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7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
1/314
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
De l'influence du droit
canonique sur la lgislationfranaise / par G. d'Espinay,...
http://gallica.bnf.fr/http://www.bnf.fr/7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
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Espinay, Gustave d' (1829-1908). De l'influence du droitcanonique sur la lgislation franaise / par G. d'Espinay,.... 1856.
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DE
L INFLUENCE
DU
DROIT
CANONIQUE
SUR
LA
LGISLATION
FRANAISE
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7/314
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
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RECUEIL DE
L ACADMIE
DE
LGISLATION
DE
TOULOUSE.
ANNE 1850.
LIVRAISON
SUPPLMENTAIRE.
DE
I/INFLUENCE
DU
DROIT
CANONIQUE
SUR
LA
LGISLATION
FRANAISE
Pin
Patience
et
longueur
de
temps
Font
plus
que
force
ni
que rage.
LAFOHIAIKE.
TOULOUSE
TYPOGRAPHIE
DE
BONNAL ET
GIBRAC
RUE
sAWT-noME
46.
1856.
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PREFACE.-
L Acadmie
de Lgislation
de Toulouse
dans
sa
sance
du
\
juillet
1854
mit
au concours
la
question
suivante
:
Apprcier
l influence
que le droit
canonique
a
exerce
sur
les
progrs
et
sur
la
formation de
la
lgislation
franaise.
Le
rapport
du
secrtaire perptuel
contenait
des
observa-
tions
destines
prciser
cette
question
:
Au
premier abord
disait
M.
Benech
ce
sujet parat
excder
les
proportions des
travaux
ordinaires
de
nos con-
cours.
Mais
que ceux
qui
seront
disposs
rpondre
notre
appel
se
rassurent.
Ce
que
l Acadmie
leur demande
en
effet
ce
n est
pas
une
srie de
longues
et
volumineuses
dissertations
dgageant
minutieusement
par
la
comparaison
de
nos
lois
avec
les
parties
affrentes du Droit
canonique
ce
que
celui-ci
a
communiqu
au
Droit
national.
Elle
ne
peut
leur
demander
qu une chose c est--dire
un
vrai
travail
acadmique
caractrisant
fidlement
mais
grands
traits
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13/314
V
les
divers lments
du
Droit
pontifical
;
exposant
d une ma-
nire
consciencieuse
mais
substantielle
ce
que ces
lments
ont
apport
la
formation de
notre
lgislation
;
ce
qu ils
ont
communiqu
de plus
important
par
exemple
au
mariage
la
constitution
de
la
famille
au
testament
aux
thories
gnrales des
contrats
et obligations
aux
actions possessoi-
res
l organisation
judiciaire
et
aux
formes
de
la procdure
au
systme
gnral
en
matire
de
rpression
;
et
en
dfinitive
ce
que
le
Droit
canonique
a
fait de
plus
notable
pour
la
mo-
ralisation
et
la rgularit
de
la
vie
juridique
pour
le
triomphe
de
l quit et
de
l unit.
Conue
dans
cet
esprit
et
surtout
contenue
dans
ces
limites
l oeuvre
que nous provoquons
est
destine
prendre
rang
dans
la
science
;
elle comblera
une
lacune
et
ralisera
les
voeux
bien
sincres
de
l Acadmie
qui
ne
peut
qu atta-
cher
une
grande
importance
la
fcondation
d un pareil
sujet.
Le
Mmoire
que nous
livrons
aujourd hui
la
publicit
a
t
compos
pour
rpondre
au
voeu
exprim
par
l Acadmie.
L auteur
a
cru
devoir
se
renfermer
strictement
dans
les
limites
fixes
par
le
programme
;
il
a
laiss
de
ct
toutes
les
questions
qui
ne
se
rattachaient
pas
directement
au
sujet
propos
pensant
qu il
devait
surtout
se
conformer
l inten-
tion
de
l Acadmie;
et
parcourir
autant
qu il
le
pourrait
la
carrire
qu elle lui
avait
trace
sans
jamais
s en
carter.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
14/314
IX
Qu il lui
soit
permis
de
remercier aujourd hui
cette savante
compagnie, de l accueil
bienveillant
dont
elle
a
honor l au-
teur
et
son
travail.
En
lui
ddiant
ce
mmoire,
il
est
heureux
de
pouvoir
lui offrir publiquement le
tribut de
son
respect
profond,
et
de
sa
vive
reconnaissance 1).
Il
remplit aussi
un
devoir sacr en mlant
ses
regrets
ceux
de l Acadmie,
frappe d une manire
si
cruelle
dans
la
personne
de
son
secrtaire perptuel.
Tous
ceux
auxquels
il
a
t
donn
de
connatre
M. Benech,
regretteront
toujours
ce
jurisconsulte si
dvou
aux
progrs
del
science, si bien-
veillant
pour
la
jeunesse,
et qui
runissait
toutes
les
qualits
de l homme
suprieur
et
de
l homme
de
bien.
Segr
,
15
octobre
1856.
1)
L Acadmie
de
Lgislation,
par
dcision
en
date du
28
mai
1856,
a
bien voulu autoriser
l auteur
publier
ce
Mmoire
comme
livraison
suppl-
mentaire
du
Recueil.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
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7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
16/314
INTRODUCTION.
Patience
et
longueur
de
temps
Font
plus
que
force
ni
que
rage.
LAFONTAINE.
De
profondes diffrences
sparent
les
socits
modernes
des socits
antiques.
Les
ides
les
moeurs
les lois
ne
sont
plus de
nos
jours
ce
qu elles
taient
il
y a
vingt
sicles. La
civilisation
des
peuples
actuels
repose
sur
des
principes
nouveaux
inconnus
aux
anciens
peuples.
Des
progrs
immen-
ses
ont
t
accomplis
dans
le
monde
et
ces
progrs
il
faut
le
reconnatre
sont
l oeuvre
du
Christianisme.
Toute
socit
obit
en
effet
certaines
lois
fondamentales
qui
sont
la base
de
son
organisation.
Lorsque
de
grandes
rvolutions politiques
ou
religieuses
viennent
renverser
les
principes
sur
lesquels
la
civilisation
avait
repos
jusqu alors
toutes
les
institutions
sociales
subissent
de
profondes
modifi-
cations;
les
constitutions
politiques
et
les lois
civiles
elles-
mmes
changent
avec
les
ides.
De
tous
les lments
qui
composent
la
civilisation
le
principe
religieux
est
certaine-
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
17/314
12
ment
le plus
puissant
c est
lui
qui
exerce
sur
la socit
la
plus
grande
influence
;
c est
lui
qui donne
chaque
poque
historique
un
caractre
particulier
une
physionomie
propre
;
c est
lui qui imprime
dans
la constitution
sociale
de chaque
peuple les
traces
les plus
profondes.
De l
l immense
influence
que
les
religions
ont
exerce
de
tout
temps
sur
la
lgislation
positive.
Si
l on
considre
les
institutions
des
nations
paennes
en
les
comparant
celles
des
nations
chrtiennes
on
voit
cette
vrit
se
dvoiler
avec
une
grande
vidence.
Toutes
les
socits
de
l antiquit
reposaient
sur
le
paga-
nisme.
Ce
culte
tout
extrieur
ne
s adressait
ni
la raison
ni
l me il
ne
parlait
qu aux
sens
et
qu l imagination;
il
ne
connaissait
d autres
Dieux
que
les
objets
sensibles
ou
les
forces
de
la
nature
personnifie
;
il
adorait
la matire
divinisait
toutes
les
passions
et
permettait
tous
les vices. La
loi
image fidle de la
religion consacrait tous
les
abus
de
la force
tous
les caprices
de
la passion.
Elle
soumettait
la
puissance
absolue
de quelques chefs de
famille
tous
les
tres
trop
faibles
pour
faire
respecter
leurs
droits
;
elle
sacrifiait
l esclave
la femme
l enfant
et
consacrait
partout
le
droit
du
plus
fort.
Tandis
que
les
anciennes
socits
s levaient
sous
le
rap-
port
intellectuel
une
grande hauteur
elles
conservaient
sous
le
rapport
des
institutions
sociales
leur
premire
bar-
barie.
Elles
produisaient
des potes
des
artistes
des
philoso-
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
18/314
13
phes
dont les
chefs-d oeuvre
nous
tonnent aujourd hui
;
mais
aux
jours
les
plus brillants
de
cette civilisation qui
ne
reposait
que
sur
le
sensualisme
le
sang
inondait
l amphi-
thtre
o les
gladiateurs
venaient combattre
et
mourir
;
des
milliers d esclaves
prissaient
de misre
dans les
ergastules
et
sur
les
bords
du
Tibre;
les femmes
de Rome
comptaient
les annes
par
le
nombre
de
leurs
maris;
les vices les
plus
hideux souillaient
les
hommes
les
plus illustres
;
Caton
ven-
dait
sa
femme
;
Nron
clairait
ses
jardins
en
brlant
des
chrtiens
;Hliogabale
renouvelait
les
moeurs
deSardanapale;
la
dbauche
et
la
cruaut
rgnaient
en
souveraines
sur
la
socit
paenne.
Pendant
que
le
monde
romain s enivrait
ces
sources
impures
le
Fils de
Dieu
mourait
sur
le
Calvaire
et
laissait
l Eglise
catholique le dpt
de
sa
doctrine
qui devait
rg-
nrer l humanit
tout
entire.
Bientt
les
Aptres
se
rpandirent
dans
le
monde et por-
trent
les
principes de
la religion chrtienne
au-del
des
limites
de
l Empire romain.
Une
opposition
formidable
accueillit
le
nouveau
culte
et
l re
des
perscutions
com-
mena.
Mais
les
empereurs
versrent
en
vain
le
sang
des
martyrs
;
la croix
devait
triompher
un
jour.
Aprs
trois
sicles de
lutte la religion chrtienne
devint
dominante dans
l Empire
;
Constantin
lui
donna
la
libert
et
bientt
elle
fit
sentir
sur
la
socit
romaine
sa
bienfaisante influence. Elle
avait
triomph
de la
rsistance
des
esprits
et
des
coeurs
elle
avait fini
par
dominer
les
intelligences
elle
transforma
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
19/314
u
bientt
aussi les
institutions
sociales. Des
principes
inconnus
jusqu alors
furent
proclams
:
l unit
deDieu fut
pour
la
pre-
mire
fois
enseigne
tous
les
hommes
avec
le dogme de
la
rdemption.
Le culte de la
matire
fut
proscrit
et
la
vie
humaine
arrache
au
joug
des
sens.
La
charit
cette
vertu
que
les
anciens
n avaient
pas
souponne
fut impose
aux
hommes
;
elle
devint
la
rgle
de
leurs
moeurs
le
principe
de
leur
conduite.
Les
lgislateurs
ne
pouvaient
rester
en
arrire
de
ce
mou-
vement
religieux
et
social
;
il fallut
modifier les
lois
et
les
mettre d accord
avec
les
ides
nouvelles.
Il
fallut
effacer des
codes
les
dispositions
rigoureuses
de
l ancien droit adoucir
l esclavage
rhabiliter
la
femme
assurer
la
vie de
l enfant
rorganiser
la
famille
sur
des
bases nouvelles.
Mais
ces
transformations
ncessaires
ne
furent
pas
l oeuvre
d un jour.
Les
principes chrtiens taient
devenus
dominants
mais
les
moeurs
paennes
subsistrent
longtemps
encore
;
les
changements
s oprrent
avec
lenteur
;
on
substitua
peu
peu
une
lgislation nouvelle
l ancienne
lgislation.
A peine
le monde
romain
commenait-il
subir
l influence
chrtienne
qu il
fut envahi
par
les
peuples
du
Nord. Les
Barbares
tablis
successivement
sur
les
diffrentes provinces
de
l empire
se
disputaient
les
lambeaux
de
la
puissance
des
Csars.
Des
bandes
demi-sauvages
se
pressaient
vers
Rome
o
elles semblaient avoir t
convies
et
bientt
la capitale
de
l ancien
monde fut
pille
et
livre
aux
flammes.
Une
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
20/314
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
21/314
16
syrie
l Egypte
nous
offrent
des
monuments
dont
la
masse
imposante
semble dfier
les
sicles
;
elles
ont
produit
des
artistes
des potes
des
philosophes
;
mais
sous
le
rapport
des
institutions
sociales
elles n ont
pas
fait de
progrs.
Les
Indes
sont
encore
aujourd hui
peu
prs
ce
qu elles taient
au
temps
de
Manou
;
la
Chine
au
temps
de
Confucius.
Les
Arabes dont
l ardente
imagination
a
cr
tant
de
chefs-
d oeuvre
sont
toujours rests barbares
sous
bien
des
rap-
ports.
Ce peuple
qui
a
lev
en
Espagne
tant
de
monuments
admirables
et
laiss
dans
tout
l Orient
de
si potiques
sou-
venirs
a
pass
rapidement
et
ses
institutions sociales
n ont
pas
subi
de changements.
Les
socits
musulmanes sont
aujourd hui
ce
qu elles
taient
au
temps
de
Mahomet
et
Mahomet avait
consacr
toutes
les
institutions
de
l antiquit.
Chez
ces
peuples l es-
clavage
et
la
polygamie n ont
pas
cess
d exister;
la
famille
a
conserv
ses
anciennes
bases
:
la
femme
est
reste esclave
et
dgrade.
Cependant
en
Orient
la
religion
a
toujours t
toute-
puissante
:
les
brahmes
les
mages
les bonzes les
ulmas
la
caste
sacerdotale
en un
mot
a
de
tout temps
form
la
partie claire
et
dominante de chaque peuple
;
mais
les
prtres
des
religions
orientales ont renferm dans
le
sanc-
tuaire
le
peu
de
vrits
qu ils
ont
connues.
Ministres
de
ces
cultes sensuels qui laissent
aux
passions
une
entire libert
ils
ont
conserv
toutes
les
institutions
barbares
et
maintenu
la
socit dans
une
enfance
perptuelle.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
22/314
17
Tel
n a
pas
t dans
l Occident
le
rle de l Eglise
catho-
lique
:
elle
a
arrach
le
monde
au
sensualisme
paen.
Au
lieu d immobiliser
les
peuples
soumis
sa
suprmatie
reli-
gieuse
comme
les
prtres orientaux
et
les druides celtiques
ou
de
perdre
tous
ses
efforts
dans
de subtiles disputes
comme
les philosophes
paens elle
a
favoris
de
tout
son
pouvoir
le
dveloppement
des
nations
modernes;
elle
a
prsid
tous
leurs
progrs
et
dirig
la
marche
de
la
civi-
lisation
europenne.
Nous
n aurons
pas
retracer
ici
tout
le dveloppement
de
cette
civilisation
;
nous
n aurons
pas
nous
occuper
des
progrs
que
le christianisme
a
fait faire
aux
lumires
ni
des
changements
qu il
a
apports
dans
les
moeurs.
Nous
n tudierons
les
transformations qu il
a
opres dans
la
socit moderne
qu
un
seul
point
de
vue.
Nous
ne
nous
occuperons
que
d un
seul
des lments dont
se compose
la
civilisation
moderne
;
la
lgislation civile
sera
le
seul
objet
de
nos
recherches.
Nous
verrons
quelles modifications
elle
a
subies sous
l influence
des
principes
chrtiens.
Pour
cela
nous
considrerons
la
lgislation franaise
trois
poques
diffrentes
:
d abord
l poque
barbare
durant
laquelle
tous
les lments de
la
civilisation
moderne
sont
encore
mls
et
confondus
;
nous verrons
ensuite
pen-
dant l poque
fodale la
socit
s organiser
sous
l influence
de l Eglise
les
institutions
sortir
du
chaos
les
lumires
de
la civilisation dissiper
les
tnbres
de la
barbarie;
nous
tudierons
enfin
la
lgislation
des
trois
derniers sicles
2
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
23/314
18
poque
durant
laquelle
l influence
du pouvoir
royal
lui
imprima
un
caractre
nouveau.
L influence
des
lois de
l Eglise
sur
la
socit
et
sur
la
lgislation
civile
pendant
cette
longue
suite
de
sicles
a
toujours
t
en
croissant
depuis
le
commencement
du
Ve
sicle
jusqu
la
fin
du
XIIIe.
Depuis
cette
poque
son
inluence
s est
exerce
d une
manire
moins
directe
et
moins
prpondrante mais
elle
a
conserv
cependant
une
grande
importance.
Nous
suivrons
la marche
de
notre
lgislation
jusqu au
moment
eu
le flot
rvolutionnaire
a
englouti
toutes
les
institutions du
pass. Nous
verrons
aussi
les
traces
pro-
fondes
que
le
Droit
ecclsiastique
a
laisses
dans
les
lois
modernes
de la
France.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
24/314
DE
L INFLUENCE
DU
DROIT
CANONIQUE
SUR
LA
LGISLATION
FRANAISE.
LIVRE
PREMIER.
POQUE
BARBARE.
V
-
X
SICLE.
CHAPITRE
PREMIER.
Influence du
Christianisme
sur
la
socit
barbare.
La Gaule
soumise
par
Jules
Csar
la
puissance
ro-
maine
ft
partie
de
l empire
jusqu
la
fin
du Ve
sicle
;
mais alors envahie
de
toutes
parts
par
les peuples
germa-
niques
elle
fut
arrache
la
domination
de
ses
anciens
matres.
Les
Bourguignons s tablirent
dans
les
provinces
de
l Est;
les
Wisigths dans celles du
Sud;
les
Francs
dj
fixs
sur
les
bords
du
Rhin
ne
tardrent
pas
occuper
tontes
les
provinces du
Nord.
Les
lgions romaines
recu-
laient
sans
cesse
devant
ls
nouveaux
conqurants;
battues
par
ls
armes
de Khlodowig elles
durent
laisser le champ
libre
aux
guerriers
francs;
et
bientt l empire romain
suc-
comba
sous
les
coups
des
Barbares
qui depuis
deux si-
cles
s acharnaient
sa
ruine.
La domination franque s -
tendit
rapidement
sur
la
Gaule
tout
entire
:
soit
par
la
ruse
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
25/314
20
soit
par
la force des
armes,
Khlodowig
runit
sous
sa
main
toutes
les
tribus
franques
;
il
chassa les
Wisigoths d Aqui-
taine,
et
ses fils
soumirent
les
Bourguignons.
Toutefois,
la
civilisation
romaine
ne
prit
pas
tout
entire
avec
l empire des
Csars
;
le clerg catholique
conserva
le
culte,
la
littrature
et
les
lois
de
Rome devenue
chrtienne
depuis plusieurs
sicles. La
Gaule
avait
reu
la foi
ds
les
premiers
temps
de l re
chrtienne. De nombreux
martyrs
l avaient bientt
porte
dans
toute
l tendue
de
ce pays.
Au
Ve
sicle, tous les
Gallo-Romains,
sauf
peut-tre
les
habitants
de
quelques
contres
recules,
taient chrtiens
et
catholi-
ques.
Vaincus
par
l ascendant
que
la civilisation
exerce
tou-
jours
sur
la
barbarie,
et
par
la puissance des ides
reli-
gieuses, les
conqurants embrassrent
le
christianisme
que
professaient les
vaincus.
L ancien
culte
des
Germains
qui
adoraient, dans leurs forts,
les
objets
matriels,
les
dieux
visibles
leurs
regards
:
le soleil, la
lune,
le
feu,
la
terre,
les
arbres
et
les
fontaines, fut bientt
proscrit
1).
L adoption,
du
culte
nouveau
devint,
pour
les
Barbares,
la
cause
d une
transformation, qui
devait
s accomplir
lentement
sans
doute,
mais progressivement
travers
les sicles. Le
clerg chrtien
a
fait l ducation des
socits
nouvelles, nes de l invasion
germanique;
il
a
fait
passer
les
races
du
Nord tablies
sur
le sol
de l empire
romain,
del barbarie
la civilisation.
Avant d arriver
ce
rsultat, il fallut
traverser
une
po-
que
de
luttes
et
d anarchie,
pendant laquelle
s opra
la fu-
sion de la
race
victorieuse
et
de
la
race
conquise. Deux
peuples
en
effet
se
trouvaient
en
prsence
sur
le sol de la
Gaule, pendant la priode
mrovingienne
:
le
peuple
Gallo-
Romain,
habitu
l esclavage, puis
par
les exactions du
fisc
romain,
abtardi
par
la
corruption,
et
le
peuple
Franc,
livr
h
toutes
les
passions brutales qu enfante
la
barbarie.
Le
pouvoir politique
n avait
pas
la
force ncessaire
pour
main-
tenir
l ordre
dans
la
socit.
Barbares
comme
leurs
guer-
l)Caes.
de
M.
Gai. Vf,
21.
Tac.
dempr.
germ.
9,
40.Anseg.
cap.
I,
02.
Cap. de
Hildebert,
en
554;
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
26/314
21
riers,
les
rois
chevelus
s adonnaient
eux-mmes
toutes
sortes
de
crimes
et
de
brigandages.
Les
chroniques
du
temps
sont remplies
de
drames
horribles;
on
y
lit
chaque
page
le
rcit
des
meurtres
et
des
empoisonnements
qui
souill-
rent
les
princes
de
cette
poque
1).
Nulle fixit dans
les
institutions
sociales
:
l administration
romaine n existait
plus;
les assembles
du champ
de
Mars
tombaient
en
dsutude
;
les
comtes
barbares,
gouverneurs
des villes
et
des
provinces,
pouvaient
sans
contrle
s abandonner
tous
les
excs de
pouvoir.
L anarchie tait
au comble;
la barbarie
dominait,
et
la
socit
semblait
prs
de
se
dissoudre.
Les
lumires
p-
rissaient
:
peine
quelques
potes
et
quelques
chroniqueurs
venaient-ils
protester,
au
nom
de
l intelligence,
contre
l i-
gnorance
gnrale.
Cependant
la
socit
n tait
pas
destine
demeurer
ter-
nellement
plonge
dans
la barbarie
o:
l avaient
entrane
la
dcadence
romaine
et
l invasion
des peuples du
Nord..
La
ci-
vilisation
antique expirait
;
la
civilisation
moderne
allait
bien-
tt sortir
du
chaos.
Sur
les
dbris
de
l ancien
monde, dtruit
par
l invasion
germanique,, le Christianisme
allait
crer
un
monde
nouveau..
L Eglise
tait
en
effet
la
seule
puissance
qui
pt
porter
secours
aux
maux
de
l poque,
dissiper
les
tnbres,
adoucir
les
moeurs
et organiser
les
socits
nouvelles.
Seule
,
elle
avait
une
constitution
rgulire
au
milieu
de
l anarchie
universelle;
seule
,
elle
possdait
des
lumires
au
sein
de
l ignorance
commune.
Elle
ne
tarda
pas
prendre
sur
cette
socit
en
dissolution
une
influence
considrable;
elle
ac-
quit
cet
ascendant
que
donnent
l intelligence
sur
l ignorance,
la
rgle
sur
le
dsordre,
la
loi
sur
l anarchie,
la
civilisation
sur
la
barbarie.
L Eglise
avait
une mission
divine
remplir;
elle
l accomplit
en
rpandant
dans le
monde barbare
les lu-
mires
de
l Evangile;
de
pieux
missionnaires
pntrrent
dans
les
contres
les
plus
recules
de
la
Grande-Bretagne
1)
Grgoire
de
Tours, L.
II,
c.
42, 43
;
III,
18; IV,
43; V,
40.
Frd-
gaire,
oh.
42.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
27/314
22
et
de la
Germanie
,
pour y
porter
la foi
chrtienne.
Au
mi-
lieu
des
dsordres
de
ce
temps,
un
grand
nombre
de saints
personnages
donnrent
au
monde
les
plus
admirables
exem-
ples.
Les vques
s assemblaient
souvent
pour
subvenir
tous
les
besoins de la
socit. Les
Conciles
rendaient
sans
cesse
de nouvelles
lois,
destines
maintenir l intgrit
de la
foi
et
la
puret
de
la
discipline
ecclsiastique,
rgler
les
rap-
ports
religieux
ou
sociaux
des hommes soumis
leur
juri-
diction,
purifier
les moeurs,
protger
le
mariage
et l insti-
tution
de
la
famille,
rprimer
les
brigandages.
Bientt
les
vques
furent
admis dans
les
conseils
des
rois
barbares
;
leur
influence
sur
la socit devint
plus
directe
;
ils
prirent
une
part
active
au
gouvernement,
et
beaucoup
de
ca-
pitulmes
furent rendus
leur instigation,
la
suite
des
Conciles.
Ils
taient
en
outre
les
dfenseurs des cits
qu ils
devaient
protger
contre
les exactions
et
les abus de
toute
sorte
;
les
intrts
des
faibles
et
des
opprims taient
remis
entre
leurs
mains.
Ces
diverses fonctions
qu ils tenaient
de
la
l-
gislation
romaine
taient
pour
eux
la
source
d une
immense
et
bienfaisante
influence 1).
Elle
ne
s exerait
pas
seulement dans
l ordre politique,
mais
aussi
dans
l ordre
intellectuel
;
les
coles,
tablies
dans
les
monastres
et
dans
lesvchs,
conservrent
les anciens
monuments
de
la
littrature
sacre
et
ceux
de
la
littrature
profane,
qui,
sans
elles,
eussent
t
dtruits
pendant l in-
vasion.
Les
moines
soumis
gnralement
la rgle de
saint
Benot,
se
livrrent
avec
une
admirable
ardeur
une
double
entreprise. Partageant
leur
temps
entre
la prire
et
le
travail,
ils
dfrichrent
les
forts
et
les
landes incultes
de la vieille
Gaule,
et
prludrent
par
de
longues
tudes
ces
travaux
gigantesques
qui devaient
faire
plus
tard
la gloire
de
leur
ordre.
A
celte
poque,
les
rares
productions de
l esprit
hu-
ai
Cod. Thcd.
I,
lii.
10,
c.
3.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
28/314
main
qui
nous
apparaissent,
sont
toutes
marques
d un
ca-
chet
religieux.
Toute
la
littrature
de
ce
temps
se compose
de lgendes
et
de
vies
de
saints,
ou d hymnes
liturgiques.
La
pense
religieuse
inspire
seule les
potes.
Les
chroni-
ques
elles-mmes
prennent
un
caractre
ecclsiastique
;
la
philosophie profane
disparat;
la
thologie
rgne
seule
et
devient
l objet
de
toutes
les luttes
de
l esprit
humain.
Il
n y
avait donc
alors
de
force
rgle
et
de puissance
in-
tellectuelle
que
dans l Eglise.
Aussi
les
princes,
qui
compri-
rent
les
besoins
de
leur
poque,
cherchrent-ils
s appuyer
sur
le clerg.
Ppin
et
Charlemagne
nous
apparaissent
tou-
jours
environns d vques. Ils
furent
les
dfenseurs
zls
de
l Eglise
et
les
allis fidles
des souverains Pontifes
;
ils-
tra-
vaillrent
avec eux
civiliser
les
barbares
en
les faisant
chr-
tiens.
Charlemagne
arrta
l invasion
des
paens
du
Nord,
et
celle
des
musulmans du Midi; il
porta
le
christianisme
jus-
qu au fond
de
la
Saxe,
et
soutint
sa cause
en
Espagne.
Il
rforma
son
empire
par
d innombrables
lois, o l influence
du
clerg
se
montre partout;
il
tablit
des
coles
pour
r-
pandre
de
tous
cts
les
lumires
du
christianisme.
Il
fut
avec
l aide
de l Eglise
le
crateur
de
la
socit:
moderne.
Charlemagne,
a
dit
M.
Guizot,.marque
la
limite
laquelle
est
enfin
consomme
la
dissolution,
de
l ancien
monde
ro-
main
et
barbare,
et
o
commence
vraiment
la
formation
de
l Europe
moderne,
du monde
nouveau.
C est
sous
son
rgne
et
pour
ainsi
dire
sous
sa
main,
que
s est
opre
la
secousse
par
laquelle
la
socit
europenne
faisant
volte face
est
sortie
des
voies de la
destruction
pour
entrer
dans
celles de
la
cration
1).
Tant
que
la fusion
de la
race
germanique
et
de la
race
gallo-romaine
ne
fut
pas
accomplie,
ces
deux peuples
obi-
rent
des lgislations
diffrentes. Le peuple
conquis
tait
1)
Histoire
de
la
civilisation
en
France,
I.
II,
lei;on
20 .
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
29/314
rgi
par
le
droit
romain
;
le
peuple
conqurant
obissait
aux
anciens
usages
qu il
avait
suivis de
tout temps
dans
les
forts
de
la Germanie.
Mais
la suprmatie
que l Eglise
avait acquise
sur
la
socit
barbare
devait
ajouter
ces
deux
lgislations
une
lgislation nouvelle
le
droit
ecclsias-
tique
et
lui
donner
une
importance
considrable.
Les
dcrets
des
papes
les
canons
des conciles
exercrent
sur
la
socit
et
sur
le
droit
civil
une
influence
immense.
Les
princes
qui
voulurent
rformer
la
lgislation
empruntrent
aux
lois
de
l Eglise
de
nombreuses
dispositions.
Le
droit
canonique
de-
vint bientt
la
rgle
unique d une
foule
de
matires
;
il
r-
git
notamment tout
ce
qui touche
au
mariage
et
l organi-
sation
de
la
famille.
D autres parties
de
la
lgislation furent
inspires
par
l esprit
du
droit ecclsiastique
;
il
devint
une
sorte
de
raison crite toujours prsente
la
pense
du l-
gislateur.
C est
ainsi
que
les lois
rdiges
par
les
conqu-
rants germains et
mme
les
extraits du
droit romain
faits
au
moyen-ge
pour
les
peuples
conquis
portent
des
traces
nombreuses
de
cette
puissante influence.
Nous
tudierons
les
monuments
de
ces
deux
lgislations
dont la
fusion
a
form
le
droit franais
;
nous
verrons
quel-
les
modifications
le
droit canonique
a
apportes
au
droit
romain
et
aux
usages
germaniques.
On
nous
permettra
de
jeter
quelquefois
un
coup d oeil
rtrospectif
sur
les lois
primi-
tives de
Rome
et
sur
les plus
anciennes
Coutumes
barbares
;
car
la
comparaison
des poques les
plus recules
avec
les.
poques
postrieures
peut
seule
expliquer
les
transforma-
tions opres dans
la
lgislation.
Sans
la
connaissance
du
pass
on
ne
saurait comprendre
le
prsent.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
30/314
25
CHAPITRE
II.
De
l Esclavage-
Influence du
droit canonique
sur
l tat
des
Serfs.
SECTION
I.
ESCLAVAGE ROMAIN.
M-
Droits
du
matre
sur ses
esclaves.
Lorsque
les
Barbares
du
Nord envahirent
les
Gaules
la loi
romaine
rgissait
ce
vaste
pays
;
elle
y
consacrait suivant
l usage
de
tous
les
peuples anciens l esclavage
personnel
et
le
servage
de
la
glbe.
Toutefois
l poque
de
la
conqute
franque
ces
antiques institutions
avaient dj
subi
sous
l in-
fluence
de
l Eglise
de nombreuses modifications
et
les
lois
des
empereurs
chrtiens
avaient adouci
d une manire
nota-
ble
le
sort
des
esclaves.
A la fin
du
Ve sicle
le
matre
n avait
plus
en
effet
sur
les
hommes
qui dpendaient
de lui
cette
puissance souveraine
dont
il
avait
joui durant
les
sicles paens.
Si
l on remonte
la
primitive lgislation
de
Rome
on
le voit investi
d un
pou-
voir absolu
; ses
esclaves
sont
sa
proprit
;
tout
ce
qu ils
acquirent
lui appartient
;
il dispose
son
gr de leurs
biens
et
de leurs
personnes
;
il
peut
les vendre
les
tuer
les
tor-
turer.
Qu il
les abandonne
dans
les
les
du Tibre
qu il
les
livre
aux
murnes de
ses
viviers
ou
aux
lions
de
l amphithtre
la
loi
paenne consacre
toutes
ces
atrocits
que
le
Chris-
tianisme devait
faire
disparatre.
Ds
l poque
qui
prcda
le
triomphe
de la
nouvelle
reli-
gion
dans
le
monde romain
plusieurs
empereurs
levs dans
les
principes
de
la
philosophie
stocienne
apportrent quel-
ques
restrictions
au
droit
absolu des
matres. Les
statues
des
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
31/314
26
princes devinrent
une
sauvegarde
pour
les
esclaves
maltraits.
La loi Ptronia
enleva
aux
matres le
droit
de contraindre
ces
malheureux
combattre
contre
les
btes.
L empereur
Antonin punit
comme
homicide
un
Romain
qui
avait
donn
la
mort
l un de
ses
esclaves
1).
Tandis
que
la
sagesse
antique
s efforait
d adoucir
les
lois
qui rgissaient
l esclavage, saint
Paul
cherchait
changer
les
coeurs
en
prchant
la charit,
et
l Eglise
redisait
aprs
lui
:
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
32/314
27
2.
-
Famille
des
serfs.
La loi
chrtienne
bien
diffrente
de la loi
paenne
reconnat
l esclave
le
droit
d avoir
une
famille.
Dans
l ancienne
socit
romaine,
le
droit
civil
ne
consacrait
pas
l union
conjugale
des
esclaves; le
contubemium
tait abandonn
au
pur
droit
na-
turel.
L esclave,
en
effet,
n tait
pas
une personne
aux
yeux
de
l antique
lgislation
des
Quirites.
L Eglise,
au
contraire,
a
fait
de l esclave
une
personne
;
elle lui
a
rendu
sa
dignit
d homme,
et
par
suite
le
droit
de
contracter
une
union sainte
el
lgale 1),
et
celui
d avoir
une
famille.
Le
premier
pas
dans
cette
voie
fut
fait
encore
par
Constantin,
dont les
efforts tendirent
constamment
corriger
la
duret
des anciennes lois
de Rome.
Il
dfendit
de sparer,
dans
les
partages
oprs soit
par
le
fisc,
soit
parles
particu-
liers, les
serfs de
la glbe
unis
par
les
liens
de
la
famille.
Aux
termes
de
ses
constitutions,
le mari
et
la femme,
le
pre, la
mre
et
les
enfants,
le
frre
et
la
soeur
doivent
rester
ensem-
ble
sous
la mme
main.
On
ne
brisera
plus
ices liens
du skng
que
la
loi
va
dsormais protger 2).
;
;
J
--
;
Si
plus
tard les
seigneurs du
moyen-g
viennent
violer
ces prescriptions inspires
par
le
Christianisme,
les conciles
les
remettent
en
vigueur,
et
luttent
nergiquement
pour
les
faire
respecter
3).
3.
Manumission
dans
les glises.
L esprit
de
charit
qui
animait
les
premiers chrtiens
les
poussait
affranchir
leurs esclaves.
Les vques
et
les
prtres
devaient tre
les ministres
de
ces
actes
dsintresss. Cons-
1)
Dcret.
Grat.
pars
II,
caus.
30,
quesl.
2,
c.
1.
2)
C. Th. II,
25,
1.
3)
Conc.
do Chlons-sur-Sanc,
en
813,
u.
30.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
33/314
tantin
fit
encore
sur ce
point
une
importante innovation.
Une
loi
de
ce
grand
prince
consacra
la
manumission faite
dans
les
glises, et confra
aux esclaves
ainsi affranchis tous
les
droits
des
citoyens. A
cette
poque,
les
distinctions
admises
par
les
antiques
lois de Rome
entre
les
diverses
classes d'af-
franchis, citoyens,
latins
ou
dditices,
tombaient
en
dsutude.
L'affranchissement
par
le
cens
n'tait
plus
en
usage.
La
ma-
numission
faite dans les saintes
glises,
dans
un
but
pieux,
en
prsence
des
vques,
tait destine
remplacer
cet
ancien mode
d'affranchissement
(1).
La
nouvelle institution,
que
le clerg
favorisa
de
tout
son
pouvoir,
ne
tarda
pas
se
rpandre
dans l'empire romain.
Les
conciles d'Afrique
demandrent
au
prince
une
loi qui
permt
aux
vques de
ce pays
d'affranchir
les esclaves dans
les glises,
et
leur
accordt
ce
droit qu'avaient
obtenu
avant
eux
les
vques d'Italie
(2J.
Les
lois
romaines
du moyen-ge
conservrent religieuse-
ment
cet
usage
chrtien (3).
C'et
t
peu
d'affranchir
les esclaves,
s'ils
eussent
d
rester,
aprs
leur
manumission, abandonns
la
volont
ar-
bitraire
d'un
patron
toujours
prt
les
faire
rentrer
dans
la
servitude. Les conciles prenaient
les
affranchis
sous
leur
protection
et
fulminaient
l'anathme
contre
quiconque
osait
les
maltraiter
ou
les
dpouiller
(4).
SECTION
II.
SERVAGE GERMANIQUE.
'
Droits
du matre
sur
ses
serfs.
L'esclavage
existait
chez les
peuples du Nord. Il
avait
pour
(1) C.
Th.
IV, 7.
C,
Just.
L.
1, 2,
de
his
qui in ecclesid.
(2)
Cne.
Ai'ric.
c.
54.
Dion. exig.
(3)
Aniau.
intorp. IV,
.-Papian.
rosp.
lil.
IV.Lex
rom.
utinensis,
lib.
IV,
c.
7.
Gaii
lpit.
c.
1.
; )
Cunc.
il'Agdes,
en
50li,
c.
-29.
Y
1
concile
d'Orlcans,
en
5-19,
c.
7.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
34/314
29
sources
:
la
guerre,
la naissance
et
la
vente
des hommes
libres qui
se
donnaient
eux-mmes
en
servitude
1). Ces
usages
n taient
pas
propres
la
seule
race
germanique.
Tous
les
peuples
anciens
regardaient
les vaincus
pris
la
guerre
comme
la proprit
du vainqueur;
partout
l enfant
de l es-
clave naissait
esclave
;
partout
on
voyait
l homme
aliner
sa
libert.
A Rome,
le crancier
pouvait,
au
temps
de la
loi
des
douze tables,
vendre
son
dbiteur
;
dans
les
Gaules,
les
pl-
biens
accabls
sous
le
poids
des
tributs,
grevs
de dettes,
tourments par
les
vexations,
devenaient
souvent
esclaves
des
grands
2).
Quant
aux
Germains,
ils
se
donnaient
en
servitude
pour
acquitter
une
dette qu ils
ne
pouvaient
payer;
les
for-
mules
anciennes
en
fournissent
de
nombreux
exemples
3).
Souvent
encore
dvors
par
la passion
du jeu,
ces
barbares
perdaient,
dans
une
nuit d orgie,
leur
fortune
et
leur
li-
bert
4).
L esclave
germain
n tait
pas
destin
comme
l esclave
romain, servir
dans
l intrieur
des
habitations;
on
lui
aban-
donnait
les champs
que
le
propritaire
ddaignait
de culti-
ver,
estimant
que
la
guerre
et
la chasse
sont
les
seules
occu-
pations
dignes
d un
homme
libre.
Attach
la glbe,
le serf
payait
son
matre
une
redevance
en
troupeaux,
ou en
bl
;
il
avait
sa
demeure particulire
et
ses
pnates 5).
On
le
frappait
rarement,
mais il
n tait
pas
l abri
des
brusques
emportements et
des
caprices
de
soii
matre,
qui
le
tuait
par
colre
et
non
par
chtiment
6).
La vie
de l esclave
appartenait
donc
celui-ci.
Mais
le droit canonique
devait
sur
ce
point corriger
la rudesse
des
usages
germaniques.
L Eglise
protgea
la
vie
des
serfs
sous
la
domination
fran-
que,
comme
sous
la puissance
romaine. Le
concile d Agdes
1)
Tac.
de
inor.
Germ.,
c.
24.
2)
Cs.
de
bel. gai.
VI,
13.
3)
Mare. form. II,
28.
App.
16,58.
Bignon,
f.
26.
Mabillon,
f.
2.
-.Amern.
form. passim.
4)
Tac. de
mor.
Germ.,
c.
24.
5) Tac. de
mor.
Germ.,
c.
25.
6) Tac. de
mor.
Germ.,
c.
25.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
35/314
30
imposait
deux
ans
de
pnitence
au
matre
qui avait
tu
son
esclave,
et
prononait
l excommunication
contre
le coupable
s il refusait
de
subir
cette
peine canonique
(1).
Le
XVIIe
con-
cile
de
Tolde,
en
694,
privait
aussi de
la
communion
pour
deux
ans
le
matre
qui avait
tu
son
esclave
sans une
sentence
du
juge (2).
Le
concile
de
Worms,
tenu
au
IXe
sicle,
pro-
nonait
encore
la
mme
peine
(3).
Souvent
un
esclave, maltrait
par
son
seigneur,
se
rfu-
giait
dans
une
glise
ou
dans
un
monastre
;
les
prtres
le
rendaient
son
matre,
en faisant
promettre
celui-ci,
qu il
ferait
grce
l esclave;
souvent
aussi
le matre
se
jouait
de
ses
promesses.
Le
Ve
concile
d Orlans
excommunia
ceux
qui
manquaient ainsi
la foi
jure
(4).
La
loi
des
Wisigoths,
o
l influence
canonique
est
si
fortement
empreinte, dfendit
aux
matres
de
tuer
leurs
esclaves
sans un
jugement
public,
et
de
mutiler
l image
de
Dieu,
sous
peine
d exil (5).
2.
Vente
des
serfs.
L esclave
tait considr
dans l antiquit
comme
une mar-
chandise;
on
pouvait
le
vendre,
le
donner,
l changer
comme
une
chose
mobilire.
Pendant
les premiers
sicles
du
moyen-
ge,
on
voit
cet
usage
en
pleine
vigueur chez les
races
conqurantes.
Les
formules anciennes
en
fournissent
la
preuve
(6).
Ce
fut.
encore
le
droit
canonique qui
porta
les
premiers
coups
cette
coutume
barbare.
L Eglise
ne
voulait
pas
qu on
pt
imposer
aux
esclaves chrtiens des
actes
con-
traires
leur foi
religieuse.
Del,
ces
nombreusesdisposi-
(1) Conc.
tFgilas,
wi
506,
c.
63.
(9) XVII
cne.
An
Tolde,
c,
15.
(:)
Conc.
le Worms,
en
868,
c
38.
(i)
X**
conc.
d Orlans,
en
549,
e.
H.
iTi^re
Wtsig.,
lili.
VI,
I.
S.
19
et
13,
i(t)Mttrt:
fnrm. II,
3.
App. f.
31,
Sintmt. form,
9.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
36/314
31
tions
qui dfendent de
vendre
les esclaves,
soit
des
juifs (4),
soit
des paens
(2),
et
mme
de les
aliner
hors des
limites
du
royaume
deClovis (3).
De
l,
la facult de
se
racheter,
accorde
par
les
conciles
aux
esclaves
chrtiens tombs
entre
des
mains infidles
(4).
Ces
prohibitions
ne
tardrent
pas
passer
dans
la
lgisla-
tion civile.
D'aprs les capitulaires
des
princes
carolingiens,
il
est
dfendu de
vendre
les
esclaves
chrtiens
aux
juifs
et
aux
paens
(5)
;
tout
chrtien
vendu
au
mpris de
cette
prohibi-
tion
doit
rester
libre
(6).
Malgr
ces
diverses
restrictions,
l'usage
de
trafiquer
des
esclaves
devait
durer
encore
pendant plusieurs
sicles.
3.
Mariage
et
famille
des
serfs.
Un des
plus
grands
bienfaits
que
le
droit
canonique ait
rendus
aux
esclaves,
c'est
de
lgitimer
leurs
unions. Il
exera
sur
la lgislationgermanique
l'influence
qu'il
avait
eue
dj
sur
la lgislation
romaine
en
cette
mme
matire. Il
soumit
les serfs
aux
lois
communes sur
le
mariage,
et
par
l rendit
leurs unions
la
dignit
de
celles
des
hommes
libres.
Le
con-
cile
de Verberie,
tenu
au
VIIIe
sicle, dfendit
l'esclave
vendu
par
son
matre
de
prendre
une
nouvelle pouse.
L'affranchi
dut
conserver
la
femme qu'il avait
pouse
avant
sa
manumission (7).
Au IXe
sicle,
un
autre
concile fifrevi-
vre
les lois,
de
Constantin
sur
les
partages
d'esclaves,
et
dfendit
aux
matres
de
sparer
le
mari
et
la femme
lgiti-
mement
unis
(8).
(1)
III
10
conc.
de
Tolde,
en
589,
c.
15.
(2)
Conc. de
Reims,
en
625,
c.
11.
(3)
Conc.
de
Chalons-sur-Sane,
en
650,
c.
9.
(4)
IVm, conc.
d'Orlans,
en
538,
c.
13.
Conc.
de
Mcon,
en
581,
c.
15.
(5)
Capit.
Anseg.
V,
203;
VI,
119, 423.
Lex
laman.
tit.
37.
(6)
Cap.
Anseg.
VII,
286.
Lex
Burg.
addit.
sec,
c.
2.
(7) Conc.
de
Verberie,
en
752,
c.
8
et
9.
(8)
Conc.
de
Chlons-sur-Sane,
en
813,
c.
30.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
37/314
Charlemagne
consacra
dans
ses
capitulaires
ces
diverses
dispositions. Il dcida
que
l homme
libre,
qui
avait pous
volontairement
une
femme
esclave,
ne
pourrait
plus
la
ren-
voyer^).
Le capitulaire de Verberie
sanctionna les
disposi-
tions
du
concile
tenu
au
mme
lieu,
et
plus
tard
l dit
de
Pitres
annula
les mariages contracts
par
les
serfs pendant
l invasion
des Normands,
au
mpris
d unions
plus
ancien-
nes
(2).
Les
capitulaires
dfendirent
enfin
de sparer les
serfs
unis
lgitimement, lorsque le seigneur
avait consenti
au
mariage
(3).
Les
premires lois germaniques dployaient
une
rigueur
terrible
l gard des esclaves
qui
pousaient des femmes
libres.
La loi
des
Lombardsprononait dans
ce cas
la peine
de
mort contre
l esclave,
et
laissait
aux
parents
de la femme
le
droit
de la
tuer
(4).
Chez
les
Francs,
la
femme
libre
qui
pousait
un
serf devenait
serve
;
ses
biens taient acquis
au
fisc,
et
ses
parents
pouvaient
la
tuer
comme chez
les Lom-
bards
(5).
Les
capitulaires
vinrent
encore sur ce
point adoucir
les
anciennes
rigueurs de
la
loi.
A
l poque
carolingienne,
les
femmes
libres,
maries
des serfs du
fisc,
ne
furent
plus
prives du
droit
de succder
(6).
4.
Des affranchissements.
Les
Germains,
l poque
o Tacite
peignait
leurs
moeurs,
affranchissaient,
leurs
serfs, mais ils
ne
leur communiquaient
qu une libert imparfaite
et
peu
diffrente de
l esclavage,
(1)
Cap.
VI,
95.
(S) Cap.
de Verberie,
eu
752,
o,
12, 20.
Cap.
de
Pitres,
c.
31.
Balluy-e,
tomo
II.
(3)
Anseg. add. HL
e.
54.
Vid,
etiara
Leg
Ltmg.
eap.
udd.,
c.
129.
(.1)
Lu
koiharis,
c.
-2.
(5) Pardessus,
cap.
extrav.
0.
5.
(6)
,-tnst>.
c.
U.
lalluze,
tome
1.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
38/314
sauf dans
les
tribus rgies
par
des rois 1). Ils
employaient
cet
effet
diverses
crmonies
symboliques.
L affranchisse-
ment
par
la
lance
et
la
flche
faisait
monter
l affranchi
au
rang
des guerriers,
et
lui
confrait
tous
les droits
des
hommes
libres. L affranchissement
par
le denier,
qu on faisait
sauter
de
la
main
de l esclave
en
prsence du
roi, signifiait
symboli-
quement
le
rachat de
la
libert 2). Cet
usage
existait
encore
au
Xe sicle
3).
L esclave
pouvait aussi
racheter
sa
libert
en
abandonnant
son
pcule
4).
L influence
chrtienne
devait
ajouter
ces
divers
modes
d affranchissement
une
nouvelle
espce de
manumission
:
la
manumission
dans
les glises. Les
Francs,
aprs
leur
conver-
sion
au
Christianisme,
ne
tardrent
pas
adopter
cet
usage
pratiqu depuis
deux
sicles dj
dans
les
contres
qu ils
venaient de conqurir. Les lois
des poques mrovingienne
et
carolingienne
et
de
nombreuses formules
d affranchissement
en
fournissent une
preuve clatante
5).
Ce
mode de
manumission offrait
aux
affranchis
d im-
menses
avantages.
Il
leur
confrait l ingnuit
et
la
qualit
de citoyens 6). Le clerg leur
accordait
sous
la domination
franque,
comme
il l avait fait
sous
les
empereurs
romains,
une
puissante protection.
De
nombreux conciles
ordonnrent
aux
vques de
dfendre
les
droits
des
affranchis,
et
excom-
munirent
les
patrons qui,
au
mpris
des
admonitions pis-
1) Tac. de
mor.
Germ.,
c.
25.
2)
1.
s al.,
t.
26. L.
rip.
t.
57.
Marc.
app.
form.
24.
Alsat. formA.
3) Goldastince
form.
6, charte de 906.
4)
Marc.
app.
f.
48.
5)
Lexrip.,
tit.
58.
Anseg.
VII,
31.
Cap.
add.
ad
leg.
Bajuv.,
c.
9.
Marc.
app.
f,
13
,
56.
Sirmond.
form.
12.
Baluze
f. 43.
Les
Anglo-Saxons
de l Heptarchie
l adoptrent
comme
les peuples
tablis
sur
le
continent. D aprs
les lois de Withred,
roi de
Cantorbery 697),
l esclave
affranchi
dans l glise
est
habile
hriter
et
participer
au
wergheld;
il
peut
aller
partout
son
gr;
pas
de limites
sa
libert Lois de Withred,
c.
9,
Labbe).
6) Marc,
app.,
form.
56.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
39/314
34
copales,
faisaient
rentrer
les
affranchis
sous
le
joug
de la
servitude
(1).
Les
procs,
o ceux-ci
se
trouvaient
engags, durent
tre
jugs
par
les
vques
(2).
L entre
dans
les
ordres
sacrs
devint
pour
les
serfs
un
autre
mode
d affranchissement;mais,,
pour ne
pas
prjudicier
aux
droits des matres,
l Eglise dfendaitd ordonner
l esclave
sans
l autorisation du seigneur
dont
il dpendait
(3).
Ds
l poque
de
la
domination romaine, les conciles
avaient
pris
galement
sous
leur
protection
les
esclaves
affran-
chis
par
testament
(4). C taitun
mode solennel
de manumis-
sion
admis
par
les
lois romaines,
et
que
l influence du droit
canonique,
si favorable la
libert
de
tester,
devait introduire
chez
les peuples
d origine germanique. Un motif
religieux
animait gnralement les matres
qui affranchissaient
leurs
esclaves.
On
trouve souvent
dans
les anciennes
chartes
de
manumission
ces
mots consacrs
:
pro
animoe
remedio,
pro
peccatis
meis,
et
autres
formules
analogues
(5).
Telles
sont
les
amliorations
apportes
l tat
des
esclaves
et
des serfs
par
le droit
canonique
pendant l poque franque.
On
ne
saurait nier
que
d utiles
progrs
ne
se
soient
alors
accomplis
en
leur
faveur. Dans
ces
sicles de barbarie,
la
lgislation
se
montrait plus douce
pour
eux,
qu elle
ne
l avait
t
sous la
domination
romaine,
l poque la plus
brillante
de la civilisation antique.
(1) Conc.
de Paris,
en
615,
c.
5.
Cne,
de Reims,
en
625,
c.
11
;
V
concile d Orlans,
en
549,
c.
7.
(2)
Conc.
de
Mcon,
en
585,
c.
7.
(3)
Saint
Lon,
pape, en
444.
Dec.
1.
Dcnys-le-Pelit.
(4)
Concile
d Arles,
en
452,
c.
33.
(5)
Formule
veteres,
passim.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
40/314
35
CHAPITRE
III.
Influence
du droit
canonique
sur
l organisation
de
la
famille.
SECTION
I.
DE
LA
FAMILLE
ROMAINE.
Du
mariage.
Clbration.
Fianailles.
Dans l ancienne
socit
romaine,
les
citoyens
seuls
pou-
vaient
contracter
lesjustes
noces,
qui
produisaient
la
puissance
paternelle
et
donnaient
aux
poux
les
titres
de
vir
et
uxor,
la femme
la
qualit
de
matrona
ou
de
mater familias.
Le
mariage
tait
un
acte
rgi
uniquement
par
le
droit civil
;
ce
n tait qu un simple
contrat,
form
par
le
seul
consentement,
et
que
la volont contraire
des poux
avait le pouvoir
de
dis-
soudre. Il n en fut
plus de
mme aprs
la
chute du
paga-
nisme.
Le
mariage avait
t lev
par
J.-G.
la
dignit
de
sacrement
;
l Eglise
l environna
d une
protection
toute
parti-
culire, et
les
lois civiles
le
considrrent
aussi,
mais
quelques
sicles
plus
tard,
comme
un
acte
religieux.,Ds
le
IIe
sicle,
Tertullien
clbrait
ainsi
le
mariage
chrtien
:
L Eglise
unit
les
poux
;
l oblation confirme
leur
contrat
;
les
anges
le
portent
au
ciel,
et
Dieu
le
ratifie;
ils
sont
deux
dans
une
seule
chair
;
ils
sont
une
seule
chair
et
un
seul
esprit. Ils
prient
ensemble, ils jenent
ensemble.
Ils vivent
ensemble
dans l Eglise
de
Dieu,
unis
Dieu,
au
milieu
des
tourments
et
des chagrins
de la vie 1).
*
Cette
union intime
ne
pouvait
souffrir de
partage
;
aussi
l Eglise
proscrivait-elle
au
concile de
Nice
la
polygamie, de
1)
Torlull.,
ad
iixorcm.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
41/314
36
tout temps
pratique
en
Orient 1). En Occident elle
n eut
pas
combattre la mme
institution, les lois
romaines n ayant
jamais
admis la
pluralit
des femmes.
L Eglise,
ds
cette
poque,
environnait
le
mariage
de
crmonies religieuses
propres
inspirer
aux
poux l ide
de
sa
saintet. Le
prtre
bnissait
les
fianailles
:
Sponsus
et
sponsa,
cm benedicendi
sunt
a
sacerdote,
a
parentibus
vel
paranymphis offeruntur
2).
Le
pape
Sirice,
au
IVe sicle,
traitait de sacrilge
la profa-
nation
de
la
bndiction
des fianailles 3).
Il
y
avait
un
abime
entre
la puret du
mariage
chrtien,
et
la
dissolution
de
moeurs
qui
rgnait
au
sein
de la
socit
romaine
en
dcadence.
Il tait difficile
alors
de
faire
passer
dans
les lois les
doctrines
de l Eglise
;
aussi
le
contrat
civil
et
le
sacrement
de
mariage
restrent-ils longtemps
distincts.
La
lgislation des
empereurs
chrtiens n exigea,
pour
la
vali-
dit du
mariage,
aucune
condition
nouvelle.
Il
resta,
sous
leur domination,
ce
qu il tait
au
temps
de
Gaus
et
d Ulpien
:
un
simple
contrat
consensuel.
Entre
personnes
honntes
et
d -
gale, condition, le
consentement
des parties, manifest
devant
quelques
amis, suffisait
pour
contracter
mariage, s il n y
avait
d ailleurs
aucun
empchementlgal. La
pompe
nuptiale,
la
dot, la
donation n taient
pas
ncessaires
pour
la
validit
de
l union
conjugale
4).
Dans
l usage, la
constitution
de
dot
accompagnait cependant
le mariage
;
une
Novelle de
Majo-
rien
rendit
mme
celle
constitution
ncessaire
pour sa
vali-
dit
en
458)
;
et
l on
retrouve
cette
disposition dans
la loi
romaine des
Bourguignons 5).
Mais
aucune
loi
des
empe-
reurs
d Occident
n exigeal emploi
des
crmonies
religieuses.
En Orient
au
contraire
Lon-le-Philosophe
dcida
que
la
1)
Conc.
de
Nice,
vers,
ab
Arab. lala,
c.
24,
Labbe.
Voir
la disser-,
tation du P. Labbe
sur
l authenticit
de la version du concile
de Nice,
con-
serve
par
les
Arabes.
2)
Conc.
do
Carthage,
en
398,
c.
13.
3)
Sirice,
pape, en
385,
Dec.
4.
Denys-le-Petit.
4) C. Thod.
III,
7,
3.
5)
Papian.
resp.,
t.
37.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
42/314
bndiction
nuptiale serait ncessaire
pour
la validit
du
mariage.
Cette
Novelle n'eut toutefois
aucune
influence
sur
la
lgislation
des
peuples occidentaux
(1).
2-
Du
concubinat.
D'aprs
les
lois
romaines,
le concubinat
tait
une
union
lgale, mais
infrieure
aux
justes
noces,
et qui ne
produisait
pas
les
mmes
effets. On
pouvait
prendre
pour
concubine
une
femme de condition
rpute
vile,
quand
la
loi
ne
permet-
tait
pas
de l'pouser. Il
tait dfendu
d'avoir
la
fois
plu-
sieurs concubines,
ou
d'en
prendre
une
si l'on
avait
dj
une
pouse
lgitime. Cet
usage
fut
aboli
en
Orient
par
l'empereur
Lon-le-Philosophe
;
mais il
survcut
en
Occident
la
chute
de
la
domination
romaine.
Il
subit,
comme les
justes
noces,
une
transformation
sous
l'influence
chrtienne.
Les
thologiens
distingurent
en
effet
deux
sortes
de
con-
cubinat (2)
:
le concubinat lgitime
qui tait
un
vritable
mariage, quoiqu'il
ne
produist
pas
les effets civils
ordinaires,
et
le concubinat
illicite,
que
le
langage moderne fltrit
sous
le
nom
de
concubinage.
Le
premier
concile
de
Tolde
permit d'admettre
la
com-
munion
tout
homme
vivant
avec une
concubine,
pourvu
qu'il
n'en
et
qu'une
et
n'et
pas en
mme
temps
une
pouse,
(uxor)
(3). Cette
sorte
d'union,
qui avait
lieu
entre
personnes
de
condition diffrente,
existe
encore
de
nos
jours
en
Allema-
gne
sous
le
nom
de
mariage
morganatique
;
elle renferme
le
sacrement
de mariage,
comme
l'union
capable de produire
tous les
effets
civils
(4).
.
Le
concubinage illicite
fut
au
contraire combattu
par
(1)
Lon.
Nov.
89.
(2) Fleury,
Hisl. eccles.,
tom.
VI,
vocal).,
v
concubine.
(3)
1
conc.
do Tolde,
en
400,
c.
17.
(4) Pothior,
Contrai
de mariage,
n 6
et
suiv.
7/25/2019 De linfluence du droit canonique sur la legislation franaise
43/314
38
l Eglise, ds les
premiers
sicles.
L homme qui
avait
eu
une
concubine
ne
pouvait
pas
entrer
dans les
ordres sacrs
4).
Le
pape
saint
Lon dcidait que
l on
pouvait renvoyer
la
con-
cubine
pour
prendre
une
pouse
lgitime
:
quia aliud
est
conciibinatus, aliud
est
matrimonium.
La
concubine illgitime
est
appele dans
les
anciens
textes
fornicaria
quoe
questum
facit)
2).
Le
nom
d pouse
lgitime
uxor)
ne
s appliquait toutefois
qu
la
femme ingnue
qui
avait
reu
une
dot
et
avait t
honore
d un
mariage
public ingenua
et
dotala lgitim,
et
publias
nuptiis honestata)
3).
La
commune
intention
des
parties,
Yaffectus
maritalis,
distinguait le
concubinatlicite,
de l union illicite.
3.
Empchements
de
mariage.
La
lgislation
de Rome
ne
permit
jamais
le
mariage
entre
parents
en
ligne
directe, ni
entre
frres
et
soeurs.
Ces unions,
que
la sensualit
orientale avait
introduites
en
Perse, furent
toujours
considres
comme
incestueuses
par
les peuples
occidentaux.
Avant
le rgne
de
Claude,
le
mariage n tait
pas
permis non
plus
entre
l oncle
et la nice,
la
tante
et
le
neveu.
Cet
empereur,
pour
pouser
Agrippine, fit
rendre
un
snatus-
consulte qui
permettait
le mariage
entre
l oncle
paternel
et
la
nice,
fille
du frre
;
mais il
resta
prohib
entre
l oncle
et
la
nice,
fille
de
la
soeur.
Sous
l influence
chrtienne, les prohibitions