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Szyn1horska DE LA MORT SANS EXAGÉRER ÏÏ't1duit du polonais par Piotr Kaminski

De la mort sans exagérer (Wislawa Szymborska).pdf

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  • Wisl~twa Szyn1horska

    DE LA MORT SANS

    EXAGRER 't1duit du polonais par Piotr Kaminski

  • OAI\S LA MtME COLLECTIO"l

    Zbignicw HERBERT, Monsieur Cogito et autres pomes (traduit du polonais et posace de Alfred Sproede), 1990.

    Roberto JLARROZ, Posie ttrticale (traduit de l'espagnol (Argentine] et prsent par Roger Munier), 1989.

    lsmail KADARt, Pome1 (1958-1988), prface d 'Alain Bosquet (version franaise par Claude Durand, Mira Me.xi et Edmond Thpja}, 1989.

    Czeslaw MILOSZ, Chroniques (traduit du polonais par Franois Piel), 1987.

    Czeslaw MILOSZ, Terre inpuuable {traduit du polonais par Christophe Jezewski et Franois Xavier Jaujard), 1988.

    Adam ZACNEWSKI, Palusade, Marronniers, Liseron, Dieu (traduit du polonais par Maya Wodecka, avec la collaboration de Claude Durand), 1989.

    Wislawa Szymborska

    DELA MORT SANS

    EXAGRER Traduit du polonais par Pwtr Kaminski

    Posie Fayard

  • C Witlan S')'lllbonka, 1957, 1962, 1967, 1972, 1976, 1986. 1993 C Llb,..ne Artb!rnc: Fa)'trd pour la lnlductioft 1~ 1996

    S t lt Nnhrl dr. liw:ruturt or

  • rent, d'une e:tceptionneUe maturit. Dcpm~. d1nrun dr ~t recueils2 provoquera un cho semblable - et di~parlltrn imm-diatement des libraines.

    Posie affranchie de tout problme formel, aimablement ouverte vers son lecteur, eUe lui rvle des abmes mtaphy-siques traits souvent sur le mode de la plai!18Jlterie apparente, du fau:t tormement, o l'extrme sensibilit se pore de distan-ciation et d'ironie - souvent grinante, jamais amre. Posie pllosophique, disent les spcialistes, en donnant pour preuve cette 1se de philosophie qui prenait pour thme une de ses uvres ( Conversation avec la pierre ). S'il est vrai qu'eUe cherche parlois ses sujets dans la mtaphysique, son style demeure d'une tonnante et trompeuse simplicit ( Par-donne-moi, langue, d'emprunter des mots pathtiques- Et de faire l'impossible pour qu'ils paraissent lgers ), sur laqueUe plus d'un exgte, plus d'un traducteur se sont cass les dents. Prserver, dans la traduction, l'quilibre entre le sublime et le trivial, dont Szymborska joue en grande virtuose, est un dfi.

    La France lui rend aujourd'hui un hommage tardif, mais d'autant plus mrit que notre posie doit Szymborska quelques traductions gniales : Agrippa d'Aubign et Tho-phile de Viau, abords pour les besoins de la lgendaire (bilingue, et toujours inacheve) Anthologie de la posie franaise de Jerzy Lisowski, et littralement rincarns sous sa plume.

    Piotr Kaminski

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    Mr.,rl t:trc boxeur ou ne pas tre du tout. t ., .. u'r11 Jllmnis pour nous qu'on fait hurler les foules. Il y n dturs la salle douze ttes ri fnutlrn commencer la fte. 1 " nuuti ne sont l que parce qu'il pleut dehors. l.r mures c'est la famille. Muse.

    Ftnrrnh prtes se pmer par cette soire d'automne fr11urnt rnielL't d'assister un combat de boxe. I.Jr ~ulement scnes dantesques, Et montes au ciel. Muse.

    ='r pM ttre boxeur, tre pote, 111 trouver condamn yiJlgt ans de rimbauds, Jttr il la face du monde, faute de musculature, dt l.ngarde et Michard quelques pages futures, tluuH ((' meilleur des cas -c Mus!~. Pgase, '"'1

  • Quatre heures du matin

    Heure de la nuit au jour Heure du flanc droit au gauche Heure pour avant la trentaine.

    Heure balaye sous le chant des coqs. Heure o la terre semble nous chasser. Heure o nous glace le souffle des toiles teintes. Heure de qu'est-ce qui-restera-bien-de-nous.

    Heure vide, sourde, aride. Fond du food de toutes les autres heures.

    Personne n'est vraiment bien quatre heures du matin. Si les fourmis sont bien quatre heures du matin Bravo les fourmis. Mais que viennent vite cinq heures Si tant est que nous devons survivre.

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    llgic touri.ftique

    1 hu f il moi, rien en propre, 1 ku ru propre pour la mmoire, 111111 il moi tant que je regarde. Mt~ desses, peine rappeles ~itt doutant de leurs tetes.

    Dr la ville de Samokov la pluie tt rien que cette eau qui tombe.

    Paris depuis Louvre jusqu' l'ongle blanchit sous cataracte.

    Du boulevard Saint-Martin reste un escalie1 menant droit vers l'clipse.

    De Uningrad si ponteux un pont et demi, et encore.

    Pauvre Uppsala avec ce petit rien de la grande cathdrale.

    Misrable danseur bulgare corps sans visage.

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  • L eon visage sans yeux. li ats }t'UX sans pupilles, l les pupilles du chat.

    L'aigle caucasien qui plane sur un ravin ravaud, l'or du soleil pas franc pour un sou, et les pierres tout aussi postiches.

    Tout moi, rien en propre, nen en propre pour la mmoire, tout moi tant que je regarde. lncomptables, insaisissables, et distincts jusqu' la flbre, Au grain de sable, la goutte d'eau --paysages.

    Pas un brin ne ~arderai dans sa visibilite pleine.

    Le bonjour et l'adieu d'un regard.

    Pour le trop et le pas assez un seul mouvement du cou.

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    Le vin

    D'un regard il me fit plus belle, et je pris cette beaut sans remorm. Heureuse, j'avalai une toile. Qu'il me rinvente maintenant l'image de mon reflet dans ses yeux. Je danse, je danse dans les flots de mes ailes soudaines.

    Table est table, vin est vin dans un verre qui est un verre se dressant, dress, sur table dresse. Et moi je suis imaginaire, sans me:;ure imaginaire, jusqu'au sang imaginaire. Je lui parle de tout ce qu'il veut : des fourmis qui meurent d'amour sous l'toile dent-de-lion. Je lui jure qu'une rose blanche arrosee de vin, chantera.

    Je ris, je penche la tte prudente, c'est un premier test. Et je danse, et je danse encore

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  • dans ma peau tout tonne, entre ses bras qui me conoivent.

    ve de la cte, Vnus de l'cume, Minerve du front de Jupiter furent plus relles que moi.

    Quand il ne me regarde plus je cherche mon reflet sur le mur. Et je ne vois qu'un clou priv de tableau.

    Des femmes de Rubens

    Cargantuettes, faune femelle, nudit tonnante des tonneaux. EUes se nichent dans des lits ravags, bouches ouvertes, coqueriquantes. Leurs pupilles regardent au-dedans pour mieux pntrer les mystres des chaudrons d'ardeur glandulaire.

    Barocchantes 1 Pte gonfle, vapeur des bains, vins cramoisis, porcelets blancs galopent au ciel, trompettes hennissent l'alarme chamelle.

    Potironneuses 1 Exorbitantes 1 Doubles par l'enlvement des voiles, triples par la pose vhmente, plats d'amour plantureux 1

    Vos maigres surs se levrent plus tt, ds potron-minet du tableau. Nul ne vit quand leur file indienne traversa l'envers de la toile.

    Proscrites du style. Ctes recenses, gallinacs leurs pieds, leurs mains Vain leur envol a tire d'omoplate.

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  • Au treizime sicle- sur fond dorr. Au vingtime sicle- sur toile d'nrgrnt . Le di:~-septime n'a rien pour les plates.

    Car alors mme le ciel est conve:te, Anges convexes, et dieu convexe-Phoebus moustachu monture embrase Pntre en l'alcve bouillante.

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    Prologue pour une comdie

    Il s

  • Je suis trop prs ...

    Je suis trop prs pour que de moi il rve. Le survoler ne puis, non plus 1e fuir sous les racines des arbres. Trop prs. Ce n'est pas par ma voix que chante le poisson captif. Et cene bague qui roule ne vient pas de mon doigt. Je suis trop prs. Maison immense qui brle, et moi je ne peux crier au secours. Je suis trop prs pour que la cloche tienne un de mes cheveux. Pour que j. e puisse entrer et tre bienvenue, pour que es murs s'cartent saluant mon passage. Jamais plus ne saurai mourir si lgrement, extrieure mon corps, si inconsciente, comme jadis dans son rve. Je suis trop prs. Trop pres. J'entends le claquement je vois la gueule ouverte de ces deux mots immobile dans ses bras. n dort, plus accessible maintenant la caissire entrevue autrefois dans un cirque ambulant riche d'un seul petit lion, qu' moi toute proche. C'est pour elle que s'ouvre en lui la valle rousse d'automne, aux cimes enne1ges, l'air d'azur. Moi, je suis bien trop prs, 1e ne saurais ainsi tomber du ciel. Mon cri pourrait le rveiller, sans plus. Si pauvre rduite dsormais ma seule apparence

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    mo1 qu fus Ir bouleau, la salomandrt> qw j(IIILsMui1 dt'R si~cles ~t des lustres,' chatoyante de m1lle ptoux. Qu1 possedais le don nul outre pareil de m'vanouir devant ses yeu:< surpris. Je suis trop prs trop prs pour qu'il puisse rver de moi. Je dgage mon bras de sa tte endormie bras mort, martyris par un essaim d'pingles. Et sur chacune des ttes, prts au recensement les anges dchus s'taient poss.

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  • Sur la tour de Babel

    -Quelle heure est-il? Oui,/'e suis heureuse, li ne me manque plus que a clochette au cou Qui tintinnabule au-dessus de toi, endormi. - N'm-tu pas entendu l'orage? Le toent cogna contre Lu murs La tour billa comme un Lion, de son norme porte Au.z: charnires qui grincenL -Aurais-tu oubli? Je n'avais sur moi qu'une robe ordinaire, Grise, ferme l'paule. -Et t{)ut de suite aprs Le ciel se dchira en cent mille clairs. -Comment pouvais-je entrer? Th n'tais pas seul. -Je vis soudain des couleurs d'avant l'existence de la vue. - Dommage que tu ne puisses rien promettre. - 1 m raison, C'tait peut-tre un rve. - Pourquoi mens-tu? Pourquoi m'appelles-tu de son prnom? Th l'aimes encore? - Oh oui, j'aimerais Que tu restes avec moi. - Je ne t'en veux pas, J'aurais d le deviner moi-mme. - 1 penses toujours Lui?- Mais je ne pleure pas. -Et c'est tout?- Personne jamais comme toi. Au moins es-tu sincre. -Sois tranquille, Je quitterai la ville. -Sois tranquille, Je partirai d'ici. -Tes mains sont tellement belles. - C'est une vieille histoire, la lame

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    f:St pa .url' lrtwl'rs sans toucher L'os. - De rien, Mon rhrr, de rien vraiment. -Je ne sais pas, JI' Ill' l'l'III pas smoir l'heure qu'il est.

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  • Un rve

    Mon mort sur le champ de bataille, mon poussire, retrouvant l'apparence qu'il a sur sa photo : l'ombre d'une feuille sur le front, coquillage dans la main, se met en route pour rejoindre mon rve. 'Iraversant les tnbres teintes depuis jamais, nants qui pour toujours se sont ouverts pour lui, sept Cois par sept fois sept insondables silences.

    n m'apparat enfin au dedans des paupires, en cet unique monde qui lui reste accessible. Son cur transperc bat. Un premier vent s'envole de ses cheveux.

    Voil qu'une prairie se fait entre nous deux. Des cieux arrivent, pleins de nuages et d'oiseaux, des montagnes explosent doucement l'horizon et un fleuve descend la recherche d'une mer.

    Si loin porte maintenant notre regard, si loin, que la nuit et le jour se font simultans, et toutes les saisons sensibles au mme instant.

    La lune ouvre l'ventail de ses quatre quartiers, les flocons de neige dansent avec les papillons, et des fruits mrs tombent d'un arbre en fleurs.

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    Nnu~ uoui npprochous l'uu de l'autre. Je ne sais, si c'est en lannes,

    JC 11~ sm~ s sonnants Un petit pas encore et nous couteronli ensemble ton coquillage, mille orchestres ) rsonnent, c e~t notre marche nuptiale.

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  • Eau

    Voil que sur ma main tombe une goutte de pluie, rpandue par le Gange et le Nil.

    lvation du givre des moustaches d'un phoque, fruit des cruches casses dans les villes d'Ys et 'T)rr. Sur la pointe de mon index La mer Caspienne est une mer ouverte,

    et le Pacifique coule dans le lit de la Rudawa, la mme qui survola Paris en petit nuage

    en mille sept cent soixante-quatre le sept mai . trois heures du matin.

    La bouche n'y sufrrait pour dcliner tous tes noms ondoyants, eau.

    Il faudrait te trouver un nom dans toutes les langues en prononant ensemble toutes leurs voyeUes

    et se taire en mme temps - au nom d'un lac, qui n'a jamais pu obtenir un nom quelconque, et qui n'existe point sur terre, comme au ciel n'existe cette toile qui s'y reflterait.

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    lin qui se noie, un autre t 'implorr en mourant. C'rtait iJ y a longtemps, et c'etait hier.

    Maisons tu teignais, maisons tu emportais comme des arbres, et forts comme des villes.

    Dans les fonts baptismau.,; et les bidets des putes. Sur les langues et sur les linceuls.

    Grignotant les rochers, allaitant l'arc-en-ciel. Sueur et rose des pyramides, des lilas.

    Que c'est lger, tout a. dans une goutte de pluie Combien dlicat est sur moi le toucher du monde.

    Quoi - quand - o que se soit pass, restera grav dans l'eau de babel.

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    L uc;..~; o-,. ?L'l' JC, iJS

    Ill. lW 15U12 PARIS fel 43458712

  • Dans le flete d'llraclite

    Dans le fleuve d'Hraclite poisson pche poissons, poisson quarrit poisson avec poisson tranchant, poisson construit poisson, poisson habite poisson, poisson s'enfuit de poisson assig.

    Dans le fleuve d'Hraclite poisson aime f.oisson, tes yeux, dit-i , brillent comme poissons au ciel, je veux nager avec toi jusqu' la mer commune, , toi, la pius belle du banc.

    Dans le fleuve d'Hraclite poisson inventa poisson des poissons, poisson se met genoux devant poisson, et chante, et prie pour que poisson lui accorde une nage lgre.

    Dons le fleuve d'Hraclite moi poisson singulier, moi poisson distinct, (ne serait-ce que de poisson-arbre et de poisson-rocher), fcris mes heures prcises petits poissons a l'caille si furtivement argente, que c'est peut-tre la nuit qui cligne des yeux, perplexe?

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    Conl'ersation atec la pierre

    Je frappe la porte de la pierre - C'e;;t moi, laisse-moi entrer. Je veux pntrer dans ton intrieur, y jeter un coup d'il, te respirer fond.

    - Va-t'en, dit la pierre Je suis ferme double tour. Mme brise en mille morceaux nous serons encore ferms. Mme broys en poussire nous ne laisserons entrer personne.

    Je frappe la porte de la pierre. - C'est moi, laisse-moi entrer. Je viens par pure curiosit. La vie en est l'unique occasion. Je tiens me promener dans ton palais, avant de visiter la feuille et la goutte d'eau. Je n'ai pas beaucoup de temps pour tout cela. Ma mortalit devrait t'mouvoir.

    - Je suis de pierre, dit la pierre. Je suis bien oblige de garder mon srieux. Va-t'en, je n'ai pas de zygomatiques.

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  • Je frappe la porte de la pierre. -C'est moi, laisse-moi entrer. On me dit qu'il y a en toi des soUes grlllldes et vides, jamais vues, aux beauts qui s'pllllotssent en vain, sourdes, o aucun pas ne retentit jamais. Avoue maintenllllt que tu n' en sais pas davlllltage.

    - Des salles grlllldes et vides, dit la pierre, je veux bien, mais de place il n'y en a gure. Belles, pt.ut-tre, mais hors d 'atteinte de tes six misrables sens. Tu peux me connatre, mais m'prouver jamais. Toute mon apparence te regarde en face, mais ce qui est intrieur te tourne jamais le dos. Je frappe la porte de la pierre. -C'est moi, laisse-moi entrer. Je ne cherche pas en toi un refuge pour l'ternit. Je ne suis pas malheureuse. Je ne suis pas sans abri. Le monde qui est le mien mrite qu'on y retourne. Je te promets d'entrer et sortir les moins vides, et pour preuve de ma prsence vritable en ton sein je n'avllllcero que des paroles auxquelles personne n'ajoutera foi. -Th n'entreras pas- dit la pierre. n te manque le sens du partage. Aucun sens ne rem..Place le sens du partage. Mme la vue afftee jusqu' l'blouissement ne te serait d' aucun secours Slllls le partage.

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    '1\t n'rntrta pas, tu n'as que le dsir de ce sens, CJUI' eon germe, son tmage.

    Jr froppe Jo porte de la pierre. C'e.t moi, laisse-moi entrer.

    Je ne puts attendre deux mille sicles pour pntrer sous ton toit.

    - Si tu ne me crois pas, dit la pierre, vo voir la feuille, eUe t'en dira de mme. Ou la goutte d 'eau qui le confirmera. Th peux mme t'adresser un cheveu de ta tte Je sens monter en moi un grand clat de rire, un rire immense, que je ne sais pas rire. Je frappe la porte de la pierre. - C'est moi, laisse-moi entrer.

    - Je n'ai pas de porte, dit la pierre.

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  • Joie d'crire

    O coun cene biche crite dans la fort crite? Irait-elle s'abreuver au bord de l'eau crite qui copie son museau comme le papier-carbone? Pourquoi lve-t-elle la tte, entend-elle quelque chose? Elle emprunte ses pattes la ralit et, sous mes doigts, elle tend l'oreille. Silence - ce mot aussi gratte sur le papier en cartant les branches, droit sorties du mot fort .

    Au-dessus de la feuille blanche ils sont prts sauter ces petits caracrres qui peuvent tourner mal, ces phrases qui cernent de prs sans nulle chance de salut.

    Il y a, dans une goutte d'encre, une solide rserve de chasseurs, l'il pliss et riv sur la proie, prts dvaler la pente priUeuse du stylo A fondre sur la biche, la mettre en joue. Us auront oubli que ce n'est pas la vie. D'autres lois, noir sur blanc, rgissent cette contre. Un clin d'il durera aussi lon~emps que je veux, il se laissera tailler en petites etemits, chacune remplie de balles suspendues en plein vol.

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    Ri(n n'amvrra jamais, si je l'ordonnr ains1. Pas un!' fe-mlle qui tombe sans que je le dcide, pas un brin d'herbe ne plie sous le point du sabot.

    Ainsi donc, un monde existe dont je rgente le sort souverainement? Temps que j'enchaine de signes? Existence, sur mon ordre, imprissable?

    Joie d'crire. Pouvoir de maintenir. Vengeance de la main mortelle.

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  • Gare

    Ma non-arrive dans la ville X a eu lieu ponctuellement.

    Je t'avais averti par une lettre non envoye.

    Tu n'es pas venu temps exactement co=e prvu.

    Le train est arriv quai trois. Beaucoup de gens sont descendus.

    L'absence de ma personne suivit la foule jusqu ' la sortie. Quelques fe=es rn 'ont remplace rapidement dans cene marche rapide.

    L'une d'elle a t accueillie par quelqu'un qui m'tait inconnu, mais eUe l'avait reconnu i=diatement.

    Ds ont vite chang un baiser qui n'tait pas le ntre

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    Huirr 1\ quoi on n 1-gnr uur vnli~e qm n 'rtnit pas la mienne.

    Ln fon re de la ville X a nusai l'e.-men de l'uistence objective. Le tout bien plant sa place. Les dtails se mouvant dans l'ordre sur des rails dsigns l'avance.

    Mme le rendez-vous avait bien eu lieu.

    Snns que puisse l'atteindre notre prsence.

    Au paradis perdu de ln probabilit. Ailleurs. Ailleurs. QueUe musique dans ce mot.

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  • Alors c'est eUe, sa mre. Cette petite femme. Responsable aux yeux gris.

    N

    La barque dans laquelle, il y a des annes il avait accost.

    C'est d'eUe qu'il mergeait dans le monde, dans le prissable.

    Gnitrice de l'homme avec qui je saute dans le feu.

    C'est donc eUe, la seuJe qui ne l'a pas choisi accompli et entier.

    SeuJe, eUe l'avait saisi dans la peau que je sais. Seule, elle l'a attach ces os qu'on me cache.

    34

    St'ule, elle avait fL"C 8('.11 ) CtL't gris etui m'ont regarde.

    C'est donc eUe, son alpha. Pourquoi me l'a-t-il montre?

    N. Ainsi donc, lui aussi, n. N comme tout le monde. Comme moi qui mourrai.

    Fils d'une vraie femme. Arriv du fond du corps. Voyageur vers l'omga.

    Menac de sa propre absence, de partout, chaque instant.

    Et sa tte c'est la tte contre le mur complaisant jusqu' nouvel ordre.

    Et ses mouvements sont des esquives devant l'universelle sentence.

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  • J'ai compris qu'il avait derrire lui la moiti du chemin.

    Mais il ne me l'a pas dit, non.

    C, est ma mere m'a-t-il dit seulement.

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    Monologue pour Cassandre

    C'est mo1, Cassandre. Et vo1c1 mn cit recouvene de braises. Et vo1c1 mon bton, mes rubans de prophte. Et voici ma tte pleine d'incertitudes.

    C'est vrai, je triomphe. Le feu de mn raison lche la vote cleste. Seuls les prophtes que personne ne croit jouissent de tels spectacles; seuls ceux qui s'y sont assez mal pris pour que tout s'accomplisse aussi rapidement comme s'ils n'avaient pas exist.

    Je me souviens maintenant, trs distinctement de ce\L"t qui, devant moi, arrtaient de parler. Rires qui s'touffaient. Mains qui se dnouaient. Enfants qui couraient vers leurs mres. Je n'ni meme pas connu leurs noms si prissables. Et cette chanson sur la petite feuille vene personne ne l'achevait quand j'tais l. Je les aimais. Mais les aimais de haut. Bien plus haut que la vie.

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  • De l'avenir. O il fait toujours vidt", d'o rien n'e.t plus facile qu'aperrcvoir la mort Je regrette maintenant que ma vo.x ft si dure. Regardez-vous vous-mmes depuis les toiles, disais-je. Regardez-vous vous-mmes depuis les toiles. Ils rn 'entendaient. et baissaient les yeux.

    Dans la vie ils vivaient. Ports par le grand vent. Dtermins, ds leur naissance, dans ces corps migratoires. Mais il y avait en eux comme un espoir humide, une flamme nourrie de son propre grsillement. Ils savaient mieux que moi ce que c'est qu'un instant. un seul au moins, unique, n'importe lequel- Avant-

    J'avais raison. Seulement voil, il n'en rsulte rien. Et voici ma chemise barbouille par le feu. Et voici ma quincaillerie de prophtesse. Et voici mon visage tordu. V1.58ge qui n'a pas su qu'il pouvait tre beau.

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    Cria put arriver. Cria dut arriver. Cria arriva avant. Aprs. ka. L-bas.

    Cas o

    A quelqu'un qui n'est pas toi.

    N'tu rchappa que le premier. N'en rchappa que le dernier. Car seul. Car foule. Car gauche. Car droite. Car pluie. Car ombre. Car le soleil brillait.

    Par bonheur il y avait fort. Par bonheur pas d'arbre en vue. . Par bonheur rail crochet poutre frem verrou virage millimtre seconde. Par bonheur une paiUe flottait sur l'eau.

    A cause parce que pourtant en dpit, que serait-ce si la main la jambe, d'un pas d'un poil, d'une concidence.

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  • Te voil donc 1 De cet instant encore entrebiiill 1 Une seule maille au met - et toi travers cette maille 1 Quel n'est pas mon tonnement, j'en reste la bouche sousue. Ecoute comme ton cur bat vite dans ma poitrine.

    40

    Err

  • Impressions thtrales

    Pour moi, de toute la trag

  • Lettres des morts

    Nous lisons leurs vieilles lettres tels des dieu...: vulnrables, et dieu.'{ pourtant, qui connaissent la suite. Nous savons toutes les dettes qu'on ne remboursa point, et vers qui s'envolrent les veuves plores. Pauvres morts, morts aveugls, tromps, faillibles, inutilement prcautionneu...:. Nous voyons les grimaces qu'on fait derrire leur dos. Nos oreilles peroivent le bruit des testaments dchirs. Si comiques : comme assis sur des tartes la crme, ou se lanant la poursuite de chapeaux envols. Ah, leur mauvais got, Napolon, vapeur, lectricit, Cures mortifres contre maladies guerissables, Apocalypse niaise selon saint Jean, faux paradis sur terre selon le bon Jean-Jacques. Nous observons, muets, leurs pions sur l'chiquier, sachant qu'ils sont dj guatre cases plus loin. Tout ce qu'ils avaient prevu s'est pass autrement, ou un peu autrement, donc tout fait autrement. Les plus zls ne nous lchent pas des yeux, confiants de votr la perfection promise par leurs calculs.

    Prospectus

    Je suis un tranquillisant J'agis en appartement Efficace au bureau Je passe les exame~ Je tmoigne au proces, Je recolle les pots casses Prends-moi seulement Mets-moi sous la langue Avale-moi seulement Avec un verre d'eau.

    Je sais y faire ave~ les malheurs Traiter les mauvaiseS nouvelles Rduire l'injustice Eclairer l'absence de Dieu Assortir le chapeau de deuil. Qu'est-ce que tu attends fais confiance la piti chimique.

    Tu (vous) es (tes) en~re jeune (~). n faut bien te (vous) fOire une rruson A-t-on jamais dit Qu'on doit vivre sa vie avec courage?

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    Tt< 'lU 1C l.l p,_,. 1 >012 PARIS

    1111. 4:>4:18712

  • Passe-moi ton abme Je t'y ferai un lit Tu me seras reeonnajssant (e) Pour ces quatre pattes de chat.

    Vends-moi ton me. Nul autre acheteur ne passera.

    C'est le seul diable qw reste.

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    La promenade du ressuscit

    Monsieur le professeur est dj mort trois fois. Aprs ~~~ premire mort on lw demanda de remuer la tte. Aprs sa deuxime mort on lui wt de s'asseoir. Aprs la troisime, on l'a bien remis sur ses jambes. Appuy sur une bonne grosse nounou, voil, nous allons faire un petit tour.

    Malgr les lsions fatales causes par l'accident, voyez, combien de difficults surmonta le cerveau : gauche droite, jour nuit, arbre herbe, mal manger. Deux fois deux, professeur? Deux, rpond le professeur. Bravo, nous sommes sur la bonne voie.

    Mal, herbe, assis, banc. Mais au bout de l'alle, vieille co=e le monde, ru joviale ni joufflue par trois Cois combattue soi-disant nounou vritable.

    Monsieur le Professeur ne veut qu'elle. Voil qu'ilse dbat nouveau.

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  • Retours

    Il rentra. Ne dit rien. Il tait clair pourtant qu'il avait eu des ennuis. Il se coucha tout habill, enfouit la tte sous la couverture, replia les genoux. La quarantaine, certes, mais pas en ce moment. Vivant - mais gure plus que dans le ventre de sa mre, au-del de sept peaux, dans le noir protecteur. Demain il prononcera son expos sur l'homostasie dans les vols mtagaJactiques. Pour l 'instant, recroquevill, il dort.

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    Dcotwerte

    Je crois en une grande dcouverte. Je crois en l'homme qui fera la dcouverte. Je crois en l'effroi de l'homme qui fera la dcouverte.

    Je crois en son visage livide, , en sa nause, en la sueur sur sa !evre.

    Je crois en notes brles, brles jusqu'aux cendres, brles jusqu' la dernire. Je crois en la dispersion des chiffres, leur dispersion sans regrets.

    Je crois en la hte de l'homme, en la prcision de ses gestes, en son libre arbitre.

    Je crois en la destruction des tables, le dversement des liquides, l'extinction du rayon.

    J'affirme qu'on y parviendra, qu' il ne sera pas trop tard, . et que la chose se fera sans temoliiS.

    49

  • Personne n'en saura rien, j'en suis sre, ni la femme, ni le mur, ni l'oiseau : sait-on jamais ce qu'il chante. Je crois en la main suspendue, je crois en la carrire brise, en des annes de travail pour rien. Je crois en un secret emport dans la tombe.

    Ces mots planent trs haut au-dessus des formules. Ne cherchent nul appui sur quelque exemple que ce soit. Ma foi est forte, aveugle, et sans aucun fondement.

    50

    Interview avec l'enfant

    Le Matre nous honore depuis peu. C'est pour cela qu'~) guette dan~ tous les coins: Que le visage cache, il regarde a travers les dotgts_. Se met face contre le mur, pUls se retourne soudain.

    Le Matre est cur par cette pense absurde qu'une table qu'on lche du regard ne cesse d'tre une table, qu'une chaise derrire son dos se confine la chaise, et n'essaye mme pas de saisir l'occasion.

    Dur de surprendre le monde en flagrant dlit d'autrement. Le pommier revient sous la fentre avant la fin du clin d'il. Les moineaux bariols brunissent toujours temps. Le pot fleurs ne rate pas le moi~dre ~ruit. . L'armoire nocturne demeure auss1 p~ssve que le JOur. Et le tiroir essaie de persuader le Mattre qu'on ne peut y trouver que ce qu'on y avait mis. Mme dans le livre d'images ouvert l'improviste la princesse parvient toujours s'asseoir o il faut. Ds sentent que je suis nouveau ici, soupire le Matre. Ds refusent de jouer avec un tranger.

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  • Car, enfin, queUe ide que tout
  • Ici le cur lourd, l non omnis mon"ar, trois peti!S moiS telles trois plume:. de l'tnvol.

    L'abme ne nous scinde pas. L'abme nous entoure.

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    Cert liu de

    Es-tu certain que notre nal'ire t'lf'lll d'accoster aux dsl'rts de Bohme?

    Cl'rtain, monseigneur. C'l'st de Shakespeare, qui, j'en suis certaine, ut fut pas quelqu'un d'autre. Quelques faits, une date, t ln portrait presque de son vivant ... Est-ce si peu? Jnut-il attendre une preuve, que la mer emporta pour la jeter sur les plages bohmiennes de ce monde?

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  • Le classique

    Quelques mottes de terre et la vie sera oublie, la musique s'affranchira des circonstances, se calmera la toux du Matre au-dessus des menuets, et arrachs seront les cataplasmes. Consums priront perruque, poux et poussire, disparatront les taches d'encre sur la dentelle. Aux ordures les souJiers, tmoins indsirables. L'lve le plus nuJ emportera le violon. On sortira des partitions les factures du boucher. Les lettres de la pauvre mre nourriront les souris. L'amour infortun exyirera jamais. Et les larmes enfin secheront. Le ruban rose servira la le des voisins. L'poque, Dieu merci, n'est pas encore au romantisme. Tout ce qui n'est pas quatuor sera rejet comme la cinquime roue. Tout ce qui n'est pas quintette sera souffl comme la sixime bougie. Tout ce qui n'est pas chur de quarante sraphins se taira, tels le chien p hurle et le gendarme qui rote. On enJvera de la fenetre le pot d'aJos, le rouJeau de rue-mouches et la jarre de pommade, pour rvler, parbleu 1 une vue sur le jardin. un jardin qu'on n'avait, certes, jamais vu d'ici. Et maintenant oyez, oyez, mortels

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    Tout tonnfs ttndez pieusement vo~ oreilles 0 paeux, tonns, tout-oue mortels Oyez, cn coutant, les oreilles tendues ...

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  • Sous une petite toile

    Que le hasard m'excuse de le dire ncessit Et qu'elle-mme m'excuse si malgr tout j'ai tort. Que le bonheur supporte que je le prenne sans faons. Que les morts me pardonnent ces souvenirs fans, et le temps, les univers manqus par seconde. Pardon l'amour ancien si le nouveau est premier. Guerres lointaines, permettez ces fleurs dans le salon. Plaies ouvertes, excusez mes gratignures. Que les clameurs montant des abmes pardonnent ce menuet, et les gens dans les gares - mon sommeil matinal. Sois indulgent, espoir harcel, laisse-moi rire parfois. Oubliez, dserts, que je n'accoure avec une cuillere d'eau. Et toi, vieil pervier, toujours dans la mme cage f'ixnnt depuis des lustres le mme point dans 1:;'\tace, veuille bien m'absoudre encore, fusses-tu emp . Pardon l'arbre abattu pour les quatre pieds de la table. Pardon aux grandes questions pour les petites rponses. Vrit, ne fais point trop attention moi. Gravit, j'implore ta misricorde. Souffre, mystre de l'tre, que j'arrache des fils ta robe. Ne m'en tiens pas rigueur, ame, de ne t'avoir trop souvent. Que me pardonne le tout de ne pouvoir tre partout. Que me pardonnent tous de ne savoir tre chacun. Je sais : tant que je vis, je n'ai aucune excuse,

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    rar je me fais ainsi obstacle moi-mme. , . Pardonne-moi, langue, d'emp"!"ter d~ mots ~athrttques et de faire l'impossible pour qu ils parwssent legers

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  • Grand nombre

    Quatre milliards d'hommes sur cene terre, et mon imagination reste ce qu'elle tait. Elle se dbrouille mal avec les grand,; nombres. La particularit parvient toujoUIS l'mouvoir. Elle vole dans l'obscurit comme une lampe de poche, et ne fait ressortir que le p,remier visage qui passe, prcipitant le reste dans 1 imperception, dans l'impens et l'irregren, que Dante en personne ne saurait contenir. Et que dire de tous ceux qui Dante ne sont pas. Quand bien mme toutes les Muses vers moi, d'un envol. Non omnis moriar- un souci prcoce. Voyons si je vis entire, et si a suffit. Cela ne s'est jamais vu, alors maintenant. .. En choisissant je rejette, on n'a pas trouv mie tL'(, mais ce que je rejette ne se laisse plus compter, devient toujours plus dense, toujours plus insistant. {\u pri'( de quels sacrifices - un pome, un soupir. A l'appel de ma vocation je rponds tout bas. Et je ne saurais dire tout ce que je tais. Souris au pied de sa mre, la montagne. Vie, le temps de quelques signes gratts sur le sable.

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    Mimt me~ rrvrA nr sont pas peupls comme il faudrait. (; 11111111nnt de solitude plutt que ?eCo~~ b~yantes. 'lirut JU~tr, de temps en tem_PS, b~ev_e VlSite dun mort. Lr. vrrrou agit par une rn~~ solitrure. . ~lnion vide qui s'entoure d echos e'.' appenns. Ur. sun seuil je rn 'lance vers la v~ee ailtnrit>use, inutile, dj anachroruque. Mnis d'o me vient encore en moi tout cet espace Jl' nt srus.

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  • Remerciements

    Je dois beaucoup ceux dont je ne suis pas amoureuse. Le soulagement d'apprendre que d'autres ils sont plus proches

    La joie de ne pas tre le loup de leurs agneaux.

    La paix vient avec eux, et la libert, choses que l'amour ne saurait donner, ni prendre au demeurant.

    Je ne les attends pas de la porte la fenrre. Patiente tel un cadran solaire, prte comprendre ce que l'amour ne saurait comprendre, pardonner ce que l'amour ne pardonnerait jamais. D'une lettre une rencontre s'tale non pas l'ternit, mais quelques jours tout btes, ou quelques semaines.

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    A ver c-u~ les voyogt8 ont rus;,is, lcB confcrts bien tntendus, lta cathdrales bien visites, et les paysages bien distincts, et lorsque des terres et des ocans nous sparent, H s'agit d'ocans et de terres bien connus de la gographie.

    C'est~ eux. que i? dois .de vivre en tros sohdes dimensons dans un espace non lyrique, et non rhtorique, dot d'un horizon rel, mobile, comme il se doit.

    Alti ils ignorent sans doute . . combien ils m'apportent dans leurs mams vtdes.

    Je ne leur dois rien du tout dirait l'amour ce sujet ouvert.

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  • Psaume

    , combien permables sont les frontires humaines 1 Voyez tous ces nuages qui passent, impunment, ces sables du dsert filant d'un pays l'autre, ces cailloux des montagnes pnetrant chez l'ennemi, en d'insolents sursauts 1

    Est-il besoin de prendre un un les oiseaux qui volent ou pti se posent sur la barrire baisse ? Ne serait-il qu un moineau, et voil que dj sa queue est limitrophe, et son bec indigne 1 Et puis, qu'est-ce qu'il gigote 1

    Parmi les innombrables insectes je m'en tiendrai la fourmi qui, entre le pied droit et le pied gauche du douanier, ne se sent pas tenue d'avouer ses vadrouiUes.

    Oh, saisir d'un regard cette immense conf us ion sur tous les continents 1 N'est-ce pas l le trone qui, de l'autre ct du fleuve, infiltre illtgalement sa cent millime feuille? Et qui d'autre, pensez-vous, que la pieuvre aux longs bras viole les sacro-saintes eaux territoriales?

    Comment peut-on parler de l'ordre dans tout cela

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    s'il n'est mme pas possible d'carter les toiles, pour que l'on sache enfin laquelle brille pour qui?

    Et que dire de l'insubordination du brouillard! Et des poussires des steppes sur toute leur tendue, comme si l'on n'avait pas trac une ligne en son milieu 1 Et ces voi..'t qui rsorment sur les ondes serviables, ppiements sducteurs et allusifs glouglous 1

    Seul ce

  • La femme de Loth

    Je me suis retourne, parat-il, par curiosit. Mais je pouvais avoir d'autres raisons encore. Je me suis retourne par regret de ma coupe d'argent. Par mgarde, en renouant le lacet de ma sandale. Pour ne plus voir la nuque intgre de Loth mon poux. Certaine soudain que si je tombais morte, il ne prendrait mme pas le temps de s'arrter. Par l'insoumi~sion des humbles. Pour guetter les clameurs de la poursuite. Frappe par le silence, esprant que Dieu avait chang d'avis. Nos deux filles disparaissaient dj derrire la colline. Je sentis la vieillesse en moi. Et la distance. La futilit du voya~e. La torpeur. Je me suis retournee en posant mon baluchon par terre. Je me suis retourne par crainte, o poser mon pied. Sur mon sentier des serpents apparurent, des araignes, des mulots et des vautours blancs-becs. Tout ce qui vit, dbarrass soudain du bien et du mal, rampait et sautillait dans une terreur commu.ne. Je me suis retourne sous le poids de la solitude. Et honteuse de fuir ainsi, sournoisement. Par dsir de hurler, de revenir sur mes pas. Ou peut-tre est-ce plus tard, quand le vent se leva, me dnoua les cheveux, et souleva ma robe.

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    Certaine qu'on l'aperut sur les murs de Sodome, qu'on accueillit ma bonte d'un rire retentissant. Je me suis retourne par colre. Pour me rassasier enfm de leur ruine. Je me suis retourne pour toutes les raisons invoques. Je me suis retourne sans le vouloir. La pierre sous mon pied tourna en vrombissant. Un gouffre me barra la route tout coup. Sur son bord, un hamster se dressait sur deux pattes. Et tous les deux, ensemble, nous nous sommes retourns. Non, non. Je courais encore, je rampais et je rn' envolais, 1. usqu 'a ce que les tnbres tombent enfin du ciel, es oiseaux foudroys et le gravier ardent.

    Essoufile, je tournai plusieurs Cois sur moi-mme. Si l'on pouvait me voir, on croirait

  • flue d'en haut

    Sur un petit sentier gt un honneton mort. Ses trois paires de pattes soigneusement plies. Au lieu du mortel gchis - ordre et nettet. L'horreur de cette vision reste modre, et sa porte locale, du chiendent la menthe. La tristesse ne se partage gure. Le ciel est bleu.

    Pour notre tronquillit, les animaux ne meurent pas, mais crvent d'une mort que l'on dit moins profonde, en y perdant - nous voulons le croire - moins de sens et de monde, quittant, comme il nous semble, une scne moins tragique. Leur3 mes humbles et soumises ne hantent pas nos nuits, gardent toutes leurs distances, restent leur place.

    Ainsi donc, le hanneton, gisont mort sur le sable, brille au soleil dans son tat nullement dplorable. Il suffit de penser lui d'un seul re~ard : non, rien de capital ne lui est arrive. e qui est capital ne s'accorde qu' nous. A notre vie, notre mort uniquement, notre mort qui, tout instont, impose sa priorit.

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    IJC lt!rroriste, il regarde

    La bombe sautera dans le bar treize heures vingt. n n'est maintenont que tteize heures seize. Certains auront le temps de sortir. Et d'autres d'entrer.

    Le terroriste, lui, est dj de l'autre ct de la rue. Cette distance le prserve du mal, et puis quelle vue 1 Comme au cinma.

    La femme en blouson jaune, elle entre. L'homme en lunettes noires, il sort. Les gars en jeans, ils causent. Treize heures dix-sept et quatre secondes. Le plus petit, le veinard, il enfourche son scooter, et le plus grand, il entre.

    Treize heures dL~-sept et quarante secondes. La fille eUe arrive un ruban vert dans les chevetu. Seulem~nt il y a un bus qui passe, et on ne la voit plus. Treize heures dix-huit Plus de fille Est-elle entre, l'idiote, ou bien non, on verra quand ils auront sorti les corps.

    69

  • Treize heures dix-neuf. Plus pen;onne n'entre Il y a juste un gros chauve qui sort. Mais on dirait qu' il fouille encore dans ses poches et i1 treize heures vingt moins di'C secondes il revient chercher ses misrables gants.

    n est treize heures vingt. Le temps, qu'est-ce qu'il trane. a doit tre maintenant. Non, pas encore maintenant. Oui, maintenant. La bombe, elle saute.

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    Miniature mdivale

    Sur la colline mernudissime ils avancent trs cheval, en manteaux soyeuxissimes.

    Vers le chteau aux sept tours, et chacune la plus haute.

    Au devant, prince-seigneur, aucunement ventripotent. Auprs de lui la princesse, dans la fleur de sa jeunesse. Derrire eux les demoiselles toutes jolies comme des images, et un page jouventissime, transportant sur son paule une chose hautement simiesque au museau si drolatique et une queue toute minuscule.

    Puis arrivent trois chevaliers se mettant en deux et trois, car si l' un porte la mine grave l'autre l'efface de sa mine rude, et si bai est le destrier,

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  • 'rntrrblru, bai il sera, ct tou~
  • Portrait fminin

    n lw faut tre toujours au choix. Changer, condition que rien ne change. C'est Tace, impossible, difficile, ~ vaut la peine. Ses yeux sont, au besoin, bleus ou gris, noirs, gais, pleins de larmes sans raison. Elle couche avec lw comme la premire venue, unique au monde.

    EU~ lui donnera quatre enfants, pas d'enfants, un seul. Nruve, elle est du meilleur conseil. Faible, elle soutiendra. Sans cervelle, elle s'en fera bien une. Elle lit Jaspers et les magazines. Ignore ce que c'est que cette vis, mais construira le pont. Jeune, jeune comme toujours, toujours jeune. Elle ttent dans sa main un moineau l'aile casse, son propre argent pour un long et lointain voyage hachoir viande, compresse et verre de rouge. ' O _court-e_lle, n'est-elle jamais fatigue. Mrus non, JUSte un peu, beaucoup, a ne fa it rien. Soit elle est amoureuse, ou alors elle s'entte. Pour le bien, pour le mal, et pour l'amour de Dieu.

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    Oignon

    IJoignon c'est pas pareil. Il n'a pas d'intestins. L'oignon n'est que lw-mme foncirement oignonien. Oignonesque dehors, oignoniste jusqu'au cur 1l peut se regarder, notre oignon, sans frayeur.

    Nous : tranges et sauvages peine de peau couverts, enfer tout enfenn, anatomie ardente, et l'oignon n'est qu'oignon, sans serpentins viscres. Nudit multitude, toute en et caetera.

    Entit souveraine et chef-d'uvre fini. L'un mne toujours l'autre le grand au plus petit, celui-ci au prochain, et puis l'ultrieur. C'est une fugue concentrique L'cho pli en chur.

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  • L'oiguon, o s'opploud1t : le plus brau Hntre sur terre s'enveloppant lui-mme d'auroles altires. En nous : nerfs, graisses et veines rn ucus et scrtions. On nous a refus l'abrutie perfection.

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    La chambre du suicid

    Vous croyez sans doute que la chambre tait vide. Eh non : voyez trois chaises lllL"< dossiers rsistants. Une lampe, incomparable pour chasser les tnbres. Un bureau, sur lequel portefeuille, journaux. Bouddha insouciant et Jsus soucieux. Sept lphants ftiches, et au fond du tiroir, un rpertoire en cuir. Sans nos adresses, dites-vous?

    Croyez-vous qu'il manquait livres, disques et tableaux? Voyez dons les mains noires la trompette apaisante. Saslc:ia la fleur tendre. Joie, tincelle divine. Ulysse plong dans le sommeil rparateur aprs les preuves du Chant Quint. Les moralistes aux noms dors sur tronche en cuir pleine fleur. Tout ct, les politiciens, droits comme des piques.

    Non sans issue, ne serait-ce que par la porte, et non sans perspectives, voyez la fentre, semblait cette chambre. n y avait des lunettes, pour regarder au loin. Une mouche bourdonnait, donc elle vivait encore.

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  • Tout au moins, croyez-vous, la lrttrr expliqua tout. Et si je vous disais qu'il n'y n pas eu de lettre-et que nous tous, amis fidles, tenions sans peine dans une enveloppe vide appuye contre un verre.

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    loge de la mauvaise opinion de soi

    Le busard n'a strictement rien se reprocher. Les scrupules sont trangers la panthre. Les piranhas ne doutent jamais de leurs actions. Le serpent sonnettes s'approuve sans rserve.

    Personne n'a jamais vu un chacal repenti. La sauterelle, l'alligator, la trichine et le taon vivent bien comme ils vivent, et en sont trs contents.

    Un cur d'orque pse bien cent kilogrammes mais sous tout autre aspect demeure Con lger.

    Quoi de plus animal que la conscience tranquille sur la troisime plante du Soleil.

    79

  • Voil du prt--vivre. Pirc-e sans rptition. Corps !11\JlS essayage. Tte saru rflexion.

    Prt--tivre

    J'ignore le rle qu'on me fait jouer. Je sais seulement qu'il ne peut tre qu' moi.

    L'intrigue, /. e suis bien oblige de la dm er une fois sur scne.

    Prpare la diable pour cet honneur de vivre, ai du mal soutenir le tempo de l'action. J'improvise, bien que l'improvisation m'cure. Je bute chaque instant sur l'ignorance des choses. Mes manires fleurent sans doute la province. Mes instincts n'ont srement rien de professionnel. Le trac est une e.""Ccuse, et une humiliation. Je trouve cruelles ces circonstances attnuantes.

    Mots et rflexes impossibles retirer, toiles mal comptes, caractre comme un manteau boutonn en courant, voil les consquences pnibles de la hte.

    80

    Ah, si j'avais pu seulement rpter tm mardi, ou revoir les dtnils d'un jeudi, juste un seul. Mais voil dj vendredi, dont j ignore le scnario.

    ~Est-ce admissible? je croasse (on ne rn 'a pas laiss le temps de m'claircir la gorge en couHsse). Trve d'illusions, ce n'est pas une audition sommaire dans un environnement provisoire. Certes, non. Traversant le dcor, je vois qu'il est soUde. Je m'tonne de la prcision des accessoires. La scne tournante semble rode depuis longtemps. On a branch jusqu'aux plus lointaines nbuleuses. Je n'ai plus aucun doute, c'est la premire. Et quoi que je Casse maintenant, deviendra pour toujours ce que j'ai fait.

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  • Utopie

    L'le o tout trouve enfin une bonne explication.

    Ici on peut se fonder sur des preuves solides.

    Point de chemins autres que ceux qui touchent au but.

    Les buissons plient sous le poids des rponses.

    C'est ici que pousse l'arbre de la Juste Hypothse aux branches dmles depuis l'ternit.

    L'arbre de Comprhension, lumineusement simple s'lve prs d'une source nomme Alors C'est a. Plus on avance, et plus vaste s'ouvre la Valle de l'vidence. Si un doute subsiste, le vent le chasse tout de suite.

    L'cho prend la parole sans qu'on le lui demande livrant avec ferveur les arcanes du monde.

    droite, la caverne o se reflte le sens. gauche, le lagon de Conviction Profonde.

    82

    La vrit remonte sans peine la surface.

    Au de~sus du vallon, le Mont de. Certitudes. De son sommet s'tend la vue du Fond des Choses.

    En dpit de ses channes, lile est toujours dserte, et les traces des pas qu'on trouve sur le rivage se dirigent tous, sans exception, vers le large.

    Comme si l'on ne faisait que repartir d'ici pour plonger sans retour dans les abysses marins.

    Dans la vie inconcevable.

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  • Trac

    Potes et crivairu. C'est comme a qu'on dit. C'est--dire les potes c'est pas des crivains, alors quoi ..

    Potes c'est posie, et crivairu c'est pro5e-

    Dans la prose il y a de tout, entre autres de la posie, mais dans la poesie il n'y a que de la posie.

    Pour rester en accord avec l'affiche o le P est immense, stylis an nouveau, et inscrit dans des cordes d'une lyre aile, je devrais voler plutt qu'entrer dans la salle. Et ne vaudrait-il pas mieux pieds nus Plutt que dans ces deux Eram Tapantes, craquantes Ingrat ersatz d'ange.

    Si, au moins, cette robe, plus longue, plus tranante, si, au moins, les pomes, pas du sac mais de la manche, de la fte, de la pompe, de la parade, du bim au boum, ab ab ba

    84

    Et l-haut, sur l'estrade, le guridon me guette. n fait trs spiritisme avec ses pieds dors, et sur le gueridon - un chandelier enfume ...

    D'o conclusion qu'il me faudra la bougie lire ce que j'ai crit sous une ampoule toute bte toc toc toc la machine.

    Sans me soucier l'avance si c'est de la posie et queUe posie c'est.

    Celle o la prose est particulirement mal vue -Ou celle qui est particulirement bien vue dans la prost -

    Et quelle diffrence a fait distincte seulement dans la pnombre sur fond de rideau pourpre aux franges violettes?

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  • L'excdent

    On vient de dcouvrir une nouvelle toile ce q11i ne veut pas dire qu'il fait soudain plus clair ou que ~ous sommes plus riches d'un truc qui nou~ manqutu t.

    ~'t~ile est gra~de et lointaine, s1 lomta!ne, ctu elle en devient petite, plus petite meme que d'autres, beaucoup plus petites qu'elle. Notre tonnement n'aurait rien d'tonnant si seulement nous en avions le temps. '

    L'ge de l'toile, sa masse et son emplacement, ceci suffrra peutJre pour une these d'Etat, et pour un pot d'honneur clbrant l'vnement dans les cercles proches du firmament : l'astronome, sa femme, ses amis et parents ambiance dcontracte, tenue de meme ' la conversation reste terre terre, ' et on grignote des cacahutes.

    U toile est splendide, mais ce n'est pas une raison pour ne pas boire la sant des dames, tellement plus proches.

    86

    L'toile ne porte pas con.quC"nce. Ne ebange rien la mode, au temps, au score final, au conseil des ministres, la crise de:; valeurs.

    Elle n'affectera pas le tissu industriel. Sa lumire n'atteindra pas les chancelleries. Et pour nos jours compts, elle est surnumraire. quoi bon demander sous combien d'toiles nat l'homme et combien elles seront tout l'heur~, sa mort. Une nouvelle. Dis-moi au moins o elle est. Entre le bord de ce petit nuage effiloch, et cette branche d'acacia, plus gauche. Ah bon , je rponds.

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  • Archologie

    Eh bien, pauvre homme, dans mon domaine des progrs s'nccomplirem. Des millnaires passrent depuis que tu me nommas archologie.

    Je n'ni plus aucun besoin de dieux taills dans la pierre, de ruines, et d'crits bien distincts l-dessus.

    Montre-moi ton tout et n'importe quoi et 1e te dirai qui tu fus. Un fond de quelque chose, le couvercle d'un truc. Bout de moteur. Tube cathodique. Morceau de cble. Doigts parpills. O mme moins, et encore moins que a.

    Grce ln mthode, que tu ne pouvais connatre alors, je sais veiller la mmoire en d'innombrables lments. Les traces de sang sont pour toujours. Le mensonge brille dans le noir. Rsonne le bruit des documents chiffrs. Doutes et desseins se font jour.

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    Si seulement 1e le dsire (car de cette ventualit

    ~ ne devra.s jamais tre tout fait certain) Je plongerru dans la gorge de ton silence tes orbites me rvleront ' 9'1elles vues tu .n.vais, et queUes persrectives, Je te rappellera jusqu'au moindre detail ce que tu attendais de la vie, bors la mort.

    Montre-moi tout le rien que tu laisses derrire toi, et j'en ferai une fort et une autoroute aroport, bassesse et tendresse ' et la maison perdue.

    Montre-moi ton petit pome, et je te dirai pourquoi tu n'as pas pu l'crire plus tt ou plus tard.

    Ah? mais non, tu m'as mal comprise. Laisse tomber ce papier ridicule et ces petits caractres. n ne me faut rien d'autre que ta couche de terre ainsi que, vente depuis des lustres cette odeur de brl. '

    89

  • Vue avec grain de sable

    Nous l'appelons grain de sable. Mais lui-mme ne s'appeLle ni grain ni de sable. n se passe de toute appellation ~nrale ou particuliere, ephmre ou dfmitive, approprie ou inexacte.

    Indiffrent notre regard, notre toucher, puisqu'il ne se sent ni regard ni touch. Et le fait de tomber sur fe rebord de la fentre, c'est notre aventure, pas la sienne. Pour lui c'est comme tomber sur n' importe quoi, sans aucune certitude, d'ailleurs, s'il tombe encore, ou s'il est dj tomb. De la fentre il y a une belle vue sur le lac, mais la vue ne se voit pas elle-mme. Incolore et informe, inaudible et inodore, et indolore est son e:tistence.

    Le fond du lac ne touche jamais le fond, et ses bords ne se sentent point bords. Son eau ne se considre ni au sec, ni mouille. Ses vagues ne s'estiment ni une ni multiples.

    90

    Elles bruissent tout fait sourdes leur bruissement, sur des pierres qui ne se savent ni grandes ni petites.

    Tout ceci sous un ciel par nature incleste o se couche le soleil sans se coucher du tout, se cachant sans le faire derrire un nu:Jfl qui s'ignore, agit par le vent, sans raison que le so e.

    Une seconde qui passe. Une autre seconde. Une troisime seconde. Mais il ne s'agit que de nos trois secondes.

    Le temps passe tel un messager avec une nouveLle urgente. Mais cette mtaphore nous appartient en propre. Personnage fictif, empressement factice, et nouvelfe inhumaine.

    91

  • Vtements

    Tu enlves, nous enlevons, vous enlevez manteatL~ jaquettes, vestes, chemisiers ~n lame, coton, acrylique, JUpes, pantalons, chaussettes, chemisettes, posant, suspendant, accrochant aux dossiers des chaises, panneaux des paravents pour l'instant, dit le mdecin, ce n'est pas gr~ve rhabillez-vous, reposez-vous, ('artez, ' prendre au cas o., le ~ir, apres Je repas, revenez dans tro1s molS, un an, un an et demi tu vois, .et tu.c~oyais, .et nous on avait peur, ' ~t vous =agimez, et il souponnait dj, il est temps de nouer, boutonner les mains tremblantes lacets, boutons, zips, boucles et agrafes ' ceintures, fermoirs, cols et cravates ' et ~ire; d~s m.an~bes, des s~cs, des poches, fro1ssee, a po1s, a rayures, a fleurs carream: l'charpe, dont l'utilit vient d'tr~ prolonge.'

    92

    /)( La mort sans e:ragrer

    Elle ne comprend rien aux plaisanteries, ni aux toiles, ni aux ponts, ni au tissage, ni aux mine:'.ni au.l~o~age, ni aux chantiers navals, ru a la paussene.

    Elle se mle de nos projets et de nos agendas, elle a son dernier mot hors sujet. Elle ne sait mme pas faire ce qui directement se rapporte son art : ni creuser une tombe, ni bricoler un cercueil, ni nettoyer aprs.

    Toute sa tuerie, elle le fait gauchement sans mthode ni doigt comme si sur chacun de nous elle faisait ses g=es.

    Plus d'un triomphe sans doute, mais combien de dfaites, de coups pour rien, d'expriences recommencer.

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  • ParfoiR, l'Ill" mancrar de force pour frapper unt" mouche au vol. Et plus d'une chenille peut la prendre de vites~e.

    Tous ces bulbe~, gousses, OJ1lennes, palmes et branchies, pltunages nuptintL't et fourrures d'hiver, attestent du retord dons son veule travail.

    La mauvaise foi ne saurait suffire, ni mme nos coups de main en guerres et rvolutions, du moins pour l'instant.

    Des curs battent dans les ufs. Les squelettes des bbs croissent. Les graines en arrivent atu premires feuilles, et parfois mme, atu arbres immenses sur l'horizon.

    Quiconque prtend qu'elle est omnipotente est la preuve vivante qu'il n'en est rien.

    Il n'est point de vie qui, mme un court instant, ne soit immortelle.

    La mort est toujours en retard de cet instant prcis.

    En vain agite-t-elle lo poigne dl' ln porte invisible. Le peu que nous ayons pu demeure irrversible.

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  • Fin de sicle

    Il devait tre mieu.x que les prcdents, notre xx sicle. Il n'au.ra plus le temps de le prouver, 5es annes sont comptes, son pas chancelan~ cou.rte sa rebpiration.

    Trop de choses se sont passes qui n'au.raient pas d, et ce qui devait advenir, n'est pas advenu.

    Ce devait tre la promesse du printemps et du bonheur, entre autres.

    La peu.r devait quitter les montagnes et les valles, la vrit, plus vite que le mensonge devait atteindre le but.

    Quelques malheurs ne devaient plus arriver du tout, comme par exemple la guerre, et la Cairn, et cretera.

    On devait vraiment respecter la vulnrabilit des vulnrables la foi, et ainsi de suite.

    96

    Qui voulait se rriouir de ce monde se retrouve face a tm dfi impossible relever.

    La stupidit n'est pas drle. La sagesse n'est pas gaie. L'espoir n'est plus cette jeune fille et caetera, hlas.

    Dieu devait enfm croire en l'homme u.n homme bon et fort mais bon et fort a fait toujours deux hommes. Comment vivre, me demande dans une lettre quelqu'un que je voulais justement interroger sur le mme sujet. nouveau, et comme toujou.rs, comme il s'ensuit de ce qui prcde, il n'est pas de questions plus u.rgentes que les questions naves.

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  • Tortures

    Rien n 'a chang. Le corps est douloureux, il doit manger, respirer et dormir, il o la peau fine, et du sang qui affleure, des rserves d'ongles et de dents, os qui cassent, ligaments qui s'tirent. Lo torture prend en compte tout cela.

    Rien n'a ch~~. Le corps tre le comme il a trembl avant la cration de Rome et aprs, au vingtime sicle d'avant et d 'aprs Jsus Christ, la torture demeure, la terre seule a rtrci, et tout s'y passe comme dans la pice voisine.

    Rien n 'a chang. Il y a simplement davantage d' humains, aux fautes sculaires s'ajoutent des fautes nouvelles, relles, supposes, momentanes et nulles, mais le cri que le corps fait jaillir, est toujours un cri d 'innocence, selon les ternels registres et mesures.

    Rien n 'a chang. Sinon certaines manires, crmonies et danses.

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    Mais les moins qui protgent la tte font toujours le mme mouvement. Le corps se tord, tressaille, se dbat, tombe d'un croc en jambes ou plie les genoux, devient livide, gonfle, bave et saigne.

    Rien n'a chang. Sauf le cours des rivires, )_a lisire des forts, rives, dserts et glaciers. A travers ces paysages erre la pauvre me en peine, disparat, s'en revient, s'approche ou bien s'loigne, trangre elle-mme, toujours insaisissable, une fois sre, une fois doutant de son existence, tandis que le corps, lui, e1t, et elt, et nt, et ne trouve vraiment pas o aller.

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  • Curriculum tit

    Que fout-il? Il faut i'-rrire une requte, tt joindre son curriculum vitre. Qudle que soit la longueur de la vie, lt> G. v. se doit d'tre court.

    On est pri d'tre succinct et de trier les faits, Transformer les paysages en adresses, et les vagues souvenirs en dates fues.

    De toutes les amours, suffit le conjugal, panni les enfants, rien que les vraies naissances.

    Qui te connat, pas qui tu connais. Les voyages si l'tranger. Appartenance ~oi sans pourquoi. Distinctions sans a quel titre.

    cris comme si tu ne t'tais jamais parl, comme si tu te tenais distance.

    Passe sous silence chiens, chats, oiseaux, souvenirs de pacotille, amis et rves.

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    Prix plutt que valeur Titre plutt que teneur. Pointure de chaussures plutt qu'o il va celui pour lequel tu passes. Joindre une photo avec une oreille bien visible. C'est sa forme qui compte, pas ce qu'elle entend. Et qu'est-ce qu'elle entend? Le ronllement des machines broyer du papier.

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  • Une t'Oi.r dans la cliscussiort sur la pornographie

    Il n 'tst pas de dbauche pire que la pense. C'est une sale graine qui sme tout vent

    ~ur nos plates-bandes faites pour des marguerites.

    Il n'y a rien de sacr pour ces coquins qui pensent. Dsignations oses des c!'o~es par le~r nom, li

  • Dbut de L'histoire

    Le monde n'est jamais prt la naissance de l'enfant.

    Nos navires ne sont pas encore rentrs du Vinland. Il nous faudra franchir le col du Saint-Cothard. Ensuite tromper les gardes sur le dsert de Thor, passer par les canatu jusqu'au centre de la viUe, obtenir une audience du roi Harald l'Obse et attendre la chute du ministre Fouch. Et, une fois Acapulco, nous pourrons tout recommencer.

    Nos stocks de pansements viennent s'puiser, manquent les aUumenes, les arguments et l'eau, les poings amricains, les camions, et le soutien des Ming. Un cheval aussi maigre n'achtera pas le shrif. Et puis aucune nouveUe des prisonniers tartares. Pour l'hiver il faudra trouver une cave plus chaude, et quelqu'un qui parle bien le harare.

    Comment savoir qui l'on peut se er Ninive, queUes conditions posera le prince cardinal, quels noms se trouvent encore sur les listes de Sria. On dit que Charles Martel attaquera l'aube. Il nous faut donc entrer dans les grces de Khops,

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    portons-nous volontaires, changeons de confession, ou faisons-nous passer pour des amis du Doge, totalement trangers la tribu Kwab.

    Voil venir le temps d'allumer les brasiers. Envoie un tlgramme la grand-mre, et dnoue les cordons de la yourte.

    Pourvu que l'accouchement soit lger et que l'enfant grandisse en bonne sant. Pourvu qu'il soit heuretu parfois et traverse les abmes. Que son cur ne manque pas de persvrance, que sa raison soit toujours en veiL, et voie loin. Mais jamais aussi loin qu'il puisse voir l'avenir. Ce don pargnez-le-lui, puissances clestes.

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  • Les gens sur Le pont

    Une bien trange plante, et des gens bien tranges qm subissent le temps, sans vouloir l'accepter. Cherchant des moyens curieux d'exprimer leurs refus ils font de petits tableaux, comme celui-ci :

    Rien de particulier au premier coup d'il. On voit l'eau. On voit le bord de l 'eau. On voit une barque qui avance contre-courant. On voit au-dessus de l'eau un pont, on voit des gens. Les g.ens visiblement pressent le pas car d un nuage menaant il s'est mis pleuvoir des cordes.

    Le vrai problme c'est qu'il ne se passe rien d'autre. Le nuage ne change ni sa forme, ni sa couleur. La pluie ne cesse ni n'augmente. La barque avance, immobile. Les gens sur le pont courent, au mme endroit qu'auparavant.

    Impossible d'viter un mot de commentaire. Il ne s'agit en aucun cas d'un tableau innocent. On y a arrt le temps. On a tent de rfuter ses lois.

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    On lui a droit toute influence sur les vnements. On l'a humili et outrag.

    De par la main rebelle d'un certain Hiroshige Utagawa (individu disparu depuis longtemps, comme il se doit), le temps trbucha et tomba.

    D se peu.t ~il ne s'agisse que d'un simple canular, ?Ji forfrut a la mesure de quelques ga.laxies peine, a tout hasard pourtant ajoutons ce qui suit : D semble de bon ton par ici d'apprcier hautement ce tableau, de l'admirer et de s'en mouvoir depuis des gnrations.

    D en existe mme qui ne s'en tiennent pas l. Qui entendent le bruit de la pluie, sentent le froid des gouttes sur leurs nuques et leurs dos, regardent le pont et les gens, croyant s'y voir elL'tmmes, dans cene mme course qui n'arrivera jamais, sur le chemin sans fm qui reste toujours faire et ils s'enttent croire, dans leur outrecuidan~, que c'est ainsi que vont vraiment les choses.

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  • Ciel

    Voil par quoi on aurait d commencer : Il' ciel. Fentre son~ rebord, sans feuillure, sans vitres. Ouverture rt rien d'autre, mais ouverte largement.

    NuJ brsoin d'attendre une nuit sans nuages, ni de lever la tte pour regarder le ciel Je l'ai derrire mon dos, sous ma main, sur mes paupires. Le ciel m'enveloppe fermement, me soulve.

    Les montagnes les plus hautes ne sont pas plus pres du ciel que les vallees les plus profondes. Pas un endroit o il y en aurait davantage que dans un autre endroit. Un nuage est aussi lourdement cras par le ciel qu'une tombe. Une taupe n'est pas plus au septime qu'un hibou qui agite ses ailes. Une chose qui tombe dans le vide tombe du ciel dans le ciel.

    Fluides, liquides, rocheuses

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    tnnammes et ariennes tendues du ciel, nenes du ciel ciel qui souffie et ciel qui s'entas5e. Le ciel est partout iusqu 'aux tnbres sous la peau. Je mange du ciel, j'vacue du ciel. Je suis pige pig, habitant habit, embrasseur embrass, question en rponse question.

    Le diviser en Ciel et Terre n'est pas la faon idoine d'apprhender ce Tout. a permet juste de survivre une adresse plus prcise, plus facile trouver, si jamais on me recherche. Mes traits particuliers : adnration et dsespoir.

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  • 'a l'Cl sans titre

    On en est arriv l je suis assise sous un arbre, liU bord d'une rivire, un m11tin de soleil. C'est un vnement anodin que ne retiendra pliS l'histoire. Ni une bataille, ni un p11cte dont on sonde les motivations, ni le meurtre mmorable d'un tyran.

    Et pounant me voil IISsise, c'est un fait. Et puisque je suis ici, prs de la rivire, je serai bien venue ici de quelque pan, sans dire qu'auyaravant j'aurai sjourne dans pas mal ? 'autres endroits. Tout comme les grands conquerants avant de monter bord.

    Le plus phmre des instllnts possde un illustre pass, son d'avant le samedi- vendredi, son d'avant le mois de juin- mois de mai. Ses horizons aussi vrais que dans les jumeUes du commandant en chef. L'arbre est un peuplier enracin depuis des lustres. La rivire s'appelle Raba et ne coule pas d'hier.

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    Le sentier qui travtrse lu buisRons ne fut pas fray aujourd'hui. Le vent qui chabse les nuages, les aura amens par ici. Et bien que rien d'imponant ne se passe tout autour le monde n'en est pas pour autant plus pauvre en dtails, ou priv de fondements, ou plus mal dfini qu'a l'poque o l'emponaient les grandes migrations.

    Les mystrieux complots n'ont pas l'exclusivit du silence. On voit le conge des raisons ailleurs qu'aux couronnements. Les dates anniversaires peuvent tre eUes aussi bien rondes, mais pas davantage que ce dfil des cailloux sur le bord du Oeuve.

    Complexe et dense est la broderie des circonstances. Le point de croi."t de la fourmi da.ns l'herbe. L'herbe cousue dans la terre. Le motif de la v11gue tiss par la branche.

    Ainsi donc, par hasard, je suis et je regarde. Au-dessus, un papillon blanc agite dans les airs, ses uiles qui ne sont et ne seront qu' lui, et l'ombre qui soudain traverse mes deux mains n'est pas une autre, ni quelconque, mais bien la sienne.

    Voyant cela, je ne suis jamais sre ~e ce qui est imponant 1 est vraiment davantage que ce qui ne l'est pas.

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  • Certaim aiment la posie

    Certains-donc pas tout le monde. Mme pas la majorit de tout le monde, au contraire. Et sans compter les coles, o on est bien oblig, ainsi que les potes eux-mmes, on n'arrivera pas phu de deux sur mille.

    Aiment-mais on aime aussi le petit sal aux lentilles, on aime les compliments, et la couleur bleue, on aime cette vieille charpe, on aime imposer ses vues, on aime caresser le chien.

    La posie-seulement qu'est-ce que a peut bien tre. Plus d'une rponse vaciUante fut donne cette question. Et moi-mme je ne sais pas, et je ne sais pas, et je rn 'y accroche comme une rampe salutaire.

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    Fin et dbut

    Aprs chaque guerre il faut bien nettoyer. Un peu d'ordre dans tout a ne se fera pas tout seul.

    Quelqu'un poussera les gravats sur les cts des routes, pour que puissent passer les charrettes de cadavres.

    Quelqu'un devra patauger dans la fange et les cendres, dans les ressorts des divans, dans les dbris de verre, dans les haillons sanglants.

    Quelqu 'un doit traner la poutre pli calera le mur. VtJelqu 'un doit replacer la vitre et regonder la porte.

    Tout ceci n 'est gure photognique et dure des annes. Toutes les camras sont dj parties voir une autre guerre.

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  • Il faut d~A ponts encore t'l d
  • Drpuis quand la frotenlitt~ attire t-elle )es fou)t'S? A-t-on vu la misrkorde a.rriver la premire? Le scrupule soulve combien de proslytes? Elle seule scit soulever, on ne la lui fait pas.

    Doue, receptive, extrmement bosseuse. Nul besoin d'aligner l~s chants qu'eUe composa. Toutes ces pages d'histoire numerotes par elle. Tous les tapis humains qu'elle a su dployer sur combien de places et de stades.

    Inutile de se leurrer : eUe sait aussi faire du beau. Splendides, ses lueurs d'incendie dans la nuit noire. Admirables, les dflagrations au petit matin rose. Ses ruines possdent une majest indniable, et la colonne robuste qui s'y dresse n'est pas dnue d'un humour gaillard.

    En grande virtuose, eUe joue du contraste entre le vacarme et le silence, entre le vermeil du sang et la blancheur de la neige. Mais s'il est un motif dont eUe ne se lasse jamais, c'est bien celui du bourreau propre sur lui pench sur la victime fltrie.

    Toujours prte entreprendre tm nouvel ouvrage. S'il faut attendre, eUe attendra. On la dit aveugle. EUe?

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    Avec ces yeux de sniper ? Intrpide, eUe regarde l'avenir en face. Elle seule.

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  • La ralit exige

    Lll ralit exige qu'on en parle galement : La vie suit son cours. Elle le fait Cannes, et Borodino Kosovo Pole et Guernica.

    11 y a une station d'essence sur la petite place Jricho, il y a de la peinture frache sur les bancs Bela Hora. Les lettres s'changent toujours entre Pearl Harbour et Hastings, le camion du marchand de meubles passe sous l'il du lion de Chrone, et sur les vergers fleuris prs de Verdun n'arrive qu'un front atmosphrique.

    Il y a tellement de Tout, qu'on n'a pas mal dissimul le Rien. Des yachrs accosts Actium on entend venir la musique et sur les ponrs des couples dansent au soleil

    n s'en passe tellement qu'il faut qu'il s 'en passe partout.

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    L o pas une pierre debout, soudain un marchand de glaces assi6 par des enfanrs. L ou Hiroshima, l l liroshima toujours, et la hausse de la producon des objers quotidiens. Non sans appas est ce monde terrifiant, non sans petirs matins qui vaJent bien un rveil.

    Sur les plaines de Sedan l'herbe est verte, et dans l'herbe, comme dans l'herbe, la rose est cristalline.

    D se peut qu'il n'y ait pas d'endroirs autres que des champs de bataille, ceux dont on se souvient encore, ceux qu'on oublie dj, forts de bouleaux et forts de cdres, neiges et sables, opaJisants marais, et gouffres de noires dfaites, ou, ~ress par un certain besoin, on s accroupit derrire le buisson.

    QueUe moraJit en tirer - aucune sans doute. Ce qui coule vraiment, c'est ce sang qui sche vite et toujours des rivires quelconques, des nuages.

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  • Sur lts ravins rragiques le vent arroche des chapeaux. et que voulez-vous qu'on y fasse? cela nous fait bien rire.

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    Un chat dans un appartement vide

    Mourir - on ne fait pas a un chat. Car que voulez-vous qu'il fasse maintenant, le chat, dans un appartement vide? Grimper aux murs. Se frotter aux meubles. Rien n'a, semble-t-il, chang, et pourtant rien n'est pareil. Rien n'a t dplac, et pourtant rien n'est sa place. Et mme, le soir, la lampe ne s'allume plus.

    On entend des pas dans l'escalier, mais ce ne sont pas les bons. Et la main qui met du poisson dans l'assiette n'est pas la mme qu'avant.

    Quelque chose ne commence plus l'heure o les choses commencent. Quelque chose ne s'accomplit plus comme les choses devraient. Quelqu'un tait l, qui y tait toujours, puis, soudain, il a disparu et s'obstine ne plus rre du tout.

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  • On a fouillt'; toutr lt-s annoires. Par
  • Ors miroir,; m'ont bien rflchie. J'avnis mib qu~lque chose d'une couleur quelconque Qutlqursuns m'auront tout de mtme aperl\ut Qui saJt, ce JOur-l, j'aurai pcuttre trouv quelque chose de perdu. Ou perdu quelq\le chose de retrouv ensuite.

    J'tais pleine d'motions, d'impressions. Et soudain il n'en reste plus que trois points entre parenthses.

    O me suis je embusque? O ruje pu disparaitre? Pas mal corrune tour de passe-passe de se perdre de vue comme a.

    Je secoue bien fort ma mmoire-qw sait, dans ses branches, peuttre,

  • Ou bitn ou contrB1rt ~~~ n:offcctionntnt que les pripties b~ulu ~ Voila une peille fille, sur W1 tres grand ecron, qm recoud JUStement W1 bouton sur so manrht. Les dtecteurs s'veillent, le personnel accourt. Ah 1 Quelle est cette petite crature avec cc petit cur qui bot l'intrieur 1 Quel srieux charmant dans l'on d'enfiler Wle aiguille 1 Quelqu'Wl s'exclame, enthousiaste: Appelez vite le Patron, qu il vienne regarder par lui-mme 1

    126

    Rien en cadeau

    Rien en cadeau, tout emprunt. Je suis endette jusqu 'aux oreilles. 11 faudra que je me rembourse, que je paie mo vie de mo vie. C'est ainsi que les choses se font. Le cur est restituer, le foie est restituer et un W1 chaque doigt.

    Trop tard pour dnoncer les tennes du contrat. On m'arrachera le remboursement des dettes avec la peau.

    Je marche entoure de partout par une foule d'autres endetts. Les uns sont sous le coup de remboursement d'ailes. D'autres, nolens volens devront s'acquitter de leurs feuilles.

    Dans la colonne Dbit figurent tous nos tissus. Pas un cil, pas W1 pdoncule conserver pour toujours.

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  • Le registre est prcis, et c'est l'vidence mme : on restera les mains vides.

    Je n'arrive pas me rappeler ~uan~, o et po.urquoi 1

    ovaJs pu autonser 'ou,erture de ce compte.

    Y Caire opposition rela ,s 'ap{'ell~ une ~e. Et c est 1 uruque avo1r que le registre ignore.

    128

    Version des vnements

    Si l'on nous a laiss le choix, nous avons rflcl longtemps, sans doute.

    Les corps proposs taient peu confortables et leur dclin disgracieux.

    Nous trouvions rpugnants les moyens de s'alimenter, et hautement rbarbatives l'hrdit machinale et la tyrannie des glandes.

    Le monde qu'on nous destinait tait en constante dcomposition, ravag par les eCfets des causes.

    Des destins particuliers ' . . qu on nous avrut soums,

    nous avons rejet la plupart avec tristesse et horreur.

    Des questions s'imposaient, par exemple : est-il utile d'enfanter dons la douleur un mort-n,

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  • ou quoi boo tre un navigateur qtn n'atteint pas la rive.

    Nous avons accept la mort mois pas sous n'importe queUe forme. L'nmour nous attirait, c'est vrai, 11111is tl uni' condition : 1pdl lirnne ses promesses.

    Nu us n ,:lions gure enclins i1 nou~ mettre au service de l'art, \'Il 1~ flou des jugements 1"1 ln prcarit des uvres.

    Chacw1 voulait pour lui un pays sans voisins, rt vivre une longue vie rale entre deu.'t guerres.

    Nul d'entre nous ne voulait se saisir du pouvoir ui le subir d'ailleurs. Nul ne se dsirait victime de ses propres illusions, ru de celles d'autrui. Il n'y avait gure de volontaires pour faire foule, ou pour dfiler, sans parler des tribus condamnes -- a;ans quoi cependant, en aucun cas les vnements ne sauraient advenir ou long des sicles programms.

    En attendant, un grand nombre d'toiles initialement allumes

    130

    se sont teintes, et refroidies. n tait temps de prendre une dcision.

    En dpit de nombreuses rserves des candidats sont enfm apparus pour endosser certains explorateurs et guri~seurs, quelques philosophes sans renom, quelques jardiniers anonymes, montreurs d'ours et musicos, -bien qu'en l'absence d'autres prtendant~

  • drmrurall tr1t s'il ne vaudrait pas mieux l'oublier purement et simplement, ou Cll('Ore, tant choisir, s'il conviclll de choisir- l-bas.

    Nous avons regard la Terre. Il y vtvait dj quelques tmraires. Une plante malingre s'accrochait la falaise, ctrtame, contre toute vidence, que le vent ne l'arracherait pas.

    Un petit animal s'extirpait de sou terrier, avec un effort, un espoir, pour nous impntrables.

    Nous nous sommes apparus soudain trop prudents, mesquins, druoires.

    Peu peu, nous devenions moins nombreux. Les plus impatients semblaient disparatre, partis essuyer les premiers feux. Mois oui, c'tait trs clair. Ils l'allumaient justement sur la rive escarpe d'un fleuve bien rel.

    Quelques-uns prenaient mme, dj, le chemin du retour. Mais pas dans notre direction. Avec quelque chose d'acquis? entre les mains?

    132

    Le traducteur lient remercr tous ses amu qui lui ont prodigtlt: encouragements et .conseils. Il exprime une reconnausance louit particulire Agns Crodzmskt, Ivan A. Alexandre et Ccorgts Farhat pour l'il, l'oreille ('( lt cur.

  • Table

    Avant-propos --------

    7

    Sel (Sol) - 1962 Soire ~tique (Witttor Autonki) _ ,,

    Appt:l Yeti (Wolanie do Yeti) - 1957 Qua~ heures du maun (Czwarta nad ranem) __

    Sel {Sol) - 7962 8gie touristique (Eitgia podrOina) I l Le Vin (Przy winie) ........... - ___ ... , 1.1 Les Femmes de Rubens (Kobiety Rubenso) - ,.___ l.'i Prologue pour une romdie (Prolog komtd) ----- 17 Je sui trop prs ... (Je.tem za bh.ko ... ) ----. --_ Ill Sur la tour de Babel (Na wieiy babel) , ................. -- .. - ...... :.W Un rve (Sen) ... . 12 Eau (Woda) .. _ 24 Dans le fleuve d'Hraclite (W ne Heraklita) 2b Conver.ation avec lo pierre (Rozmowa z kamieniem) .. ............ - .......... {27

    Cent blagues (Sto pociech) - 1967 Joie d'crire (RadoS pisania) Core (Dworzee)

    .................... ....... -- -.. 30 ------(32

  • 1\~ (l 1roc.bony) - - . - --Monologu~ pour ('.a.,andrr (MnnIOI! tllto ll:oantlry) _ 34

    __ 37

    Cas o (Wszelki W)padek) - t9r.! Ca.~ o (Wi 7elki wypodk) ( 9 Erreur (Ponltlka) - 41 lmp~ion< th