de l’incidence du cancer rénal a été observée dans certain pays lors des décennies précédentes. La République tchèque a eu en 2002 le taux d’incidence mondial le plus élevé du cancer du rein (23,3/100 000 chez l’homme et 10,4/100 000 chez la femme). Une telle augmentation ne peut s’expliquer par les facteurs de risque connus du cancer du rein que constituent le tabagisme, l’hypertension et la surcharge pondérale. L’exposition professionnelle aux métaux lourds a été associée au risque de développement du cancer du rein. Plusieurs métaux ont des effets cancérogènes certains, probables ou possibles pour l’homme et parmi eux, certains sont associés à un excès de risque de cancer rénal dans des études expérimentales ou épidémiologiques.Une étude cas-témoin a été conduite dans 4 pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est (République tchèque, Pologne, Roumanie, Russie). Une série de 1 097 cas de cancer du rein confirmés histologiquement entre 1999 et 2003 ont été comparés à 1 476 témoins issus des mêmes hôpitaux (traités pour une

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Expositions professionnelles et cancer du reinPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Mimoza MANIKA* et Jean-Marc SOULAT**

* CHU Toulouse Purpan – Service des Maladies Professionnelles et Environnementales (SMPE) – Toulouse** Inserm – Unité 558 – Toulouse

Mots clés : Cadmium, Cancer du rein, Carcinome du rein, Exposition professionnelle, Facteur de risque, Imprimerie, Métaux lourds, Plomb

Le cancer du rein est une pathologie fréquente à la répartition géographique très hétérogène. Une incidence élevée est observée en Europe, en Amérique du nord et en Australie, pays dans lesquels le cancer du rein fait parti des 10 cancers les plus fréquents. Après une augmentation pendant plusieurs décennies, son incidence tend actuellement à diminuer progressivement ; le taux de mortalité standardisé (monde, pour 100 000 personnes-années) chez l’homme est passé de 4,7 (1983-1987) à 4,3 (2003-2007) pour se chiffrer à 4,1 en 2011.Les principaux facteurs de risques du cancer rénal sont le tabac, l’obésité et les troubles génétiques, mais ont aussi évoqués l’hypertension, les maladies rénales préexistantes, la nutrition… Le cancer du rein ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles en France. Cependant, plusieurs études récentes ont recherché des facteurs de risque professionnels ou environnementaux de cancer rénal ; elles étaient généralement ciblées sur quelques agents : amiante, arsenic, solvants organiques (en particulier, carburants et trichloréthylène), cadmium et plomb.

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Expositions professionnelles et cancer du reinMimoza MANIKA et Jean-Marc SOULAT

1979) employés pour une période minimum de 2 ans entre 1950 et 1978 à un poste de linotypiste, de typographe ou à la fonte de caractères d’imprimerie (travaux exposant au plomb) a été étudiée rétrospectivement. L’ensemble de la population d’étude a été suivi de 1979 à 2003. 104 sujets soit 2,3 % ont été perdus de vue.L’exposition au plomb a été classée en 3 catégories selon le type de l’emploi : bas (score 1 – département des linotypes), moyen (score 2 – département de fonte de caractères) et haut (score 3 – département de composition typographique). Un index cumulatif d’exposition au plomb a été calculé. Des expositions cumulatives (unités-an) pour chaque sujet ont été obtenues en multipliant le score respectif avec la durée de travail. Le SMR (3) a été calculés pour chaque cause de décès pour la cohorte entière ainsi que les sous-groupes définis selon l’âge d’embauche, la période de latence, la durée de travail et l’exposition cumulée au plomb. Les données de référence ont été celles de la mortalité de la population de Moscou de 1979 à 2003. La méthode de calcul des intervalles de confiance à 95 % (IC 95 %) est celle décrite par Breslow – Day, calculant l’IC à 95 % basée sur une distribution de Poisson. La mortalité globale observée chez les hommes a été légèrement plus élevée que celle de la population de référence (SMR = 1,04 : IC 95 % = [1,00 ; 1,12]) ; ce n’était pas le cas chez les femmes (SMR = 0,92 : IC 95 % = [0,86 ; 0,98]). L’excès de risque a été statistiquement significatif chez les typographes (SMR = 1,29 : IC 95 % = [1,08 ; 1,56]) et principalement dû à l’ischémie cardiaque. Tous cancers confondus, aucun excès de risque de cancer statistiquement significatif n’a pu être mis en évidence dans la cohorte totale ou dans les sous-groupes. De même, aucun excès de risque statistiquement significatif de cancer d’une localisation particulière n’a été observé dans l’ensemble de la cohorte ou dans l’un des sous-groupes. Des excès de mortalité ont été trouvés pour le cancer du pancréas et le cancer rénal. L’excès de mortalité par cancer rénal a doublé significativement lorsque l’exposition a dépassé 30 unité-an (9 décès ; SMR = 2,12 : IC 95 % = [1,10 ; 4,07]). Egalement, pour la même durée d’exposition cumulée, le risque de cancer du pancréas a significativement augmenté (SMR = 2,32 : IC 95 % = 1,46-3,68). Un risque élevé a été observé dans cette étude pour les cancers du col de l’utérus et des ovaires chez les femmes fortement exposées au plomb mais aucune relation dose–effet n’a pu être établie.

Commentaire

La cancérogénicité du plomb inorganique est une importante problématique de santé en raison de la double exposition professionnelle et environnementale à ce composé. Malgré les résultats des études expérimentales de cancérogénicité chez l’animal, la relation cancer–plomb chez l’homme n’est pas encore très claire. Les résultats des études épidémiologiques sont souvent limités et influencés par les co-expositions aux autres métaux tels que l’arsenic, le cadmium ou le chrome ; d’autre part les cohortes étudiées sont surreprésentées de sujets masculins. L’objectif des auteurs a été d’étudier une population d’hommes et de femmes, sans co-exposition à d’autres substances connues ou suspectés d’être cancérigènes.

minimal de 20 ans à partir du début de l’exposition ne modifie pas les relations observées. L’analyse des données provenant des sujets co-exposés au cadmium et au plomb (13 cas exposés et 8 témoins) montre une élévation du risque sans qu’elle soit significative : l’OR = 2,77 : IC 95 % = [1,00 ; 7,68]. La prise en compte de l’exposition aux autres métaux ne modifie pas sensiblement l’OR estimé pour l’exposition au plomb ; après ajustement sur l’exposition au cadmium, l’ORplomb = 1,51 : IC 95 % = [1,06 ; 2,14]. En revanche, après ajustement sur l’exposition au plomb, l’ORcadmium = 1,27 : IC 95 % = [0,71 ; 2,29].

Commentaire

Cette publication étudie des métaux dont la cancérogénicité pour l’espèce humaine est au moins possible. Le nombre élevé de cas et de témoins ainsi que l’évaluation homogène des expositions constituent des points forts de cette étude. Cependant cette évaluation ne s’appuie pas sur des mesures quantitatives de l’intensité d’exposition et elle n’a pas été faite en aveugle. Parmi les métaux étudiés, les résultats suggèrent une augmentation du risque de développement du cancer du rein associé à l’exposition professionnelle au plomb. La nephrotoxicité du plomb est avérée en exposition aiguë et chronique chez l’Homme et l’animal. Les études antérieurement publiées ont montré un risque élevé pour le cancer du rein sans atteindre le seuil de signification statistique.L’exposition cumulée au plomb dans cette étude montre un OR significativement élevé dans la catégorie des plus fortes expositions. L’apport de cette étude sur la cancérogénicité du cadmium reste limité en raison de l’absence de signification statistique de l’excès de risque et de l’interférence de l’exposition concomitante au plomb. Les données d’exposition combinées au plomb et au cadmium manquent de précision. Le recueil rétrospectif des informations et l’utilisation des témoins hospitaliers introduisent des erreurs de classification non-différentielle aboutissant à la sous-estimation de la force de l’association.Toutefois, ces résultats concordant avec ceux de précédentes études mériteront d’être approfondis et élargis. Le développement et l’utilisation des méthodes analytiques fiables permettront de caractériser de manière précise les expositions.

Mortalité par cancer chez les travailleurs femmes et hommes exposés professionnellement au plomb inorganique dans l’industrie de l’imprimerieIlychova SA, Zaridze DG. Cancer mortality among female and male workers occupationally exposed to inorganic lead in the printing industry. Occup Environ Med. 2012 ; 69 : 87-92.

Résumé

L’étude a été conduite dans 27 imprimeries de Moscou, spécialisées dans la production de journaux et de magazines. Une cohorte de 4 525 ouvriers (1 423 hommes et 3 102 femmes ; encore vivants en

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Expositions professionnelles et cancer du reinMimoza MANIKA et Jean-Marc SOULAT

Lexique

(1) Modèle de régression logistique non conditionnelle : modèle de régression binomiale (cas et témoins non appariés).

(2) OR : Odd ratio (rapport des cotes).(3) SMR : ratio standardisé de mortalité.(4) HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques.(5) CIRC : Centre international de Recherche sur le Cancer.

Publications de référence

Buzio L, Tondel M, De Palma G et al�. Occupational risk factors for renal cell cancer. An Italian case-control study. Med Lav. 2002 ; 93 : 303-309.Fabiánová E, Szeszenia-Dabrowska N, Kjaerheim K et al�. Occupational cancer in central European countries. Environ Health Perspect. 1999 ; 107 : 279-282.Fu H, Boffetta P. Cancer and occupational exposure to inorganic lead compounds: a meta-analysis of published data. Occup Environ Med. 1995 ; 52 : 73-81InVS (Institut de veille sanitaire). Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en 2011. Rapport technique. Saint-Maurice, 2011 ; 78 p. Ji J, Granström C, Hemminki K. Occupational risk factors for kidney cancer : a cohort study in Sweden. World J Urol. 2005 ; 23 : 271-278.Karami S, Boffetta P, Rothman N et al�. Renal cell carcinoma, occupational pesticide exposure and modification by glutathione S-transferase polymorphisms. Carcinogenesis. 2008 ; 29 : 1567-1571.Karami S, Boffetta P, Stewart PS et al�. Occupational exposure to dusts and risk of renal cell carcinoma. Br J Cancer. 2011 ; 104 : 1797-1803.Levi F, Ferlay J, Galeone C et al�. The changing pattern of kidney cancer incidence and mortality in Europe. BJU Int. 2008 ; 101 : 949-958. Lipworth L, Tarone RE, Lund L et al�. Epidemiologic characteristics and risk factors for renal cell cancer. Clin Epidemiol. 2009 ; 1 : 33-43.Lipworth L, Tarone RE, McLaughlin JK. The epidemiology of renal cell carcinoma. J Urol. 2006 ; 176 : 2353-2358.Mathew A, Devesa SS, Fraumeni JF Jr et al�. Global increases in kidney cancer incidence, 1973-1992. Eur J Cancer Prev. 2002 ; 11 : 171-178.McLaughlin JK, Lipworth L. Epidemiologic aspects of renal cell cancer. Semin Oncol. 2000 ; 27 : 115-123.Moyad MA. Review of potential risk factors for kidney (renal cell) cancer. Semin Urol Oncol. 2001 ; 19 : 280-293.Mundt KA, Birk T, Burch MT. Critical review of the epidemiological literature on occupational exposure to perchloroethylene and cancer. Int Arch Occup Environ Health. 2003 ; 76 : 473-491.Murai M, Oya M. Renal cell carcinoma: etiology, incidence and epidemiology. Curr Opin Urol. 2004 ; 14 : 229-233.Scélo G, Brennan P. The epidemiology of bladder and kidney cancer. Nat Clin Pract Urol. 2007 ; 4 : 205-217.Steenland K, Boffetta P. Lead and cancer in humans: where are we now? Am J Ind Med. 2000 ; 38 : 295-299.

Une augmentation significative de la mortalité par le cancer rénal a été observée dans le sous-groupe ayant la plus forte exposition cumulée tout sexe confondu. Cependant le manque de données quantitatives d’exposition ne permet pas de conclure sur une relation dose-effet entre l’exposition professionnelle au plomb et le cancer du rein.

Conclusion générale

Les publications étudiées évoquent une probable implication de l’exposition professionnelle au plomb dans le développement du cancer du rein sans en apporter de preuve formelle� Les études expérimentales ou chez l’homme ont mis en évidence des excès de risque du cancer du rein associé à des facteurs professionnels ou bien une relation dose-effet sans que le niveau de preuve soit suffisant� De nombreux produits chimiques sont incriminés tels que les métaux, les solvants chlorés, les solvants pétroliers, les pesticides, les HAP (4), les fibres et les poussières�Les publications étudiées apportent des informations principalement sur la cancérogénicité du plomb� La première étude évalue le développement du cancer du rein et l’exposition professionnelle aux métaux lourds : un excès de risque statistiquement significatif a été trouvé pour l’exposition au plomb� La deuxième étude a montré une augmentation significative de mortalité par le cancer rénal pour des expositions cumulées au plomb� Le classement du plomb par le CIRC (5) en groupe 2A (probable cancérigène pour l’homme) est attribué à un excès de risque de cancer gastrique et broncho-pulmonaire, mais la majorité des études ne prennent pas en compte des facteurs de confusion majeurs (certaines co-expositions et surtout, le tabagisme)� Ces travaux, évaluant les expositions professionnelles, sont confrontés aux insuffisances méthodologiques liées à l’estimation de l’exposition, la co-exposition professionnelle et environnementale à plusieurs produits, le tabagisme, des facteurs individuels)� Les études sur l’impact des facteurs professionnels dans le développement du cancer rénal sont à poursuivre� Elles doivent bénéficier des connaissances actuelles, d’une part sur les altérations génétiques impliquées dans cette pathologie et d’autre part sur les mécanismes d’action cancérogène des métaux afin de pouvoir arriver à caractériser de manière fiable les expositions aux substances cancérigènes�

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Expositions professionnelles et cancer du reinMimoza MANIKA et Jean-Marc SOULAT

Revues de la littérature

Chow WH, Dong LM, Devesa SS. Epidemiology and risk factors for kidney cancer. Nat Rev Urol. 2010 ; 7 : 245-257Lipworth L, Tarone RE, McLaughlin JK. Renal cell cancer among African Americans: an epidemiologic review. BMC Cancer. 2011 ; 11 : 133.Ljungberg B, Campbell SC, Choi HY et al�. The epidemiology of renal cell carcinoma. Eur Urol. 2011 ; 60 : 615-621.Weikert S, Ljungberg B. Contemporary epidemiology of renal cell carcinoma: perspectives of primary prevention. World J Urol. 2010 ; 28 : 247-252.

Autres publications identifiées

Behrens T, Lynge E, Cree I et al�. Pesticide exposure in farming and forestry and the risk of uveal melanoma. Cancer Causes Control. 2012 ; 23 : 141-151. Étude menée dans 9 pays européens, évaluant l’exposition professionnelle aux pesticides chez des travailleurs du secteur agricole et forestier et le risque de mélanome de l’uvée. Ne montre pas d’excès de risque.Calvert GM, Ruder AM, Petersen MR. Mortality and end-stage renal disease incidence among dry cleaning workers. Occup Environ Med. 2011 ; 68 : 709-716.Étude bien menée avec une bonne méthodologie. Évaluation de la mortalité de maladie rénale en phase terminale chez les travailleurs de nettoyage à sec.Felini M, Johnson E, Preacely N et al�. A pilot case-cohort study of liver and pancreatic cancers in poultry workers. Ann Epidemiol. 2011 ; 21 : 755-766.Etude intéressante sur une exposition professionnelle peu étudiée. Résultats préliminaires de faible puissance statistique.Felini M, Preacely N, Shah N et al�. A case-cohort study of lung cancer in poultry and control workers: occupational findings. Occup Environ Med. 2012 ; 69 : 191-197Étude intéressante sur une exposition professionnelle peu étudiée. Résultats préliminaires de faible puissance statistique.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Cancer, Kidney cancer, Occupational exposure, Renal cell carcinoma, Risk factor.

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Édition scientifique • Bulletin de veille no 17 • Avril 2012Notes d’actualité scientifique

ulletineillede

cientifique

Risques sanitaireset société

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contenant des nano-composants, toutefois, l’expérience menée par les auteurs ne fournit que des réponses parcellaires. Elle ne vise que la perception des risques, sans informer sur le degré de corrélation entre cette dernière et le comportement effectif du consommateur, et porte sur un produit bien particulier, destiné à être en contact direct avec le corps humain. Pourtant, même si elle est difficilement extrapolable en l’état, cette étude peut être interprétée comme une information à l’attention de pouvoirs publics qui envisageraient l’étiquetage comme une piste permettant tout à la fois une meilleure information des consommateurs et une acceptabilité sociale plus importante des nanotechnologies.

La finalité de l’étiquetteThrone-Holst H, Rip A. Complexities of labelling of nano-products on the consumer markets. European Journal of Law and Technology. 2011 ; 2 : 1-12.

Résumé

L’étude de Throne-Holst et Rip (2011) fait écho au texte précédant en mettant à jour, sous l’unanimité apparente dont font l’objet les demandes d’étiquetage obligatoire dans le domaine des risques émergents (2), la complexité sociale de l’exercice auquel cette solution se rattache en réalité. Après avoir brossé rapidement le tableau des demandes allant dans le sens d’une obligation d’étiquetage des nanoproduits, les auteurs consacrent des développements plus conséquents aux trois facteurs de complexité qui s’attachent, selon eux, à cette entreprise. 1) l’absence de définition internationalement harmonisée des nanotechnologies, qui est une source de confusions inévitables pour tous les acteurs concernés et risque de rendre la communication espérée au travers de l’étiquetage inopérante ; 2) l’effet translateur de responsabilité qu’opère l’étiquetage,

La peur de l’étiquetteSiegrist M and Keller C. Labelling of Nanotechnology Consumer Products Can Influence Risk and Benefit Perceptions. Risk Analysis. 2011 ; 31 : 1762-1769.

Résumé

Siegrist et Keller (2011) livrent dans leur article les résultats d’une expérience menée en Suisse germanophone. Elle visait à mesurer l’effet de l’étiquetage sur la perception, par les consommateurs, des risques et bénéfices associés aux nanotechnologies. L’expérience prenait appui sur plusieurs études antérieures illustrant les possibles effets inattendus (mise en évidence de risques, recommandation du choix par défaut) liés aux messages implicites perçus par le public et relativisant la portée de l’information réellement délivrée au regard de la dimension affective de la perception. Les auteurs postulaient que les participants à l’étude percevraient l’étiquetage indiquant la présence de nanoparticules synthétiques sur une crème solaire comme une indication de risques associés aux nanotechnologies. Leurs résultats confirment ces postulats. En présence d’une telle étiquette, le niveau des risques perçus augmente et le niveau des bénéfices perçus chute, quelles que soient les informations associées à cette mention. Ce résultat peut s’expliquer, selon les auteurs, de plusieurs façons. À l’émotion négative sans doute suscitée par un terme technique non familier et complexe (nanoparticules synthétiques) s’ajouterait l’impression qu’il vaut mieux, en présence de deux produits similaires, s’orienter vers celui qui ne suggère rien (le choix par défaut), sans même chercher à en savoir davantage sur la réalité des risques associés aux produits concernés.

Commentaire

L’intérêt de cette étude est incontestable. Au regard des enjeux liés à l’introduction d’une obligation d’étiquetage des produits

Risques sanitaires et société

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produitsPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Stéphanie LACOUR

CNRS – Centre d’Études pour la COopération Juridique Internationale (CECOJI, UMR 6224 CNRS Université de Poitiers)- Équipe « Normativités et nouvelles technologies » – Ivry-sur-Seine

Mots clés : Étiquetage, Nanotechnologies, Information des consommateurs, Règlementation, Responsabilité, Perception des risques, Principe de précaution, Transparence

Parmi les mesures réglementaires discutées au sujet des nanotechnologies, la mise en place d’obligations d’étiquetage des produits mis sur le marché figure en bonne place dans tous les pays industrialisés. L’introduction rapide de nano-composants (1) dans les produits a en effet, parallèlement à la difficile avancée des connaissances en matière de toxicologie des nanomatériaux, suscité une volonté légitime d’informations de la part de nombreux acteurs. Les deux textes choisis illustrent la complexité des questions que soulève l’étiquetage obligatoire des produits contenant des nano-composants. Ils permettent de resituer cette option dans le champ des possibles réglementaires envisageables.

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Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produitsStéphanie LACOUR

la démonstration (on pense, notamment, à la description des mécanismes de responsabilité du fait des produits, qui laissent de côté les figures modernes de la responsabilité du fait des produits défectueux pour ne s’attacher qu’aux hypothèses de responsabilité contractuelle pure) n’enlève donc rien à l’intérêt du raisonnement et des pistes suggérées par les auteurs.

Conclusion générale

Donner au public une information satisfaisante sur les nanotechnologies, les risques qu’elles sont susceptibles d’induire et la composition des produits auxquels il est exposé afin de lui permettre d’opérer, à titre individuel et collectif, les choix les plus pertinents est un objectif louable et répond à une demande sociale incontestable� Les risques associés aux nanomatériaux demeurant, dans leur immense majorité, incertains, la mise en place d’obligations d’étiquetage ne constitue néanmoins pas, à elle seule, un outil pertinent� De nombreuses études tendent en effet à prouver que les étiquettes sont rarement lues par les consommateurs et la multiplication des labels ne simplifie pas l’équation� Une réglementation univoque pourrait se retourner tout à la fois contre les pouvoirs publics et les industriels du secteur, qui risquent de perdre la confiance des consommateurs, et contre ces derniers, qui pourraient se voir, ce faisant, transférer une responsabilité bien lourde� Correctement inséré dans une gestion plus globale des risques émergents - allant de l’adoption de mesures de précaution en amont à des procédures transparentes lors de la mise sur le marché des produits et à la mise en œuvre d’obligations de vigilance partagées - l’étiquetage demeure néanmoins sans doute une piste à envisager�

Lexique

(1) Nano-composants : éléments issus des nanotechnologies entrant dans la composition des produits. Il peut s’agir de nanoparticules ou nanomatériaux mais aussi, plus largement, d’éléments obtenus grâce à des procédés nanotechnologiques.

(2) Risques émergents : risques incertains associés aux produits issus des technologies émergentes.

(3) Ecolabels : selon le site de l’AFNOR www.ecolabels.fr, les écolabels distinguent des produits et des services plus respectueux de l’environnement. Leurs critères garantissent l’aptitude à l’usage des produits et une réduction de leurs impacts environnementaux tout au long de leur cycle de vie. Deux écolabels sont délivrés en France : la marque NF Environnement pour le marché français et l’Eco-label européen pour le marché de l’Union européenne.

(4) Focus group : méthode d’enquête qualitative utilisée dans le domaine du marketing et de la sociologie qui s’appuie

des épaules des acteurs qui décident de la mise sur le marché (industriels mais aussi pouvoirs publics) vers celles des consommateurs. Ceux-ci sont en effet virtuellement placés en position de faire un choix informé alors même que les connaissances sur les risques associés aux nanoproduits demeurent parcellaires et que les mentions prévues par le Règlement « Cosmétiques » ne sont pas des labels garantissant le respect d’un cahier des charges comme peuvent l’être certains écolabels2.3) le fait que les consommateurs soient très certainement, parmi les parties prenantes de la mise sur le marché de nanoproduits, les acteurs les moins informés, si l’on se fie aux résultats de tous les sondages effectués à ce jour dans le monde.Ces facteurs de complexité se reflètent, selon les auteurs, dans les résultats des focus groups (4) qui ont été consacrés en 2006 et 2008, en Norvège, à la question de la mise sur le marché des nanoproduits. Ils mènent les auteurs, dans la dernière partie de l’article, à suggérer un certain nombre de pistes alternatives à l’étiquetage, qui permettraient de répondre aux objectifs de transparence, de responsabilisation des acteurs et de répartition des responsabilités éventuellement échues sans encourir les mêmes critiques. Selon les auteurs, en effet, dans bien des outils existants en matière de gestion des risques liés aux produits, la responsabilité attachée à un dommage éventuel est entièrement dévolue à un seul des acteurs : les pouvoirs publics, les producteurs ou le consommateur. Une telle répartition est inconcevable dans un domaine où, comme le dénonce (Beck, 2003) le fardeau de la responsabilité a tendance à se dissoudre dans la complexité des relations engendrées par les risques émergents et où les acteurs tendent davantage, faute de certitudes, à organiser leur irresponsabilité qu’à clarifier la situation. Rien n’empêche, néanmoins, d’envisager des solutions tendant à un partage plus équitable des risques, et donc des responsabilités liées à la mise sur le marché de produits auxquels sont associés des risques incertains. La piste d’une collaboration des producteurs et associations de consommateurs, sous le contrôle des autorités publiques, en matière d’étiquetage des produits contenant des nano-composants est ainsi évoquée, de même que la mise en place d’obligations de vigilance, de la part des producteurs aussi bien que des consommateurs, une fois les produits mis sur le marché de bonne foi par les industriels. Sans s’engager davantage sur ces pistes, les auteurs terminent en appelant de leurs vœux des initiatives d’information des consommateurs qui tendront à un partage équitable des responsabilités fondé sur de la transparence et une responsabilisation croissante des acteurs.

Commentaire

Le raisonnement des auteurs est séduisant et contribue à démontrer que l’étiquetage des nanoproduits n’est acceptable qu’à la condition de ne pas être la seule mesure adoptée pour la gestion des risques émergents. L’analyse est conforme aux dispositions du principe de précaution, dont les liens avec les mécanismes de responsabilité civile délictuelle (5) ont fait l’objet d’études en droit français. Le caractère parfois caricatural de

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Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produitsStéphanie LACOUR

d’observation de ce qu’il est possible de créer pour que le public, les non-experts, se voient conférer une part active et constructive dans les processus de décision menant aux politiques scientifiques et technologiques.Te Kulve H et Rip A. “Constructing Productive Engagement: Pre-Engagement Tools for Emerging Technologies”. Sci Eng Ethics (2011), publié en open access sur Springerlink.com le 6 septembre 2011.L’article met en lumière le rôle des organisateurs de processus de débats publics dans le domaine des développements scientifiques et technologiques. Les phases de préparation de ces débats ont une importance cruciale sur leur pratique et sur leurs effets.Conley NS. “Engagement Agents in the Making: On the Front Lines of Socio-Technical Integration”. Sci. Eng Ethics (2011), publié en open access sur Springerlink.com le 9 novembre 2011.Conley prend la suite du raisonnement tenu par les auteurs de l’article précédent pour approfondir les méthodes envisageables pour former des chercheurs en sciences humaines et sociales et en sciences dures aux diverses dimensions du rôle d’organisateurs de débats publics, de relais efficaces entre les mondes scientifiques, politiques et règlementaires.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Accountability, Consumers, Labeling, Liability, Nanotechnologies, Regulation, Risk perception, Science and Technology Policies.

sur un groupe spécifique (culturel, sociétal ou idéologique), afin de déterminer la réponse de ce groupe et l’attitude qu’il adopte au regard d’un produit, d’un service, d’un concept…

(5) Responsabilité civile délictuelle : procédé juridique permettant la mise en œuvre de la responsabilité des personnes qui causent un dommage à autrui avec pour obligation la réparation du préjudice subi par la victime. Elle trouve ses fondements dans les articles 1382 et suivants du Code civil.

Publications de référence

Communication de la Commission européenne, COM (2008) 366 final- Aspects réglementaires des nanomatériaux du 17 juin 2008.Recommandation n° 2011/696/UE de la Commission Européenne relative à la définition des nanomatériaux du 18 octobre 2011.Règlement (CE) N° 66/2010 du Parlement Européen et du Conseil, établissant le label écologique de l’Union Européenne du 25 novembre 2009�Wiedemann PM, Schütz H. The precautionary principle and risk perception : Experimental studies in the EMF area, Environ Health Perspect. 2005 ; 113 : 402–405.McKenzie CRM, Liersch MJ, Finkelstein SR. Recommendations implicit in policy defaults. Psychological Science. 2006 ; 17 : 414–420.Keller C, Siegrist M, Gutscher H. The role of the affect and availability heuristics in risk communication. Risk Analysis. 2006 ; 26 : 631–639.Boutonnet M. Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, Bibliothèque de droit privé, tome 444, 2005.Avis du Comité de la Prévention et de la Précaution, Ministère de l’écologie et du développement durable, mai 2006, « Nanotechnologies, nanoparticules, quels dangers, quels risques ? ».Avis du Comité de la Prévention et de la Précaution, mars 2010, « La décision publique face à l’incertitude. Clarifier les règles, améliorer les outils ».Beck U. La Société du risque - Sur la voie d’une autre modernité. Flammarion - Champs 2003.

Autres publications identifiées

Toumey C. “Democratizing nanotech, then and now”. Nature Nanotechnology. 2011 ; 6 : 605.L’article recense plusieurs initiatives de débats publics sur les nanotechnologies et fait le point sur l’état de l’art des travaux de démocratisation des questions scientifiques et technologiques liée aux nanotechnologies que l’auteur appelait de ses vœux en 2006 dans la même revue. Malgré les écueils qu’ont rencontrés ces différentes expériences, qui sont liés à la technique du débat public, au manque d’implication des pouvoirs publics tout comme aux spécificités des nanotechnologies (complexité, caractère générique, enjeux diffus et brouillés selon les champs d’application), l’auteur conclut que les nanotechnologies demeurent un bon laboratoire

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professionnalisme et de l’expérience chez les salariés pris dans des exigences qui peuvent se contredire sans cesse. On assiste à la mise en place d’une forme d’empêchement de travailler aux répercussions multiples sur la santé – inaptitudes, restrictions d’aptitude, dépression, mésestime – qui laissent une impression de grande solitude face aux difficultés. Tout ceci se double d’un manque de reconnaissance, que l’on trouve par exemple chez les téléacteurs et qui peut pousser les salariés à une quête du travail bien fait – passant par exemple par des formes de « triche » – qui les fera souffrir et fera aussi, de par la mise en concurrence de ces derniers, exploser le collectif de travail. Explosion néfaste aussi pour les entreprises qui doivent peut-être – afin d’intéresser les salariés à leur travail et éviter les plaies invisibles de ces formes de production parcellisées et individualisées – permettre l’émergence d’un sursaut démocratique dans l’entreprise.

Commentaire

Les auteurs invitent à repenser ce que les salariés incorporent à travers les processus de production, ce que peut signifier, au quotidien, travailler selon des injonctions contradictoires qui ne laissent que très peu d’informations sur la dangerosité des produits que les salariés manipulent. Ces salariés peuvent se trouver soumis à des formes d’intensification du travail et de qualité avec très peu de moyens qualitatifs ou quantitatifs. Et c’est ce paradoxe qui va pouvoir faire apparaître des situations de travail où des salariés vont être mis en difficulté pour adopter des attitudes de protection de leur santé. La précarité les incite à

Injonctions paradoxales et reconnaissanceCaron L, Coppi M, Théry L, Vasselin A. Devant l’impossibilité de faire le travail prescrit. Projet. 2011 ; 323 : 53 - 63.

Résumé

L’une des grandes questions posées aujourd’hui par l’organisation du travail est la suivante : comment les salariés trouvent-ils du sens et de la reconnaissance face à l’écart travail prescrit-travail réel qui peut devenir source de souffrance ? L’organisation du travail semblerait mettre en difficulté les mécanismes collectifs permettant aux salariés d’exister au travail, de gérer ce qui pose problème en confrontant ces derniers à des logiques productives plus individualisées et paradoxales, plus problématiques de part l’écart constitué entre travail prescrit et travail réel comme peut en témoigner le secteur du travail social. Le travail se modifie à travers l’accroissement des injonctions paradoxales et interroge en quoi cela peut avoir des répercussions sur la santé des travailleurs. Ces réflexions sont d’ailleurs criantes au cœur des phénomènes d’externalisation où la culture du « moins-disant (1) » confronte les prestataires aux exigences des donneurs d’ordre qui deviennent si importantes que des Business Units se fondent avec pour principal intérêt la satisfaction du client externe et la concurrence des sous-traitants entre eux. Cela faisant écho aux formes d’organisation du travail Tayloriennes comme l’exemple des centres d’appels le montre, niant le plus souvent les conséquences sur les santés mentale et physique des salariés qui ont ainsi du mal à réaliser leur travail. Ces atteintes à la santé se manifestent à travers la très difficile construction du

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Travail, sens, valeurs et reconnaissance : comment la rationalisation peut-elle être à l’origine de pathologies professionnelles ?Période : septembre 2011 à décembre 2011

Cédric SURIRÉ et Frédérick LEMARCHAND

Université de Caen Basse-Normandie – CERReV – Caen

Mots clés : Collectif, Évaluation, Inaptitude, Individualisation, Injonctions, Organisation, Pathologies, Prescription, Reconnaissance, Santé

À la manière d’Honneth (2000), il convient de se demander comment les salariés peuvent se reconnaître dans des tâches de plus en plus dominées par des injonctions paradoxales et les écarts travail prescrit-travail réel ? Au sein d’une organisation du travail qui brouille les pistes permettant aux salariés de trouver du sens, des valeurs, de la reconnaissance dans leur travail, au profit de nouvelles formes de domination fondées sur la destruction des collectifs de métier pouvant donner lieu à l’émergence de pathologies d’isolement et d’éventuels suicides (Molinier, 2009), l’appropriation du travail par les exécutants devient délicate et semble créer des effets pathogènes que prévention et réparation ont le plus grand mal à endiguer (Hélardot, 2011). Pour comprendre la complexité des conséquences des processus de rationalisation de la production, l’observation du monde du travail, l’analyse du vécu des salariés et de leurs soignants est primordiale. Elles offrent la possibilité de saisir ce que font les gens au travail (Arborio et al., 2008), comment ils peuvent ou non le faire, comment ils vivent l’opposition croissante entre travail prescrit-travail réel (Daniellou, 1996).

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Travail, sens, valeurs et reconnaissance : comment la rationalisation peut-elle être à l’origine de pathologies professionnelles ?

Cédric SURIRÉ et Frédérick LEMARCHAND

autres, et leur absence dure plus longtemps. […] Les pertes de productivité au travail peuvent être considérables, et 88 % de tous les travailleurs souffrant de Troubles Mentaux Graves (TMG) ont vu leur productivité baisser au cours de la période de quatre semaines considérée. » (OCDE 2011). Il en est de même pour les salariés atteints de Troubles Mentaux et du Comportement (TMC) ce qui doit, selon l’OCDE (4), orienter la conception des politiques publiques de santé. Ces dernières se trouvent confrontées au problématique écart entre travail prescrit-travail réel. Difficulté rencontrée chez les salariés, mais aussi chez les médecins du travail qui, avec un nombre de salariés par médecin allant de 3 000 à 8 000, ne peuvent plus suivre les souffrances des salariés qui les sollicitent pour cette même difficulté provenant de l’écart travail prescrit-travail réel. Pour ces raisons on voit apparaître des phénomènes de « burn-out » chez les soignants du travail (Delbrouck, 2007 ; 2010). L’organisation du travail actuelle reproduit le schéma déjà analysé par Wright-Mills (1967) qui montrait que des phénomènes sociaux tels que ceux décrits ici pour des situations de travail sont, d’une manière trop limitée, entendus comme des « épreuves personnelles de milieu » ne touchant que les rapports immédiats d’un individu à autrui, alors qu’en fait ces phénomènes s’avèrent plutôt être des « enjeux collectifs de structure sociale » qui amènent à penser le fonctionnement des institutions. Et l’entreprise avec les hommes qui la composent, en tant qu’institution, évolue en créant des rapports sociaux qui doivent amener à penser les problèmes dans leur dimension collective.

Est-il encore possible de s’approprier son travail ? Analyse des valeurs et du sens au travailBernoux P. Reconnaissance et appropriation : pour une anthropologie du travail. Esprit. 2011 ; 378 : 158-168.

Résumé

Le texte met en avant le fait que la reconnaissance des qualités au travail – et, à travers elles, de la personne même du travailleur – est une question ancienne, mais toujours d’actualité (Lallement 2007). Et les cas de suicides rattachés au travail qui sont parallèles à cette question poussent à réfléchir sur la place de l’être humain au travail. C’est bien la position de l’homme dans les processus de production qui va faire apparaître des stratégies d’appropriation par les salariés en aménageant les règles de production. Même si l’organisation du travail se transforme, les mécanismes d’ajustement et d’appropriation sont toujours présents et laissent transparaître une volonté salariale de faire son travail du mieux possible en en retirant si possible de la reconnaissance. Plus l’écart semble se creuser entre travail prescrit-travail réel, plus les possibilités d’appropriation du travail afin d’en retirer du sens, des valeurs, de la reconnaissance deviennent difficiles pour les salariés comme l’exemple des taxis new-yorkais de 2007 a pu en partie le montrer. Or, la reconnaissance est nécessaire socialement et sa mise en œuvre délicate ne peut être qu’une source supplémentaire de souffrances mentales et physiques au sein de la division du travail, et plus généralement, être vecteur d’inégalités sociales de santé. Les répercussions en sont multiples

censurer la conscience des risques qu’ils prennent pour répondre aux exigences de l’organisation du travail (Volkoff et Gollac, 2006). Ils tendent aussi à montrer que le système de prévention ne répond pas dans la pratique aux exigences formulées dans le droit. Ce dernier étant très difficilement capable d’enrayer les diverses dégradations croissantes de la santé et le fait que les salariés souffrent parce qu’ils possèdent de moins en moins de possibilités de choisir leurs propres stratégies de travail (Volkoff et Gollac, 2010). Il est bien nécessaire d’insister sur le fait que les risques au travail, représentés par ces atteintes à la santé dues à la difficulté de faire sont travail vont jusqu’à avoir des répercussions beaucoup plus larges, telles que celles décrites par Beck (2001) lorsqu’il utilise la notion « d’effet boomerang », c’est-à-dire, le stade où les risques liés à la modernisation engendrent des menaces dépassant le stade du collectif de travail pour mettre en difficulté l’entreprise et, plus loin, la société dans son ensemble en aggravant les inégalités sociales déjà en présence.

Seul face aux problèmes de santé au travail : conséquences et stratégiesDevaux B. Au chevet de l’organisation du travail. Projet. 2011 ; 323 : 35-37.

Résumé

Malgré des systèmes de prévention de plus en plus sollicités, opérationnels et présents, les pathologies au travail sont toujours présentes. Ce sont leurs formes qui évoluent puisqu’elles semblent désormais trouver leurs origines dans le manque de sens et de reconnaissance des pratiques des salariés. L’impossibilité de bien faire son travail à travers des formations adaptées et des moyens qualitatifs et quantitatifs suffisants éloigne les salariés des valeurs rattachées à leur travail et potentiellement porteuses de sens. Cet éloignement peut se traduire par de l’isolement, du « burn-out (2) », des TMS (3), des syndromes dépressifs qui conduisent à de nombreux arrêts de travail ou inaptitudes pour accidents, harcèlements, pathologies professionnelles. Or lorsque le corps s’exprime ainsi de manière délétère au sein des transformations de l’organisation du travail qui vont jusqu’à remettre en cause les formes de solidarités collectives, l’entreprise elle-même se voit exposée à l’apparition de malfaçons, d’aléas de production, à des risques au travail qui auront des conséquences sur les salariés. Ces événements conduisent souvent à des inaptitudes au travail qui ne constituent qu’une réponse individuelle à court terme pour un problème collectif porteur d’une problématique plus grande. Le caractère inapproprié de la réponse représente un défi notamment pour la médecine du travail qui doit trouver des moyens d’agir plus participatifs prenant en compte les risques psychosociaux dans leur dimension collective et viser une meilleure compréhension des atteintes aux santés mentales et physiques.

Commentaire

« Les travailleurs atteints de troubles mentaux sont absents de leur travail pour raison de santé plus souvent que les

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Travail, sens, valeurs et reconnaissance : comment la rationalisation peut-elle être à l’origine de pathologies professionnelles ?Cédric SURIRÉ et Frédérick LEMARCHAND

Lexique

(1) Moins-disant : acceptation par un sous-traitant d’un marché sans tenir compte de la réalité du travail d’un point de vue organisationnel, humain et économique.

(2) Burn-out : syndrome d’épuisement professionnel passant par plusieurs phases de mécanismes de défense : déni, refoulement, décompensation… La traduction chez la personne atteinte de burn-out pourra passer par l’épuisement émotionnel et le sentiment d’échec professionnel allant jusqu’à de graves somatisations inconscientes.

(3) TMS : troubles musculo-squelettiques.(4) OCDE : Organisation de Coopération et de Développement

Economiques.

Publications de référence

Arborio AM et al�. Observer le travail : histoire, ethnographie, approches combinées. La Découverte. 2008.Askenazy P. Les désordres du travail : enquête sur le nouveau productivisme. Seuil. 2004.Beck U. La société du risque : sur la voie d’une autre modernité. Aubier. 2001.Bègue F, Dejours C. Suicide et travail : que faire ? PUF. 2009.Daniellou F. L’ergonomie en quête de ses principes : débats épistémologiques. Octares. 1996.Daubas-Letourneux V. Accidents du travail : des blessés et des morts invisibles. Mouvements. La Découverte. 2009 ; 58 : 29-37.Dejours C� Aliénation et clinique du travail� Actuel Marx� 2006 ; 39 : 124-133�Dejours C. Conjurer la violence : travail, violence et santé. Payot. 2007.Dejours C, Gernet I. Évaluation du travail et reconnaissance. Nouvelle revue de psychosociologie. 2009 ; 8 : 27-36.Delbrouck M. Burn-out et médecine. Cahiers de psychologie clinique. 2007 ; 28 : 121-132.Delbrouck M. Je suis épuisé(e) par ma charge de travail : que puis-je y faire ? Le burn-out ou la souffrance des soignants. Imaginaire et Inconscient. 2010 ; 25 : 157-166.Dupont Y. Pour une socio-anthropologie du risque et de la vulnérabilité. Dictionnaire des risques. 2007 : 438-447.Hélardot V. Au cœur des enjeux de santé : le travail et ses transformations. La santé à cœur ouvert : sociologie du bien-être, de la maladie et du soin. 2011 : 137-159.Herbert C. Santé des populations. Dictionnaire des risques. 2007 : 426-428.Honneth A. La lutte pour la reconnaissance. Cerf. 2000.Lallement M. Qualités du travail et critique de la reconnaissance. La quête de reconnaissance, nouveau phénomène social. La Découverte/Bibliothèque du M.A.U.S.S. 2007 : 71-87.Linhart D. Travailler sans les autres ? Le seuil, 2009.Molinier P. Perspectives actuelles en psychodynamique du travail : les nouvelles formes de servitudes. Organisation pathogène du travail maintien durable dans l’emploi : une question antinomique. 2009 ; 15-39.

et peuvent prendre des formes graves comme la désaffection, la désespérance, le suicide (Bègue et Dejours, 2009). C’est donc bien la dépossession des moyens d’agir sur son travail et l’appropriation de ses règles qui font souffrir et potentiellement mourir. Souffrir aujourd’hui au travail est par conséquent le fruit d’un mélange de non-reconnaissance et des ajustements qui en découlent et que doivent mettre en œuvre les salariés en faisant naître des risques pour la sûreté industrielle et la santé. C’est pourquoi la prise en compte de l’humain au travail permet une meilleure compréhension de la complexité décrite ici et qu’un questionnement anthropologique pourrait mieux saisir en se demandant quelle est la place laissée à l’Homme dans la division du travail.

Commentaire

Les questionnements anthropologiques relatifs aux problèmes sanitaires et/ou de santé permettent la prise en compte des problèmes sanitaires humains comme des symptômes sociaux. Bernoux (2011), en raison de son appel à une anthropologie du travail à travers l’analyse des stratégies des travailleurs face au déni de reconnaissance, rejoint Herbert lorsqu’elle dit qu’« entre les hommes, et le système économico-techno-scientifique, se trouve la santé, qui devient à la fois un indicateur objectif de la fragilité des Hommes et une limite aux transformations que ce système engendre au nom du progrès et de la rentabilité économique dans l’humanité de l’Homme » (Herbert, 2007). Il s’avère que la variable santé, au sein de l’organisation du travail qui semble vider de plus en plus souvent les tâches de travail de leur sens, de leurs valeurs, a tendance à devenir une variable statistique entrant dans le calcul coût-avantage. Calcul ayant pour potentielle conséquence de rendre malade l’organisation du travail où, par répercussion, la vie des Hommes qui la compose semble elle-même devenir malade (Dupont, 2007).

Conclusion générale

La piste de réflexion principale que posent ces textes peut rejoindre les travaux de Viveret (2005) qui invitent à repenser la façon dont la société dans son ensemble considère et construit la production de richesses économiques� En effet, il devient légitime de se demander si les calculs à court terme pour rendre la production plus réactive au contexte économique, tout en créant des déficits de reconnaissance et de sens au travail pour les hommes à la base de la production de la richesse produite, n’annulent pas une partie des richesses produites en rendant plus fortes les inégalités sociales de santé qui ne font que détériorer un peu plus la santé des salariés et plus généralement les rapports des hommes avec l’économie� Cette dernière devenant, par l’intermédiaire du travail devenu de moins en moins capable d’être une source de bien-être et d’appropriation de valeurs sociales, l’expression quotidienne de l’oppression par la rationalisation (Weil 1951)�

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Travail, sens, valeurs et reconnaissance : comment la rationalisation peut-elle être à l’origine de pathologies professionnelles ?

Cédric SURIRÉ et Frédérick LEMARCHAND

OCDE. La santé mentale et l’emploi : chapitre 6. Résumé et conclusions. http://www.oecd.org/document/15/0,3746,fr_ 2649_34747_38974159_1_1_1_1,00.html, 2011.Viveret P. Pourquoi ça ne va pas plus mal ? Fayard. 2005.Volkoff S, Gollac M. La santé au travail et ses masques. Actes de la recherche en sciences sociales. Le Seuil. 2006 ; 163 : 5-17.Volkoff S, Gollac. Santé au travail : une dégradation manifeste. La santé : un enjeu de société. Sciences humaines Editions. 2010 : 199-204.Weil S. La condition ouvrière. Éditions Gallimard. 1951.Wright-Mills C. L’imagination sociologique. Librairie François Maspero. 1967.

Revues de la littérature

Clot Y. Travail et pouvoir d’agir. PUF. 2010.Henderickx S, Krammisch H. Docteur, je vais craquer ! Le stress au travail. La grande bibliothèque. 2010.Thébaud-Mony A et al�. Sante au travail : approches critiques. La Découverte. 2012

Autres publications identifiées

Ehrenberg A. Souffrir au travail : purger les passions ou ouvrir la voie à l’action. Esprit. 2011 ; 378 : 148-157.L’auteur, à travers, son expérience de terrain émet l’hypothèse principale qui est la suivante : la souffrance psychique au travail a changé de statut, d’usage et de signification. L’origine de ce changement est selon lui due au développement du management, de la précarisation des situations salariales et de vie et à la vulnérabilité qui englobe la vie des hommes.De Gaulejac V. Management, les maux pour le dire. Projet. 2011 ; 323 : 61-68.À travers cet entretien, l’auteur revient notamment sur la notion de « révolution managériale » répandue dans les entreprises et les institutions politiques les plus hautes. De plus, à travers d’autres exemples, De Gaulejac apporte des éclaircissements sur ce que cachent les mots du management.Dieuaide P. L’évolution du travail en France face à la mondialisation. Projet. 2011 ; 323 : 38-45.À travers différentes études statistiques, cet article tend à redéfinir les termes de la division du travail à l’heure de la mondialisation économique actuelle. Ainsi, l’auteur en arrive à analyser les interactions entre le capitalisme financier et les ressources humaines. À partir de là, l’idée principale du texte repose sur la plus grande vulnérabilité qui touche les salariés dans leur ensemble ainsi que leurs instances représentatives.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Health, Medecine, Pathology, Subcontracting, Suicide, Work.

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moyenne (SMR (6)) chez les inactifs. En effet, beaucoup d’hommes rejoignent cette catégorie pour raison de santé alors que pour les femmes, d’autres raisons, notamment familiales, peuvent aussi être invoquées. On constate toutefois que le SMR des inactives5 a tendance à se rapprocher de celui des hommes inactifs dans un contexte de diminution de l’inactivité féminine. Les auteures affirment que l’entrée dans la catégorie des inactifs correspond à une éviction des individus en mauvaise santé du marché du travail, c’est l’« effet travailleur sain2 » qui s’applique désormais aux deux sexes. De plus, l’inactivité peut elle-même induire une dégradation des conditions de vie.Au-delà des inégalités déjà bien connues en termes d’espérance de vie entre PCS (Fassin, 2009), lesquelles ne diminuent pas, voire augmentent, on observe deux types de mobilité – descendante ou ascendante – selon que l’on rejoint un groupe qui présente un risque de mortalité supérieur ou inférieur au groupe d’origine. En règle générale, les données indiquent que les hommes mobiles affichent un risque compris entre les risques moyens du groupe d’origine et du groupe de destination, ce qui participe à modifier les caractéristiques de chacun d’entre eux. Les mobiles descendantes affichent quant à elles une surmortalité qui déborde le gradient observé entre PCS.

Commentaire

Cette étude répond bien aux objectifs qu’elle s’est fixés en donnant une vue dynamique des rapports entre mobilité inter-PCS et risque de mortalité. Elle s’inscrit dans une tendance à considérer la santé au travail à la lumière des parcours professionnels, ce qui permet de mieux cerner les effets différés des expositions aux risques professionnels (Thébaud-Mony, 2006), et de comprendre les influences réciproques entre travail et santé (Dares, 2010).En s’appuyant sur des corrélations statistiques, les auteures mettent en lumière l’existence d’un effet de sélection par la santé

Une approche quantitative des rapports entre parcours professionnels et santéCambois E, Laborde C. Mobilité socioprofessionnelle et mortalité en France. Des liens qui se confirment pour les hommes et qui s’affirment pour les femmes. Population. 2011 ; 66 : 373-399.

Résumé

Les études qui abordent la question de la mortalité en rapport avec la classification des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS (3)) se heurtent fréquemment à une limite, celle de présenter une image figée des individus qui sont cloisonnés dans un groupe professionnel. Cette limite est d’autant plus problématique que la mobilité professionnelle semblait liée à la mortalité en France dans les années 1970, et que le paysage socioprofessionnel s’est depuis nettement modifié. Cet article cherche à résoudre le problème en envisageant l’évolution des inégalités de mortalité liées à la PCS par une approche dynamique tenant compte de la mobilité professionnelle. Il s’appuie sur des données issues de l’échantillon démographique permanent (EDP (4)) de l’Insee, qui sont comparées, à plusieurs années d’intervalle, pour les recensements de 1975 et 1999. Au sein de la population concernée, soit les individus âgés de 30 à 84 ans, les auteures distinguent deux catégories en fonction du fait d’avoir changé de PCS : les mobiles, différenciés en mobiles ascendants ou descendants sur la base du gradient de PCS ; et les stables, cette dernière catégorie restant la plus nombreuse. Une analyse par genre permet de montrer que les inégalités de mortalité au sein des PCS se sont affirmées pour les femmes.Entre 1975 et 1999, la mortalité a baissé pour toutes les PCS mais ce sont les cadres, déjà les plus favorisés en 1975, qui ont bénéficié le plus de cette diminution. Les ouvrières et les inactifs (5) ont connu à l’inverse une évolution relative moins favorable que la moyenne, aboutissant à un léger creusement des écarts entre PCS pour les deux sexes. Pour les hommes, on constate une forte augmentation de la surmortalité par rapport à la

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Anses • Bulletin de veille scientif ique no 17 • Santé / Environnement / Travail • Avril 2012

Santé au travail : prendre en compte les parcours professionnelsPériode : septembre 2011 à décembre 2011

Olivier CRASSET et Annie DUSSUET

Université de Nantes – CENS, centre nantais de sociologie – EA3260 – Nantes

Mots clés : Capital-santé, Effet travailleur sain, Inégalités, Mobilité, Parcours, PCS, Santé, Travail, Usure

Ces deux articles traitent du lien entre mobilité professionnelle (1) et santé par des approches complémentaires. Le premier d’entre eux envisage la question à l’échelle statistique, le second rend compte du point de vue d’acteurs qui anticipent une mobilité rendue inévitable par la dureté de leurs conditions de travail. Les méthodes quantitatives et qualitatives se complètent, elles permettent de cerner l’importance des parcours professionnels et de leur perception lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la santé au travail. En effet, la seule approche synchronique de la santé occulte l’importance de la carrière passée dans les risques de mortalité. Les effets différés des expositions à certains risques et de l’usure du corps au travail ne peuvent être saisis sans tenir compte des parcours. Le concept d’« effet travailleur sain (2) » prend ici tout son sens.

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état de santé futur.L’auteur s’intéresse à la façon dont les marins rendent compte des effets du travail sur eux-mêmes en utilisant le concept de « health capital » (Blaxter, 2003 ; 2010), lequel systématise une approche de la santé à partir d’une « épidémiologie naïve ou profane » (lay epidemiology) implicitement véhiculée par les acteurs. Selon cette théorie, ceux-ci agissent comme s’ils disposaient d’un « stock de santé » qui peut être dépensé. La façon dont est faite cette dépense varie selon la position sociale de l’acteur et les ressources matérielles auxquelles il a accès. Ainsi, l’environnement social et matériel façonne la culture du lieu de travail qui rend possible l’adaptation des acteurs aux exigences du travail (sommeil perturbé, efforts intenses, lourde charge de travail) et provoque à long terme des différences d’état de santé entre travailleurs. La plupart des marins interrogés déclarent que le travail érode leur capital-santé, ils l’acceptent en échange de contreparties telles que le soutien qu’ils peuvent apporter à leur famille grâce à ce travail ou le projet d’ouvrir un petit commerce dans un futur proche. Ils considèrent que l’ajustement corporel qu’exige leur travail est limité dans le temps, qu’il produit des effets néfastes sur la santé et qu’une fois leur corps usé, ils ne pourront plus travailler. L’auteur définit cet échange comme un « marchandage faustien », une approche fataliste de la santé par les acteurs qui leur laisse peu d’espoir sur leur santé future.

Commentaire

Cet article apporte un éclairage sur l’usage qui peut être fait du discours des travailleurs en matière de santé au travail. Si l’avis de l’acteur n’est pas pris pour argent comptant, celui-ci n’est pas non plus considéré comme un « idiot culturel » (Garfinkel, 1967), passivement soumis au déterminisme social. Il produit un discours pour justifier son comportement, et les variations de ce discours constituent un objet d’étude grâce à la notion « épidémiologiquement naïve » de « health capital ».L’auteur conteste la validité de la notion de stress qui prédomine actuellement pour expliquer le lien entre travail et mauvaise santé (Karasek, 1979 ; Siegrist, 1996). Il argumente en invoquant que des enquêtes à grande échelle ne permettent pas de valider ce modèle à moins d’y associer d’autres facteurs explicatifs liés à l’environnement psychologique de travail. Dans un contexte de globalisation où l’influence des travailleurs sur leurs conditions de travail est en déclin, les explications des problèmes de santé en termes de stress apparaissent comme une médicalisation des expériences négatives, l’insatisfaction au travail se transformant en dépression nerveuse. En ce sens, les modèles de Karasek (1979) et Siegrist (1996) évacuent la question des rapports sociaux de domination.Le concept de capital-santé permet d’établir un lien entre la façon dont le travail affecte la santé et la façon dont les travailleurs pensent ce lien. Ils anticipent une mobilité professionnelle rendue inévitable par le phénomène d’usure au travail. Leurs projets de mobilité leur permettent d’une part d’accepter leur situation actuelle et, d’autre part, d’envisager leur avenir. Néanmoins, la démonstration aurait été plus convaincante si l’auteur s’était attaché à rendre compte des variations observées auprès des

dans les mobilités ascendantes ou descendantes, plus marqué chez les hommes. Néanmoins, aucun lien de causalité ne peut être établi qui expliquerait la raison pour laquelle les risques de mortalité sont liés à la nature des mobilités. Les auteures précisent par ailleurs que la qualité des données utilisées empêche de mesurer l’ampleur et la variation de la mobilité entre PCS. C’est la limite d’une étude quantitative qui ne peut pas saisir tous les éléments d’un processus de mobilité, l’EDP ne donnant d’ailleurs qu’une information partielle sur le parcours professionnel des individus.L’analyse par genre montre que la diminution du nombre de femmes inactives5, liée à leur entrée sur le marché du travail, s’accompagne d’une augmentation des disparités de mortalité féminine entre PCS, selon le même modèle que celui observé chez les hommes mais en moins marqué. Le même phénomène semble être à l’œuvre pour les deux sexes, avec un décalage dans le temps. Ceci pourrait suggérer que le travail a le même impact sur la santé des individus, indifféremment du genre. Or, en matière de santé au travail, l’effet de genre reste difficile à cerner car des conditions de travail identiques n’ont pas le même effet sur des individus de sexe différent (Messing et al., 2011).Cette étude serait utilement prolongée en observant les PCS à un niveau plus détaillé, ce qui permettrait d’affiner les résultats pour certaines catégories très hétérogènes comme celles des artisans, commerçants et chefs d’entreprise.

Une réflexion sur le « capital-santé » et sur le marchandage faustien conclu par les travailleurs de l’industrie maritime globaliséeBloor M. An essay on ‘health capital’ and the Faustian bargains struck by workers in the globalised shipping industry. Sociol Health Ill. 2011 ; 33 : 973-986.

Résumé

Dans cet article, l’auteur aborde la question des effets du travail sur la santé par une approche qualitative. La population concernée est celle des marins de l’industrie du transport maritime auprès desquels 37 entretiens ont été conduits pour former le matériau de l’enquête. Il a été demandé aux répondants de commenter le parcours professionnel de trois marins fictifs et d’évaluer si ceux-ci seraient encore capables de travailler cinq ans plus tard. Le secteur du transport maritime a connu ces dernières années une forte intensification du travail due, entre autres, à des changements organisationnels et à une perte d’influence des travailleurs dans un contexte de globalisation et d’augmentation de la sous-traitance. L’industrie maritime est aujourd’hui le secteur d’activité qui présente le plus haut taux de mortalité dans les pays développés. Les règles internationales prévoient une surveillance médicale périodique des marins, ce qui a pour effet d’exclure de l’emploi ceux qui présentent des défaillances physiques, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les enquêtes sur la santé des travailleurs du secteur. L’« effet travailleur sain » joue pleinement et la santé physique et mentale des marins est évaluée comme bonne en dépit de troubles du sommeil, d’une grande fatigue et d’impact à long terme sur leur

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(3) PCS 2003 (Professions et catégories socioprofessionnelles) : classification de la population française opérée par l’Insee depuis 2003 et qui remplace la classification CSP (catégorie socioprofessionnelle) utilisée précédemment.

(4) EDP (échantillon démographique permanent) : échantillon de la population résidant en métropole constitué par l’Insee depuis 1967.

(5) Inactif - inactive : catégorie des PCS regroupant les jeunes de moins de 15 ans, les étudiants, les retraités, les hommes et femmes au foyer et les personnes en incapacité de travailler.

(6) SMR (Standardized Mortality Ratio) : correspond au rapport établi entre le nombre de décès survenant dans une sous-population par comparaison avec celui attendu dans la population générale.

(7) Health capital : concept qui rend compte de la façon dont les acteurs gèrent leur santé, laquelle est pensée par eux en termes de capital, et dont l’usage est socialement déterminé (Blaxter, 2003).

Publications de référence

Blaxter M. Biology, social class and inequalities in health : their synthesis in health capital. In Williams, S. (ed.) Debating Biology. London : Routledge, 2003.Blaxter M. Health, 2nd Edition. Cambridge : Polity, 2010.Bloor M. Observations of shipboard illness behaviour : work discipline and the sick role in a residential work setting. Qual Health Res. 2005 ; 15 : 766–77.Carpenter L. Some observations on the healthy worker effect, Brit J Ind Med. 1987 ; 44 : 289–91.DARES. Parcours professionnels et état de santé. Premières synthèses, DARES, 2010, n°001.Daubas-Letourneux V, Amossé T, Meslin K et al�. Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l’enquête SIP : (in)visibilités et inscription dans les trajectoires professionnelles. Rapport de recherche, MSH Ange Guépin, Nantes, 2011.Fassin D. Inégalités et santé. La Documentations Française, coll. Problèmes politiques et sociaux n°960, 2009.Garfinkel H. Studies in ethnomethodology. Prentice-Hall Englewood Cliffs (NJ), 1967 (Paris, PUF, 2007).Karasek R. Job demands, job decision latitude and mental strain : implications for job redesign. Admin Sci Quart. 1979 ; 24 : 285–308.Messing K, Lippel K, Stock S et al�. Si le bruit rend sourd, rend-il nécessairement sourde ? Le défi d’appliquer l’analyse différenciée selon le sexe à la recherche d’informations sur la santé et la sécurité du travail. REMEST. 2011 ; 6-2 : 3-25.Siegrist J. Adverse health effects of high-effort ⁄ low-reward conditions. J Occup Health. 1996 ; 1 : 27–41.Thébaud-Mony A. Histoires professionnelles et cancer. Actes Rech Sci Soc. 2006 ; 163 : 18-31.Thébaud-Mony A, Daubas-Letourneux V, Frigul N et al�. Santé au travail, approches critiques. La Découverte, coll. recherches, 2012.

acteurs dans la gestion du capital-santé. Son étude concerne une population qui présente une forte culture de métier (Bloor, 2005), ce qui réduit les variations individuelles malgré les différences de statut.

Conclusion générale

Étudié à grande échelle dans le premier article, le lien entre la PCS, la mobilité professionnelle et la santé s’incarne dans des situations individuelles dans le second� Dans les deux cas, l’« effet travailleur sain2 » est évoqué pour expliquer le fait que des situations de travail pénibles sont partagées par des populations en bonne santé�Alors que le premier article envisage des parcours qui peuvent subir diverses influences (accidents, maladie, mais aussi promotion sociale par la santé), le second se focalise sur le phénomène d’usure au travail, laquelle peut être vécue par les acteurs comme une fatalité et donner lieu à la mise en place de stratégies qui anticipent sur l’état de santé futur� On comprend sans peine que ces stratégies peuvent être compromises par des événements de santé inattendus (accident, maladie)� Un état de santé dégradé pouvant entrainer le déclassement social, l’importance de la prévention et des mécanismes sociaux d’accompagnement apparaît ici en creux�Ces lectures invitent à porter une attention particulière sur les parcours professionnels qui permettent de lever le voile sur les effets différés des expositions aux risques professionnels (Daubas-Letourneux et al�., 2011 ; Thébaud-Mony et al�., 2012)� Deux populations semblent requérir une attention particulière au regard des évolutions récentes� Premièrement, les femmes dont la situation en termes de mobilité-mortalité par PCS3 semble rejoindre celle des hommes, mais pour lesquelles on ne peut pas se contenter d’appliquer les mesures prises pour ceux-ci sans les adapter au préalable ; deuxièmement, les inactifs5 qui associent un âge moyen en baisse et une surmortalité en hausse par rapport à la moyenne de la population�

Lexique

(1) Mobilité professionnelle : changement d’activité professionnelle repérable par le passage d’une PCS (Professions et catégories socioprofessionnelles) à une autre.

(2) Effet travailleur sain, healthy worker effect : mécanisme de sélection induit par les emplois néfastes pour la santé. Seuls les individus en bonne santé y accèdent, et ceux dont la santé se dégrade en sont exclus. Les personnes qui occupent ces emplois présentent donc un état de santé qui est en moyenne meilleur à celui de la population générale.

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Santé au travail : prendre en compte les parcours professionnelsOlivier CRASSET et Annie DUSSUET

Revues de la littérature

David PM. La santé : un enjeu de plus en plus central dans les politiques publiques de développement international ? Socio-logos. Revue de l’association française de sociologie [En ligne]. 2011 ; 6, mis en ligne le 3 mai 2011, Consulté le 15 décembre 2011. URL : http://socio-logos.revues.org/2550Daubas-Letourneux V, Amossé T, Meslin K et al�. Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l’enquête SIP : (in)visibilités et inscription dans les trajectoires professionnelles. Rapport de recherche, MSH Ange Guépin, Nantes, 2011.Stress au travail et santé. Situation chez les indépendants, Collection : Expertise collective, Inserm, 2011/04.Sermet C, Khlat M. Quels liens entre maladie et perte d’emploi ? Santé & travail. 2011 ; 73, 2011/01.

Autres publications identifiées

Messing K, Lippel K, Stock S et al�. Si le bruit rend sourd, rend-il nécessairement sourde? Le défi d’appliquer l’analyse différenciée selon le sexe à la recherche d’informations sur la santé et la sécurité du travail. REMEST. 2011 ; 6: 3-25.En utilisant des données québécoises concernant la santé au travail, les auteures montrent la pertinence d’une analyse des conditions de travail en termes de genre. Lorsqu’il s’agit d’aborder la prévention, elles insistent sur la difficulté de faire la part des choses entre facteurs biologiques et sociaux ainsi que sur le poids des stéréotypes.Thébaud-Mony A, Daubas-Letourneux V, Frigul N et al�. Santé au travail, approches critiques. La Découverte, coll. recherches, 2012.Les auteurs procèdent à une comparaison internationale sur la production de connaissances en matière de santé au travail. L’ouvrage remet en question le rôle d’institutions qui sont en même temps productrices de connaissances et chargées de l’indemnisation des victimes.Coutrot T. Les inégalités face aux risques du travail s’aggravent. Alternatives Economiques Poche. 052 - novembre 2011.Constatant que la pénibilité physique du travail ne recule pas et que la pénibilité mentale s’est accrue, l’auteur observe que ce sont les salariés les plus qualifiés qui bénéficient des meilleures conditions de travail. Quant aux intérimaires et aux immigrés, ils cumulent pénibilités, exposition aux risques et précarité.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Career, Health, Health capital, Healthy worker effect, Inequalities, Mobility, Work.

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encadrées au niveau des méthodes de construction des puits. Ils estiment que la fracturation hydraulique « est réalisée (…) sans risque pour les zones aquifères grâce à la cimentation des puits (…) dont les méthodes de construction sont (…) maitrisées depuis de nombreuses années par l’industrie ». Si les auteurs concèdent que le règlement général des industries extractives « peut être précisé (…) et dans son ensemble modernisé », ils observent qu’une « vingtaine de fracturations hydrauliques sur le territoire français pour des hydrocarbures conventionnels » ont été réalisées, « sans qu’aucun incident majeur n’ait été rapporté ». Concernant la protection de l’eau, ils indiquent que la fracturation hydraulique exige l’utilisation de 10 000 à 20 000 m3 d’eau dont la majorité est issue de « sources souterraines situées à plus de 1 500 mètres et impropres à la consommation ». Ils précisent que la déclaration d’ouverture de travaux comporte un document indiquant les incidences sur l’eau et le programme de forage soumis pour validation à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) prévoit des éléments propres à assurer la protection des aquifères. Dans un second temps, ils s’interrogent sur la divulgation des informations (2) sur la fracturation hydraulique. À propos des informations communiquées à l’Administration, les auteurs mentionnent la possibilité pour l’entreprise de présenter une demande motivée de confidentialité lors des demandes de permis exclusif de recherche, de la communication du programme de forage et des demandes de concession d’exploitation. Ils rappellent ce qui ne relève pas du secret industriel et commercial (dénomination de la substance…). Ils précisent les modalités d’appréciation de l’administration et s’interrogent sur l’échange d’informations entre les autorités nationales et européennes. Vis-à-vis de l’information du public,

Exploration des hydrocarbures de schiste : le régime juridique de la fracturation hydraulique en questionMartor B, Chétrit R, Baylocq P. Environnement et développement durable. 2011 ; 11, étude 12. Revue Jurisclasseur. LexisNexis.

Résumé

Cette contribution, se focalise sur la technique de fracturation hydraulique et son encadrement juridique. Les auteurs estiment que les critiques concernant cette technique révèlent « un manque d’informations éclairées ». Destinées à « fissurer la roche mère non poreuse pour permettre la libération et l’extraction de modèles d’hydrocarbures qui s’y trouvent emprisonnées », les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique ne sont, pour ces auteurs citant le rapport provisoire sur les hydrocarbures de roche mère remis au gouvernement en avril 2011, ni « nouvelles, ni exceptionnelles ». Selon eux, la fracturation hydraulique « est maîtrisée et opérée par les opérateurs pétroliers et gaziers et leurs sous-traitants ». Sur cette base, les auteurs considèrent que le cadre juridique préexistant à la loi 2011/835, qui interdit la fracturation hydraulique, offre des « garanties indéniables qui ont permis jusqu’à présent d’éviter tout incident sur le territoire français ». Dans un premier temps, ils exposent la réglementation applicable. Ils expliquent que la fracturation hydraulique nécessite le recours à des additifs dans les fluides de stimulation composés à 95 % d’eau, et à plus de 4,5 % de sable. Ils soulignent que la plupart de ces derniers sont utilisés dans les produits agroalimentaires ou domestiques. En outre, le règlement 2006/1907/CE REACH permet un contrôle desdits produits utilisés. Les auteurs expliquent ensuite que les opérations de fracturation hydraulique sont très

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« Précipitation n’est pas raison » ou le droit à l’épreuve du gaz de schistePériode : septembre 2011 à décembre 2011

Nathalie HERVÉ-FOURNEREAU

CNRS – IODE UMR 6262 CNRS – Rennes

Mots clés : Droit, Droit de l’eau, Droit minier, Évaluation des risques, Exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, Fracturation hydraulique, Gaz de schiste, Information et participation, Permis d’exploration

« La cause de mal juger est l’inconsidération qu’on appelle autrement précipitation ». L’analyse de la mise sur l’agenda de la question du gaz de schiste reflète fidèlement cette maxime de Bossuet. La médiatisation des préoccupations du public à l’encontre de cette ressource minière contraint le gouvernement à réagir. Adoptée dans l’urgence, la loi 2011/835 « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique (1) » se prête à de vives discussions. Elle dynamise la vigilance des associations qui surveillent sa mise en œuvre. Elle nourrit l’insatisfaction de l’industrie pétrolière et gazière qui se mobilise pour démontrer la robustesse des techniques utilisées. Cette loi « de circonstance » invite à s’interroger sur l’articulation imparfaite des dispositifs juridiques et sur leur capacité à prévenir et réduire les risques résultant de l’exploration et l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels. De récentes publications présentent un éclairage de la mise à l’épreuve du droit. De visée différente, elles permettent de mesurer la variété des intérêts socio-économiques et écologiques en jeu et la variabilité de leur impact sur l’encadrement juridique de l’évaluation et la gestion des risques.

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« Précipitation n’est pas raison » ou le droit à l’épreuve du gaz de schisteNathalie HERVÉ-FOURNEREAU

le gouvernement français en 2010 à délivrer, selon l’auteur, en « toute opacité », des permis exclusifs de recherche. Suite aux contestations des populations à propos des risques générés par l’exploitation du gaz de schiste, un contexte de « fronde » se développe, obligeant le gouvernement à réagir dans la précipitation. Le premier temps de cette réaction, qualifié par l’auteur du « temps des hésitations », se traduit par un moratoire sur les recherches et de la commande d’une mission d’expertise auprès du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Publié en avril 2011, le rapport provisoire d’expertise expose de « nombreuses insuffisances du droit minier », sans toutefois, comme le souligne l’auteur « remettre en cause le principe même de l’exploitation de ces gaz ». À l’initiative d’une mission d’information sur le sujet, l’Assemblée nationale dissimule mal ses oppositions internes. L’auteur démontre ensuite les failles de la loi 2011/835 adoptée selon la procédure (3) accélérée. Au vu des précédents débats, il considère qu’il s’agit d’une « loi de compromis », qui, si elle pose le principe de l’interdiction de l’hydrofracturation, n’interdit pas son expérimentation. Ainsi, l’institution par la loi de la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux aura pour objet d’évaluer « les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique et aux techniques alternatives ». En écho aux revendications de transparence, la loi 2011/835 prévoit que la commission « émet un avis public sur les conditions de mise en œuvre des expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public ». Par contre, comme le constate l’auteur, la loi « reste muette » sur la question de la protection du secret industriel et commercial arguée par les entreprises à propos des produits injectées. De même, elle ne remet pas en question les insuffisances du droit minier en termes de participation du public. Enfin, l’auteur considère que la loi laisse en suspens la question de l’indemnisation des titulaires de permis exclusifs de recherche du fait de leur abrogation législative. L’auteur s’interroge sur « l’avenir incertain de la loi » à l’aune des évolutions du droit, notamment de l’Union européenne. Il indique que les 64 détenteurs des permis exclusifs de recherche doivent remettre au ministère de l’Écologie un rapport « précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches » (art. 3 de la loi 2011/835) en septembre 2011. Il indique que trois d’entre eux auraient eu un « recours, effectif ou éventuel à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche », situation imposant l’abrogation de leurs permis. Enfin, il s’interroge sur la révision du nouveau Code Minier, qui serait selon l’auteur, « l’occasion de le mettre en adéquation avec les nouveaux impératifs environnementaux ». « Fait rare », il mentionne la discussion d’une nouvelle proposition de loi visant à étendre l’interdiction relative au gaz de schiste à l’exploration et l’exploitation de tous les hydrocarbures non conventionnels et à soumettre à étude d’impact et enquête publique (4) la délivrance de permis exclusifs de recherche et l’octroi de concession de mines. En conclusion, l’auteur considère que la question de

ils soulignent que l’autorité administrative ne peut rejeter la demande d’information relative aux émissions de substances dans l’environnement. En conclusion, ils reconnaissent que la technique de fracturation hydraulique « doit être précisée » et considèrent que « l’interdiction d’expérimentations impliquant la mise en œuvre de cette technique sur le territoire français n’a aucun sens ». Ils parient sur les travaux de la Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation instituée par la loi 2011/835 pour assurer « l’avenir d’une exploitation encadrée des ressources de notre sous-sol à l’instar de nombreux autres pays européens ».

Commentaire

L’interdiction de la technique de fracturation hydraulique par la loi 2011/835 repose sur un « manque d’informations éclairées ». Sur le fondement de ce postulat, les auteurs s’emploient à démontrer que l’encadrement juridique, préexistant à la loi 2011/835, concernant les modes d’exploration et d’exploitation des ressources minières, dont fait partie le gaz de schiste, présente des « garanties indéniables ». Opter pour une analyse juridico-technique de la question de fracturation hydraulique constitue un choix opportun. Toutefois, leur plaidoyer pour cette technique les conduit à laisser dans l’ombre des données propres à la compréhension des controverses sous-tendues par la loi 2011/835. La question de la migration dans les nappes phréatiques des additifs utilisés par cette technique constitue l’une des préoccupations comme l’illustre l’enquête diligentée par l’Agence américaine de l’environnement dans le Wyoming en 2011 ; il aurait été judicieux d’apprécier cela sous l’angle d’une approche juridique comparée France/Usa. De même, les auteurs semblent laisser penser que l’absence d’incident majeur lors de l’utilisation de la technique de fracturation pour les hydrocarbures conventionnels démontre que cela pourrait donc être le cas pour le gaz de schiste. Mais, est-ce le cas ? Ils évoquent les éventuelles adaptations de l’encadrement juridique mais restent évasifs à ce sujet. De même, s’ils énumèrent des dispositifs comme Reach, leurs développements restent parfois imprécis comme pour le dispositif échelonné d’enregistrement. Ils ne s’interrogent pas sur les autres impacts environnementaux (climat, air, déchets) ni même sur la problématique de l’évaluation socio-économique de l’exploitation du gaz de schiste. In fine, leur postulat de départ les conduit à minorer certains éléments essentiels de la conciliation « durable » des intérêts.

Recherche et exploitation du gaz de schiste : les incertitudes et demi-mesures d’une loiBillet P. Environnement et développement durable. 2011 ; 11, étude 11. Revue Jurisclasseur. LexisNexis

Résumé

Dans cet article, l’auteur décrypte le passé, le présent et le futur de la loi 2011/835 « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique ». Préalablement, il précise le contexte de ce « nouvel Eldorado énergétique ». Ces perspectives conduisent

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« Précipitation n’est pas raison » ou le droit à l’épreuve du gaz de schisteNathalie HERVÉ-FOURNEREAU

Lexique

(1) Fracturation hydraulique ) : technique consistant à « fissurer la roche mère non poreuse pour permettre la libération et l’extraction des molécules d’hydrocarbure qui s’y trouvent emprisonnées » (Rapport provisoire du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur « les hydrocarbures de roche-mère en France » (avril 2011). La loi 2011/835 ne définit pas la technique de fracturation hydraulique.

(2) Information environnementale : en vertu de l’article 2 de la directive 2003/4/CE concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, l’information environnementale est définie comme « toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant : - a) l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels (…) ainsi que l’interaction entre ces éléments. – b) les facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement. – c) les mesures (y compris les mesures administratives) telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a et b, ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments. (…). f) L’état de la santé humaine, la sécurité, y compris le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire et les conditions de vie des personnes, les sites culturels (…). JOCE L 41 du 14/2/2003. Transposition en France à l’article 124-2 du code de l’environnement.

(3) Procédure législative accélérée : conformément à l’article 45 de la Constitution française, le gouvernement peut décider l’adoption de la loi selon la procédure accélérée dès lors que les conférences des présidents des assemblées ne s’y soient conjointement pas opposées. Dans cette hypothèse, une seule lecture par chacune des deux assemblées sera requise.

(4) Enquête publique (relative aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement) : constitue une procédure d’information et de participation du public « précédant la réalisation d’aménagements, d’ouvrages et de travaux exécutés par des personnes publiques ou privés, qui en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, (…) sont susceptibles d’affecter l’environnement » (L 123-1 Code de l’Environnement). La liste de ces catégories d’opérations et des seuils et critères techniques est établie par décrets en Conseil d’État. L’objet de l’enquête publique est « d’informer le public et de recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions (…) pour permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information » (L 123-3 Code de l’Environnement). Le nouveau Code Minier opère un

l’acceptabilité « semble être devenue le mot-clef en matière de gaz de schiste ».

Commentaire

L’auteur offre un décryptage de la loi 2011/835. Il vise à exposer le contexte d’hésitations qui conditionnent son adoption. Il analyse la mobilisation du gouvernement via la saisine du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable et celle menée par l’Assemblée nationale. Il aurait été intéressant de s’interroger sur le choix du gouvernement de confier une mission d’expertise à ces instances. Même si l’urgence peut l’expliquer, rien n’excluait la saisine d’autres instances d’expertise compte tenu des risques sanitaires et environnementaux connus ou non. L’auteur expose de manière argumentée les failles de cette loi 2011/835 tout en insistant sur les imperfections du Code Minier du point de vue de l’information et de la participation du public, mais qui affectent, il importe de souligner, aussi les collectivités territoriales. Il s’interroge à juste titre sur la problématique de l’abrogation des permis exclusifs de recherche ayant recours à la technique de la fracturation. L’auteur envisage l’avenir incertain de cette loi en suggérant de suivre les évolutions possibles du Code Minier et du droit de l’Union européenne.

Conclusion générale

Les commentateurs de la loi 2011/835 s’accordent pour reconnaître son caractère imparfait� En décembre 2011, contestant l’abrogation de son permis exclusif de recherche, Total sollicite ainsi l’annulation de cette décision devant le Tribunal administratif de Paris� Ladite loi institue une Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux qui sera notamment chargée d’évaluer les risques environnementaux liés à ces techniques� Mais quel sera le rôle des instances d’expertise nationales et européennes, sachant que l’agence européenne des produits chimiques est déjà chargée de faire l’état des lieux des produits chimiques utilisés dans la technique de fracturation hydraulique ? Quelle évaluation sera faite des risques sanitaires qui ne sont pas explicitement visés par la loi 2011/835� Aussi décriée soit cette loi française, son écho franchit les frontières et mobilise les populations européennes, comme l’illustre la récente manifestation en Bulgarie à l’encontre de l’octroi de permis d’exploration de gisement de gaz de schiste à la société américaine Chevron�

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« Précipitation n’est pas raison » ou le droit à l’épreuve du gaz de schisteNathalie HERVÉ-FOURNEREAU

Environmental Protection Agency (USA), Draft « Investigation of ground water contamination near Pavillion, Wyoming, December 2011, 121 p. www.epa.gov Ministère des ressources naturelles et Faune « Le développement du gaz de schiste au Québec », document technique septembre 2010, 30 p.Bureau des audiences publiques sur l’environnement « Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec », rapport d’enquête et d’audience publique, février 2011, rapport n°273.Ridley M. The shale gas shock, The global warming policy foundation. 2011, 36 p. ISBN : 978-0-9566875-2-4.

Mots clés utilisés pour la recherche bibliographique

Droit de l’environnement, Droit minier, Eaux souterraines, Fracturation hydraulique, Gaz de schiste, Hydrocarbures non conventionnels, Risques environnementaux et sanitaires.

renvoi à ces dispositions du code de l’environnement pour l’instruction des demandes d’autorisation de recherches (L 124-4), les demandes concessions (L 133-11) portant sur des substances minérales autres que celles mentionnées à l’article L 111-1 et les permis d’exploitation (L 134-10). Par contre, l’instruction des permis exclusif de recherche ne comporte pas d’enquête publique (L 122-3).

Publications de référence

Billet P. Gaz de schiste : l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique. Bulletin de droit de l’environnement industriel. 2011 ; 35 : 37-43 Billet P. Le nouveau Code Minier et l’exploitation du gaz de schiste. JCPA. 2011 ; 2168Martor B� et Chétrit R. Réflexions sur le régime d’exploration des hydrocarbures à l’occasion du débat relatif aux gaz et huiles de schiste. JCPA. 2011 ; 2195Battelier P� et Sauvé L. La mobilisation des citoyens autour du gaz de schiste au Québec : les leçons à tirer. Gestion. 2011/2 ; 36 : 49-58Baginski W. Shale gas in Poland : the legal framework for granting concessions for prospecting and exploration of hydrocarbons. Energy Law Journal. 2011 ; 32 :145 - 155McKay LK, Johnson RH, Salita LA. Science and the reasonable development of Marcellus shale natural gas resources in Pennsylvania and New York. Energy Law Journal. 2011 ; 32 : 125-143Schepper B, Handal L, Hébert P. Gaz de schiste : une filière écologique et profitable pour le Québec ? Note socio-économique. Février 2011, Institut de recherche et d’informations socio-économiques, 12 p.

Revues de la littérature

Ineris. Note succincte sur la technologie d’extraction des gaz de schiste, 10/2/ 2011, 2 p. Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, Les hydrocarbures de roche-mère en France, rapport provisoire, avril 2011, 56 p. Centre d’analyse stratégique : Les gaz non conventionnels : une révolution énergétique nord-américaine non sans conséquences pour l’Europe, La note d’analyse n° 125, mars 2011, 12 pGonnot FM, Martin P. Rapport d’information sur les gaz et huile de schiste. Assemblée nationale n° 3517, 8 juin 2011Rapport d’ambassade de France à Washington, mission pour la science et la technologie, Marty G, L’exploitation des gaz de schistes, entre promesses économiques et conséquences environnementales, juillet 2011, 39 p. http://www.ambafrance-us.org Gossement A. « Droit minier et droit de l’environnement : éléments de réflexion pour une réforme relative à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public », Rapport remis au ministre de l’Écologie, du développement durable, des transports et du logement, octobre 2011, 372 p.

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Comité éditorial

Gérard CHEVALIER : INCa – Direction de la recherche – Cellule Veille, Évaluation, Observation Dominique DOUCET : Afssaps – Chef de l’Unité DocumentationBenoît COURNOYER : CNRS – Université Claude Bernard, UMR d’Écologie Microbienne Nicolas DE MENTHIÈRE : IRSTEA– Directeur de la prospective et de la veille scientifique et techniqueDaniel EILSTEIN : InVS – Département Santé EnvironnementBrigitte ENRIQUEZ : École nationale vétérinaire d’Alfort – Service de Pharmacie-Toxicologie Robert GARNIER : Collège des enseignants de médecine du travail – Hôpital Fernand WidalMichel HERY : INRS – Direction scientifiqueOlivier LAURENT : IRSN – Direction de la radioprotection de l’hommeJean-Luc MARCHAND : InVS – Département Santé TravailCarole MONNIN-PARIETTI : IRSN – Laboratoire de métrologie et de dosimétrie des neutronsMartine REYNIER : INRS – Direction scientifiqueMarie-Pierre SAUVANT-ROCHAT : Collège des enseignants en hygiène et santé publique de pharmacie

Relecteurs

Morgane BACHELOT : Anses (Maisons-Alfort) - Direction de l’évaluation des risques – Unité d’évaluation des risques liés à l’eauRégine BOUTRAIS : Anses (Maisons-Alfort) - Sociologue - Unité « Risques et Société »Denis CAILLAUD : Faculté de Médecine - Université d’Auvergne - Service de PneumologieCécile CHEVRIER : INSERM IRSET - Recherches Épidémiologiques sur l’Environnement, la Reproduction et le Développement - RennesSabine DELANNOY : Anses (Maisons-Alfort) - Plateforme IdentyPath - Laboratoire de sécurité des alimentsCyrille DELPIERRE : UMR 1027 - Université Toulouse IIIJean-Marc EDELINE : UMR CNRS 8195 - Équipe Plasticité Sensorielle - Code Neuronal, Perception Auditive – CNPS - OrsayClaire EDEY GAMASSOU : Maitresse de conférences - Université Paris-EstAntony FASTIER : Anses (Maisons-Alfort) - Chef d’Unité Évaluation de la Toxicologie des Produits réglementésLuc FERRARI : INSERM U954 - Faculté de Médecine de Nancy - Vandœuvre-lès-NancyJohanna FITE : Anses (Maisons-Alfort) - Chef de projets – Unité « Agents Physiques nouvelles technologies et grands aménagements »Philippe GLORENNEC : INSERM U1085 - Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail – EHESP - RennesBarbara GOUGET : Anses (Maisons-Alfort) - Chargée de projets - Direction scientifique des laboratoiresBénédicte JACQUEMIN : INSERM – Équipe d’épidémiologie respiratoire et environnementale – CESP - VillejuifMarion KEIRSBULCK : Anses (Maisons-Alfort) - Direction de l’évaluation des risquesGhislaine LACROIX-DUCHATEAU : INERIS - Direction des Risques Chroniques, Pôle Dangers et Impacts sur le vivant - Unité TOXIPierre LE CANN : Professeur de Microbiologie - Département Santé, Environnement et Travail – EHESP - RennesIsabelle LAMY : DR - UR 251 Physicochimie et Écotoxicologie des sols d’agrosystèmes contaminés – INRA - VersaillesStephan MARETTE : UMR 210 – Économie Publique – INRA – AgroParisTech - VersaillesOlivier MERCKEL : Anses (Maisons-Alfort) - Chef d’unité « Agents physiques, nouvelles technologies et grands aménagements »Christian MOUGIN : UR251 - Physico-chimie et Écotoxicologie des Sols d’Agrosystèmes Contaminés – INRA - VersaillesCatherine NEUWIRTH : Professeur – Chef de service - Laboratoire de Bactériologie du CHU de Dijon. Gabriel REBOUX : PhD – HDR - UMR/CNRS 6249 Chrono-environnement Université de Franche-Comté Pierre-François STAUB : ONEMA - Expert Action Scientifique et Technique « Contaminants des Milieux Aquatiques »

Coordination - Anses

Directeur de publication : Marc MORTUREUXComité de rédaction : Régine ROBICHON, Louis LAURENT, Gérard LASFARGUESResponsable de l’édition : Fabrice COUTUREAUAssistante d’édition : Céline LETERQ

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Le Bulletin de veille scientifique de l’Anses (BVS) est un recueil de notes en français revues par les pairs, dans lesquelles des experts en santé-environnement, santé-travail, font une analyse critique de deux à trois publications internationales parues pendant une période de veille récente de quelques mois. L’auteur présente dans chaque note une introduction générale de la problématique, suivie pour chaque publication, d’un résumé et d’un commentaire dans lequel les points pertinents sont analysés. Enfin, une conclusion générale fait le lien entre les publications choisies, et propose une mise en perspective des résultats.

Le BVS produit en collaboration avec le réseau des partenaires de l’Anses, a pour objectif principal de diffuser une information actualisée et validée en appui aux politiques publiques. Il s’adresse à tous, décideurs, chercheurs, représentants du milieu associatif ou entrepreneurs.

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