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IEP de Toulouse De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le choix des égéries pour un meilleur impact publicitaire Mémoire préparé sous la direction de M. Jean Marc Décaudin Présenté par Maurane Pauli Année universitaire 2013/2014

De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

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Page 1: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

IEP de Toulouse

De l’importance d’intégrer l’effet de

surprise dans le choix des égéries pour un meilleur impact publicitaire

Mémoire préparé sous la direction de M. Jean Marc Décaudin

Présenté par Maurane Pauli

Année universitaire 2013/2014

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C’est avec une grande gratitude que je remercie Gérard Charbit et Matthias Rey pour leur

temps et leurs informations précieuses et précises.

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! 1!

SOMMAIRE

Introduction ………………………………………………………………………... p 3 I – L’émetteur : objectifs rationnels de l’utilisation par les professionnels

de la publicité d’égéries suscitant l’émotion. …………………………………………… p 14 A – Susciter l’émotion, la voie vers la mémorisation, l’affinité et le passage

à l’acte ? …………………………………………………………………………………... p 14 1) Brève histoire des effets recherchés en publicité : de la persuasion à l’acte d’achat

véritable………………………………………………………………………… p 14

2) L’utilité du recours à l’affectif pour un meilleur impact publicitaire …………. p 16

B – De la nécessité de faire incarner les marques par des égéries. ……………. p 19 1) L’endossement, une technique en constante évolution ………………................. p 19

2) Une relation win-win pour l’ensemble des protagonistes ……………………... p 21

C – L’apparition d’égéries surprenantes : vers un renouveau du genre ? …… p 25 1) De l’importance de briser les barrières de l’esprit du consommateur grâce

à des égéries inattendues …………………………………………………………………... p 25

2) Des tentatives de plus en plus fréquentes des marques à provoquer la surprise par le biais d’égéries inattendues : l’univers du luxe, pionnier en la matière ……………………. p 28

a- Louis Vuitton et Gorbatchev, campagne 2007 ………… p 28 b- Chanel N°5 et Brad Pitt, campagne octobre 2012 …….. p 29 c- Saint Laurent Paris et Miu Miu, le choc des égéries …... p 31

3) Le détournement d’image de célébrités : la surprise et la parodie au service de

marques au budget limité ………………………………………………………………….. p 32

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! 2!

II- Le récepteur : étude de la réception et de l’attitude du consommateur face à une stimulation surprenante …………………………………………………………………. p 35

A- La surprise, une émotion à part entière au centre des théories de l’affect .. p 35 1) Qu’est ce qu’une émotion ? ……………………………………………………. p 36 2) la surprise, une émotion primaire et neutre par excellence …………………….. p 37

B - La stimulation surprenante, vecteur de réactions inconscientes chez l’individu et profitables à l’émetteur ……………………………………………………………….. p 40

1) Le cycle de l’évaluation émotionnelle : le parcours de l’émotion dans

l’inconscient……………………………………………………………………. p 40 2) La surprise, déclencheur d’une activation décuplée de la mémorisation ……... p 42 3) La dynamisation active du cerveau face à un effet de surprise ……………. p 45

B- Quels effets pour la marque ? La valeur ajoutée de l’effet de surprise.. p 48 1) Lien entre l’attitude envers l’annonce et l’attitude envers la marque ................. p 48 2) Privilégier la surprise positive, une pensée trop limitée ? ……………………... p 50

Conclusion ………………………………………………………………………... p 55 Bibliographie ……………………………………………………………………... p 60 Annexes …………………………………………………………………………… p 65

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! 3!

INTRODUCTION

La multiplication des recours aux égéries dans la publicité est étonnante : en 2000,

25% des publicités américaines utilisent une star, autrement dit les célébrités font déjà parties

d’une publicité sur quatre1. Si la tendance, apparue dès le début du XXe siècle, n’a pas fait

consensus au départ malgré des leaders d’opinion très favorables2, il est clair que c’est

aujourd’hui un outil marketing des plus utilisés, certaines agences de communication se

spécialisant dans la recherche d’ambassadeurs célèbres comme Brand and Celebrities. Par leur

diversité, l’évolution de leurs caractéristiques et leur nombre en constante augmentation, les

célébrités font de plus en plus l’objet d’une attention particulière de la part des marques.

L’explication provient essentiellement du fait que les cibles ne réagissent plus aujourd’hui de

manière aussi homogène et automatique que par le passé. Les études de consommateurs et la

segmentation toujours plus poussée des cibles marketing tendent à montrer que les stéréotypes

sont de moins en moins discernables aujourd’hui. Le consommateur est multi-facettes et il

devient de plus en plus ardu – et c’est même une grave erreur – de vouloir parler à un seul et

même public pour une marque ou un produit. Cet univers hétérogène implique de concevoir

des stratégies publicitaires toujours plus innovantes afin d’attirer l’œil d’un consommateur

perdu, blasé et bombardé de sollicitations. Selon les différentes estimations, notre esprit reçoit

plus de 3000 images commerciales par jour, notre subconscient en absorbe 150 et seulement

30 trouvent leur chemin vers notre mémoire3.

Si le choix d’une égérie pour les marques est une solution des plus bénéfiques et

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!SHIMP Terence cité par JAOUED-ABASSI Leyla, « Endossement par les Célébrité en Publicité », 2006, Université d’Aix-Marseille, p.3.!!2!AINSWORTH Howard, « More Than Just a Passing Fancy », in Advertising Age, Dossier spécial « Célébrités et publicité », Session 2, Juillet 1979. YOSHIHARA Nancy, « Advertising Success ? It’s in the Stars », in Los Angeles Times, 12 février 1981.!!3!CRUTCHFIELD Dean, « Celebrity Endorsement Still Push Product », in Ad Age.fr, 22 septembre 2010. !

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! 4!

s’apparente à une collaboration win-win, l’homogénéisation de ce type de stratégie rend cette

technique de plus en plus banale et attendue4. Il est essentiel pour les marques de penser le

celebrity marketing selon une nouvelle approche pour conserver l’impact prouvé et attendu de

cette technique sans pour autant lasser le public. De nombreux points de vus ont été apportés

sur la question : études de l’impact sur le consommateur, différents modèles de persuasion

publicitaire grâce aux celebrity marketing, enquêtes démographiques ou essais mettant en

avant les problématiques d’impact par genre5. Plus récemment, Fleck-Dousteyssier et Korchia6

rendaient public une thèse affirmant l’importance de la congruence dans le choix d’une égérie

publicitaire. Ces différentes publications ont pour point commun l’effet positif d’une telle

stratégie sur le consommateur et tendent à prouver le bénéfice pour les marques à utiliser – en

suivant certaines règles de base – une égérie. Le sujet des égéries publicitaires a donc été

particulièrement parcouru par les marketeurs, sociologues et professionnels de la

communication. Néanmoins, la banalisation de cette technique et la tendance des stars à

incarner en même temps de nombreuses marques remettent en cause son effectivité et son

impact sur le public. Il paraît nécessaire de repenser la stratégie du celebrity marketing afin de

retrouver l’essence première de cet outil: surprendre par son originalité et faire rêver les

consommateurs.

Un exemple récent7 fait pourtant exception et semble impulser un nouveau départ à

l’endossement tel que nous le connaissons. Le 10 octobre 2012, la presse française tout

domaine confondu relate le ‘coup’ orchestré par la maison Chanel pour l’un de ses produits

phares : le N°5, parfum olfactivement et physiquement reconnaissable par tous. La marque

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!4!A la question « Une égérie, est-ce important pour vous » posée par une bloggeuse et sur 1038 répondants, 23,41% répondent « j’en ai marre de ces people qui représentent des marques » et 58% répondent « ce n’est pas pour ça que je vais acheter un produit ». Voir Annexe 1. 5!PHANG Grace et DE RUN Ernest, « Celebrity Endorser and Respondents Gender : Its Impact on Company, Behavioral and Attitudinal Variables », Malaysia, 2007. !6!FLECK-DOUSTEYSSIER Nathalie et KORCHIA Michaël, « Les Célébrités dans la Publicité : le Rôle de la Congruence », Nantes, Mai 2012. !7!Toutes les campagnes et annonces citées sont listées par ordre chronologique d’apparition dans ce mémoire en Annexe 9.!

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! 5!

décidait en effet de placer l’acteur Brad Pitt en tant qu’égérie de ce parfum féminin, tour à tour

incarné par Catherine Deneuve, Nicole Kidman, Vanessa Paradis ou Audrey Tautou. Choisir

une célébrité masculine, symbole viril par excellence pour l’opinion publique, pour

représenter l’un des parfums féminins les plus connus au monde était pour la marque une

volonté de se différencier des concurrents ayant tous recours à des stars plus jeunes, féminines

et modernes les unes que les autres. Depuis 2011, le parfum mythique créé en 1921 perd sa

première place historique au profit de Dior J’adore, et de nouveaux entrants très compétitifs

font quotidiennement leur apparition8. L’incipit de l’article de 20 Minutes9 relate ainsi

« L’audace dans la tradition » de cette stratégie, tandis que The Guardian10 titre « Un parfum

de désastre » et soutient le non sens d’une telle association. Le Nouvel Obs11 fait part quand à

lui d’un « résultat […] pas très probant ». Les réactions s’avèrent mitigées mais de la presse

féminine aux journaux d’actualité, personne ne s’abstient de commenter. A une époque où les

égéries – nouvelles venues sur la scène médiatique ou au contraire usées par de nombreuses

associations avec les marques – ne font plus la une depuis longtemps, Chanel réussit à faire

couler de l’encre à propos de son imprévisible ambassadeur.

L’imprévisibilité, la surprise, l’inattendu, c’est ce qui a porté la campagne Chanel N°5

et contribué à faire de cette association un coup médiatique. Mais en est-il de même au niveau

de l’influence sur le consommateur ? Le choix d’une égérie masculine pour ce produit

éminemment sensuel et féminin est tout à fait surprenant et original. Ce qui est original – « qui

est unique en son genre, qui ne paraît s’inspirer de rien d’antérieur »12 – est donc novateur. Si

généralement, la nouveauté est source d’attention de la part du public, peut-elle contribuer à

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!8 COSMOPOLITAN, « Top 10 des Parfums pour Femme les Plus Vendus », in Cosmopolitan.fr, 28 Mai 2014. 9!DEMOULIN Anne « Pourquoi Chanel a Choisi Brad Pitt Comme Egérie de N°5 », in 20minutes.fr, 17 octobre 2012. !10!HERITAGE Stuart, « Brad Pitt’s Chanel No 5 Ad : the Smell of Disaster », in Fashion blog, in The Guardian.com, 16 octobre 2012. !11!PARLANTI Caroline, « Brad Pitt, Egérie de Chanel N°5 : la Pub ne Réussit Pas à l’Acteur », in Le Plus, in Nouvelobs.com, 15 octobre 2012. !12!Définition issue de Larousse.fr!

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! 6!

l’impact sur le comportement du consommateur tant au niveau de la mémorisation, de

l’assimilation ou même de la transformation en acte d’achat ? La surprise, comprise dans

l’imaginaire commun comme étant positive ou négative, semble aujourd’hui être un levier de

communication privilégié chez les marques. On note aujourd’hui une augmentation fulgurante

du nombre de caméras cachées et l’apparition du marketing de la peur dit ‘ExFEARential’,

cherchant à surprendre le prospect et jouer sur la surprise négative pour la transformer en

action positive13.

Revenons tout d’abord à la base de la technique du celebrity marketing. La notion de

star à l’époque de l’émergence des égéries repose essentiellement sur les actrices

hollywoodiennes. Ainsi, une star est une actrice bien mise en avant par son producteur. Le

passage du cinéma muet au cinéma parlant nous le prouve : la vie sous les projecteurs peut

s’avérer aussi prompte à émerger que rapide à s’effacer. Il est important à ce point de la

description de faire la distinction entre une célébrité et une icône, cette dernière pouvant être

un personnage créé pour la marque - logo, mascotte - ou un des produits phares qui porte le

nom de la marque. Aujourd’hui, les stars touchent tous les domaines de la vie si tant est

qu’elle soit médiatisée - sport, télévision, chanson, monde des affaires, politique, design,

cuisine etc. Pour Paul Lafitte « la célébrité, c’est un nom imprimé cent fois » 14 . La

‘surmédiatisation’ est une des composantes de la célébrité de nos jours. Selon Jean-Noël

Kapferer, qui appuie derechef cette définition, la star a deux devoirs vis à vis de son public : la

« permanence dans les vertus qui l’ont fait élire » et un « devoir d’exhibition dosée »15. Ce

second devoir implique un savant travail de mise en avant dans la vie publique. Car, il faut

savoir s’entretenir dans l’esprit du public et jouer la communication par le creux : « rester

star, c’est gérer le secret […] la transparence tue la star » nous dit encore Kapferer dans ce

même ouvrage. Un récent article publiait l’évolution des photos des stars et mettait en lumière

l’impression de mystère et de secret qui se dégageait des photos des années 20, remplacée !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!13!V. Antoine, « ExFEARential, le Marketing de la Peur », in La Reclame.fr, Novembre 2013 !14!LAFITTE Paul, Jéroboam, ou la Finance Sans Méningite, Paris, La Sirène, 1920. !15!KAPFERER Jean-Noël, Rumeurs, le Plus Vieux Média du Monde, Paris, Editions SEUIL, 1987. !

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! 7!

depuis une dizaine d’année par des clichés ultraréalistes ou d’autodérision afin séduire le

public actuel16. Qui du public ou de la star a désacralisé la célébrité ? La star est moins l’objet

de fantasme modelé sur mesure qu’elle pouvait l’être au début du siècle, mais le

consommateur a également demandé la descente des célébrités de leur piédestal. La star s’est

émancipée de l’image sur papier glacé qu’on lui attribuait, et le public – preuve faite du

nombre de magazines dits « people » - est en demande constante d’une approche plus humaine

des célébrités. Les stars doivent être vues comme des individus ordinaires et rien ne semble

plus plaisant pour le public que d’observer les célébrités dans la vie de tous les jours. Un

acteur comme Bill Murray, idole d’une communauté internationale a ainsi fortifié sa notoriété

grâce à sa capacité à descendre dans la rue et rencontrer des inconnus. De nombreux sites

référencent ses exploits à la limite entre le fait authentique et la farce17. Impossible de dire

réellement qui des stars ou du public a décidé de faire des célébrités des ‘girls’ ou ‘boys next

door’, toujours est-il que l’aura de mystère n’est plus aussi grande autour de leur personne.

Comment dès lors expliquer que ces célébrités, de plus en plus proches de l’ordinaire

voir humanisées, soient pourtant choisies en tant qu’égéries pour faire fantasmer un public et

augmenter les ventes grâce à l’attraction que propage leur image d’inaccessibilité ? Sans aller

dire que « la star est une marchandise totale »18, l’une de ses caractéristiques première est de

bénéficier d’influence – augmentée en ce début de XXIe siècle avec la puissance des réseaux

sociaux. Shakira remporte d’ailleurs la palme du nombre de followers sur Twitter avec 124

millions d’abonnés19. En comparaison, une marque comme Coca-Cola n’en compte qu’un peu

plus de 2,5 millions au mois de Juillet 2014. Une seconde explication viendrait du besoin de

globaliser la communication d’une marque. Rien de tel qu’une star mondialement connue pour

représenter la marque sur tous les continents. Le public lui-même est demandeur de ce genre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!16!ISRAEL Jean-Christophe, « L’évolution sur un Siècle des Photos d’Actrices », in Konbini.com, 4 juillet 2014. 17!http://bit.ly/1dbVZje : exemple de site reprenant les exploits et farces de Bill Murray. !18!MORIN Edgar, Les Stars, Paris, Editions du SEUIL, 1957, p.120 !19!PASTEZEUR Céline, « Shakira, Beyonce, Cristiano Ronaldo, Qui Est l’Egérie Publicitaire la Plus Populaire Sur les Réseaux Sociaux ? », in Airofmelty.com, juin 2014. !

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! 8!

d’association commerciale : 6 jeunes entre 13 et 34 ans sur 10 aimeraient que leur artiste

favori fasse partie d’une campagne de marque 20 . Enfin, la vie des célébrités étant

quotidiennement suivie par la presse, une marque peut bénéficier de retombées médiatiques

plus larges grâce aux relations presse et publiques ou aux événements effectués en présence de

la star. Les raisons diffèrent, mais les marques ont tout intérêt à faire appel à des ambassadeurs

reconnus pour s’approprier le pouvoir d’influence et donc d’impact de ses célébrités : c’est ce

qui est communément appelé dans le milieu de la communication le celebrity marketing ou

l’endossement. Mc Cracken définit le processus tel quel : « Une célébrité porte-parole d’une

marque peut être définie comme un individu qui est connu du public et qui utilise cette

reconnaissance pour promouvoir un produit en apparaissant avec celui-ci dans une

publicité »21.

La revue de l’art en matière d’endossement est particulièrement large et fournie en

référence. Développer les différents modèles existants selon le plan de Fleck-Dousteyssier

paraît le plus logique et pertinent car il permet de reprendre chronologiquement l’évolution

des stars conjointement à celui de l’endossement publicitaire. Le premier, modèle

d’attractivité de la source – ou égérie – favorise l’aspect physique et charismatique de la

célébrité. Elle repose sur trois fondamentaux décrits par Mc Guire à savoir : « similarity »,

« familiarity » et « liking ». La première reprend la nécessité d’une ressemblance avec la cible

réceptrice du message. La seconde implique un besoin de notoriété de la star qui doit être déjà

connue du public. Enfin l’aspect appréciation de l’égérie repose sur son charisme physique

mais également psychique dans lesquels on entend sa personnalité, son style de vie, ou son

apparence. Comme expliqué par l’anthropologue Hubert dans un article pour

Psychologie.com, « la beauté humaine, féminine en particulier, est un mélange subtil où le

mouvement, la personnalité, la voix fusionnent de façon harmonieuse. La forme purement

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!20!Annexe 2 : Capture d’écran du site Airofmelty.com 21!MC CRACKEN Grant, « Who is the Celebrity Endorser ? Cultural Foundations of the Endorsement Process », in Journal of Consumer Research, décembre 1989, Volume 16, N°3, pp. 310-321. !

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! 9!

plastique est insuffisante »22. Ce modèle s’applique parfaitement aux célébrités des années 50

telles que Marylin Monroe, véritable mythe du point de vue de son physique et de son

caractère, imitée par de nombreuses femmes. L’attitude et l’apparence physique attractives

d’une égérie sont des critères de base qui permettent presque immédiatement de générer des

intentions d’achat plus élevées que lorsque l’égérie n’est pas attractive. Mais cette

appréciation très cognitive n’est pas forcément positive en terme d’achat véritable et

l’attractivité n’influence pas de manière instantanée le conatif23.

Le modèle de la crédibilité de la source est à mettre en étroite relation avec l’apparition

d’ambassadeurs de marque dits ‘experts’ sur leur sujet tels que les sportifs ou même les

cuisiniers. Il est construit à partir de deux fondamentaux : l’expertise et l’honnêteté.

L’expertise est une notion de perception plus qu’un fait réel24. Ce qui rend le modèle effectif

est le fait que le public perçoive l’ambassadeur comme un individu de référence sur le sujet :

qu’il possède un certain niveau de connaissances ou un savoir-faire qui lui permette de

recommander un produit ou une marque. L’honnêteté ou loyauté concerne la confiance que

place ou non le public en la personne de l’égérie et de son discours. Comme Shimp le décrit, si

le public perçoit la source comme simplement motivée par son propre intérêt – le cachet ou

l’image qu’elle-même en retire – elle s’avèrera moins persuasive. Les études montrent qu’un

message attribué à une source crédible sur le court terme sera autrement plus efficace pour

faire changer l’opinion du destinataire en faveur de la position qu’elle défend que si la source

était peu crédible25, conclusion également partagée par les auteurs référents sur ce modèle :

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!22!SENK Pascale, « Se Sentir Beau Malgré les Normes », in Psychologie.com, juin 2005. !23!ERDOGAN Zafer, « Celebrity Endorsement : a Litterature Review », in Journal of Marketing Management, 1999, Volume 15, Issue 4, pp.300-301. !24!SHIMP Terrence & ANDREWS Craig J., « Advertising Promotion and Other Aspects of Integrated Marketing Communication », 9ème édition, South Western Cengage Learning, USA, 2010, pp.292-293. !25!RENARD Elise & ROUSSIAU Nicolas, « Transformation des Représentations Sociales et Persuasion (modèle ELM) : les Effets de la Crédibilité de la Source », in Bulletin de Psychologie N°489, 2007, CAIRN, Groupe d’étude de psychologie, p. 92. !

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! 10!

Hovland et Weiss. Selon ces derniers, cet effet disparaît en revanche sur le long terme, dû à un

effet d’assoupissement ou « sleeper effect ». Ainsi avec le temps, un individu oubliera la

source moins crédible et ne se focalisera que sur le message pour en accepter la position tandis

qu’avec une source crédible le public a tendance à laisser le message de côté pour ne

conserver que l’image de l’égérie. Il y a donc un risque de changement de position avec une

égérie crédible sur le long terme26.

Le modèle du transfert de sens – « the meaning transfer models » - est développé

principalement par Mc Cracken27. C’est un processus culturel qui donne une plus grande

importance aux significations et à la symbolique de l’endosseur. Le processus comprend trois

étapes : la formation ou la compréhension du sens, de l’image de la célébrité ; ensuite le

transfert de cette signification sur le produit et enfin un second transfert du produit au

consommateur. Lors de la seconde phase, le produit se retrouve façonné, modelé par le sens

apporté par la célébrité. La dernière phase suppose que le consommateur reconnaisse les

propriétés symboliques apportées au produit et les transforme en significations pour lui-même.

D’après Mc Cracken, cette étape demande un certain effort de la part du consommateur qui

doit prendre possession de la signification et se l’approprier. Le transfert de sens est un rituel

social en ceci qu’il implique réflexion, manipulation et appropriation d’images culturelles. Ce

modèle est intéressant à mettre en relation avec les marques ayant cassé le contrat qu’ils

avaient avec une égérie. Prenons l’exemple de Kate Moss, qui, à l’époque de ‘Cocaïne Kate’

voit les grandes marques de luxe rompre leurs contrats avec elle. Ce n’est ni son physique ni

son charisme qui sont remis en cause mais bien la signification et l’image qu’elle transmet à

cette époque et qui ne doit pas être relayée sur les marques qu’elle incarne.

Le modèle de la congruence vient conclure l’état de l’art du celebrity marketing. Fleck-

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!26!HOVLAND Carl I. & WEISS Walter, « The Influence of Source Credibility on Communication Effectiveness », in Public Opinion Quarterly, 1951, N°15, pp.635-650. !27!MC CRACKEN Grant, « Who is the Celebrity Endorser ?Cultural Foundations of the Endorsement Process », in Journal of Consumer Research, décembre 1989, Volume 16, N°3, pp. 310-321. !

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! 11!

Dousteyssier nous en donne une définition tirée des auteurs Misra et Beatty : la congruence est

« le fait que les caractéristiques très pertinentes du porte-parole soient cohérentes avec les

attributs très pertinents de la marque »28. La célébrité doit être en phase avec le produit

qu’elle représente et c’est le degré de perception déterminé par la pertinence et l’aspect

attendu qui va définir si le couple – célébrité et produit – sera adéquat. Il faut alors concevoir

un lien logique entre eux pour que l’endossement soit réussi. Lien logique du point de vue

d’une « identification claire du thème ou du message communiqué » avec la célébrité, mais

également du point de vue de la prédétermination d’un schéma attendu. La congruence est

ainsi un concept bidimensionnel et une égérie est supposée efficace pour incarner un produit

dans le cas d’une incongruence modérée.

Il est intéressant de supposer que c’est le caractère inattendu de l’égérie qui peut

enjoindre le besoin ou donner envie au consommateur de traiter l’information de manière plus

productive. Peu de travaux sont actuellement disponibles sur l’étude de l’effet de la surprise

sur le consommateur que ce soit en marketing ou en psychologie. Il est communément admis

en recherche sur les différents états affectifs, que la surprise – tout comme la peur – sont des

émotions chocs. Elles se caractérisent par la brièveté de leur intensité, sont difficiles à masquer

et constituent les réactions les plus affectives. Les émotions sont, de cette manière, des sous-

catégories de l’affect29. Elles sont, selon Derbaix et Poncin, des « réponses rapides de

l’organisme suite à des circonstances inhabituelles de l’environnement » et se manifestent

dans la sphère publique par des manifestations physiologiques, comportementales et

expérientielles30. Une émotion telle que la surprise dans la publicité peut-elle être la base d’un

comportement affectif et d’une réponse comportementale d’achat ? Comme le rappelle

Vanhamme dans son ouvrage de référence, l’émotion ‘surprise’ n’a pas encore été adaptée

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!28!FLECK-DOUSTEYSSIER Nathalie et KORCHIA Michaël, « Les Célébrités dans la Publicité : le Rôle de la Congruence », Nantes, Mai 2012, 26 pages. !29!DERBAIX C. & PHAM M.T, « Pour un Développement des Mesures de l’Affectif en Marketing, Synthèse des Prérequis », in Recherche et Application en Marketing, 1989, Vol 4, N° 4, pp. 71-87. !30!DERBAIX C., PONCIN I., « La Mesure des Réactions Affectives en Marketing : Evaluation des Principaux Outils », in Recherche et Applications en Marketing, 2005, Vol 20, N° 2, pp. 55-75. !

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! 12!

dans un contexte de consommation ou d’achat31. La littérature étant pauvre à cet égard, il est

d’autant plus important de s’intéresser à ce vide laissé par les auteurs.

A l’heure où la publicité et le recours aux égéries se banalisent, il est capital de se

demander si un électrochoc tel que l’effet de surprise peut être un élément déclencheur de

mémorisation appuyée, d’affection renforcée ou même d’un passage à l’acte plus efficace. En

d’autres termes : une égérie publicitaire surprenante est-elle vecteur d’une attention plus

particulière pour le consommateur menant à un état conatif plus effectif et serait-ce la

prochaine étape à franchir pour les marques en matière d’endossement ?

Dans le cadre de cette recherche, des interviews de publicitaires reconnus et aguerris

aux techniques d’endossements seront apportées de même qu’un étude plus approfondie de la

psychologie des consommateurs et de la définition de la surprise. Comme dit précédemment, il

n’existe que peu d’ouvrages concernant le comportement du consommateur et ses réactions

face à un stimuli tel que la surprise. Les articles et publications de Vanhamme ne sont

malheureusement pas disponibles ou consultables entièrement depuis la France ce qui prive

cette étude de certaines bases fondamentales. En revanche, la psychologie fournit un ensemble

considérable d’idées sur l’inattendu et son influence sur le cerveau. Les sources et extraits

travaillés dans cette étude sont donc à la fois littéraires et issus d’entretiens semi-directifs avec

des personnalités contemporaines. Il paraît en effet essentiel de recentrer cette recherche sur

un terrain plus actuel afin de ne pas tomber dans le déjà-vu et pour proposer une nouvelle

approche de la question ; de nombreuses théories d’endossement ayant déjà été publiées tout

au long du XXe siècle. Grâce à ce territoire employant théories empiriques et observations

contemporaines, il sera possible de vérifier si les publicitaires ont intérêt à capitaliser sur la

surprise dans le choix de leurs égéries, ce qui paraît à première vue pertinent afin de s’attribuer

l’attention du spectateur face à la surcharge médiatique des marques. Bien entendu, cette étude

comporte des limites tant au niveau de la quantité d’interviews recueillies, que de la

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!31!VANHAMME Joëlle, « La Surprise et son Influence Sur la Satisfaction des Consommateurs : le Cas de l’Expérience de Consommation / Achat », thèse présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en science de gestion, 2002, Presse Universitaires de Louvain, p. 3.

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! 13!

subjectivité de celles-ci malgré leur aspect qualitatif. Il est de même tout à fait regrettable de

ne pas avoir pu interviewer de psychologues spécialisés dans les états affectifs ou un auteur

capable de dialoguer sur le thème de la réaction du consommateur face à un stimulus

surprenant – Mme Vanhamme étant injoignable malgré de nombreuses tentatives.

L’optique de ce mémoire sera orientée selon deux parties, deux acceptations de ce que

peut être l’endossement d’une égérie. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la

vision du professionnel publicitaire, et des intérêts et objectifs à produire une publicité avec

une égérie surprenante. Puis dans un second temps, nous déplacerons le débat sur le

consommateur en étudiant ses réactions face aux émotions et plus particulièrement face au

phénomène précis de la surprise.

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! 14!

I – L’émetteur : objectifs rationnels de l’utilisation par les professionnels de la publicité d’égéries suscitant l’émotion.

Les marques au rayonnement international et aux budgets conséquents cherchent de

plus en plus à impacter le consommateur en tant que masse, sans tenir compte de leur identité

culturelle propre. Les professionnels de la communication ont toujours cherché à faire

fonctionner ce business en mettant au point des leviers censés persuader et satisfaire le plus

grand nombre de consommateurs. Afin de créer différenciation et préférence dans un univers

médiatique ultra concurrentiel et banalisé, la publicité doit aujourd’hui proposer une réelle

expérience client et engendrer des émotions chez le consommateur. Pour répondre à leurs

objectifs d’internationalisation, d’identification et de valorisation, les marques ont largement

utilisé la technique de l’endossement. La combinaison de ces deux stratégies – endossement et

émotions – peut participer au renouvellement de l’utilisation du celebrity marketing et ainsi

remettre en question la théorie communément admise de la congruence.

A – SUSCITER L’EMOTION, LA VOIE VERS LA MEMORISATION, L’AFFINITE ET LE PASSAGE A L’ACTE ?

1) Brève histoire des effets recherchés en publicité : de la persuasion à l’acte d’achat véritable.

Le succès de la publicité et son influence sur le consommateur est un sujet qui anime

bon nombre de professionnels du marketing depuis l’apparition de la réclame. Les trois

fonctions essentielles que doit assurer un spot publicitaire sont la séduction, l’information et le

changement de comportement chez le consommateur ce qui revient à chercher à persuader cet

individu. Une des définitions de la persuasion peut se formuler de cette manière : « c’est un

processus psychologique par lequel un individu est amené à modifier ses croyances ou ses

Page 17: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 15!

attitudes sous l’effet d’un message »32. On peut également ajouter une fonction à la publicité

qui serait la consolidation du positionnement de la marque afin de conserver une image stable

dans l’esprit des individus. Mais le cerveau du public ciblé ne semble pas aussi aisé à berner

comme ont tenté de le prouver certains chercheurs : la réception du message n’est en effet pas

un processus passif mais bel est bien une phase active voir proactive pour le consommateur.

L’hypothèse que Greenwald émet en 1968 suppose que l’impact persuasif d’un message serait

déterminé par les pensées que l’individu génère lui-même durant la réception. Si ces pensées

sont positives, le message sera accepté, tandis que dans le cas contraire il sera rejeté. La

publicité n’a d’intérêt propre que si elle parvient à atteindre son public et à modifier la

perception de la marque. Le modèle défini par McGuire en 1976 implique une succession de

six étapes entre la diffusion du message par l’émetteur et la recherche de persuasion du

récepteur à l’autre bout de la chaîne. Les étapes – exposition, attention, compréhension,

acceptation et changement d’attitude, mémorisation et comportement sur la base de l’attitude –

ne doivent pas être interrompues si l’on veut observer les effets attendus sur le consommateur,

à savoir le changement de comportement. Dans certains cas, l’utilité de la publicité se mesure

au degré de passage à l’acte – ou acte d’achat – du consommateur dans un objectif purement

marketing : la publicité doit faire vendre. Une hiérarchie des effets avait alors vu le jour grâce

à Lewis en 1898 avec le modèle AIDA – Attention, Interest, Desire, Action – préconisant une

relation de cause à effet du cognitif au conatif33. Selon ce modèle, le consommateur passerait

d’un état de connaissance de la marque, à une phase d’intérêt, puis de préférence avant de

parvenir à un acte d’achat véritable. Il est question du changement du regard que le

consommateur porte à la marque afin de générer un changement d’attitude, finalisé par un

changement de comportement.

Ce processus est fortement remis en cause aujourd’hui compte tenu de la notoriété déjà

acquise de certaines marques et des problématiques moins marketing de celles-ci. Il est ainsi !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!32!LENORMAND Patrice, « Comment déjouer les influences ? Comment générer la résistance », in Humanisme, Aout 2010, No. 289, p 31. !33!Annexe 3 : le modèle AIDA (1998), issu de NGUYEN Nhoang Sinh Ma « The Hierarchy model of Advertising effects : a debate », Ho Chi Minh Open University, 2013. !

Page 18: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 16!

légitime de s’interroger sur l’existence et sur la pertinence de relations entre le cognitif,

l’affectif et le conatif. Une marque comme Shell n’a plus besoin de traiter le cognitif ni le

conatif mais fait bien face à un déficit d’image positive, tandis que Coca-Cola, l’une des

marques les plus aimée au monde (14ème selon le classement APCO Worldwide de 2013)

continue de communiquer majoritairement pour maintenir la présence à l’esprit. Dans un cas

comme dans l’autre, nul besoin réel de vendre, l’objectif varie de fait de plus en plus selon les

problématiques particulières des marques. Les effets causés par la publicité sur le

consommateur sont eux aussi remis en question dans leur efficacité. Il est admis que la

distribution, le merchandising et même le packaging ont un poids avéré – si ce n’est supérieur

à la publicité – dans l’acte d’achat chez le consommateur. Enfin, la surenchère publicitaire et

le recours à l’originalité créative pour se différencier des concurrents ne permettent pas

toujours de proposer un message clair et compréhensible pour le public. La publicité est

parfois considérée comme illusoire : elle ne prendrait pas en compte les spécificités de la

compréhension du public ni son parcours après avoir visionnée la publicité – temps entre le

visionnage et l’acte d’achat. L’enjeu ultime pour les publicitaires serait donc de redonner sa

prestance et son influence à la publicité. Pour ce faire, il leur faut trouver un moyen de court-

circuiter les fonctionnements normaux et basiques employés habituellement afin de prendre

une place durable dans le cerveau d’un consommateur passif et contrecarrer les techniques de

communication commerciales banalisées. Dans ce nouveau contexte, ce sont les émotions qui

peuvent porter les valeurs de la marque et les cristalliser dans l’esprit du consommateur.

2) L’utilité du recours à l’affectif pour un meilleur impact publicitaire

Des études menées dans les années 90 tendent à démontrer que le meilleur vecteur

d’influence sur le consommateur est l’appréciation de la publicité34. Une publicité neutre aura

un impact véritablement moindre qu’une publicité aimée ou détestée par le consommateur.

Quand une publicité crée l’émotion chez l’individu, la trace laissée dans la mémoire pour

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!34!HAYLEY, cité par DRIDI Monia & MAKHLOUF Mouna « Affect, émotion et surprise dans la persuasion publicitaire », in British Journal of Marketing Studios, Juillet 2014, Vol.2, No. 3, p 72. !

Page 19: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 17!

l’expérience est au-dessus de celle laissée par un message non émotionnel. Les travaux tendent

à montrer que plus la trace dans la mémoire est forte, plus la différenciation sera à même de

produire un effet persuasif, et même, un changement d’attitude. Le choix du consommateur

dépend des bénéfices subjectifs qui contribuent à lui faire éprouver des émotions. Ces

bénéfices sont les informations qui vont jouer le rôle de discriminant dans le processus du

choix : pourquoi préférer cette lessive à une autre alors que les deux remplissent la même

fonction ? Parce que l’une des deux marques m’inspire des émotions positives qui vont me la

faire préférer à l’autre. Si la plupart des publicités comportent une argumentation concernant

les bénéfices pragmatiques ou les avantages rationnels, il est prouvé que l’expérience client ou

autrement dit l’émotion que peut transmettre une marque au consommateur est bien plus

efficace en terme de passage à l’acte. Depuis, les émotions comme catalyseur de réactions du

consommateur face à la publicité ont intéressé de nombreux professionnels. Il est

communément admis par les chercheurs que l’effet des émotions sur l’attitude envers la

publicité est transféré vers celle envers la marque. Nous n’entrerons donc pas ici dans la

justification de ce processus d’assimilation et accepterons les trois modèles de causalité repris

par De Barnier en 200235 : hypothèse de l’agréable, hypothèse de la loi des extrêmes et

hypothèse de la distraction. Selon la première, une publicité qui suscite des sentiments positifs

est plus efficace qu’une publicité qui provoque des réactions négatives. La seconde met en

relation l’attitude envers la publicité et celle envers la marque et les corrèle aux réactions

affectives extrêmes. Enfin la troisième met à jour l’importance de la bonne direction du

message : une réaction affective peut distraire le consommateur du message publicitaire

persuasif. En revanche, si la distraction gêne le message, elle sert la notoriété de la marque

puisqu’elle va faciliter la mémorisation et l’affection. En conséquence, l’émotion qui mettrait

de côté le fond de la publicité – son message – et la réaction à chaud, pourrait a contrario

donner une meilleure opinion de la marque sur le long terme. C’est aussi ce que Moore et

Hutchinson décrivent comme « l’effet de sommeil » : « After some delay Aad (échantillon) is

no longer spontaneously associated with the brand, but increased brand familiarity or

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!35!DE BARNIER, cité par DRIDI Monia & MAKHLOUF Mouna, Ibid., p 73.!!

Page 20: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 18!

processing of brand information generated by ads on the extremes of the AAd continuum

produce more favorable attitudes toward the brand »36.

L’émotion est également une piste privilégiée dans la publicité car elle demande un

traitement de l’information moindre pour le consommateur comparé au traitement cognitif.

Ainsi les individus expriment avec plus de confiance leurs réactions affectives que leurs

réactions cognitives37, permettant alors dans le premier cas d’assimiler plus facilement cette

réaction à la marque elle-même. L’expérience émotionnelle est d’autre part un mécanisme

d’adaptation par rapport aux modifications de l’environnement et conditionne souvent le

comportement. En d’autres termes, l’émotion est souvent stimulante d’un acte. Pour conclure,

même si la mesure des émotions et les différentes échelles qui ont été réalisées (DAS, PAS,

CES et échelle de Plutchick) ne s’avèrent pas parfaites – oubli de certaines émotions comme

l’amour par exemple, confusion entre les émotions ressenties avant et après l’achat38 – il est

clairement admis que les émotions sont vecteurs de réactions positives pour la marque au

niveau du jugement, de l’appréciation et même du passage à l’acte. Ces études réalisées tout

au long du XXe siècle ont d’ailleurs eu pour objectif d’encourager les responsables marketing

à maîtriser la communication autour des émotions et par la suite à créer du business.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!36!MOORE Danny L. & HUTCHINSON J. Westley, « The Effects of Ad Affect on Advertising Effectiveness », in Advances in Consumer research, 1983, Vol. 10, Figure 1, Two mediators of advertising effects on attitude toward the brand, pp. 526-527. !37!GRAILLOT Laurence, « Emotions et Comportement du Consommateur : Intégration d’un Etat de l’Art », in Recherche et applications en marketing, 1998, Vol.13, N°1, p. 9. !38!Annexe 4 : Intégration des travaux menés en comportement du consommateur sur la réaction émotionnelle, issu de GRAILLOT Laurence, « Emotions et Comportement du Consommateur : Intégration d’un Etat de l’Art », 1998, Recherche et applications en marketing, Vol.13, N°1, p. 20. !

Page 21: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 19!

B"–"DE"LA"NECESSITE"DE"FAIRE"INCARNER"LES"MARQUES"PAR"DES"EGERIES."

"

1) L’endossement, une technique en constante évolution

Depuis l’apparition de la réclame, les marques se sont toujours tournées vers les

vedettes pour vanter les spécificités de leurs produits. Si cette technique répondait alors à un

besoin de notoriété de la marque – la poudre de riz La Diaphane profitant de l’aura de la

célèbre Sara Bernhardt en 1890 – elle s’est accordée à des problématiques diverses au fil du

temps, suivant les besoins marketing des marques. La multiplication des concurrents sur de

mêmes secteurs a défini un marché séparé – grossièrement – en deux factions : les réducteurs

de prix d’un côté et les bâtisseurs de concepts forts de l’autre. Les marques adeptes de ce

dernier groupe ne présenteraient plus leurs produits ou leurs services comme des articles de

base, mais comme des concepts : « la marque en tant qu’expérience ou style de vie »39. Une

égérie vedette et représentative d’un style de vie connu de tous incarnerait alors une façon tout

à fait pertinente de se forger une image de marque. Des égéries prêtant leur physique et leur

charisme, aux personnalités apportant une expérience crédible dans un domaine en passant par

l’aura de certains fondateurs d’entreprise, l’endossement publicitaire répond aux objectifs de

valorisation de la marque ou de son produit.

La crise du Vendredi Marlboro nous montre aujourd’hui l’importance que peut avoir

une icône – ici un symbole plus qu’une égérie – porteuse des valeurs de la marque.

L’entreprise dont la publicité « Marlboro Man » persistait depuis 40 ans décida le 2 avril 1993

de pratiquer une baisse de prix afin de concurrencer les marques entrantes. Aujourd’hui, si

l’on parle de « crise » en relatant cette démarche, c’est parce qu’une marque aussi prestigieuse

que Marlboro pris la décision de délaisser son capital-marque pourtant fortement incarné par

son icône et de miser sur une stratégie de prix. Les conséquences furent désastreuses en terme

d’image et de vente pour Marlboro et son icône perdit instantanément de son aura. Cette baisse

de confiance en son propre branding eut d’ailleurs d’énormes conséquences sur Wall Street

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!39!!KLEIN Naomi, No logo, la Tyrannie des Marques, Toronto, Lémeac Editeur Inc/ Actes Sud, 2000, p. 47.!

Page 22: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 20!

puisque toutes les marques universellement connues souffrirent d’une baisse de capital cette

même journée. Le modèle de l’incarnation d’une marque prouvait sa valeur, mais

malheureusement trop tardivement.

Les années suivantes virent les contrats avec des célébrités se multiplier. Mais une

stratégie basée sur l’endossement se construit rarement sans un véritable positionnement.

L’exception qui confirme la règle peut être trouvée avec l’exemple de Johnny Hallyday et de

Café Legal. Le directeur marketing de la marque avoue40 ainsi ne pas avoir cherché de

caractéristiques communes avec le produit, ni de positionnement à défendre en s’associant au

chanteur mettant de fait en doute la théorie de la congruence défendue par Fleck-Dousteyssier.

Seule la célébrité et les retombées dans la presse intéressaient la marque. La mémorisation de

Café Legal permise par l’égérie fut si forte que son contrat fut reconduit l’année qui suivit.

L’exemple des publicités L’Oréal contredit pour sa part cette utilisation d’égéries sans

stratégie de marque prévue à l’appui. Les produits de beauté L’Oréal ont toujours été incarnés

par des mannequins ou actrices reconnus. En 1973, le slogan mondialement diffusé « Parce

que je le vaux bien » fait son apparition afin de justifier le prix de la coloration pour cheveux

la plus chère du marché. Plus de vingt ans plus tard, le slogan couvre la totalité de la gamme

sur le marché français mais les études marketing procèdent à son renouvellement41. En effet, le

« je » utilisé par l’égérie est certes provocateur et interpellant, mais il ne permet pas à l’égérie

de jouer son rôle pour la marque car il rend la star présomptueuse. L’effet d’émerveillement et

de désir que doit éprouver le consommateur face à la vedette et à la marque est cannibalisé par

cette tournure de phrase qui place la star sur un piédestal inatteignable pour le consommateur.

L’Oréal s’ouvre les portes d’un monde plus luxe mais rend prétentieux ses produits par le biais

d’ambassadrices trop sûres d’elles. Le slogan est alors revu et le « je » narcissique est

remplacé par un « vous » qui déconnecte complétement la star du consommateur et créé une

fois de plus un vide entre les valeurs de l’égérie et celles du public. Avec « Parce que vous le

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!40!Propos issus de LEHU Jean-Marc, « Origine et Mode d’Utilisation des Célébrités dans la Publicité », thèse de sciences de gestion – spécialisation marketing, 29 janvier 1993, p.101. !41!LABRO Camille, « Un Slogan Bien Enraciné », in Le Monde Style, dans Le Monde Magazine, 02 décembre 2011.!

Page 23: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 21!

valez bien », la star vend un produit pour la masse populaire dans laquelle elle ne s’inclut pas.

L’endossement est encore une fois mal utilisé et non optimisé. Depuis en 200042, la version

actuelle « Parce que nous le valons bien » permet à l’égérie de remplir au mieux sa mission en

persuadant la consommatrice que toutes les femmes, s’incluant généreusement dans ce tout,

méritent les produits L’Oréal. La marque propulse ainsi mondialement une image haut de

gamme, mais démocratique et ce, grâce à la combinaison du celebrity marketing et d’un

positionnement fort. L’endossement a, comme on a pu le voir, fortement évolué, mais la

question de son renouvellement se pose toujours: les ambassadeurs de marque étant de plus

en plus facilement envisagés, qu’en est-il de la relation marque/célébrité et de l’efficacité de

cette technique pour l’un et l’autre ?

2) Une relation win-win pour l’ensemble des protagonistes

Certaines règles paraissent indispensables à suivre pour permettre à la marque tout

comme à la célébrité de profiter des bénéfices communs contractuellement signés. Prenons

pour exemple la collaboration de neuf ans – à date – entre Nespresso et George Clooney sur

laquelle Gérard Charbit, ancien CEO de McCann Erickson Paris et stratège de la campagne, a

accepté de s’entretenir43 . L’endossement publicitaire peut s’avérer être particulièrement

rentable pour chacune des deux parties financièrement, mais surtout en terme d’image, si le

fond et la forme ne provoquent pas de polémique chez le spectateur. Après un développement

éclair sur la fin des années 90, la marque de café en dosette est forte d’une clientèle fidèle et

propice au recrutement via la prescription de ses clients à leurs proches. Nespresso obtient

bientôt une image technologique, haut de gamme et sophistiquée mais souffre d’un manque

d’élément fédérateur au niveau mondial. L’option de l’endossement est fortement envisagée

afin de « donner à la marque un caractère plus iconique et d’avoir un niveau de perception

d’image à peu près uniforme sur tous les marchés ». Clooney est finalement sélectionné après

un grand nombre de tests dans trois pays (Suisse, France et Etats-Unis) tandis que sa carrière !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!42!PETRY Valentine, « L’Oréal, Parce qu’Elles le Valent Bien », in L’Express Style, sur L’Express.fr, 28 décembre 2011. !43!Annexe 5 : entretien avec Gérard Charbit.!

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! 22!

ne s’envole pas encore et qu’il reste surtout connu pour son rôle dans la série Urgences. Le

succès de la campagne publicitaire est tel qu’elle s’étend à plus de 30 pays – excluant les

Etats-Unis, Clooney n’ayant pas voulu associer son image à une marque dans son pays. La

campagne permet ainsi à l’acteur de bénéficier d’une notoriété mondiale même lorsqu’il n’a

pas d’actualité cinématographique, puisque l’annonce est largement diffusée au cinéma. Grâce

à cette saga, Nespresso obtient des résultats plus que satisfaisants : « les mesures publicitaires

qui nous ont montré que cela avait eu un effet marqué dans les pays où la campagne passait, à

la fois en terme d’impact, de reconnaissance, et d’agrément puisqu’on avait des scores

d’agrément très élevé. » explique Gérard Charbit. L’activité des ventes augmenta à peine 10

jours après le lancement de la campagne. Le cas de La Halle avec son égérie Jennifer est de

même un exemple de parfaite entente entre les besoins de la célébrité et ceux de la marque.

Matthias Rey, directeur de clientèle chez Hémisphère Droit, explique44 ainsi le double enjeu

de cette association : d’une part pour la marque « trouver une personne qui va pouvoir parler

au plus grand nombre, qui va pouvoir être populaire (…) qui soit crédible dans le rôle de la

française jolie qui s’y connaît d’un point de vue vestimentaire et du style » et de l’autre pour la

célébrité « Est ce qu’elle a envie de se faire connaître ? Est ce qu’elle a envie de paraître un

peu glam ? Est ce que la campagne peut lui servir à elle ? ». L’endossement se définit bien

comme un échange de bon procédé, un contrat entre deux parties déterminées à obtenir les

meilleurs avantages. Comme il le précise, une égérie n’est pas seulement un visage cohérent

avec la marque, « c’est une conjonction de plusieurs facteurs techniques qui font que, au final,

elle devient la bonne personne ».

Les avantages se constatent aussi et surtout en temps de crise, là où la relation entre

l’égérie et la marque prouve son intensité ou sa faiblesse. Le cas Nespresso est exemplaire

pour démontrer la force de l’association entre la marque et son égérie. En 2011 des

altermondialistes suisses piratent un des spots Nespresso et usurpent l’image de Clooney pour

faire passer un message d’alerte à propos de l’exploitation des enfants dans la culture du café.

La campagne se répand sur internet et menace la communication et l’image de la marque.

Nespresso se défend en rappelant son programme « Triple A » qui consiste à acheter à

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!44!Annexe 6 : entretien avec Matthias Rey.!

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l’avance les récoltes de certains fermiers à un cours supérieur de 30% à celui du marché, en

échange de la promesse d’une culture respectueuse de l’environnement. L’acteur ambassadeur

est de son côté très engagé dans des causes humanitaires. Dès la signature du contrat, l’acteur

et la marque s’étaient intéressés à la situation du Sud Soudan, autrefois fertile en caféiers mais

dont l’industrie avait été ravagée par la guerre. Ensemble, ils décident de travailler à remettre

les cultures en état et de recommencer à commercer avec les producteurs locaux. Lorsque le

spot des altermondialistes suisses accusa la marque, Clooney se rangea immédiatement

derrière Nespresso qui bénéficia de la crédibilité de la star mondialement connue pour ses

engagements éthiques. De plus, cela permit de faire découvrir au public le programme « Triple

A » qui ne bénéficiait pas d’une grande notoriété. Le déficit d’image dont la marque aurait pu

souffrir a donc été désamorcé grâce à l’égérie et l’initiative commune autour d’une récolte

responsable et équitable a largement bénéficié aux deux protagonistes comme l’explique

Gérard Charbit : « c’est un élément de plus qui renforce la collaboration ».

Il est parfois difficile de discerner à qui profite le plus le celebrity marketing si l’on

prend en compte le risque de parasitage presque impossible à anticiper. Une étude menée en

1995 par le professeur Roy F. Fox de l’Université du Missouri prouve l’ambiguïté d’une telle

technique. Des collégiens, auxquels on a montré un mélange d’annonces publicitaires,

croyaient que les marques obtenaient de l’argent de la part des stars pour que ces dernières

aient le droit de figurer dans leurs publicités45. La complexité du processus d’endossement se

voit mis à jour par ces résultats et montre que le cachet n’est pas forcément la récompense la

plus attrayante pour l’ambassadeur qui peut alors faire pleinement partie de l’espace

médiatique grâce à la publicité. Le risque pour la marque est de perdre la vedette, à la place de

la vedette. Une des parades peut être de différencier les campagnes institutionnelles

comportant une égérie des campagnes produits se voulant plus commerciales. Dans le cadre de

la relation Nespresso / Clooney, Gérard Charbit réfute le risque de parasitage en justifiant que

la marque existe bel et bien à part grâce à cette distinction faite dans la communication :

« autant aujourd’hui on peut mesurer les apports et les bénéfices de la vedette sur l’image de

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!45!KLEIN Naomi, No logo, la Tyrannie des Marques, op. cit. p.89. !

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la marque, autant la communication de la marque ne se réduit pas à de la télévision avec

Clooney, il y a tout un tas d’autres éléments qui permettent à la marque d’exister sans être

totalement portée par une célébrité ». Nespresso communique ainsi sur les lancements de ses

éditions limitées ou sur ses nouvelles variétés de café sans utiliser l’image de l’acteur qui est le

vecteur d’image de la marque en campagne télé et pour le développement durable. Pour La

Halle en revanche, le risque du cannibalisme de la marque par l’égérie s’est posée très

sérieusement : « Tu peux avoir besoin à un moment donné d’émerger, de faire ton trou et de

t’accaparer un petit peu le paysage médiatique, d’utiliser quelqu’un qui a ce potentiel là, très

bien, mais au bout d’un moment il peut y avoir (…) avec des égéries à forte personnalité, un

risque de se faire croquer sa marque ». Pour cette enseigne le temps n’est pas encore venu de

se séparer d’un visage médiatique et célèbre : « La Halle en terme d’objectif c’était de devenir

aussi populaire et considérée à valeur égale avec H&M notamment. Quand on voit puissance

de H&M, La Halle n’y est pas encore ». Un autre impératif pour éviter la vampirisation d’un

des protagonistes par l’autre est de s’assurer d’un partage de notoriété à peu près équivalent :

« Si on prend une vedette très connue pour une marque qui ne l’est pas, la marque est

vampirisée par la vedette. Et si on prend quelqu’un qui n’est pas très connu pour une marque

très connue, l’effet démultiplicateur est plus limité ». Enfin, et c’est ce qui rend la combinaison

Nespresso / Clooney si particulière, il est indispensable de verrouiller le contrat de façon à ne

pas laisser la célébrité prêter son image à d’autres marques. L’acteur George Clooney

n’apparaît que dans très peu de publicités et sa seule grande actualité commerciale est son rôle

dans la saga pour les dosettes de café, ce qui renforce l’endossement. Jennifer est en contrat

exclusif avec La Halle et n’avait pas non plus participé à des annonces commerciales

auparavant. Le celebrity marketing offre de nombreux avantages et s’avère la plupart du temps

une stratégie gagnante. Matthias Rey y oppose cependant un argument rédhibitoire : « on sait

la fragilité d’une personnalité : du jour au lendemain elle peut disparaître », et tout repose sur

le succès qu’elle obtient dans sa véritable carrière professionnelle. Néanmoins, la demande du

public persiste et l’attrait pour ce qui est célèbre incite à sa multiplication. C’est probablement

son succès qui s’apparente à sa principale menace : l’usure par la banalisation.

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! 25!

C" –" L’APPARITION" D’EGERIES" SURPRENANTES":" VERS" UN" RENOUVEAU" DU"GENRE"?"

L’une des causes de l’essoufflement du celebrity marketing provient de la banalisation

de la technique et de l’invariabilité du ton ou de la façon d’utiliser les égéries. Comme vu

précédent, le neutre ne participe pas à l’impact et le déjà-vu est d’ores et déjà relégué dans le

passé. Comme le dit Jack Trout : « si la perception est sélective, la mémoire l’est plus

encore »46 et une campagne reproduisant la norme ne peut se prévaloir d’un impact suffisant

pour s’inscrire durablement dans l’esprit du consommateur tant du point de vue du message

que de l’association valeurs promues par l’égérie / valeur de marque. L’originalité provoque

l’attention puisque par nature, elle diffère de l’habitude. En conclusion, il paraît aujourd’hui

nécessaire de miser sur l’originalité ou la nouveauté, couplée avec l’émotion afin de permettre

aux marques de réinvestir le « temps de cerveau disponible » des consommateurs.

1) De l’importance de briser les barrières de l’esprit du consommateur grâce à

des égéries inattendues.

Un obstacle pèse toujours sur l’efficacité du celebrity marketing : comme l’expliquent

Reid et Soley « Les consommateurs font plus attention aux publicités qui ont recours à des

mannequins séduisants ou encore à des célébrités, mais pas forcément au contenu de la

publicité elle-même » 47 . William James McGuire est le père de la psychologie de la

persuasion. Ses recherches en la matière intégrèrent dès les années 50 ce pan encore inexistant

au cœur même des départements de psychologie et de sociologie : les études sur l’attitude et

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!46!TROUT Jack, Les Nouvelles Lois du Positionnement, Chapitre Comprendre le cerveau humain, Village Mondial, 2004, p. 14. 47!REID L.N & Soley L.C, « Decorative Models and the Readership of Magazine Ads », in Journal of Advertising Research, 1983, 23, No 2, pp 28. !

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! 26!

sur les influences sociales étaient nées48. McGuire va tout d’abord remettre en question les

théories de l’école de Yale selon lesquelles il suffirait d’un bon message pour obtenir l’effet

persuasif recherché. Dans cette optique, le psychologue démontrera qu’il faut s’attarder à toute

une panoplie de processus mentaux allant de la personnalité de la cible à la compréhension en

passant par la mémoire. En d’autres termes, un message n’a pas valeur de généralité et pour

atteindre l’objectif visé, il convient d’assortir le message à la cible selon ses caractéristiques

propres. La persuasion est aujourd’hui de plus en plus conditionnée par des mécanismes

mentaux à moindre effort dits « heuristiques ». Les recherches débutées dans les années 80

élaborent nos critères de jugements selon des schémas plus ou moins intégrés qui répondent à

des phrases types. De cette manière « les experts ont un avis crédible », « ce que font les gens

que j’aime est bien pour moi » ou « le nombre garantit la validité » sont des jugements

intégrés de manière irréfléchie par notre conscience et notre mémoire. Ce processus de

réflexion inconsciente intervient lorsque notre esprit est fatigué, lassé, ou même de bonne

humeur ou pris dans la routine. Autrement dit, lorsqu’il n’y a pas de réflexion dite active.

C’est ainsi que les publicitaires ont largement développé des indices dans leurs campagnes

permettant une compréhension simple et sans effort pour le consommateur, notamment grâce à

l’usage des stars souvent appréciées par le public. L’expert imposant la véracité ou la vedette

sympathique conseillant un produit bon pour autrui sont donc des techniques visant à cibler le

cerveau fatigué du consommateur afin de provoquer une assimilation inconsciente.

Mais un mécanisme de résistance à la persuasion a été étudié par McGuire. A travers

une analogie avec le monde de la biologie, il propose la technique de l’inoculation

psychologie. De la même façon qu’un virus se combat via l’intégration d’une version faible de

lui-même dans le corps humain afin de laisser les défenses naturelles se développer à son

encontre, la persuasion se combat en apprenant au cerveau à y faire face. En rencontrant des

messages en opposition à ce que notre cerveau croit, on lui donne l’opportunité de formuler

des arguments qui serviront à se prémunir contre les mécanismes de persuasion développés

par les publicitaires. Les individus prennent tout d’abord conscience de leur vulnérabilité à

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!48!JOST John, « William James McGuire (1925-2007) », in American Psychologist, May-June 2008, Vol.63, No.4, pp.270-271.!

Page 29: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 27!

travers ce processus d’apprentissage puis génèrent une compétence plus efficace à défendre

leurs opinions face à l’heuristique. L’inoculation psychologique est une menace pour les

professionnels de la publicité et du marketing en ceci qu’elle préempte une pensée qui s’avéra

de plus en plus répandue de défense du consommateur face à la communication des marques –

on ne compte maintenant plus les associations anti-pubs ou les groupes actifs revendiquant la

diffusion de la réalité cachée des marques. De plus, grâce aux techniques heuristiques mises à

jour, le consommateur est de plus en plus conscient des efforts de persuasion qu’emploient les

marques sur leur esprit. Les recherches effectuées ne parviennent pas à trouver un terrain

d’entente sur l’hypothèse : le consommateur est-il oui ou non conscient et influencé des

différentes techniques de persuasion utilisées dans la publicité ? Toujours est-il qu’il est au fait

de leur existence, ce qui place la publicité dans une position de faiblesse face à son objectif

premier – la persuasion. L’intérêt pour le professionnel est de passer outre cette résistance qui

s’est d’abord instaurée comme une prise de conscience psychologique avant de se transformer

en mouvement activiste. Ainsi les égéries expertes en leur domaine, les stars mondialement

adulées et les mannequins connus ne suffisent plus forcément à atteindre l’objectif de

persuasion à cause de la mise en lumière du processus d’endossement. L’une des contestations

les plus virulentes a vu le jour suite à la publication – non voulue – des cachets49 reçus par les

égéries pour leur apparition dans des annonces commerciales. L’investissement financier des

marques dans le celebrity marketing a profondément choqué le consommateur en ceci qu’il

mis à jour l’existence d’un véritable business aux enjeux conséquents. Le nombre d’articles

dans les médias populaires – en plus de la presse spécialisée – ne trompe pas : il est temps de

passer à un renouveau du genre pour faire tomber les barrières dressées par le consommateur

avec l’inoculation psychologique.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!49!Un récent exemple de publication des cachets d’égéries publicitaires : http://bit.ly/1nnNQ0J

Page 30: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 28!

2) Des tentatives de plus en plus fréquentes des marques à provoquer la

surprise par le biais d’égéries inattendues : l’univers du luxe, pionnier en la

matière.

Le haut de gamme par sa vocation à se faire désirer institue la future la norme. C’est tout

d’abord remarquable au niveau des produits, merchandising, et typographies dont les marques

plus abordables s’inspirent largement – mais souvent avec une saison de retard. C’est aussi

vrai pour la communication dans le fond comme dans la forme avec la reprise des codes du

luxe : scénographie particulière, ambiance chic et bien sur, vedette au premier rang. « Dans la

mode, la marque dominante est clairement la star. C’est son pouvoir de rêve que les marques

de prêt-à-porter souhaitent s’approprier »50 explique Vincent Bastien, professeur à HEC. Les

égéries semblent faire leur apparition dans le secteur plus abordable du prêt-à-porter ou même

du low cost car ces marques suivent le chemin emprunté par la haute couture. Le renouveau du

processus de l’endossement est-il en train d’intégrer le monde du luxe ? Va-t-il ensuite

entamer une démocratisation sur le prêt-à-porter ? L’univers du luxe est-il, comme il le

semble, en train d’instituer une communication à l’aide d’égéries surprenantes ? Les quelques

exemples ci dessous sont à même de confirmer cette hypothèse.

a- Louis Vuitton et Gorbatchev, campagne 2007.

La marque Louis Vuitton procède à un effet de surprise inattendu en 2007 avec une

campagne d’affichage présentant Mikhaïl Gorbatchev dans une voiture, un sac monogram

« Keepall » à ses côtés, en train de rouler le long du mur de Berlin. Plus habitué à cette époque

au style bling de Pharell Williams et de Jennifer Lopez, la marque étonne par le ton de sa

communication mais aussi et surtout par le choix du nouveau visage représentant la marque.

L’incongru de cette collaboration entre un ex-président soviétique communiste et une marque

de luxe ne passe pas inaperçu et de nombreux blogs se sont interrogés sur la crédibilité et

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!50!Citation issue de COUSIN, RICHARDIN & DELCAYRE, « Les Marques Entrent en Scène », in Stratégies, 10 Juillet 2014, No. 11 888, Dossier, pp.40-42.!

Page 31: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 29!

l’efficacité d’un tel endossement. En cherchant à associer un prix Nobel de la paix à l’univers

du luxe, Louis Vuitton a certes révélé une astucieuse stratégie pour faire parler d’elle, mais

elle souffre d’autre part d’un manque d’assimilation. Comme le fait remarquer la responsable

éditoriale web de L’Express Styles51, en remplaçant le sac icône de la marque par un autre, la

publicité serait la même pour une marque différente. Le celebrity marketing échoue et ce ne

sont pas les valeurs portées par Gorbatchev qui émanent de la publicité. La véritable icône de

la marque n’est donc pas l’ancien président, mais bien le sac « Keepall ». L’égérie choisie

pour son aspect inattendu, en vue de surprendre la communauté de la mode ne se révèle pas

efficiente pour la marque. La stratégie publicitaire aura tout du moins servit la marque en

terme de notoriété immédiate mais l’assimilation entre le personnage choisi et la marque

semble pour sa part plus modeste, voir controversée par le public.

b- Chanel N°5 et Brad Pitt, campagne octobre 2012.

En octobre 2012, Chanel dévoile une nouvelle campagne pour son parfum mythique.

Pour la première fois dans l’histoire de la parfumerie féminine, un homme incarne une

fragrance. Les réactions dans la presse et sur internet se succèdent, louant pour certains

l’approche sensationnelle, pour d’autres l’impertinence de ce partenariat. Dans les deux cas,

c’est la surprise issue du choix de l’égérie qui fait couler de l’encre. Chanel avait par ailleurs

réalisé une série d’extraits sonores de 7 secondes dans lesquels l’égérie, encore non dévoilée,

déclamait un court texte. La stratégie de Chanel se construisait bien autour du teasing, du

mystère et de la surprise entourant sa prochaine égérie. La marque justifia son choix d’égérie

en ces termes : « Aucun acteur vivant n’est comparable à Brad Pitt – dont le talent, la

popularité et le physique sont légendaires – tout comme aucun parfum n’est comparable à

Chanel N°5 »52. Sans prendre compte de la subjectivité d’une telle énonciation – Dior J’adore

ayant remplacé Chanel N°5 dans le top des ventes depuis 2011 – c’est officiellement pour des !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!51!DORMOY Géraldine, « Gorbatchev pour Louis Vuitton, Joli Coup Mais… », in Café Mode sur L’Express Styles, 1er aout 2007. 52!Citation issue de MAMZELLDREE, « La Nouvelle Campagne de Chanel avec Brad Pitt », in mamzeldree.fr, 16 octobre 2012.

Page 32: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 30!

raisons de pertinence entre l’acteur et la marque qu’une telle association a été entreprise.

Gérard Charbit de son côté fait part de la logique d’une telle démarche, pourtant inédite :

« Maintenant on peut se dire qu’évidemment les premières utilisatrices des parfums de femme

ce sont les femmes, mais aussi les hommes, puisque par définition, l’efficacité des charmes du

parfum c’est plutôt l’homme qui peut en parler plutôt que la femme. Il y a donc une logique

mais en même temps cette logique, elle est mise en valeur par cet effet de surprise ». De fait, la

démarche s’avère remarquable, puisque unique : c’est par le choix du genre masculin jamais

utilisé et non pas par la vedette en elle-même que la marque crée de l’impact. Est-ce à dire que

n’importe quelle star masculine aurait fait l’affaire pour incarner Chanel N°5 ? Aucune donnée

n’est vraiment disponible pour le démontrer. En revanche, de nombreux verbatim sur internet

font part de la déception du public à voir Brad Pitt déclamer un texte assez vide de sens.

Gérard Charbit confirme d’ailleurs l’absence de message phare de la publicité : « Après on

peut être un peu plus dubitatif sur le message lui-même, l’espèce de suite de phrases que

racontait Brad Pitt, pas très crédible et qui a fait d’ailleurs l’objet de beaucoup de

pastiches ». Matthias Rey pointe quand à lui l’inaccessibilité du personnage et la faiblesse de

l’efficacité de l’incarnation : « Il est au panthéon des égéries au point que je trouve qu’il y a

une distance entre lui et n’importe qui d’autre, même les gens les plus riches de notre planète.

Il est passé dans un autre monde. Il y a un moment où on est trop loin et lui n’a pas l’attitude

d’une icône ». La distance issue de la personnalité et du mode de vie de la star dessert le

produit en lui-même qui se veut un des plus accessible au grand public : « Brad Pitt a

totalement éclipsé le parfum ». Ici l’endossement n’est pas assez fort pour que le produit soit

suffisamment bien représenté : l’égérie ne parvient pas à porter le produit et la faiblesse du

message dessert cette association étonnante. Il semble capital de ne pas sous-estimer la force

et la primauté du message malgré l’endossement : « Il existe une autre méthode pour

surmonter les réticences mentales naturelles à l’afflux d’informations, c’est de s’efforcer de

présenter le message comme une nouvelle de première importance. Les publicités qui se

veulent drôles ou intelligentes négligent trop souvent ce facteur » 53 . En terme de

mémorisation, si l’originalité de l’utilisation d’une égérie masculine pour un produit habitué

aux vedettes éminemment féminine fonctionne, aucun réel positionnement de marque n’est

vraiment noté. L’objectif de notoriété et de retour en top of mind des parfums a pu être obtenu,

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!53!TROUT Jack, « Les Nouvelles Lois du Positionnement », op.cit. p.24

Page 33: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 31!

en grande partie avec les relations presse grâce à l’image de Brad Pitt. Matthias Rey conclue

sur une note cynique « Maintenant ils ont pu se le payer, finalement ça revient à ça : qui peut

avoir Brad Pitt ? ». Pour ce qui est du ressenti final, comme le dit Gérard Charbit : « la

pérennité, la trace qu’a laissé la campagne, ça je suis un peu plus dubitatif. ».

c- Saint Laurent Paris et Miu Miu, le choc des égéries

En définitive, le monde du luxe paraît de prime abord propice aux égéries surprenantes.

En tant que marques à vocation inaccessibles et aux valeurs historiquement chic et élégantes,

elles ont souvent pour objectif de casser leur image trop lisse afin de recruter de nouveaux

clients. Une égérie inattendue peut être le vecteur d’un changement brutal d’image. Il convient

par ailleurs de prendre en compte l’influence d’un créateur sur sa maison de couture. Preuve

en est avec l’arrivée à la tête de la maison Yves Saint Laurent du jeune créateur Hedi Slimane

qui aura, en quelques mois, refaçonné entièrement l’image de la marque. De son nom – qui

devient Saint Laurent Paris – à ses égéries – Marilyn Monson et Courtney Love – la marque

de luxe est rhabillée version rock et dark. Cette fois-ci, c’est vers un nouveau positionnement

de marque que Hedi Slimane dirige la maison de couture : les égéries servent le propos en

toute pertinence. Mais l’effet surprenant persiste aux vues de l’histoire de la marque, plus

portée sur une élégance contemporaine et osée que sur le punk. Même stratégie du

sensationnel pour la marque Miu Miu qui défraye la chronique dans les colonnes de la presse

mode avec sa nouvelle égérie en 2011 : Hailee Steinfield. Cette dernière n’a alors que 13 ans

dans ses hauts talons et robes hautes coutures et vient de connaître un succès éclair avec le

film True Grit. En choisissant une égérie pré-adolescente, la marque entend faire une entrée

dans le marché grandissant du luxe pour les jeunes, et ce, avec le fracas du scandale. Cette

fois-ci, c’est un nouveau positionnement marketing – développer la haute couture pour les

jeunes filles – que la vedette vient servir, stratégie que la marque conserve encore en 2014

avec l’utilisation du visage de la très jeune Elle Fanning – également égérie Lolita Lempicka

et Marc Jacobs. L’univers du luxe est effectivement tourné vers le sensationnel, le jamais-vu et

dicte par bien des aspects la ligne de conduite à suivre pour le reste des marques. Le choix des

égéries dans ce secteur est donc souvent surprenant afin de créer de l’impact et de se

Page 34: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 32!

différencier de concurrents trop ressemblants utilisant tous et à volonté la technique de

l’endossement. Les codes du luxe restant sensiblement les mêmes en communication, un

visage surprenant permet à une marque de sortir du lot plus facilement.

3) Le détournement d’image de célébrités : la surprise et la parodie au service

de marques au budget limité.

L’apparition d’une star dans une campagne publicitaire, loin de ne lui apporter qu’un

cachet conséquent54 et une apparition dans les médias renforçant sa notoriété, a aussi ses

travers. Comme vu dans le cas du piratage du spot télévision Nespresso par des

altermondialistes, la réappropriation sans autorisation de visages, noms ou comportements

physiques connus est commune dans l’univers de la communication. Le détournement consiste

en l’utilisation d’un porte-parole célèbre sans son autorisation et dans un cadre différent de

celui pour lequel il a été filmé ou photographié au départ. Le plus célèbre de tous les

détournements est bien entendu celui de la campagne UnHate de 2011 de United Colours of

Benetton. Cette campagne d’affichage fut bien entendue censurée dans plusieurs pays et

l’utilisation de l’image des différents acteurs politiques et religieux n’avait pour objectif que

de créer un bad buzz, la marque sachant dès le début les sanctions qu’elle pourrait encourir. Le

bad buzz est une pratique courante impliquant un investissement financier réel mais une courte

période de diffusion avec pour seul principe de choquer et faire parler de soi le plus

rapidement possible. L’ancien patron de Saatchi & Saatchi groupe commente pour sa part

l’avantage des détournements : « A partir du moment où vous détournez, vous faîtes deux

choses : vous utilisez une personne comme symbole, mais en même temps vous indiquez très

clairement la distance qu’il y a entre votre produit et cette personne puisque vous faîtes

percevoir très clairement qu’il s’agit d’un détournement »55. De cette manière, l’égérie non

consentante sert les intérêts de la marque en décuplant sa notoriété par le bruit médiatique

autour de la campagne, et elle permet à la marque de se positionner en contre-sens des valeurs !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!54!Lien Litttl sur les salaires des stars : http://bit.ly/1nnNQ0J 55!Citation issue de LEHU Jean-Marc, « Origine et Mode d’Utilisation des Célébrités Dans la Publicité », op. cit, p.115. !

Page 35: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 33!

de l’égérie piratée. En effet, le détournement utilise très souvent la parodie ce qui induit un

processus de comique voir de moquerie à l’égard de la vedette. Dans ce cas, il est

indispensable de choisir une égérie dont le visage est d’une part connu de tous, mais qui porte

des valeurs également assimilées par tous afin que la marque se positionne bel en bien en

détracteur de ces valeurs. C’est le cas pour la campagne UnHate avec des choix

d’ambassadeurs non consentants mondialement reconnaissables et dont l’attitude des uns

envers les autres est également transparente : le conflit. Avec ce détournement, United Colours

of Benetton se place mathématiquement comme le défenseur de la paix et de l’amour.

Dans ce genre de procédé, les personnalités politiques sont souvent les marionnettes

des publicitaires, chaque frasque ou sortie des limites habituelles de la morale étant scrutée et

capitalisée par les marques. L’exemple type le plus récent étant celui de l’escapade du

Président de la République en scooter et la réappropriation de ce thème par des marques aussi

variées que des loueurs de voiture, une radio ou un site de rencontre. L’actualité et les tensions

politiques sont une bonne manière de créer de l’impact et reprennent les techniques des

humoristes politiques. Ainsi, lors de l’annonce de la cohabitation politique entre Mitterrand et

Chirac, une campagne pour la Collective du Cidre montrant les deux hommes rieurs fut

utilisée pour les relations publiques de le marque. Plus récemment, le piratage de l’image de

nombreux hommes politiques français fut orchestré par la Fédération des aveugles et

handicapés visuels de France. Frustrée de ne pas bénéficier d’une notoriété suffisante et d’un

plan d’action promis par tous les candidats lors des élections, l’association décida de se servir

de leur image illégalement. L’objectif : attirer directement l’attention des décideurs – les

hommes politiques susceptibles de mettre sur l’agenda les demandes de l’association – et dans

un second temps profiter des retombées presse engendrées par une démarche à la fois

surprenante et humoristique. La campagne exploitait les images de binômes politiques connus

pour ne pas s’entendre (Sarkozy et Villepin, Hollande et Aubry), l’un deux ayant une paire de

lunettes noires, l’autre lui montrant le chemin avec les slogans « Confiance dans la parole

donnée ? » ou « Renouveler sa confiance ? ». La force de cette stratégie d’utilisation d’égérie

résidait en deux points : interpeller directement les personnes n’ayant pas tenus leur promesse,

et éviter la censure de la campagne tout en faisant du bruit dans les médias. En effet, aucun des

Page 36: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 34!

hommes politiques dont les images ont été usurpées n’ont osé demander réparation à une

association de bienfaisance d’une part, et encore moins à une association qui les accusait à

raison de non-action. Une utilisation surprenante et réussie d’égéries non autorisées pour cette

communication qui provoqua impact et prise de conscience des hommes politiques – comme

espéré. C’est au travers d’initiatives inattendues, mêlant effet de surprise et image choc que

l’endossement se renouvelle aujourd’hui. Certaines marques l’ont compris et en usent

savamment, l’impact qu’elles génèrent est surtout enclenché grâce à la prime au premier et à

l’originalité de la démarche. Les marques de luxe d’une part, et les associations ou marques

n’ayant pas assez de budget pour s’associer à une célébrité sont donc les premières à

s’attribuer les mérites d’une communication avec choix d’égérie surprenant.

Page 37: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 35!

II- Le récepteur : étude de la réception et de l’attitude du consommateur face à une stimulation surprenante.

Après avoir fait part des objectifs rationnels pour le publicitaire à envisager l’utilisation

d’égéries surprenantes, grâce des exemples apparus récemment, il est nécessaire d’étudier les

réactions du consommateur face à un stimulus tel que la surprise. Pour ce faire, la littérature

psychologique de même que les différentes théories des chercheurs sur l’affect serviront à

définir si, oui ou non, la surprise peut déterminer une attitude favorable à la marque chez le

consommateur. Cette partie plus théorique que véritablement démontrable par le nombre

s’avère pourtant nécessaire : les professionnels du marketing sont souvent intéressés par des

bénéfices très pratiques et sous-estiment parfois la psychologie de la cible ou le cheminement

de l’information dans le cerveau. Ainsi, si dans l’imaginaire collectif, une stimulation

surprenante est forcément déclencheur d’une réaction du spectateur, il convient de définir

quelle sera cette réaction et si elle peut bénéficier à la marque ou au contraire lui porter

atteinte.

A: LA"SURPRISE,"UNE"EMOTION"A"PART"ENTIERE"AU"CENTRE"DES"THEORIES"DE"L’AFFECT.""

Le développement des typologies de l’affect remonte jusqu’au XVIIe siècle quand

Descartes dénombre les six émotions principales : l’amour, la haine, le désir, la joie, la

tristesse et l’admiration. La continuité pour les chercheurs qui lui ont fait suite a consisté à

démontrer quelles étaient les dimensions et les attitudes qui découlent de ces émotions :

relaxation ou tension, calme ou excitation, expressions faciales ou rapports verbaux et enfin

réactions automatiques corporelles. Sans aller jusqu’à proposer une revue de l’art des réactions

affectives, il est important de mettre en exergue le ressenti d’une émotion par l’individu et de

définir plus en profondeur ce qu’est la surprise dans les théories de l’affectif et quelle place

elle occupe dans ce panthéon.

Page 38: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 36!

1) Qu’est ce qu’une émotion ?

Le dictionnaire de philosophie Bordas donne une définition de l’émotion très axée sur

le comportement et la réaction : « Etats affectifs brusques, passagers et violents, accompagnés

de réactions corporelle »56. Une première interrogation surgit devant cette définition : le sujet

est-il conscient de ses émotions ? Dans un second temps, quels sont ces réactions corporelles

et états affectifs et comment s’illustrent-ils ? Un événement survenant dans notre vie est

immédiatement évalué, positivement ou négativement car le cerveau humain est propice à l’a

priori. Dans sa thèse regroupant l’état de l’art en matière de théorie de l’affect, Laurence

Graillot décrit l’émotion comme « un phénomène affectif, subjectif, expérientiel, momentané,

multidimensionnel, source de motivation, provoqué par des facteurs exogènes à l’individu, qui

interagit avec le processus de traitement de l’information recueillie »57. Dans cette définition

survient le terme ‘interaction’ qui semble préempter de l’hypothèse suivante : l’introduction

des émotions dans la recherche peut permettre de mieux comprendre le processus de décision

ainsi que le comportement du consommateur, qui peut être conscient dans ses choix décidés et

même inconscient – avec la mémorisation par exemple. En confrontant ces deux définitions,

une émotion semble être un phénomène qui agit sur l’individu de manière puissante, provoqué

par un stimulus externe et qui va induire un comportement spécifique chez ce même individu

au terme d’un traitement de l’information. Autrement dit, une émotion répond à trois phases

distinctes : émission exogène, réception / traitement puis réponse physiologique chez le sujet.

Les réponses émotionnelles peuvent être différentes selon l’émotion activée :

comportementales (mouvement de recul ou vers l’avant), expressives (nerfs du visage),

cognitives (attention focalisée). Bien entendu, si les émotions sont avant tout des phénomènes

très individuels et personnels, soumis de plus à l’environnement dans lequel l’individu se

trouve, certaines émotions – par exemple l’amour ou la joie – parviennent à créer une réaction

plus ou moins homogène chez tous les sujets.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!56!Russ Jacqueline & BADAL-LEGUIL Clothilde, Dictionnaire de philosophie, Bordas, 2004. !57!GRAILLOT Laurence, « Emotion et Comportement du Consommateur : Intégration d’un Etat de l’Art », in Recherche et Application en Marketing, 1998, Vol 13, No 1, p. 12. !

Page 39: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 37!

La psychologie cognitive s’est attachée à comprendre, grâce aux émotions, les

processus de production de connaissances ou d’exploitations de celles-ci afin de permettre aux

individus d’effectuer des actions adaptées à leur environnement. Les émotions sont source de

réactions chez l’individu et vont générer un flux informationnel à la suite duquel le sujet va

répondre consciemment ou non. Une émotion répond ainsi à quatre étapes chronologiques :

l’évaluation cognitive de l’information externe, le ressenti de sensations de plaisir ou de

déplaisir, la venue de changements physiologiques, et enfin l’émergence d’un comportement

adapté à la situation vécue. Une émotion est caractérisée par un sentiment subjectif dont

l’individu a conscience malgré tout puisqu’il peut le définir et y attacher un concept verbal

approprié. L’inconscient qui traite l’information transforme celle-ci en sentiment qui va

caractériser l’émotion et la rendre reconnaissable du point de vue de l’individu lui-même mais

aussi extérieurement. Si les émotions sont communément appréhendées comme des sentiments

ou des ressentis internes autrement dit, très subjectifs, il apparaît au contraire qu’elles

obéissent à un processus coordonné. Une des caractéristiques qui rend les émotions si

puissantes dans la physiologie humaine, c’est leur capacité à mettre à disposition l’intégralité

de l’organisme pour faire face au caractère émotionnel. Cela peut conduire aux larmes

difficilement refoulées tout comme au fou rire ou au sursaut.

2) la surprise, une émotion primaire et neutre par excellence

Classiquement, c’est dès l’apparition des théories de l’affect que la surprise prend sa

place parmi les émotions58. Descartes associe l’admiration avec « une subite surprise de

l’âme » et, comme les Anciens, unit surprise et émerveillement philosophique. La surprise est

alors une émotion qui suppose l’apprentissage philosophique et l’ouverture sur le monde :

c’est l’émotion primaire pour tout être éclairé. Kant définit pour sa part chaque émotion

comme « une surprise de l’esprit »59 et insiste également sur l’aspect déterminé dans le temps

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!58!Annexe 7 : tableau des différentes émotions selon les auteurs. !59 !Citations de Descartes et Kant issues de DEPRAZ Nathalie, « L’Inscription de la Surprise Dans la Phénoménologie des Emotions de Edmund Husserl », Séminaire donné à l’Université de Rouen, séance du 4 octobre 2013.

Page 40: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 38!

– en contradiction avec les passions qui s’inscrivent dans la durée. Pour Derbaix et Pham, la

surprise est une émotion choc et constitue la plus affective des émotions. Tout comme la peur,

elle est brève et intense et s’avère difficile à masquer. Ses syndromes de réaction se

caractérisent par des manifestations immédiatement reconnaissables. Aristote décrit le

phénomène de la surprise via une analogie doublement pertinente avec le théâtre : une

péripétie ou l’arrivée impromptue d’un personnage sur scène au théâtre provoque un moment

d’interruption et un effet immédiat sur le public, c’est une surprise. Cette comparaison mène à

définir la surprise comme un écart dans le scénario attendu, une distance ou un décalage avec

ce qui était prévu, ou plus simplement, un imprévu dans l’habituel. La surprise est, en fin de

compte, une sorte de discordance dans la continuité. En plus d’être due à un événement

imprévu, la surprise peut également découler d’un fait mal prévenu. Charlesworth définit cette

émotion comme « a function of misexpected events »60 et précise que la surprise telle qu’il la

conçoit ne peut intervenir chez un enfant de moins de cinq ou sept mois chez qui les fonctions

de développement cognitives ne seraient pas encore formées. De la même manière que

Descartes avant lui, il associe la surprise à l’intérêt et à ce qui est extérieur ou nouveau : ce qui

doit être découvert.

Il est important de se pencher sur le concept de norme qui régit les actions de chaque

individu, de manière collective mais également individuelle. La norme, c’est la normalité,

c’est également des critères institutionnalisés ou des principes personnels auxquels on se

réfère pour agir ou pour juger. Notre compréhension du monde est subséquente aux normes

environnantes que l’on suit consciemment comme les habitudes et inconsciemment comme

avec certaines associations – les couleurs associées à un genre. L’individu va associer à cet

ensemble de règles plus ou moins intégrées un sentiment de sécurité qui découle de la

situation agréable de la normalité qui peut être défini par la phrase « je connais donc je me

laisse aller à ne pas réagir ». Un autre point de vue plus critique de la normalité le fait

concorder à l’ennui et la monotonie. La surprise intervient ainsi parce qu’elle nous entraîne en

dehors des pistes établies par les normes habituelles et qu’elle encourage l’évasion et la

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!60!Citation issue de IZARD Carroll, The Psychologie of Emotion, Plenum Press, 1991, p.182 !

Page 41: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 39!

découverte. Bien entendu, les normes sont révélatrices du parcours individuel de chaque être

humain ce qui rend plus difficile leur appréciation et donc leur contournement.

De fait, la surprise est directement liée à l’individu puisque c’est le vécu de celui-ci qui

conditionnera son schéma et la discordance ou non de l’évènement. Les effets censés être

surprenants d’une publicité ou d’un produit diffèrent d’une personne à l’autre. En ceci, la

surprise est une émotion qui se caractérise par son unicité : un sujet ne sera pas surpris deux

fois par le même effet. Ainsi, la surprise donne lieu à une révision du schéma par le cerveau et

elle ne sera pas suscitée lors d’occurrences ultérieures car le décalage sera attendu et mémorisé

par le cerveau de l’individu. Ce qui rend cette émotion fondamentalement différente des

autres, c’est l’absence de consensus auprès des chercheurs du point de vue de sa valence,

autrement dit concernant son ton. La surprise peut de cette manière résulter d’un stimulus

agréable tout comme désagréable. Il est alors d’autant plus dur de réussir à calculer l’effet

procuré à l’individu pour quelqu’un cherchant à surprendre. Un individu peut être surpris par

un cadeau inattendu, tout comme il peut être surpris de constater qu’il a perdu ses clés. Du

point de vue de la réaction face à un événement surprenant il est tout aussi difficile de prévoir

quelle sera la réaction et c’est ce qui rend le recours à cette technique de persuasion dure à

manipuler. Selon les sujets, le dérèglement du schéma peut provoquer des réactions

conscientes profitables à celui qui a organisé la surprise ou au contraire un déni envers celui-

ci. Un exemple typique est celui d’une fête inattendue : un premier sujet étant tout à fait

satisfait et comblé par cette surprise, le second se sentant au contraire floué et / ou stressé par

l’évènement. C’est pourquoi que la surprise est toujours suivie par une autre émotion

subséquente. C’est cette seconde émotion, qui découle de l’effet de surprise, qui donnera sa

polarité à l’expérience. En ceci, on peut en déduire que la surprise a « un rôle d’amplificateur

des réactions affectives subséquentes »61. Il est ainsi prouvé que le plaisir de gagner ou la

peine de perdre à un jeu sont plus conséquentes si le sujet est surpris du résultat. De manière

presque toujours reconnaissable, la réaction physiologique reste la même, comme l’explique

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!61!Citation de VANHAMME (2002) issue de DRIDI Monia & MAKHLOUF Mouna, « Affect, Emotion et Surprise Dans la Persuasion Publicitaire : une Revue de Littérature », in British Journal of Marketing Studios, Juillet 2014, Vol 2, No 3, p 84.!!

Page 42: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 40!

Vanhamme, avec un accroissement du rythme de la respiration, des battements du cœur, de la

conductibilité de la peau, de l’activité neurale, de la dilatation des pupilles et une verbalisation

spontanée. Cette dernière va constituer pour certains chercheurs l’indicateur le plus sensible de

l’intensité de la surprise. En conclusion, la surprise inclut l’horizon d’attente immédiat du

sujet – les réactions corporelles de surprise telle que la bouche bée – mais aussi son horizon de

résonnance – quelle va être ma réaction face à cet événement qui m’a surpris. Pour beaucoup

d’auteurs, elle se manifeste comme un processus actif de prise de conscience inconsciente, ou

de narration interne chez le sujet puisqu’il va faire intervenir un cheminement actif dans le

cerveau. Il semble que plus qu’avec n’importe quelle autre émotion, le cerveau s’attarde lors

d’une information surprenante. La surprise agit donc sur trois terrains : elle est à la fois un

choc, un processus coordonné et le déclencheur / amplificateur d’une autre émotion.

B:"LA" STIMULATION"SURPRENANTE,"VECTEUR"DE"REACTIONS" INCONSCIENTES"CHEZ"L’INDIVIDU"ET"PROFITABLES"A"L’EMETTEUR."

A la fois neutre et ayant le rôle de catalyseur, la surprise est pourtant un phénomène

qui se construit inconsciemment, suivant le cycle de l’évaluation émotionnelle. Pour ce qui est

du processus et des bénéfices à en retirer pour l’émetteur, c’est du côté des réactions

inconscientes qu’il est intéressant de se plonger avec l’activation d’une attention appuyée et

d’une mémorisation accrue, alors même que le consommateur ne s’en rend pas effectivement

compte.

1) Le cycle de l’évaluation émotionnelle : le parcours de l’émotion dans l’inconscient.

Le cycle de l’évaluation émotionnelle chez un individu répond à un processus interne

particulier qui détermine les réactions inconscientes du sujet face à des stimuli externes

envoyés par un émetteur ou relatifs à un évènement. Il pose les questions de la réception d’un

message externe par l’individu mais surtout de l’automatisation de la réflexion autour de cette

Page 43: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 41!

réception. En d’autres termes : le processus d’évaluation est-il implicite ou contrôlé par

l’individu ? Klaus Scherer théorise cinq dimensions fondamentales et chronologiques dans ce

cycle : évaluation de la nouveauté, de la valence, du rapport aux buts, du potentiel de maîtrise

et d’accord avec les normes. La première étape est résumée par la question « ce qui se passe

est-il familier ? » et répond au concept de nouveauté – versus les normes. Physiologiquement,

la nouveauté peut être facteur d’anxiété, c’est pourquoi cette phase est la première dans le

processus. Comme vu précédemment, de l’imprévisibilité de l’information découlera le besoin

de réaction. La seconde étape, celle de la valence est la réponse à la question « ce qui se passe

est-il positif ou négatif ? ». Cette évaluation peut être basée sur des caractéristiques innées – la

douleur – ou sur des apprentissages liés à la connaissance. La troisième dimension va mettre

en exergue la pertinence de l’information pour l’individu lui-même : c’est le rapport aux buts.

Cette étape va faire en sorte de comparer l’information réceptionnée avec les aspirations de

l’individu : si celle-ci s’avère pratique et efficiente pour atteindre les buts fixés par l’individu

alors elle sera retenue. D’après la théorie de Scherer, l’individu calcule automatiquement,

donc quasi inconsciemment, le rapprochement entre ses buts et le message reçu. Un

événement peut constituer une facilitation de l’accès aux buts fixés ou au contraire, une

barrière mais dans tous les cas, il est pertinent d’y apporter une réponse puisqu’il s’y rattache.

Ce processus est directement lié à la mémorisation et c’est en cela qu’il est l’un des plus

important au sein du processus pour atteindre le consommateur. En effet, les buts fixés par

l’individu sont retenus dans la mémoire et c’est là que l’information envoyée va se voir

déterminée comme pertinente ou non. De fait, il sera plus facile de mémoriser un événement

en rapport avec nos propres objectifs tandis qu’une information sans relevance avec notre

personnalité et nos objectifs personnels ne bénéficiera pas d’un espace conséquent dans notre

mémoire. Le potentiel de maîtrise intervient après l’établissement de la pertinence. Si

l’événement est important pour l’individu, celui-ci se doit de réagir et pour cela, il lui faut

faire un état des lieux de ses ressources internes afin d’exploiter – ou de contourner – ce qui le

rapproche – ou l’éloigne – de son but. La dernière étape constitue une mise en balance de

l’événement apparu avec les normes, d’une part sociales institutionnalisées, et de l’autre

personnelles. C’est cette exploration au sein des idéaux de l’individu qui va conduire à

l’émotion finale. Une émotion résulte ainsi d’une multitude de combinaisons de ces différentes

dimensions prises dans l’ordre chronologique. Il est important de noter que les émotions ne

Page 44: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 42!

prendront pas en compte de la même manière les différentes étapes : l’évaluation de l’accord

avec les normes est très prégnante lorsqu’il s’agit de la honte tandis que la première étape,

celle de l’évaluation de la nouveauté, sera celle qui dominera pour un effet de surprise.

Aux vues de cette théorie, il est particulièrement compliqué pour l’émetteur de

prétendre, par une campagne publicitaire, provoquer un sentiment particulier chez le récepteur.

L’enchaînement d’étapes que doit franchir l’information jusqu’à sa transformation en émotion

chez le sujet est à la fois dépendant de la personnalité de l’individu de même que de son

expérience de vie. L’évocation de la surprise est conditionnée par le facteur nouveauté en

priorité et suppose que l’individu n’ait pas déjà rencontré ce type d’information auparavant.

L’information se voulant surprenante doit alors constituer en un décalage du schéma, jamais

rencontré par l’individu et qui retienne l’attention de celui-ci via sa pertinence avec les buts

que se sera fixé cette personne.

2) La surprise, déclencheur d’une activation décuplée de la mémorisation

Tout comme pour les théories de l’affect, l’influence des stimuli émotionnels sur le

processus de mémorisation a suscité de nombreuses interrogations. L’émotion est d’ores et

déjà reconnue pour laisser des traces dans la mémoire : « L’émotion représent(e) une source

primaire de motivations humaines, et exerç(e) une influence substantielle sur la mémoire par

le biais de ses manifestations psychologiques »62. Il est également déjà apparu – ci-dessus –

qu’un événement impromptu prend une place plus déterminée dans la mémoire d’un sujet si

son cerveau la considère comme ayant un rapport avec ses buts fixés. Une récente étude de

2010 menée par des chercheurs allemands63 réaffirme la capacité du cerveau humain à mieux

mémoriser un événement impromptu qu’un événement prévu : l’individu se souviendra bien

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!62!GRAILLOT Laurence, « Emotions et Comportement du Consommateur : Intégration d’un Etat de l’Art », in Recherche et applications en marketing, 1998, Vol.13, N°1, p. 8. !63!Etude menée par Nikolaï Axmacher, publiée le 25 février 2010, Université de Bonn. !

Page 45: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 43!

plus d’un trajet où les transports en commun auront fait une grève non annoncée plutôt que

d’un trajet habituel en métro. L’un des effets du comportement d’un individu subissant un

effet de surprise est tout d’abord la cessation de toute activité en cours. Tomkins explique que

la surprise serait une sorte « d’interrupteur des activités en cours »64 et qu’elle prendrait le

dessus sur tout ‘programme’ en cours dans l’esprit du sujet. De cette façon, il apparaît que la

surprise éteint tous les processus cognitifs, émotionnels et conatifs en cours et vide

l’intégralité des données présente dans le cerveau à cet instant pour permettre le traitement de

la nouvelle information. De plus, le cerveau bloque toute interférence provenant d’un autre

stimulus. La surprise a la faculté d’offrir la mise à disposition totale des mécanismes

d’évaluation et de compréhension du cerveau à l’égard de l’information disruptive. La notion

de priorité échoit de fait à l’évènement surprenant. En résulte une concentration de l’attention

totalement axée sur le stimulus.

Cette concentration que Tomkins appelle « consciousness » malgré le fait qu’elle se

déroule au niveau de l’inconscient, est nécessaire à la survie de l’être humain. Il avance ainsi

la théorie selon laquelle, sans ce processus de concentration destiné à mémoriser plus

expressément l’événement nouveau, les individus évolueraient sans cesse dans un état

d’ingénuité : « It would look upon the world with continual surprise, and its competence

would be sharply limited by its inherent information-processing capacity » 65 . Grâce au

phénomène de stockage de l’information, les évènements marquants sont enregistrés et

dupliqués dans le cerveau pour en permettre l’appréciation et la compréhension. Le niveau

d’attention ou « processing capacity » comme l’appelle Berlyne va refléter le niveau de

mémoire consacré au stimulus. Plus l’attention consacrée à un stimulus augmente, plus la

mémoire sera mobilisée pour intégrer l’information. Tomkins précise que la valence de

l’information qui va générer la surprise n’est pas prise en compte dans le processus de ‘vide’

observé par le cerveau pour la mémorisation : que ce soit le bruit d’un coup de pistolet ou une

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!64!Citation issue de VANHAMME Joëlle, « La Surprise et son Influence sur la Satisfaction des Consommateurs : Synthèse des Recherches et Implications Managériales », in Revue Française du Marketing, Mai 2004, No. 197, p.44. !65!TOMKINS Silvan, Affect Imagery Consciousness : The Positive Affects, 1962, Springer Publishing Company, Volume 1, p.15.!

Page 46: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 44!

tape amicale sur l’épaule, la mémorisation sera la même pour un effet de surprise. C’est

seulement avec l’acceptation et l’évaluation de l’information lors de la phase active de

réflexion que l’origine de l’effet de surprise et sa polarité auront une influence sur le long

terme. Sur l’instant, l’espace mis à disposition et la mémorisation sont immédiats.

Le développement cognitif dû à un effet de surprise ne s’arrête pas là puisque grâce à la

mémorisation, le cerveau va améliorer le rappel via la focalisation de l’attention sur le

stimulus. Mais ce rappel va dépendre de la seconde émotion qui suit la surprise, celle qui sera

amplifiée et subséquente – joie, peur, honte etc. Charlesworth va théoriser deux situations

contraires et leurs conséquences sur la mémorisation selon que le sujet éprouve du ravissement

ou de la peur suite à la surprise. L’auteur préconise que si la tonalité de l’émotion est négative,

comme la peur justement, l’individu risque inconsciemment d’étouffer les conséquences qui

auront provoqué cet effet de surprise. Le rappel serait alors plus faible. En revanche, si

l’émotion secondaire s’avérait positive, tel que le ravissement, sa nature enjoindrait le sujet à

se rappeler des circonstances ayant provoqué cet état et le rappel en serait accru. Cette théorie

va à l’encontre du processus de mémoire décrit par de nombreux auteurs à propos l’évolution

animale et humaine. Darwin en tête de file, va affirmer qu’un événement imprévu dont la

conséquence provoque peine, douleur ou peur entraîne une mémorisation dont l’objectif est

l’apprentissage et la protection de l’espèce. L’instauration de la mémoire a pour but évident de

permettre à l’individu – ou à l’animal pour certaines espèces – d’apprendre de ses erreurs et

d’anticiper pour la fois prochaine. Dans le cas d’un stimulus surprenant désagréable, c’est la

mémoire de la douleur, de la peur ou du stress qui sera indispensable pour éviter à l’individu

de se faire surprendre une seconde fois. Ainsi, dès que le processus de mémorisation est

enclenché pour un événement disruptif en particulier, la reproduction de cet événement

n’engendrera pas de réaction de surprise – on l’a vu – et il sera également permis au sujet

d’anticiper l’événement, donc de le maîtriser. C’est ce que plusieurs chercheurs appellent

‘l’élaboration’ et qui va permettre au sujet d’éviter une seconde fois ce qui peut lui être

nuisible. Il sera intéressant dès lors de se pencher sur l’utilisation en marketing et surtout en

publicité de l’effet de surprise à polarité négative et de mesurer le taux de rappel à la marque –

ce que nous verrons un peu plus tard. Dans l’ordre chronologique, la réception d’un stimulus

Page 47: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 45!

surprenant capitalise le cerveau pour renforcer la mémorisation et puis va engendrer une

analyse active afin de trouver la réponse efficace et pertinente suite à cette information. C’est

en cela que l’on considère que la surprise dynamise activement les capacités de réponse du

cerveau.

3) La dynamisation des activités de réponse du cerveau face à un effet de surprise

Le vide qui est laissé entre le schéma attendu et le décalage inattendu induit la

nécessité pour le spectateur de s’adapter ou de réagir. Les émotions ont pour principale

fonction de permettre à l’être humain de s’adapter : elles préparent l’individu à interagir avec

son environnement, ses compatriotes et les imprévus qu’il peut rencontrer. Frijda va théoriser

le principe de passage à l’action 66 comme faisant suite au processus d’évaluation

émotionnelle. Selon lui, l’émotion va préempter une programmation de l’action à effectuer.

Les émotions forment une sorte de chemin inconscient qui vont déterminer l’individu à

accomplir certaines actions plutôt que d’autres. Les tendances à l’action organisent alors la

réponse émotionnelle immédiate. La surprise, en tant qu’émotion, va faire surgir une réaction

afin de permettre à l’individu d’analyser la situation et de pouvoir y répondre. Ce qui est plus

important avec la surprise qu’avec les autres émotions, c’est l’instant d’interruption brève du

traitement de l’information en cours – dû à l’originalité et à la nouveauté de cette information

– qui, de même qu’avec la mémorisation, va permettre au cerveau de dynamiser sa capacité à

réagir. Ce moment de vide est nécessaire pour combler le manque de ressource et dynamiser la

recherche afin de trouver une réponse au plus vite. L’activité du cerveau est ainsi largement

plus appuyée lors d’une recherche concernant une information surprenante que face à un

stimulus connu donnant lieu à des émotions telles que la joie, la honte ou la colère. C’est ce

que Berlyne va appeler ‘activation’ ou « degré d’éveil, d’alerte d’un organisme, à la mesure

dans laquelle il est prêt à réagir »67 et qui constitue une composante de la surprise. Goleman

va lui jusqu’à définir la surprise comme une émotion intelligente dont les conséquences !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!66!KIROUAC Gilles, Cognition et émotions, 2004, Editions de L’IQRC, p. 41. 67!BERLYNE cité par VANHAMME, 2000. !

Page 48: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 46!

physiques tout comme physiologiques vont amplifier la réflexion de même que l’action. Tout

comme Darwin, il préconise que via cet état, l’individu va activer ses neurones de manière

plus effective afin de trouver une réponse adéquate : « la surprise provoque un haussement de

sourcils qui élargit le champ visuel et accroît la quantité de lumière atteignant la rétine.

L’individu dispose ainsi de davantage d’informations concernant un événement inattendu.

Cela lui permet de mieux évaluer la situation et de concevoir le meilleur plan d’actions

possibles »68.

La surprise a un rôle d’impulsion motivationnelle qui va se découper en plusieurs

phases lors de l’analyse de l’événement disruptif. La première est la recherche causale, puis le

sujet identifie la signification que peut avoir cette divergence et enfin il met à jour son schéma

propre. La suite de l’analyse de la réaction à effectuer par le cerveau va concerner la valence

de l’émotion. Comme vu précédemment, la surprise est très rarement éprouvée seule et se

trouve suivie par une autre émotion qui va lui donner sa polarité. Cette deuxième évaluation –

après celle du schéma et de sa mise à jour – est indispensable afin d’extérioriser le ressenti. De

la même façon, elle s’avère brève, automatique et inconsciente. Cette phase va alors donner

lieu à l’apparition d’une autre émotion qui va se rattacher à la surprise et en faire une ‘bonne’

ou ‘mauvaise’ surprise. L’individu réagira de telle manière à répondre à cette information

positive ou négative. Pour aller plus loin dans la faculté que peut avoir la surprise à motiver

l’individu à agir ou tout du moins à réagir, Tomkins met en lumière le phénomène de

commande. Dans sa typologie de la motivation à agir, il théorise que le système de commande

chez l’individu est subordonné au système de l’affect. L’affect est, tout comme vu

précédemment avec la surprise et les émotions secondaires, un amplificateur qui aura pour

mission de déclencher le système de commande. Pour Tomkins, le système de l’affect est le

premier activateur de cognition, de décision et d’action – ce qui remet en cause les théories de

la communication des années 50 aux Etats-Unis selon lesquelles l’affectif fait suite au cognitif.

En allant plus loin, l’auteur argumente en faveur de la valence des émotions comme la surprise

en affirmant que l’individu ne peut apprendre et devenir pleinement lui-même qu’à travers !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!68!GOLEMAN Daniel, L’intelligence Emotionnelle : Comment Transformer ses Emotions en Intelligence, 2003, J’ai lu, p.22. !

Page 49: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 47!

l’activation d’affects positifs ou négatifs sur son être. Autrement dit, un effet neutre ne permet

pas l’apprentissage ni la réaction.

C’est sur ce point névralgique que la surprise a son importance dans la publicité : selon

Derbaix et Grégory, la surprise est « une émotion clé en publicité car son déclenchement

indique que, malgré l’encombrement publicitaire actuel, on a réussi à accrocher le

consommateur »69 . Et, comme l’explique Weilbacher : « Une publicité, n'importe quelle

publicité, a une tâche très difficile qui est de retenir l'attention d'un consommateur et encore

plus difficile, une fois perçue, d’apporter un réel plus à ce que le consommateur connaît déjà

de la marque » 70 . C’est cette émotion qui va à la fois permettre de passer outre

‘l’encombrement publicitaire’ tout en donnant une valeur ajoutée à la marque, en lui

prodiguant une perception propre dans l’esprit du consommateur. Or l’émotion surprenante –

comme on l’a vu – est très propice à la mémorisation premièrement, mais également à

l’activation dynamique du cerveau et d’un phénomène de réponse. Les marques ont intérêt, si

l’on suit cet enchaînement, à accrocher d’une part l’attention du consommateur, mais

également de chercher à conserver ce temps de cerveau disponible le plus longtemps possible.

Il leur est donc indispensable de provoquer une réaction suffisamment surprenante pour

captiver le cerveau du consommateur et générer un rappel bénéfique à la marque. Toute la

question est de définir la polarité de ce rappel et son influence sur l’esprit du consommateur

sur le court terme ainsi que sur le long terme.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!69!Citation issue de DRIDI Monia & MAKHLOUF Mouna, « Affect, Emotion et Surprise Dans la Persuasion Publicitaire : une Revue de Littérature », in British Journal of Marketing Studios, Juillet 2014, Vol 2, No 3, p 79. !70!WEILBACHER WM, « How Advertising Affects Consumers », in Advances in Consumer Research, 6, 2003. !

Page 50: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 48!

C" –"QUELS" EFFETS" POUR" LA"MARQUE"?" LA" VALEUR" AJOUTEE" DE" L’EFFET" DE"SURPRISE"

Nombreux sont les auteurs qui s’interrogent sur les effets psychologiques des émotions

sur l’être humain afin d’y voir un chemin à emprunter en marketing en faveur des marques. La

satisfaction du consommateur est devenue un véritable graal pour les professionnels du

marketing et les marques elles-mêmes. La littérature – toujours apte à prodiguer des réponses

en temps voulu – s’est particulièrement attachée à faire des recherches sur le sujet comme en

témoigne les différents ouvrages et rendus universitaires de Vanhamme. Mais avant même de

parler de satisfaction pour le consommateur après l’acte d’achat, il convient au départ de

provoquer ce passage à l’acte. C’est dans ce cadre-là que l’étude de l’effet de surprise peut

s’avérer pertinente à utiliser pour la marque. De nombreuses questions se posent quant à

l’efficacité de cette émotion sur le comportement du consommateur : si l’influence de l’effet

de surprise est certaine, combien de temps dure-t-elle ? Le rappel à la marque et l’impression

imprégnée dans l’esprit du consommateur sont-ils dépendants de la polarité de l’effet de

surprise ? Les interrogations sont nombreuses et peu de réponses sont à ce jour véritablement

mises en lumière c’est pourquoi l’usage de la surprise reste une technique à la fois originale et

véritablement ‘surprenante’ pour le consommateur.

1) Le lien entre l’attitude envers l’annonce et l’attitude envers la marque sous l’effet de surprise.

Le lien entre l’annonce et la marque n’est plus à développer : les différentes recherches

ont permis de mettre à jour que les éléments présents dans une publicité sont affectés à la

marque dans le cerveau du consommateur, tout du moins si celui-ci les a mémorisés. Le taux

de mémorisation est alors assigné selon différentes mesures – taux de mémorisation

spontanée, assistée. Grâce à ces mesures il est possible de définir ce que le consommateur

spectateur de l’annonce assimile à la marque annonceur. Une étude réalisée par un chercheur

et portant sur la réponse du consommateur face à la nudité dans la publicité rapporte que la

Page 51: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 49!

surprise influence « positivement et significativement l’attention portée à l’annonce, qui se

répercute elle-même sur le rappel de la marque »71. L’auteur réalise ainsi un schéma72 d’ordre

chronologique qui relie l’émetteur et son annonce à l’attitude envers la marque. Le chemin

suivi implique la réaction fortement affective qu’elle soit positive ou négative suite à l’effet

surprenant, qui influera sur l’attention portée à l’annonce, à la mémorisation de la marque et la

familiarité éprouvée pour la marque avant de conduire à un changement d’attitude. Pour

Lombardot, l’émotion est de cette manière vecteur d’un changement d’attitude certain et

engage l’esprit du consommateur dans un processus chronologique : suivant les phases

cognitives, affectives puis conatives. Cette chronologie des réactions peut toutefois être remise

en question – nous avons déjà vu que l’un ne découle pas forcément de l’autre. C’est surtout le

lien entre l’exposition à l’annonce surprenante et le changement d’attitude envers la marque

qui est ici notable et remarquable. Ce schéma reprend la théorie de la loi des extrêmes et

insiste sur le rappel à la marque grâce à l’annonce.

Comme on l’a vu, la surprise est une émotion de courte durée. Une des questions

fondamentale est de s’interroger sur la durée dans l’esprit du consommateur de l’influence que

peut avoir cette émotion. Dans le cas d’une publicité média classique, l’influence sur le

consommateur ne doit pas être instantanée car elle ne donnera pas lieu à un passage à l’acte –

le consommateur étant très rarement en situation d’achat lorsqu’il est exposé à une annonce

publicitaire. Izard fait a contrario part de la capacité de durée d’influence de certaines

émotions. Ainsi la tristesse est une émotion qui peut influencer le comportement d’un individu

pendant plusieurs jours tandis que selon lui, la surprise n’a qu’une influence instantanée.

L’influence sur le long terme est indispensable – bien que difficilement atteignable – pour les

marques qui se battent pour rester à l’esprit du consommateur. Il est toutefois notable de

préciser que certaines impressions immédiates, sans conditionner le sentiment du

consommateur à la marque sur le long terme, peuvent parfois s’avérer déterminantes. Les

réactions émotives sont, on l’a vu, stockées dans la mémoire et peuvent être retrouvées plus

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!71!LOMBARDOT Eric, Influence de la Nudité en Publicité sur l’Attention Portée à l’Annonce et à la Marque, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, p. 11. !72!Annexe 8 : LOMBARDOT Eric, op. cit. p. 4.!

Page 52: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 50!

facilement. Une récente étude menée en 2014 par le chercheur Didier Courbet sur 400

individus a de fait démontré que les liens publicitaires impromptus sur internet et pas

forcément visualisés en intégralité s’imprègnent tout de même naturellement dans notre

inconscient. Ce qui est intéressant de noter, c’est justement la durée impressionnante – trois

mois – durant laquelle les informations à peine entrevues sont stockées dans la mémoire. Ces

messages disruptifs appelés ‘pop-up’, dont l’internaute ne prête plus aucune attention ont tout

du moins la capacité de laisser leurs informations sur une longue durée dans le cerveau du

consommateur. Selon les résultats de l’étude, celui-ci pourra alors reconnaître la marque s’il la

recroise et il se sentira plus enjoint à se comporter positivement à son égard. La mise en

relation de la conclusion de cette étude avec l’effet de surprise permet de contrer la vision de

Izard donnant à la surprise une influence instantanée. Les ‘pop-ups’ – comme leur nom

l’indique, ce sont des messages surgissant de nulle part et prenant l’internaute par surprise –

ont ainsi la capacité de promouvoir les informations de leurs messages sur le long terme.

L’aspect cognitif (le consommateur se souvient de la marque inconsciemment) participant à

faire émerger un comportement plus positif envers la marque, est lui aussi remarquable. En

d’autres termes, un message disruptif sur internet même peu interpellant pour le spectateur

permet à la marque annonceur de bénéficier d’une mémorisation sur trois mois et d’un rappel

positif dans l’esprit du consommateur.

2) Privilégier la surprise positive, une pensée trop limitée ?

La valence de l’effet de surprise à associer à une annonce publicitaire est

communément perçue comme devant être positive. Les récentes campagnes de communication

misant sur l’effet de surprise semblent néanmoins contredire les théories jusqu’alors acceptées.

Les études menées par Russel et Plutchick révèlent qu’une forte satisfaction va s’accompagner

de forte connotations émotionnelles : je suis heureux lorsque je suis satisfait. En revanche, lors

d’une insatisfaction, je suis moins émotionnellement réactif et les connotations émotionnelles

seront de moindre intensité. Certains auteurs se sont attachés à montrer qu’émotion et

satisfaction constituent deux construits théoriques distincts mais rattachés au niveau de leurs

conséquences sur le consommateur. Ainsi, une réponse émotionnelle va coexister avec un

Page 53: De l’importance d’intégrer l’effet de surprise dans le

! 51!

jugement de satisfaction. Vanhamme théorise un double effet de la surprise sur la satisfaction.

L’effet direct est celui qui s’active grâce à la surprise elle-même, grâce notamment à

l’originalité de l’annonce. L’effet indirect va découler du ressenti de l’émotion positive ou

négative qui suit la surprise. Dans les deux cas, la surprise agira positivement et doublement

sur le niveau de satisfaction du consommateur. L’auteure précise cependant que les deux effets

n’utilisent pas toujours la même voie : la surprise peut agir uniquement de manière directe ou

seulement de manière indirecte. Il est toutefois important de préciser que cette étude est

véridique dans le cas d’un acte de consommation73. Il est difficile de savoir si la polarité de

l’émotion subséquente à la surprise aura un rôle sur l’influence du consommateur. Si la

surprise en elle-même influence directement le niveau de satisfaction, elle l’influencera

toujours positivement en favorisant le rappel à la marque. En effet, il a déjà été vu qu’une

annonce surprenante génère des effets plus présents et plus bénéfiques pour la marque qu’une

annonce neutre. Mais dans le cas où la surprise affecte la satisfaction via l’émotion qu’elle

engendre, quelle est la différence entre une émotion positive ou négative ? En d’autres termes :

sur quelle polarité d’émotion miser afin de doter l’émetteur du meilleur retour – ou rappel le

plus positif – à la marque ?

Charlesworth va faire part de deux possibilités concernant l’attention du consommateur

envers la marque : meilleur rappel ou moins bon rappel à la marque. Il avance la théorie selon

laquelle, si la surprise est suivie par une réaction négative telle que la peur ou la honte, le

consommateur spectateur risque de réprimer la cause de cet effet de surprise. L’auteur indique

que dans ce cas de figure, le meilleur rappel n’est pas présent. A contrario, une émotion

positive survenue grâce à un effet de surprise favoriserait le rappel à la marque. De la même

manière, Bowen et Schneider vont proposer une illustration74 des niveaux de satisfaction d’un

individu concernant l’annonce lorsqu’il se retrouve en face à un événement surprenant –

produit ou schéma de l’annonce non attendus. Selon ces deux auteurs, la polarité de la réaction

qui suit l’effet de surprise va définir le niveau de satisfaction du consommateur. En

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!73!VANHAMME J. & LINDGREEN A., «Gotcha! Findings From an Exploratory Investigation on the Dangers of Using Deceptive Practices in the Mail Order Business», in Psychology & Marketing, 18, 7, pp. 785-810. !74!Voir Annexe 9 : niveaux de satisfaction selon Schneider et Bowen (1999).!

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! 52!

conclusion, une réaction positive entrainera un effet de ravissement – joie surprise – tandis

qu’une réaction négative donnera lieu à de l’indignation – colère surprise. Dans le premier cas

le consommateur se sentira satisfait alors que dans le second, il percevra de l’insatisfaction. En

ce cas, la marque peut souffrir de cette association avec un ressenti négatif. Bien entendu, le

niveau de satisfaction est lui aussi sujet à des échelles : le ravissement est ainsi le plus haut

stade de satisfaction qui comporte également le stade de simple contentement. Dans l’échelle

inversée, l’indignation est plus élevée que le non-contentement. Ces différents extrêmes –

ravissement et indignation – ont plus de chance de conduire à une réaction que leurs niveaux

inférieurs. Mais, dans l’imaginaire collectif, l’insatisfaction est aussi perçue comme une notion

impliquant une promesse non tenue : l’individu peut se sentir floué, ce qui représenterait un

danger pour la marque émetteur. Dans l’exemple mis en place par Bowen et Scheider, la

surprise dont l’émotion subséquente a une polarité négative, aura de fait un très mauvais effet

sur l’individu qui se répercutera par la suite sur la marque.

Certains chercheurs appuient la pensée commune selon laquelle une expérience

émotionnelle positive est plus propice à influencer fortement un individu qu’une expérience

émotionnelle négative. Les études concernant le comportement psychologique des blessés de

guerre ont été une source supplémentaire d’interrogations à propos de l’influence de la

surprise selon sa polarité. Les soldats ayant été traumatisés durant la guerre et souffrant de

troubles du comportement dus aux tirs, au vacarme des armes et aux explosions inattendues

ont constitué un contre-exemple de la théorie selon laquelle la surprise positive a une influence

plus intense que la surprise négative. La guerre – environnement dans lequel ils ont dû évoluer

– représente une situation stressante qui les a continuellement placés sur le qui-vive. Sur le

retour, de nombreux vétérans souffrent de dépression ou d’hallucinations concernant un retour

au front. Leur mémorisation s’est trouvée fortement accrue lors de leur rencontre avec ces

évènements surprenants et à forte polarité négative – impliquant stress et peur. Les chercheurs

arrivent, de fait, à la conclusion que ces évènements fortement émotionnels et négatifs ont

laissé une empreinte très nette dans l’inconscient des soldats et favorise un rappel à la guerre

constant. Les troubles post-traumatiques sont un parfait exemple de l’influence que peut avoir

un événement émotionnel dit négatif sur l’esprit d’un individu. Appliqué au cas du marketing

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! 53!

il permet d’entrevoir ce que pourrait être la force d’un effet de surprise se transformant en peur

ou en stress provenant d’une annonce : le rappel à la marque pourrait s’en trouver fortement

renforcé et plus accru qu’avec des expériences positives. Reste à définir cependant la valence

de ce rappel à la marque et si celui-ci bénéficiera à l’émetteur ou non.

Une nouvelle tendance s’inscrit dans cette continuité et entend donner à la surprise

négative son heure de gloire dans le marketing publicitaire. Une agence de publicité

canadienne – John St. – se spécialise dans ce qu’elle a elle-même nommé : l’exFEARential.

Cette idéologie publicitaire compte mettre au centre des campagnes la peur, le stress,

l’angoisse ou même la honte grâce à une situation inattendue, surprenante et désagréable.

L’objectif avoué de cette technique est pour la marque – et pour les publicitaires – de rester à

jamais dans la mémoire des spectateurs / victimes. Selon le directeur de création de l’agence

John St : « good advertising should make you nervous »75. Par cette affirmation, le publicitaire

réaffirme la vocation première de la publicité : captiver le spectateur, le faire rêver et partager

des émotions. La peur et la surprise désagréable sont des émotions sous-utilisées dans ce

secteur, raison de plus pour se servir de leur double efficacité d’après l’agence. Les annonces

seront ainsi à la fois originales donc propices à capter l’attention, et exploiteront les avantages

de la surprise négative à savoir intérêt du spectateur, mémorisation et activation dynamique du

cerveau. De nombreuses campagnes s’inspirent désormais de ‘la force des émotions négatives’

auxquelles « you can’t escape » selon les dires de Chris Hirch. La pertinence entre la marque

et la technique n’a pas besoin d’être évidente : de Coggin’s, au film Carrie en passant par

Cuisinella ou Nivéa, les caméras cachées surprenantes et dérangeantes – avec ou sans acteurs

– deviennent légion. Si la publicité entendait émerveiller le consommateur à l’avènement de la

consommation de masse, elle cherche cette fois-ci à choquer le spectateur lassé et blasé par

des images et des marques cent fois vues et entendues. L’agence John St avoue avoir pour

objectif de rendre les publicités « traumatic », un terme qui ne va pas sans rappeler les études

précédemment expliquées autour des expériences sur les anciens combattants. L’effet de

surprise combiné à l’émotion subséquente de la peur enclenche pour les clients de l’agence

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!75!Chris Hirch cité depuis la vidéo ExFEARential making off et interview des publicitaires de l’agence John St. http://bit.ly/1lFUVrv

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! 54!

une augmentation allant jusqu’à 15% de notoriété supplémentaire. Quant à savoir si l’affectif

et le conatif évoluent également, il n’en est pas question dans l’interview. Cependant, au

travers des recherches et des théories mises en lumière à propos de la réaction du cerveau

humain face à un effet de surprise, il peut être hypothétiquement question de leur

augmentation, ainsi que d’un meilleur rappel à la marque.

Il est pour le moment, et aux vues de cette étude, impossible de mettre spécifiquement

en lumière les avantages à recourir plutôt à un effet de surprise négatif ou bien positif.

Toutefois, l’important est de notifier l’existence et l’utilisation en marketing toujours plus osée

et fréquente d’un effet de surprise à polarité négative. Malgré le manque de chiffre en la

matière, il est permis d’émettre son efficacité aux vues de la multiplication de cette technique.

Malgré tout, il convient de garder à l’esprit que l’exFEARential – comme il est appelé pour le

moment – peut tenir son efficacité de son originalité. Or le proverbe ‘le futur d’hier est le

passé de demain’ n’a jamais été aussi vrai que pour le monde du marketing, toujours soumis à

l’innovation et l’évolution. La surprise négative n’est peut-être qu’une tendance brillant plus

par son originalité qui lui permet de capter l’attention que par son efficacité dans le

changement de comportement. Malgré tout, le chemin vers le cerveau du consommateur est

clairement exploité et la surprise y occupe une place de choix.

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! 55!

Conclusion

Le cas du celebrity marketing – ou endossement – a souvent été étudié dans la

littérature marketing et dans les recherches universitaires afin de faire bénéficier à l’univers

professionnel de réponses claires et sûres, immédiatement utilisables. Les émotions, et la

surprise plus particulièrement, fascinent les auteurs depuis l’antiquité et attirent depuis le XXe

siècle les marketeurs aux vues de l’influence qu’elles peuvent avoir sur le consommateur.

Dans le domaine de la publicité à une époque où le spectateur / consommateur devient de plus

en plus passif, une combinaison de deux techniques ayant un effet bénéfique pour la marque

est une plus-value à ne pas sous-estimer. L’hypothèse centrale de cette étude était de chercher

à mettre en valeur les avantages du celebrity marketing d’une part et de la surprise de l’autre

tout en imaginant si – comme dans l’exemple unique de BradPitt et Chanel N°5 – l’utilisation

de la surprise dans le choix des égéries permettrait un renouveau du genre. Pour ce faire, il fut

convenu de partager la réflexion en deux axes s’intéressant dans la premier à la volonté de

l’émetteur et pour le second à la psychologie du récepteur. Dans la première partie, le celebrity

marketing, ses objectifs et son évolution intégrant l’effet de surprise ont été déployés au

moyen d’exemples contemporains et d’interviews de publicitaires. Le second axe, répondant à

des besoins d’explicitations plus psychologiques, a permis de mettre en lumière les

mécanismes de la surprise sur le cerveau humain grâce à des écrits et études empiriques. Les

deux parties ont ainsi composé un ensemble à la fois ancré dans un questionnement marketing

de son temps – comment améliorer l’impact sur le consommateur dans la publicité grâce au

celebrity marketing – et intégrant des faits et recherches psychologiques basée sur les études

du cerveau du consommateur.

Il a, en premier lieu, été indispensable de revenir sur les techniques imaginées par les

publicitaires afin de faire la promotion des marques. Les agences de publicités, malgré leur

capacité et leur volonté à se dévouer à la création, obéissent à des impératifs rationnels : le

plus souvent l’augmentation des ventes. La publicité est bien un business dont chaque script

n’est envisagé qu’après étude des objectifs de la marque et mise en place de stratégies

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! 56!

rationnelles et cohérentes. Par nature, la publicité doit persuader le consommateur, et pour se

faire, les professionnels envisagent plusieurs méthodes. Le recours à l’affectif est une des

recettes les plus employées dans le milieu afin de doter la marque d’un capital sympathie et

favoriser de cette manière la préférence. Persuasion rime ainsi avec émotion positive pour le

publicitaire et il est prouvé que cela alloue en outre une meilleure opinion à la marque. Une

seconde étape est nécessaire pour la marque : celle de se différencier de ses concurrents

toujours plus nombreux. C’est en cela que le celebrity marketing va être efficace. Ses

nombreux avantages – différenciation, internationalisation, transfert d’affect à la marque –

sont également établis depuis longtemps. La mouvance continuelle du monde de la

communication et des tendances a poussé cette technique à évoluer avec le temps. Afin de

bien comprendre son utilisation, il était essentiel de bien en connaître l’historique et les

contraintes. C’est cette perpétuelle renaissance de la méthode qui assure à l’endossement une

contemporanéité et une efficacité certaine. Mais malgré les bénéfices partagés – à la fois pour

la marque et pour la vedette – la banalisation et la multiplication effarante du recours aux

égéries de nos jours pose le problème de l’urgence de son renouveau. Ce renouveau, c’est avec

l’effet de surprise qu’il commence à s’effectuer avec la volonté de briser les barrières

instituées par la passivité et l’habitude du spectateur. Une égérie surprenante c’est la

possibilité d’étonner, de captiver, de provoquer l’interrogation et de suggérer un bouche-à-

oreille que les publicitaires peinent à générer. L’étude s’est donc intéressée à mettre à jour

l’avènement pour le moment discret de cette association – celebrity marketing et effet de

surprise. Et c’est vers le secteur du luxe que la méthode fait son apparition, univers

déterminant les tendances à venir puisque suivi et imité par les marques de grande

consommation. L’exemple de Chanel N°5 n’est pas le seul cas et beaucoup de noms de luxes

associent leurs produits ou leur enseigne à des égéries imprévisibles. La différenciation d’avec

leurs concurrents, ayant absolument tous recours à des vedettes ambassadeurs, le choc

présumé du public et enfin les retours presse effervescents semblent être autant de bénéfices à

ne pas négliger pour ces grands noms du luxe cherchant à se démarquer par leur innovation.

La seconde interprétation actuelle de l’utilisation d’égéries surprenantes est pour le moins

polémique puisqu’elle induit parfois la parodie et le parasitage d’image non accordé : c’est le

cas du détournement d’image de star particulièrement employé par le secteur de l’humanitaire

ou des associations dont le mantra est souvent de choquer et d’attirer l’attention avec un

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! 57!

budget limité. Quel meilleur moyen que de combiner la surprise à l’endossement, vecteur

d’attention et de mémorisation.

Après avoir décrit et analysé l’apparition d’un genre de celebrity marketing s’appuyant

sur la surprise, il convenait de décrypter l’incidence de cet effet sur le cerveau du

consommateur afin de comprendre la réception d’un tel message. La stimulation surprenante

implique de visu des réactions chez l’individu mais il est important de connaître et comprendre

ces attitudes qu’elle peut engendrer. Dans ce contexte publicitaire, la prise en compte des

réactions affectives déclenchées par l’annonce s’avère nécessaire afin de d’interpréter le

changement de comportement probable de l’individu. Tout d’abord il était nécessaire de

replacer la surprise au centre des théories de l’affect en décrivant les caractéristiques d’une

émotion et en démontrant que la surprise est une émotion primaire et que sa neutralité n’est

rendue possible que par l’émotion subséquente qu’elle entraîne à sa suite et d’où provient sa

réelle polarité – négative ou positive. Si les réactions physiques et verbales sont facilement

discernables chez l’individu surpris, les mécanismes de l’inconscient sont plus difficiles à

évaluer et pourtant très profitables à l’émetteur. La surprise suit le chemin du cycle de

l’évaluation émotionnelle habituel mais se distingue par son unicité en ceci qu’elle vide

intégralement le cerveau humain de tout superflu faisant obstacle à la compréhension de

l’événement surprenant. La surprise est donc une émotion reine et puissante puisque, dès son

apparition dans l’inconscient, elle catalyse la disponibilité et la capacité analytique du cerveau

sur elle-même. En résulte une attention prolongée, totale et une mémorisation plus optimale

que pour une autre émotion. L’action de compréhension dynamisée par la place faite dans le

cerveau par la surprise rend l’individu plus apte à saisir la cause de cette surprise. De fait, la

publicité a tout intérêt à proposer de plus en plus de situations surprenantes aux vues de

l’attention captivée, de la mémorisation accrue, et de l’analyse poussée de l’individu envers

l’annonce. La question en suspend restait de savoir si l’émotion suivant la surprise agirait de

manière bénéfique ou non selon sa polarité. Les auteurs et les théories diffèrent sur le sujet,

mais il est en tout cas admis qu’une annonce surprenante négative ou positive est de meilleure

efficacité sur l’individu qu’avec une émotion plus neutre ou plus commune telle que la joie ou

la tristesse. Le véritable enjeu marketing reste toutefois celui du rappel à la marque si l’on suit

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le schéma circulaire communément admis passant de l’émetteur au récepteur et revenant à

l’émetteur. La dernière étape – l’attitude envers la marque – est celle qui permet le

changement d’attitude sur le long terme du consommateur, la plus ardue à matérialiser.

L’interrogation finale était de déterminer dans quelle mesure une surprise positive ou négative

serait plus apte à favoriser le changement d’attitude envers la marque. La revue de littérature

s’avise de préférer la première tandis que l’actualité publicitaire semble donner une place

nouvelle à la surprise associée à la peur ou au stress. Dans les deux cas et seulement au sein de

cette étude, il est apparu que la polarité n’est pas directement cause de moins bon ou meilleur

rappel à la marque.

A la lecture de cette recherche, il est possible de mettre en évidence la rationalité à

combiner endossement et surprise dans le choix des égéries, chacune de ces techniques ayant

des effets positifs sur la relation entre le consommateur et la marque. Les associations marque

et vedettes imprévisibles font une apparition certaine dans les domaines de la communication

les plus propices à l’innovation et à la recherche de visibilité par le public. Il est impossible de

conclure cependant à une efficacité de cette méthode et à un lien de causalité sans avoir pu

réaliser une étude de terrain auprès d’un public assez large. Pour ce faire, une manipulation

expérimentale de la surprise via le choix des égéries doit être envisagée. Malgré tout, les

avantages bénéfiques à la marque démontrés par les psychologues et marketeurs ont une

valeur plus universelle du point de vue de la technique – nombreuses enquêtes de terrain.

La première partie de ce mémoire reflète néanmoins l’empreinte du sujet de la

recherche dans son époque – interviews contemporaines – mais elle est également assez

limitée du point de vue du peu d’entretiens réalisés et de la subjectivité des avis émis. A la fois

revue de littérature et prescriptrice de méthode à utiliser, cette recherche et les conclusions

obtenues permettent de proposer des ingrédients utiles à une recette publicitaire novatrice et

originale, ne demandant pas aux marques un budget supérieur à celui qu’elles dépensent

habituellement, mais décuplant les bénéfices directs et indirects – relations presses et diffusion

par le consommateur à ses proches par exemple. Il est également notable de souligner que les

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! 59!

consommateurs étant toujours autant férus d’égéries publicitaires, les entreprises ou marques

ont le devoir de rivaliser d’originalité afin de créer de la surprise dans ce genre de

communication, mais également dans leur offre / produit. La publicité n’est ainsi jamais

meilleure que lorsque la marque, sa communication et son développement interne suivent un

seul et même mouvement.

Le mémoire ci-présent a eu pour principal but comme pour tant d’autres de permettre à

son auteur d’intégrer ces conclusions à son parcours professionnel. Les conclusions arrêtées

ont une valeur véridique dans l’instant présent mais doivent être continuellement remises en

question compte tenu de la perpétuelle innovation du secteur de la publicité. Le choix du sujet

combinant marketing et psychologie du consommateur aura lié deux disciplines encore peu

associées dans le milieu professionnel de la publicité ce qui s’avère regrettable. En mettant à

l’honneur dans ce mémoire techniques marketing, tendances publicitaires et étude sur le

consommateur, l’auteur espère ancrer ses trois fondements au cœur de sa carrière

professionnelle, et abattre les barrières entre commerciaux, stratèges et analystes.

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Bibliographie

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Sommaire des annexes : Annexe 1 : Sondage Babillage.net ………………………………………………………….p 66 Annexe 2 : Etude Airofmelty ……………………………………………………………….p 66 Annexe 3 : Modèle AIDA …………………………………………………………………. p 67 Annexe 4 : Intégration des travaux menés en comportement du consommateur sur la réaction émotionnelle ………………………………………………………………………………...p 67 Annexe 5 : Entretien avec Gérard Charbit

- Fiche d’entretien préalable …………………………………….. p 68 - Entretien retranscrit ……………………………………………. p 70

Annexe 6 : Entretien avec Matthias Rey

- Fiche d’entretien préalable …………………………………….. p 77 - Entretien retranscrit ……………………………………………. p 79

Annexe 7 : Tableau des émotions primaires dans les théories récentes …………………... p 85 Annexe 8 : Loi des extrêmes ……………………………………………………………… p 85 Annexe 9 : Niveaux de satisfaction ……………………………………………………….. p 86 Annexe 10 : Liste des annonces publicitaires citées ……………………………………… p 86

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ANNEXE 1 : SONDAGE BABILLAGE.NET Source : babillage.net, « Marques et Egéries, Pour le Meilleur et Pour le Pire », Avril 2011. http://babillages.net/2011/03/04/marques-et-egeries-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire/ ANNEXE 2 : ETUDE AIROFMELTY Source : Airofmelty.fr, Juin2014, Celine Pastezeur. http://www.airofmelty.fr/marketing-6-jeunes-sur-10-aiment-voir-un-artiste-associe-a-une-marque-a301798.html

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ANNEXE 3 : MODELE AIDA Source : NGUYEN Hoang Sinh Ma « The Hierarchy Model of Advertising Effects : a Debate », in Ho Chi Minh Open University, 2013, p. 93 ANNEXE 4 : INTEGRATION DES TRAVAUX MENES EN COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR SUR LA REACTION EMOTIONNELLE Source : GRAILLOT Laurence, « Emotions et Comportement du Consommateur : Intégration d’un Etat de l’Art », in Recherche et Applications en Marketing, 1998, Vol 13, N°1, p. 20.

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ANNEXE!5!(A)!:!FICHE!D’ENTRETIEN!SEMI!DIRECTIF!AVEC!GERARD!CHARBIT!

I- Présentation globale de l’entretien à venir • Ma présentation : fille d’une ancienne collègue • Ce qui m’amène à contacter Gérard : mon mémoire • Le déroulement de l’entretien : sociologique, permission d’enregistrer.

II- Questions pour mettre en confiance • Qui il est : Le Bélier, Président McCann Paris, consultant auprès de

plusieurs annonceurs, stratège de grandes campagnes. • Qu’y a –t-il à ajouter ?

III- Le vif du sujet : les publicités avec égéries ! Le cas Nespresso • Quelle était la perception générale envers la marque avant George

Clooney ? • Quelles étaient les problématiques/objectifs de la marque en 2005 ? • Comment en êtes vous venu à considérer l’option de l’égérie ? Pourquoi

Clooney ? • Avez vous déroulé une stratégie de teasing avant la révélation de l’égérie ? • La campagne est surtout présente en Europe si je ne me trompe pas,

pourquoi pas aux US ? • La signature a t-elle découlée de l’égérie ou le contraire ? • Le succès a été au rendez-vous, en tout cas au niveau de la notoriété et

chaque spot est très attendu ! Aviez vous prévu de faire une saga dès le début ou le succès a-t-il initié cette saga ?

• Avez vous obtenus et pourriez vous me communiquer les retours concernant une augmentation des ventes (+44% en 2007), de l’affection pour la marque, ou même de la notoriété ? Puis-je trouver ces chiffres d’une quelconque manière quelque part ?

• Savez vous comment la marque et l’acteur ont fait face à l’usurpation de l’identité de Clooney par la campagne militante de l’association Solidar.ch voulant attirer l’attention sur l’exploitation des travailleurs du café ? (2011)

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IV- Demandes plus générales

• Considérez-vous George Clooney comme un choix surprenant aux vues de la marque ? (l’acteur étant connu pour sa classe mais aussi son flegme). Ou de manière générale (pas beaucoup de pubs avant Nespresso) Espériez vous un effet de surprise en recommandant Clooney pour Nespresso ?

• Quels sont les avantages inconditionnels d’une stratégie d’endossement / d’égérie ?

• Et quels seraient les inconvénients les plus probables ? • Je me fais certainement l’avocat du diable, mais la surenchère des

campagnes utilisant des égéries me laisse penser qu’il est temps de revoir cette approche, ou peut être de l’abandonner ? Qu’en pensez vous ?

• Quel est votre point de vue sur l’association pour le moins inattendue entre Chanel N°5 et Brad Pitt ?

• Pensez vous que cela soit un coup destiné aux RP ou un véritable positionnement ?

• Diriez vous que la surprise provoquée par cette association a profité à la marque ?

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ANNEXE 5 (B) : ENTRETIEN SEMI DIRECTIF AVEC GERARD CHARBIT RETRANSCRIT. Gérard Charbit, ancien CEO de McCann Erickson Paris, est désormais consultant pour de grandes marques. J’ai réussi à obtenir un entretien téléphonique avec lui par le biais d’un contact familial. Très intéressée par l’expérience d’un homme ayant travaillé toute sa vie au service des stratégies de marque, Gérard Charbit était également un interlocuteur de choix pour moi étant donné son implication dans la campagne de Nespresso avec l’acteur George Clooney. Bien que nous n’ayons pas été face à face durant cet entretien, Gérard Charbit a fait preuve de beaucoup de sollicitation, de clarté, de précision et d’intérêt pour mes recherches. Je n’ai pas eu à demander plus de détail et ses réponses étaient toujours très fournies. Je ne sais s’il avait préparé à l’avance cette interview, toujours est-il que Monsieur Charbit a fait preuve de volonté et d’implication concernant ce mémoire. Maurane Pauli : Bonjour Gérard. Gérard Charbit : Bonjour Maurane, alors…alors, alors, alors. M : C’est très gentil à vous d’avoir accepté cette interview. G : Je t’en prie. M : Comme vous le savez je suis la fille de Pascale Beyssier, votre ancienne directrice commerciale chez McCann. Je souhaitais vous rencontrer dans le cadre de mon mémoire qui porte sur l’utilisation des égéries dans la publicité, mémoire que je souhaite axer sur l’effet de surprise et son efficacité sur le consommateur. J’ai fait le choix d’interviewer des personnalités du monde de la publicité, d’où notre entretien aujourd’hui. J’aimerais tout d’abord savoir s’il est possible de vous enregistrer, ce qui est assez classique dans ce genre d’entretien. G : Oui, oui pas de problème. M : Très bien je vous en remercie. Gérard Charbit, vous avez été consultants pour plusieurs marques, plusieurs annonceurs, stratège de grandes campagnes de publicité, Président de Mc Cann Erickson Paris. Y a t-il d’autres choses à ajouter à votre parcours ? G : Non, non, non. Ce qui est important effectivement c’est le nombre d’années que j’ai passé à travailler sur les marques, sur leur stratégie à la fois de communication et plus globalement sur les stratégies d’entreprises.

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M : Y a t-il des marques pour lesquelles vous avez eu une prédilection ? G : J’ai travaillé sur beaucoup de marques, étant dans une agence, on a forcément des clients dans de nombreux domaines mais j’ai une prédilection pour tout ce qui est registre alimentaire. J’ai travaillé par exemple pour la marque Oasis avec le chanteur Carlos, j’ai beaucoup plus récemment travaillé avec Carla Bruni sur des campagnes avec Martini, et effectivement, la campagne la plus marquante est celle de Nespresso avec George Clooney. M : Si je peux aborder le cas Nespresso un peu plus en profondeur… G : Oui bien sur. M : J’aimerais savoir qu’elle était la perception de la marque avant George Clooney, quelles étaient les problématiques ? G : Alors en fait, Nespresso est une marque qui s’est lancée il y a un peu moins de 30 ans, qui est une filiale de Nestlé et qui a commencé en tâtonnant un petit peu jusqu’à ce qu’un patron arrive et formule véritablement le concept de la marque : le système avec trois piliers. Le premier qui était les machines, à la fois très design et le fin du fin de la technologie ; le deuxième qui était une série de café que l’on appelait « Grands Crus », il y en avait à l’époque 9 et il y en a aujourd’hui 22 ; le troisième pilier de ce business model très innovateur à l’époque, c’était une relation directe avec le consommateur puisque l’on pouvait se procurer des capsules par téléphone, par courrier et maintenant évidemment plus par internet. Donc il y avait une relation directe avec le consommateur. Le lancement de Nespresso en fait a créé une véritable rupture dans le marché du café, d’abord parce que ce café portionné en dosettes ça ne se faisait pas avant, donc la première chose à dire c’est que, avant d’être un succès marketing, c’est d’abord et avant tout un succès produit. Aujourd’hui avec l’arrivée de beaucoup de concurrents, ce qui fait que Nespresso reste leader c’est d’une part parce qu’il est arrivé premier – c’est la prime au premier – et c’est aussi grâce à une qualité produit exceptionnelle. Donc ces trois éléments ont fait le succès de la marque, et pendant des années la marque a crut essentiellement grâce à la recommandation de ses premiers membres. Les nouveaux clients qui arrivaient n’étaient pas du tout captés par la publicité, c’était simplement de la recommandation, de la prescription. M : Du bouche à oreille… G : Voilà. Et cela représentait pratiquement l’intégralité de nos clients. Ca c’est jusqu’à la fin disons des années 90. Et puis il y a eu une première campagne de communication qui était destinée à expliquer comment fonctionnait le système parce qu’avec la nouveauté et l’innovation il fallait expliquer qu’on mettait la capsule dans la machine, qu’ensuite il fallait appuyer, que le café coulait, qu’il y avait le choix entre un certain nombre de café etc. Donc la première campagne de publicité, je crois que c’était aux alentours des années 2000, a permis à la marque d’augmenter un petit peu sa notoriété et puis en fait ce qui a vraiment marqué le développement très très substantiel des ventes, ça a été une nouvelle machine qui a été lancée et qui était d’un prix beaucoup plus abordable. Donc ça, ça a permis de recruter avec une campagne de mailling, une campagne de bons de réduction, beaucoup, beaucoup de nouveaux clients et donc le nombre de « club members » a augmenté de manière très très importante et à

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partir des années 2001-2002, la marque a connu des taux de croissance de 30 à 40% ce qui est considérable et elle s’est développée au delà des premiers marchés qui étaient la Suisse et la France, elle a commencé à se développer un peu partout en Europe. L’Europe représentait à cette époque à peu près 100% des ventes. Et à cette époque l’image de la marque était une image très très haut de gamme, très technologique et très sophistiquée mais il n’y avait pas d’élément unitaire qui fédérait l’ensemble de la perception sur tous les marchés. Et c’est la raison pour laquelle on s’est dit que l’utilisation d’une célébrité mondialement connue permettrait de donner à la marque un caractère beaucoup plus…alors iconique, et d’avoir un niveau de perception d’image à peu près uniforme sur tous les marchés. C’était l’objectif essentiel de l’utilisation d’une star : c’est l’aspect iconique et l’aspect international. Alors, après la question du choix de la star est évidemment une vraie question. Ca s’est passé de manière empirique, ça a été l’objet d’une recherche dans trois pays qui étaient la France, la Suisse et les Etats-Unis. On a testé un certain nombre de célébrités et que ce soit sur toutes les tranches d’âge, les hommes, les femmes et ces trois pays, George Clooney est arrivé en tête. M : J’ai cru comprendre que Monica Bellucci avait également fait partie de cette recherche ? G : Elle faisait partie du panel de célébrités mais elle était systématiquement derrière Clooney sur tous les critères. C’était il y a maintenant une douzaine d’années et à l’époque Clooney était essentiellement célèbre par la série Urgences mais il n’avait évidemment pas la réputation ni la célébrité mondiale qu’il a acquit depuis. On a prit Clooney à un moment où il était un peu moins connu, où il avait un peu moins de 40 ans et depuis 12 ans il a évolué par sa notoriété, son physique et ce qui est très intéressant c’est que même depuis l’origine, les traits de personnalité de Clooney et les traits de personnalité de la marque étaient en parfait affinité. Ce qui a fait une grande partie du succès de cette association, c’est que l’élégance, le côté charmeur, le côté raffiné, le côté humoristique, l’auto dérision, ne pas se prendre au sérieux…tout ça ce sont des valeurs propres à Clooney et qui sont aussi des traits de personnalité de la marque. M : Le fait que Clooney soit devenu de plus en plus célèbre est ce que cela a servi la marque ou au contraire desservi ? G : Cela a servi évidemment la marque, mais comme dans toute association les bénéfices étaient mutuels parce qu’en fait ces campagnes – sauf aux Etats-Unis parce que Clooney a refusé tout de suite que la campagne passe aux Etats-Unis – on s’est aperçu que Clooney bénéficiait aussi du support des actions de communication de Nespresso puisque petit à petit on a commencé à communiquer dans un grand nombre de pays (un peu plus de 30) et donc ça assure à Clooney au moment où il n’a pas forcément une actualité cinématographique très importante, ça lui assure une permanence de notoriété. Donc je pense que tout le monde y trouve son compte. M : Une vraie relation bénéfique pour les deux parties donc. On peut dire que le succès a été au rendez-vous pour Nespresso. Est ce que vous aviez prévu de faire une saga dès le début ?

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G : Oui. Enfin c’est à dire, au début on ne sait pas que l’on va faire une saga, on fait un premier film et on n’imagine pas tellement le succès ou l’importance que ça peut prendre. En réalité on a mesuré très vite l’impact qu’avaient eu les premières semaines de communication à la télé puisqu’on a mesuré une activité des ventes très importante à peine 10 jours après le lancement de la campagne. Donc il y a eu une efficacité commerciale avérée très rapidement. On a ensuite eu les mesures publicitaires qui nous ont montré que cela avait eu un effet marqué dans les pays où la campagne passait, à la fois en terme d’impact, de reconnaissance, et d’agrément puisqu’on avait des scores d’agrément très élevé. Petit à petit on s’est dit qu’on allait capitaliser là dessus et on a fait un deuxième spot puis un troisième et l’effet de saga n’a vraiment commencé qu’à partir de la quatrième année où l’on s’est dit « on tient quelque chose qui peut vivre dans le temps, à condition de bien en maîtriser les différentes composantes ». M : Une campagne qui tient depuis presque une dizaine d’années. G : Cela fait 9 ans oui maintenant. M : Les objectifs de la marque étaient vraiment l’augmentation des ventes au départ ? G : Oui, comme pour toute campagne de communication c’était le développement de la marque mais également des objectifs d’image puisqu’il fallait vraiment passer un cap et faire de Nespresso une marque de stature internationale et une marque à caractère un peu iconique grâce à l’utilisation de cette célébrité. Il y avait ces deux objectifs à la fois commercial et en terme d’image. M : Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, j’ai lu qu’en 2011 une association Suisse avait usurpé l’identité de Clooney…(il prend la parole directement avant la fin de la phrase). G : Oui, ce qu’il s’est passé c’est que des altermondialistes ont piraté le spot et ont fabriqué un spot où on voyait une enseigne Nespresso tomber sur la tête de Clooney en disant « George Clooney, est ce que vous savez que Nespresso exploite les enfants pour la culture du café.. ? ». Il y a eu une campagne sur internet qui a duré une dizaine de jours, la marque a répondu en démontrant que non seulement il n’y avait pas d’utilisation d’enfants mais que la marque avait développé un programme avec des fermiers dans différents pays de culture du café, un programme qui s’appelle « Triple A ». Ce programme consiste à acheter à l’avance les récoltes, assurer le revenu et la pérennité de revenu des fermiers pendant de nombreuses années à un cours systématiquement supérieur de 30% au cours du marché mondial du café. La contrepartie étant que ces fermiers s’engagent à développer une culture respectueuse à la fois de l’environnement avec utilisation raisonnée des pesticides, de l’eau etc. Et donc les réponses sur internet qu’a fourni la marque lui ont permit de stopper assez rapidement cette campagne. Et Clooney qui était mis en cause s’est évidemment rangé derrière la marque et a lui même publié un communiqué en niant toutes les contre vérités qui avaient été dîtes. M : Cela paraît d’autant plus assez crédible voir logique quand on sait que Clooney est engagé dans de nombreuses associations de son côté.

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G : C’est l’autre élément qui a permit la continuité de la relation. Clooney, on le sait, est engagé dans des activités humanitaires en particulier au Sud Soudan qui est le pays sur lequel il porte une attention toute particulière. Et en discutant avec les responsables de Nespresso, il s’est aperçu que le Sud Soudan était une région qui était autrefois plantée de caféiers mais dont, à cause de la guerre civile, une grande partie de l’industrie et des récoltes avaient été ravagée. Donc Nespresso a prit l’initiative depuis maintenant cinq ans de remettre en culture des caféiers, de recommencer à travailler avec des producteurs locaux et George Clooney est complétement au cœur de cette initiative. Donc c’est un élément de plus qui renforce la collaboration avec la marque. M : Est ce que vous savez si la collaboration va durer encore quelques temps ou si elle a une date de fin prévue ? G : Non, il n’y a pas de date de fin. Pour l’instant il ne me semble pas qu’il y ait de signe d’usure. Le dernier film avec Clooney est passé en Novembre l’année dernière a été d’après une source la deuxième campagne préférée des français à la télé derrière celle d’Evian. La saga ne semble pas avoir commencée à s’user, pour l’instant il n’est pas question d’arrêter. Evidemment il faut toujours avoir en tête l’idée que plus le temps passe, plus la marque devient dépendante d’une certaine manière de la célébrité. Donc il faut savoir imaginer qu’est ce qu’il peut se passer le jour où soit la marque soit la célébrité décide d’arrêter. Mais pour l’instant, les bénéfices étant vraiment mutuels, il n’y a pas de raison d’arrêter. M : Aux vues de ce succès et de l’association très forte entre Clooney et Nespresso, est ce que vous pensez qu’il y a un risque de parasitage de la marque par l’acteur ? G : Non parce qu’en fait la marque développe tout un tas de communication qui n’utilisent pas Clooney. Elle développe des communications sur les lancements de ses éditions limitées, sur ses nouvelles variétés de café et Clooney n’apparaît pas dans ces communications. Clooney c’est vraiment le vecteur de l’image en campagne télé ainsi que pour le développement durable mais autant aujourd’hui on peut mesurer les apports et les bénéfices de la vedette sur l’image de la marque, autant la communication de la marque ne se réduit pas à de la télévision avec Clooney, il y a tout un tas d’autres éléments qui permettent à la marque d’exister sans être totalement portée par une célébrité. M : Est ce que vous espériez un effet de surprise en recommandant Clooney pour Nespresso ? Vous disiez que Clooney était encore assez peu connu mis à part Urgences… G : C’est à dire qu’en fait, l’utilisation des célébrités est quelque chose de très largement utilisé dans la publicité donc il n’y avait pas forcément d’effet de surprise. En revanche l’effet de surprise est venu de la façon d’utiliser la vedette, c’est à dire qu’au lieu d’utiliser la vedette pour ce qu’elle est – un acteur, une célébrité – le contrepied a été d’utiliser Clooney comme un club member à part entière et à la limite comme les autres. Il n’est jamais fait référence dans les communications au fait que ce soit un acteur connu, on l’utilise beaucoup plus comme un club member qui vient dans la boutique et qui a des échanges avec d’autres club members. Il y a ainsi une sorte de rivalité entre la marque et Clooney par le biais du jeu de séduction avec les femmes, et dans tous les films à la fin, c’est Nespresso qui gagne au dépends de Clooney. Et

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d’ailleurs Clooney insiste pour qu’à chaque fois il soit d’une certaine manière le perdant puisque sa marque de fabrique aussi c’est l’auto dérision. M : Je reprends ce que vous disiez, vous parliez de surenchère des campagnes qui utilisent des égéries, est ce qu’il est temps de revoir l’approche ou même d’abandonner l’endossement ou les associations marque/égéries ? G : Alors écoutez, il n’y a pas de généralités, jamais, mais simplement il faut bien reconnaître que l’utilisation des célébrités est un acte générateur de notoriété et d’image. Pour autant on a vérifié qu’il y a d’abord cette compatibilité entre les valeurs de la marque et les traits de personnalité de Clooney. Et deuxièmement qu’il n’y ait pas de disparité de notoriété au moment où on entame cette collaboration. Si on prend une vedette très connue pour une marque qui ne l’est pas, la marque est vampirisée par la vedette. Et si on prend quelqu’un qui n’est pas très connu pour une marque très connue, l’effet démultiplicateur est plus limité. La difficulté c’est de trouver un équilibre entre les niveaux de notoriété et la compatibilité, l’affinité, les valeurs et les traits de personnalité des deux. M : Alors, je vais prendre un exemple d’une marque très connue et d’un acteur très connu également : que pensez vous de l’association entre Chanel n°5 et Brand Pitt ? G : Là, au delà de cette association, là l’effet de surprise a été que, au lieu d’utiliser une égérie féminine on a utilisé une égérie masculine. Donc c’est là où tout le monde a été surpris car c’était la première fois que pour vanter les mérites d’un parfum pour femme on utilisait un homme. Donc l’effet de surprise n’était pas tant dans l’utilisation d’une vedette mais dans l’utilisation d’une vedette masculine. Donc ça, je pense que ça a eu un très fort impact et ça a fait beaucoup parlé donc l’objectif de surprise a été parfaitement rempli. Après on peut être un peu plus dubitatif sur le message lui même, l’espèce de suite de phrases que racontait Brad Pitt, pas très crédible et qui a fait d’ailleurs l’objet de beaucoup de pastiches. M : Je m’interroge justement sur le profit de la marque : elle n’a pas vraiment besoin de faire parler de ce parfum iconique. Quels sont les objectifs de cette association ? G : C’était pour remettre un coup de projecteur et encore une fois, puisque vous travaillez sur le contrepied et la surprise, comment ce fait-ce qu’une marque, un parfum féminin utilise les services d’un homme ? Je pense que ça a été dans l’utilisation des égéries, quelque chose d’assez novateur. Franchement, on s’attendait pas à ça. Maintenant on peut se dire que évidemment les premières utilisatrices des parfums de femme ce sont les femmes, mais aussi les hommes, puisque par définition, l’efficacité des charmes du parfum c’est plutôt l’homme qui peut en parler plutôt que la femme (rire). Il y a donc une logique mais en même temps cette logique elle a été mise en valeur par cet effet de surprise. Je suis pas certain que globalement, compte tenu de ce que racontait Brad Pitt pendant ce message, que l’on en ait gardé un souvenir très précis. En tout cas en terme d’idée, je pense que c’était une idée très intéressante. M : On peut parier que la marque voulait plutôt miser sur les RP plutôt que sur un véritable positionnement finalement ?

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G : Oui c’est ça, c’est ça. Ils attendaient beaucoup de rumeurs positives, que tout d’un coup pendant toute la campagne, la marque redevienne en top of mind sur les parfums. Donc de ce point de vue là ils ont été totalement en ligne avec les objectifs. Maintenant, la pérennité, la trace qu’a laissé la campagne, ça je suis un peu plus dubitatif. M : Je vous remercie beaucoup pour vos réponses, c’est très gentil d’avoir pris le temps de répondre avec tant de précisions. G : Je vous en prie. M : Je peux vous faire parvenir un exemplaire de l’enregistrement ou même de mon mémoire si vous tenez à vérifier certaines citations. G : L’enregistrement non, mais votre mémoire avec plaisir cela m’intéresse. M : Je n’hésiterai pas à revenir vers vous si j’ai d’autres questions. G : Bien sûr. M : Je vous souhaite une très bonne fin de journée, et merci encore. G : De rien, au revoir Maurane. M : Au revoir Gérard.

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ANNEXE 6 (A) : FICHE D’ENTRETIEN SEMI DIRECTIF AVEC MATTHIAS REY.

I - Présentation globale de l’entretien à venir • Ma présentation : stagiaire au planning stratégique. • Ce qui m’amène à revenir vers Matthias : mon mémoire. • Le déroulement de l’entretien : sociologique, permission d’enregistrer.

II - Questions pour mettre en confiance

• Qui est-il : directeur de clientèle, chef de projet sur plusieurs campagnes à Hémisphère Droit – agence indépendante. A participé à la renommée de l’agence et a suivi de grands comptes sur le long terme : Ikea, La Halle, Marie, Virgin Mobile.

• Qu’y a –t-il à ajouter ?

III - Le vif du sujet : les publicités avec égéries ! Hémisphère, une multitude de campagne intégrant une égérie (JCVD, Dave, Cantona, Jennifer…)

• HD (Hémisphère Droit) semble particulièrement affectionner les campagnes de publicité avec égéries : sauriez vous dire pourquoi ?

• Quelle est selon vous, la meilleure incarnation d’une marque par une égérie parmi les campagnes de Hémisphère Droit ?

• Comment en êtes vous venu à considérer l’option de l’égérie pour cette marque ?

• La dernière campagne en date pour La Halle met en scène Jennifer, idole des jeunes et jury pour The Voice, pouvez vous m’expliquer ce choix pour une marque de vêtement ?

• Quels étaient les objectifs lors de la réception du brief client ? • Quels ont été les résultats de la campagne La Halle ? Notoriété, image,

vente, RP. • Une récente étude montre que 71% des jeunes de moins de 15 ans

aimeraient voir leur artiste musical préféré figurer dans une publicité. Pensez vous que les marques doivent se tourner d’avantage vers les chanteurs (comme vous l’avez fait pour Old Dutch Master ou La Halle) ?

• La Halle avait déjà été endossée par des miss France, pensez vous que cette marque ait besoin sur le long terme d’un visage connu pour l’incarner ?

• Souhaitez vous continuer sur la piste de l’égérie ou voulez vous à terme laissez la marque vivre par son nom ?

• Pensez vous qu’il y ait un risque de parasitage de l’artiste sur la marque : La Halle parvient-elle a vivre sans Jennifer ?

• Quels ont été les avantages pour Jennifer – sans parler de l’aspect financier ?

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IV - Demandes plus générales • Considérez-vous Jennifer comme un choix surprenant pour la marque La

Halle ? (pas beaucoup de publicité avant celle-ci, une idole très populaire pour une marque peu habituée à des campagnes aussi marquantes).

• Je me fais certainement l’avocat du diable, mais la surenchère des campagnes utilisant des égéries me laisse penser qu’il est temps de revoir cette approche, ou peut être de l’abandonner ? Qu’en pensez vous ?

• Quel est votre point de vue sur l’association pour le moins inattendue entre Chanel N°5 et Brad Pitt ?

• Pensez vous que cela soit un coup destiné aux RP ou un véritable positionnement ?

• Diriez vous que la surprise provoquée par cette association a profité à la marque ?

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ANNEXE 6 (B) : ENTRETIEN SEMI DIRECTIF AVEC MATTHIAS REY RETRANSCRIT. Matthias Rey est directeur de clientèle chez Hémisphère Droit, une agence de publicité dont la plupart des campagnes intègrent des égéries (La Halle, Connexion, Virgin Mobile, Old Dutch Master, Casino Partouche etc.). J’ai pu obtenir un entretien avec lui grâce à un stage effectué dans cette agence. Matthias participe à la renommée et au développement de l’agence par son suivi et son implication quotidienne sur les grands comptes de l’agence : Ikea, La Halle, Marie etc. Cette interview a été réalisée par téléphone, mais Matthias s’est avéré être très précis, sincère et loquace, montrant un grand intérêt pour le sujet. La plupart de ses réponses intégraient dores et déjà les questions que je souhaitais lui poser par la suite. L’interview s’est déroulée dans une ambiance très sympathique, Matthias se sentant certainement à l’aise puisque nous nous connaissions, j’ai donc pris le parti d’éviter les questions d’ordre personnel sur sa carrière qui me paraissaient hors propos. Maurane Pauli : Bonjour Matthias. Matthias Rey : Salut Maurane. !MP : Merci tout d’abord d’avoir accepté cette interview. MR : Pas de soucis, ça me fait plaisir. MP : Acceptes tu que je t’enregistre afin que je puisse retranscrire cet entretien ? MR : Oui bien sûr. MP : Je reviens sur le sujet de mon mémoire avant toute chose : je fais une recherche sur l’utilisation des égéries dans la publicité et j’ai essayé de m’intéresser à l’effet que pourrait avoir une égérie surprenante sur le consommateur. Hémisphère Droit me paraissait être une agence pertinente à interviewer, si je puis dire, c’est pourquoi je me suis tournée vers toi, son directeur de clientèle et manager de ses grands budgets. MR : Ok. MP : Pourrais tu m’expliquer pourquoi est ce que cette agence produit autant de campagnes intégrant des égéries. (Il attend la suite). Quels sont les avantages que vous y trouvez ? MR : Il faut savoir juste que l’agence travaille sur des marques qui sont très…populaires. Ce sont des marques grand public, la plupart du temps, prendre une égérie ça va dans le sens de la marque. C’est à dire que quand on est sur des marques connues, ça fait sens de prendre des

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gens connus, c’est notre point de vue aussi. Il peut y avoir aussi l’option où tu prends quelqu’un de connu pour faire émerger une marque. Mais nous la plupart du temps on est sur des cas de figure où on a des marques très populaires et quand même relativement déjà connues donc ça fait pas mal sens de prendre des égéries, des gens qui ont déjà une certaine notoriété. Maintenant il se trouve que culturellement aussi c’est en partie une de nos marques de fabrique, c’est quelque chose qu’on a la capacité de faire par les différents contacts que l’on a et par les différentes stratégies qu’on propose à l’ensemble des clients qui viennent nous voir. Je pense même qu’ils sont peut être un peu en recherche de ça, quand ils nous consultent ils sont en demande de ça. C’est le contrat Hémisphère Droit. Après plus sur la stratégie il faut trouver effectivement la bonne personne. Nous notre créneau ce n’est pas forcément la personne la plus connue que l’on va recommander pour telle ou telle campagne. Ce que l’on va recommander c’est la personne qui fait sens, entre guillemets, la personne qui va pouvoir porter la marque et porter le message de manière assez judicieuse avec toujours un petit côté inattendu. Quand on va chercher pour l’enseigne Connexion d’électroménager Raymond Domenech, il y a le côté populaire du personnage – ou impopulaire c’est selon (il rit), il n’était pas très populaire quand on a fait la campagne, mais en tout cas il a une notoriété certaine – on l’a pris parce que ça correspondait au message que souhaitait Connexion à savoir transmettre qu’ils étaient un expert ou un spécialiste dans leur domaine de prédilection (la hifi, l’électroménager et l’image). Il y a aussi ce petit penchant là qui est de trouver la personne adéquate qui va provoquer un peu d’étonnement aussi et pas seulement prendre quelqu’un de connu. On n’est pas dans le luxe par exemple. On n’est pas dans une égérie à proprement parler où on se sert de sa beauté pour des parfums ou des bijoux avec le côté « image glamour, image chic » d’une personnalité, nous c’est pas notre créneau. Ce qu’on cherche avant tout c’est le côté très judicieux en ligne avec la stratégie et le côté parfois qui est un peu étonnant. Récemment quand on a pris Jennifer pour La Halle, et bien elle n’avait pas fait de publicité avant, et en tout état de cause, on ne s’attendait pas à voir Jennifer dans une publicité, et encore moins pour une marque de vêtement ultra-populaire comme La Halle. Il y avait un pouvoir d’étonnement dans cette recommandation qui était vraiment très intéressant et qui nous avait plu aussi. MP : Si je peux revenir sur La Halle, qui est la campagne d’Hémisphère Droit avec égérie la plus récente, est ce que tu peux m’en dire un petit peu plus sur les objectifs que vous aviez à la réception du brief client et comment vous en êtes venus à sélectionner Jennifer ? MR : Avec La Halle on est partis sur quelque chose qui était déjà écrit et qui n’était pas de nous, qui était la signature ou le positionnement de la marque : « comme les françaises sont jolies ». Donc le début de l’histoire était déjà un peu écrit on va dire. Même si on était briefé pour un revirement complet de statut, ils voulaient aller au delà du distributeur de fringues pas chères et être vraiment une enseigne de mode, on partait quand même de quelque chose qui fonctionnait très bien : leur positionnement qui est devenu la signature. A partir de ce moment là, l’essentiel de notre job c’était de trouver une personne qui va pouvoir parler au plus grand nombre, qui va pouvoir être populaire mais aussi être porteuse d’un certain message de montée en gamme et puis trouver quelqu’un qui soit crédible dans le rôle de la française jolie qui s’y connaît d’un point de vue vestimentaire et du style. Il y a eu plusieurs propositions – je ne me souviens de toutes – mais il y avait Nina Modja. Enfin bon il y a eu tout un florilège de

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noms qui sont sortis, Leila Bekhti, (il cherche), oh je me souviens plus (rires). Je pourrais te les retrouver. MP : Ne t’inquiète pas, c’est plus votre démarche dans la recherche qui m’intéresse. MR : Oui la démarche était de trouver une personne qui soit capable de porter le drapeau, de revêtir cette image symbolique de la petite française jolie, qui aime bien s’habiller au jour le jour, qui aime avoir son propre style et mélanger les vêtements et qui soit connue. Qui soit capable de faire dire aux gens « ah oui La Halle, c’est pas l’enseigne où il y a des vêtements qui sont jetés dans des cartons, c’est une enseigne qui a une valeur ajoutée et qui a la capacité de transformer le style de quelqu’un au quotidien ». Jennifer ça nous paraissait être pas mal, c’était une fille très très populaire effectivement, donc là il y avait une partie du boulot qui était faite implicitement puisqu’en communiquant avec elle, les médias en parlent, les gens la reconnaissent, c’était au moment du programme The Voice, il y avait une vraie cohérence là dedans. Et en plus de ça c’est une femme qui est assez jolie, qu’on connaît pour son intérêt pour le style, les looks. Il y avait une vraie logique. Après il y avait un levier qui n’est pas neutre, c’est le levier de l’approche financière aussi. Il faut que ça corresponde à la stratégie de la personnalité : est ce qu’elle a envie de se faire connaître ? Est ce qu’elle a envie de paraître un peu glam ? Est ce que la campagne peut lui servir à elle ? Et combien est ce qu’elle demande pour porter le message de La Halle et sur quels supports, combien de temps et sur quel territoire ? Tous ces aspects un peu plus techniques mais qui comptent quand même vachement. Tu pourrais dire qu’il y a peut être mieux qu’elle pour endosser le message, mais c’est une conjonction de plusieurs facteurs qui font que, au final, elle devient la bonne personne. MP : Tu l’as déjà un petit peu dit, mais, cette campagne a été un succès : est ce que tu aurais des chiffres ou des résultats concernant la notoriété, les ventes, l’image ? MR : Non, non j’ai pas de chiffre. MP : Il y a eu beaucoup de retours dans la presse… MR : Oui tout à fait, on sait que les gens ont beaucoup parlé de cette campagne. Il y a eu beaucoup de retombées, certaines ont été générées par des contacts RP notamment. Mais beaucoup sont venus spontanément. Ca a vraiment impacté de manière importante la stratégie de montée en gamme de La Halle. C’est une évidence à tel point que les gens se sont même demandés si ça allait pas du coup être beaucoup plus cher. C’est un des messages auxquels on doit essayer de répondre aussi, c’est que La Halle est montée en gamme mais pas en prix. C’est pas parce qu’il y a une égérie et que tous les magasins ont été refaits que ça va couter plus cher. Mais vraiment, je n’ai pas de données, c’est notre grand drame. On sait que ça a très bien fonctionné mais on n’a pas eu la présentation des posts tests, même s’ils existent. Je n’ai pas de données concrètes à te communiquer, d’autant plus que je ne sais pas quel est l’historique de La Halle en terme de notoriété par exemple ou de présence à l’esprit. Je n’en ai aucune idée. MP : Je suis tombée sur une étude qui date de cet été qui montrait que 71% des jeunes de moins de 15 ans souhaiteraient voir leur artiste musical préféré dans des publicités.

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Penses tu que ce soit un chemin à suivre, que toutes les marques peuvent se tourner vers des égéries venant de la chanson ? MR : Moi ce que je pense au final c’est que les égéries à partir du moment où elles sont connues pour quelque chose, au bout d’un moment – c’est une réflexion personnelle hein – je me dis que les enseignes ne vont plus se résumer qu’à une personnalité. Or on sait la fragilité d’une personnalité : du jour au lendemain elle peut disparaître. Elle a aussi un métier d’origine, elle est comédienne, actrice, sportive, mannequin et il y a un moment, même s’ils le demandent – car on se soumet souvent aux besoin ou en tout cas aux demandes des consommateurs – mais ça va devenir compliqué. Tu vois, Chanel ne va plus être Chanel, mais Chanel va être machin. La Halle va être machin. Et on va oublier petit à petit quelle est la raison, le métier, la mission de l’enseigne. C’est à dire que si au bout d’un moment, tu n’as que des annonceurs qui n’ont que des égéries, on va se retrouver sur un marché d’égérie et un marché d’annonceurs. Très certainement, ils le demandent, ça montre bien l’attrait des gens pour tout ce qui est célèbre, connu, ce qui se voit médiatiquement. Mais j’y vois deux travers : l’abandon des marques et leur reconnaissance (leur métier, leur valeur ajoutée) et ensuite une espèce de foire d’empoigne autours des égéries. Moi je le vois parce que je suis un peu détaché de l’univers du luxe féminin, certainement parce que je suis un garçon, je ne saurais pas te dire de qui Marion Cotillard est l’égérie par exemple tellement je vois aussi Nathalie Portman, j’en passe et des meilleures, j’oublie même leurs noms tu vois. Les actrices américaines endossent toutes une marque, je sais plus. Je trouve qu’on y voit des actrices pour voir des actrices parce qu’il faut montrer des actrices. Marion Cotillard pour moi n’est pas forcément plus légitime qu’une autre comédienne connue pour endosser Dior ou autre. Je ne trouve pas que cela permette de générer de la préférence en fait. J’ai une petite gêne par rapport à ça, je ne trouve pas ça optimal. MP : Si l’on prend le cas de La Halle qui avait déjà été incarnée par des Miss France, puis par Jennifer, n’y a t-il pas un risque de parasitage ? Y a t-il un risque que la marque ne puisse plus vivre par elle-même sans Jennifer ou une autre ? MR : C’est ce que je te disais tout à l’heure, ça cannibalise forcément un petit peu. Maintenant c’est notre rôle à nous publicitaire de faire en sorte qu’il y ait une sorte d’équilibre. C’est pour ça d’ailleurs que très très vite, La Halle s’est posée la question de continuer ou non avec Jennifer. Tu peux avoir besoin à un moment donné d’émerger, de faire ton trou et de t’accaparer un petit peu le paysage médiatique, d’utiliser quelqu’un qui a ce potentiel là, très bien, mais au bout d’un moment il peut y avoir au bout de quatre, cinq, six ans avec des égéries à forte personnalité, un risque de se faire croquer sa marque. Qu’elle soit connue pour son égérie et qu’en Top of Mind tu sois super fort mais qu’au final quand on te pose la question « est ce que ça vous donne envie d’aller en magasins » et qu’on te répond non, tu n’as pas réussi ta mission. C’est toujours un bon équilibre à préserver entre la partie notoriété et la partie trafic, efficacité commerciale de ton message publicitaire. Quoi qu’on en dise, c’est la finalité absolue : il faut qu’il y ait des gens qui viennent voir en magasin et qui achètent. MP : Est ce que La Halle pense continuer avec une stratégie d’égérie ? MR : La Halle n’a pas encore fait son trou, c’est à dire que La Halle en terme d’objectif c’était de devenir aussi populaire et considérée à valeur égale avec H&M notamment. Quand on voit

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puissance de H&M, La Halle n’y est pas encore. Pour le moment elle a fait un coup. Ils sont en train de faire durer ce coup intelligemment en renouvelant tout le parc de magasins. Les magasins ce sont tout de même de grands vecteurs de communication. Les gens peuvent voir la pub mais au final quand ils vont dans la zone de chalandise à tel endroit et qu’ils voient un magasin La Halle avec une devanture en carton, je pense que le boulot il est abîmé. En revanche quand ils voient une belle enseigne avec des leds, bien éclairée, avec du parquet, du cuir, des beaux aménagements, des vêtements mis en valeur, c’est tout aussi efficace. C’est tout ce discours de la preuve qui est hyper important. Il y a l’image puis il y a la réalité. Tu peux faire de l’esbroufe en communication, après c’est le terrain qui compte. MP : Une dernière question, je vais revenir sur l’univers du luxe dont tu parlais. J’imagine que tu n’as pas raté la campagne Chanel N°5 / Brad Pitt, qui est pour moi un bon exemple d’association surprenante pour un parfum féminin. Je voudrais savoir ce que tu penses de cette association et de la campagne. MR : Ces marques là je considère qu’elles sont dans un autre univers. C’est à dire qu’elles sont dans quelque chose d’intouchable, quelque chose de rare. Le message ne m’a pas parlé plus que ça. J’ai trouvé la publicité plutôt tristoune. En revanche, et je pense que c’est une grosse partie de la communication, j’ai su, j’ai vu, qu’ils avaient fait appel à Brad Pitt. Tout comme ils avaient fait appel, si je ne me trompe pas à… Ah non c’était Louis Vuitton… MP : Gorbatchev pour Louis Vuitton oui. MR : Oui ça m’avait super étonné, c’était un truc fort. Ca ça fait partie de l’ossature d’une marque, ce positionnement, à ce niveau là c’est très bien joué. Maintenant, le message que ça a renvoyé…Je sais pas, je n’ai pas vu particulièrement de glamour avec Brad Pitt. Il y a quinze ans c’était quelqu’un d’extrêmement beau et d’absolument remarquable, aujourd’hui il est au panthéon des égéries au point que je trouve qu’il y a une distance entre lui et n’importe qui d’autre, même les gens les plus riches de notre planète. Il est passé dans un autre monde. Il y a un moment où on est trop loin et lui n’a pas l’attitude d’une icône. C’est pas Marylin Monroe, c’est pas Brigitte Bardot, c’est pas Marlon Brando, c’est pas Alain Delon. Il y a un truc qui ne colle pas. Après je pense que ça leur a fait énormément de bien, ça a fait énormément parlé. Mais ce n’était pas le choix le plus judicieux qu’ils pouvaient trouver. Maintenant ils ont pu se le payer, finalement ça revient à ça : qui peut avoir Brad Pitt ? Et on en a beaucoup parlé. Mais je ne me suis pas reconnu. Alors que je pourrais : c’est ma génération. MP : Le produit de la publicité, le parfum, peut et est acheté par un grand nombre de consommatrice également. MR : Oui il est totalement accessible. Mais Brad Pitt a totalement éclipsé le parfum. Tu vois d’ailleurs je ne me souvenais même que c’était pour le parfum, je pensais que c’était pour la marque, une communication plus institutionnelle ou pour les vêtements Homme. C’est un gros problème. En étant avec Jennifer tu as l’avantage d’être sur quelque chose qui reste terre à terre. Tu n’oublies pas, tu es dans le réel, tu sais pourquoi on te parle et tu ne t’éloigne pas de la marque. MP : Et il y a peut être une réelle possibilité d’identification ?

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MR : Exactement. Absolument. Tu peux te projeter. MP : Je te remercie pour tes réponses Matthias, c’est très gentil de ta part de m’avoir accordé ton temps. MR : Je t’en prie. MP : Je pourrais te faire parvenir une copie. MR : Oui ça m’intéresse. Il y a souvent beaucoup de données et d’intelligence dans les mémoires. C’est très bien, on y apprend beaucoup de choses. MP : Très bien, merci encore et à bientôt. MR : A très bientôt.

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ANNEXE 7 : LES EMOTIONS PRIMAIRES DANS LES THEORIES RECENTES Source : PIOLAT Annie & BANNOUR Rachid, « Emotions et Affects : Contributions de la Psychologie Cognitive », 2008, in Le sujet des Emotions au Moyen-Age, Paris, Beauchesne Editeur, page 13. "ANNEXE 8 : LOI DES EXTREMES" Source : LOMBARDOT Eric, « Influence de la Nudité en Publicité sur l’Attention Portée à l’Annonce et à la Marque », Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, page 4.

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ANNEXE 9 : NIVEAUX DE SATISFACTION Source : ROY Jasmin, « Les Antécédents et les Conséquences de la Surprise Positive dans l’Industrie Financière », Université du Québec Montréal, Février 2006, page 11. ANNEXE 10 : LISTE DES CAMPAGNES CITEES

• « Inevitable », Parfum Chanel N°5, Chanel, Octobre 2012. https://www.youtube.com/user/CHANEL/CHANEL

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• « Everything is NOT awesome », Greenpeace, Juillet 2014, p.16.

https://www.youtube.com/watch?v=qhbliUq0_r4

• « La poudre élégante par excellence », Poudre de riz La Diaphane, 1890, p. 19.

• « Legal, le goût grand arabica », Café Legal, Juin 1992, p. 20 http://www.ina.fr/video/PUB3774387071

• « What else », Nespresso, McCann Erickson Paris, 2005, p. 22. https://www.youtube.com/watch?v=83_ceB0TsiY

• « Le spot qui choque Nespresso », Solidar, Septembre 2011, p. 22 https://www.youtube.com/watch?v=ZUeQfAgpOIU

• « Gorbatchev », Louis Vuitton, Automne 2007, p. 27

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• « Courtney Love & Marylin Monson », Saint Laurent Paris, Janvier 2013, p. 30.

• « Hailee Steinfield », Miu Miu, 2011, p. 30

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• « Elle Fanning », Miu Miu, 2014, p. 30

• « UnHate », United Colours of Benetton, 2011, p. 23.

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• « M. le Président », Sixt, 2014, p. 32

• « Politiques », Fédération des Aveugles et Handicapés Visuels de France, 2011, p. 32

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• « Telekinetic coffee shop surprise », Carrie Le Film, Octobre 2013, p. 52 https://www.youtube.com/watch?v=VlOxlSOr3_M

• « La pub Cuisinella qui fait scandale », Cuisinella, Décembre 2012, p. 52. https://www.youtube.com/watch?v=lAvxHCp58SQ

• « Stress test », Nivea, Avril 2014, p. 52. https://www.youtube.com/watch?v=QgAw-IN18dk