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DE LA FORMULE FUNÉRAIRE SUB ASCIA Author(s): A. Judas Source: Revue Archéologique, 15e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1858), pp. 369-377 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41746482 . Accessed: 22/05/2014 14:38 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.104.110.130 on Thu, 22 May 2014 14:38:53 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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DE LA FORMULE FUNÉRAIRE SUB ASCIAAuthor(s): A. JudasSource: Revue Archéologique, 15e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1858), pp. 369-377Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41746482 .

Accessed: 22/05/2014 14:38

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DE LÀ FORMULE FUNÉRAIRE

SUB ASCIA.

La Revue archéologique, dans le cahier de février dernier, a inséré une note sur la formule sub ascia, si commune dans les épitaphes latines d'une certaine partie de l'ancienne Gaule et qui a suggéré tant de commentaires. Il s'agit de l'explication du terme ascia par un mot grec composé de a privatif et scia, ombre; soit : absence ď ombre, jour , clarté. Le sens de la formule équivaudrait à sub dio.

Cette opinion a été publiée, vers le milieu du XVIIe siècle, par Chorier dans ses Rech, sur les antiq. de la ville de Vienne; il s'ex- prime ainsi : « Les lieux qui sont sans ombre sont nommés chez les Grecs a-scia, car axí a signifie l'ombre en leur langue. Ces tom- beaux étaient exposés à ciel découvert et consacrés en une campagne libre, comme les autels dédiés aux héros et aux demi-dieux. » Ce passage auquel, depuis cette époque, il a été fait souvent allusion, a été, en dernier lieu, reproduit par M. Nolhac dans son intéres- sante brochure sur la Hache, etc., Lyon, 1840, p. 5.

Néanmoins, il y a lieu de croire que cette indication, combattue de bonne heure, avait été perdue de vue par un certain nombre de personnes qui se sont depuis occupées du même sujet. La commu- nication de la Revue, en la mettant en relief, me paraît donc avoir eu l'utilité d'attirer plus spécialement l'attention sur ce point. Pour moi, j'en ai profité, et j'y ai puisé le germe d'une nouvelle explica- tion que je soumets à mon tour, après tant d'autres, à l'apprécia- tion des lecteurs.

Dans l'interprétation précédemment exposée, M. Nolhac fait re- marquer avec raison l'anomalie d'un mot grec dans des inscriptions latines, mot de la présence duquel l'interprétation ne rend nulle- ment compte. C'est précisément sur ce fait que s'appuie l'idée que je vais émettre.

Les Anciens croyaient à l'existence de divers génies, les uns bienfaisants, les autres malveillants, qui tenaient sous leur dépen- dance non-seulement chaque homme dans son ensemble, mais les différentes parties de son corps. C'étaient, par exemple, pour les Égyptiens, les Décans. Celse, dansOrigène, livre VIII, les définissait

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370 REVUE archéologique. ainsi : « Ce sont des dieux éthérés, lascifs, sanguinaires, avides de parfums et de chant, qui prévoient toutes les destinées des mortels et président spécialement a*x diverses parties du corps humain. » (Trad, de M. Biot.). Firmicus en dit, livre IV, cliap. xvi : « Magni « erant numinis ac potestatis, perque ipsos prospera omnia atque « infortunia decernebantur. » On attribuait les maux, particulière- ment les maladies du corps, soit aux bons génies, irrités de quelque offense commise contre eux, soit aux mauvais, naturellement en- clins à tourmenter les hommes, et on se livrait à des enchantements pour apaiser les premiers ou éloigner, chasser les seconds. L'une des indispensables conditions du succès de ces opérations théur- giques était l'emploi de certains mots dans leur langue originaire : ces mots, pour cela, étaient nommés efficaces . En Égypte, c'étaient naturellement les noms des Décans, mais les noms égyptiens; en invoquant ainsi, dit Origène, le génie qui dominait sur la partie affligée, on guérissait le malade : « Si nous pouvions, ajoute cet auteur, expliquer la nature des noms efficaces dont se servent les sages de l'Égypte..., nous serions en état de prouver que la magie n'est point une chose vaine, comme Épicure et Aristote l'ont cru ; mais qu'elle est fondée sur des raisons connues, à la vérité, de peu de personnes. »

Plusieurs autres nations possédaient de ces noms efficaces. La Grèce, entre autres, en avait primitivement six sous le titre de Lettres éphé siennes, savoir, selon Hésychius : Aski, Kataski , Aïx, Tètrax , Damnamèneus , Aision; selon Androcyde dans Clém. d'Alex. Strom ., v : As Mon, Kataskion , Lix, Tétras , Damnamèneus , Ta aisia. Ces mots signifiaient : Io les ténèbres ( alpha augmentatif), 2° la lu- mière, 3° lui-même chez Hésychius, la terre chez Androcyde, 4° Van - née , 5° le soleil, 6° la vérité .

Selon l'auteur du Grand Étymologique, ce fut par la prononciation des paroles magiques appelées Lettres éphésiennes que Crésus, vaincu par Cyrus, fut sauvé sur son bûcher embrasé.

Les terminaisons de plusieurs de ces mots varient dans les au- teurs précités, entre autres celles des deux premiers ; il est probable que les leçons primitives étaient Askia, Kataskia, dans la tran- scription latine, Ascia , Catascia. Je présume que c'est le premier qui entre dans la formule funéraire dont il s'agit : sub ascia, ad asci am...« Elle s'adressait au Génie des Ombres ou des Mânes, car sciai , signifiait aussi les Ombres, les Mânes. Or, je le répète, pour que le mot fût efficace, il fallait lui conserver sa forme originale : « Les magiciens, dit Plutarque, Symp. Vil, q. 5, exercent les démo--

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DB LA FORMOLE SÜB ASCIA. 371

niaques à prononcer et à nommer par eux-mêmes les lettres éphé- siennes. » De là, le maintien d 'Ascia dans les inscriptions latines, car on agissait à l'égard des morts comme à l'égard des vivants : le mot efficace, sous la puissance duquel on déposait les premiers, devait être prononcé textuellement. La hache, ascia , n'est qu'un emblème parlant de la même idée ; la figure, par elle-même, n'a pas de signification; elle n'est que le voile du nom. Peut-être, lorsqu'on tenait encore cachés les mystères de la magie, ce signe phonétique était-il seul employé par les initiés (!); mais à l'époque de l'empire romain où les pratiques théurgiques prirent un si grand développement, le secret ne tarda pas, sans doute, à se divulguer ; le mot fut progressivement connu d'un plus grand nombre d'a- deptes et fut lui-même inscrit sur leurs tombes, en conservant le plus souvent l'hiéroglyphe homonymique auquel, par l'usage qui en avait été fait primitivement, on en était peut-être venu à accorder en propre une vertu spéciale.

Les paroles précitées d'Origène expliquent comment des chré- tiens ont pu partager ces croyances et faire eux-mêmes usage et du signe et de la formule.

Si mon assertion, concernant l'insignifiance essentielle de la hache comme figure, est exacte, cette figure, pour les véritables initiés, était au fond indifférente, et elle pouvait être remplacée par celle de quelque autre objet d'un dessin dissemblable, pourvu que l'objet rappelât le même nom. C'est en effet ce que me paraissent démontrer divers monuments dont quelques-uns, par une curieuse coïncidence, me semblent représenter la cérémonie même de la dédicace sub asciâ : ils sont reproduits sur la planche 340 ci-jointe.

Le n° 1 est tracé au-dessus d'une inscription latine trouvée à Lyon en 1740, et expliquée, d'après l'abbé Lebeuf, dans le tome IX de 1 'Hist, de l'Acad. des inscript., in-t2, p. 410 à 414. Voici en partie le commentaire, p. 412, 413 et 414 : « In hue locu requievit Lu uca - « dia, Deo sacrala puella , qui vilam suam prout proposuerat gessit, « qui vixit annos xvi tantum ; beatior in Dno condidit mentem « P T S, consu Theudesi XIII.

« Au-dessous de la dernière ligne se voit une croix entre deux colombes et deux figures d 'Aissette ou d'Ascia

« Mais ce qui rend cette épitaphe plus digne d'attention, c'est la

(1) On peut voir, au ch. 148, 1. 4 et sui v., du grand Rituel funéraire des Égyp- tiens, un remarquable exemple, dans un cas analogue, de f expresse recomman- dation du secret.

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372 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

preuve qu'elle fournit que l 'Ascia n'était pas particulière aux sé- pulcres des païens. M. l'abbé Lebeuf en avait déjà aperçu sur le tombeau de saint Andoche à Saulieu en Bourgogne; mais cet exemple seul n'était pas décisif, parce que ce tombeau, qui est de marbre blanc/pouvait avoir été originairement fait pour un païen. Ici l 'Ascia redoublée accompagne la croix et les colombes, symbole du Christianisme. »

En examinant les deux figures indiquées comme des Aissettes, il est impossible d'y reconnaître la hache à laquelle on donne ordi- nairement ce nom. Cependant la particularité même, signalée par l'auteur, de la présence de la ligure sur une pierre chrétienne donnerait la certitude, s'il en était autrement besoin, qu'il a sur- veillé le dessin et que ce dessin est exact. D'ailleurs la même figure se montre sur d'autres monuments, par exemple, sur le n° 2 de notre planche, tiré, ainsi que les n°' 3 et 4, de la précieuse col- lection publiée par M. le commandant de la Mare, dans la partie archéologique de l'Explor. scient, de l'Algérie, pl. 93(1). Cette figure, toute prévention écartée, paraît une fleur. Ainsi doit en avoir jugé l'auteur d'une table générale des matières contenues dans les vo- lumes VI à X inclusivement de l'Histoire et XV11I à XXXVII des Mémoires de l'Académie, table qui forme le tome LXXY de la col- lection. Il s'exprime ainsi, p. 104 : « Ascia, plante employée sur les tombeaux. Hist., vol. IX, p. 412 et 413. » Il renvoie précisément, on le voit, aux pages précédemment indiquées de l'analyse préci- tée. Cependant cette opinion ne doit pas avoir été celle de l'abbé Lebeuf, qui regardait comme des ancres les diverses figures en relation avec la formule. D'où vient-elle? Quelle confiance mérite- t-elle? L'auteur de la lable générale dont il s'agit, si je ne me trompe, n'a été rien moins que l'auteur même de l'analyse, le secrétaire perpétuel de la Compagnie. Si cette qualité présumée n'était une garantie suffisante, le soin avec lequel, il est facile de le reconnaître, ces tables ont été rédigées dans tous leurs détails, porterait eu lui-même la preuve que l'énoncialion n'a pas été émise à la légère. Si on le voulait absolumen t, elle serait au moins l'expres- sion naïve de l'idée que suggère la simple vue de l'objet, dégagée, comme je l'ai dit, d'opinion préconçue. A ce titre, quelle qu'en ait

(1) On a la preuve positive de l'introduction en Afrique du symbole de l'Ascia par d'autres monuments où la hache même est gravée, par exemple, à Sigus,pl. 50 du même recueil , et à Constantine, pl. 147. Quant à l'objet particulier dont je m'occupe, on le voit aussi pl. 81, n° 2 (Sétif) ,

pl. 94, n° 5 (Möns), pl. 106, n° 11 (Djemila), et pl. 184, n° 11 (Ghelma).

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été alors l'origine, elle peut paraître le témoignage de la vérité, et je ne me crois pas trop téméraire en m'en emparant. Voici mes motifs :

Scias (skias), formé de scia (skia), ombre, signifie : « Lavigne ou autres plantes qui grimpent sur les arbres ; on donne aussi ce nom à l'ombelle des plantes. »

Nous désignons précisément par le nom ache une plante ombelli- fère qui figurait dans les rites funéraires, le persil , en latin apiumy en grec sélinon. Plutarque, Timol., apprend que les tombeaux en étaient couronnés (1); Pline, Hist, nat., XX, p. 11, dit qu'il servait dans les x'epas funèbres. Notre nom vulgaire ache ne peut venir ni d'apium, ni de sélinon : n'est-il pas de toute vraisemblance qu'il émane d'ascia et qu'il a été donné à la plante à cause de ses om- belles , c'est-à-dire que c'est une transcription faiblement altérée du grec scias ? C'était un emblème de résurrection, de victoire : aussi servait-il en outre, suivant Pline encore, XXX, 8, à couronner les vainqueurs dans les jeux sacrés de Némée , et selon Plutarque , Symp. v, q. 3, dans les jeux isthmiques, jeux qui, les uns et les autres, étaient d'ailleurs funèbres aussi et nommés 'Aywve; ( Schol . Pind.). Cette attribution de l'apium provenait de ce que l'on croyait qu'il naissait spontanément. Il était, à cet égard, sur le rang du scarabée en Égypte (2) et de l'abeille en Grèce et chez les Romains (3) ; aussi est-ce de ce dernier insecte qu'il paraît

(1) Voyez aussi Polyaen. Stratag,', 12, leg. 1, et Suidas in ZeXCvov «rréçavov. (2) a Les Égyptiens racontaient que tous les scarabées étaient mâles ; ils en

avaient fait le symbole de la génération paternelle et, dans un sens mystique, de la génération divine. Ils l'appliquaient également à la procréation de la matière et du monde, et à l'incubation mystérieuse qui présidait, après la mort, à la rénovation du germe humain pour une vie éternelle. - Suivant la prescription du chapitre 30 du Rituel funéraire, un gros scarabée de jaspe vert ou ďune pierre de couleur analogue devait être placé dans l'intérieur de la momie : il porte gravée au revers une invocation du défunt qui demande un jugement favorable. » Vie. de Rougé, Not. des monum. égypt . 1855, p. 122 et 96. (3) « Creantur apes ex boum fimo. » Galep. Diet., au mot Apis , et Virgile ,

Georg. IV, etc. De là le rôle funéraire décerné aussi à l'abeille et l'application du nom de Melissai aux âmes des défunts ; comme l'abeille, l'âme renaissait de la corruption de la chair, de même que le scarabée déposait ses germes dans une petite sphère de fiente de bœuf qu'il roulait entre ses pattes de derrière. Le bœuf, on doit le remarquer, intervenait dans ces régénérations spontanées; c'est ce qui explique le rapport du nom du dieu Apis avec celui de l'abeille et avec celui de la chair en égyptien, ab , af ; de là vient aussi que sur les monuments hiérogly- phiques, le nom d'Àpis , comme celui du scarabée, est souvent suivi d'un oiseau , emblème de la procréation, remplacé, dans quelques cas de filiation, par un mor- ceau de chair. (Voy. Mariette, Mém. sur la mère ďApis, p. 19.) Dans une épitaphe

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374 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. tirer son nom latin. Quant à sélinon , il n'a, je crois, aucune base en grec : mais en phénicien on avait salai , SSï, obumbratus est; selel , %3ř, umbra ; sely Sï, umbra et forma , idolum (petite figure). Le dernier i, par une affinité parfaitement constatée en linguis- tique, s'est changé en n, soit sln=sll, et de là le nom grec. Le rôle funéraire de Vache était si familier, qu'il avait donné lieu à une lo- cution proverbiale : Tot» gsXív ou SsTtou (1), Il aura bientôt besoin ďache , pour : Il est atteint d'une maladie mortelle , il est près de suc- comber, et la preuve que Tache, dans cet usage, représentait une entrée dans une autre situation, un passage à un séjour meilleur, c'est un autre proverbe qui avait cours du temps d'Aristo- phane ( Guêpes ) : Ou 8'lv ceXívco ¿ívai, N'être pas encore à Vache , pour : N'être pas encore au début , à Ventrée d'une affaire , parce que les jardins étaient bordés ďache, de manière qu'il fallait franchir cette lisière pour pénétrer au milieu des fleurs et des fruits, dans le lieu de repos, de récréation, d'abondance, le jardin, le paradis.

Ainsi s'explique, d'une part, le rôle de l'ache comme plante fu- néraire ; d'une autre part, son emploi comme allusion phonétique et à la fois figurative à la cérémonie sub ascia. Mais en fait, ce n'est point l'inflorescence de l'ache qui est retracée sur les monuments mentionnés; ce n'est pas une ombelle : on doit donc y voir la fleur de l'une de ces plantes grimpantes qui portaient aussi le nom gé- nérique scias , parce qu'elles donnaient de l'ombre en s'entrelaçant et en formant des berceaux. Or, il est une famille de plantes grim- pantes, les cucurbitacées, et, dans cette famille, une espèce parti- culièrement, la bryone, dont la fleur ressemble assez sensiblement à celle de nos dessins : ce doit être cette fleur. Les plantes dont je parle portaient en grec un nom qui avait peut-être quelque rapport à ascia , savoir : sicya , sicys , sicyos ; mais je crois que leur rôle était expressément fondé sur le titre générique scias, plante grimpante .

Il y a plus. Les figures 2, 3 et 4 de notre planche, trouvée en un même en-

trouvée à Constantine, au milieu d'un jardin de Salah-Bey {Ann. de la Soc. archéol. de Const., 1853, p. 76) , des deux premiers vers :

De mets tumulis avis Attica parmla venit Etsatiata thymo stillantia mella relinquit ,

ne font-ils pas allusion à l'abeille comme emblème de l'âme P En égyptien, a/*, ab, hab , hap, étaient des nuances d'un nom commun à l'abeille,

au scarabée, au taureau Apis; ab désignait la pureté, et ba était le nom de l'âme. (1) Voy. Plutarque, Timol. , et Suidas.

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droit en Algérie, sur l'emplacement de la cité anciennement nom- mée Moris , ont évidemment un cachet commun qui leur est tout à fait spécial, car il est probable que sur les trois monuments, les deux personnages réunis versaient pareillement, chacun, ďun vase particulier, un liquide dans un vase plus grand, placé entre eux : en tout état de choses, ils ont positivement en commun la guirlande ou draperie allant de la tête de l'un à la tête de l'autre; ce détail original ne peut ainsi, je crois, se rencontrer fortuitement ; il est intentionnel, symbolique. Or, scias signifiait encore : « Pavillon fait en rotonde, de quelque nature qu'il soit. » Les mots que je trans- cris en italiques sont aussi imprimés de cette manière dans le Dic- tionnaire de Planche. Notre draperie (1) n'est-elle pas un poêle représentan t un pavillon, et nos personnages, même au n° 3, où il n'y avait ni hache, ni fleur, ne figurent-ils pas, comme je l'ai an- noncé, la cérémonie dela dédicace sub asciâ?

Ce rite, ďaprés l'étymologie desélinon , émanait des Phéniciens ou avait été transmis par eux : le nom même skia , skias , d'où ascia , remonte à eux; il a en effet son origine dans -po sakak, texit , texuit , occultavit , hdd ska ou skia , car souvent la gutturale s'as- socie le son i y tugurium , casa frondibus ramisque conserta , rvDD skot ou skiot (skiad-os), tentorium (2). Et il est à remarquer qu'en hébreu tous les mots signifiant couvrir , " po entre autres, impli- quent en même temps l'idée de protection , en sorte que la for- mule contenait une pensée ou une prière de protection du tom- beau. L'iconographie archéologique de Möns nous prouve que Sa- turne, la grande divinité de presque toute l'Afrique à cette époque, comme auparavant, des Carthaginois, était honoré d'un culte par- ticulier dans cette ville (3); il est représenté la tête voilée : n'y a-t-il pas un rapport entre cette circonstance et la cérémonie sub asciâ , rapport corroboré par l'attribution de Saturne comme dieu infer- nal, notamment comme dernier juge à l'entrée des champs Élysées,

(1) Ce peut être une guirlande ďache faisant couronnement et précisément la décoration symbolique à laquelle Plutarque fait allusion, car stéphanos signifie guirlande aussi bien que couronne . Je suis porté à croire que l'emblème se montre plus souvent qu'on ne le pense sous forme de guirlande. (2) On peut ajouter, comme dérivé de la même source, le mot grec sékos, tout

endroit clos .... temple .... tombeau.... (3) On remarque aussi des monuments particulièrement consacrés à Saturne,

semblables à ceux de Möns, à Sétif (pl. 80 , et à Djemila, où j'ai signalé la fleur en question. Quant à Ghelma , il est digne d'attention que la pierre indiquée porte une double épitaphe, qu'une seule de ces épitaplies a la fleur dont il s'agit, et que la défunte s'appelait Saturnina.

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376 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. au seuil du séjour des bienheureux, ainsi que Pindare Ta chanté (1)? La nuit, dans la cosmogonie antique, avait précédé la naissance du monde, le règne de la lumière. Nous restons cachés dans le sein maternel pendant neuf mois avant d'apparaître au jour. La chry- salide s'enferme dans une enveloppe obscure et immobile avant de s'élancer, vif et brillant papillon, image de l'âme, dans les plaines de la lumière. On comprend alors pourquoi l'on invoquait, au mo- ment d'un décès, les ténèbres, puisqu'elles étaient, en quelque sorte, l'œuf dans lequel le germe impérissable devait puiser les éléments d'une nouvelle vie, c'était l'inévitable condition d'une renaissance.

Cette allusion à la résurrection n'explique-t-elle pas mieux en- core l'adoption des formes matérielles du symbole par les chrétiens? Dans le culte catholique, les ténèbres ne précèdent-elles pas la ré- surrection Paschale (2) ?

(1) Diodore de Sicile, xx, 65, à l'occasion d'une victoire remportée sur Agalhocle par les Carthaginois , en racontant que ceux-ci passèrent la nuit à offrir aux dieux en sacrifice les plus beaux de leurs prisonniers, lesquels étaient enveloppés ďune grande flamme , parle d'une tente sacrée qui était placée près de l'autel : c'était ordinairement à Saturne que les victimes étaient sacrifiées par le feu ; il est donc vraisemblable que le tabernacle en question se rattachait au culle de ce dieu. (2) Le rite , avec son idée fondamentale de ténèbres en vue du passage à une

lumière nouvelle, de la mort à la résurrection , indépendamment de son application aux morts particulières, était, comme fête annuelle, répandu parmi presque toutes les nations civilisées et partout il avait un caractère plus ou moins prononcé de saturnales. L'époque variait suivant celle où l'on plaçait le renouvellement de l'année. C'était, chez les Hébreux, la fêle des Tabernacles, heg ascot ou asciot; le caractère essentiel, selon la prescription biblique , consistait dans la nature des sacrifices et dans l'habitation sous des tentes . Mais on y ajouta plus tard des rites non ordonnés et, entre autres, Y effusion de Veau; le prêtre allait emplir d'eau de la fontaine de Silos un vase de la capacité de trois logs et, revenu à l'autel des holocaustes , il se tournait promptement à gauche, puis versait l'eau dans une ou- verture ou dans un autre vase placé à l'occident. On attacha à cette cérémonie une telle importance , qu'une fois, le prêtre , à qui elle déplaisait parce qu'elle n'était pas ordonnée par la loi, ayant répandu l'eau, non dans le vase , mais à ses pieds, il fut assailli de citrons, que l'on avait l'habitude de porter à cette fêle, la corne même de l'autel fut brisée et dans la suite le peuple avait coutume de crier : « Lève la main , afin que nous voyions si tu verses l'eau dans le vase. » (Hadr. Re- land, Antiq. sacr p. 232-233.) Cette effusion d'eau d'un vase dans un autre, n'est-ce pas ce que représentent les n0> 2, 3 et 4 de notre planche? Ainsi se ratta- cherait au rite général, comme je le suppose, la cérémonie particulière des funé- railles. Un acte de la célébration des grands mystères à Éleusis s'y rapporte peut- être plus directement encore. Le neuvième ou dernier jour de la fête, « on portait « en pompe deux vases remplis d'eau, qu'on déposait ensuite à terre en observant « d'en placer un à l'orient et l'autre à l'occident; alors on élevait les yeux vers le « ciel, puis on les ramenait vers la terre, d'abord en prononçant quelques mots bar- « bares et mystiques et ensuite quelques paroles d'heureux présage , après lesquels

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Maintenant, pourquoi cet usage se trouve-t-il, non confiné, comme on l'a dit, mais particulièrement installé dans une partie limitée de la Gaule? C'est une question qui embarrasse toutes les hypothèses. Si celle que je propose est exacte, la source immédiate doit être grecque : or, Lyon est une des villes où se sont surtout rencontrées les épitaphes distinguées par le signe ou la formule dont il s'agit, et précisément dans la séance de l'Académie des inscriptions du 23 avril dernier, à l'occasion ďune inscription latine trouvée à Lyon, et dans laquelle se lit la formule, M. Léon Renier a fait observer que des noms grecs se montrent fréquemment dans les inscriptions latines de cette antique cité. Il peut y avoir quelque liaison entre les deux circonstances. Pour approfondir le problème, il faudrait rechercher la marche de la magie dans nos régions : mais ce travail dépasserait mes forces; j'aurai atteint mon but si, dans les limites mêmes où je la laisse, la solution que je propose paraît à quelque personne plus compétente digne d'être conduite complètement à bonne fin.

A. Judas.

« on renversait les deux vases dont l'eau s'écoulait par une ouverture; c'était le « dernier acte de la célébration de ces mystères. » (Boulanger, Antiq. dév. i, 106, d'après Alhénée, xi, 13.) A ce rile doit être, ce me semble, assimilée aussi la scène de la fête d'Anna, à Rome, décrite par Ovide, Fastes , l, m, scène qui se passe près de l'eau, sur les bords du Tibre, et où l'on voit la masse du peuple se mettre à couvert sous des berceaux de diverses formes. Saturne, dans l'astrologie ancienne, était domicilié dans le Capricorne et le Verseau, aux confins des ténèbres et de la lumière, au point où l'on plaçait la porte des dieux, c'est-à-dire celle du retour des âmes purifiées dans la région élhérée : aux ténèbres correspondaient, dans le cercle céleste, le Capricorne, dans le culte terrestre, le symbole idéographique et quelquefois en même temps phonétique de la tente ou un symbole simplement phonétique; à la purification et à l'entrée dans la lumière, sur la terre comme au ciel, l'épanchement et le cours de l'eau , l'emblème du baptême. J'aurais encore divers rapprochements à faire; mais leur exposition me mènerait trop loin.

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