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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Compte rendu Ouvrage recensé : De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir, d’Alain Caillé, Marc Humbert, Serge Latouche et Patrick Viveret, Paris, La Découverte, 2011, 191 p. par Étienne Schmitt Politique et Sociétés, vol. 33, n° 1, 2014, p. 119-121. Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/1025598ar DOI: 10.7202/1025598ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 30 mai 2015 03:14

De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir

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Recension de l'ouvrage d'Alain Caillé et Al.

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

    Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Compte rendu

    Ouvragerecens :

    De la convivialit. Dialogues sur la socit conviviale venir, dAlain Caill, Marc Humbert, SergeLatouche et Patrick Viveret, Paris, La Dcouverte, 2011, 191 p.

    par tienne SchmittPolitique et Socits, vol. 33, n 1, 2014, p. 119-121.

    Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante :

    URI: http://id.erudit.org/iderudit/1025598ar

    DOI: 10.7202/1025598ar

    Note : les rgles d'criture des rfrences bibliographiques peuvent varier selon les diffrents domaines du savoir.

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    est lutilisation des tats-Unis comme illus-tration paradigmatique de la vracit du modle. La rationalit des acteurs politiques au sein dun systme politique est influen-ce par la structure du systme indpen-damment de la perception des cots et des rendements. Un systme multipartite leuropenne au lieu du systme bipartite amricain, avec ses votes stratgiques et ses jeux plusieurs niveaux, pourrait produire des conclusions diffrentes mme en appli-quant une approche conomique identique.

    La lecture de Downs permet de saisir les sources dune importante cole de pense de la science politique et sociale amricaine. Downs contribue aussi substantiellement la science politique existante. Dans lanne passe seulement, Une thorie conomique de la dmocratie tait cit, discut, intgr ou critiqu dans le contexte des tudes sur la bureaucratisation des rgimes dmocra-tiques, de la politique publique conomique, de la dfense sous langle conomique, du phnomne dachat des votes, des mouve-ments et des rseaux sociaux, des relations de clientlisme, de lgalit de sexes et de bien dautres questions inspires de lactua-lit politique. Avec une telle multitude de champs spcifiques venus de toutes les sous-disciplines de la science politique contem-poraine, de lhistoire des ides politiques jusquaux tudes des mouvements sociaux, cette lecture intressera les politologues sans aucune restriction concernant leur cole thorique ou approche mthodolo-gique.

    Simon MitropolitskiUniversit dOttawa

    [email protected]

    De la convivialit. Dialogues sur la socit conviviale venir, dAlain Caill, Marc Humbert, Serge Latouche et Patrick Viveret, Paris, La Dcouverte, 2011, 191p.

    Cet ouvrage collectif est n dune ren-contre franco-japonaise Tokyo le 11juillet 2010, laquelle interpellait les confrenciers sur la possibilit dune socit conviviale

    avance. Avec quatre chapitres et deux annexes qui compltent la dmonstra-tion, Alain Caill, Marc Humbert, Serge Latouche et Patrick Viveret introduisent une idologie nouvelle : le convivialisme. Ce prsent ouvrage prfigure ainsi Pour un manifeste du convivialisme dAlain Caill, publi au cours de la mme anne aux di-tions Le Bord de leau. Toutefois, ce premier livre nest nullement un brouillon du second, mais plutt une bouture qui ambitionne de rpondre des questions prcises. Sous la forme dun dialogue entre le convivialisme ses balbutiements avec dautres thories, notamment celles formes dans le sillage des forums sociaux comme le bien-vivre (buen vivir) ou la dcroissance, les auteurs livrent une analyse des plus pertinentes de la socit actuelle.

    Mais quest-ce que le convivialisme auquel ils se rfrent ?

    Lespoir des auteurs plac dans une socit conviviale avance provient dun constat. La collusion entre la dmocratie reprsentative et le capitalisme dans son observance nolibrale cre une insoute-nable dmesure (p.25), comme lnonce Patrick Viveret. Politique, elle tablit des rapports de pouvoir qui nont rien envier au totalitarisme. conomique, elle produit artificiellement de la raret au prix dune surexploitation des ressources naturelles et humaines. La modernit occidentale rside ainsi dans un double processus de domi-nation [] et de chosification (p. 35). Si Viveret rejoint par endroit la thorie de la dcroissance, ce dernier estime quelle est une provocation utile pour dconstruire lancien monde, mais cela ne suffit pas pour en construire un nouveau (p.39).

    Serge Latouche complte et prcise cette dmonstration, donnant un aperu du nou-veau monde souhait par Viveret. En plus de la dmesure, lconomiste estime que le nolibralisme colonise notre systme de valeurs avec une idologie du bonheur quantifi (p.44). Le meilleur exemple de cette pratique est la course effrne au pro-duit intrieur brut (PIB). Cependant, cet indicateur prsente des failles insidieuses. Latouche rappelle quil exclut les transac-

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    tions hors march et quil nintroduit pas les externalits ngatives. La croissance prne et promue par les conomies occi-dentales repose ici sur le dni des solidarits effectives et sur laltration ou la perte du patrimoine naturel. Le PIB est donc une chimre qui augure notre propre destruc-tion. Sur ce constat, lauteur estime quil faille oprer une redfinition du bonheur comme abondance frugale dans une socit solidaire [laquelle] correspond la rup-ture cre par le projet de la dcroissance (p. 60). Aussi est-il ncessaire de lutter contre lesprit du capitalisme qui marchan-dise artificiellement le travail, la terre et la monnaie. Selon lconomiste, cette lutte passe par des entreprises mixtes o lesprit du don et la recherche de la justice tem-prent lpret du march (p.65).

    En hritier de Marcel Mauss, Alain Caill plaide galement pour lesprit du don. Il reproche aux idologies traditionnelles libralisme, communisme, socialisme, voire anarchisme dtre autant de moda-lits dune philosophie politique utilitariste tenant la croissance indfinie de la pros-prit matrielle pour lalpha et lomga (p.20). Il en va de mme de solutions plus contemporaines, telles que les thories de la justice ou les thories de la reconnaissance inspires des travaux de John Rawls. gale-ment, le sociologue attaque la thorie de la dcroissance quil juge, malgr elle, sacrifi-cielle. La critique de ces thories est svre, dautant plus quelle semble bien lapidaire. Donnons toutefois le bnfice du doute Caill, lequel souligne que ces mmes tho-ries ne se proccupent pas de la disparition croissante de lesprit du don et ses coro-laires : la monte de lesprit gestionnaire, limpossibilit damliorer sa condition de vie et une forme de totalitarisme invers, dans un parcellitarisme qui induit une fragmentation gnralise (p. 87). Plutt que de sattaquer aux consquences de ces maux linstar des thories prcdemment cites, le convivialisme se propose doprer une vraie rupture sur leur cause premire : lutilitarisme ambiant. Rupture qui sappuie sur le principe de la commune humanit et de la commune socialit de tous les tres

    humains (p.21). linverse de ce que ce principe suggre, Caill se dfend de ver-ser dans lutopie. Reprenant les mots de Mauss, il estime quil faut apprendre savoir nous oppos[er] sans nous massacrer (p.72). Cest pourquoi il prsente le convi-vialisme comme un socialisme universa-lis et radicalis (p.89). Par socialisme, il entend une forme de subordination de la vie conomique aux objectifs conscients de la socit (p.90). Il devient universalis en imposant une solidarit mondialise en dehors du cadre tnu de ltat et radica-lis en combattant la dmesure du capita-lisme nolibral, notamment en dcrtant hors-la-loi (p. 95) la spculation finan-cire. Pour ce faire, Caill espre quune socit civile associationniste smancipe du pouvoir politique afin de peser de tout son poids sur la dmocratie telle quelle est pratique.

    Outre Marcel Mauss, le convivialisme sinspire dIvan Illich, dont Marc Humbert tient souligner lapport. Ds 1973, avec la publication de son livre Tools for Conviviality (Marion Boyars Publishers Ltd., 2001), Illich soulignait la ncessaire autolimitation de lconomie mondiale. Toutefois, estimait-il, ltat ne peut plus jouer son rle politique pour organiser le changement radical qui simpose (p.106). Celui-ci tant contraint au rle dobservateur par le poids dmesur des grandes entreprises dans lconomie capitaliste, seule la socit civile peut encore intimer un changement de production. Cest dans la thorie de la cration et du partage des ressources (p. 112-129) quelle peut puiser des solutions en faveur dune socit conviviale avance. En effet, Illich constatait que les outils de la socit cest--dire les biens et les institutions ne sont pas prompts la convivialit. Par consquent, il importe de rompre avec ceux qui asser-vissent lhomme plus quils ne le librent, lexemple de la bureaucratie. Illich proposait ainsi de redonner lactivit humaine sa dimension cratrice prosaque ou artis-tique librement exerce afin de fournir des ressources qui ont une valeur dusage pour lensemble de la socit (p.118). Cette phrase prend tout son sens la lecture de

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    la biographie dIvan Illich par Denis Clerc, lannexeI. En plus dune clarification de ses concepts cls, on y apprend quil avait t ordonn prtre. Devenu conomiste, sa critique du christianisme admet paradoxa-lement le rle mancipateur de son message.

    Cette dimension religieuse sculari-se se retrouve dans les contributions des auteurs du collectif. ce titre, Alain Caill prcise : Le convivialisme, qui hrite de tous les acquis de ces grandes idologies politiques des XVIIIe et XIXesicles (et, plus largement, de lthique de base de toutes les grandes religions), pose la question de savoir comment bien vivre ensemble (p.20). De mme, Serge Latouche estime : la voie cest le tao de Lao-Tseu, cest le do du Zen japo-nais, mais cest aussi le dharma des Hindous et lethos dAristote (p.71). Toutefois, il ne sagit pas dun cumnisme attrape-tout ou dun syncrtisme tide. Le convivia-lisme prsente une architecture idologique propre, sappuyant sur une thique suffisam-ment comprhensive pour agrger chaque strate de la socit civile. En replaant le don au centre de la socit, les auteurs esprent restreindre les rapports de force.

    Toutefois, on reprochera ceux-ci duser dun flou artistique lorsquil sagit dappr-cier lavnement dune socit conviviale. ce titre, Patrick Viveret rapporte lexis-tence d exprimentations anticipatrices (p.36-41) et Michel Renault, lannexeIIb, cherche laborer un nouvel indicateur conomique. Malgr les bonnes intentions, les mesures transitoires ou exprimentales peinent dcrire le convivialisme au-del de son architecture paradigmatique. De mme, les acteurs prsents comme les futurs instigateurs dun mouvement global en faveur dun changement drastique de socit disparaissent au profit de contro-verses acadmiques. Mais insistons, il sagit l dune bouture un plus vaste projet intel-lectuel, une rponse en somme aux thories contemporaines. Si ce livre laisse probable-ment le lecteur sur sa faim, il lui prsente avec clairvoyance les enjeux actuels et les solutions de demain.

    tienne SchmittDpartement de science politique, Universit du Qubec Montral

    [email protected]

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