12
• • • Vingt ans de comptes de la protection sociale en France Une rétropolation de 1981 à 2002 N° 278 • décembre 2003 Julien BECHTEL, Laurent CAUSSAT, Patrick HORUSITZKY et Christian LOISY Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité Ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées DREES n 2002, l’ensemble des prestations de pro- tection sociale versées aux ménages s’élève à 443,2 milliards d’euros, soit 29,1 % du produit intérieur brut. Près de vingt ans plus tôt, en 1981, cette proportion n’était que de 24,9 % (gra- phique 1). Ainsi, en deux décennies, le poids des transferts sociaux dans la richesse nationale a aug- menté de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore plus forte : 30,4 % en 1981, 36,4 % en 2002. L’histoire de cette progression peut être retracée à l’aide des comptes de la protection sociale produits annuellement par la Drees, et qui viennent d’être rétropolés jusqu’en 1981 dans la base actuelle des comptes nationaux (encadré 1). Cette même source permet d’identifier les principaux facteurs qui sem- blent à l’origine des évolutions observées. L’exercice présenté ici, qui s’inscrit dans la suite de travaux antérieurs 1 prend appui sur une rétro- polation complète des comptes de la protection so- E En deux décennies, la part des transferts sociaux dans la richesse nationale a augmenté de plus de quatre points. Avec 443,2 milliards d'euros en 2002, les prestations versées aux ménages représentent 29,1 % du PIB, contre 24,9 % en 1981. Sensible aux variations de la conjoncture économique, la part des prestations sociales dans le PIB évolue également avec les grandes réformes de la législation. La forte croissance des dépenses en début de période a ainsi été suivie, sous l'effet des plans « Bérégovoy », puis « Séguin », d’une croissance plus modérée entre 1985 et 1989. Avec la reprise des dépenses maladie et la création du RMI en 1991, l'expansion est à nouveau forte jusqu'en 1993, puis se stabilise. Sur l'ensemble de la période, les risques maladie et vieillesse concentrent la majeure partie des dépenses (respectivement de l'ordre de 20 % et 50 %) et contribuent très fortement à leur dynamique. Les ressources de la protection sociale ont globalement suivi l'évolution des prestations sur la période, mais leur composition s'est modifiée : avec notamment la montée en charge de la CSG, en 1990, la part des cotisations sociales s'est réduite au profit du financement fiscal qui représente désormais plus de 30 % des ressources. 1. Gérard LATTES, Pierre VOLOVITCH, « La protection sociale », Insee Première, n° 461, juin 1996. Pierre VOLOVITCH, « Les ressources de la protection sociale », document de travail, n° 01.03, Institut de Re- cherches Économiques et Sociales, juillet 2001.

de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

• • •

Vingt ans de comptesde la protection sociale en France

Une rétropolation de 1981 à 2002

N° 278 • décembre 2003

Julien BECHTEL, Laurent CAUSSAT,Patrick HORUSITZKY et Christian LOISYMinistère des Affaires sociales, du travail et de la solidaritéMinistère de la Santé, de la famille et des personnes handicapéesDREES

n 2002, l’ensemble des prestations de pro-tection sociale versées aux ménages s’élèveà 443,2 milliards d’euros, soit 29,1 % du

produit intérieur brut. Près de vingt ans plus tôt, en1981, cette proportion n’était que de 24,9 % (gra-phique 1). Ainsi, en deux décennies, le poids destransferts sociaux dans la richesse nationale a aug-menté de plus de quatre points. En part du revenudisponible ajusté des ménages, la progression desprestations de protection sociale est encore plus forte :30,4 % en 1981, 36,4 % en 2002.

L’histoire de cette progression peut être retracéeà l’aide des comptes de la protection sociale produitsannuellement par la Drees, et qui viennent d’êtrerétropolés jusqu’en 1981 dans la base actuelle descomptes nationaux (encadré 1). Cette même sourcepermet d’identifier les principaux facteurs qui sem-blent à l’origine des évolutions observées.

L’exercice présenté ici, qui s’inscrit dans la suitede travaux antérieurs1 prend appui sur une rétro-polation complète des comptes de la protection so-

E

En deux décennies, la part des transfertssociaux dans la richesse nationalea augmenté de plus de quatre points.Avec 443,2 milliards d'euros en 2002,les prestations versées aux ménagesreprésentent 29,1 % du PIB,contre 24,9 % en 1981.Sensible aux variationsde la conjoncture économique, la partdes prestations sociales dans le PIBévolue également avec les grandesréformes de la législation. La fortecroissance des dépenses en débutde période a ainsi été suivie,sous l'effet des plans « Bérégovoy »,puis « Séguin », d’une croissanceplus modérée entre 1985 et 1989.Avec la reprise des dépenses maladieet la création du RMI en 1991,l'expansion est à nouveau fortejusqu'en 1993, puis se stabilise.Sur l'ensemble de la période,les risques maladie et vieillesseconcentrent la majeure partiedes dépenses (respectivement de l'ordrede 20 % et 50 %) et contribuenttrès fortement à leur dynamique.Les ressources de la protection socialeont globalement suivi l'évolutiondes prestations sur la période,mais leur composition s'est modifiée :avec notamment la montée en chargede la CSG, en 1990, la partdes cotisations sociales s'est réduiteau profit du financement fiscalqui représente désormaisplus de 30 % des ressources.

1. Gérard LATTES, Pierre VOLOVITCH, « La protectionsociale », Insee Première, n° 461, juin 1996.Pierre VOLOVITCH, « Les ressources de la protectionsociale », document de travail, n° 01.03, Institut de Re-cherches Économiques et Sociales, juillet 2001.

Page 2: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

2

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ciale, avec pour toutes les années descomptes détaillés pour chaque catégoriede régimes et, au sein de ces comptes,une désagrégation par risques des pres-tations sociales.

Une progression importantedes prestations de protection

sociale au début des années 80,suivie d’une stabilisation

Le graphique 1 décrit l’évolution dela part des prestations de protection so-ciale, d’une part dans le PIB, aussi appe-lée taux de redistribution sociale, etd’autre part dans le revenu disponiblebrut ajusté des ménages2, dénommée tauxde socialisation des revenus. Ces deuxratios évoluent à la fois avec les modifi-cations de la législation sociale, qui in-fluent sur le montant des prestations deprotection sociale, et avec les fluctuationsmacro-économiques qui affectent direc-tement la production et le revenu desménages, mais aussi indirectement cer-taines prestations comme les dépensesd’indemnisation du chômage. Par consé-quent, pour les interpréter de façon per-tinente, il est nécessaire de revenir auxprincipaux événements ayant marquél’évolution de la législation sociale de-puis vingt ans. A cet égard quatre phasesprincipales peuvent être distinguées :

Tout d’abord, la première moitié desannées 80 est marquée par une croissancede plus de deux points du ratio presta-tions de protection sociale / PIB (27,2 %en 1985 contre 24,9 % en 1981). Lesdépenses sociales enregistrent en effet aucours de cette période l’effet des revalo-risations importantes des prestations dé-cidées en 1981 – minimum vieillesse,allocation aux adultes handicapés, allo-cations familiales – et ultérieurement

part des prestations de protection sociale dans le PIBet dans le revenu disponible brut ajusté des ménagesG

•01

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

La rétropolation des comptes – MéthodologieLa rétropolation des comptes

La rétropolation des comptes de la protection sociale a consisté à effectuer à partir des données dela base 80 des modifications sur les opérations et les régimes et sur les prestations détaillées. Cetteopération s’est effectuée en deux phases : dans une première étape, les comptes ont été rétropolés àpartir de 1998, première année où ils ont été publiés en base 95, jusqu’en 1990, au niveau le plus fin dela nomenclature des opérations et des régimes. Dans un deuxième temps, la rétropolation a été prolon-gée jusqu’en 1981. Toutefois, les opérations par régime et les prestations par risque sont moins dé-taillées entre 1981 et 1989 que dans les séries déjà retropolées jusqu’en 1990, car l’information dispo-nible ne permettait pas de répliquer sur le passé le niveau de détail des comptes actuels. Les sérieshomogènes de 1981 à 2002 sont donc ventilées à un niveau plus agrégé.

Présentation générale des comptes de la protection socialeLes comptes de la protection sociale constituent un compte satellite des comptes nationaux. Leur

objectif est de décrire l’ensemble des opérations effectuées au titre de la protection sociale dont lesprincipaux sont les prestations, les cotisations, les transferts, les impôts et taxes affectés. Ces opéra-tions sont la traduction de flux financiers qui mettent en jeu plusieurs secteurs de l’économie : lesadministrations publiques, au premier rang desquelles les administrations de sécurité sociale, maisaussi l’Etat, les administrations publiques locales, les ODAC, ainsi que les organismes complémentai-res, les entreprises privées, les banques et assurance, les entreprises publiques, les institutions sansbut lucratif au service des ménages. Ces secteurs sont subdivisés au niveau le plus fin en régimes deprotection sociale (ex : le régime général d’assurance maladie, les différentes caisses de retraites, lesrégimes particuliers de salariés, les régimes de non salariés…). Au total les comptes de la protectionsociale recensent environ 60 régimes de protection sociale. Ces diverses entités versent au titre desdifférents risques de la protection sociale des prestations en nature ou en espèces, légales ou extralégales. En contrepartie elles perçoivent des ressources sous forme de cotisations sociales, salarialesou patronales, des impôts et taxes affectés (CSG, taxes sur le tabac..). Ils perçoivent (ou versent) destransferts entre régimes au titre, par exemple, de la compensation démographique ou de la prise encharge de cotisations ou de prestations.

Chaque régime, et donc l’ensemble du compte, dégage ainsi un solde qui est une épargne (et nonune capacité de financement) au sens des comptes nationaux car les opérations en capital ne sont pasreprises dans les comptes de la protection sociale.

Le changement de base des comptes de la protection socialeLeur caractère de compte satellite implique que les comptes de la protection sociale soient, sur des

opérations et des champs bien définis, calés en montant sur les agrégats correspondants du cadrecentral. Les cotisations perçues par les administrations de sécurité sociale sont par exemple identiquesdans les comptes de la protection sociale et dans le cadre central pour le secteur correspondant. Lescomptes de la protection sociale obéissent donc aux règles de la base qui régissent les comptes natio-naux, en particulier, le classement des régimes dans les différents secteurs et celui des flux dans lesdifférentes opérations. Le passage du cadre central en base 95 a donc conduit à retranscrire les comp-tes de la protection sociale, anciennement présentés selon les modalités de la base 80 des comptesnationaux. Le changement de base concerne aussi la définition des risques couverts par la protectionsociale qui a été modifié. Par conséquent, bien que cela ne concerne pas le cadre central des comptesnationaux, le classement des prestations dans les différents risques a également changé.

E•1

24 %

26 %

28 %

30 %

32 %

34 %

36 %

38 %

2. Dans la base actuelle des comptes natio-naux, le revenu disponible brut ajusté desménages est égal à leur revenu disponiblebrut, soit le revenu courant après impôts quipeut être librement affecté à la consomma-tion ou à l’épargne, augmenté des transfertssociaux en nature – par exemple : les rem-boursements de l’assurance maladie – quisont obligatoirement affectés à une utilisa-tion particulière – les dépenses de santé, dansl’exemple précédent.

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Prestations de protection sociale / PIBPrestations de protection sociale / Revenu disponible brut ajusté des ménages

Page 3: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

3

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

l’impact de l’abaissement à 60 ans del’âge minimal de la retraite. Par ailleurs,pendant cette période, les dépenses desanté connaissent en volume une crois-sance trois fois plus rapide que celle duPIB (+ 5,4 % par en moyenne de 1980 à1985, contre + 1,7 % pour le PIB3).

Les années 1985 à 1989 sont ensuitemarquées par un net ralentissement durythme de croissance des dépenses deprotection sociale. Celui-ci, inférieurd’un point en moyenne au taux de crois-sance du PIB au cours de ces quatre an-nées, permet aux dépenses de protectionsociale de revenir à un peu plus de 26 %du PIB. Ce résultat est notamment la con-séquence des mesures importantes prisesafin de modérer l’évolution des dépen-ses d’assurance maladie : plans « Béré-govoy » de 1982 et 1983 ayant notam-ment instauré le budget global hospita-lier, plan « Séguin » de 1986 dont la prin-cipale mesure fut la limitation des casd’exonération permanente du ticket mo-dérateur.

Ultérieurement, les années 1990 à1993 marquent une nouvelle expansiondes dépenses sociales, qui atteignent29,1 % du PIB en 1993. L’origine decette reprise est liée a la poursuite d’unecroissance rapide des dépenses d’assu-rance maladie et la création de nouvellesprestations sociales, comme le revenu mi-nimum d’insertion.

Enfin, depuis 1994 les dépenses deprotection sociale ont tendance à se sta-biliser en proportion de la richesse na-tionale : en 2002, elles représentent ainsi29,1 % du PIB, soit exactement le ratioobservé en 1993. L’évolution des dépen-ses de santé connaît par exemple un chan-gement de tendance à partir de la moitiédes années 90 et jusqu’à 2000-2002, avecune stabilité du ratio dépenses de santé /

PIB contrastant avec la progression ré-gulière observée depuis le début des an-nées 60. À partir de 1996, le plan« Juppé » succède aux mesures d’écono-mie prises en 1993 et 1994 – notammentla diminution de la prise en charge desconsultations de médecins – et sembleavoir eu un effet durable sur le rythmede croissance des dépenses d’assurancemaladie jusqu’à la fin des années 90.Deux facteurs expliquent la progressionmodérée des dépenses d’assurancevieillesse : l’arrivée à l’âge de la retraitedes classes creuses, nées dans les années30-40, et l’impact modérateur de la ré-forme mise en œuvre à partir de 1994dans les régimes de retraite des salariésdu secteur privé et des travailleurs indé-pendants. Cependant, les années 2001 etsurtout 2002 marquent une nouvelle ac-célération de la croissance des prestationssous l’effet, d’une part, d’une progres-sion plus vive des dépenses de santé et,d’autre part, de la création de nouvellesprestations, notamment l’allocation deperte d’autonomie (APA).

Les dépenses socialesamortissent les conséquencesdes fluctuations économiques

sur le revenu des ménages

Le graphique 1 suggère en outre queles fluctuations du ratio dépenses de pro-tection sociale / PIB sont plus accentuéesque celles du ratio dépenses de protec-

tion sociale / revenu disponible brutajusté des ménages. Les prestations deprotection sociale, dont la sensibilitéd’ensemble au cycle économique est mo-deste, sembleraient donc contribuer à unecertaine stabilité du revenu disponibledes ménages, qui serait principalementaffecté par le cycle économique à traversla contribution des revenus d’activité. Cediagnostic est naturellement à nuancerselon les catégories de dépenses : s’il nefait pas de doute que les prestations devieillesse sont principalement dépendan-tes des évolutions démographiques etdonc faiblement liées au cycle économi-que, des travaux économétriques récentsaccréditent l’hypothèse d’une liaisonpositive entre dépenses d’assurance ma-ladie et PIB4. Par ailleurs, dans le cas desdépenses d’assurance chômage, il existeune relation étroite, mais bien sûr cettefois négative, entre la dynamique desprestations et celle du PIB.

Cette hypothèse se confirme à l’exa-men du graphique suivant (graphique 2),qui donne, année après année, les écartsà leur tendance – extraite au moyen d’unetechnique élémentaire de filtrage - destaux de croissance du PIB et des dépen-ses de protection sociale en volume – lesdépenses de protection sociale étantdéflatées par l’indice du prix de la con-sommation finale des ménages. Il mon-tre que les fluctuations des dépenses so-ciales sont moins amples que celles duPIB. On constate notamment qu’au cours

3. Laurent CAUSSAT, Annie FÉNINA, YvesGEFFROY, « Quarante années de dépensesde santé : une rétropolation des comptes dela santé de 1960 à 2001 », Études et résul-tats, n° 243, Drees, juin 2003.

4. Karim AZIZI, Didier BALSAN, « Les dé-penses de soins de ville remboursées par lerégime général d’assurance maladie : uneanalyse économétrique sur la période 1988 –2002, Études et Résultats, n° 256, Drees, août2003.

taux de croissance des prestations de protection sociale et du PIB, en volumeG•02

* Tendance estimée par un filtre de Hodrick-Prescott.Source : Drees, comptes de la protection sociale.

-2 %

0 %

2 %

4 %

6 %

8 %Prestations de protection sociale PIB

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Page 4: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

4

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

des phases de ralentissement ou de ré-cession de l’activité, l’amplitude des va-riations du PIB a pu dépasser quatrepoints autour de sa tendance, ce qui re-présente une plage de variation deux foisplus large que celle des prestations deprotection sociale à la même époque.Ainsi, les dépenses sociales ont pendant

les vingt dernières années globalementconservé leur rythme de croissance dansles périodes où la richesse nationale aug-mentait faiblement (1982 – 1986, 1991– 1996, 2001 – 2002), ralentissant lors-que la croissance économique était rede-venue favorable (1987 – 1990, 1996 –2000).

L’évolution des prestationssociales est guidée

par les dynamiques propresaux risques « santé » et « vieillesse »

Le graphique 3 représente de façonplus détaillée l’évolution de la structurepar risques de l’ensemble des prestationssociales (encadré 2). Toutefois, il fautnoter que, lorsque l’on raisonne sur lesprestations sociales stricto sensu, la partrevenant au risque « maladie » dans l’en-semble des dépenses de protection so-ciale est sous-estimée. En effet, l’évolu-tion des prestations sociales ainsi décri-tes exclut les prestations de services so-ciaux qui comprennent pour l’essentielles dotations aux établissements hospi-taliers en provenance des régimes d’as-surance maladie. La ventilation par ris-que des prestations de services sociauxn’a toutefois pas pu être réalisée dans lacadre de cette rétropolation.

Certains risques ont vu leur part dansl’ensemble des prestations sociales dimi-nuer au cours de la période : c’est le casdes accidents du travail, de la maternité,de la famille et du chômage. Cette évo-lution est logique dans le cas des acci-dents du travail (1,7 % de l’ensemble desprestations sociales en 2002, contre3,1 % en 1981), en raison de la diminu-tion régulière de leur nombre et de leur

Définitions et nomenclatures dans les comptes de la protection sociale

La protection sociale comprend la couverture des charges résultant pour les individus ou les ménagesde l’apparition ou de l’existence de certains risques, dans la mesure où cette dépense donne lieu àl’intervention d’un mécanisme de prévoyance.

Les prestations de protection sociale regroupent les prestations sociales et les services sociauxservis aux ménages. Les prestations sociales constituent des transferts effectifs attribués personnelle-ment à des ménages sans contrepartie équivalente ou simultanée. Les prestations de services sociauxretracent l’accès à des services, en relation avec un risque de la protection sociale, fournis à prix réduitou gratuitement par une administration (le plus souvent un hôpital public).

Les prestations de protection sociale sont ventilées en six risques :- santé : prestations maladie, invalidité et accident du travail,- vieillesse et survie : notamment pensions, aide sociale, prise en charge de la perte d’autonomie (APA),- maternité et famille : comprend par exemple les allocations familiales, l’allocation parentale d’éducation (APE),- l’emploi qui regroupe le chômage, l’insertion et la réinsertion professionnelle, ainsi que les préretraites,- le logement est principalement composé de l’aide personnalisée au logement (APL) et des allocationslogements sociale et familiale (ALS et ALF),- la pauvreté et l’exclusion sociale (RMI).

Le financement de la protection sociale est principalement assuré par deux grandes catégories deressources : les cotisations et le financement public (constitué des impôts et taxes affectés et descontributions publiques). Les transferts sont des mouvements internes, entre régimes, et n’ont pasd’incidence sur le financement de l’ensemble du champ de la protection sociale.

Le taux de pression sociale est défini comme le rapport entre les prélèvements contributifs et fiscauxdirectement affectés à des dépenses de protection sociale et le PIB.

E•2

structure par risques des prestations socialesG•03

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

0 %

20 %

40 %

60 %

80 %

100 %

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Pauvreté etexclusion socialeLogement

Chômage

InadaptationprofessionnelleFamille

Maternité

Survie

Vieillesse

Accidentsdu travailInvalidité

Maladie

Page 5: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

5

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

gravité à la faveur de l’amélioration desconditions de travail et du changementde la structure des emplois, et sous ré-serve de l’incidence future de la répara-tion de risques professionnels nouvelle-ment reconnus, notamment ceux liés àl’amiante. Le déclin lent mais régulier dela part des dépenses de maternité et defamille (10,3 % en 2002, contre 12,3 %en début de période) est directement liéà la stabilité globale du nombre de nais-sances sur l’ensemble de la période.

La diminution relative des dépensesd’indemnisation du chômage (7,8 % del’ensemble des prestations sociales en2002, soit trois points de moins qu’en1981) est plus difficile à analyser, car ellecomporte une composante cyclique quiengendre des variations importantes (cf.infra) : cependant, il semble qu’elle cor-responde aussi à une réduction globalede la générosité des prestations de chô-mage dans le contexte de l’aggravationdu chômage qui a caractérisé les vingtdernières années (le taux de chômageétant passé de 7,1 % au premier trimes-tre 1981 à 9,9 % au premier trimestre2003, selon les enquêtes sur l’emploi del’Insee).

La part du risque « invalidité » est deson côté restée stable dans l’ensemble desdépenses de protection sociale, s’établis-sant continuellement un peu au-dessus de5 %. Celle du risque « logement » a pro-gressé d’un peu plus d’un point en vingtans, traduisant les efforts déployés enmatière de revalorisation et d’harmoni-sation des différentes aides au logement5.Les dépenses liées au risque « pauvretéet exclusion sociale » prennent leur es-

sor en 1989, avec la création du Revenuminimum d’insertion, et augmentent ré-gulièrement depuis pour atteindre 1,5 %de l’ensemble des prestations sociales en2002.

Les dépenses les plus dynamiquessont celles relevant des risques les plusimportants : « santé » et « vieillesse », quireprésentent respectivement 20 et 50 %des prestations sociales. En ce qui con-cerne d’abord le risque « maladie »,l’évolution de sa part dans l’ensemble desprestations sociales suit naturellementcelle de la part des dépenses de santé dansla richesse nationale. Au cours des vingtdernières années, la consommation desoins et de biens médicaux – agrégat debase des comptes nationaux de la santé(cf. note de bas de page n° 1) – est pas-sée d’un peu moins de 7 % à un peu plusde 9 % du PIB, l’essentiel de cette pro-gression ayant été réalisé avant 1993. Lacourbe de la part des prestations socia-les du risque « maladie » dans l’ensem-ble des prestations sociales suit fidèle-ment la tendance générale des dépensesde santé, si ce n’est un ralentissement en1987, sous l’effet des mesures de ratio-nalisation du remboursement décidéesdans le cadre du plan « Séguin ». A par-tir de 1993, la tendance des dépenses desanté se stabilise, et avec elle le poids durisque « santé » dans l’ensemble des pres-tations sociales reçues par les ménages,sous l’effet probable des mesures d’éco-nomie contenues dans le plan « Juppé »,ainsi que de la reprise de la croissance.A partir de 2000, et surtout en 2001 et en2002, la part des dépenses de santé dansle PIB repart toutefois à la hausse, sansqu’il soit encore possible de distinguerl’impact de la dynamique autonome desdépenses de santé et celui du retourne-ment de la conjoncture macro-économi-que.

Les prestations liées au risque« vieillesse » suivent quant à elles en ter-mes réels l’évolution combinée du nom-bre de retraités et du montant moyen despensions. De 1983 à 1990, le nombre deretraités du régime général d’assurancevieillesse progresse à un rythme rapide,de l’ordre de + 4,5 % par an, sous l’effetde la diffusion progressive de l’abaisse-ment à 60 ans de l’âge minimum de dé-part en retraite. Pendant l’essentiel decette période, les revalorisations des pen-sions sont importantes, notamment en

1982, car c’est à partir de 1987 que lespensions sont revalorisées par référenceà la seule évolution des prix. Au total, lapart des dépenses afférentes au risque« vieillesse » – hors « survie » – gagnequatre points dans l’ensemble des dépen-ses de protection sociale, passant de 36 %à 40 % pendant cette période de sept ans.A partir de 1990, leur évolution tend àdevenir plus modérée, en raison du ra-lentissement de la croissance du nombrede retraités avec l’arrivée à l’âge de laretraite des générations peu nombreusesnées dans les années 30, et de la stabili-sation en euros constants du montantmoyen des pensions. Celui-ci continue àprogresser du fait de la montée à matu-rité des régimes de retraite, avec l’aug-mentation régulière des droits à la retraiteobtenus par les femmes, mais il subit ensens contraire l’impact des réformes desretraites des travailleurs du secteur privéintervenues en 1994 dans le domaine dela retraite de base et en 1996 dans celuide la retraite complémentaire. La haussede la part des dépenses afférentes au ris-que vieillesse dans l’ensemble des pres-tations sociales se poursuit donc, maisdans la limite de deux points environ surla période de douze ans allant de 1990 à2002 (42,2 % en 2002, contre 40,4 % en1990).

Au total, les risques « santé » et« vieillesse » contribuent donc à eux seulsà une part prépondérante de la croissancedes prestations sociales. Le graphique 4ci-dessous synthétise les contributionsdes différents risques, regroupés en sixcatégories agrégées, à l’évolution d’en-semble des prestations sociales6. A euxdeux, les risques « vieillesse » et « santé »– regroupant « maladie », « invalidité »et « accidents du travail » contribuent engénéral à plus de 80 % de la croissancede l’ensemble des prestations, et mêmejusqu’à 90 % certaines années comme1997 ou 1999. C’est la régularité de lacroissance des dépenses afférentes à cesdeux risques qui explique l’essentiel ducaractère relativement contra-cyclique del’évolution conjoncturelle de l’ensembledes dépenses de protection sociale.L’évolution des dépenses relatives àl’emploi dans le cycle économique a,quant à elle, une incidence plus incer-taine. En effet, les prestations liées àl’emploi et au chômage ont certaines an-nées des contributions négatives à la

5. Bertrand LHOMMEAU, Fabrice MURAT,« Le modèle de microsimulation INES ap-pliqué à une réforme ex ante de l’effet de troisréformes sur le revenu des ménages, DossiersSolidarité et Santé, n° 4, octobre – décembre2001.

6. La contribution d’un risque à l’évolutiond’ensemble des prestations sociales est égaleau taux de croissance des prestations socia-les relatives à ce risque multiplié par sonpoids dans l’ensemble des dépenses pourl’année précédente.

Page 6: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

6

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

croissance d’ensemble des dépenses so-ciales : celles-ci correspondant soit à desannées où la situation du marché du tra-vail est favorable, comme en 1988, ce quiest logique, soit au contraire à des an-nées, comme 1993 et 1994, ou l’on noteune forte augmentation du chômage, cequi est plus paradoxal. Ceci s’expliqueen l’occurrence par l’incidence de la con-vention d’assurance chômage de 1992qui a entraîné une diminution du nombrede chômeurs indemnisés et du montantmoyen des prestations en réponse à la dé-gradation de la situation financière del’assurance chômage, elle-même consé-

cutive à la détérioration de la situationéconomique.

Les ressources de la protectionsociale ont globalement suivi

l’évolution des prestations

Les ressources de la protection so-ciale ont globalement suivi l’évolutiondes dépenses sociales, aux aléas conjonc-turels et aux délais d’ajustement près. Eneffet, le solde global du compte de la pro-tection sociale – agrégat au demeurantsans signification économique réelle tantil agrège des régimes de nature très di-

verses : organismes de protection sociale,sous-ensemble du budget de l’État et descollectivités locales, établissements pu-blics divers, versements extra-légauxdes employeurs, mutuelles et institutionsde prévoyance… -, légèrement excéden-taire au début des années 80, devientnégatif entre 1992 et 1998 et dégage unexcédent modeste ensuite (graphique 5).Au total, les ressources se sont ajustéesaux dépenses : la période 1981-2002compte 15 exercices exédentaires et 7déficitaires.

Les étapes d’évolution de la structuredes ressources de la protection socialecorrespondent aux quatre grandes pha-ses du développement des dépenses deprotection sociale identifiées précédem-ment. Ainsi, la croissance des ressour-ces entre 1981 et 1985, qui atteint envi-ron trois points de PIB, découle de me-sures de financement prises au cours decette période : instauration d’une contri-bution exceptionnelle de 1 % sur l’en-semble des revenus imposables (contri-bution « Delors » de 1982), et surtoutachèvement du déplafonnement des co-tisations d’assurance maladie au 1er jan-vier 1984.

La période 1985 – 1989 voit unepause dans la hausse des prélèvementssociaux : malgré le relèvement des coti-sations d’assurance maladie dans le ca-dre du plan « Seguin » de 1987 et l’aug-mentation d’un point de la cotisationd’assurance vieillesse du régime généralau 1er janvier 1989, le dynamisme de lacroissance économique permet à la partdes prélèvements sociaux dans le PIB dereculer au cours de cette période, de 1,4point environ, sans toutefois retrouverson niveau du début des années quatre-vingt.

A partir de 1990 et jusqu’en 1996, lepoids des ressources de la protection so-ciale dans le PIB repart à la hausse, pourdépasser 30 % en 1995. Les faits mar-quants de la période sont d’une part lacréation de la CSG – contribution socialegénéralisée –, prélèvement assis sur uneassiette plus large que la seule masse sa-lariale, étendue aux revenus d’activité, deremplacement et du patrimoine. D’abordinstituée en substitution des cotisationssalariales d’assurance vieillesse au taux1,1 %, la CSG fut portée au taux de 2,4 %en 1993. Le plan « Juppé » de 1996 com-porte d’autre part diverses dispositions

contributions relatives des différents risques à la croissancede l'ensemble des prestations socialesG

•04

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

-2 %

0 %

2 %4 %

6 %

8 %

10 %12 %

14 %

16 %

18 %20 %

22 %Santé Vieillesse survie

Maternité-Famille Emploi

Logement Pauvreté et exclusion sociale

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Ressources, emplois et solde du compte de la protection socialeG•05 en % du PIB

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

-5 %

0 %

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

35 %

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Ressources (hors transferts) Emplois (hors transferts) Solde

Page 7: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

7

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

relatives au financement de la protectionsociale, notamment l’alourdissement descotisations d’assurance maladie sur lesrevenus de remplacement.

A partir de 1997 intervient une nou-velle phase de stabilisation des ressour-ces financières de la protection sociale,à un niveau demeurant élevé et prochede 31 % du PIB. Pour une part, cette sta-bilisation est due à la reprise économi-que, mais elle tient aussi à des mesuresimportantes de financement. En premierlieu, il convient de citer le développementdes allégements de charges sociales, toutd’abord sur les bas salaires (baisse destaux de cotisations familiales en 1993,puis création de la ristourne « Juppé » en1995, modifiée en 1998), puis dans lecadre de la réduction du temps de travail(allégements « de Robien », puis « AubryI et II », réformés en 2003 à l’occasionde l’adaptation de la réglementation surle temps de travail et de l’harmonisationdes salaires minima). Ces allégements decharges ont été compensés – selon unprincipe général posé par une loi de 1994– au moyen de dotations budgétaires, puisde recettes fiscales affectées aux orga-nismes de sécurité sociale (taxe sur lestabacs, sur les contrats d’assurance…) ou

nouvellement créées à leur profit (con-tribution sociale de solidarité des socié-tés, taxe générale sur les activités pol-luantes). D’autre part, un événement im-portant de la période sur le plan finan-cier est la substitution en deux étapes, au1er janvier 1997 puis au 1er janvier 1998,de la CSG à la quasi-totalité des cotisa-tions d’assurance maladie à la charge dessalariés et des titulaires de revenus deremplacement : le taux global de la CSGsur les salaires est ainsi passé à 7,5 %,tandis que celui des cotisations d’assu-rance maladie a été ramené de 6,8 % à0,75 %.

La structure des ressourcesde la protection sociale

s’est profondément transformée

L’ensemble des mesures de finance-ment décidées au cours des vingt derniè-res années a eu pour effet de modifier defaçon très importante la structure du fi-nancement de la protection sociale. Lesystème français de protection sociale esthistoriquement un système d’inspiration« bismarckienne », dont les prestationsprivilégient le remplacement des revenusd’activité, sur lesquels les prélèvements

sociaux sont dès lors logiquement assispour une part essentielle. En 1981, lescotisations sociales représentaient dansleur ensemble – cotisations sociales ef-fectives prélevées au profit de régimesd’assurances sociales et cotisations fic-tives représentant la contre valeur desprestations sociales extra-légales verséespar les employeurs – un peu de plus de80 % des ressources de la protection so-ciale hors transferts, ce qui traduisait laprédominance des ressources d’origineprofessionnelle dans le financement dela protection sociale. En 2002, cette pré-dominance est toujours visible (graphi-que 6), mais elle s’est sensiblement ré-duite : les cotisations sociales ne repré-sentent en effet plus que les deux tiersenviron du financement global de la pro-tection sociale.

Le graphique 6 illustre de façon trèsclaire le déclin relatif de l’ensemble descotisations sociales effectives, même s’ila été plus accentué pour les cotisationssociales à la charge des employeurs, dontla part dans l’ensemble des ressources dela protection sociale – hors transferts –est passée de 45,5 % en 1981 à 37 % en2002. Ce sont les impôts et les taxes af-fectés, au sein desquels la CSG tient une

structure des ressources de la protection sociale (hors transferts)G•06

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

0 %

20 %

40 %

60 %

80 %

100 %

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Autresressources

Contributionspubliques

Impôtset taxes

CS fictives

Autres CSeffectives

CS salariés

CSemployeurs

Page 8: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

8

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

part des salaires bruts reçus par les ménages dans le PIBG•07

Source : Insee, comptes nationaux.

place prépondérante, qui se sont princi-palement substitués aux cotisations so-ciales : leur poids dans l’ensemble desressources de la protection sociale estpassé de 2 % en 1981 à 19 % en 2002.Certes, pour une part, cette expansion estintervenue en contrepartie de la contrac-tion des contributions publiques, qui cor-respondent aux versements directsqu’opère le budget de l’État à des orga-nismes de protection sociale afin de fi-nancer certaines dépenses spécifiques,comme aujourd’hui la couverture mala-die universelle (CMU). Cependant,même si l’on consolide ces deux postes,on constate sans conteste une augmenta-tion de la part du financement fiscal etbudgétaire dans l’ensemble des ressour-ces de la protection sociale : 18,5 % en1981, plus de 30 % en 2002.

Si la structure des ressources de laprotection sociale était restée la même en2002 que celle qui pouvait être observéeen 1981, les cotisations sociales seraientsupérieures de 51 milliards d’euros à leurniveau actuel (313 milliards d’euros), cequi représenterait un prélèvement supplé-mentaire de neuf points sur la masse sa-lariale. Cet ordre de grandeur – environ3 % du PIB et 10 % de l’ensemble desressources de la protection sociale – four-nit une première estimation de l’ampleurde l’impact financier global des mesuresd’allégement des charges sociales et desubstitution des impôts et taxes affectésintervenues depuis le début des années90. Cette expansion de la part des res-sources autres que les cotisations socia-les a toutefois été facilitée par la crois-sance supérieure des revenus sur lesquels

Cependant, le graphique 6 ne retracequ’une partie des évolutions de la struc-ture du financement de la protection so-ciale, dans la mesure où il ne présenteque la répartition de ces ressources horstransferts. Or, les transferts, qui corres-pondent à des flux entres régimes de pro-tection sociale, comme les flux interve-nant au titre des compensations démo-graphiques entre régimes de retraite etd’assurance maladie8, ont pris de l’im-portance avec le temps : leur poids enproportion du total des ressources (horstransferts) a presque doublé entre 1981et 2002, passant de 9,8 % à 17,6 %. Cetteévolution reflète la création au cours desannées 90 de nombreux fonds de finan-cement – Fonds de solidarité vieil-lesse (FSV), Fonds de financement de laréforme des cotisations patronales de sé-curité sociale (FOREC), Fonds de finan-cement de la CMU complémentaire,Fonds de réserve des retraites (FRR),pour ne citer que les principaux –, dontle rôle est de recevoir des ressources fis-cales et de les reverser aux régimes d’as-surances sociales afin de financer desopérations particulières de protection so-ciale – pensions non contributives pourle FSV, allégements de charges en faveurdes entreprises pour le FOREC, finance-ment de la CMU complémentaire… Ils’ensuit une complexité croissante du fi-nancement de la protection sociale dontrend compte la montée et la diversifica-tion des transferts dans les ressources dela protection sociale.

La situation financièredes administrations

de sécurité sociale a déterminéen partie le besoin

de financement de l’ensembledes administrations publiques

Ces évolutions générales décrites pré-cédemment se retrouvent de façon iné-gale dans les différents régimes. Au seindes administrations de sécurité sociale,le régime général, qui verse en 2002 un

ces ressources sont assises, relativementà celle de la masse salariale, assiette prin-cipale des cotisations sociales. Cette as-siette a progressé légèrement moins viteque l’ensemble de la richesse nationaleentre 1981 et 2002, l’essentiel de l’écartayant été acquis entre 1981 et 1989,comme en témoigne le graphique 7 quidécrit l’évolution de la part des salairesreçus par les ménages dans le PIB. Leseul effet des changements d’assiette definancement de la protection sociale peutà cet égard être estimé à 44 milliardsd’euros7.

Les régimes de protection sociale ontégalement bénéficié de contributionspubliques, c’est-à-dire de concours del’État servant, d’une part, à financer lesdépenses d’intervention sociale des pou-voirs publics (Revenu minimum d’inser-tion, Allocation aux adultes handicapés,par exemple), d’autre part, à assurerl’équilibre de certains régimes de pro-tection sociale (RATP, mines, marins,par exemple) ou organismes (Fonds na-tional de l’Habitat assurant le finance-ment des aides au logement). Au coursdes vingt années écoulées, la part de cesfinancements a reculé dans les ressour-ces de la protection sociale – de 15,8 %en 1981 à 11,4 % en 2002 des ressour-ces hors transferts –, en raison notam-ment de la diminution des subventionsd’équilibre aux régimes en fort déclindémographique. Au total, le système deprotection sociale a donc eu tendance àaccroître son autonomie financière, dis-posant de davantage de ressources pro-pres et recourant moins aux concoursfinanciers de l’État.

37 %

38 %

39 %

40 %

41 %

42 %

43 %

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

7. Pour une présentation détaillée de cetteestimation, cf Julien BECHTEL, LaurentCAUSSAT, Patrick HORUSITZKY, Chris-tian LOISY, « Les comptes de la protectionsociale 1981-2002 », Dossiers Solidarité-Santé, n°4, Drees, octobre-décembre 2003.

Page 9: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

9

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

peu plus de la moitié des prestations deprotection sociale, a connu une légère ex-tension, à un rythme régulier, de son im-portance dans l’ensemble des régimes, àla faveur notamment des progrès conti-nus de la salarisation de la populationactive (graphique 8). Les régimes com-plémentaires et mutualistes sont en revan-che caractérisés par des évolutions par-ticulières. Ces régimes connaissent sur lapériode une progression sensible de leurimportance relative, en particulier dansles années 80, et qui correspond selon

toute vraisemblance au développementdes retraites complémentaires dans l’en-semble des secteurs d’activité et des pro-fessions, notamment non salariées. Elletraduit aussi le développement de la cou-verture complémentaire maladie, qui acompensé le léger retrait dans la décen-nie 80 de la part des dépenses de santéfaisant l’objet d’une prise en charge pu-blique (cf. infra).

Durant ces vingt-deux dernières an-nées, les administrations de sécurité so-ciale ont dégagé pendant une courte ma-jorité d’exercices une capacité de finan-cement permettant de diminuer de quel-ques dixièmes de points le déficit de l’en-semble des administrations publiques9.Elles ont au contraire contribué à accen-tuer ce déficit dans les périodes qui ontimmédiatement précédé et suivi les ré-formes majeures du financement des ré-gimes sociaux intervenues entre 1991 et1998, ainsi qu’en 2002 (graphique 9).

Cet équilibre financier global des ad-ministrations de sécurité sociale au cours

de l’ensemble de la période 1981-2002mérite cependant d’être examiné de plusprès. Il faut en effet vérifier qu’il ne s’estpas accompagné d’un accroissement destransferts versés par le budget de l’Étatinduisant des besoins de financementsupplémentaires des administrations pu-bliques dans leur ensemble. Tel ne sem-ble cependant pas être le cas : sur l’en-semble de la période, la part des ressour-ces propres – cotisations sociales et im-pôts et taxes affectés – est restée stable :77,8 % des ressources y compris trans-ferts en 2002, contre 78,5 % en 1981. Lapart des contributions publiques a forte-ment diminué, de 9 % à 3 %, tandis queles transferts reçus ont progressé à dueconcurrence. Au total, les transferts ontdonc compensé la diminution relative descontributions publiques, et les adminis-trations de sécurité sociale paraissentavoir réalisé l’équilibre financier globalobtenu sur les vingt dernières années sansavoir sollicité un surcroît de concours del’État.

8. Ces transferts sont donc par constructionde somme nulle sur l’ensemble des régimesde protection sociale.

9. Jérémi MONTORNES, Sophie RAMA-DIER, Lisa FRATACCI, AngéliqueBERQUEZ, Emmanuel ROUSSELOT, « Lescomptes des administrations publiques en2002 : le déficit public dépasse 3 % du pro-duit intérieur brut », Insee Première, n° 895,Insee, avril 2003.

structure par régimes des prestations de protection socialeG•08

Source : Drees, comptes de la protection sociale.

0 %

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

60 %

70 %

80 %

90 %

100 %

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Institutionssans but lucratif

Régimes d'interventionsociale des pouvoirspublicsMutuelles, IRS

Régimes d'employeurs

Autres régimesde non salariés

Exploitants agricoles

Régimescomplémentairesde salariésAutres régimesparticuliersde salariésSalariés agricoles

Fonds

Indemnisationdu chômage

Régime général

Page 10: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

10

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

contribution du solde des administrations de sécurité socialeau solde des administrations publiquesG

•09

Source : Insee, Comptes nationaux.

% du PIB

-0,30,30,5-0,1

-0,4-0,4

-0,7-0,5

-0,9-0,20,10,40,30,3

-0,30,50,70,90,40,3

-0,40,3

-3,1

-1,5-1,4-1,8

-2,7-3,0

-2,2-2,9

-2,8-2,8

-3,0-3,2

-2,0-2,5

-1,8-2,1-2,4

-4,2

-6,0-5,5

-5,5

-4,1

-8-7

-6-5

-4-3-2

-10

12

part des régimes privés dans l'ensemble des prestations socialesG•10

Source : Drees, rétropolation des comptes de la protection sociale.

0 %

1 %

2 %

3 %4 %

5 %

6 %

7 %

8 %

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Si, en France, ce sont essentiellementdes dispositifs publics qui assurent l’es-sentiel de la couverture de ces risques,tel n’est pas le cas dans de nombreuxautres pays développés. L’extension duchamp de la protection sociale pris encompte à certains régimes privés permetla comparaison des dépenses totales en-gagées à des fins de protection socialepar les différents pays, en particuliereuropéens. N’y sont toutefois pas inclusles dispositifs purement assurantiels,c’est-à-dire souscrits à titre individuel etfaisant l’objet d’une tarification selon les

risques sans mécanisme collectif demutualisation.

Dans les comptes de la protectionsociale, deux catégories de régimes sontparticulièrement représentatifs de la con-tribution de ces régimes privés à la cou-verture des risques sociaux. Il s’agitd’une part des « régimes d’employeurs »,dont le rôle est de verser aux salariés desavantages sociaux extra-légaux, instituésle plus souvent dans le cadre d’accordscollectifs : il peut s’agir de couverturesmaladie, invalidité ou décès, de presta-tions familiales, d’indemnités de licen-ciement, ou encore de préretraites.D’autre part, entrent également dans lechamp de la protection sociale ainsi dé-fini les régimes mutualistes, de pré-voyance et de retraite supplémentaire, quiassurent le versement de prestations so-ciales complémentaires, essentiellementen matière de maladie, invalidité et re-traite.

Globalement, la part des organismesprivés – soit l’ensemble formé par lesrégimes d’employeurs et les régimesmutualistes, de prévoyance et de retraitesupplémentaire – dans l’ensemble desprestations sociales versées aux ménagesa progressé d’un peu plus d’un point en-tre 1981 et 2002, passant de 6,5 % à7,8 % (graphique 10). Cette évolution autotal limitée recouvre cependant des dis-parités importantes selon les catégoriesde régimes considérées : en effet, si lapart des prestations sociales versées parles régimes d’employeurs a diminué d’unpoint en vingt ans, celle des organismesmutualistes, de prévoyance et de retraitesupplémentaire a elle progressé de deuxpoints.

Ces tendances confirment des évolu-tions pour parties anciennes : la lente éro-sion de la négociation collective dans ledomaine de la prévoyance et de la cou-verture sociale complémentaire d’entre-prise, malgré une stabilisation à partir dumilieu des années 90, du nombre d’ac-cords interprofessionnels et de brancheportant sur ces thèmes10 ; la progressionrégulière de la population bénéficiant

L’essor de la protectionsociale facultative

L’intérêt du compte de la protectionsociale est qu’il retrace non seulementles prestations versées aux ménages parles régimes de protection sociale, ou parl’ensemble des administrations publi-ques – incluant les dépenses socialessupportées par le budget de l’Etat et descollectivités locales –, mais égalementles dispositifs de couverture des risquessociaux organisés dans le cadre de régi-mes privés.

Solde des administrations publiquesSolde des administrations de sécurité sociale

Mutuelles, institutions de pévoyance et de retraite supplémentaireRégimes d'employeurs

10. Laurent CAUSSAT, « L’essor de la pro-tection sociale complémentaire », Donnéessociales, Insee, 1996.Ministère des Affaires sociales, du travail etde la solidarité, « La négociation collectiveen 2002 », Éditions législatives, juin 2003.

Page 11: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

11

VINGT ANS DE COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE EN FRANCEUNE RÉTROPOLATION DE 1981 À 2002

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

d’une couverture complémentaire mala-die, dont la part est passée de 77 % en1980 à plus de 90 % en 200011. La mon-tée en puissance des mutuelles et des ins-titutions de prévoyance et de retraite sup-plémentaire a toutefois été particulière-ment notable pendant les années 80. Pen-dant cette période, la part des dépensesde santé prises en charge par la sécurité

11. Laurence AUVRAY, Sylvie DUMESNIL, Philippe LE FUR, « Santé, soins et protection sociale en 2000 », rapport n° 1364, CREDES,décembre 2001

12. Laurent CAUSSAT, Annie FÉNINA, Yves GEFFROY, « Quarante années de dépenses de santé : une rétropolation des comptes de lasanté de 1960 à 2001 », Études et Résultats, n° 243, Drees, juin 2003.

sociale a connu une diminution relative,passant de 78 % en 1980 à 76 % en 199012

et de 72 % à 65 % pour les seuls soinsambulatoires. A l’inverse, la stabilisationde la prise en charge publique des dé-penses de santé à partir des années 90 sereflète dans les comptes de la protectionsociale, qui montrent une progressionmodeste de la part des mutuelles et insti-

tutions de prévoyance ou de retraite sup-plémentaire, liée à l’augmentationtendancielle de la part de la populationcouverte par un dispositif d’assurancemaladie complémentaire. Le léger re-bond observé en 2000 et en 2001 peuts’expliquer par la création de la couver-ture maladie universelle complémen-taire (CMUC).

Page 12: de la protection sociale en Francementé de plus de quatre points. En part du revenu disponible ajusté des ménages, la progression des prestations de protection sociale est encore

ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 278 • décembre 2003

Directrice de la publication : Mireille ELBAUM • Rédactrice en chef technique : Anne EVANS • Conseiller technique : Gilbert ROTBART •Secrétaires de rédaction : Marie-Hélène BELLEGOU, Catherine DEMAISON • Mise en page : Thierry BETTY •

Impression : AIT du ministère de la Santé, de la famille et des personnes handicapéesInternet : www.sante.gouv.fr/htm/publication

Reproduction autorisée sous réserve de la mention des sources - ISSN 1146-9129 - CPPAP 0506 B 05791

les publicationsde la

Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidaritéMinistère de la Santé, de la famille et des personnes handicapées

11, place des Cinq martyrs du Lycée Buffon75696 Paris cedex 14

Pour toute information sur nos publications récentes :Internet : www.sante.gouv.fr/htm/publication

Tél. : 01 40 56 81 24■■■■■

● un hebdomadaire :

Études et Résultatsconsultable sur Internet

abonnement gratuit à souscrire auprès de la DREEStélécopie : 01 40 56 80 38

www.sante.gouv.fr/htm/publication

● deux revues trimestrielles :

Revue française des affaires socialesrevue thématique

dernier numéro paru :« Recomposer l’offre hospitalière »

no 3, juillet-septembre 2003

Dossiers Solidarité et Santérevue thématique

dernier numéro paru :« Des comptes de la santé par pathologie : un prototype pour l’année 1998 », n° 2, avril-juin 2003

● des ouvrages annuels :

Données sur la situation sanitaire et sociale en FranceComptes nationaux de la santé

Comptes de la protection sociale

● et aussi...

Chiffres repères sur la protection socialedans les pays de l'Union européenne

STATISS, les régions françaisesRésumé des informations disponibles dans les services statistiques des DRASS

consultable sur Internet :www.sante.gouv.fr/drees/statiss/default.htm

■■■■■Les revues et ouvrages sont diffusés par la Documentation Française

29, quai Voltaire - 75344 Paris cedex 07tél. : 01 40 15 70 00

Internet : www.ladocfrancaise.gouv.fr