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TEXTES Yann le Pichon DE L'INFLUENCE DU JAPONISME SUR L'OEUVRE DE PROUST L ' 1 espace limité qui m'est ici imparti ne me laisse pas le temps, proustien, de traiter à fond ce sujet quasi inédit et pourtant évident : les influences directes, ou subtiles, du japonisme sur la culture poétique et picturale de Marcel Proust; partant, sur son écriture qui, bien que discursive,analytique, fluviale, parvient souvent, au détour de ses phrases infinies, à des trouvailles, brèves, ayant la densité laconique des haïkaïs. De telles sources d'inspiration passèrent en lui, généralement, par les voies vibrantes de l'impressionnisme. Celui notamment de Claude Monet, dont le titre du célèbre tableau Impression, soleil levant (qui nomme l'emblème lui-même du Japon) donna son appellation à cette école de peinture, bien française au demeurant. Car, comme je l'ai proposé et démontré dans mon ouvrage sur le Musée retrouvé de Marcel Proust, le créateur de la Recherche du temps perdu est un écrivain-peintre; un poète impressionniste! Mais 125 REVUE DES DEUX MONDES OCTOBRE 1996

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TEXTES

Yann le Pichon

DE L'INFLUENCE DUJAPONISME SUR L'ŒUVRE

DE PROUST

L' 1 espace limité qui m'est ici imparti ne me laisse pas letemps, proustien, de traiter à fond ce sujet quasi inédit etpourtant évident : les influences directes, ou subtiles, du

japonisme sur la culture poétique et picturale de Marcel Proust;partant, sur son écriture qui, bien que discursive, analytique, fluviale,parvient souvent, au détour de ses phrases infinies, à des trouvailles,brèves, ayant la densité laconique des haïkaïs.

De telles sources d'inspiration passèrent en lui, généralement,par les voies vibrantes de l'impressionnisme. Celui notamment deClaude Monet, dont le titre du célèbre tableau Impression, soleillevant (qui nomme l'emblème lui-même du Japon) donna sonappellation à cette école de peinture, bien française au demeurant.Car, comme je l'ai proposé et démontré dans mon ouvrage sur leMusée retrouvé de Marcel Proust, le créateur de la Recherche dutemps perdu est un écrivain-peintre; un poète impressionniste! Mais

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il a aussi explicitement recouru aux références japonisantes de sespeintres modèles.

Citations à l'appui, je ne pourrai donc donner qu'un éclairageminimal - auroral - qui mériterait de croître au plein soleil...

Dans ma petite collection d'autographes d'artistes et d'écri­vains, je détiens une précieuse lettre que Marcel Proust adressa aupoète mondain Robert de Montesquiou. Elle est ainsi rédigée d'unemain hâtive: « Voici, cher monsieur, pour nicher l'oiseau bleu, unarbuste rose que j'aurais voulu plus beau, mais ma fleuriste n'enreçoit plus. C'est le seul qu'elle ait cette année. Votre jardinierjaponais y reconnaîtra la flore de son pays et vous, j'espère,l'humble hommage de votre respectueux et reconnaissant MarcelProust. ii Cette missive, qui accompagnait un pot de merisier ou deprunier du Japon, fait clairement allusion aux goûts nippons de cetesthète, dont il recherchait les conseils, le soutien et la complicité.

Faire son miel de mille fleurs

Quant au mystérieux « oiseau bleu », il me vient l'idée intuitiveque ce pourrait être un sous-entendu aérien de la pièce féeriquede Maeterlinck qui porte ce titre pictural. Elle met en scène lapoursuite onirique (or on sait l'importance de l'endormissementchez le jeune Marcel) des deux enfants, avides de bonheur, dupauvre bûcheron Tyl (dont le nom fut tiré de celui de mongrand-père maternel polonais, son ami : Thaddée Tyl) d'un oiseaumerveilleux qui les emmène, à travers le « Pays du souvenir !!, versle « Palais de la nuit !!, les « jardins du bonheur », pour aboutirau « Royaume de l'aoenir ». Ne serait-ce pas une possible définition,inspirée des fabuleux récits poétiques extrême-orientaux, de la quêtelabyrinthique de la Recherchequi conduira le petit Marcelet le grandProust à retrouver « le Temps», c'est-à-dire la pérennité que préfigurel'Art? Car, il le démontre clairement, les arts poétiques, picturauxet. musicaux, voire sculpturaux et architecturaux, demeurent pourlui des anticipations d'un tel recouvrement personnel.

On a suffisamment analysé, me semble-t-il en tout cas, le rôleinitiateur qu'ont joué pour lui les contes orientaux des Mille et Une

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Nuits pour que je ne souligne pas aussi, et enfin, celui des récitslyriques de l'Asie!

Il semble bien que Marcel Proust, faisant son miel de millefleurs, ait été principalement initié aux arts nippons par Robert deMontesquiou qui en était ostensiblement épris. En témoignelittéralement un passage très significatif de Jean Santeuil, qui futl'esquisse prémonitoire de la Recherche: « Quoi qu'on puisseimaginer que la chambre du poète, comme une sorte d'observatoireoù rien ne doit borner la vue du ciel, arrêter les vents, les orages,lespluies, devrait être en quelque sorte nue, pour que lepoète puissey recueillir attentivement le plus pâle rayon de soleil, la maisond'un Edmond de Goncourt, d'un Anatole France, d'un Robert deMontesquiou, intéressent le romancier et redeviennent pour luimatière à description, c'est-à-dire à résurrection de ses journées.Après de longs pèlerinages incertains vers un dessin de Watteau,une statuette de Clodion, une estampe de Hokusai; ils ont enfintrouvé la vraie pierre de l'autel du dieu et l'ont intronisée à la placequi semblait l'attendre entre d'autres idoles qu'une même ferveur,plutôt qu'une seule enceinte, y a réunies. » Outre la nomination dumaître des Cent Vues de Fuji, que popularisa Goncourt, on peutse demander si Proust n'a pas été sensibilisé au culte, confucianiste,des ancêtres dans son évocation des lares domestiques dont fontpartie ces prédécesseurs que sont les grands artistes. N'aimait-il pascette pensée de Ruskin : « C'estpar ces yeux, fermés à jamais aufond du tombeau, que des générations qui ne sontpas encore néesverront la nature. » Ce que Ruskin disait des aquarellistes anglais,de Turner (que ses écrits révélaient à son traducteur) n'est pas moinsvalable que l'ascendant qu'exercent sur Marcel Proust les artistesasiatiques, chinois et japonais. Que l'on y songe! N'a-t-il pas étéjusqu'à évoquer, dans une comparaison surprenante, « uneprécieuseœuvre d'art chinoise» pour magnifier l'extrême beauté de ce «petitpan de murjaune», dans la Vue de Delft de Vermeer, qui fera mourird'émotion esthétique l'écrivain Bergotte, l'un de ses doubles?

Les évocations d'Odette, l'amante puis la femme de Swann,dans son petit hôtel de la rue de La Pérouse, ne sont pasqu'empreintes d'un snobisme exotique que la vogue du japonisme,telles les vagues de Hiroshigé comme celles de Hokusaï, répandaitdans le tout-Paris et submergeait même, comme le dit Goncourt,

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la bourgeoisie. Elles sont carrément issues de pures transcriptionsà partir d'estampes de l'Ukiyo-e et de peintres impressionnistesfortement marqués par elles. Relisons-en quelques passages extraitsdeDu côté de chez Swann, et de A l'ombre desjeunesfilles en fleurs,titre on ne peut plus japonisant. (« L'abeilledesfleurs héraldiques »,

disait de lui l'abbé Mugnier.)(( Laissant à gauche, au rez-de-chaussée surélevé, la chambre

à coucher d'Odette, qui donnait derrière sur une petite rueparallèle, un escalierdroit, entre des murs peints de couleur sombreet d'où tombaient des étoffes orientales, des fils de chapelets turcset une grande lanterne japonaise suspendue à une cordelette desoie [...] montait au salon et au petit salon. Ils étaient précédés d'unétroit vestibule dont le mur quadrillé d'un treillagedu jardin, maisdoré, était bordé dans toute sa longueur d'une caisse rectangulaireoù fleurissaient, comme dans une serre, une rangée de ces groschrysanthèmes encore rares à cette époque, mais bien éloignéscependant de ceux que les horticulteurs réussirent plus tard àobtenir. Swann était agacépar la mode qui depuis l'année dernièrese portait sur eux, mais il avait eu plaisir, cette fois, à voir lapénombre de la pièce zébrée de rose, d'orangé et de blanc par lesrayons odorants de ces astres éphémères qui s'allument dans lesjours gris. Odette l'avait reçu en robe de chambre de soie rose, lecou et les bras nus. Elle l'avait fait asseoir près d'elle dans un desnombreux retraits mystérieux qui étaient ménagés dans lesenfoncements du salon,protégéspar d'immenses palmiers contenusdans des cache-potde Chine, ou par desparavents auxquels étaient.fixés des photographies, des nœuds de rubans et des éventails. »

Et Proust de préciser qu'elle (( avait installé derrière la tête deSwann, sous ses pieds, des coussins de soie japonaise qu'ellepétrissait comme si elle avait été prodigue de ces richesses etinsoucieuse de leur valeur ». Quelle geisha, en effet!

Au cours d'une seconde visite chez Odette, Swann la trouveun peu souffrante : (( Elle le reçut en peignoir de crêpe de Chinemauve, ramenant sur sa poitrine, comme un manteau, une étofferichement brodée. Debout à côté de lui, laissant couler le long deses joues ses cheveux qu'elle avait dénoués, fléchissant une jambedans une attitude légèrement dansante pour pouvoir se penchersans fatigue », etc.

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Voilà bien des décors, des costumes et des contenances quine sont pas sans rappeler, par exemple, Madame Monet en kimono,peinte par son mari, ou la Princesse du pays de la porcelaine deWhistler, et, en deçà, les figures féminines assouplies des gravuressur bois et des peintures sur soie nippones; les images multipliéesde la Manga de Hokusaï, en particulier.

Plus tard, il décrit l'appartement de madame Swann, (( auxmurs peints de couleurs sombres où luiraient les feux orangés, larouge combustion, la flamme rose et blanche des chrysanthèmesdans le crépuscule de novembre )). Puis il suggère (( une rose ouun iris du japon dans un vase de cristal à long col qui ne pourraitpas contenir une fleur de plus », et il revient sur un jardin d'hiveroù, (( à travers les arborescences d'espèces variées, qui de la ruefaisaient ressembler la fenêtre éclairée au vitrage de ces serresd'enfants, dessinées ou réelles, le passant se hissant sur sespointe,apercevait généralement un homme en redingote, un gardénia ouun œillet à la boutonnière, debout devant une femme assise, tousdeux vagues, comme deux intailles dans une topaze, au fond del'atmosphère du salon ambrée par le samovar )). Et, pour ne paspasser sous silence l'image spirituelle des cattleyas qui permettrontà Swann, caressant son corsage, de lui proposer pudiquement de(( faire cattleya )), c'est-à-dire l'amour: (( Elle tenait à la main unbouquet de cattleyas et Swann vit, sous sa fanchon de dentelle,qu'elle avait dans les cheveux des fleurs de cette même orchidéeattachées à une aigrette en plumes de cygne. Elle s'était habillée,sous sa mantille, d'un flot de velours noir qui, par un rattrapéoblique, découvrait en un large triangle le bas d'une jupe de failleblanche, à l'ouverture du corsage décolleté, où étaient enfoncéesd'autres fleurs de cattleyas. ))

On le voit, l'auteur de tels tableaux, dont Picasso le rencontrantlors d'une réception chez le comte de Beaumont dit à son ami JeanHugo : (( Regarde Proust, il est sur le motif! )), se plaça face auxmotifs japonais. Il leur emprunte tout bonnement la scénographieintimiste, les perspectives plongeantes sur des enclos propices à desdébats poétiques puis à des ébats érotiques (qu'on retrouve dansles descriptions vicieuses de la maison de passe de jupien, dansSodome et Gomorrhe), la traversée des barrages transparents de lagrille des serres ou des fenêtres qui sont une incitation pour la

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curiosité du voyeur avide qu'est, au vrai, tout amateur d'art, lesaccessoires théâtraux du Kabuki qui font comprendre que la vie estune comédie humaine, la semi-clandestinité que les paraventsarticulent, les gros plans sur les personnages, domestiques serviles,amants, courtisane qui se déhanche pour mieux les débaucher oules aguicher, l'importance autonome des bibelots, des lampes et desvases de fleurs, le choix même des plantes et des fleurs typiquementasiatiques; que sais-je encore?

Merveilleuse est l'habileté, sinisante et japoniste, avec laquelle,sans trop en avoir l'air, il nous introduit dans cette « ambianceflottante» - bien que précise parce que très finement définie - quicaractérise l'originalité (j'allais dire l'originellité) de l'Ukiyo-e!

Peut-être y fut-il conduit, à l'origine, par les souvenirs sublimésqu'il conservait, en son for interne, des projections de la lanternemagique de son enfance, et des ombres chinoises qui triomphaientà Montmartre, qui le conduisirent à en restituer, dans l'écriture,« l'intrusion du mystère et de la beauté ».

« Bien des années ont passé depuis Combray, écrira-t-il, oùdans nos retours les plus tardifs c'étaient les reflets rouges ducouchant que je voyais sur le vitrage de ma fenêtre. C'estun autregenre de vie qu'on mène à Tansonville, chez Mme de Saint-Loup,un autre genre de plaisir que je trouve à ne sortir que la nuit, àsuivre au clair de lune ces chemins où je jouais jadis au soleil;et la chambre où je me serai endormi au lieu de m'habillerpourle dîner, de loin je l'aperçois, quand nous rentrons, traversée parles feux de la lampe, seul phare dans la nuit. »

Une confession explicative

Au couchant de sa vie, l'auteur du Temps retrouvé voit en effetse lever - se relever plutôt - l'aube d'une ère renouvelée, lesimpressions colorées, lumineuses, enthousiastes, qui déclenchèrenten lui et réclamèrent ensuite ce pouvoir d'émerveillement, premièreet ultime source de bonheur, qu'il retrouve enfin dans l'art d'écriresur le filigrane de la peinture et sur le fonds de la nature. Mais il

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ne n'agit pas de décalcomanie; car son imitation n'est pas, loin delà, un servage. C'est une réinvention, une résurrection! Il transcendeses nostalgies du temps passé en le rendant, grâce à l'art, présentpour toujours. Présent au passé comme à l'avenir, pour que sa vieperdure au-delà de sa mort...

Le paradoxe le plus lancinant, fascinant pourtant, de laRecherche du temps perdu est justement de vouloir rendre durablele caractère trop passager de la vie, celui des apparitions fugacesde personnages, inopinés souvent; celui si mouvant aussi desvariations du soleil, de la lune, des éclairages artificiels et de leursreflets variés; celui même des orgasmes. Capter pour les retenir,sans nuire à leur mobilité, leur inconstance, voire leur frivolité, lesimpressions qui en émanent (visuelles, olfactives, auditives, ougustatives et tactiles si on les manipule), tel est le projet de sonimitation créatrice qui, mue par un désir irradiant comparable à celuide l'amour inaccompli, se remet cent fois sur le métier. C'est troppeu de parler de désir; il s'agit plus d'une obsession quasi érotiquequi tourne, se contourne et se retourne de manière narcissiquejusqu'à l'onanisme, qu'il suggère lui-même, habilement, dans unepage ressemblant à une confession explicative.

« Hélas, c'était en vain que j'implorais le donjon deRoussainville, que je lui demandais de faire venir auprès de moiquelque enfant de son village, comme un seul confident que j'avaiseu de mes désirs, quand au haut de notre maison de Combray,dans lepetit cabinet sentant l'iris, je ne voyais que sa tour au milieudu carreau de la fenêtre entrouverte, pendant qu'avec leshésitations héroïques du voyageur qui entreprend une explorationou du désespéré qui se suicide, défaillant, je me frayais enmoi-même une route inconnue et que je croyais mortelle, jusqu'aumoment où une trace naturelle comme celle d'un colimaçons'ajoutait aux feuilles du cassis sauvage qui se penchait jusqu'àmoi. En vain, je le suppliais maintenant. ii

Sa masturbation le laissait inassouvi...« C'était de rage que je frappais les arbres du bois de

Roussainville d'entre lesquelsne sortait pas plus d'êtres vivants ques'ils eussent été des arbres peints sur la toile d'un panorama. ii Delà cet aveu: «je cessais de croire vrais, en dehors de moi, les désirsque je formais pendant ces promenades et qui ne se réalisaient

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pas. » Il comprenait que rien n'est véritable qui ne vienne de soi.Le style est la stylisation de l'homme même.

Relevons, en passant, le rôle de l'iris,fleurfétiche de Proust, dontl'Art nouveau a repris la stylisation japonaise du Traité de peinturepourplantes etfleurs paru vers 1880, et que Hok:usaï a remarquable­ment peint, avant Monet ou Van Gogh. Etnotons l'allusion aux (( arbrespeints sur la toile d'un panorama )). Prenons acte, enfin, du fait queMarcel Proust ne peut croire authentique que ce qui est en lui...

Sartre l'a dit dans son essai sur l'Imaginaire : (( Le réel n'estjamais beau. La beauté est une valeur qui ne saurait jamaiss'appliquer qu'à l'imaginaire et qui comporte la néantisation dumonde dans sa structure essentielle. Dire que l'on prend devantla vie une attitude esthétique, c'est confondre constamment le réelet l'imaginaire. )) L'image envahit alors le réel, s'adapte et se substitueà lui, surnage pour devenir hypnagogique. C'est une introversion;car ne nous y trompons pas: ce n'est pas le jeune Marcel qui seréalise dans l'image, mais c'est l'image qui s'irréalise en lui.

Au vrai, ses impressions deviennent des surimpressions! Decette calligraphie, dont les Asiatiques ont l'art consommé.

Ambition paradoxale desimpressionnistes

L'impression (ce mot sensitif et affectif est aussi celui du travailde l'imprimerie) reste l'un des mots clés de Proust, qui le reprendratrois cent quatre-vingt-trois fois dans toute la Recherche. Cesimpressions, toujours recommencées pour les empêcher de prendrefin, c'est aux impressionnistes qu'il doit d'en avoir comprisl'importance métaphysique dans leurs instances non moins fugitivesqu'insistantes. (N'oublions pas que la Fugitive est, après laPrisonnière, l'un des titres de la Recherche.) Mais il le dut aussià Charles Baudelaire qu'il vénérait. Le poète des Fleurs du mal,qui sut transmettre à Manet son engouement pour les estampesjaponaises et qui, pour qualifier dans son Salon de 1859 « laspécialité d'Eugène Delacroix )), trouva cette exhaustive définitionqui convient si bien à Proust : (( l'infini dans le fini )). Il se reposaitalors à Honfleur où, s'étant épris des pastels émouvants de l'estuaire

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de la Seine, et rêvant sur les rivages toujours amarinés de la côtenormande, il composa, dans son Voyage, ces vers préimpres­sionnistes, qui peuvent être reliés aux visions maritimes des maîtresdes îles nippones d'un océan pacifiquement appelé :

« Et nous allons, suivant le rythme de la lame,Berçant notre infini dans le fini des mers. ii

De quelle paradoxale ambition ne furent-ils pas inspirés, cesimpressionnistes qui retenaient le temps atmosphérique? Je l'aiapprochée dans mon livre sur les Peintres du bonheur. Fixerl'insaisissable jusqu'à ses limites évanescentes. Marier les matièresles plus fluctuantes : les eaux qui se rident, s'enroulent et sedébrouillent dans le sillage de bateaux de pêche ou de voiliers dontles toiles en ralingue faseillent au vent, les ramures qui lesapplaudissent en passant, les filles en joie qui s'ébrouent, les tendresenfants s'esbignant en fièvre et les marguerites en émoi, sous lesfanions, les drapeaux, les oriflammes des hôtels balnéaires ou desrues de Paris en fête, les robes à froufrous, dont les friselis se mêlentaux voilettes des roses trémières, dans les jardins où se pavanenthortensias, roses trémières, camélias et glycines, ou le long d'étangsque colorent les fleurs d'eau et, sous l'azur que mouchettent descumulus en transit, les flots de l'onde, dont les caboteurs et lespéniches, les périssoires et les yoles traînent les jaspures... Quellepatience, quelle persévérance pour en peindre la présence etl'absence simultanées!

N'était-ce pas d'abord la vocation de l'Ukiyo-e qui souhaitaitcapter « les images du monde qui passe )i ? Qui trépasse, après avoirfleuri, hélas!

Nous y sommes avec Marcel Proust; mais, au lieu de lespeindre avec des pinceaux, il les nomme avec des plumes qui volentau vent. Retournons du côté de chez Swann...

« Mais j'avais beau rester devant les aubépines à respirer,à porter devant ma pensée qui ne savait ce qu'elle devait en faire,à perdre, à retrouver leur invisible et.fixe odeur, à m'unir aurythme qui jetait leurs fleurs ici et là avec une allégresse juvénileet, à des intervalles inattendus comme certains intervallesmusicaux, elles m'offraient indéfiniment le même charme avecune profusion inépuisable, mais sans me le laisser approfondirdavantage, comme ces mélodies qu'on rejoue cent fois de suite

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sans descendreplus avant dans leur secret. Je me détournais d'ellesun moment, pour les aborder ensuite avec desforces plus fraîches.Je poursuivais jusque sur le talus qui, derrière la haie, montaiten pente raide vers les champs, quelque coquelicotperdu, quelquesbluets restés paresseusement en arrière, qui le décoraient çà etlà de leurs fleurs comme la bordure d'une tapisserie où apparaîtclairsemé le motif agreste qui triomphera sur le panneau ; raresencore, espacés comme les maisons isolées qui annoncent déjàl'approche d'un village où déferlent les blés, où moutonnent lesnuages, et la vue d'un seul coquelicot hissant au bout de soncordage et faisant cingler au vent sa flamme rouge, au-dessusde sa bouée graisseuse et noire, me faisait battre le cœur, commeau voyageur qui aperçoit sur une terre basse une première barqueéchouée que répare un calfat, et s'écrie, avant de l'avoir encorevue " "La Mer!" ))

Eh bien, je vous le demande, en revoyant cette vue « d'unseul coquelicot hissant au bout de son cordage et faisant cinglerau vent sa flamme rouge, au-dessus de sa bouée graisseuse etnoire )), n'avez-vous pas l'impression de lire un haïkaï? Et, (( sur cetteterre basse, une première barque échouée que répare un calfat )),n'avez-vous pas envie de vous écrier: c'est une estampe japonaise!Celle, parmi tant d'autres, de Hokusaï : Vue depuis Ushibori, dansla province de Hitachi, qui fait partie des Trente-Six Vues du Fuji.

L'écriture idéographique et pictographique de l'auteur de Al'ombre des jeunes filles en fleurs relève bel et bien, dans son abusinextinguible de recours artistiques, de la calligraphie plastique desAsiatiques.

Les « crépons japonais » - comme on les appelait au tempsoù les impressionnistes s'en éprenaient - s'ils sont paysagistes,ressemblent en général à des promenades interrompues pour unmoment de pure contemplation méditative sur l'harmonie dumonde; et, s'ils sont portraitistes, il n'est pas rare que leurs auteursles entourent de fleurs ou d'arbustes décoratifs, comme s'il leur fallaitse référer toujours à la nature et à son expression esthétiqueexemplaire, qui atteint son comble dans ses floraisons. Je pense,entre autres portraits, à la Belle Tokiwa-Gozen ou au Miroir desfemmes subtiles et vaillantes de Kuniyoshi. Cette technique, que lesmaîtres de l'Ukiyo-e qualifiaient de (( rivalité des images encadrées ))

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et qui, multipliant le champ de vision par le «format dans leformat»,lui confère une double profondeur tout en l'enrichissant decorrespondances poétiques, voire symboliques, vient sans doute duregard porté par l'artiste, de l'intérieur de sa maison, par une fenêtresouvent ronde, sur son jardin ou son environnement naturel, procheou lointain. Cette pratique picturale a été plus ou moins retenue parquelques peintres impressionnistes et nabis, qui l'ont parfoisappliquée à des pochades en forme d'éventail. Ainsi Gauguin,stimulé par l'enthousiasme de Van Gogh pour les «crépons nippons»et s'inspirant de la Vue sur les collines de Sekiya, depuis Masaki,l'une des Cent vues célèbres d'Edo de Hiroshigé ou de la Hannyaqui rit de Hokusaï, s'en est délibérément servi dans son portrait dela Belle Angèle à Pont-Aven.

Un tableau rempli d'estampes japonaises

Après s'être émerveillé de la ravissante allégresse des aubé­pines en fleurs, le long desquelles il se promène, Marcel Proust vavoir apparaître, à travers elles, Gilberte. C'est une vision insérée dansl'enrobage de fleurs, dont il a longuement analysé la délicatesseféminine avec un si magistral talent qu'on pourrait lui attribuer levers de Montesquiou tiré de sa pièce des Chauves-Souris: « Je suisle souverain des choses transitoires ii, que Proust commente de lasorte: « C'est-à-dire le souverain du reflet des nuances et de l'ombrede l'apparition. ))

Parlant à Jean Cocteau de Du côté de chez Suiann, il luiaffirma: «Mon volume est un tableau. )) Oui, mais il aurait pu ajouter:« rempli d'estampes japonaises », Qu'on en juge plutôt à la lecturede cette page: «La haie laissait voir à l'intérieur du parc une alléebordée de jasmins, de pensées et de verveines entre lesquelles desgiroflées ouvraient leur bourse fraîche du rose odorant et passéd'un cuir ancien de Cordoue tandis que sur le gravier un longtuyau d'arrosage peint en vert, déroulant ses circuits, dressait auxpoints où il était percé, au-dessus des fleurs dont il imbibait lesparfums, l'éventail vertical et prismatique de ses gouttelettesmulticolores. Tout à coup, je m'arrêtai, je ne pus plus bouger,

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comme il arrive quand une vision ne s'adresse pas seulement ànos regards, mais requiert desperceptionsplus profondes et disposede notre être tout entier. Une fillette d'un blond roux, qui avaitl'air de rentrer de promenade et tenait à la main une bêche dejardinage, nous regardait, levant son visage semé de taches roses.Ses yeux noirs brillaient et, comme je ne savais pas alors, ni nel'ai appris depuis, réduire en ses éléments objectifs une impressionforte, comme je n'avais pas, ainsi qu'on dit, assez "d'espritd'observation" pour dégager la notion de leur couleur, pendantlongtemps, chaque fois que je repensais à elle, le souvenir de leuréclat se présentait aussitôt à moi comme celui d'un vif azur,puisqu'elle était blonde. )) Ensuite il fait cette constatation qui en ditlong sur son pouvoir d'idéalisation pictographique: « De sorte que,peut-être si ellen'avaitpas eu desyeux aussi noirs - ce qui frappaittant la première fois qu'on la voyait - je n'aurais pas été, commeje lefus, plus particulièrementamoureux, en elle, de sesyeux bleus. ))Gilberte disparaissant, il continue son errance exaltée parmi lesaubépines roses, dont il gardera la nostalgie tout le reste de sa vie.

Eloge de l'enchantement imaginaire

En lisant le livre de Véra Linhartova Sur un fond blanc, quiréunit les principaux Ecrits japonais sur la peinture du /Xe auX/Xe siècle, j'ai saisi cette pensée, proustienne, du moine UrabeKenko, extraite du recueil sur les Heures oisives, qu'il calligraphiaau début du XIVe siècle : « Est-ce toujours avec les yeux qu'oncontemple la lune et lesfleurs? La simplepensée du printemps, sansmême qu'on sorte de chez soi, la pensée d'une nuit de lune, fût-onétendu sur sa couche, sont sources de calme et de charme. )) C'esttout simplement l'éloge paisible de la « vision différée )), terme quipourrait définir les délices de la mémorisation sélective, del'enchantement imaginaire et des métamorphoses métaphoriquesauxquels se livra Marcel Proust comme l'avait fait Xavier de Maistre,dans son Voyage autour de ma chambre et dans son Expéditionnocturne autour de ma chambre, qui ne s'y servait que dessuggestions des gravures et des peintures accrochées à ses murs.

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japonisme sur l'œuvrede Proust

Gravement asthmatique, redoutant les pollens ou les odeurs qui lesrappelleraient, isolé par le liège de tout bruit, Proust se concentresur la reconstitution imaginaire, bien que mémorielle, des vertsparadis de son enfance auxquels la hantise de sa mort prochaineconfère une dimension apaisante, hédoniste, immarcescible parcequ'intemporelle, éternelle. Grâce à ce recueillement profondémentintrospectif et attentif aux résurgences de la mémoire involontaire,subconsciente, grâce aussi à l'intensité de son attention aux êtres,à la nature, et surtout à la peinture, il parvient, se retrouvantintensément, à toucher, par son style, l'homme même. Comme ille résume, en effet, dans le Temps retrouvé, il avait intimementcompris que « ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivainn'a pas, dans le sens courant, à l'inventer, puisqu'il existe enchacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d'unécrivain sont d'un traducteur »,

Les traductions qu'un auteur fait de lui-même ne sont vraimentcommunicables que dans la mesure où, sous l'apparence existen­tielle de la vie, du monde qu'il dépeint, il en atteint l'essence même.Faute de quoi, il ne se traduirait pas mais se trahirait. Seule « lacontemplation artistique» peut l'y amener. C'est d'ailleurs le titred'une médiation que Marcel Proust nous a livrée dans NouveauxMélanges. Elledonne le secret de sa poétique: «Lepoète reste arrêtédevant toute chose qui ne mérite pas l'attention de l'homme bienposé, de sorte qu'on se demande si c'estun amoureux ou un espion,et, depuis longtemps qu'il semble regarder cet arbre, ce qu'il regardeen réalité. Il reste devant cet arbre et tâche de fermer son oreilleaux bruits du dehors et de ressentir encore ce qu'il a tout à l'heuresenti, quand au milieu de ce jardin public, seul sur sa pelouse, cetarbre est apparu devant lui, semblant garder encore comme après.un dégel d'innombrables petites boulettes de neige à la pointe deses rameaux, tant il porte de fleurs blanches [...]. Le poète regardeet semble regarder à la fois en lui-même et dans le cerisier double[.. .]. Mais le poète qui éprouve avec allégresse la beauté de touteschoses, dès qu'il l'a sentie dans les lois mystérieuses qu'il porte enlui et qui bientôt nous la fera trouver charmante en nous lamontrant avec le petit bout qui aboutit à elles, le petit bout qu'ilpeindra aussi en les peignant, touchant à leurs pieds ou partantde leur front, le poète éprouve et fait connaître avec allégresse la

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beauté de toutes choses, d'un verre d'eau aussi bien que desdiamants, mais des diamants aussi bien que des verres d'eau, d'unchamp aussi bien que d'une statue, mais d'une statue aussi bienque d'un champ. »

L'énergie créatrice

Que peut donc trouver le poète en se concentrant d'aussiintense manière?

(( L'Esprit du poète est plein de manifestations des loismystérieuses et quand cesmanifestations apparaissent, sefortifient,se détachant fortement sur le fond de son esprit, elles aspirent àsortir de lui, car tout ce qui doit durer aspire à sortir de tout cequi estfragile, caduc, et qui peut cesoirpérir ou ne plus être capablede leur donner jour. Ainsi l'espèce humaine tend à tous moments,chaque fois qu'elle se sent assez forte et qu'elle a une issue, às'échapper, dans un sperme complet qui la contient tout entière,de l'homme d'un jour qui peut-être mourra ce soir, qui peut-êtrene la contiendra plus si entière, en qui (car elledépend de lui tantqu'elle est prisonnière) elle ne sera peut-être plus si forte. »

Alors il conclut sa pensée en estimant qu'une éner­gie mystérieuse aspire à s'échapper de l'homme sous formed'œuvres pour se déployer pleinement. C'est, en somme, l'énergiecréatrice.

Au vrai, les approches sans fin, par Marcel Proust, de lacampagne, des rivières, des étangs et des rivages, des églises, deschâteaux ou des hôtels, des arbres en fleurs, aubépines, lilas,pruniers ou pommiers, de toutes ces fleurs - chrysanthèmes, iris,cattleyas, nymphéas - venues pour la plupart d'Extrême-Orient, etdont les descriptions naturalistes et poétiques ne leur doivent pasmoins qu'aux soieries et aux paravents, aux éventails, aux gravureset aux peintures japonaises, de même qu'aux tableaux impres­sionnistes qui s'en étaient inspirés, sont, tout compte fait, unepoursuite de son moi universel.

Car c'est autant dans leur secret que dans celui des émotionsesthétiques dont elles l'envahirent que Marcel Proust cherche à

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entrer plus avant. Or cette démarche créatrice, si nouvelle enOccident, pourrait bien avoir bénéficié de l'enseignement zen quisut mettre l'accent davantage sur la disponibilité intrinsèque dupeintre pour s'adonner à l'éveil parfait que sur l'action de peindrequi n'est qu'une des voies conduisant à la vraie connaissance del'être, de la vie.

Yann le Pichon

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