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This article was downloaded by: [University of Tennessee At Martin] On: 05 October 2014, At: 20:03 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/ucjs20 De nouveaux guides pour l'alphabétisation scientifique Peter J. Fensham a a Université Monash , Published online: 26 Jan 2010. To cite this article: Peter J. Fensham (2002) De nouveaux guides pour l'alphabétisation scientifique, Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 2:2, 133-149, DOI: 10.1080/14926150209556506 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/14926150209556506 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http:// www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

De nouveaux guides pour l'alphabétisation scientifique

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This article was downloaded by: [University of Tennessee At Martin]On: 05 October 2014, At: 20:03Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House,37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Canadian Journal of Science, Mathematics andTechnology EducationPublication details, including instructions for authors and subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/ucjs20

De nouveaux guides pour l'alphabétisation scientifiquePeter J. Fensham aa Université Monash ,Published online: 26 Jan 2010.

To cite this article: Peter J. Fensham (2002) De nouveaux guides pour l'alphabétisation scientifique, Canadian Journal ofScience, Mathematics and Technology Education, 2:2, 133-149, DOI: 10.1080/14926150209556506

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/14926150209556506

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De nouveaux guides pourl'alphabétisation scientifique

Peter J. FenshamUniversité Monash

Abstract: It is now a decade since the first major curricula began to appear that were serious responsesto the challenge that school science, particularly in the compulsory years, should be concerned primarilywith general scientific literacy, that is, with a learning of science that would empower all students for lifein societies increasingly influenced by science and technology. In almost all cases, these curricula haveexpectations for science teaching and learning that are quite unrealistically extensive. They are alreadyproving difficult for teachers and unattractive to students. Furthermore, this elaboration of the content forschool science has led to a questioning of the notion of scientific literacy itself. Scientists and scienceeducators have been primarily responsible for suggesting the expanded curriculum content. In this paperit is argued that this is a consequence of seeing society through scientifically attuned eyes. It is time,therefore, to consider life in society itself as the starting point for determining the scientific knowledgethat should be given priority in the school science curriculum. A current example of this type of analysisof life in society in three Chinese cities is given.

IntroductionAu cours des années 1980, certaines préoccupations sociales, économiques et environnementales

partagées par plusieurs pays et par l'UNESCO ont conduit d'importants comités d'évaluation àproposer que la formation en sciences des futurs citoyens devienne une priorité qui inclurait ledéveloppement des savoirs scientifiques scolaires au même titre que la sélection et la formation desprochaines générations de scientifiques (Conseil de recherche scientifique du Canada, 1984 ; NationalScience Foundation, 1983 ; Royal Society, 1985 ; UNESCO, 1983). Depuis lors, on n'a jamais remis enquestion l'adhésion officielle au slogan Les sciences pour tous, dont le but est que les savoirsscientifiques scolaires profitent à tous les élèves (et non seulement à ceux qui s'orientent vers descarrières scientifiques). Cet objectif s'est maintenant répandu dans le monde entier sous le nouvelétendard de l'alphabétisation scientifique (Fensham et Harlen, 1999). Or, selon Solomon (1997),lorsque l'alphabétisation scientifique est reconnue comme un objectif à atteindre au moyen de lascolarisation, il est nécessaire de se poser deux questions fondamentales :

• Quelles sont les conséquences de ce choix pour les savoirs scientifiques scolaires ?• Quels contenus faut-il enseigner ?Depuis l'avènement des Sciences pour tous, on ne cesse de discuter, dans les milieux scientifiques

et didactiques, de la signification et des contenus des cours de sciences (Bybee, 1997). Certainespropositions se sont traduites par de nouveaux curriculums scolaires dans les années 1990, maisaucun consensus ne s'est dégagé sur le sens à donner à l'éducation aux sciences à l'école ni sur lescontenus d'enseignement/apprentissage qu'il faut privilégier dans la formation scientifique scolairedu plus grand nombre possible d'élèves. En effet, un récent rapport britannique intitulé Beyond

©2002 La Revue canadienne de l'enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies

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2000 affirme que les nouveaux buts et objectifs des savoirs scientifiques scolaires ont été maldéfinis et que « the changing curricular position of science has not been accompanied bycorresponding change in the content of the science curriculum» (Millar et Osbome, 1998, p. 4).

La thèse soutenue dans le présent article est que cette absence de consensus chez ceux dont onpourrait croire qu'ils sont les décideurs naturels dans le domaine de l'alphabétisation scientifique amené à une telle impasse que seule permettra d'en sortir une approche complètement différente pourrépondre aux deux questions posées plus haut.

Historique du problème

L'histoire des sciences à l'école est très différente de celle des mathématiques. Ces dernières onttoujours été clairement définies, bien que la place qu'elles occupaient dans les programmes scolairesne soit pas la même pour les niveaux primaire et secondaire. Quant aux sciences, elles étaienttraditionnellement introduites à la fin du cours secondaire et visaient surtout les élèves qui feraientéventuellement des études universitaires dans des domaines scientifiques tels que les sciencespures, les sciences et génie ou la médecine. Dès le moment où elles ont fait partie des programmes dela fin du cycle scolaire, les matières scientifiques ont donc eu une fonction préparatoire. Leur butétait d'initier les élèves aux notions de base les plus simples, perçues comme les éléments fondamentauxà partir desquels pouvaient se développer des connaissances et des compétences plus systématiqueset plus théoriques dans les départements des sciences des universités. En d'autres termes, lessavoirs scientifiques scolaires constituaient la première étape d'un long processus qui conduiraitl'élève à la culture scientifique.

Au fur et à mesure qu'on introduisait les matières scientifiques de plus en plus en tôt dans laformation scolaire, elles perdaient de la fonction préparatoire qu'elles assumaient dans les dernièresannées du secondaire pour devenir une sorte de filtre servant à contrôler la manière dont elles étaientdéfinies dans les premières années du cycle secondaire. Cette définition a fini par leur conférer, danscette étape de la scolarisation, un autre rôle qui servait bien le processus de formation à un certaintype de culture : les matières scientifiques permettaient en effet de reconnaître les élèves assezmotivés et persévérants pour obtenir de bons résultats dans ce type d'apprentissage plutôt abstraitet souvent de nature mathématique.

Étant donné les objectifs ainsi fixés à l'éducation aux sciences, il n'est guère étonnant que lespremières initiatives à recevoir le soutien financier de la National Science Foundation des États-Unis, fondée dans les années 1960 pour moderniser les curriculums scientifiques scolaires, aientvisé les disciplines scientifiques des dernières années du secondaire, où elles font partie des coursoptionnels. Au même moment, en Angleterre, la Nuffield Foundation a d'abord accordé son appuiaux réformes destinées aux élèves des écoles d'élite où étaient dispensés des cours de sciencesconduisant aux études supérieures. Par ailleurs, la « modernisation » ne s'est pas traduite parl'intégration dans les programmes scientifiques scolaires des plus récentes découvertes ni desquestions les plus intéressantes. Dans les faits, elle a produit un nouveau traitement scolaire dessciences qui, sur le plan conceptuel, se proposait comme une introduction aux études scientifiquescorrespondant aux contenus préparatoires pour le premier cycle universitaire dans les années 1950.Cette vision surtout conceptuelle des contenus a fini par devenir la forme dominante des sciencesenseignées à l'école secondaire dans la plupart des pays au cours des années qui ont suivi cesinnovations.

Dans de nombreux pays, on a tenté par d'autres projets de relever le défi de définir la juste placedes sciences à l'école primaire. Le plus important d'entre eux a produit un type de programme quimettait l'accent sur une série de « démarches intellectuelles propres aux sciences ». Il s'agissait làd'une division commode des contenus qui laissait à l'école secondaire la responsabilité d'introduirela base conceptuelle des disciplines scientifiques. Cette division semblait également tenir compte du

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fait que la plupart des enseignants et des enseignantes de l'école primaire ont une formation ensciences plutôt faible et ne se sentent guère aptes à en enseigner les fondements conceptuels. Parconséquent, dans les années 1970 et 1980, les sciences avaient une place symbolique dans lescurriculums des écoles primaires de nombreux pays, comme discipline en soi ou bien commecomposante de cours plus généraux - « études générales », « expériences de vie », « orientation »(dans les pays Scandinaves) ou « formation sociale ».

Malheureusement, lorsqu'elles sont coupées des contenus conceptuels scientifiques, cesdémarches ne sont pas propres aux sciences, du point de vue épistémologique. De nombreuxenseignants et enseignantes du primaire ont constaté qu'ils étaient en fait plus à l'aise, et que leurenseignement était plus efficace, lorsqu'ils présentaient ces démarches en les mettant en relationavec certains phénomènes sociaux intégrés à d'autres aspects du curriculum. En effet, au cours desdeux dernières décennies, les évaluations ont montré que, sauf dans quelques cas d'enseignants ouenseignantes particulièrement enthousiastes, on accordait très peu d'attention aux sciences à l'écoleprimaire.

Pour une histoire plus détaillée des curriculums scientifiques à l'école primaire, voir Osborne etSimon (1996) et, pour une présentation plus générale, Fensham (1991).

Les premiers décideurs

II n'est pas étonnant qu'on ne se soit adressé qu'à des spécialistes des sciences lorsqu'on avoulu savoir, vers la fin des années 1980, comment atteindre les nouveaux objectifs des savoirsscientifiques scolaires. Ces spécialistes se divisent en deux catégories : les scientifiques et lesdidacticiens des sciences, mais ce sont surtout les scientifiques universitaires, et non des spécialistesdes sciences appliquées, qui ont pris part à cette démarche. Forts de leur statut et de leur autorité, laplupart des scientifiques, ainsi qu'une partie des didacticiens des sciences, ont défendu les types decontenus scientifiques scolaires existants. De plus, au nom d'une éducation libérale qu'ilsn'interprétaient pas toujours de la même façon, nombre de spécialistes ont recommandé l'ajout decontenus supplémentaires dans les curriculums nationaux. Signalons ainsi l'étude de la nature et del'histoire des sciences (p. ex., AAAS, 1993) aux États-Unis, et l'« investigation dans les sciences »(une approche béhavioriste de la nature des sciences) dans le curriculum national d'Angleterre et duPays de Galles (voir Jenkins, 1995).

D'autres, en général des didacticiens des sciences, estimaient que les curriculums scientifiquesdevaient être complètement revus et réorganisés, si on voulait vraiment pouvoir affirmer qu'ilsservaient à préparer les futurs citoyens à la société moderne. Ces spécialistes tendaient à combinerune vision culturelle de la science comme grande réalisation humaine et un pragmatisme personnel etsocial qui suppose que, pour la plupart des gens, la connaissance n'a de valeur que si elle est utile.

Un tel écart entre les points de vue allait rendre plus difficile la tâche de répondre aux deuxquestions de Solomon (1997).

Les réponses des scientifiques

Vers la fin des années 1980, l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS)a financé un projet qui a pris le nom de Project 2061, en référence au prochain passage de la comètede Halley. En premier lieu, on a demandé à une centaine d'éminents scientifiques provenant dedifférents groupes de disciplines d'énumérer les connaissances scientifiques qu'ils estimaient lesplus importantes comme éléments de formation auxquels tous les élèves américains devraient êtreexposés au cours de leurs années de scolarité obligatoire. Le résultat fut une liste impressionnante,

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qui a été un peu réduite lorsqu'on l'a soumise à un groupe d'enseignants et d'enseignantes dessciences qui avaient l'expérience des curriculums, et à qui on a demandé de créer, à partir de cetteliste, une séquence de contenus qui puisse s'intégrer aux 12 années de formation scolaire américaine.Ainsi sont nés les Benchmarks of Scientific Literacy («Points de repère de l'alphabétisationscientifique ») (AAAS, 1993). Il y a 12 séquences principales, dont trois (ou cinq, si on ajoute lesdeux ensembles liés aux technologies) ne comptent pas puisqu'elles traitent de mathématiques etsociété, non de sciences. Cela laisse quatre (ou six) nouveaux ensembles qui s'ajoutent aux troisensembles traditionnels, le milieu physique (la physique, la chimie et une partie des sciences de lanature), l'environnement et l'organisme humain (la biologie et certaines sciences de la nature). Lessept ensembles scientifiques comprennent 41 sous-ensembles, tandis que les deux ensembles quitouchent les technologies en contiennent neuf. Dans un seul de ces sous-ensembles, on comptejusqu'à 22 éléments d'apprentissage, dont par exemple : « Materials may be composed of parts toosmall to be seen without magnification » (p. 77) et « When elements are listed in order by the massesof their atoms, the same sequence of properties appears over and over again in the list » (p. 80).

Le nombre total de points à couvrir défie l'entendement et on se trouve très loin d'une solutioncrédible pour l'alphabétisation scientifique. Il y aurait là plus de contenus scientifiques que dans lasomme des contenus actuellement enseignés aux élèves d'élite qui visent à poursuivre leurs études

. scientifiques. De plus, et cela a de quoi inquiéter, 40 % de ces points de repère visent l'école primaire,où nous savons déjà que renseignement/apprentissage des sciences est particulièrement difficile.

La National Academy of Science des Etats-Unis (1996) a présenté une autre liste de« connaissances scientifiques » fournie par des scientifiques. Cette liste est presque aussiimpressionnante que la première, car elle comprend huit grandes catégories qui semblent elles aussiélargir considérablement les contenus traditionnels des savoirs scientifiques scolaires, sans pourautant indiquer clairement ce qu'il faudrait retirer du programme pour laisser la place aux nouveauxcontenus. Devant cela, on ne peut que conclure que les scientifiques ont une vision complètementirréaliste de ce qu'il est possible de réaliser dans le domaine des savoirs scientifiques scolaires.

Les réponses des didacticiens

Dès 1983, dans un avis qu'il a rédigé pour le compte du Conseil des sciences du Canada et danslequel il évalue la formation en sciences, Doug Roberts, un didacticien des sciences, a esquissé unschéma conceptuel pour articuler l'alphabétisation scientifique. Partant d'un article de 1982 danslequel il avait défini sept « orientations curriculaires » possibles (curriculum emphases) pour lessciences à l'école — évitant soigneusement de les appeler « buts » ou « objectifs » —, il a analyséchacune de ces orientations en relation avec l'alphabétisation scientifique, et donc le rôle qu'ellesétaient susceptibles déjouer dans la conception des savoirs scientifiques à l'école. Pour ce faire, ila décrit ce que chacune pouvait contribuer à l'ensemble, ajoutant que tenter de mettresystématiquement les sept orientations en relation avec tous les sujets traités (ou au cours dechaque année scolaire), était le moyen le plus sûr de passer à côté de la plupart, surtout si l'évaluationde l'apprentissage accordait plus d'importance à une ou deux d'entre elles. En outre, affirmait-il, iln'y a aucune raison pour que ces orientations n'aient pas la première place à tour de rôle, selon lesbesoins sociaux et les intérêts des élèves au cours de leur formation scolaire. En 1983, il ne pouvaitpas prévoir que, dans les années 1990, le compromis continuellement proposé par les bureaucratespour résoudre le conflit entre les deux groupes de spécialistes influents (les scientifiques universitaireset les didacticiens des sciences) serait de maintenir les sept orientations, et d'accorder à toutes lamême importance.

Vers la fin des années 1980, certains didacticiens des sciences dans plusieurs pays, regroupésen un mouvement appelé « Sciences, Technologies et Société » (STS), ont fait des suggestionsnovatrices pour définir les sciences pour tous (Solomon et Aikenhead, 1994). Par exemple, une

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initiative proposait d'utiliser des contextes socialement significatifs tels que les communications, lessports, les vêtements et l'alcool au volant, dont les sujets seraient étudiés selon les méthodesd'enquête scientifiques et l'ensemble des concepts scientifiques, technologiques et socio-scientifiques pertinents. Cette méthode des concepts en contexte commençait tout juste à êtreexpérimentée dans certaines disciplines lorsqu'elle a été supplantée par ce qui semblait aux didacticiensconstituer des avenues plus prometteuses, qui leur permettraient d'influer sur le développement descontenus scientifiques à l'école, comme nous le verrons plus loin.

Au début des années 1990, un groupe international de didacticiens des sciences a eu l'occasionde contribuer au débat grâce au TIMSS (Third International Mathematics and Science Study). Ils'agissait d'une vaste étude comparative internationale qui, au contraire de celles qui l'avaientprécédée (les deux premières IEA Science Studies), devait inclure dans son évaluation del'apprentissage scientifique le niveau d'alphabétisation mathématique et scientifique de la populationscolaire en dernière année d'études secondaires, que ces élèves suivent encore des cours de sciencesou non. Orpwood et Garden (1998) ont fourni un compte rendu du débat dans cette phase du projetTIMSS. Les discussions étaient très tendues entre ceux qui estimaient que les connaissancesscientifiques étaient les éléments essentiels de l'alphabétisation scientifique et ceux pour qui la cléétait surtout l'usage qu'on fait de ces connaissances. Le compromis choisi comme cadre de travailfut le suivant : (1) les contenus scientifiques, (2) le raisonnement en sciences et technologies et (3)l'impact social des sciences et dés technologies. Les deux dernières ont ensuite été fondues sous lenom de « raisonnement et utilité sociale en sciences et technologies ». L'insistance des responsablesdu projet TIMSS sur les résultats psychométriques, y compris les échelles de contenus par discipline,a fait en sorte que les deux composantes du cadre de travail étaient inégalement représentées, car lacomposante traditionnelle occupait les trois quarts des éléments d'évaluation. On perdait ainsi uneautre occasion de donner une nouvelle orientation aux savoirs scientifiques scolaires.

Grâce à de nombreuses recherches, les spécialistes de l'enseignement des sciences ont contribuéà cette définition toujours plus vaste de ce que la formation scolaire en sciences doit réaliser. Parexemple, une récente étude de Galbraith, Carss, Grice, Endean et Warry (1997) a utilisé une méthodologieque les auteurs ont appelé Delphi pour recueillir l'opinion d'un large éventail d'informateurs« spécialistes » sur ce que sont les éléments de contenu importants pour l'alphabétisation scientifique.Dans la première étape de l'étude, les chercheurs ont demandé aux informateurs de répondre à unquestionnaire contenant de nombreux éléments d'apprentissage scientifique traditionnels ainsi qued'autres éléments moins familiers afin qu'ils les classent par ordre de priorité. Dans les étapessuivantes, chaque répondant pouvait modifier l'ordre au fur et à mesure qu'il prenait connaissancedes aspects privilégiés par les autres. Naturellement, l'étude de Galbraith et coll. n'a proposé d'élimineraucun des éléments traditionnels, bien qu'elle ait recommandé d'inclure un certain nombre de'nouveaux éléments. Les auteurs ont cependant fait remarquer que le maintien de la totalité de ceséléments d'apprentissage constituerait une tâche impossible, résultat qui dépend peut-être en partiede la méthodologie utilisée.1

Au cours des années 1980, la prolifération de recherches sur les idées des élèves au sujet desconcepts et phénomènes scientifiques (voir Pfundt et Duit, 1994) a également renforcéinvolontairement les contenus traditionnels des savoirs scientifiques scolaires. En effet, cesrecherches traitaient presque exclusivement des sujets scientifiques de base dans le curriculumtraditionnel. Les lacunes qu'elles ont révélées dans l'apprentissage, ainsi que les changementspédagogiques introduits par la suite, ont stimulé les efforts qui ont été faits dans les années 1990pour corriger la situation. Si on avait réalisé d'autres recherches sur les idées des élèves au sujet deconcepts plus pertinents sur le plan social, par exemple ceux qu'explore le mouvement STS, il ne faitguère de doute que des résultats semblables auraient pu renforcer les espoirs de ce mouvement envue de modifier les contenus des curriculums.

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Des propositions curriculairesVers la fin des années 1980, des projets de curriculums nationaux ont été mis sur pied dans de

nombreux pays pour proposer, et par la suite définir, les séquences d'apprentissage scientifiques aucours des années scolaires obligatoires. Certains de ces projets ont d'abord tenté de promouvoir lesidées radicales et expérimentales proposées par le mouvement STS, mais ces idées révolutionnairesont vite été émoussées, voire écartées (Blades, 1997 ; Hart, 1995 ; Malcolm, Cole, Hogendoom,O'Keefe et Reid, 1987). Le groupe anglais et gallois, par exemple, a produit une liste préliminaire de 21séries de connaissances (réduite plus tard à 19) dans les premières versions du curriculum scientifiquenational pour l'Angleterre et le Pays de Galles (NCC, 1989). Mais de nombreux thèmes résistaient às'intégrer aux trois disciplines traditionnelles qui avaient toujours servi d'introduction aux sciencesen Grande-Bretagne, soit la chimie, la physique et la biologie. Pour des raisons politiques, ce point dedépart innovateur a été rejeté, et le nouveau curriculum a été décidé en deux ans ; il contenait troisséquences de contenus qui ne sont autres que les trois disciplines traditionnelles rebaptisées,auxquelles s'ajoute une quatrième série appelée Investigations scientifiques. Évidemment, on avaitabandonné, en douce, les autres idées beaucoup plus larges sur la nature de la science qui figuraientdans les premières versions. Chacune des quatre séquences couvrait ainsi la totalité des années descolarité obligatoire, donnant lieu encore une fois à une multitude de contenus d'apprentissage.

On en est arrivé rapidement à des résultats fort semblables dans plusieurs états américains, dansplusieurs provinces canadiennes, en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans certains pays d'Europeet d'Asie. Les sociologues de l'éducation ont attribué ces similarités à la prédominance des pointsde vue économistes pour les questions sociales ainsi qu'aux autres influences de la mondialisationqui ont marqué les années 1990. Les didacticiens et didacticiennes des sciences et d'éminentsenseignants et enseignantes des sciences (dont il est intéressant de noter qu'ils représentent souventl'opinion des scientifiques universitaires) constituaient la majorité au sein des équipes responsablesde ces projets. De nombreux didacticiens et didacticiennes et certains enseignants et enseignantesétaient bien connus pour leur volonté de promouvoir un apprentissage des sciences de type pluspersonnel et social, et étaient d'accord pour affirmer que seule une réduction des contenus permetun apprentissage de meilleure qualité (pour une analyse de cette question, voir Eylon et Linn,1988). Il n'est toujours pas clair comment ces équipes, dont les membres étaient loin d'adhérer auxmêmes priorités, en sont venues à proposer pour les savoirs scientifiques scolaires des curriculumsaussi surchargés et traditionnels. Dans certains cas, il est évident que les contraintes bureaucratiquesont joué un rôle important dans les compromis qui ont mené à des curriculums dont la forme respectaitles nouveaux enjeux, mais dont les contenus maintenaient pour l'essentiel la structure et les disciplinestraditionnelles. Et il est certain que, au moins dans certains cas, derrière ces contraintesbureaucratiques, d'éminentes personnalités scientifiques avaient influencé le résultat final (Blades,1997 jFensham, 1998).

À plusieurs occasions, les mêmes raisons politiques ont motivé l'institution des technologiescomme nouvelle discipline distincte, non rattachée aux sciences. Il va de soi que cette décision aconsidérablement réduit les possibilités pour les spécialistes de la formation scientifique d'insistersur les aspects plus personnels et sociaux que le mouvement STS voyait comme essentiels enalphabétisation scientifique.

Ces curriculums ont renforcé l'opinion que les savoirs scientifiques scolaires étaient faits detrois (ou quatre) longues listes de contenus d'apprentissage de type conceptuel, qu'il fallait enseignertout au long des neuf, 10 ou 11 années de scolarité obligatoire. De plus, ces séquences s'appliquaientégalement, sans différenciation de contenus ni changements de point de vue, aux six années duprimaire. Or, dans tous les pays, il y a de grandes différences de formation scientifique chez lesenseignants et les enseignantes, sans compter les différences dans les structures de soutien entreles écoles secondaires et les écoles primaires (p. ex., les laboratoires, le personnel technique,l'équipement, etc.). À elles seules, ces différences auraient dû suffire à justifier une différence dansla définition des contenus d'apprentissage scientifique pour les deux niveaux. Mais dans plusieurs

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pays, ce raisonnement n'a pas prévalu pour les nouveaux curriculums qui ont été adoptés en vue del'alphabétisation scientifique.

Le Danemark constitue toutefois une exception (Andersen et S0rensen, 1995). En effet, commeceux des autres pays Scandinaves, les didacticiens danois s'inquiétaient du peu d'attention accordéaux sciences dans le programme intégré de l'école primaire. La solution, comme ce fut également lecas ailleurs, fut de faire des sciences une discipline à part. Cependant, le Danemark n'a pas suivi lemodèle décrit plus haut et s'est abstenu d'établir des listes de contenus. Plutôt, les spécialistesdanois sont partis du principe que, si dès les premières années, les élèves et les enseignants etenseignantes participent sérieusement à des investigations scientifiques dans les environnementsqui leur sont accessibles à l'intérieur et à l'extérieur du milieu scolaire, un bon apprentissage dessciences (y compris des savoirs conceptuels) s'ensuivra.

L'évaluation des nouveaux curriculums

De nombreux spécialistes de la formation scientifique ont participé à l'évaluation de certains deces nouveaux curriculums environ cinq ans après leur implantation dans les écoles. En Grande-Bretagne, un groupe de didacticiens, grâce au soutien de la Nuffield Foundation, s'est donné pourobjectif de projeter l'analyse au delà du curriculum actuel et de son évolution à court terme. Lerésultat fut Beyond 2000, un rapport qui reconnaît explicitement le sentiment d'échec devant le faitque le nouveau curriculum d'Angleterre et du Pays de Galles ne répond pas aux exigences de lasociété moderne (Millar et Osborne, 1998). Avec éloquence, le groupe affirme que les points de vuesur les curriculums scientifiques ont évolué, mais que cette évolution n'a pas été suivie d'uneévolution correspondante dans les contenus. Le curriculum est décrit comme « a diluted form of the1960s GCE curriculum [le curriculum traditionnel des années 1960] » (p. 4). Le rapport explique l'échecdu curriculum actuel, mais réaffirme avec force l'importance de l'alphabétisation scientifique pourtous. Enfin, le groupe indique en quoi pourrait consister un programme de formation scientifiqueadéquat.

Malheureusement, ce rapport n'ajoute rien de nouveau à ce qui a été dit sur la question. Desbuts et objectifs suffisamment précisés pour servir de critères dans la définition des contenus, unedéfinition plus large de ce qu'est la nature de la science et un rapprochement avec les technologies,sont autant d'aspects déjà mentionnés dans notre analyse des 20 dernières années. Pourtant, iciencore on réclame une attention plus soutenue sur un nombre relativement réduit de grandes idéesconcernant le monde matériel et son fonctionnement, objectif qui a été perdu de vue dans l'excès dedétails contenus dans le curriculum actuel.

L'enthousiasme du groupe pour l'utilisation de la narration comme puissant moyen decommunication sociale dans les cours de science n'a pas fait l'objet de nombreuses expériences,dans les curriculums scolaires. Des expériences ont cependant été réalisées dans plusieurs pays aucours des années 1990 : le « Salters' 'A' Level Chemistry » (en Grande-Bretagne), le matériel de laCurriculum Corporation (en Australie) et les films sur les controverses historiques en sciences (enIsraël). Mais l'idée la plus novatrice de Beyond 2000 est celle de la capacité des élèves d'interpréteret de commenter les nouvelles scientifiques rapportées dans les médias. C'est là un aspect qui a prisune importance considérable au niveau international, car c'est l'élément principal d'un projet actuelde l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visant à évaluer lesréalisations en sciences (voir plus loin).

La faiblesse de Beyond 2000 n'est certes pas le manque d'idées pour promouvoir l'alphabétisationscientifique. C'est l'absence de propositions visant à modifier les conditions éduco-politiques defaçon qu'une conception culturelle et démocratique des curriculums scientifiques obtienne plus desuccès qu'au cours des débats qui ont mené au curriculum national actuel. En effet, le groupereconnaît que le cadre du système actuel « does not encourage adaptation » (p. 2030).

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Wellington (2001), didacticien qui ne faisait pas partie du groupe de Beyond 2000, soutient laplupart des idées novatrices du groupe. Cependant, il défend la valeur d'une grande partie ducurriculum actuel, si bien qu'il en arrive lui aussi à un nombre impossible de contenus d'apprentissage.Contrairement à Roberts, qui parle d'« orientations » plutôt que de « buts » ou d'« objectifs »,Wellington conclut que « no one element of the range of aims for science education should be over-emphasised at the expense of others » (p. 23). Cela s'explique peut-être par le fait qu'il n'associe pasétroitement les buts et objectifs aux deux groupes cibles d'élèves que le mouvement sciences pourtous a contribué à définir. Bien qu'il reconnaisse l'existence de tensions dans la définition descurriculums scientifiques scolaires, il les analyse non pas comme des contraintes d'origine éducativeet politique—comme je le fais moi-même avec de nombreux autres auteurs —, mais comme « far morerandom, complex and unpredictable » (p. 29).

En Australie, Goodrum, Hackling et Rennie (2001) ont reçu le mandat d'entreprendre une étudeà l'échelle nationale sur l'état et la qualité des sciences à l'école. La méthode qu'ils ont adoptéeconsistait à définir la situation idéale, à établir la situation réelle et enfin à proposer des solutionspour combler l'écart entre les deux. La situation réelle présentait des variations considérables, maisles auteurs concluent que le bilan est plutôt décevant : le curriculum actuel dans la plupart desécoles n'est pas à la hauteur. De plus, il y a encore des écoles primaires où les sciences ne sont pasenseignées. À mesure que les élèves passent au niveau secondaire, nombre d'entre eux sont déçus,parce que les sciences qu'on leur enseigne ne sont ni pertinentes, ni attirantes et ne présententaucun lien avec ce qui les intéresse ni avec leur expérience (p. viii).

Les raisons de l'échec

Partis pris théoriques

Les rapports du mouvement sciences pour tous et les premières discussions sur l'alphabétisationscientifique se fondaient sur deux partis pris théoriques. Le premier, qu'on pourrait appeler la thèsepragmatique, est que puisque les sociétés sont de plus en plus influencées par les idées et lesproduits de la science, et surtout des technologies, tous les futurs citoyens seront mieux en mesured'affronter les problèmes s'ils ont une base de connaissances scientifiques qui leur confère unecertaine assurance à l'égard des sciences. Le second, ou la thèse démocratique, est qu'une formationscientifique de qualité à l'école permet aux citoyens de participer significativement aux décisionsque les sociétés et les membres de la classe politique doivent maintenant prendre à l'égard deproblèmes socio-scientifiques et socio-technologiques toujours plus complexes. Atkin et Helms(1992, p. 2) ont sans doute été les premiers dans les milieux didactiques à remettre en question cespartis pris lorsqu'ils ont posé les questions suivantes :

• Une personne a-t-elle besoin de connaître les sciences comme elle a besoin de connaître salangue maternelle ? L'analogie tient-elle ?

• La capacité d'utiliser les connaissances scientifiques est-elle essentielle de la même façonque la compétence linguistique pour fonctionner dans la société en tant que citoyenresponsable ?

La réponse des deux auteurs à ces questions est « Non » : trop d'éminentes personnalités danstoutes les sociétés ont très peu de connaissances scientifiques, et l'admettent sans la moindre traced'embarras.

Cette critiqué des deux thèses sous-jacentes a été renforcée quelques années plus tard avec lapublication de The myth of scientific literacy (Shamos, 1995). Shamos y affirmait que l'alphabétisationscientifique universelle est une chimère parce que c'est un objectif impossible à atteindre ; un efforten ce sens ne ferait que gaspiller de vastes ressources, humaines et autres. La grande majorité des

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élèves terminent leurs cours de sciences sans en avoir compris ni les concepts ni les implicationspratiques.

La thèse pragmatique, qui associe les sciences et les technologies, glisse sur le fait que dans laplupart des cas les produits des technologies sont conçus de façon à ce que l'utilisateur n'ait aucunbesoin de connaître les principes scientifiques sur lesquels ils se fondent pour pouvoir les utiliser.En outre, il n'y a dans les curriculums récents aucun exemple de choix des contenus scientifiquesfondés sur l'expérience sociétale des citoyens.

Selon la thèse démocratique, une population mieux en mesure de comprendre les principesscientifiques produira une société mieux en mesure de réagir de façon rationnelle aux problèmesd'ordre socio-scientifique. Cette idée plaît beaucoup aux politiciens responsables de la formationscientifique, qui la reprennent régulièrement lorsqu'ils demandent des ressources financièressupplémentaires ou lorsqu'ils lancent de nouvelles initiatives liées à l'éducation en sciences à l'écoleou à la sensibilisation du public aux sciences. Cette illusion prouve en fait leur ignorance de lacomplexité des concepts scientifiques qu'impliquent le réchauffement global, les effets des radiationsissues des téléphones portables sur la santé ou la conservation des espèces en voie de disparition.Il est absolument irréaliste de croire qu'un tel niveau de connaissances scientifiques puisse êtreatteint même dans les meilleures écoles et que les citoyens soient ensuite aptes à faire une analysecritique des thèses scientifiques présentées par les groupes de spécialistes.

En effet, si différents groupes de scientifiques donnent souvent des analyses différentes de telsproblèmes, ce n'est pas qu'un groupe ait raison et les autres tort, mais bien qu'ils ont tous raison, ausujet d'aspects différents du même problème. En d'autres mots, l'analyse de problèmes aussicomplexes présente elle-même des problèmes et l'aspect qu'on entend privilégier dépend largementdes valeurs plus générales des groupes de scientifiques. Les recherches de Gaskell (1994) et Kolsta(2001) ont montré que les décisions de ceux qui doivent choisir entre les différents avis des spécialistesse fondent sur une identification avec les valeurs sous-jacentes des groupes ainsi que sur descritères personnels, plutôt que sur leurs propres connaissances des données scientifiques.

Confusion entre alphabétisation et alphabétisés

Dans le discours des milieux didactiques internationaux, les pays sont souvent comparés entreeux quant au niveau d'alphabétisation et de capacité au calcul que leurs populations ont atteint (ou1

sont en voie d'atteindre). Un instrument rudimentaire mais non déraisonnable pour mesurer ceniveau est la proportion d'enfants d'âge scolaire qui terminent avec succès les six années de scolaritéprimaire. En effet, la langue et le calcul ont universellement la première place parmi les savoirs viséspar ces années scolaires. Cependant, c'est un non-sens d'utiliser cette donnée comme mesure dudegré d'alphabétisation scientifique, étant donné ce que nous savons de la formation scientifiquedispensée dans les écoles primaires. D'autre part, il semble raisonnable que la plupart des élèves quin'ont aucune intention de poursuivre une carrière scientifique passent moins de temps à étudier lessciences à l'école secondaire que ceux qui désirent continuer dans ces disciplines. Comme objectifde curriculum pour l'alphabétisation scientifique, nous sommes donc à la recherche d'un ensembled'apprentissages scientifiques destiné à tous les élèves au cours des années de scolarité obligatoire.Il pourra être complété par des études supplémentaires plus spécialisées en sciences pour la minoritéd'élèves qui s'orientent vers des études scientifiques ultérieures.

Le premier niveau de la hiérarchie des apprentissages scientifiques proposée par Bybee ( 1997),appelé alphabétisation scientifique nominale (qui signifie connaître les mots scientifiques sans enconnaître le sens) est, comme l'auteur le dit lui-même, une fausse alphabétisation. Même le deuxièmeniveau, qu'il appelle alphabétisation scientifique fonctionnelle, n'est fonctionnel qu'au sens étroitdu terme, et non au sens général d'opérationnel. Il semble donc que les savoirs scientifiques scolairesdoivent viser au moins le troisième (et avant-dernier) niveau défini par Bybee : celui del'alphabétisation scientifique conceptuelle. Une approche aussi hiérarchique sur le plan conceptuel

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semble conduire à un nombre élevé d'apprentissages attendus, et l'idée d'une alphabétisationscientifique de base, analogue au niveau de connaissances de base du langage et des chiffres visépar l'école primaire, s'est perdue en cours de route. Nous nous retrouvons devant l'objectif illusoirede fournir à tous les élèves un niveau d'apprentissage scientifique plus facilement comparable à ceque nous entendons par « culture » lorsque nous parlons de langue et de littérature.

La science : une lentille déformante ,

On peut reprocher à ces approches systémiques le fait que les contenus de l'alphabétisationscientifique soient définis en fonction de ce que certains « spécialistes » des sciences et de ladidactique croient que tous devraient savoir et comprendre, plutôt qu'en fonction de ce que lasociété moderne demande de ses citoyens, ou de ce que les citoyens eux-mêmes croient importantdans leurs préoccupations quotidiennes (Jenkins, 1997). Ces spécialistes, en raison de leurs vastesconnaissances scientifiques et didactiques, ont inévitablement une perception de la société modernefort différente de ceux qui n'ont pas ces connaissances. Jenkins était bien placé pour formuler unetelle critique grâce à sa participation à un projet exceptionnel de l'université de Leeds.

Les sciences inarticulées

Vers la fin des années 1980, le groupe responsable du projet de Leeds a réussi à se libérer de cequi était devenu une méthode à la mode pour analyser la perception générale des sciences dans lapopulation. Selon cette méthode, on demandait à un groupe de personnes choisies au hasard cequ'elles savaient au sujet d'un grand nombre de questions scientifiques isolées. Inévitablement, ona souvent constaté d'importantes lacunes, mais personne n'a jamais expliqué pourquoi la populationen général devrait pouvoir « réciter » de telles notions l'une après l'autre, comme s'il s'agissait dejouer au jeu « Trivial Pursuit ». Plutôt, Layton, Jenkins et leurs collègues ont personnellementinterviewé des groupes de personnes qui se trouvaient dans des situations qui sollicitaient unintérêt pour certaines connaissances scientifiques, ainsi qu'un besoin urgent de ces connaissances.Se fondant sur des entrevues peu structurées, ils ont demandé aux répondants ce qu'ils devaientapprendre, comment ils exprimaient les connaissances qu'ils avaient déjà acquises, où ils trouvaientdes informations pertinentes et quelles sources d'information leur étaient les plus utiles. Dans unlivre intitulé Inarticulate science, Layton, Jenkins, Macgill et Davey (1993) décrivent un type deconnaissances scientifiques fort différent, qu'ils appellent « connaissances pratiques en action ».Pour leurs répondants, les sciences ne constituent pas une sorte dé « temple conceptuel », mais bienune « mine à exploiter » selon leurs besoins. Le titre du livre, cependant, laisse présager, pour lea1

savoirs scientifiques scolaires, de sérieux problèmes que leurs recherches ont également mis au jour.Par exemple, le langage formel des sciences doit être traduit si on veut qu'il soit accessible auxpersonnes ordinaires. Les connaissances scientifiques doivent aussi satisfaire à certaines exigencesde crédibilité et être reliées à d'autres connaissances pertinentes.

Y a-t-il une autre voie ?Il est intéressant de noter que lorsque Atkin et Helms (1992, 1993) ainsi que Shamos (1995)

affirmaient, chacun à sa façon, que l'alphabétisation scientifique de tous les élèves n'était ni réalisableni nécessaire, ils ne se sont pas arrêtés là. Ils ont défini leurs propres priorités pour la formationscientifique dans les années de scolarité obligatoire. Atkin et Helms (1992, 1993) ont proposé quel'éducation aux sciences à l'école présente les sciences comme une activité humaine mue par desforces internes et externes (c'est-à-dire son histoire sociale et intellectuelle) et donne la priorité aux

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raisonnements pratiques et les façons de penser qui les caractérisent. Shamos se trouve d'accordavec le premier objectif lorsqu'il définit les sciences comme une entreprise culturelle continue, maisses deux priorités suivantes sont la conscience de l'impact des technologies sur la santé, la sécuritéet le milieu personnel, et la nécessité de recourir judicieusement aux spécialistes pour résoudre lesproblèmes que posent les sciences en relation avec la société.

Très semblables sont les priorités définies par Millar (1996), dans ses suggestions pour uncurriculum scientifique visant à une meilleure sensibilisation publique. Ces suggestions, quis'appuient sur de solides arguments, soulignent les aspects de la science liés au bien-être culturel,personnel et social, mais elles diminuent l'importance disciplinaire des sciences elles-mêmes, qui apourtant dominé toutes les approches présentées plus haut. Et malgré les arguments invoqués parles auteurs, la question est encore de savoir si on les écoutera dans un avenir prochain. Est-il plusprobable qu'on le fera si leurs suggestions peuvent obtenir l'appui de groupes qui vont au-delà desgroupes de spécialistes scientifiques à qui on a confié la définition du curriculum pour l'alphabétisationscientifique ? En d'autres mots, peut-on appeler d'autres experts à se prononcer sur les questionsque soulèvent l'alphabétisation scientifique et le curriculum scientifique scolaire ? Dans cette dernièrepartie, je donnerai quelques réponses possibles à cette question.

Les spécialistes de la société comme guides

Comme je l'ai dit plus haut, les recherches de Layton et coll. (1993) ont proposé une nouvellefaçon d'analyser l'alphabétisation scientifique. La première étape consiste à identifier des groupesde citoyens dont la situation de vie nécessite l'acquisition de connaissances scientifiques. Lesexpressions « connaissances pratiques en action » ou encore « sciences des citoyens » sont utiliséesdans des études qui ont tenté de définir ces nécessités sociétales spécifiques, plutôt que l'expression« alphabétisation scientifique », qui a une connotation plus générale (voir également Irwin et Wynne,1996).

Jenkins (1997) signale deux notions qui sont implicitement liées dans cette approche. La premièreest qu'il y a plusieurs « publics » distincts et segmentés, différenciés selon leurs intérêts et leursbesoins contextuels. La seconde est que la multiplicité des connaissances ainsi que des conceptionsde la science définies dans le cadre de cette approche est surtout fonctionnelle et vise des objectifssociaux bien précis. L'alphabétisation scientifique ainsi définie sur le plan fonctionnel revêt un aspectpersonnel et social dans son évolution. Est cependant exclue l'évolution culturelle des sciences, ainsique la plus grande partie de leur-évolution disciplinaire (au sens éducatif du terme).

Cette conception de l'alphabétisation scientifique s'applique à de multiples contextes de lasociété, bien que certains d'entre eux puissent être partagés par un grand nombre de citoyens. Lapremière question qu'on peut poser dans un objectif d'éducation générale serait la suivante : « Y a-t-il des types de connaissances et d'habiletés d'ordre scientifique qui seraient en mesure de permettreaux citoyens ordinaires (y compris aux élèves) de fonctionner de façon plus efficace sur le planpersonnel et social dans la société contemporaine ? » L'autre question qui y est intimement liée estla suivante : « Quels sont les contextes sociaux communs, dans une société donnée, où les citoyenssont confrontés à la nécessité d'avoir un certain niveau de connaissances scientifiques ? » II s'agitpour le moment d'une question empirique plutôt que d'une question d'opinion. Quelle que soit laréponse, l'expression « un certain niveau de connaissances scientifiques » définit de façon tout àfait nouvelle les contenus de l'alphabétisation scientifique.

Toute tentative d'explorer la question présuppose qu'on demande à la société elle-mêmed'identifier et de définir les contenus nécessaires à l'alphabétisation scientifique. De plus, puisquede nombreuses sociétés sont caractérisées par des contextes régionaux qui subissent des influencesscientifiques et technologiques différentes, les questions qu'on soulève doivent tenir compte desdifférences régionales.

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Un exemple où c'est la société qui mène le jeu

Law et ses collègues de Hong Kong ont récemment rendu compte d'un essai méthodologiquepour traiter la question dans certaines régions importantes de Chine (Law, Fensham, Li et Bing, 2000).Leur méthode impliquait le recours aux sociologues et aux spécialistes du societal. D'abord, leschercheurs ont tiré parti de l'expérience de certains analystes sociaux et économiques pour cemerles différences et les similarités des trois grandes villes de Chine prises en considération pourl'étude. On a pu ainsi dégager les priorités propres à chaque contexte social et économique et,conséquemment, déterminer les situations sociales et culturelles que les citoyens de ces villespartagent, mais aussi celles qui occupent une place plus importante dans chacune.

Se trouve lié de manière implicite à ce paradigme de recherche le fait que les citoyens, dans leurvie quotidienne, sont aux prises avec des situations variées qui peuvent ou non demander un certainniveau de connaissances scientifiques. D'aucunes sont liées à ce qu'on pourrait appelerl'alphabétisation scientifique personnelle. D'autres ont plutôt à voir avec l'alphabétisation scientifiquequ'on pourrait appeler communautaire, et nous pouvons imaginer également d'autres typesd'alphabétisation dans le domaine des sciences qui serviraient d'autres objectifs sociaux. Law etcoll. (2000) ont analysé des situations qui mettent en cause la première et la deuxième de cesalphabétisations, c'est-à-dire la capacité de faire face aux problèmes quotidiens et la participationdémocratique. Une série de situations propres à vie quotidienne et aux habiletés qu'elle requiertservira à illustrer ici la suite de cette méthodologie. La série comprend cinq types de situationscommunes :

• La sécurité à la maison et au travail• La santé et l'hygiène• L'alimentation et les habitudes alimentaires• Le choix et la bonne utilisation des produits de consommation (sagesse du consommateur)• Les loisirs

Afin de bien cemer l'expérience que font les citoyens de cette série de situations, on a interviewédes « spécialistes du societal » qui, grâce à la position de responsabilité qu'ils occupaient, étaient aucourant de chacun de ces aspects de la société de Hong Kong. Les entrevues se fondaient sur lesquestions suivantes, qui ont été approfondies lorsque les réponses ouvraient sur d'autres questionsintéressantes.

1. Veuillez décrire les catégories générales de problèmes auxquels vous faites face dans votretravail de tous les jours.

2. Pour chacune de ces catégories de problèmes, pouvez-vous décrire les situations et donnerdes détails sur les causes du problème ?

3. Pour chacune de ces catégories, la situation particulière est-elle liée de quelque façon quece soit au niveau de connaissances et de compréhension des personnes concernées ?

4. Comment peut-on prévenir ces situations ?

Les réponses constituaient la source primaire des données à analyser, d'abord en esquissant lesprincipales catégories pour les problèmes identifiés par chaque informateur et ensuite en fournissantun exemple qui semblait typique pour illustrer chacune des catégories. Les raisons données par lesinformateurs pour expliquer les causes des problèmes étaient également fournies. En se fondant surleur compétence scientifique et leur expérience, les chercheurs ont ensuite dressé la liste, parmi lesnombreux problèmes cités, de ceux qu'on pouvait rattacher aux connaissances scientifiques au senslarge du terme. Enfin, on a extrait de ces savoirs une liste de questions scientifiques générales que lesresponsables de formation scientifique pourraient analyser afin de mettre au point une nouvellehypothèse de contenus pour les savoirs scientifiques scolaires. Une comparaison de cette nouvellehypothèse avec les curriculums existants et le matériel destiné à l'alphabétisation scientifique à

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l'école pourrait, en principe, servir de base pour déterminer les contenus à privilégier. En d'autrestermes, quels sont les nouveaux contenus qu'il faut ajouter, quels sont les contenus existants quiont besoin d'être revus et remaniés et enfin, quels sont les contenus actuels qui sont aujourd'huimoins importants, qu'on pourrait donc éventuellement écarter ?

Les connaissances scientifiques générales ont ainsi une base empirique qui les lie étroitement àla vie personnelle des citoyens, ce qui leur donne un statut fort différent des simples opinions desscientifiques. Et il ne faut toujours pas perdre de vue l'avertissement d'Atkin et Helms (1992,1993),qui affirment que le caractère essentiel de ces connaissances reste encore à déterminer. En effet, il sepeut que les problèmes des citoyens soient liés à des savoirs scientifiques spécifiques, mais queseulement dans certains cas ces connaissances soient essentielles à leur participation active.

Le groupe de Hong Kong expérimente également une autre approche dans laquelle la société estune source de contenus scientifiques pertinents. Selon cette hypothèse, les médias sont un outilsignificatif grâce auquel les sciences affectent directement les citoyens d'une société (ce qui est reliéà l'alphabétisation scientifique culturelle). Pour le moment, le groupe de recherche limite son analyseaux journaux, mais en principe cette approche pourrait inclure la télévision, le réseau Internet ainsique certaines formes de publicité de masse. La presse à sensation et les journaux plus sérieux sontsystématiquement analysés pour en isoler les articles qui traitent de questions scientifiques, iciencore au sens large. On procède ensuite à une analyse des contenus pour déterminer les catégorieset les caractéristiques des savoirs scientifiques susceptibles de rendre ces informations utiles, etnon une source de danger ou de confusion pour les lecteurs. Une telle analyse peut conduire à descontenus dégagés du societal qu'on pourrait ensuite inclure dans les savoirs scientifiques scolaireset qui, encore une fois, pourraient être très différents des contenus des nouveaux curriculums dontil a été question plus haut.

Les médias dans les sciences scolaires

L'utilisation des médias comme source importante de contenus pour l'alphabétisation scientifiquefait actuellement l'objet d'un intérêt international grâce à un projet scientifique en cours dans lespays de l'OCDE : le projet PISA (Performance Indicators of Student Achievement) (OECD/PISA,2000). Le groupe de spécialistes scientifiques du projet PISA a décidé d'utiliser de vrais reportagessur les sciences dans les médias pour mettre au point les tests qu'ils destinent aux élèves de 15 ansafin d'obtenir un indice de la qualité de leur formation scolaire en ce qui concerne l'alphabétisationscientifique. Reprenant à son compte une idée mise de l'avant dans une autre étude de l'OCDE selonlaquelle l'alphabétisation n'est pas un concept polaire (OECD, 1996), le groupe PISA affirme qu'il estinutile de catégoriser les gens comme alphabétisés ou non sur le plan scientifique. Plutôt, il estpossible que certaines personnes soient alphabétisées sur un petit nombre de sujets ou de questionsscientifiques, tandis que d'autres le sont sur un plus grand nombre de sujets. La tâche qui revient àla formation scolaire est d'élargir au maximum le niveau d'alphabétisation scientifique de chaqueétudiant ou étudiante. Le groupe de spécialistes a donc défini cinq processus scientifiques importantsen réponse aux reportages scientifiques dans les médias :

• Reconnaître les questions auxquelles il est possible de répondre dans le cadre d'une enquêtescientifique

• Déterminer quelles sont les données nécessaires pour vérifier une explication ou approfondirune question

• Faire une évaluation critique des conclusions en fonction des données ou des preuvesscientifiques disponibles

• Communiquer aux autres les conclusions valables qu'on peut tirer des données ou despreuves disponibles

• Résoudre des problèmes

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Chacune de ces procédures s'intègre à des savoirs scientifiques spécifiques lorsqu'on lesapplique à chaque reportage en particulier. C'est cette combinaison de connaissances scientifiquesconceptuelles et de procédures qui permettra de mesurer la performance scientifique des élèves.

Dans leur recherche de reportages médiatiques adéquats pour le test PISA, le Groupe scientifiquen'a pas procédé à un échantillonnage représentatif d'articles scientifiques..Toutefois, il a noté quenombre de sujets scientifiques scolaires traditionnels semblent rares, sinon absents, dans les médias.Une analyse plus systématique du contenu des reportages scientifiques dans les médias, commecelle en cours actuellement à Hong Kong, permettra d'obtenir des données empiriques sur les typesde connaissances scientifiques que cet aspect important de la société met en évidence pour lescitoyens.

Dans chacune de ces approches où certains aspects de la société constituent la principalesource d'informations pour définir les éventuels contenus scientifiques, un apport des spécialistesscientifiques demeure essentiel. Mais cet apport arrive dans un deuxième temps, lorsque les donnéessociales sont analysées afin de déterminer quels sont les éléments dont les contenus sont d'ordrescientifique. Les spécialistes de la formation scientifique n'interviennent qu'au moment où cesconnaissances doivent être associées à ce qui est susceptible de devenir un curriculum scientifiquescolaire.

La science comme source de plaisir etd'émerveillement

Même un survol rapide des reportages scientifiques dans les médias met en évidence le fait queles sujets abordés sont peu souvent pragmatiques ou pertinents sur le plan personnel ou social.D'ailleurs, certains de ceux qui sont les moins pertinents font souvent l'objet de la plus grandeattention. Je pense ici à deux catégories de reportages qui traitent certains aspects du monde naturelet qui provoquent des réactions dans lesquelles priment les mots « étonnement », « émerveillement »,« joie de la découverte », « triomphe » et « mystère ». Pour le moment, nous n'avons guère d'adjectifsaptes à décrire ce type d'alphabétisation scientifique.

La première catégorie comprend des résultats scientifiques tels que la découverte de « fossilesvivants » comme celle du poisson coélécanthe près de Madagascar ou du pin Wollemi de la Nouvelle-Galles du Sud, ou encore l'idée que la matière noire manquante dans l'univers pourrait dépendre decertaines « planètes non conformistes ». Le public est souvent fasciné par l'analyse scientifique decorps préservés dans les marécages ou les glaciers, par l'idée que le crâne du dinosaure appeléasilaire avait peut-être une structure en nid d'abeilles comme certains casques de sécurité, ou encorepar les qualités de certaines excrétions de la grenouille comme écran solaire, pour ne mentionner quequelques-uns des sujets scientifiques traités récemment dans les médias.

La deuxième catégorie reflète la surprenante popularité des émissions et des livres qui traitentdes tentatives scientifiques d'expliquer les grandes questions de l'humanité : la Nature, Dieu etl'Univers. Stephen Hawking, Richard Dawkins, David Suzuki, Stephen Jay Gould, Paul Davies etCharles Birch sont autant de noms bien connus dans les communautés anglophones.

Ni l'une ni l'autre de ces catégories de sciences socialement intéressantes n'a été prisesérieusement en considération par les spécialistes scientifiques ou par les bureaucrates responsablesdes curriculums des sciences pour tous.

Discussion

Le ballon de soccer est une analogie qui pourrait se révéler utile pour distinguer entre lessciences pour tous et les sciences destinées aux éventuels futurs scientifiques. Le ballon de soccer

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est un polyèdre presque sphérique dont la surface extérieure est constituée d'un certain nombre defacettes. Il a également une partie interne qui n'est pas visible de l'extérieur du ballon. On peutpenser aux points et aux facettes de la surface extérieure comme aux interactions entre les sciences etla société. Ils sont aussi les résultats, au sens très large du mot, de ce que les sciences offrent à lasociété. Dans le cadre de cette analogie, c'est le plaisir, la confiance et la familiarité qui dérivent deces aspects extérieurs que la formation scolaire doit viser comme alphabétisation scientifique pourtous les élèves. À l'intérieur du ballon, la plus grande partie de l'espace contient les connaissancesscientifiques détaillées, le réseau complexe de processus intellectuels et techniques capables deproduire des savoirs nouveaux, et ainsi de suite. Outre les responsabilités qu'elle assume à l'égardde tous les élèves, la formation scolaire peut offrir, surtout au cours des dernières années d'école,une introduction à cette série interne de savoirs scientifiques à une minorité d'élèves qui sont attiréspar l'idée d'une carrière dans les domaines scientifiques.

Une conséquence intéressante, lorsque les deux séries d'apprentissages scientifiques scolairessont conçus de cette façon, est qu'une partie de la surface extérieure du ballon (donc la source dessavoirs qui constituent la base de l'alphabétisation scientifique) doit avant tout se préoccuper desaspects stimulants, merveilleux et créatifs des défis scientifiques. En effet, c'est seulement lorsquetous les élèves seront exposés à ces aspects qu'un nombre suffisant d'entre eux auront envie, pourles bonnes raisons, de poursuivre leurs études en sciences de façon plus systématique et ensuite des'orienter vers des carrières scientifiques.

Les scientifiques et les didacticiens des sciences, en raison de leur position privilégiée maislimitée à l'intérieur du ballon, sont bien mal placés pour en juger la surface. Les différents spécialistesde la société ont une vision beaucoup plus claire de cette partie du ballon. Parmi eux, j'inclurais lesspécialistes des sciences appliquées dont le travail dans l'industrie ou les services publics les met encontact très direct avec les citoyens. Comme j 'ai tenté ici de le montrer, ces personnes sont d'ungrand secours lorsqu'il s'agit de décrire l'interface entre les sciences et la société (et donc entre lessciences et les citoyens et citoyennes ordinaires).

La thèse du présent article est que les réponses données par les scientifiques universitaires etles didacticiens pendant la dernière décennie aux deux questions que pose l'alphabétisationscientifique sont d'une part insuffisamment claires et d'autre part absolument irréalistes. Néanmoins,tous sont en général d'accord pour affirmer l'importance de l'alphabétisation scientifique en milieuscolaire. Il est temps de donner aux spécialistes de la société le statut et les moyens de mener le jeudans le processus qui vise à déterminer comment les sciences influencent le public, aussi bien sur leplan personnel qu'en tant que citoyens et citoyennes responsables. Scientifiques universitaires etdidacticiens auraient ainsi la tâche fascinante de mettre au point un curriculum scientifique scolairequi serait effectivement en mesure de fournir à un nombre beaucoup plus élevé d'élèves lesconnaissances scientifiques requises par la société moderne.

L'alphabétisation scientifique est trop importante pour qu 'on la confie aux scientifiques ouaux didacticiens !

Note1 Cette méthode représente une modification par rapport à d'autres études de type Delphi dans lesquelles il

est d'usage que, à la première étape, ce soient les informateurs, plutôt que les chercheurs, qui se prononcentsur ce qu'ils estiment être significatif pour la question qui fait l'objet de la recherche. Leurs suggestionsconstituent ensuite la base de raffinements subséquents.

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