40
&ÔMM. L'alphabétisation fonctionnelle * comment P* ^ FI m $ ïf ****** *" 3> £ +. •38180 S » ^ s ^f^ £•£ 4? £ *"• >r ût °* **" C9 j ff à A, « | -C.-P- -2T-B—:— c - Wttc-rfiSft ttëfffî"*- c f~ ,r- >."• A . a "-*••*-« * ^.r' ^ J 1% f I? * 3e 'ïa /(,„ - * I ^ .f ï é '- ^ * ^V-feJ ^t/ït'â*** -V**' 1 c iri / -" / !^« f wr?/? -3F£&i.-§:-§f 3- s i " " "

L'Alphabétisation fonctionnelle: pourquoi et comment; …unesdoc.unesco.org/images/0013/001326/132678fo.pdf · de caractère purement pédagogique entre la méthode globale d'apprentissage

Embed Size (px)

Citation preview

&ÔMM.L'alphabétisation

fonctionnelle* comment

P* "§ FI m

$ ïf ****** *"iï 3> £ +.

•38180S »

^s^f^£•£ 4? £*"• >r ût °* **" C9j ff à A, « |

-C.-P- -2T-B—:—c-

Wttc-rfiSftttëfffî"*-c f~ ,r- >."• A . a " - * • • * -«* .r' J 1% f I? *3e'ïa /(,„ -

* I .f ï é'- ^ * ^V-feJ^ t / ï t ' â * * * -V**'1ciri /-"

/

! «• f

wr?/?-3F£&i.-§:-§f3- s i " " "

L'Unesco et son programme

1970 Année internationalede l'éducation

n

Dans cette collection :

Des maîtres pour l'école de demainpar Jean ThomasLe droit à l'éducation. Du principe aux réalisations, 1948-1968par Louis FrançoisPour les enfants du monde. Exemples de la coopération Unesco-FISE (Unicef)par Richard GreenoughPour et avec les jeunesQuatre déclarations sur la question racialeLa protection du patrimoine culturel de l'humanité. Sites etmonumentsLa Décennie hydrologique internationale. L'eauet l'homme : aperçu mondialpar Raymond L NaceL'alphabétisation fonctionnelle. Pourquoi et comment

l'alphabétisationfonctionnelle

Pourquoi et comment.

Unesco

39,01*4.22,GCUl

Le Conseil exécutif de l'Unesco, à sa 83e session (83 EX/Décisions,4.2.8.), avait approuvé la proposition du Directeur général d'orga-niser une réunion de travail en vue d'analyser les problèmes quepose la mise en application du Programme expérimental mondiald'alphabétisation et de rechercher les méthodes et les moyensde les résoudre.

Cette publication s'inspire largement des documents de travailpréparés en vue de cette réunion, qui a eu lieu du 1er au5 décembre 1969, et, pour l'essentiel, des recommandations quiy ont été adoptées.

Publié en 1970par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,

la science et la culture, place de Fontenoy, 75 Paris-7e

Imprimerie Chaix-Desfossés-Néogravure

© Unesco 1970 COM.70/11.31/F

Table des matières

Introduction 7

Ce qu'est l'alphabétisation fonctionnelle 9

La mise en œuvre 11

Les premiers résultats 19

Lacunes et difficultés 25

L'action à mener :Dans l'immédiat 32

Pour l'avenir 39

Si le Programme expérimental mondial d'alphabétisation n'a pasdonné jusqu'à présent des résultats aussi substantiels et aussirapides qu'on l'avait escompté, je demeure convaincu que saconception de base est Juste et je crois qu'il recèle de grandespossibilités pour préparer le lancement ultérieur de campagnesd'alphabétisation sur une large échelle. Je pense que certainesrévisions, certains redressements s'imposent, qui appellent desmesures nouvelles tant de la part des États membres que desorganisations internationales, au premier rang desquelles /'Unesco.Mais cela est de règle dans toute expérimentation, et la remiseen cause est la loi même du progrès.

René Maheu,directeur général de l'Unesco

Introduction

Dans le domaine de l'alphabétisation des adultes, le lancementdu Programme expérimental mondial d'alphabétisation et ledéveloppement parallèle du concept d'alphabétisation fonction-nelle ont marqué profondément les années soixante, qu'il s'agissede l'intensification de l'action ou de l'évolution des idées. S'enri-chissant sans cesse mutuellement, cette action et cette réflexiondemeurent au centre des préoccupations de ('Unesco.

Au seuil des années soixante-dix, le moment nous semble venude faire un premier bilan de ce double effort et de dégager avectoute l'objectivité nécessaire les enseignements qui découlentautant — sinon plus — des difficultés, des insuffisances et desretards enregistrés que des très substantiels succès d'ores et déjàremportés.

Libérer l'homme de cette véritable cécité qu'est l'analphabétismeconstitue parmi tous les grands combats qu'il livre pour sonépanouissement une des entreprises les plus complexes. Il importepour réussir de ne négliger aucun des multiples facteurs - poli-tique, économique, sociologique, civique, psychologique, péda-gogique - qui entrent en ligne de compte dans une entreprisecomme l'alphabétisation, telle qu'elle a été conçue dès le débutde la mise en œuvre du Programme expérimental mondial.

Bien que l'action de l'Unesco contre l'analphabétisme remonteaux origines mêmes de l'Organisation, les conceptions qui pré-sident actuellement à cette action ont été formulées il y a seulementquelques années. Pour que puisse se dégager le concept d'alpha-bétisation fonctionnelle et pour que la recherche de nouvellesvoies et de nouvelles méthodes soit reconnue nécessaire, il afallu que les gouvernements, comme l'opinion publique, se per-suadent de la gravité du problème, due non seulement à la présencedans les pays en voie de développement d'une masse énorme

Introduction

d'analphabètes, mais aussi à la croissance constante de leurnombre; il a fallu aussi que l'on comprenne le lien étroit quiexiste entre l'analphabétisme et le sous-développement, et qu'onadmette les limites et les défaillances de l'alphabétisation tra-ditionnelle, fondée sur un simple apprentissage de la lecture etde l'écriture par des méthodes de type scolaire.

Ce qu'est l'alphabétisationfonctionnelle

Par « alphabétisation fonctionnelle », il faut entendre toute opéra-tion d'alphabétisation conçue comme une composante de projetsde développement économique et social.

Elle se distingue de l'alphabétisation dite traditionnelle en cequ'elle n'est plus une action isolée, distincte, voire une fin en soi,mais qu'elle permet de considérer l'analphabète comme un individuen situation de groupe, en fonction d'un milieu donné et dansune perspective de développement. Par essence, un programmed'alphabétisation fonctionnelle est en relation avec des besoinscollectifs et individuels précis ; il est conçu « sur mesure », différenciéselon les milieux et par rapport à des objectifs économiques etsociaux déterminés.

Les partisans de l'alphabétisation traditionnelle visent, par leursprogrammes, une maîtrise suffisante des mécanismes de la lecture,de l'écriture et du calcul élémentaire; ils n'ont pas d'autre but quede fournir aux analphabètes un moyen d'accéder aux communi-cations écrites ou imprimées. En revanche, dans le cadre d'unprogramme d'alphabétisation fonctionnelle, l'acquisition de l'écri-ture et de la lecture et la formation professionnelle ne sauraientêtre menées parallèlement ou dissociées chronologiquement : cesont des activités intégrées.

L'alphabétisation traditionnelle se caractérise par une approcheextensive et diffuse. Au contraire, dans l'alphabétisation fonction-nelle, l'approche est globale, en liaison directe avec l'acquisitionde compétences professionnelles et de connaissances utilisablesdans un milieu donné.

Les programmes d'alphabétisation traditionnelle sont générale-ment uniformisés et prescrits du « centre ». Les programmesd'alphabétisation fonctionnelle sont variables et flexibles, pourtenir compte de la diversité des objectifs immédiats et des situations

Ce qu'est l'alphabétisation fonctionnelle

particulières. Cependant, entre l'idée et la réalisation, un écartconsidérable n'en existe pas moins.

La nouveauté du concept d'alphabétisation fonctionnelle et lanécessité de le définir dans la pratique et par la pratique sereflètent dans la pluralité des interprétations - parfois contra-dictoires - dont il a fait l'objet jusqu'à présent

La conception la plus simpliste consiste à considérer l'alphabé-tisation fonctionnelle sous l'angle de l'applicabilité pratique denotions acquises grâce à la lecture et à l'écriture. Certains pensentqu'il suffit d'organiser des cours d'alphabétisation sur les lieux detravail (entreprises, coopératives, etc.) pour que ce programmepuisse être dit « fonctionnel ». D'autres mettent l'accent sur levocabulaire, comme si un remplacement mécanique du vocabu-laire traditionnel par un vocabulaire technique donnait tous leséléments nécessaires à un programme d'éducation fonctionnelle.D'autres encore sont persuadés qu'il suffit de faire suivre immé-diatement un cours d'alphabétisation par un cours de formationprofessionnelle. C'est encore une erreur de croire que la « fonction-nalisation » de l'alphabétisation traditionnelle puisse consister enla juxtaposition d'un certain nombre de leçons socio-éthiques denature à changer les attitudes sociales des analphabètes ou leurcomportement à l'égard du travail. Non moins simpliste l'inter-prétation selon laquelle il suffirait de mettre l'accent sur les pratiquestechniques, sur l'utilisation de nouvelles méthodes agricoles, surl'emploi de textes techniques (prospectus pour les engrais, etc.)comme matériel de lecture; certains s'en tiennent à une distinctionde caractère purement pédagogique entre la méthode globaled'apprentissage de la lecture, qui correspondrait à l'alphabétisationfonctionnelle, et la méthode syllabique qui représenterait l'essentielde l'alphabétisation traditionnelle.

10

La mise en œuvre

L'idée même d'alphabétisation fonctionnelle dont s'inspire leProgramme expérimental mondial a suscité dans le monde de trèsgrands espoirs. Cinquante-deux pays ont demandé à l'Unesco departiciper à l'expérience tentée, montrant ainsi qu'elle répondaità un immense besoin et à une attente trop longtemps comprimée.Et bien que le Programme expérimental n'ait été mis à exécutionque depuis assez peu de temps - moins de trois ans - il a déjàpermis de mobiliser des concours infiniment précieux.

A l'heure actuelle, douze projets pilotes sont en cours de réalisa-tion dans le cadre de ce programme. Leur coût total est d'environ50 millions de dollars, dont 10 sont fournis par le Programme desNations Unies pour le développement (PNUD). La proportionentre les contributions nationales et les apports internationaux- grosso modo de 4 à 1 - montre que l'entreprise intéresse vive-ment les pays en voie de développement.

Algérie. Lancé en février 1967, ce projet associe, dans trois zonesdéterminées, des opérations qui concernent aussi bien le secteurindustriel que le secteur agricole. La phase opérationnelle a com-mencé avec retard. Les graves problèmes de personnel qui avaientd'abord entravé l'application du programme sont maintenant résolus.

Equateur. Ce projet de cinq ans, dont l'exécution a commencé enjuillet 1967, combine l'alphabétisation avec la formation agricoleet artisanale. L'Unesco coopère ici avec l'Organisation internationaledu travail (OIT) et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture(PAO). On s'attache à donner un caractère de plus en plus fonction-nel aux cours d'alphabétisation. La participation du gouvernementest en retard par rapport aux prévisions du plan d'opérations,mais certains progrès ont été réalisés récemment.

11

I /

La mise en œuvre

Ethiopie. Mis en œuvre en octobre 1968, ce projet associel'alphabétisation à la formation agricole (trois zones) etindustrielle (une zone). Les travaux préparatoires, notammentla formation de cadres, le rassemblement de données de baseen vue de l'évaluation et l'établissement du programme sesont déroulés de manière satisfaisante. Les principaux problè-mes tiennent à l'insuffisance de la contribution nationale etaux difficultés linguistiques rencontrées dans certaines zonespilotes.

Guinée. Il s'agit ici de mener à bien, en cinq ans, deux expériencesd'alphabétisation fonctionnelle, dont l'une est liée à un grouped'entreprises industrielles tandis que l'autre concerne les travailleursagricoles de trois zones rurales. Bien que le plan d'opérations aitété approuvé et signé dès octobre 1968, peu de progrès ont étéréalisés jusqu'à présent et le projet n'est pas encore entré dans saphase opérationnelle.

Inde. Ce projet, dont la première phase doit durer deux ans et demi,est une entreprise commune de la PAO et de l'Unesco, destinéeà aider le gouvernement indien dans l'exécution d'un programmede production alimentaire portant sur la culture de variétés à hautrendement. On a prévu l'organisation de cours d'alphabétisationfonctionnelle dans 10 districts en 1969, dans 75 en 1970 etdans 100 en 1971. La phase opérationnelle débutera avec quelqueretard.

Iran. On se propose de réaliser en quatre ans deux expériencesd'alphabétisation fonctionnelle, l'une dans une zone de développe-ment agricole par irrigation et l'autre dans une zone industrielle.Le projet est opérationnel depuis deux ans environ. Si des résultatspositifs ont été obtenus, notamment dans le cadre d'expériencessur les méthodes et le matériel d'alphabétisation fonctionnelle,les progrès ont été moins rapides qu'on ne l'espérait. Certainesdes firmes industrielles concernées n'ont pas manifesté un intérêtsuffisant pour le projet; d'autre part, les liens entre le projet etla campagne nationale d'alphabétisation doivent être renforcés;enfin, les récentes décisions du gouvernement concernant lazone de développement agricole ont modifié les conditions d'exé-cution du projet.

14

La mise en œuvre

Madagascar. Ce projet de cinq ans est destiné à assurer l'alphabé-tisation fonctionnelle dans trois zones rurales; un projet de déve-loppement économique est en cours d'exécution dans l'une deces zones avec l'aide de la PAO. Les travaux préparatoires ontété accomplis dans de très bonnes conditions et l'un des troissous-projets a presque atteint le stade opérationnel, avant mêmeque le plan d'opérations n'ait été signé.

Mali. On s'attache à introduire l'alphabétisation fonctionnelledans une zone de production de coton et de riz, ainsi que dansdes entreprises industrielles d'État situées à Bamako. Le projet,dont l'exécution a commencé en 1967, doit durer cinq ans. Lesprogrès ont été lents. Ils ont été entravés par le manque de personnelqualifié, ainsi que par certaines difficultés économiques. Les premierscours d'alphabétisation ont commencé en 1968 : en février pour lesous-projet industriel, en juillet pour le sous-projet rural. On prévoitl'ouverture prochaine de 500 centres d'alphabétisation en milieu rural.

Soudan. Il s'agit de développer en trois ans l'alphabétisationfonctionnelle dans une zone d'agriculture irriguée et dans une villeindustrielle, où les opérations seront menées avec le concoursd'entreprises locales. Dernier en date, ce projet en est à sa phasepréparatoire.

Syrie. Autre projet de trois ans qui consiste à inclure l'alphabétisa-tion dans un projet de développement agricole bénéficiant del'aide de la PAO. L'alphabétisation fonctionnelle devrait faciliterla participation effective des cultivateurs au développementéconomique de la région.

Tanzanie. Projet de cinq ans qui permettra d'introduire l'alpha-bétisation fonctionnelle dans quatre régions rurales. Les activitéssur le terrain ont commencé au début de 1968. Les cours d'alpha-bétisation sont donnés dans l'une des quatre zones pilotes depuisle mois d'août de cette année-là et dans les trois autres depuisjuin 1969. Le nombre total de ces cours est actuellement de 115.La mise au point d'un matériel d'alphabétisation fonctionnelleprogresse maintenant de manière satisfaisante. L'insuffisance dupersonnel de contrepartie fourni par le gouvernement a constituél'une des principales difficultés.

15

La mise en œuvre

Venezuela. Le gouvernement vénézuélien a lancé en 1968 unprojet d'alphabétisation fonctionnelle de cinq ans, qu'il financeintégralement. C'est la première opération de ce genre à êtreentreprise dans le cadre du Programme expérimental mondial.L'Unesco a mis au début de 1969 un spécialiste de l'évaluationà la disposition des responsables de ce projet, qui est devenuopérationnel à la fin de la même année.

Outre ces douze projejs, le Programme expérimental mondiald'alphabétisation comprend des micro-expériences de courte durée,conçues pour l'étude de problèmes particuliers tels que les méthodesd'alphabétisation, l'emploi d'auxiliaires de l'enseignement, l'utilisa-tion de moyens audio-visuels, etc., en Algérie, au Brésil, en Haute-Volta, en Inde, à la Jamaïque, au Nigeria et en Tunisie. Ces expé-riences sont financées au titre du budget ordinaire de l'Unescoainsi que par des contributions volontaires et, dans une faiblemesure, grâce aux crédits régionaux de l'Assistance technique.Si ces activités diffèrent considérablement les unes des autresquant à leurs objectifs, leur étendue et leur durée, elles n'enobéissent pas moins toutes à certains critères qui découlent àla fois du concept d'alphabétisation fonctionnelle et du soucid'une évaluation scientifique.

Parallèlement, l'idée d'alphabétisation fonctionnelle influencefortement les programmes nationaux d'alphabétisation. Un nombrede plus en plus grand de pays adoptent ce concept pour leursactivités nationales, modifiant en conséquence leurs programmesd'éducation des masses ou mettant l'accent sur l'alphabétisationdes ouvriers qui participent à des travaux déterminés ou dans deszones de développement. Quelques exemples montrent clairementcette tendance. Le gouvernement de la République démocratiquedu Congo prépare actuellement un projet en rapport avec laculture du coton et le développement de l'élevage. Au Tchad,il existe trois centres d'alphabétisation fonctionnelle - dans unebrasserie, dans une fabrique de textile et dans un centre agricole.Le Gabon prépare trois importants projets d'alphabétisationfonctionnelle - le premier dans un nouveau secteur industriel àl'intention des ouvriers des puits de pétrole et des mines de manga-nèse, d'uranium et de fer, le deuxième dans le secteur des cheminsde fer et le troisième à l'intention des femmes dans les zonesrurales. Au Niger, 9 000 adultes sont inscrits dans les centres

16

La mise en œuvre

ruraux d'alphabétisation et 2 300 participent à des « micro-projets »d'alphabétisation fonctionnelle. Le Togo envisage, pour sa part,de mettre sur pied des projets d'alphabétisation fonctionnelledans trois secteurs ruraux, afin d'accroître la production de maniocet de coton et de faciliter l'introduction de charrues et d'engraisdans une région de faible productivité. En Ouganda, on prépareun programme d'alphabétisation fonctionnelle au profit des ouvriers.En Tunisie a été récemment mis sur pied, dans une nouvelle coopé-rative agricole, un projet expérimental d'alphabétisation fonction-nelle intensive. La République arabe unie, qui applique déjà unprogramme d'alphabétisation des masses, a conçu de nouveauxprojets expérimentaux d'alphabétisation fonctionnelle en milieuagricole et en milieu industriel, intéressant 100000 travailleurs-dans quatre régions différentes. En Afghanistan, des cours d'alpha-bétisation, tant fonctionnelle que de type traditionnel, existentdepuis quelque temps. La Thaïlande, en plus de ses programmesnationaux, se prépare à lancer un projet pilote d'alphabétisationfonctionnelle dans deux districts. Au Laos, le gouvernement envisagede mettre à exécution un programme d'alphabétisation fonctionnellequi entrerait dans le cadre du plan de développement général et danscelui du projet régional de mise en valeur du delta du Mékong.

Les milieux d'affaires et les milieux financiers s'intéressent deplus en plus à l'alphabétisation fonctionnelle et à son rôle dansles projets de développement. En février 1969, à l'invitation dugouvernement italien, une table ronde réunissant des banquiers,des économistes et des chefs d'entreprise de diverses parties dumonde a été organisée à Rome par le Directeur général de l'Unesco.Les participants ont unanimement reconnu l'importance écono-mique et sociale de l'alphabétisation en tant que facteur d'accroisse-ment et de développement de la production dans l'industrie, lecommerce et l'agriculture. Ils ont recommandé que « les entreprisesindustrielles et agricoles modernes ainsi que les banques nationales,régionales ou internationales de différentes catégories et lesorganismes spécialisés consacrent une partie de leurs ressourcesà,la formation des travailleurs et des agriculteurs illettrés ». Deleur côté, de nombreuses organisations de travailleurs n'ont pasmanqué de s'intéresser très vivement au concept d'alphabétisationfonctionnelle et à sa mise en œuvre.

Enfin, il est très significatif et très encourageant que le présidentde la Banque internationale pour la reconstruction et le déve-

17

La mise en œuvre

loppement, M. Robert McNamara, dans le discours-programmequ'il a prononcé le 29 septembre 1969 devant le Conseil desgouverneurs de la Banque, ait annoncé son intention de « sepréoccuper davantage de l'alphabétisation fonctionnelle desadultes dans les pays où le nombre grandissant d'adultes illettrésconstitue un grave obstacle au développement ». Cette déclarationne confirme pas seulement le bien-fondé de l'approche adoptéepar rtlnesco. Elle laisse aussi augurer une expansion importantede l'effort international.

Il est incontestable, par conséquent, que l'idée et les méthodesde l'alphabétisation fonctionnelle sont très largement soutenueset acceptées dans l'ensemble du monde. Un intérêt croissant semanifeste en ce qui concerne les résultats obtenus grâce auxprojets liés à cette idée et à ces méthodes et l'on reconnaît de plusen plus l'importance des responsabilités incombant à ceux quisont chargés de les exécuter.

18

Les premiers résultats

II est certain que- le Programme expérimental mondial d'alpha-bétisation, considéré dans son ensemble, a déjà permis d'enre-gistrer des résultats intéressants, qu'il s'agisse d'innovations oude modifications dans les structures administratives et dansl'évaluation des projets, aussi bien que de la préparation et del'essai d'un matériel pédagogique adapté aux besoins des diversgroupes socio-professionnels.

Les projets figurant dans ce programme sont tous expérimentaux.On ne saurait trop y insister : outre leur caractère fonctionnelet leur lien étroit avec le développement, c'est en effet ce qui lesdistingue essentiellement des autres entreprises en faveur del'alphabétisation. Cet aspect expérimental se justifie d'autant plusqu'il n'existait auparavant aucun ensemble de techniques et deméthodes éprouvées où l'on aurait pu puiser; c'est dans l'actionmême que les unes et les autres doivent être élaborées, avec tousles tâtonnements que cela suppose.

On peut dès maintenant faire état d'une série d'expérimentationsoriginales et novatrices. Par exemple, dans la région irriguée deDezful, en Iran, des programmes originaux ont été préparés àl'intention des cultivateurs. Au Mali, des méthodes pédagogiquesont été élaborées pour chaque entreprise artisanale ou industrielleet, dans le secteur agricole, en rapport avec chaque type de culture.Au Nigeria, un matériel d'enseignement approprié a été mis aupoint pour les producteurs de tabac. En Tunisie, plusieurs séquencesd'alphabétisation ont été réalisées, variables selon les groupesde cultivateurs auxquels elles étaient destinées.

Ainsi, commence-t-on à disposer, pour la première fois à uneéchelle aussi large, de toute une série de programmes différenciés.C'est le cas notamment à Ispahan, où quatre programmes ont étéétablis pour le secteur industriel (textile et aciérie), deux pour le

19

REPUBLIQUE OU MALI

«

UBYA Î L I B Y A LIBYA

*»••«••«!v«ip«ny*»Mj|f» .- - jt s .-... ;*»)»»POSTES CQMBODGB ' l»a.»i-i*:':\«îgîltîil—— . »«--__——„„,._.„——„_ <«MIi,'«_J >H«*sii.<,,itî,-!-««r;-,i4rf,f»B.Ma's îAsîiAaiwA!«!

Depuis quelques années, de nombreux paysont marqué leur très grand intérêt pourl'alphabétisation par l'émission de timbres-posteconsacrés à en illustrer l'importance. Nous enreproduisons ici quelques-uns.

n ,81 GM

^ I ^Y)' ^c: i

*¥vb».

SHT£ 0F KUWAIT i .«>É=J|?_Jj

ïsHIfcKliSOT-^sMiafe.*,I . £>**', .

•'.'lll-'

' " ,™/ J'/8"^,pioi^ll?^

:. i :> ! ism**^&r';->":-ï i'yxï/l* f .*

I4li I f l A KùîH Ccnjïres M (ht Ewdlc"tii;n

.:•! lllilwac?Tétera), g. lu ïspteoiber rè&ï

••V

REPUBLIQIIE.GABONAISE

Les premiers résultats

secteur agricole, trois pour le secteur féminin ; à Dezful, où cinqprogrammes ont été élaborés pour les cultivateurs et quatre pourles femmes; au Brésil, où dans une seule usine - celle de Valedo Rio Doce - plusieurs programmes ont été mis en œuvre simulta-nément.

La seule acceptation de ce principe de différenciation représente,malgré toutes les insuffisances qu'on peut relever dans son appli-cation, un pas en avant considérable. Expérimenter un matérield'alphabétisation en tenant compte des problèmes d'actualitéconstitue en effet une pratique originale par rapport à ce qui sepassait auparavant dans les pays les plus divers : le même livret yservait souvent plus de dix ans de suite, sans qu'on imaginât mêmeque des changements étaient susceptibles d'intervenir dans lesconditions d'existence, dans la psychologie et dans les besoinsdes adultes.

L'innovation se manifeste également dans le déroulement desopérations d'alphabétisation fonctionnelle : celles-ci commencentpar l'identification des problèmes et par la reconnaissance duterrain ; le calendrier des activités pédagogiques n'est plus celuide l'année scolaire, mais correspond, en milieu industriel, aucalendrier de l'embauchage ou à celui de la fabrication, et, enmilieu rural, au cycle agricole (par exemple dans la région deSégou, au Mali, ou dans la région de Milagro, en Equateur).

On cherche également à favoriser l'emploi de stimulants financiersou professionnels pour les ouvriers qui suivent les cours d'alpha-bétisation : il arrive que le programme soit organisé en tout ouen partie, pendant les heures de travail ; des primes spéciales sontaccordées à ceux qui l'ont suivi jusqu'à son terme; on donne aces ouvriers la préférence dans la promotion verticale au seinde l'entreprise, etc.

De même commence-t-on à faire appel aux techniques les plusmodernes d'éducation et de formation : enseignement programmé(Algérie, Brésil, Nigeria), emploi de l'ordinateur pour l'étude desfréquences de syllabes et des mots du vocabulaire socio-profession-nel (Brésil), recours à la télévision (Jamaïque) et à la radio pourla formation des instructeurs (Iran).

Plusieurs types de matériel d'enseignement et de procédés ontété mis à l'essai : manuels conçus.en vue d'un programme intégrantl'alphabétisation et les connaissances agricoles; série de livretsqui se complètent; textes prévus pour servir de complément aux

22

Les premiers résultats

émissions radiophoniques; messages hebdomadaires aux adultesqui suivent des cours; pages entières de leçons insérées dansles journaux locaux. Parallèlement, les méthodes les plus variéessont utilisées pour faciliter le travail des instructeurs : manuelsspéciaux; instructions psychopédagogiques; fiches d'instructionquotidiennes; bulletins; « téléguidage » par radio.

La nouveauté du concept d'alphabétisation fonctionnelle a suscitél'intérêt des responsables du développement et des cadres tech-niques et professionnels - que ce soit dans les entreprises ouen vue de la réalisation de projets de développement agricole :pour la formation de la main-d'œuvre analphabète (par exempleà Annaba, Algérie), au sein de la Khuzistan Water and PowerAuthority (Iran), au Ministère de l'agriculture en Inde, chez lesresponsables de l'usine de Vale do Rio Doce (Brésil), dans lescoopératives de la région de Mornag (Tunisie), etc. Dès le début,il est apparu - et cela devient de plus en plus évident - qu'unprogramme d'alphabétisation fonctionnelle ne peut être mené àbonne fin si le besoin n'en est pas ressenti par les analphabètesaussi bien que par les dirigeants, s'il n'est pas inséré dans la struc-ture économique et sociale, s'il n'y a pas un rapport direct entreles initiatives qu'il impose et les nécessités professionnelles.

23

Les premiers résultats

24

Lacunes et difficultés

Bien que des efforts louables aient déjà été déployés, l'écart entreles objectifs assignés originellement au Programme expérimentalet les réalisations enregistrées jusqu'à présent est incontestable.Cet écart porte essentiellement sur les trois points suivants : retardsensible par rapport au calendrier d'opérations primitivementétabli; disproportion entre les objectifs quantitatifs des plans etle nombre d'adultes illettrés touchés jusqu'ici par le programme;insuffisance de l'expérimentation des méthodes et des matérielspar rapport aux prévisions originelles.

L'écart entre les objectifs quantitatifs des projets, tels qu'ils sontdéfinis au départ, et les résultats effectivement obtenus est siflagrant qu'il appelle des mesures énergiques soit pour rectifierles premiers, soit pour améliorer les seconds, en admettant qu'ilne faille pas modifier les uns et les autres. Mais, malgré l'importancede cet écart, le principal défaut reste l'insuffisance de l'expérimen-tation.

Comme dans toute entreprise de ce genre, le conservatisme etl'inertie se manifestent souvent. Le besoin d'alphabétiser le plusrapidement possible un nombre croissant d'adultes-constitue à lafois une évidence et l'explication de certains découragements.

A première vue, les projets expérimentaux sont frappés, dans leurconception même, d'une contradiction interne. Pour que lesrésultats de ces opérations soient probants, pour qu'on puisseêtre raisonnablement sûr que les méthodes, les techniques et lesinstruments utilisés sont susceptibles d'être employés à uneéchelle plus vaste, il est indispensable d'englober dans l'expérienceun nombre assez élevé d'analphabètes. Ceci est également néces-saire si l'on veut que son coût ne devienne pas prohibitif. C'estdire que les projets d'alphabétisation fonctionnelle doivent êtresuffisamment vastes pour que l'on puisse envisager leur généra-

25

Lacunes et difficultés

lisation, mais qu'ils doivent rester suffisamment restreints si l'onveut qu'ils ne perdent pas leur caractère expérimental.

C'est un dilemme dont il n'est pas facile de sortir. Le Programmeexpérimental n'a pas pour but d'alphabétiser un nombre élevéd'illettrés : aussi n'est-ce pas d'après ce critère qu'il doit être jugé.Mais, par ailleurs, l'expérimentation ne peut pas se dérouler .dansdes conditions d'une nature comparable à celles que l'on s'efforcede réunir dans un laboratoire. Dans le domaine des scienceshumaines, en effet, une expérience n'a de caractère probantque si elle porte sur une population suffisamment étendue. Lesobjectifs quantitatifs du programme ne doivent pas faire l'objetd'une réduction trop importante. Sinon, on risquerait de trans-former certains projets en expériences artificielles, peut-être tropcoûteuses, dont les résultats ne se prêteraient guère à une extensionet à une généralisation.

Pour sortir de cette contradiction, il convient d'examiner le pro-blème que posent les relations des projets expérimentaux avecles campagnes nationales d'alphabétisation. En effet, des campagnesd'alphabétisation de type traditionnel continuent à se déroulerdans la plupart des pays où les projets pilotes d'alphabétisationfonctionnelle sont en cours. Dans plusieurs cas (Algérie, Equateur,Ethiopie, Guinée, Madagascar, Mali, Tanzanie), l'organisme chargéde la campagne nationale est en même temps responsable duprojet pilote; parfois même, c'est la même personne que l'oncharge de la direction des deux entreprises, dont le personnel etle budget se trouvent confondus. Cet état de choses n'est passans avantage, dans la mesure où il permet de tirer parti de l'expé-rience acquise Sans l'organisation de la campagne nationale etd'utiliser pour les projets pilotes une infrastructure administrativeet financière préexistante. Il n'est pas sans danger non plus,car il risque, dans certains cas, de compromettre la spécificité etl'originalité des projets expérimentaux et de rendre plus difficilel'essai de méthodes et d'instruments véritablement fonctionnels.Or il ne faut jamais perdre de vue que l'objectif ultime du Programmeexpérimental mondial consiste justement à élaborer, puis à mettreau point des méthodes utilisables à un coût acceptable et à uneéchelle plus large, dans le cadre des programmes nationaux.

Le principal problème est celui que pose la nouveauté de la notiond'alphabétisation fonctionnelle. Les projets expérimentaux ontun caractère sélectif : ils sont directement liés, nous l'avons vu,

26

Lacunes et difficultés

aux priorités fixées dans les plans nationaux de développement,et ils concernent des groupes particuliers d'adultes dont l'analpha-bétisme entrave le développement économique et social; leurcontenu, qui associe l'alphabétisation à une formation techniqueappropriée, doit être spécialement adapté aux besoins de chaquegroupe.

Conçue comme un auxiliaire du développement, l'alphabétisationfonctionnelle doit avoir pour théâtre des zones en voie de moder-nisation, où l'existence d'un pourcentage élevé d'adultes illettrésapparaît comme un obstacle particulièrement sérieux à la réalisationde certains projets. Elle doit également s'adresser à des populationscapables de prendre conscience de ce que leurs ignorances lesempêchent de participer pleinement aux processus économiquesde production et de distribution, comme à la vie civique. Maisles études préliminaires qui avaient pour objet de permettre leschoix nécessaires n'ont pas été menées partout avec la rigueurdésirable. En conséquence, certains de ces choix devront êtreprobablement révisés.

Autre constatation : d'une manière générale, l'alphabétisationfonctionnelle ne se trouve pas suffisamment insérée dans lesstructures économiques et professionnelles. De toutes les expé-riences menées jusqu'ici dans le cadre du Programme expérimental,celles qui se sont déroulées avec la participation active des entre-prises et, de préférence, sur les lieux mêmes du travail, comptentparmi les plus réussies. L'enseignement est clair : il y a intérêtà faire prendre en charge les projets d'alphabétisation par lesorganismes de production et de commercialisation - qu'il s'agissede la programmation, de la mise en œuvre ou du financement.

Le caractère dominant de l'alphabétisation fonctionnelle est des'adresser à l'homme dans l'exercice de ses fonctions - celle deproducteur étant une des plus importantes. La pénétration dansles milieux de production est la clef de la réussite du programme.Il ne s'agit pas simplement d'une collaboration avec les diversmilieux socio-professionnels (entreprises industrielles, projets dedéveloppement, coopératives, syndicats, milieux agricoles) dansles études préparatoires et dans l'élaboration de programmes,mais de la responsabilité de ces milieux eux-mêmes dans lesopérations d'alphabétisation fonctionnelle et dans la créationd'une infrastructure appropriée (centre de formation de la main-d'œuvre au sein des entreprises, par exemple). Il est également

27

Lacunes et difficultés

important que le financement de ces programmes d'alphabétisationsoit prévu avec précision dès la planification des projets de déve-loppement dont ils devraient constituer une partie intégrante.

L'existence de différentes conceptions de l'alphabétisation fonc-tionnelle - conséquence logique du caractère nouveau de cetteméthode - ne pouvait manquer d'avoir des conséquences pratiquessur le terrain, dans la mesure où elle provoquait des divergencesd'opinion au sein des équipes d'exécution et ralentissait l'élabo-ration de programmes d'action.

La préparation des projets d'alphabétisation fonctionnelle a exigébeaucoup de temps, parce qu'il a fallu prendre en considérationles particularités des différents pays, notamment en ce qui concerneles structures administratives, la coordination, les méthodes péda-gogiques convenant aux adultes, les attitudes observées dans lesusines et chez les animateurs des programmes de dévelop-pement, etc. De façon générale, la période d'une année prévue àl'origine pour la préparation de chaque projet s'est révélée beau-coup trop courte.

Les États concernés doivent faire face à certains problèmes d'orga-nisation interne, complexes et souvent délicats, l'alphabétisationfonctionnelle intéressant plusieurs départements ministériels etune grande variété d'institutions locales. On ne dira jamais assezque l'alphabétisation fonctionnelle n'est pas seulement l'affairedes administrateurs de l'éducation. Elle est vouée à l'échec sansla participation active de l'organisme national du plan, des ministèrestechniques - notamment agriculture, industrie, santé, travauxpublics - des responsables des projets de développement, descollectivités locales. La bonne exécution des projets dépend dansune large mesure de cette participation et de son efficacité.

Pour organiser des projets d'alphabétisation fonctionnelle àobjectifs multiples, il faut introduire un grand nombre d'innovationset de changements dans les structures administratives. Indispen-sable, la coordination interministérielle demeure pourtant insuffi-sante, qu'il s'agisse de la planification des projets ou de leur miseen œuvre. Des comités spéciaux ont bien été créés afin de rendrecette coordination plus efficace, mais cela ne s'est que rarementtraduit sur le terrain par des travaux d'équipes vraiment solidaires :d'où un retard dans la mise en commun des connaissances etdes compétences techniques du personnel chargé des opérationset du personnel d'inspection.

28

Lacunes et difficultés

Lors de la mise en œuvre des projets, de multiples difficultés ontégalement surgi du fait de changements fréquents dans la situationéconomique, sociale et politique des pays intéressés, entraînantparfois des modifications dans les priorités à retenir en vue dudéveloppement, dans les motivations collectives et individuelles,dans l'engagement des milieux socio-professionnels, dans lesstructures administratives, etc.

Mais c'est à propos de l'évaluation des résultats - élémentessentiel dans un programme expérimental - qu'on s'est heurté auxobstacles les plus sérieux.

L'évaluation doit être comprise, en effet, non comme un élémentsurajouté, qui interviendrait au dernier stade des opérations, maiscomme une partie intégrante de chaque projet, permettant dele suivre tout au long de son déroulement. Elle doit par ailleurspermettre : a) de procéder à des recherches de nature à rendrepossible l'élaboration progressive des programmes de travail età ,en assurer l'amélioration continue; b) d'établir des points derepère et de rassembler ensuite, à différentes reprises, des donnéesde même nature pour identifier et mesurer les modifications inter-venues au cours des activités d'alphabétisation fonctionnelle. Unetelle méthode représente une nouveauté dans des programmes dece genre; elle crée évidemment des difficultés de caractère concep-tuel et opérationnel, mais constitue en même temps un élémentindispensable dans une action'destinée à répondre à un certainnombre de questions que les États membres se posent en vued'entreprises de large envergure.

En fait, l'évaluation devrait apparaître sous des aspects différentstout au long de la réalisation des projets. Durant la phase prépara-toire, il faut qu'elle permette d'étudier les problèmes que posel'établissement d'un programme d'action et de déterminer leschoix nécessaires. Durant la phase opérationnelle, elle doit rendrepossibles la reconsidération de tout le programme tel qu'il a étéadopté au début et la réorientation éventuelle des choix. Dans laphase terminale, elle devrait consister en une analyse des résultatsobtenus de manière à déterminer l'écart entre ces résultats et lesprévisions initiales. Or il faut bien dire que le travail d'évaluationaccompli jusqu'ici pour chaque projet ne laisse guère espérer derenseignements valables.

En ce qui concerne les études préalables nécessaires à l'élaborationdes programmes on constate que, d'une manière générale, les

29

Lacunes et difficultés

unités d'évaluatiorr ont consacré trop de temps à des travaux auxniveaux national et régional, au lieu de s'attacher d'une manièresuffisante à l'examen des communautés (communautés de travailou communautés locales) et à celui des individus. Ces travauxont été d'autant moins utiles qu'ils n'étaient pas effectués en vued'une application directe à la solution des problèmes auxquelsil fallait faire face. En d'autres termes, les études de base ontsouvent été menées sans référence adéquate à l'alphabétisation ;elles ont eu un caractère informatif, sans orientation vers un butdéfini. D'une façon générale, il semble qu'on ait méconnu le rôleque l'évaluation pouvait jouer dans la définition du programmed'action et qu'en conséquence, la démarche à suivre ait été l'objetde nombreuses hésitations.

Quant à l'évaluation des résultats, les méthodes utilisées se sontrévélées trop compliquées : d'où une dispersion des énergies etla perte de vue d'objectifs bien définis. Les études ont été tropsouvent orientées vers des problèmes sans rapport - ou n'ayantqu'un rapport éloigné - avec le contenu des programmes d'alpha-bétisation fonctionnelle. Autre observation, probablement la plusimportante : dans plusieurs projets, on n'a pas établi d'indicateursprécis, on a méconnu l'importance des indicateurs minimauxgrâce auxquels pourraient être mesurés, vers la fin des activitésopérationnelles, les résultats socio-économiques ou pédagogiquesobtenus. Le niveau des connaissances en lecture, écriture etcalcul fait heureusement exception; dans plusieurs projets, destests ont été utilisés avec succès. C'est le manque de paramètresqui constitue la faiblesse essentielle dans l'évaluation des projets;l'imprécision des objectifs et la déficience des méthodes fontqu'il a été impossible jusqu'ici d'obtenir des mesures précises etvalables.

Toutes ces difficultés et défaillances sont sérieuses et même,parfois, graves. Mais plutôt qu'une source de découragement, ellesdevraient être un stimulant pour tous les responsables, de manièreà ce qu'ils redoublent d'efforts en vue de la réussite de cette grandeentreprise.

30

Lacunes et difficultés

31

L'action à mener

De nombreux experts - qu'ils opèrent sur le plan national ou àl'échelle internationale - ont été consultés par l'Unesco surl'orientation à donner au programme, tant pour l'action immédiateque pour l'avenir. On trouvera dans les pages qui suivent un aperçude leurs recommandations.

Dans l'immédiat

1. Analyse et révision des plans d'opérations

Les recommandations portent notamment sur les points suivants :a. Choix des zones d'action. La priorité absolue doit être

accordée aux projets d'alphabétisation reliés à des effortsconscients et soutenus en faveur du développement social,politique et économique au niveau national, régional ou local; ilconvient donc de tenir compte à la fois des besoins de l'économieet de la motivation des populations en cause ainsi que de l'intérêteffectif des responsables de l'administration et de l'économie.

b. Définition des objectifs sur le plan quantitatif. Ceux-cidoivent être révisés dans un esprit réaliste, en tenant compte àla fois de la priorité accordée à l'aspect qualitatif des projetset de la dimension suffisante qu'il leur faut avoir si l'on veutque l'expérience puisse être généralisée par la suite d'unemanière efficace.

c. Calendrier de l'action. La durée totale de chaque projet etde ses différentes étapes doit être également révisée en accor-dant une attention particulière à la longueur de la périodepréparatoire nécessaire pour la formation des cadres et la miseen place des structures.

32

L'action à mener

2. Renforcement de l'identité des projets expérimentaux

Les principes suivants doivent être appliqués :a. Il faut que les projets soient dotés de structures administratives

et financières propres à assurer l'efficacité et la rapidité del'action, à plus forte raison lorsqu'ils relèvent de plusieursdépartements ministériels. Autrement dit, l'autorité de l'orga-nisme administratif dont dépend chaque projet doit être renforcéeet la part de responsabilités (techniques et financières) incombantà d'autres organismes nationaux et locaux doit être clairementdéfinie.

b. Les projets doivent être dotés de ressources financières nette-ment précisées et, si ce financement ne provient pas d'uneseule source, la gestion doit en être confiée à un organismeunique à attributions bien déterminées.

c. Les projets pilotes d'alphabétisation fonctionnelle doiventgarder la nature propre à des projets expérimentaux, afin defavoriser l'innovation et la recherche et de faciliter la mesureet l'évaluation de leurs résultats.

d. L'autonomie administrative et financière accordée aux projetsne doit pas avoir pour effet de les isoler de la réalité nationaleet d'empêcher l'association à leur réalisation des diversorganismes et institutions qui peuvent y être intéressés;l'action entreprise doit avoir un effet durable, en exerçantune réelle influence tant sur les programmes nationauxd'alphabétisation que sur les planificateurs qui déterminentla part de l'alphabétisation dans les programmes de déve-loppement.

3. Renforcement de la corrélation entre les projets expérimentauxet les programmes nationaux d'alphabétisation

Ce renforcement doit se faire de manière que les programmesnationaux d'alphabétisation bénéficient aussi largement quepossible de l'expérience acquise dans le cadre du Programmeexpérimental. Les équipes chargées des projets expérimentauxdevraient apporter une contribution technique aux campagnesnationales, en tenant compte de tous les problèmes qui se posentdans le cadre de ces campagnes et, notamment, des aspectsfinanciers inhérents à l'alphabétisation de masse.

33

Les affiches sont l'un des principauxmoyens de sensibilisation del'opinion publique en faveurde l'alphabétisation.

de la ÂlfdËetj|acidiî |

L'action à mener

4. Association plus étroite des milieux socio-professionnels(entreprises, syndicats, coopératives, etc.) aux projetsd'alphabétisation fonctionnelle

Cette association doit non seulement être établie sous la formed'une collaboration aux études préparatoires et à l'établissementdes programmes, mais aussi en vue d'une véritable prise en chargede l'alphabétisation fonctionnelle par les milieux socio-profession-nels aux différents stades des opérations : préparation, exécution,évaluation des projets et de leur financement.

5. Renforcement du caractère expérimental des projets

II convient, en effet, de ne jamais oublier que leur objectif essentielest de permettre et de favoriser la découverte, la mise aupoint et l'évaluation de méthodes d'approche, de techniqueset d'instruments nouveaux propres à faciliter l'intégration del'alphabétisation et des autres facteurs entrant en jeu dans laformation des travailleurs, de manière à élever le niveau de leursconnaissances et celui de leurs qualifications socio-profession-nelles et à accroître, par-là même, leur productivité. En consé-quence :a. Il faut augmenter le ' nombre d'expériences différenciées au

sein des projets expérimentaux, ainsi que le nombre de variantespossibles - qu'il s'agisse du contenu des programmes, desméthodes, de l'utilisation des divers types de matériel pédago-gique et des moyens audio-visuels, de l'organisation desprojets, des méthodes de formation du personnel nécessaire,de l'emploi de cadres d'origines socio-professionnelles diffé-rentes, etc.

b. Chaque projet doit correspondre à des objectifs précis : prépa-ration de manuels et d'un matériel didactique; formation dupersonnel à tous les niveaux; établissement de centres spéciauxd'alphabétisation utilisant les méthodes en cours d'expérimen-tation et pouvant servir d'exemples en même temps que donnerune impulsion à l'ensemble du projet.

c. Chaque projet doit permettre la production, aussi rapide quepossible, d'un nombre croissant de manuels et d'un matérielaudio-visuel en rapport avec les préoccupations et les besoinsdes groupes auxquels ils sont destinés.

36

L'action à mener

6. Formation des cadres

La formation des cadres nécessaires à la mise en œuvre des projetsexpérimentaux devrait être sensiblement améliorée :a. Les responsables de chaque projet doivent considérer la forma-

tion des cadres comme une de leurs activités les plus impor-tantes.

b. Afin de renforcer, et d'améliorer les programmes de formation,il convient d'avoir recours, dans toute la mesure du possible, àdes équipes itinérantes d'éducateurs spécialisés.

c. Les crédits prévus pour les bourses d'études doivent pouvoirêtre utilisés, dans la mesure des besoins, pour le financementdes programmes de formation sur place,'à tous les niveaux.

d. Il conviendrait de favoriser, à des fins de formation, des échangesréguliers de personnel entre les projets et d'étudier la possibilitéd'utiliser certains de ceux-ci comme « projets écoles ».

7. Accomplissement plus rigoureux des tâches d'évaluation

II doit être envisagé dans une double perspective : procéder, d'unepart, à des recherches axées sur l'action, de manière à faciliterl'élaboration des programmes et leur adaptation constante; établir,d'autre part, des points de repère et rassembler les données néces-saires de manière à identifier et à mesurer les changements pro-voqués par les programmes d'alphabétisation fonctionnelle. Dansce but, il est nécessaire d'intégrer davantage les unités d'évaluationaux équipes de chaque projet, afin que tous les membres de ceséquipes puissent se considérer comme directement intéressés parl'évaluation et puissent y participer pleinement.

8. Diffusion plus systématique des résultats des meilleuresexpériences à l'intention d'un nombre croissant decentres d'alphabétisation

Cette diffusion serait notamment assurée :a. Par des « centres spéciaux » ou « centres d'excellence » appelés

à expérimenter le nouveau matériel pédagogique et, plus géné-ralement, à servir d'exemples et à donner de l'impulsion à toutun projet. Ces centres devraient bénéficier des services desmeilleurs instructeurs disponibles - certains d'entre eux étantemployés à temps complet - et feraient l'objet d'un contrôle

37

L'action à mener

attentif de la part de l'équipe directrice. Les travaux effectuésdans les « centres d'excellence » favoriseraient ainsi l'emploide meilleures méthodes. En d'autres termes, ces noyauxd'instructeurs mettraient les programmes d'alphabétisationfonctionnelle en application et en assureraient la propagationen vue de leur utilisation, de proche en proche, par les différentsservices responsables des campagnes nationales d'alphabétisa-tion faites jusqu'à présent en recourant aux méthodes d'en-seignement traditionnelles.

b. Par l'utilisation de la radio pour le « téléguidage » continu.A mesure qu'un projet d'alphabétisation fonctionnelle prendde l'extension, il devient pratiquement impossible à l'équipecentrale responsable d'assurer directement la formation et leperfectionnement des instructeurs. Force est d'imaginer et demettre en œuvre des systèmes de « téléguidage » par la radio(ou la télévision) en utilisant deux formules différentes :d'une part, une série d'émissions qui permettraient à l'équipecentrale de guider au jour le jour des centaines de moniteursen leur transmettant les informations et directives pédagogiqueset techniques nécessaires; d'autre part, le « téléguidage » directdu groupe (instructeurs et travailleurs analphabètes) suivantdifférentes techniques. Les projets expérimentaux doiventutiliser, sur une échelle plus large et d'une manière plus efficace,les moyens audio-visuels et les moyens de grande communica-tion. Il faut dépasser le stade de l'utilisation de ces moyens pourdes fins d'information et d'animation du public et y recourirpour l'alphabétisation fonctionnelle au sens propre, pourl'apprentissage de la lecture et de l'écriture, pour la diffusiondes connaissances et des techniques.

9. Établissement et développement d'échanges constantsd'informations

Ces échanges d'informations devraient être établis sous la formede documents, de monographies et d'un matériel imprimé etaudio-visuel, afin de permettre une meilleure comparaison desdiverses expériences. La documentation rassemblée et les résultatsobtenus dans le cadre du Programme expérimental de l'Unescoainsi que par les diverses associations et institutions qui se livrentdans le monde entier à des activités ou recherches en matière

38

L'action à mener

d'alphabétisation - fonctionnelle ou pas - et à la formation desadultes analphabètes et semi-analphabètes devraient égalementfaire l'objet d'une plus large diffusion.

Pour l'avenir

Les projets existants devront être développés, tant sur le planqualitatif que sur le plan quantitatif. Mais ceci ne suffit pas. L'expé-rience acquise dans le cadre du Programme expérimental peuten effet servir dans un très grand nombre de cas. Ce programmerecouvre, en effet, une grande variété de situations, puisqu'il estappliqué dans des pays où les opérations de développement ainsique les régimes socio-politiques et économiques diffèrent consi-dérablement les uns des autres et qu'il comprend des projetsvenant se greffer sur des entreprises de développement très diverses(par exemple, l'aménagement des structures socio-économiques,la modernisation des structures agricoles, le développement dusecteur industriel). Pour que cette riche expérience puisse êtrepleinement utilisée, il conviendrait que les projets s'ouvrent leplus largement possible sur le monde extérieur.

39