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MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE 44 TRAFIC AÉRIEN D ans cette évolution, le trans- port aérien joue un rôle capi- tal, et sa progression régu- lière résiste à toutes les crises : environ 5 % d’augmentation du trafic pas- sager chaque année pour l’Europe, et de l’ordre de 10 % pour la région Asie-Pacifique. Pour l’Europe, cela se traduit par un doublement de capa- cité sur quinze ans, et pour l’Asie, c’est plutôt un doublement sur huit ans ; ceci représente un énorme défi en particulier pour la zone à haute densité, délimitée par Londres – Amsterdam – Francfort – Paris, qui va progressivement s’étendre vers le sud. C’est un défi en termes de capa- cité et performances, de sûreté de fonctionnement des systèmes et de sécurité des vols et, également, en termes de compétition et de coûts pour les compagnies aériennes et pour les passagers. À cela, il faut ajouter la sensibi- lité du public aux problèmes de l’en- vironnement, et donc la difficulté d’extension ou de création d’aéro- ports en Europe, même si les niveaux de pollution et de bruit des avions ont été considérablement réduits depuis quinze ans. C’est dans ce contexte exigeant qu’Airsys ATM, l’un des trois leaders mondiaux du domaine, prépare une nouvelle génération de systèmes CNS/ATM, c’est-à-dire de systèmes de communication, navigation, sur- veillance et leur exploitation à travers les systèmes ATM de gestion du tra- fic aérien. Une nouvelle génération ! Pourquoi ? Une nouvelle génération de sys- tèmes, qui s’appuient sur de nouveaux concepts... pourquoi ? Passage à l’an 2000 ! Une grande question et un défi pour le monde de l’informatique, un enjeu de taille également pour une planète qui sort de sa quiétude et qui ressemble de plus en plus à un village en ébullition, où chacun s’active et se déplace pour le travail, pour les loisirs ou tout simplement pour se rencontrer. © AIRSYS ATM De nouveaux systèmes CNS/ATM un enjeu de taille François Lureau (63), président d’Airsys ATM Singapour, centre de contrôle du trafic aérien. De nouveaux systèmes CNS/ATM, un enjeu de taille François LUREAU (63), président d’Airsys ATM

De nouveaux systèmes CNS/ATM enjeu

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MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE44

T R A F I C A É R I E N

Dans cette évolution, le trans-port aérien joue un rôle capi-tal, et sa progression régu-

lière résiste à toutes les crises : environ5 % d’augmentation du trafic pas-sager chaque année pour l’Europe,et de l’ordre de 10% pour la régionAsie-Pacifique. Pour l’Europe, cela setraduit par un doublement de capa-cité sur quinze ans, et pour l’Asie,c’est plutôt un doublement sur huitans ; ceci représente un énorme défien particulier pour la zone à hautedensité, délimitée par Londres –Amsterdam – Francfort – Paris, quiva progressivement s’étendre vers lesud.

C’est un défi en termes de capa-cité et performances, de sûreté defonctionnement des systèmes et desécurité des vols et, également, entermes de compétition et de coûtspour les compagnies aériennes etpour les passagers.

À cela, il faut ajouter la sensibi-lité du public aux problèmes de l’en-vironnement, et donc la difficultéd’extension ou de création d’aéro-ports en Europe, même si les niveauxde pollution et de bruit des avionsont été considérablement réduitsdepuis quinze ans.

C’est dans ce contexte exigeantqu’Airsys ATM, l’un des trois leadersmondiaux du domaine, prépare unenouvelle génération de systèmesCNS/ATM, c’est-à-dire de systèmesde communication, navigation, sur-veillance et leur exploitation à traversles systèmes ATM de gestion du tra-fic aérien.

Une nouvellegénération ! Pourquoi ?Une nouvelle génération de sys-

tèmes, qui s’appuient sur de nouveauxconcepts... pourquoi ?

Passage à l’an 2000 ! Unegrande question et un défi pourle monde de l’informatique, unenjeu de taille également pourune planète qui sort de saquiétude et qui ressemble deplus en plus à un village enébullition, où chacun s’active etse déplace pour le travail, pourles loisirs ou tout simplementpour se rencontrer.

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De nouveaux systèmes CNS/ATMun enjeu de taille

François Lureau (63),président d’Airsys ATM

Singapour, centre de contrôle du trafic aérien.

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François LUREAU (63), président d’Airsys ATM

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Eh bien, tout simplement parceque la génération actuelle ne per-mettra pas de répondre à la demandede doublement de capacité et auxnouveaux besoins des compagnies detransport aérien.

Tout en conservant la même sécu-rité des vols, il va falloir réduire ladistance de séparation des avionsen vol, sortir des routes aériennestraditionnelles définies par les balisesde radionavigation, multiplier lescouloirs aériens, suivre les avionsavec plus de précision, les identifieren toute certitude, planifier les volsen faisant abstraction des secteursde contrôle et des frontières desÉtats, donc des systèmes nationaux,prévoir et résoudre les conflits detrajectoires bien plus tôt qu’aujour-d’hui, permettre des changementsde routes faciles, et prendre les déci-sions en collaboration avec les dif-férents acteurs : contrôleurs, pilotes,compagnies aériennes, autorités aéro-portuaires...

Bref, il s’agit d’une évolutionmajeure, dont l’enjeu est la véritableconquête et la maîtrise de l’espaceaérien, depuis l’aéroport et son envi-ronnement immédiat, jusqu’à l’es-pace “en route”, qui mène aux aéro-ports plus lointains.

De nouvellestechnologies en vue

Dans ce contexte exigeant, dessolutions sont envisageables grâceaux progrès des télécommunica-tions, des techniques satellitaires etde la puissance informatique quipeut se diffuser dans tous les sys-tèmes et équipements, et leur insuf-fler toujours plus de puissance et“ d’intelligence ”.

Le concept qui s’impose, c’est lemaillage informatique entre le sol etle bord, c’est-à-dire entre les avions,les centres de contrôle du trafic, lesaéroports et les centres d’opérationdes compagnies aériennes, sansoublier les hommes (pilotes et contrô-leurs), qui restent et resteront pourlongtemps des maillons décisifs dansla boucle de surveillance, de plani-fication et de contrôle du trafic aérien.

Trois axes de progrèsDans ce contexte, des progrès signi-

ficatifs sont en vue, dans chacun desdomaines : C, N, S et ATM et nous ytravaillons dans un cadre non seule-ment européen, mais aussi mondial,car l’idée de développer un FANS(Future Air Navigation System) a étéadoptée par l’Organisation de l’avia-tion civile internationale (OACI) dès1983. Cependant, sa mise en placese fait sur une base régionale, en par-tant de situations et d’infrastructuresdifférentes mais avec les mêmes typesd’avions, pouvant voler partout dansle monde et devant s’intégrer dansdes chaînes CNS/ATM similaires etinteropérables. En Europe, laConférence européenne de l’Aviationcivile (36 pays) a lancé, dès 1990, leprogramme EATCHIP d’harmonisa-tion des systèmes, qui verra son achè-vement en l’an 2000 ; le programmeEATMS, basé sur les nouveauxconcepts, prendra ensuite le relaisjusqu’à l’horizon 2015.

Toute l’Europe y travaille, sous lacoordination d’Eurocontrol et avec lesupport de la Commission européenne,en particulier pour les programmes-cadres de recherche et développe-ment et aussi grâce aux programmesde soutien au développement deréseaux transeuropéens (TEN).

Une meilleuresurveillancePour la surveillance continentale,

le radar primaire reste l’outil néces-saire dans la zone d’approche desaéroports et notre nouvelle généra-tion de radars, le STAR 2000, béné-ficie des progrès technologiques enmatière de traitement de signal.Cependant, le progrès le plus signifi-catif est lié au développement du radarsecondaire mode S et le premier pro-gramme pré-opérationnel (POEMS)a été lancé par Eurocontrol avec lesupport de l’Allemagne, la Belgique,la France, la Hollande et le Royaume-Uni.

Le Mode S (Sélectif) autorise uneidentification unique de chaque aéro-nef par un code particulier (plus de16 millions d’adresses disponibles),

il permet de retransmettre au sol lesdonnées de vol des avions grâce à laSurveillance enrichie, et il assure lacommunication entre sol et bord parliaison de données des messages gérésautomatiquement. Il permet la miseen réseau des interrogateurs au solassurant ainsi une optimisation dusuivi du vol de l’avion.

Le Mode S présente une continuitéde service avec les systèmes actuelset offre ainsi des éléments uniques desécurité et d’amélioration de la ges-tion du trafic aérien.

Pour les zones à faible densité detrafic, zones océaniques ou zonesdésertiques, la solution FANS quis’impose, c’est l’utilisation de laSurveillance dépendante automatique(ADS), qui permet de communiquerautomatiquement au sol la positionde l’avion (issue de la centrale inertielleou calculée par satellites GPS) maisaussi son plan de vol et des donnéesspécifiques locales, captées par l’avion,telles que les données météorolo-giques. Ceci, évidemment, supposeun moyen de communication qui peutêtre, par exemple, le satellite ou lestechniques radio VHF.

Une révolutiondans la navigationPour la navigation, c’est évidem-

ment l’avènement du satellite quiouvre le plus de perspectives de chan-gements. Les Systèmes GNSS de navi-gation par satellite (Global navigationsatellite system) s’appuient sur desconstellations de satellites lancés pourdes applications militaires ; ce sontles GPS américains et GLONASS russes,des constellations de 24 satellites, quigravitent autour de la Terre et per-mettent à chaque instant de se repé-rer par triangulation. Ces systèmesont d’abord été lancés à des fins mili-taires, pour servir aux positionne-ments relatifs des unités militaires enopération.

Ils ne répondent pas forcémentaux exigences de la navigation aérienneen termes de précision, de couver-ture de service et d’intégrité, et néces-sitent donc des compléments utili-sant notamment des stations decorrections différentielles au sol, des

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moyens de communication et deséquipements de bord. Ces complé-ments en cours d’étude s’appellentWAAS aux États-Unis, MSAS au Japonet EGNOS en Europe. Ce sont dessystèmes à l’échelle d’un continentqui couvrent la plupart des besoinsde navigation, à l’exception de l’ap-proche de grande précision. Dans cecas, des compléments locaux (LADGPS)s’avèrent nécessaires pour satisfaireles exigences d’approche de précisiondes catégories II ou III.

EGNOS (European GeostationaryOverlay Service), le projet européen,a été lancé par l’Agence spatiale euro-péenne en 1994 ; il s’appuie sur lesdeux systèmes GPS et GLONASS,

d’une part pour améliorer les perfor-mances globales et, d’autre part, pourréduire le facteur de dépendance parrapport à un seul système.

De plus, EGNOS s’appuie surdeux satellites géostationnaires decommunications INMARSAT III, quicouvrent l’ensemble de l’Europe etses approches. Ces satellites, équi-pés de transpondeurs, vont relayerdes signaux de mesure de distances,de corrections différentielles et d’in-tégrité vers les utilisateurs équipés derécepteurs EGNOS, ces utilisateurspourront être du domaine aérien,maritime ou terrestre.

Le déploiement d’EGNOS est prévupar étape avec notamment, en l’an 2000,

la fourniture d’une première grandecapacité opérationnelle (AOC).

Dans sa version finale (FOC),EGNOS fournira des performancesde navigation complète, allant jus-qu’à 350 pieds de précision en approcheet assurant un niveau “ CAT 1 ” pourl’atterrissage des avions.

L’élément décisif :le maillageDans le domaine des communi-

cations et de leurs applications aéro-nautiques, c’est là que se situe un élé-ment clé pour la mise en place desnouveaux concepts : cette approcheest indispensable parce que, aujour-d’hui, trop d’échanges sont réalisés àla voix ce qui induit une grande pertede temps dans la coordination, y com-pris pour des tâches de routine, quipeuvent parfaitement être prises encompte par l’informatique. Par ailleurs,l’automatisation des échanges entreles calculateurs de bord de l’avion etles différents composants au sol doitpermettre l’amélioration de la navi-gation, une plus grande souplessedans la planification et la gestion desvols, une meilleure connaissancemutuelle de la situation aérienne etdes intentions d’évolution. C’est doncla base nécessaire pour une meilleureoccupation de l’espace aérien et éga-lement pour la rationalisation du coûtdes opérations.

Le système futur, “ l’AeronauticalTelecommunication Network” (ATN),est basé sur une infrastructure adap-tée aux besoins spécifiques de l’aéro-nautique en termes de performances,qualité de services et intégrité néces-saires à la sécurité des activités aériennes.

Le réseau “ sol-sol ” est constituéd’un réseau AFTN/CIDIN (AeronauticalFixed Telecommunication Network/Common ICAO Data InterchangeNetwork), de réseaux spécifiques descompagnies aériennes et de réseauxprivés.

Le réseau air-sol s’appuie sur dif-férents types de sous-réseaux pos-sibles, à savoir, les radios VHF et HF,les satellites de communications et leradar Mode S. La partie aéroportéecomprend essentiellement les unitésde gestion des communications (CMU)

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Vilnius, Lituanie, radar primaired’approche TA 10 MTDavec radar secondaire RMS 970.

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et les bus de transfert de ces données.L’interconnexion avec le monde exté-rieur des communications s’effectueraà travers des passerelles spécifiques.

Le travail de recherche et déve-loppement de l’ATN a commencé dès1990 en Europe et des essais et expé-rimentations ont été lancés avec l’aidede la Commission européenne,d’Eurocontrol et de quelques admi-nistrations-pilotes. On peut citernotamment les projets “ Trial ATNRouters” (TAR) et “Trials End System”(TES), PETAL, PHARE, ADS Europeet EOLIA pour des expérimentationsaéroportées.

Un réseau-prototype est actuelle-ment en cours de déploiement enEurope à travers le projet “Pro-ATN”et ses différents sites de validation àBannemouth (GB), Langen (Allemagne),Amsterdam, Toulouse et Paris.

Le projet EOLIA, qui traite essen-tiellement des applications aéronau-tiques, sera couplé à Pro-ATN et don-nera lieu notamment à de nombreusesdémonstrations en 1999, à l’occasiondu Salon aéronautique du Bourget.La réalisation du réseau ATN est doncbien avancée et elle donne lieu à denombreuses coopérations transatlan-tiques.

La décision de déploiement resteà prendre mais la plupart des élé-ments nécessaires au puzzle sontdésormais en place.

L’exploitation au sol...ou à bord?Fort d’une infrastructure CNS

puissamment renforcée, le mondede l’aéronautique est désormais enmesure d’améliorer radicalement l’ex-ploitation avec, en particulier, l’ob-jectif de doubler la capacité, de réduirele risque d’accidents et de réduirebien sûr les coûts. L’ensemble de cetravail reste fortement organisé autourdes contrôleurs, des pilotes, des opé-rateurs des compagnies aériennes etdes aéroports.

Par conséquent, l’interface homme-machine reste un élément-clé desperformances et de la sécurité desvols.

Un travail important est actuel-lement en cours de développementet de validation pour l’aide aux contrô-leurs ; il s’agit de systèmes de pré-diction et de négociation de trajectoires,de prédiction et d’aide à la résolu-tion de conflits, de systèmes d’aideà la décision pour les contrôleurs, detri et de présentation des informa-tions pertinentes.

De plus, un gros travail est en pré-paration pour la réalisation de nou-veaux systèmes de traitement desplans de vol. Il s’agit notamment derénover les architectures pour pré-parer les nombreuses évolutions pré-visibles dans les vingt années à venir.

Il s’agit aussi d’organiser letravail de planification, nonplus au niveau d’un ou deuxsecteurs de contrôle, maisplutôt au niveau de l’Europe,ceci devant permettre de ratio-naliser les opérations de trans-fert de responsabilité et delimiter les conflits en les anti-cipant au maximum.

Par ailleurs, on peut ima-giner, dans un avenir pluslointain, un certain transfertde responsabilité dans la réso-lution des conflits et le choixdes trajectoires, vers l’avion.Ceci sera techniquement pos-sible grâce à l’ATN, mais àcondition de ne pas devoirrajouter un siège de contrô-leur auprès du pilote !...

Une volonté pourun résultat globalVoici quelques grandes lignes d’ac-

tion pour un industriel comme AirsysATM, qui s’efforce de fédérer les éner-gies de l’industrie européenne et relèvele défi de la compétition mondiale,essentiellement représentée par deuxgrands industriels américains.

Ceci nous oblige à investir et ànous impliquer dans la plupart desaxes de recherches, car ce que nosclients attendent de plus en plus, c’estun service clé en main pour l’ensemblede la chaîne CNS-ATM, un serviceoù les hommes et les machines onttrouvé leurs places dans la boucle etoù ils collaborent harmonieusementet efficacement, et permettent ainsid’atteindre les performances globalesattendues.

Les solutions sont en vue, maisdes décisions pertinentes sont à prendrerapidement et elles exigent les outilsde décision collective que sont les pla-teformes de validation et de démons-tration pré-opérationnelle. Ces outilsse mettent en place progressivement.

Ainsi, avec la volonté des hommes,un new deal est possible pour le déve-loppement du transport aérien.

C’est une condition nécessaire pourun nouveau progrès dans l’histoirede l’humanité. n

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