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UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT (PARIS 7) ÉCOLE DOCTORALE DE PARIS CENTRE THÈSE DE DOCTORAT Discipline : Mathématiques présentée par Max REMPEL Positivité des cycles dans les variétés algébriques dirigée par Olivier DEBARRE Soutenue le 28 septembre 2012 devant le jury composé de : Samuel BOISSIÈRE Université Poitiers Rapporteur Sébastien BOUCKSOM Université Paris VI Examinateur Olivier DEBARRE École Normale Supérieure Directeur de thèse Stéphane DRUEL Université Grenoble I Examinateur Daniel HUYBRECHTS Universität Bonn Rapporteur Alessandra SARTI Université Poitiers Examinateur Claire VOISIN Université Paris VI Examinateur

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UNIVERSITÉ PARIS DIDEROT (PARIS 7)

ÉCOLE DOCTORALE DE PARIS CENTRE

THÈSE DE DOCTORAT

Discipline : Mathématiques

présentée par

Max REMPEL

Positivité des cycles dansles variétés algébriques

dirigée par Olivier DEBARRE

Soutenue le 28 septembre 2012 devant le jury composé de :

Samuel BOISSIÈRE Université Poitiers RapporteurSébastien BOUCKSOM Université Paris VI ExaminateurOlivier DEBARRE École Normale Supérieure Directeur de thèseStéphane DRUEL Université Grenoble I ExaminateurDaniel HUYBRECHTS Universität Bonn RapporteurAlessandra SARTI Université Poitiers ExaminateurClaire VOISIN Université Paris VI Examinateur

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier chaleureusement mon directeur de thèse, OlivierDebarre, sans qui ce travail n’aurait jamais vu le jour. Pendant quatre ans il a sume guider avec son enthousiasme et ses nombreux conseils. Je le remercie pour sadisponibilité, ses encouragements et pour sa grande patience.

Je remercie également Samuel Boissière et Daniel Huybrechts pour avoir acceptéd’être rapporteurs de cette thèse et pour l’attention qu’ils ont portée à mon travail.

Mes remerciements vont aussi à Sébastien Boucksom, Stéphane Druel, Alessan-dra Sarti et Claire Voisin qui ont accepté de faire partie du jury de cette thèse.

Pour la préparation de cette thèse, j’ai eu la chance de travailler au DMA del’ENS. Je tiens à remercier toute l’équipe du DMA et en particulier mes collèguesdu “toit“ pour l’ambiance chaleureuse pendant ces quatre ans.

Ma gratitude va aussi à mes amis avec qui j’ai partagé des bons moments pendantmes études à Francfort, Amiens et Strasbourg.

Je remercie ma famille pour son soutien constant sans lequel cette thèse n’auraitpas été possible.

Enfin, j’exprime toute ma gratitude à Kira pour son soutien et sa patiencependant ces dernières années.

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Table des matières

1 Introduction 7

1.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.2 Résultats principaux et plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.2.1 La puissance d’une variété abélienne . . . . . . . . . . . . . . 81.2.2 La variété de Fano d’une cubique . . . . . . . . . . . . . . . . 101.2.3 Produit d’une courbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

2 La puissance d’une variété abélienne 14

2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142.2 La structure de l’algèbre N•(Ae) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

2.2.1 Le groupe de Hodge d’une variété abélienne . . . . . . . . . . 162.2.2 Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abélienne . . 172.2.3 Générateurs et relations pour les classes de Hodge . . . . . . 18

2.2.3.1 Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson 182.2.3.2 Générateurs explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

2.2.4 Le cas A×A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.3 Classes positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

2.3.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262.3.1.1 Notions de positivité sur une variété abélienne . . . 262.3.1.2 Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson . . . . 282.3.1.3 Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin . 29

2.3.2 Le cône Sk Psef1(Ae) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2.3.2.1 Diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . . . . . . . . 312.3.2.2 Produits de diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . 31

2.3.3 Le cône semipositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332.3.3.1 Décomposition des formes hermitiennes . . . . . . . 342.3.3.2 Spéctraèdres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362.3.3.3 Le cas A×A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.3.4 Comparaison des cônes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422.3.4.1 Classes pseudoeffectives et classes semipositives . . 422.3.4.2 Classes numériquement effectives et classes pseudoef-

fectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

3 La variété de Fano d’une cubique 50

3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503.2 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

3.2.1 Variétés hyperkählériennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 523.2.2 Les conjectures de Hassett et Tschinkel . . . . . . . . . . . . 53

3.2.2.1 Le cône des diviseurs pseudoeffectifs . . . . . . . . . 533.2.2.2 Le cône des 1-cycles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 543.2.2.3 Le cône des classes de diviseurs nefs . . . . . . . . . 55

3.2.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

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TABLE DES MATIÈRES 6

3.3 La variété des droites d’une cubique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 573.3.1 Les résultats de Beauville et Donagi . . . . . . . . . . . . . . 57

3.3.1.1 La variété de Fano comme déformation d’un schémade Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

3.3.1.2 L’application d’Abel-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . 583.3.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . . . . . . . 59

3.3.2.1 Cubiques spéciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593.3.2.2 Classes algébriques sur la variété de Fano . . . . . . 60

3.3.3 Classification des droites et un endomorphisme rationnel . . . 613.3.3.1 Classification des droites . . . . . . . . . . . . . . . 613.3.3.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . . 62

3.4 Classes positives de codimension 1 et 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 633.4.1 Cubiques générales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

3.4.1.1 Classes induites par la Grassmannienne et la faceisotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

3.4.1.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin . . . . . . . . 653.4.1.3 Restrictions sur Psef2(F ) . . . . . . . . . . . . . . . 67

3.4.2 Cubiques contenant un plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 693.4.2.1 Les diviseurs DP et DQ . . . . . . . . . . . . . . . . 693.4.2.2 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . . 723.4.2.3 Géométrie birationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . 733.4.2.4 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . . 753.4.2.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

3.4.3 Cubiques contenant un scroll cubique . . . . . . . . . . . . . 783.4.3.1 Les résultats de Hassett et Tschinkel . . . . . . . . . 793.4.3.2 Automorphismes de F . . . . . . . . . . . . . . . . . 823.4.3.3 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

3.4.4 Cubiques pfaffiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 853.4.4.1 Le schéma de Hilbert S[2] . . . . . . . . . . . . . . . 863.4.4.2 L’isomorphisme de Beauville et Donagi . . . . . . . 873.4.4.3 Classes nefs et classes de courbes . . . . . . . . . . . 873.4.4.4 Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle . 883.4.4.5 La face isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

4 Produit d’une courbe 91

4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914.1.1 Une question de Kollár . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914.1.2 La méthode de Vojta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

4.2 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 944.3 Classes symétriques sur X ×X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

4.3.1 Le produit symétrique d’une courbe . . . . . . . . . . . . . . 954.3.2 Classes nefs symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

4.4 Construction de classes nefs d’après Vojta . . . . . . . . . . . . . . . 974.4.1 Restrictions pour le cône pseudoeffectif . . . . . . . . . . . . 974.4.2 Une section affine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1004.4.3 Classes nefs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1014.4.4 Représentation des classes nefs dans la section affine . . . . . 102

5 Bibliographie 106

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1. Introduction

Cette introduction est composée de deux parties. Dans la première partie, ondonne une motivation des problèmes traités dans cette thèse et dans la deuxièmepartie, on présente les résultats principaux obtenus chapitre par chapitre.

1.1 Motivation

Soit X une variété algébrique complexe projective de dimension n et posons

NkZ(X) := Hk,k(X,C) ∩H2k(X,Z)

etNk(X) := Nk

Z(X)⊗ Rpour k ∈ 0, . . . , n. Dans les cas qui nous intéressent, la conjecture de Hodgeest vraie et équivalence numérique coïncide avec équivalence homologique, de sorteque l’on peut voir Nk(X) comme le R-espace vectoriel engendré par les classesnumériques des sous-variétés de X . On définit différentes notions de positivité quidonnent chacunes lieu à un cône convexe saillant dans Nk(X).

Définition 1.1.0.1. Une classe β ∈ Nk(X) est dite effective s’il existe des sous-variétés Zi de X de codimension k telles que β =

∑mi=1 ai[Zi] avec ai ∈ R+. Le cône

des classes effectives est noté Effk(X). On définit le cône des classes pseudoeffec-tives Psefk(X) ⊂ Nk(X) comme l’adhérence du cône Effk(X). Le cône des classesnumériquement effectives (nefs) Nefn−k(X) ⊂ Nn−k(X) est défini comme dual ducône Psefk(X) par rapport au produit d’intersection. Une classe dans l’intérieur dePsefk(X) est dite big. Les notions effectif, pseudoeffectif et nef sont des notions depositivité.

Pour étudier des cônes dans Nk(X), on a d’abord besoin de résoudre le problèmesuivant.

Problème 1. Déterminer la dimension et des générateurs du R-espace vectorielNk(X).

Parfois, il est plus facile de regarder la dimension au lieu de la codimension descycles ; dans ce cas, on écrit Nk(X) := Nn−k(X), Psefk(X) := Psefn−k(X), etc.pour k ∈ 0, . . . , n.

En codimension 1 et n − 1, les cônes de classes positives ont été étudiés dansnombreux travaux et sont liés à des questions classiques. Le cône fermé Psef1(X)engendré par les classes des courbes joue un rôle central dans la classification bira-tionnelle des variétés algébriques. Plus précisément, certains rayons extrémaux dePsef1(X) correspondent à une contraction birationnelle X → X ′. Le cône Psef1(X)est le cône fermé engendré par les diviseurs effectifs, de sorte que l’étude de ce cônerevient au problème de déterminer les fibrés en droites sur X admettant une section

7

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 8

globale non triviale. L’intérieur du cône Nef1(X) est le cône engendré par les classesdes diviseurs amples, de sorte que l’on a une inclusion

Nef1(X) ⊂ Psef1(X) (1.1)

et donc Nef1(X) ⊂ Psef1(X) par dualité. Par un résultat de Boucksom, Demailly,Paun et Peternell [14, Thm. 0.2], Nef1(X) est engendré par les classes des courbesqui bougent dans une famille qui couvre X . En codimension 1 et n−1, on a donc debelles interprétations géométriques des cônes en question. Cependant, il est souventdifficile de déterminer ces cônes dans des cas particuliers.

Problème 2. Déterminer les cônes de classes positives en codimension 1 et n− 1dans des cas particuliers.

En codimension supérieure, i.e., pour 2 ≤ k ≤ n− 2, l’étude des cônes de classespositives a juste récemment été abordée dans [21], [67] et [17]. Dans [21], Fulgerdétermine les cônes des classes pseudoeffectives pour un fibré vectoriel projectif Esur une courbe lisse C. De plus, il montre que l’on a

Nefk(E) ⊂ Psefk(E)

avec égalité pour tout k ∈ 0, . . . , n si et seulement si E est semistable [21, Prop.1.5] 1. D’autre part, Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin montrent dans [17] que l’ona

Psef2(A×A) Nef2(A×A)pour une surface abélienne A principalement polarisée très générale. L’inclusion(1.1) ne se généralise donc pas en codimension supérieure.

Problème 3. Déterminer les cônes de classes positives en codimension supérieureet étudier la relation entre les cônes Psefk(X) et Nefk(X) dans des cas particuliers.

Le but de cette thèse est d’étudier• les problèmes 1 et 3 pour la puissance Ae d’une variété abélienne principale-

ment polarisée très générale A (chapitre 2) ;• les problèmes 1 - 3 pour la variété F paramétrant les droites dans une cubique

lisse X dans P5 (chapitre 3) ;• le problème 2 pour le produit C ×C d’une courbe très générale C de genre g

(chapitre 4).

1.2 Résultats principaux et plan

Cette thèse est composée de trois chapitres indépendants, chaque chapitre consa-cré à l’étude des cônes de classes positives dans un cas particulier. On donne unrésumé, chapitre par chapitre, des résultats principaux obtenus. Pour un plan plusdétaillé de chaque chapitre, on renvoie à l’introduction du chapitre respectif.

1.2.1 La puissance d’une variété abélienne

Dans le chapitre 2, on regarde la puissance Ae d’une variété abélienne principa-lement polarisée très générale A de dimension n. Écrivons A = U/Γ, où U est unespace vectoriel complexe de dimension n et Γ est un réseau dans U . Le produitd’intersection munit N•(Ae) :=

⊕enk=0 N

k(Ae) d’une structure de R-algèbre et l’ona une action canonique de GLe(R) sur N•(Ae). Par un résultat de Tankeev [61],

1. Pour Fulger, une classe est nef si elle est pseudoeffective et nef dans notre sens. Mais onvérifie que ces deux notions coïncident dans le cas qu’il regarde.

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 9

N•(Ae) est engendré par les classes des cycles de codimension 1. On a donc unmorphisme surjectif naturel S• N1(Ae)→ N•(Ae), où l’on note S

• N1(Ae) l’algèbresymétrique engendrée par N1(Ae). En utilisant que N•(Ae) admet une descriptioncomme un certain espace d’invariants on obtient, concernant le problème 1 :

Proposition 1.2.1.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. L’idéal I tel que

N•(Ae) = S• N1(Ae)/I,

i.e., l’idéal des relations dans S• N1(Ae), est engendré par des classes de cycles

de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. Enparticulier, l’application

Sk N1(Ae)→ Nk(Ae)

est un isomorphisme si et seulement si k ∈ 0, . . . , n.Concernant l’étude des cônes de classes positives, on remarque d’abord que l’in-

tersection de deux classes pseudoeffectives est encore pseudoeffective sur une variétéabélienne, de sorte que l’on a une inclusion

Sk Psef1(Ae) ⊂ Psefk(Ae) ⊂ Nefk(Ae),

où Sk Psef1(Ae) est le cône engendré par les produits des diviseurs pseudoeffec-

tifs. Remarquons que cela entraîne Psef1(Ae) = Nef1(Ae). Ce cône est bien connu,de sorte que l’on s’intéresse aux cônes dans Nk(Ae) pour 2 ≤ k ≤ en − 2. Le cônePsef1(Ae) est engendré par l’orbite d’une certaine classe sous l’action de GLe(R) quipréserve les différents cônes. Cela induit une description de Sk Psef1(Ae) en fonctionde générateurs. Alors que l’on voit pas de moyen de décrire le cône Psefk(Ae) direc-tement, on peut introduire un cône auxiliaire : on peut voir une classe α ∈ Nk(Ae)

comme une forme hermitienne sur∧k Ue, et une classe dont la forme hermitienne

est semipositive est dite semipositive. Si l’on note Semik(Ae) le cône engendré parces classes, on a

Sk Psef1(Ae) ⊂ Psefk(Ae) ⊂ Semik(Ae) ⊂ Nefk(Ae)

pour k ∈ 0, . . . , en. Si l’on arrive à calculer les matrices représentant les formeshermitiennes associées aux classes dans Nk(Ae), cela fournit des inéquations défi-nissant Semik(Ae). La comparaison des cônes Sk Psef1(Ae) et Semik(Ae) se ramèneainsi à un problème de géométrie convexe, la comparaison d’un cône défini par desgénérateurs et d’un cône défini par des inéquations. En faisant des calculs expliciteset en appliquant un argument de géométrie convexe, Debarre, Ein, Lazarsfeld etVoisin montrent ainsi que l’on a [17, Thm. 4.1]

S2 Psef1(A2) = Semi2(A2), (1.2)

ce qui fournit des inéquations définissant Psef2(A2). Si l’on veut généraliser le ré-sultat (1.2) en codimension supérieure, il se posent deux problèmes : premièrement,les matrices des formes hermitiennes deviennent très rapidement beaucoup plusgrandes, ce qui rend les calculs très pénibles ; deuxièmement, l’argument de géomé-trie convexe qui permet de déduire (1.2) ne marche plus en codimension supérieure.On résoud le premier problème en donnant une description plus conceptuelle desmatrices représentant les formes hermitiennes respectives, ce qui nous ramène es-sentiellement à

1. décomposer∧k

U⊕e en GLe(R)-modules irréductibles ;

2. calculer les matrices représentant l’action de GLe(R) sur les GLe(R)-modulesirréductibles apparaissant dans

∧kU⊕e.

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 10

Cela nous permet de construire une classe semipositive dans Semi3(A2) qui n’appar-tient pas à S

3(Psef1(A2)) pour n ≥ 3. En appliquant un argument de récurrence,on trouve que l’égalité 1.2 ne tient plus en codimension supérieure.

Théorème 1.2.1.2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n ≥ 3 et soit e ≥ 2. On a

Sk Psef1(Ae) Semik(Ae) (1.3)

pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef1(A2) sont

aussi extrémaux dans le cône Semik(A2) pour 2 ≤ k ≤ n.

Concernant la comparaison des cônes Psefk(Ae) et Nefk(Ae), Debarre, Ein, La-zarsfeld et Voisin montrent par un calcul direct que l’on a Psef2(A2) Nef2(A2)pour A une surface abélienne principalement polarisée très générale [17, Prop. 4.4].Si l’on veut généraliser ce résultat, il se pose le problème que le cône Nef2(Ae) estdéfini comme le dual de Psefen−2(Ae) que l’on ne sait pas décrire explicitement.En utilisant la structure de GLe(R)-module de N•(A2) et la représentation descônes Semik(A2) en fonction de matrices, on construit une classe dans Nefk(A2)qui n’appartient pas à Semik(A2) pour tout 2 ≤ k ≤ 2n − 2 et n ≥ 2. CommePsefk(Ae) ⊂ Semik(Ae), un argument de récurrence nous donne alors le théorèmesuivant.

Théorème 1.2.1.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n et soit e ≥ 2. On a

Psefk(Ae) Nefk(Ae)

pour 2 ≤ k ≤ en− 2.

1.2.2 La variété de Fano d’une cubique

Dans le chapitre 3, on étudie la variété F paramétrant les droites sur une cubiquelisse X dans P5. La variété F est dite la variété de Fano de X ; elle est lisse dedimension 4.

Par un résultat de Hassett [25], l’espace de modules des cubiques lisses C admetune famille dénombrable de diviseurs irréductibles Cd qui paramètrent les cubiquesadmettant une sous-variété dont la classe de (co)homologie n’est pas un multipled’une intersection complète. Le diviseur C8 correspond par exemple aux cubiquescontenant un plan et le diviseur C12 correspond aux cubiques contenant un scrollcubique. Concernant le problème 1, on obtient comme résultat préliminaire (pourk = 1, c’est bien connu) :

Proposition 1.2.2.1. Si X est générale, on a

N1(F ) = R s1 , N2(F ) = 〈s21, c2(F )〉,

où s1 est une certaine section hyperplane de F . Lorsque X est générale dans undiviseur Cd ⊂ C, il existe τ ∈ N1(F ) tel que

N1(F ) = 〈s1, τ〉 , N2(F ) = 〈s21, s1τ, τ2, c2(F )〉.

Dans [11], Beauville et Donagi montrent que la variété de Fano d’une cubiquepfaffienne générale, i.e., d’une cubique générale dans C14 ⊂ C, est isomorphe à unschéma de Hilbert S[2] paramétrant les sous-schémas de longueur 2 d’une surfaceK3 S. Cela entraîne que toute variété de Fano d’une cubique est une variété hy-perkählérienne (cf. définition 3.2.1.1) équivalente par déformation à S[2]. Comme F

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 11

est hyperkählérienne, la cohomologie H2(F,Z) est munie d’une forme quadratiqueentière, dite forme de Beauville (par dualité, on obtient une forme quadratiqueà valeurs rationnelles sur H2n−2(F,Z)). Dans [27], Hassett et Tschinkel donnentune description conjecturale des cônes de classes positives dans N1(F ) et N1(F ) enfonction de cette forme quadratique. Ces conjectures ont été vérifiées par Hassettet Tschinkel pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cu-bique [29]. Concernant la positivité en codimension 1 resp. 3, notre résultat principalest la vérification de ces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique généralecontenant un plan et pour la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale.

Pour les cubiques générales contenant un plan P , le point clé est la constructionde deux diviseurs premiers et une étude détaillée de leur géométrie, où l’on sesert d’une manière essentielle des résultats de Voisin obtenus dans [63]. Ces deuxdiviseurs premiers sont construits comme suit : soit X ⊂ P5 une cubique généralecontenant un plan P et soit L ⊂ P5 un espace linéaire de dimension 3 contenant P .Alors on a L∩X = P∪Q, où Q est une quadrique dans P3. On obtient deux diviseurspremiers DP et DQ paramétrant un certain ensemble de droites intersectant P resp.Q. Avec ces notations le résultat principal peut être formulé comme suit :

Théorème 1.2.2.2. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P et soitF la variété de Fano paramétrant les droites sur X. On a

Psef1(F ) = R+[DP ] + R+[DQ],

Nef1(F ) = R+(2[DP ] + 3[DQ]) + R+(2[DP ] + [DQ]).

Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c laclasse d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a

Psef1(F ) = R+ l + R+ c.

Regardons maintenant la variété de Fano F d’une cubique pfaffienne générale X .Dans ce cas, F est isomorphe à un schéma de Hilbert S[2], de sorte que la géométriede F est d’un côté déterminée par la géométrie de X et d’autre part, on obtient desinformations sur la géométrie de F en regardant F comme un schéma de HilbertS[2]. En utilisant ces deux points de vue, on obtient le résultat suivant.

Théorème 1.2.2.3. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété deFano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels que tous lesdeux sont fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3 généralede degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’une fibre dansE5. Alors on a

Psef1(F ) = R+R4 + R

+R5,

Psef1(F ) = R+[E4] + R+[E5],

Nef1(F ) = R+([E4] + 8[E5]) + R+(8[E4] + 2[E5]).

Concernant l’étude des classes positives en codimension 2, on obtient quelquesrésultats partiels dont le point de départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4],qui montre que le cône fermé engendré par les classes des sous-variétés lagrangiennesde F (cf. définition 3.2.1.1) est une face de Psef2(F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pourune cubique X générale, N2(F ) est de dimension 2, de sorte que la face lagrangiennecorrespond à un des deux rayons extrémaux.

Proposition 1.2.2.4. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou unecubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale.Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef2(F ) est de dimension3, c’est-à-dire de dimension maximale.

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 12

Concernant la comparaison des cônes Psef2(F ) et Nef2(F ), on a la propositionsuivante :

Proposition 1.2.2.5. Soit X une cubique générale et F la variété de Fano de X.Alors on a

Psef2(F ) ⊂ Nef2(F ) (1.4)

etEff2(F ) Nef2(F ).

On obtient ce résultat en montrant qu’une certaine classe n’est pas effective etl’on conjecture que l’inclusion (1.4) est également stricte.

1.2.3 Produit d’une courbe

Dans le chapitre 4, on regarde le produit X × X d’une courbe générale X degenre g. Comme on a juste le cas de codimension 1, on écrit Psef(X × X) (resp.Nef(X × X)) au lieu de Psef1(X × X) (resp. Nef1(X)). Soit ∆ la classe de ladiagonale et soit xi, i ∈ 1, 2, la classe d’une fibre de la projection X×X → X surle i-ème facteur. Pour g = 0 et g = 1, le cône Nef(X ×X) est bien connu alors quepour g ≥ 2, il s’agit d’un problème ouvert. Le lemme suivant est bien connu.

Lemme 1.2.3.1. Soit X une courbe générale de genre g ≥ 2. Alors on a

N1(X ×X) = 〈x1, x2,∆〉.

Expliquons d’abord ce à quoi l’on s’attend. Par Riemann-Roch, Psef(X × X)contient le cône défini par c2 ≥ 0, c · x ≥ 0, où x ∈ N1(X) est une classe ample.Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayon extrémalr ∈ Psef(X ×X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par la classed’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à déterminer lescourbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classe c estnef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effective αd’autointersection négative.

Question 1.2.3.2 (Kollár). Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4. Est-ceque la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ? C’est équivalentà demander si le cône Nef(X ×X) est déterminé par les inéquations

c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c ·∆ ≥ 0.

Pour g = 2 ou g = 3, la situation est légèrement différente ; on renvoie à l’intro-duction du chapitre 4 pour plus de détails.

En utilisant une méthode de Vojta [68], on obtient des restrictions sur le cônedes classes pseudoeffectives pour g ≥ 2, ce qui permet, par dualité, de construirede nouvelles classes nefs dans N1(X ×X). Expliquons rapidement cette méthode.Soit c la classe d’une courbe irréductible C ⊂ X × X qui n’est pas un multiplede la classe d’une fibre xi. Écrivons c = d2x1 + d1x2 + γ(∆ − x1 − x2), où l’on adeg(pi|C) = di et donc di ≥ 1 ; par symétrie, on peut supposer d2 ≥ d1. On essayed’exclure l’existence de courbes d’autointersection négative avec d1 petit fixé enappliquant Riemann-Hurwitz et en étudiant l’application

X → X(d1)

x 7→ p2((p1|C)−1(x)),

où X(d1) est le produit symétrique de X . Notre résultat principal est alors la pro-position suivante.

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CHAPITRE 1. INTRODUCTION 13

Proposition 1.2.3.3. Soit [C] = d2x1 + d1x2 + γ(∆ − x1 − x2) la classe d’unecourbe irréductible C dans X ×X avec d2 ≥ d1.

1. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈x1,∆ ou bien d1 ≥ 2.

2. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈x1,∆, 3x−∆ ou bien d1 ≥ 3.

3. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, ona ou bien [C] ∈ x1,∆ ou bien d1 ≥ 3.

Pour g = 2, les classes nefs de la forme d(x1 + x2) + γ∆ ∈ N1(X × X) sontconnues, de sorte que l’on obtient par exemple l’image suivante d’une section affinedans le demi-espace d2 ≥ d1, où les classes dans la région en gris foncé sont nefs ettoute classe nef doit être contenue dans la région en gris clair (cf. §4.4.4 pour uneimage des classes nefs obtenue selon le genre g).

c2 = 0

∆⊥

d2 = d1

Figure 1.1 – Cône nef pour g = 2

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2. La puissance d’une variété

abélienne

2.1 Introduction

Ce chapitre est consacré à l’étude des classes positives dans Nk(Ae) pour unevariété abélienne principalement polarisée très générale A. Dans la première section,on étudie l’algèbre N•(Ae) et l’on montre comme résultat principal la propositionsuivante (corollaire 2.2.3.12).

Proposition 2.1.0.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. L’idéal I tel que

N•(Ae) = S• N1(Ae)/I,

i.e., l’idéal des relations dans S• N1(Ae), est engendré par des classes de cycles

de codimension n + 1 et l’on peut en décrire des générateurs explicitement. Enparticulier, l’application

Sk N1(Ae)→ Nk(Ae)

est un isomorphisme si et seulement si k ∈ 0, . . . , n.

La deuxième partie est consacrée à l’étude des cônes de classes positives. Soit Bune variété abélienne quelconque de dimension m. Si l’on écrit B = V/Λ avec V unC-espace vectoriel et Λ un réseau dans V , on peut identifier une classe α ∈ Nk(B)avec une (k, k)-forme réelle sur V , ce qui nous permet de définir d’autres notionsde positivité (cf. §2.3) :

1. une classe α ∈ Nk(B) est dite fortement positive si la (k, k)-forme associées’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes

il1 ∧ l1 ∧ · · · ∧ ilk ∧ lk

avec lj ∈ V ∗ pour j = 1, . . . , k. On obtient ainsi le cône fermé Strongk(B)engendré par les classes fortement positives.

2. On dit qu’une classe α ∈ Nk(B) est semipositive si la forme hermitienneassociée est semipositive et l’on note Semik(B) le cône engendré par ces classes.

Le lien entre ces cônes est donné par la chaîne d’inclusions [17, Lemma 1.5]

Sk Psef1(B) ⊂ Psefk(B) ⊂ Strongk(B) ⊂ Semik(B) ⊂ Nefk(B), (2.1)

où l’on note Sk Psef1(B) le cône convexe engendré par les produits de k éléments

de Psef1(B). Pour k = 1 (et donc aussi pour k = m− 1), tous les cônes de la chaîne(2.1) coïncident, de sorte que l’on a un seul cône qui a été déterminé par Rosoff [57,

14

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 15

Thm. 1] (cf.aussi l’article de Prendergast-Smith [54]) 1. Pour 2 ≤ k ≤ m− 2, on sedemande quelles inclusions sont strictes et quelles inclusions sont des égalités. Ona par exemple la conjecture suivante qui est un cas particulier d’une conjecture deHarvey, Knapp [35] et Lawson [41] (cf. §2.3.1.2).

Conjecture 2.1.0.5 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit B une variété abélienne dedimension m. Alors on a, pour tout k ∈ 0, . . . ,m,

Psefk(B) = Strongk(B).

En générale, il est difficile de décrire les cônes Psefk(B) et Strongk(B) explicite-ment, ce qui rend la vérification de la conjecture 2.1.0.5 difficile. Or, comme expliquédans l’introduction (§1.2.1), les deux cônes accessibles pour une description explicitesont les cônes Sk Psef1(Ae) et Semik(Ae). L’égalité des deux cônes entraînerait doncd’un côté une caractérisation du cône Psefk(Ae) et d’autre part, elle entraîneraitla conjecture 2.1.0.5. Pour e = 2 et k = 2, c’est le cas par un résultat de Debarre,Ein, Lazarsfeld et Voisin [17, Thm. 4.1] ; par un argument de dualité, cela entraînela conjecture 2.1.0.5 aussi pour e = 2 et k = 2n− 2 [17, Prop. 5.2]. En codimensionsupérieure, on obtient le résultat suivant (théorème 2.3.4.9).

Théorème 2.1.0.6. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n et soit e ≥ 2.

1. On aSk Psef1(Ae) Semik(Ae)

pour 3 ≤ k ≤ n. Lorsque e = 2, les rayons extrémaux du cône Sk Psef1(A×A)

sont aussi extrémaux dans le cône Semik(A×A) pour 2 ≤ k ≤ n.2. Pour n = 3, on a

S4 Psef1(A×A) = Semi4(A×A).

La conjecture 2.1.0.5, resp. la question de savoir si le cône Psefk(Ae) coïncideavec l’un des deux cônes S

k Psef1(Ae) ou Semik(Ae), reste ouverte pour k ≥ 3 ete ≥ 2 (resp. k ≥ 2 et e ≥ 3).

Concernant la comparaison des cônes Psefk(Ae) et Nefk(Ae), on obtient le ré-sultat suivant (théorème 2.3.4.9).

Théorème 2.1.0.7. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n et soit e ≥ 2. On a

Psefk(Ae) Nefk(Ae)

pour 2 ≤ k ≤ en− 2.

Pour n = 2 et e = 2, c’est [17, Prop. 4.4].Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 2.2, on étudie d’abord la R-

algèbre N•(Ae) comme une certaine algèbre d’invariants d’un groupe symplectiquequi admet en même temps une structure de GLe(R)-module (§2.2.1 - 2.2.2). Celanous permet ensuite de montrer la proposition 2.1.0.4 dans §2.2.3. On termine lasection 2.2 en faisant des calculs explicites pour e = 2 (§2.2.4).

Dans la section 2.3, on discute d’abord en détail la relation entre les diversesnotions de positivité et l’on rappelle les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld etVoisins obtenus dans [17]. On termine la section 2.3.1 en discutant la conjecture deHarvey, Knapp et Lawson. Ensuite, on étudie les cônes S

k Psef1(Ae) et Semik(Ae)dans §2.3.2 et §2.3.3. C’est surtout la représentation des classes semipositives quel’on obtient dans §2.3.3, qui joue un rôle clé dans la démonstration des théorèmes2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans §2.3.4.

1. Comme la présentation du sujet dans l’article de Prendergast-Smith [54](2010) est mieuxadaptée à nos besoins, on prend cet article comme notre référence standard pour les résultats encodimension 1 (alors que l’article de Rosoff [57] (1981) est beaucoup plus ancien).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 16

2.2 La structure de l’algèbre N•(Ae)

2.2.1 Le groupe de Hodge d’une variété abélienne

Pour un espace vectoriel E donné, on note

•∧E =

k≥0

k∧E

l’algèbre extérieure etS•E =

k≥0

Sk E

l’algèbre symétrique. Si G est un groupe etM est un G-module, on noteMG l’espacedes invariants dans M sous l’action de G.

Soit B une variété abélienne complexe de dimension n et écrivons B = U/Γ, oùV est un C-espace vectoriel de dimension n et Γ ⊂ U est un réseau. Soit K = Q

ou R, et posons UK = Γ ⊗Z K. On a Γ = H1(B,Z) et donc UK = H1(B,K) parextension des scalaires. Par dualité, on obtient H1(B,Z) = Γ∗, où l’on note Γ∗ leréseau dual à Γ. Pour k ≥ 1, le cup-produit fournit alors un isomorphisme

Hk(B,Z) ≃k∧Γ∗, (2.2)

de sorte que l’on a par extension des scalaires

Hk(B,K) ≃k∧U∗K .

Remarquons aussi que, pour k ≥ 1, on a également un isomorphisme

Hk(B,Z) ≃k∧Γ, (2.3)

où le produit extérieur correspond au produit de Pontryagin des classes d’homologie.Posons Hp,q(B) := Hq(B,Ωp

B), où l’on note ΩpB le faisceau des p-formes holo-

morphes sur B. La décomposition de Hodge donne

Hn(B,C) =⊕

p+q=n

Hp,q(B),

et l’on a (cf. [40, Thm. 1.4.1])

Hp,q(B) =

p∧U∗ ⊗

q∧U

∗, (2.4)

où U∗ = HomC(U,C) est l’espace vectoriel dual de l’espace vectoriel complexe U ,et U

∗est l’espace vectoriel des formes C-antilinéaires sur U .

SoitNk

Q(B) := Hk,k(B) ∩H2k(B,Q)

le Q-espace vectoriel des classes de Hodge (rationnelles) de degré 2k sur B. PosonsNk(B) := Nk

Q(B)⊗ R et

N•(B) :=⊕

k≥0

Nk(B).

Le produit d’intersection munit N•(B) de la structure d’une R-algèbre. Remarquonsque l’on a par l’équation (2.4) une injection de Nk(B) dans l’espace vectoriel réel

des (k, k)-formes réelles sur U , que l’on note∧(k,k)

R U∗.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 17

Or, on a un isomorphisme entre l’espace vectoriel réel des (k, k)-formes réellessur U et celui des formes hermitiennes sur

∧kU , que l’on note H : si l’on munit

U des coordonnées (z1, . . . , zn) et U∗ des coordonnées duales, cet isomorphisme estdonné par

H →k,k∧

R

U∗ (2.5)

I,J

hIJdzI ⊗ dzJ 7→√−1k

2 ∑

I,J

hIJdzI ∧ dzJ ,

où I = i1, . . . , ik ⊂ 1, . . . n, dzI = dzi1 ∧ · · · ∧ dzik , et de même pour J . Comme

on a une injection de Nk(B) dans∧(k,k)

R U∗, on peut ainsi identifier une classe deHodge sur B de degré 2k avec une forme hermitienne sur

∧k U . On note désormaisHα la forme hermitienne sur

∧kU associée à une classe α dans Nk(B).

Soit J : UR → UR la structure complexe associée à

H1(B,C) = H−1,0(B)⊕H0,−1(B).

Alors on obtient un morphisme

hJ : S1 → GL(UR)

e√−1·θ 7→ cos θ · idU +sin θ · J,

qui agit par multiplication par z sur H1,0(B) et par multiplication par z surH0,1(B)(cf. [40, Prop. 17.1.1, Rem. 17.1.2]).

Définition 2.2.1.1. Le groupe de Hodge de B, noté Hg(B), est le plus petit sous-groupe de GL(UQ) défini sur Q tel que hJ(S1) ⊂ Hg(B)(R).

Soit θ ∈ H2(B,Z) une polarisation de B. Par l’isomorphisme

H2(B,Q) =

2∧U∗Q,

θ définit une forme alternée non-dégénérée

ωθ : UQ × UQ → Q .

On note Sp(UQ, ωθ) le groupe symplectique associé à ωθ, qui est naturellement unsous-groupe algébrique de GL(UQ). Le groupe de Hodge Hg(B) est un sous-groupede Sp(UQ, ωθ) pour toute polarisation θ [40, Prop. 17.3.2].

Regardons H1(B,Q) = U∗Q comme représentation duale de Hg(B). Par l’isomor-

phisme Hn(B,Q) =∧n

U∗Q, on obtient ainsi une structure de Hg(B)-module sur

Hn(B,Q). Par l’égalité [40, 17.3.3]

NkQ(B) = H2k(B,Q)Hg(B),

on est ainsi ramené à un calcul d’invariants pour déterminer les classes de Hodge.

2.2.2 Classes de Hodge sur la puissance d’une variété abé-lienne

Soit A une variété abélienne (pas forcément principalement polarisée très gé-nérale). On veut étudier l’algèbre des classes de Hodge sur des puissances de A.Ecrivons A = U/Γ, où U est un C-espace vectoriel et Γ est un réseau dans U . Si

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 18

l’on écrit Ae = (U ⊗Z WZ)/(Γ⊗Z WZ), où WZ est un Z-module libre de rang e, onobtient une injection

End(WZ)→ End(Ae)

g 7→ ug,

où ug est défini par l’application linéaire

U ⊗Z WZ → U ⊗Z WZ

u⊗ w 7→ u⊗ tgw.

Posons, pour g ∈ End(WZ) et pour α ∈ H•(Ae,Q),

g · α = u∗gα.

Cela induit une action de GL(WQ) sur H•(Ae,Q), et l’on a

Hk(Ae,Q) ≃k∧U∗ ⊗WQ

en tant que GL(WQ)-modules, où GL(WQ) agit sur WQ tautologiquement.Il découle de la définition du groupe de Hodge que l’on a

Hg(Ae) = Hg(A) (2.6)

et que Hg(A) agit diagonalement sur H1(Ae,Q) (cf. par exemple [30, Cor. 1.11]),c’est-à-dire

∀g ∈ Hg(A) ∀u ∈ U∗Q ∀w ∈ WQ g · (u⊗ w) = g · u⊗ w.

On obtient ainsi une structure de Hg(A) × GL(WQ)-module sur Hk(Ae,Q). Parconstruction, N•

Q(Ae) est invariant sous l’action de GL(WQ).

2.2.3 Générateurs et relations pour les classes de Hodge

Soit maintenant (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale et reprenons les notations de la section précédente. Par un résultat de Tan-keev, l’algèbre N•(Ae) est engendrée par des classes de codimension 1 (théorème2.2.3.1), de sorte que l’application canonique S

• N1(Ae) → N•(Ae) est surjective.On détermine des générateurs de N•(Ae) et l’idéal des relations dans S

• N1(Ae)(proposition 2.2.3.9 et corollaire 2.2.3.12). Le groupe de Hodge d’une variété abé-lienne principalement polarisée très générale étant le groupe symplectique Sp(UQ)(par rapport à la polarisation principale), on est ramené à l’étude de l’algèbre desinvariants (

∧•U∗Q ⊗WQ)

Sp(UQ) en tant que GL(WQ)-module pour obtenir ces ré-sultats. Comme cette algèbre a été étudiée par Thompson dans [62], notre travailconsiste essentiellement à traduire ses résultats dans notre cadre.

2.2.3.1 Un résultat de Tankeev et un résultat de Thompson

Soit K = Q ou R. On a

Hk(Ae,K) ≃k∧(U∗

K ⊗Z WZ).

Théorème 2.2.3.1 (Tankeev). Soit A une variété abélienne principalement pola-risée très générale. Alors on a

Hg(Ae) = Sp(UQ) (2.7)

et N•Q(A

e) est engendré par des classes de codimension 1.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 19

Démonstration. Pour montrer (2.7), il suffit par (2.6) de remarquer que l’on aHg(A) = Sp(UQ) pour A très générale (cf. [40, Prop. 17.4.2]). Il s’ensuit

N•Q(A

e) =

( •∧U∗Q ⊗WQ

)Sp(UQ)

.

Par un théorème de Howe [31, Thm. 2] (cf. aussi [56, pp. 529-530]), l’algèbre à droiteest engendrée par des classes de degré 2, ce qui fournit le résultat souhaité.

L’action de Sp(UQ)×GL(WQ) sur V ∗Q := U∗

Q ⊗WQ s’étend naturellement à uneaction de Sp(UR) ×GL(WR) sur V ∗

R = U∗R ⊗WR, et comme Sp(UQ) est dense dans

Sp(UR), on a

Nk(Ae) =

(2k∧V ∗Q

)Sp(UQ)

⊗Q R =

(2k∧V ∗R

)Sp(UR)

.

Comme expliqué plus haut, on traduit maintenant des résultats connus de lathéorie des représentations dans notre cadre, où le résultat principal est le théorème2.2.3.6. Pour faciliter les notations pour la suite, on pose W :=WR.

Proposition 2.2.3.2 (Thompson). On a un isomorphisme de GL(W )-modules

N•(Ae) ≃⊕

σ

Sσ(W ),

où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et oùl’on prend la somme sur les σ tels que

1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,

2. la première ligne a au plus 2n éléments et

3. le nombre de lignes est au plus e.

Les facteurs irréductibles de Nk(Ae) correspondent aux diagrammes de Young à 2kcases dans cette décomposition.

Démonstration. [62, proposition 2.2].

Corollaire 2.2.3.3. On aN1(Ae) ≃ S

2W

en tant que GL(W )-modules.

Démonstration. Le tableau de Young ayant une ligne à 2 cases correspond auGL(W )-module S

2W , et l’on a donc N1(Ae) = S2W .

De plus, on a le résultat suivant bien connu [31, Prop. 1].

Proposition 2.2.3.4. On a un isomorphisme de GL(W )-modules

S• N1(Ae) ≃

σ

Sσ(W ),

où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et oùl’on prend la somme sur les σ tels que

1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,

2. le nombre de lignes est au plus e.

Les facteurs irréductibles de Sk N1(Ae) correspondent aux diagrammes de Young à

2k cases dans cette décomposition.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 20

Comme S2kW correspond au tableau de Young ayant une ligne à 2k cases, on

voit qu’il existe une injection canonique

εk : S2kW → Sk(N1(Ae)). (2.8)

Par un résultat d’Abeasis [1, Thm. 3.1], on en déduit le résultat suivant.

Proposition 2.2.3.5 (Abeasis). Soit l un entier positif fixé, et soit I•l l’idéal en-gendré par εl(S

2lW ) dans S• N1(Ae). Alors I•l est GL(W )-invariant et l’on a un

isomorphisme de GL(W )-modules

I•l ≃⊕

σ

Sσ(W ),

où l’on note Sσ le foncteur de Schur correspondant au tableau de Young σ et oùl’on prend la somme sur les σ tels que

1. chaque ligne de σ a un nombre pair d’éléments,

2. la première ligne a au moins 2l éléments et

3. le nombre des lignes est au plus e.

Si l’on pose Ikl := Sk N1(Ae)∩ I•l , les facteurs irréductibles de Ikl correspondent aux

diagrammes de Young à 2k cases dans cette décomposition.

On peut résumer ces résultats dans le théorème suivant (cf. [62, Thm. 2.3]).

Théorème 2.2.3.6 (Thompson). Soit A une variété abélienne principalement po-larisée très générale de dimension n, et soit I l’idéal engendré par εn+1(S

2n+2W )dans S

• N1(Ae). Alors on a un isomorphisme de GL(W )-modules

S• N1(Ae)/I ≃ N•(Ae).

En particulier, l’application

Sk N1(Ae)→ Nk(Ae)

est un isomorphisme si et seulement si k ∈ 0, . . . , n.

Corollaire 2.2.3.7. Pour toute classe α ∈ N1(Ae) non nulle et pour tout 0 ≤ k ≤n− 1, l’application

Nk(Ae) → Nk+1(Ae)

β 7→ α · β

est injective.

2.2.3.2 Générateurs explicites

Déterminons maintenant des générateurs explicites de N•(Ae) (c’est-à-dire unebase du R-espace vectoriel N1(Ae) et de l’idéal des relations dans S

•(Ae).

Générateurs de N•(Ae). Comme A est principalement polarisée, on peut iden-tifier A avec sa variété abélienne duale A, ce qui nous permet de voir le fibré dePoincaré P comme un fibré sur A × A. Soient pi1,...,il : Ae → Al les projections.Posons

θi := p∗i θ et λjk := c1(p∗jkP).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 21

Remarque 2.2.3.8. Notons Ai le i-ème facteur de Ae. Dans la décomposition deKünneth de H2(Ae,R), la classe θi est contenue dans la composante correspon-dant à H2(Ai,R), et λjk appartient à la composante correspondant à H1(Aj ,R)⊗H1(Ak,R) [40, Lemma 14.1.9].

On a la généralisation suivante de la proposition 3.1 de [17].

Proposition 2.2.3.9. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polariséetrès générale. La R-algèbre N•(Ae) est engendrée par les θi, 1 ≤ i ≤ e et les λjk, 1 ≤j < k ≤ e.

Démonstration. Par le corollaire 2.2.3.3, on a N1(Ae) ≃ S2W et donc

dim(N1(Ae)) =

(e + 1

2

).

Comme les θi, λjk, 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e forment une famille libre de dimension(e2

)+e =

(e+12

)dans N1(Ae) par la remarque 2.2.3.8, on obtient le résultat souhaité.

Déterminons maintenant comment GL(W ) agit sur la base

θi, λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e

de N1(Ae). Soitvsr = us ⊗ wr 1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e (2.9)

une base de V ∗ = U∗ ⊗R W telle que l’on a dans les coordonnées associées (cf. [40,Lemme 3.6.4])

θi =n∑

s=1

√−1dzsi ∧ dzsi, (2.10)

λjk =

n∑

s=1

√−1dzsj ∧ dzsk +

√−1dzsk ∧ dzsj

pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e.

Proposition 2.2.3.10. Soit g ∈ GL(W ) et soit ρ(g) la matrice représentant g dansla base w1, . . . , we. Sur l’ensemble des générateurs θi, λjk | 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j <k ≤ e de N•(Ae), la matrice ρ(g) agit par :

gθi =

e∑

j=1

ρ(g)2jiθj +∑

1≤j<k≤e

ρ(g)jiρ(g)kiλjk,

gλjk = 2

e∑

i=1

ρ(g)ijρ(g)ikθi +∑

1≤u<v≤e

(ρ(g)vjρ(g)uk + ρ(g)ujρ(g)vk)λuv .

Démonstration. Cela résulte d’un calcul direct dans les coordonnées (2.10) ou desarguments de [17, §3].

Remarque 2.2.3.11. Si w1, . . . , we est une base de W , il découle de la proposition2.2.3.10 que l’on obtient l’isomorphisme N1(Ae) ≃ S

2W en identifiant θi avec w2i

et λjk avec 2wjwk pour 1 ≤ i ≤ e, 1 ≤ j < k ≤ e.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 22

Générateurs de l’idéal des relations. Soit m : Ae → A l’application d’addi-tion. Alors on a

m∗θ =e∑

i=1

θi +∑

1≤j<k≤e

λjk

et donc

e∑

i=1

θi +∑

1≤j<k≤e

λjk

n+1

= 0 (2.11)

dans H2n+2(Ae,R). Regardons maintenant(∑e

i=1 θi +∑

1≤j<k≤e λjk

)n+1

comme

polynôme dans Sn+1 N1(Ae) et écrivons

e∑

i=1

θi +∑

1≤j<k≤e

λjk

n+1

=∑

l

Pl,

où chaque polynôme Pl définit une classe dans un facteur de la décomposition deKünneth de H2n+2(Ae,R) (cf. remarque 2.2.3.8 et exemple 2.2.3.13). On obtientainsi précisément un polynôme non nul Pl pour chaque composante de Künneth,et par la relation (2.11), chaque polynôme Pl doit représenter la classe 0 dansH2n+2(Ae,R). On appelle les relations Pl = 0 dans H2n+2(Ae,R) ainsi obtenues,les relations induites par la relation (2.11).

Corollaire 2.2.3.12. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. Soit I l’idéal des relations dans S

• N1(Ae), de sorte queS• N1(Ae)/I = N•(Ae). Alors I est engendré par les relations induites par la relation

e∑

i=1

θi +∑

1≤j<k≤e

λjk

n+1

= 0 (2.12)

dans H2n+2(Ae,R) via la décomposition de Künneth.

Démonstration. On a (2n+ 1 + e

2n+ 2

)= dimS

2n+2W

composantes dans la décomposition de Künneth de H2n+2(Ae,R), de sorte quel’équation (2.12) induit

(2n+1+e2n+2

)relations qui forment une famille libre dans

Sn+1(N1(Ae)). Par la proposition 2.2.3.5 et le théorème 2.2.3.6, on a

I ∩ Sn+1(N1(Ae)) ≃ S

2n+2W,

d’où l’on déduit le résultat souhaité par une comparaison des dimensions.

Exemple 2.2.3.13. Supposons n = 2. On détermine les relations dans S3 N1(A×A)

selon le corollaire 2.2.3.12. On a

(θ1 + θ2 + λ)3 = θ31 + θ32 + λ3 + 3θ21θ2 + 3θ1θ22 + 3θ1λ

2 + 3θ2λ2 + 6θ1θ2λ

et

θ31 ∈ H6(A)⊗H0(A), θ32 ∈ H0(A)⊗H6(A),

3θ21λ ∈ H5(A)⊗H1(A), 3θ22λ ∈ H1(A)⊗H5(A),

3θ21θ2 + 3θ1λ2 ∈ H4(A)⊗H2(A), 3θ1θ

22 + 3θ2λ

2 ∈ H2(A)⊗H4(A),

6θ1θ2λ+ λ3 ∈ H3(A)⊗H3(A).

Si l’on note I l’idéal des relations dans la R-algèbre S• N1(A×A), on a donc

I =⟨θ31, θ

21θ2 + θ1λ

2, θ21λ, 6θ1θ2λ+ λ3, θ32 , θ1θ22 + θ2λ

2, θ22⟩.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 23

2.2.4 Le cas A× A

Supposons toujours que A est une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. Dans cette section, on donne d’abord une nouvelle démons-tration de [17, Prop. 3.2] qui fournit des isomorphismes Nk(A×A)→ N2n−k(A×A)pour 1 ≤ k ≤ n (théorème 2.2.4.1). Ensuite, on détermine explicitement une base dechaque module irréductible dans une décomposition de S

k N1(A × A) en tant queGL(W )-module (remarque 2.2.4.2), et l’on montre que les modules irréductiblesd’une décomposition de Nn(A×A) (en tant que GL(W )-module) sont orthogonauxdeux à deux par rapport au produit d’intersection (corollaire 2.2.4.3). Enfin, ondétermine les nombres d’intersection de deux classes de codimensions complémen-taires dans A×A en fonction des polynômes en θ1, θ2 et λ représentant ces classes(proposition 2.2.4.4).

Soit W un espace vectoriel réel de dimension 2. Les représentations irréductiblesde GL(W ) étant des produits symétriques de W tensorisés avec une puissance dudéterminant det(W ), on peut étudier le GL(W )-module N•(A × A) de façon plusdétaillée. Notons I l’idéal des relations dans S

• N1(A×A), de sorte que

S• N1(A×A)/I = N•(A×A).

Soit σ = (2r − 2i, 2i) le tableau de Young ayant 2r − 2i cases dans la premièreligne et 2i cases dans la deuxième ligne. Si l’on note S(2r−2i,2i) le foncteur de Schurcorrespondant à ce tableau, on a

S(2r−2i,2i)(W ) = det(W )⊗2i ⊗ S2r−4iW.

Posons µ = θ1θ2 − 4λ2. Alors on a g · µ = det(g)2µ de sorte que

Rµ ≃ det(W )⊗2

en tant que GL(W )-module. La proposition 2.2.3.4 donne alors

Sr N1(A×A) =

0≤2i≤r

µi · S2r−4iW. (2.13)

Le théorème suivant a déjà été montré dans [17] par un argument de récurrence.On donne une démonstration en utilisant la décomposition de S

• N1(A × A) et deI en GL(W )-modules irréductibles.

Théorème 2.2.4.1. Soit (A, θ) une variété abélienne principalement polarisée dedimension n. Pour k ∈ 0, . . . , n, l’application

·µk : Nn−k(A×A)→ Nn+k(A×A)α 7→ α · µk

est un isomorphisme.

Démonstration. Soit 0 ≤ k ≤ n. Rappelons d’abord que

Sn−k N1(A×A) = Nn−k(A×A)

par le théorème 2.2.3.6, de sorte que

Nn−k(A×A) =⊕

0≤2i≤n−k

µi · S2n−4iW.

Par la proposition 2.2.3.5, on a S(2r−2i,2i)(W ) ⊂ I si et seulement si 2r−2i ≥ 2n+2,d’où

I ∩ Sn+k N1(A×A) =

0≤2i≤2k−2

µi · S2(n+k)−4iW

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 24

et donc

Nn+k(A×A) = Sn+k N1(A×A)/I

≃⊕

2k≤2i≤n+k

µi · S2(n+k)−4iW

=⊕

0≤2i≤n−k

µi+k · S2(n−k)−4iW

= µk · Nn−k(A×A).

Remarque 2.2.4.2. Par la proposition 2.2.3.5, on sait que l’idéal des relations Idans S

• N1(A × A) est engendré par S2n+2W dans la décomposition en facteurs

irréductibles de Sn+1 N1(A×A) (cf. (2.13)). En même temps, on sait, par le corollaire2.2.3.12, qu’une base de S

2n+2W dans Sn+1 N1(A×A) est donnée par les relationsinduites par la relation

(θ1 + θ2 + λ)n+1 = 0

dans H2n+2(A×A). Si l’on écrit

(θ1 + θ2 + λ)n+1 =n+1∑

j=1

Pj(θ1, θ2, λ)

avec Pj(θ1, θ2, λ) ∈ Hj(A,R)⊗H2(n+1)−j(A,R), les polynômes Pj(θ1, θ2, λ) formentune telle base de S

2n+2W . Soit maintenant m un entier positif et posons, pourk ∈ 0, . . . ,m,

P2k,m(θ1, θ2, λ) :=

min(k,m−k)∑

i=0

(m+ 1

k − i,m+ 1− k − i, 2i

)θk−i1 θm+1−k−i

2 λ2i

et

P2k+1,m(θ1, θ2, λ) :=

min(k,m−k)∑

i=0

(m+ 1

k − i,m− k − i, 1 + 2i

)θk−i1 θm−k−i

2 λ1+2i.

Pour m = n+ 1, ce sont précisément les polynômes donnant une base de S2n+2W

dans Sn+1 N1(A×A), i.e. les générateurs de I. Comme tout sous-module irréductiblede S

k N1(A × A) est de la forme µi · S2k−4iW , on peut en déduire une base dechaque module irréductible dans la décomposition de S

k N1(A × A). Une base deµi · S2k−4iW pour 0 ≤ 2i ≤ 2k est donnée par les polynômes

µiPj,2k−4i(θ1, θ2, λ) 0 ≤ j ≤ 2k − 4i.

Le théorème 2.2.3.6 et la proposition 2.2.3.5 nous permettent ainsi de décrire explici-tement une base de Nk(A×A) et une base de I∩Sk N1(A×A) pour k ∈ 0, . . . , 2n.

Corollaire 2.2.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n. Les GL(W )-modules irréductibles dans la décomposition

Nn(A×A) =⊕

0≤2i≤n

µi · S2n−4iW

sont deux à deux orthogonaux par rapport au produit d’intersection.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 25

Démonstration. Soit i < j et soient α et β des classes dans Nn(A×A) telles que αsoit représentée par un polynôme Pα(θ1, θ2, λ) ∈ µi ·S2n−4iW et β par un polynômePβ(θ1, θ2, λ) ∈ µj ·S2n−4j W . Alors on a PαPβ ∈ µi+j ·S2n−4iW ·S2n−4j W , de sortequ’il existe Q(θ1, θ2, λ) ∈ µi+j ·S2n−4iW = µi+j

S2(n+2j)−4(i+j)W et T (θ1, θ2, λ) ∈

S2n−4j W tels que

Pα · Pβ = Q · T.Or µi+j · S2(n+2j)−4(i+j)W est un module irréductible dans S

n+2j N1(A × A) etl’on a par (2.13),

µi+j · S2(n+2j)−4(i+j)W ⊂ Sn+2j N1(A×A) ∩ I ⇐⇒ 2(i+ j) < 4j ⇐⇒ i < j.

On en déduit Q(θ1, θ2, λ) = 0 dans H2n(Ae,R) et donc α · β = 0.

Proposition 2.2.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. Les seuls monômes en θ1, θ2 et λ non nuls de degré 2nsont de la forme θn−k

1 θn−k2 λ2k pour k ∈ 0, . . . , n, et l’on a

θn−k1 θn−k

2 λ2k = (−1)k(2k)!(n− k)!2(n

k

).

Démonstration. Il est clair que les mônomes de degré 2n de la forme θn−k1 θn−k

2 λk

sont précisément les monômes définissant une classe dans Hn(A,R)⊗Hn(A,R) parrapport à la décomposition de Künneth (cf. remarque 2.2.3.8). Evidemment, c’est laseule composante non triviale, ce qui montre la première partie de l’énoncé. Pour ladeuxième partie, on suppose que θ1, θ2 et λ sont donnés comme dans (2.10). Alorsθn−k1 θn−k

2 correspond à la (n− k, n− k)-forme

1≤i1<···<in−k≤nn≤j1<···<jn−k≤2n

(n− k)!2(

√−1)2(n−k)

1≤l≤n−k

(dzil ∧ dzil) ∧∧

1≤l≤n−k

(dzjl ∧ dzjl)

.

Si l’on écritλ2k =

I,J

aIJdzi1 ∧ dzj1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dzjk

avec aIJ ∈ R, I = i1, . . . , ik et J = j1, . . . , jk des multi-indices de longeur kdans 1, . . . , n, on vérifie facilement que l’on a aIJ 6= 0 et aIJdzi1 ∧ dzj1 ∧ · · · ∧dzik ∧ dzjk ∧ θn−k

1 θn−k2 6= 0 si et seulement si aIJdzi1 ∧ dzj1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dzjk est

de la forme

(2k)!∧

1≤l≤k

(√−1dzil ∧ dzil+n

∧√−1dzil+n

∧ dzil)

= (−1)3k(2k)!∧

1≤l≤k

(√−1dzil ∧ dzil ∧

√−1dzil+n

∧ dzil+n).

Or il y a(nk

)telles formes aIJdzi1 ∧ dzj1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dzjk , et pour chaque telle

forme on a

aIJdzi1 ∧ dzj1 ∧ · · · ∧ dzik ∧ dzjk ∧ θn−k1 θn−k

2 = (−1)k(2k)!(n− k)!2,

de sorte que l’on obtient

θn−k1 θn−k

2 λ2k = (−1)k(2k)!(n− k)!2(n

k

).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 26

Remarque 2.2.4.5. Si A est de dimension n, on a

µn =

n∑

k=0

4n−k(−1)kθn−k1 θn−k

2 λ2k =

n∑

k=0

4n−k(2k)!(n− k)!2(n

k

)> 0.

Exemple 2.2.4.6. Soit n = 2. Alors on a

θ21θ22 = 4, θ1θ2λ

2 = −4, λ4 = 24, µ2 = 96.

Notation 2.2.4.7. Si l’on a besoin de tenir compte de la dimension, on note An unevariété abélienne de dimension n. Soit P ∈ R[θ1, θ2, λ] un polynôme homogène dedegré k. On note [P ]n la classe représentée par P dans Nk(An ×An).

Lemme 2.2.4.8. Soient P1(θ1, θ2, λ) et P2(θ1, θ2, λ) des polynômes homogènes dedegré k. Pour tout n ≥ k, on a

[P1]k · [P2]k =[µk]k[µn]n

([P1]n · µn−k[P2]n).

Démonstration. Si l’on écrit P1 ·P2 =∑k

i=1Qi avec Qi ∈ µi ·S4k−4iW selon (2.13),on a [P1]k · [P2]k = Q0 · µk

k et donc

[P1]k · [P2]k = Q0 · [µk]k

=[µk]k[µn]n

Q0 · [µn]n

=[µk]k[µn]n

([P1]n · [µn−k]n · [P2]n).

2.3 Classes positives

Le but de cette section est de montrer les théorèmes 2.1.0.6 (théorème 2.3.4.3)et 2.1.0.7 (théorème 2.3.4.9). Après des discussions préliminaires (§2.3.1), on étudieen détail les cônes Sk Psef1(Ae) et Semik(Ae) dans §2.3.2 et §2.3.3. Les résultats deces sections nous permettent alors de déduire les théorèmes 2.1.0.6 et 2.1.0.7 dans§2.3.4.

2.3.1 Préliminaires

2.3.1.1 Notions de positivité sur une variété abélienne

Soit B une variété abélienne et écrivons B = U/Γ, où U est un espace vectorielcomplexe de dimension n et Γ est un réseau dans B. Dans ce paragraphe, on in-troduit diverses notions de positivité pour des classes de cycles sur B, qui donnentchacunes lieu à un cône dans Nk(B) pour 1 ≤ k ≤ n. Rappelons que sur une variétéabélienne, équivalence numérique et équivalence homologique coïncident.

Comme toute classe α ∈ Nk(B) est représentée par une (k, k)-forme réelle surU , on peut définir d’autres notions de positivité à côté de celles définies dans l’in-troduction (cf. definition 1.1.0.1). Munissons U de coordonnées complexes zj =xj +

√−1yj, 1 ≤ j ≤ n. Alors l’espace vectoriel réel sous-jacent U est muni d’une

orientation canonique par la (n, n)-forme réelle√−1dz1 ∧ dz1 ∧ · · · ∧

√−1dzn ∧ dzn = 2ndx1 ∧ dy1 ∧ · · · ∧ dxn ∧ dyn.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 27

Définition 2.3.1.1. Une (k, k)-forme réelle α est dite fortement positive si elles’écrit comme combinaison linéaire convexe de formes

√−1l1 ∧ l1 ∧ · · · ∧

√−1lk ∧ lk,

avec lj ∈ U pour j = 1, . . . , k. On note Strongk(U) le cône convexe fermé de cesclasses.

Une (n− k, n− k)-forme réelle est dite faiblement positive si le cup-produit avectoute (k, k)-forme fortement positive est positif, c’est-à-dire un multiple positif del’orientation canonique. On note le cône de ces classes Weakn−k(U).

Remarque 2.3.1.2. Par définition, Weakn−k(U) est le cône dual de Strongk(U).

Remarque 2.3.1.3. Si l’on considère U comme un espace vectoriel réel muni d’unestructure complexe J : U → U , on peut également dire que α est une forme forte-ment positive si elle s’écrit comme combinaison convexe de formes

l1 ∧ Jl1 ∧ · · · ∧ lk ∧ Jlkavec li ∈ U .

Définition 2.3.1.4. On dit qu’une (k, k)-forme réelle est semipositive si sa formehermitienne associée sur

∧kU est semipositive (cf. (2.5)). On note le cône convexe

fermé de ces formes Semik(U).

On a les inclusions

Strongk(U) ⊂ Semik(U) ⊂Weakk(U),

qui sont des égalités pour k = 1 et k = n− 1 et qui sont des inclusions strictes pour2 ≤ k ≤ n− 2 [35, Corol. 1.6].

Pour une variété abélienne B, on pose

Strongk(B) := Strongk(U) ∩ Nk(B),

Weakk(B) := Weakk(U) ∩ Nk(B),

Semik(B) := Semik(U) ∩ Nk(B).

On a la chaîne d’inclusions suivante [17, Lemma 1.5] :

Psefk(B) ⊂ Strongk(B) ⊂ Semik(B) ⊂Weakk(B) ⊂ Nefk(B). (2.14)

Rapellons que toutes ces inclusions sont des égalités pour k = 1 et k = n− 1.

Remarque 2.3.1.5. Pour la variété abélienne Be, tous les cônes dans la chaîne (2.14)sont invariants sous l’action de GL(W ) sur N•(Be) (cf. §2.2.1 et [17, Prop. 1.6 et p.12]).

Lemme 2.3.1.6. On a les inclusions suivantes :

(a) Semik(B) · Semil(B) ⊂ Semik+l(B),

(b) Strongk(B) · Strongl(B) ⊂ Strongk+l(B),

(c) Weakk(B) · Strongl(B) ⊂Weakk+l(B),

(d) Nefk(B) · Psefl(B) ⊂ Nefk+l(B).

Démonstration. Le premier énoncé résulte du fait que Semik(U) est engendré parles formes ik

2

a ∧ a pour a ∈ ∧k U .Pour le deuxième, il suffit de remarquer que Strongk(U) est engendré par les

formes ik2

a ∧ a pour a ∈ ∧kU décomposable.

Enfin, on montre (c), l’argument pour (d) étant similaire. Soit α ∈Weakk(B) etβ ∈ Strongl(B). Il faut vérifier que l’on a α·β ·γ ≥ 0 pour tout γ ∈ Strong2n−k−l(B).Comme β · γ ∈ Strong2n−k(B), cela découle du fait que l’on a α ∈Weakk(B).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 28

2.3.1.2 Une conjecture de Harvey, Knapp et Lawson

Remarquons que les notions de positivité « faiblement positive », « semipositive »et « fortement positive » peuvent être définies plus généralement pour des classesd’une variété algébrique projective complexe [24, §1]. On a la conjecture suivantedue à Harvey et Knapp et Lawson [24, p. 376].

Conjecture 2.3.1.7 (Harvey, Knapp, Lawson). Soit X une variété algébrique com-plexe projective de dimension n. Alors toute classe rationnelle dans l’intérieur deStrongk(X) est la classe d’un cycle effectif à coefficients rationnels pour 0 ≤ k ≤ n.

Remarque 2.3.1.8. Une classe rationnelle α ∈ NkQ(X) est effective si et seulement si

elle représente un cycle effectif à coefficients rationnels : soit α ∈ Effk(X). Commele cône effectif Effk(X) ⊂ Nk(X) est engendré par des classes dans Nk

Q(X), il existe

d’après le théorème de Carathéodory v0, . . . , vn ∈ Effk(X) ∩ NkQ(X) tels que α =∑n

i=0 λivi avec λi ∈ R+. Pour α ∈ Effk(X) ∩ NkQ(X), on a donc λi ∈ Q pour

i = 0, . . . , n, ce qui entraîne le résultat souhaité. Il en découle que la conjecture2.3.1.7 entraîne Psefk(X) = Strongk(X) (cf. conjecture 2.1.0.5).

Remarque 2.3.1.9. Une version plus faible de la conjecture 2.3.1.7 est équivalenteà la conjecture de Hodge (cf. [24, p. 376-377]). En particulier, la conjecture 2.3.1.7entraîne la conjecture de Hodge.

A l’origine, Harvey et Knapp [35, II, p. 59] conjecturaient même que toute classerationnelle dans Strongk(X) est effective, mais la restriction à l’intérieur du côneStrongk(X) est nécessaire à cause de l’exemple suivant de Lawson [41, Thm. 6.7].

Théorème 2.3.1.10 (Lawson). Soit E la courbe elliptique C /(Z+iZ). Alors ilexiste pour tout k ≥ 2 une classe entière α dans le bord du cône Strongk(E2k) quin’est pas effective.

Lawson construit une classe satisfaisant les propriétés du théorème 2.3.1.10comme suit. Soit X une variété algébrique (complexe) projective. Pour une classeα ∈ H2n−k(X,R), on note ∗α son dual (de Poincaré) dans Hk(X,R). Lawson étudieles classes fortement positives à travers leurs duaux en exploitant une interprétationde l’homologie en fonction des courants sur X . Cela permet de définir une longueur‖·‖Z sur Hk(X,Z) et une longueur ‖·‖R sur Hk(X,R) (cf. [41, §1]) telles que l’on ait

‖α‖Z ≥ ‖i(α)‖R,

où l’on note i : Hk(X,Z) → Hk(X,R) l’application canonique. De plus, on a‖mα‖Z ≤ m‖α‖Z et ‖mβ‖R = m‖β‖R pour tout entier positif m. Une classe α ∈Hk(X,Z) est dite stable, s’il existe un entier positif m tel que ‖mα‖Z = ‖mi(α)‖R.

Lawson montre ensuite le théorème suivant [41, Corol. 2.6].

Théorème 2.3.1.11 (Lawson). Soit X une variété algébrique complexe projectivede dimension n. Une classe fortement positive α ∈ H2n−2k(X,Z) est effective si etseulement si la classe ∗α ∈ H2k(X,Z) est stable.

Afin d’obtenir une classe fortement positive non effective, on est ainsi ramené àla construction d’une classe d’homologie β ∈ H2k(X,Z) qui n’est pas stable maisqui est le dual d’une classe fortement positive.

Soit R2m muni du produit intérieur standard et d’une structure complexe J :R2m → R2m. Notons U = (R2m, J) l’espace vectoriel complexe associé. Regardonsmaintenant une variété abélienne B = U/Γ, où Γ est un réseau dans U (resp. dansR2m). Rappelons que l’on a H2k(B,Z) =

∧2kZ Γ (cf. (2.3)), et que le produit intérieur

standard sur R2m induit naturellement un produit intérieur sur∧kR2m. Des formes

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 29

β1, β2 ∈∧k

Γ sont dites orthogonales si elles sont orthogonales vues comme formesdans

∧kR2m. Le critère suivant permet alors la construction souhaitée [41, Corol.

6.5].

Corollaire 2.3.1.12 (Lawson). Soit β ∈ H2k(B,Z). Supposons que l’on peut écrireβ = β1+β2, où les βi sont décomposables, β1 ⊥ β2 et mβi 6∈

∧2kZ Γ pour tout entier

positif m. Alors β n’est pas stable.

Construisons donc une variété abélienne B ≃ E2k, où E est la courbe elliptiqueC /(Z+iZ), et une classe β ∈ H2k(B,Z) satisfaisant ces propriétés : soit k ≥ 2 etposons n = 4k. Soit Γ le réseau dans Rn engendré par les vecteurs

v2i−1 = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0),

v2i = (0, . . . , 0, 1/√2, 0, . . . , 0)

pour i = 1, . . . , 2k, où le j-ième coefficient de vj est non nul. Munissons Rn d’unestructure complexe en posant

Jvi := vi+2k,

Jvi+2k := −vi

pour i = 1, . . . , 2k. Si l’on note U l’espace vectoriel complexe de dimension 2k ainsiobtenu, on voit que la variété abélienne B = U/Γ associée est isomorphe à E2k.

Afin de construire la classe β ∈ H2k(B,Z), on pose

ei = v2i−1 +√2v2i,

e′i = v2i−1 −√2v2i

pour i = 1, . . . , 2k et

β1 = e1 ∧ · · · ∧ e2k, β2 = e′1 ∧ · · · ∧ e′2k.

La classe β = β1 + β2 étant invariante sous l’automorphisme de Galois de∧2k

Z[√2] Γ

qui envoie√2 sur −

√2, on voit que β est contenu dans

∧2kZ Γ = H2k(B,Z). Comme

β1 et β2 ont des coefficients irrationnels, aucun multiple entier de βi appartient à∧kZ Γ. De plus, β1 et β2 sont orthogonaux de sorte que la classe β n’est pas stable

par le corollaire 2.3.1.12.Or on a Jei = ei+k et Je′i = e′i+k pour i = 1, . . . , k de sorte qu’un calcul montre

que le (k, k)-vecteur

β = (−1)k(k−1)/2β

= e1 ∧ Je1 ∧ · · · ∧ ek ∧ Jek + e′1 ∧ Je′1 ∧ . . . e′k ∧ Je′kest le dual de la (k, k)-forme fortement positive

α = e∗1 ∧ Je∗1 ∧ · · · ∧ e∗k ∧ Je∗k + e∗1 ∧ Je∗1 ∧ . . . e∗k ∧ Je∗k.

Il reste à remarquer que β2 = 0 implique que β définit une classe sur le bord deStrong2k(E2k,R).

2.3.1.3 Les résultats de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin

On résume les résultats principaux de Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin concer-nant les classes pseudoeffectives dans le théorème suivant ( [17, corollaire 5.1 etproposition 5.2]).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 30

Théorème 2.3.1.13 (Debarre, Ein, Lazarsfeld, Voisin). 1. Soit E une courbeelliptique à multiplication complexe. Alors on a, pour tout entier positif s etpour k ∈ 0, . . . , s,

Sk Psef1(Es) = Psefk(Es) = Strongk(Es).

2. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale de dimen-sion n ≥ 2. Alors on a

S2 Psef1(A×A) = Psef2(A×A) = Strong2(A×A) = Semi2(A×A), (2.15)

S2n−2 Psef1(A×A) = Psef2n−2(A×A) = Strong2n−2(A×A).

Le théorème 2.3.1.10 et le théorème 2.3.1.13 impliquent alors la propositionsuivante.

Proposition 2.3.1.14. Soit E la courbe elliptique C /(Z+iZ). Alors il existe pourtout k ≥ 2 une classe entière α ∈ Nk(E2k) telle que

α ∈ Psefk(E2k) et α 6∈ Effk(E2k).

C’est un phénomème qui n’apparaît pas en codimension 1, où toute classe pseu-doeffective rationnelle est effective à cause de la proposition suivante [7, Lemme1.1].

Proposition 2.3.1.15 (Bauer). Soit B une variété abélienne et soit D un diviseurentier sur B. Alors on a [D] ∈ Eff1(B) si et seulement si [D] ∈ Nef1(B).

Remarque 2.3.1.16. Soit E = C /(Z+iZ). Le cône Psef1(E2k) doit avoir des classesirrationnelles non effectives sur le bord : si toutes les classes irrationnelles dansPsef1(E2k) étaient effectives, on aurait Psef1(E2k) = Eff1(E2k), ce qui entraîneraitdonc

Effk(E2k) = Psefk(E2k) = Strongk(E2k)

par le théorème 2.3.1.13. C’est une contradiction avec la proposition 2.3.1.14, d’oùle résultat.

Remarque 2.3.1.17. Soit X une variété algébrique projective. Voisin conjecture quela classe [Z] ∈ Nk(X) d’une sous-variété Z de X est big si Z bouge dans unefamille telle que les sous-espaces tangents correspondant dans un point général deX dominent la Grassmannienne correspondante. Si B est une variété abélienne,l’égalité Psefk(B) = Strongk(B) entraîne la conjecture de Voisin [17, Rem. 6.4].

Concernant la comparaison des classes pseudoeffectives et nefs, Debarre, Ein,Lazarsfeld et Voisin montrent [17, Cor. 5.1] :

Théorème 2.3.1.18. 1. Soit E une courbe elliptique à multiplication complexeet soit s ≥ 4 un entier positif. Alors on a, pour k ∈ 2, . . . , s− 2,

Psefk(Es) Nefk(Es).

2. Soit A une surface abélienne principalement polarisée très générale. Alors ona

Psef2(A×A) Nef2(A×A).

2.3.2 Le cône Sk Psef1(Ae)

Soit A une variété abélienne principalement polarisée très générale. Dans cettesection, on montre que le cône S

k Psef1(Ae) engendré par les intersections de di-viseurs pseudoeffectifs est fermé et l’on détermine ses rayons extrémaux pour k ∈0, . . . , n et e ≥ 2 (proposition 2.3.2.5).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 31

2.3.2.1 Diviseurs pseudoeffectifs

Regardons d’abord le cas k = 1 (cf. [40, §5.2] et [54]). Posons EndR(Ae) =

End(Ae) ⊗Z R. Notons EndsR(Ae) l’espace des éléments symétriques par rapport à

l’involution de Rosati de EndR(Ae) et Tx la translation par x dans Ae pour un

x ∈ Ae fixé. Ayant Ae ≃ Ae, on obtient un isomorphisme

N1(Ae) ≃ EndsR(Ae)

L 7→ φL

de R-espaces vectoriels, où φL(x) = T ∗xL ⊗ L−1. Si l’on identifie EndR(A

e) avecl’algèbre de matrices Mate(R), l’involution de Rosati correspond à l’involution quienvoie une matrice sur sa transposée, de sorte que N1(Ae) est isomorphe à l’espacedes matrices e × e réelles symétriques Syme(R). Comme les valeurs propres de φLsont les mêmes que celles d’une matrice représentant la forme hermitienne HL as-sociée à L [40, Lemme 2.4.5], le cône Nef1(Ae) correspond au cône Sym+

e (R) desmatrices réelles symétriques semipositives (cf. proposition 2.3.4.2 pour des proprié-tés élémentaires de ce cône). De plus, l’action de GL(W ) sur N1(Ae) correspond àl’action de GLe(R) sur Syme(R) donnée par [54, Theorem 4.2]

∀g ∈ GLe(R) ∀M ∈ Syme(R) g ·M = gM tg,

de sorte que le cône Nef1(Ae) est homogène sous l’action de GL(W ).Ayant φθi(x1, . . . , xe) = (0, . . . , 0, xi, 0, . . . , 0), on voit que θi correspond à une

matrice symétrique de rang 1 dans Sym+e (R), d’où l’on déduit que θi est extré-

mal dans Nef1(Ae). Toutes les matrices symétriques semipositives de rang 1 étantcongruentes sous l’action de GL(W ), on obtient comme cas particulier de [54, Thm4.3] l’énoncé suivant.

Proposition 2.3.2.1. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale. Alors on a

Psef1(Ae) = Nef1(Ae) ≃ Sym+e (R)

et l’action de GL(W ) sur Psef1(Ae) correspond à l’action de GLe(R) sur Sym+e (R)

par congruence. La classe θ1 correspond à une matrice de rang 1 sous cette iden-tification, de sorte que l’ensemble des rayons extrémaux de Psef1(Ae) est l’orbiteGL(W ) · θ1.

2.3.2.2 Produits de diviseurs pseudoeffectifs

Avant d’étudier le cône Sk Psef1(Ae) pour k ≥ 2, on aura besoin des notations

suivantes.

Notation 2.3.2.2. Si E est un sous-ensemble de Rd, on note conv(E) l’enveloppeconvexe de E et cone(E) le cône convexe engendré par E. Pour un cône convexeC ⊂ Rd, on note ext(C) la réunion des rayons extrémaux de C.Remarque 2.3.2.3. Soit B := w1, . . . , we une base de W . Munissons W du produitintérieur tel que la base B soit orthonormée et notons O(W ) le groupe orthogonalpar rapport à ce produit intérieur. Dans les coordonnées associées à B, GL(W )s’identifie avec GLe(R), et si l’on identifie S

2W avec N1(Ae) comme décrit dansla remarque 2.2.3.11, l’action de g ∈ GL(W ) sur θ1 ne dépend que de la premièrecolonne de la matrice représentant g, de sorte que GL(W ) · θ1 = R∗

+(O(W ) · θ1).Notation 2.3.2.4. Posons pour la suite

Ek = g1θ1 · · · gkθ1 | g1, . . . , gk ∈ GL(W ) ⊂ Nk(Ae).

Pour α et β ∈ N•(Ae), on écrit α ∼ β, si α et β sont dans la même orbite sousl’action de GL(W ).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 32

Proposition 2.3.2.5. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n. Le cône S

k Psef1(Ae) est fermé et l’on a l’inclusion

ext(Sk Psef1(Ae)) ⊂ Ek

qui est une égalité pour k ∈ 0, . . . , n.Démonstration. Posons G = GL(W ). Comme un cône fermé saillant est l’enveloppeconvexe de ses rayons extrémaux, toute classe α ∈ Psef1(Ae) s’écrit comme com-binaison convexe de classes dans l’orbite G · θ1 par la proposition 2.3.2.1. On adonc

Sk Psef1(Ae) = coneg1θ1 · · · gkθ1 | g1, . . . , gk ∈ G.

En particulier, Sk Psef1(A × A) est le cône engendré par l’image de l’applicationcontinue (cf. remarque 2.3.2.3)

ϕ : O(W )× · · · ×O(W ) → Nk(Ae)

(g1, . . . , gk) 7→ g1θ1 · · · gkθ1,i.e., S

k Psef1(Ae) est engendré par un ensemble compact et est donc fermé. Or,l’enveloppe convexe de l’image de ϕ est compacte de sorte que tout x ∈ conv(im(ϕ))s’écrit comme combinaison convexe d’un nombre fini d’éléments de im(ϕ). Comme,par la remarque 2.3.2.3,

Sk Psef1(Ae) = cone(conv(im(ϕ))) = λx | λ ∈ R+, x ∈ conv(im(ϕ)),

on aext(Sk Psef1(Ae)) ⊂ Ek.

Montrons maintenantEk ⊂ ext(Sk Psef1(Ae))

pour 1 ≤ k ≤ n. On raisonne par récurrence sur k. Pour éviter des indices, on ledémontre pour e = 2, le raisonnement pour le cas e ≥ 3 étant similaire.

Supposons donc e = 2. Pour k = 1, c’est la proposition 2.3.2.1. Soit maintenantk ≥ 2 et soit g1θ1 · · · gkθ1 ∈ Ek. Comme

g1θ1 · · · gkθ1 ∼ θ1 · g−11 g2θ1 · · · g−1

1 gkθ1 =: α,

et comme ext(Sk Psef1(A×A)) est invariant sous l’action de G, il suffit de montrerque α est extrémal. Ecrivons α =

∑j sj avec

sj = gj1θ1 · · · gjkθ1et

gji θ1 = (aji )2θ1 + (bji )

2θ2 + aji bjiλ.

Supposons qu’il existe un sj tel que bji 6= 0 pour tout i ∈ 1, . . . , k. Cela impliqueque sj contient θk2 comme terme avec un coefficient strictement positif, ce qui n’estpas possible, car les coefficients de ce terme sont toujours ≥ 0 et α ne contient pasde tel terme. On peut donc supposer, pour tout j, sj = θ1 · gj2θ1 · · · gjkθ1, i.e.,

θ1 ·(g−11 g2θ1 · · · g−1

1 gkθ1)=∑

j

θ1 · (gj2θ1 · · · gjkθ1).

Par le corollaire 2.2.3.7, on a, pour 1 ≤ k ≤ n,

g−11 g2θ1 · · · g−1

1 gkθ1 =∑

j

gj2θ1 · · · gjkθ1,

ce qui fournit le résultat par récurrence sur k : tous les gj2θ1 · · · gjkθ1 doivent êtreproportionnels à g−1

1 g2θ1 · · · g−11 gkθ1, donc tous les sj sont proportionnels à α.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 33

Finissons par la proposition suivante qui nous servira dans la section 2.3.4.2.

Proposition 2.3.2.6. Soit g ∈ GL(W ), soit 1 ≤ k ≤ n− 1 et soit

ϕg : Nk(Ae) → Nk+1(Ae)

α 7→ gθ1 · α.

Alors ϕ−1g (Sk+1 Psef1(Ae)) = S

k Psef1(Ae).

Démonstration. Il faut montrer que gθ1 · α ∈ Sk+1 Psef1(Ae) implique que α est

contenu dans Sk Psef1(Ae) (l’autre sens est clair). Par la stabilité de S

k Psef1(Ae)sous l’action de GL(W ), il suffit de le montrer pour ϕid. Soit θ1 ·α ∈ S

k+1 Psef1(Ae).Par la proposition précédente, on peut alors écrire

θ1 · α =∑

j

gj1θ1 · · · gjkθ1,

où la somme à droite contient un nombre fini de termes. Par l’argument utilisé dansla preuve de la proposition 2.3.2.5, on obtient

θ1 · α = θ1 ·∑

j

gj2θ1 · · · gjkθ1.

Par le corollaire 2.2.3.7, on a donc

α =∑

j

gj2θ1 · · · gjkθ1 ∈ Sk Psef1(Ae).

2.3.3 Le cône semipositif

Soit A = U/Γ toujours une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n, où U est un espace vectoriel complexe et Γ un réseau dansU . Soit W un espace vectoriel réel de dimension e et écrivons V ∗ ≃ U∗ ⊗R W . Onnote VR l’espace vectoriel réel engendré par les vecteurs vsr, 1 ≤ s ≤ n, 1 ≤ r ≤ e(cf. (2.9)).

Dans ce chapitre, on étudie les cônes semipositifs Semik(Ae). Dans une premièreétape, on remarque qu’au lieu de regarder la positivité des formes hermitiennesHα sur

∧k V associées aux classes α ∈ Nk(Ae), on peut étudier la positivité d’uneforme bilinéaire symétrique Bα sur

∧k VR. Pour k fixé, on montre qu’il existe unebase telle que les matrices représentant les formes symétriques Bα se décomposenten blocs correspondant aux facteurs irréductibles de

∧kVR en tant que GL(W )-

module (proposition 2.3.3.2). La démonstration de la proposition 2.3.3.2 fourniraaussi une méthode pour calculer les matrices bα représentant les formes symétriquesBα à partir des représentations irréductibles de GL(W ) (remarque 2.3.3.3), ce quinous permet de déduire que le cône Semik(Ae) ne dépend pas de la dimension deA pour n ≥ k (corollaire 2.3.3.4). Enfin, on montre que, pour 1 ≤ k ≤ n, on a desisomorphismes

Nk(A×A) ≃ Symk+1(R),

N2n−k(A×A) ≃ Symk+1(R),

qui associent à une classe semipositive une matrice symétrique semipositive (pro-position 2.3.3.9).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 34

On reprend les notations de la section 2.2.3. La base w1, . . . , we de W est ditebase standard de W et

vs1r1 ∧ · · · ∧ vskrk | 1 ≤ si ≤ n, 1 ≤ ri ≤ e, i ∈ 1, . . . , k

est dite base standard de∧k

V (resp. de∧k

VR) (cf. (2.9)). Le produit intérieur sur∧kV (resp. sur

∧kVR) telle que la base standard est une base orthonormée est dit

produit intérieur standard.

2.3.3.1 Décomposition des formes hermitiennes

Afin d’associer à une classe dans Nk(A×A) une forme bilinéaire symétrique surun espace vectoriel réel, et pour étudier l’ensemble des formes ainsi obtenues, on ad’abord besoin d’un lemme technique.

Soit ρk : End(W ) → End(∧k

V ) la représentation induite par la représentationtautologique W et notons ρBk (g) la matrice représentant ρk(g) par rapport auxcoordonnées standards sur W resp. sur

∧k V . Rappelons que l’on a un isomorphisme

End(W )→ End(Ae)⊗ Rg 7→ ug

et que, par construction, la représentation analytique de ug est donnée par ρ1.Ayant de plus un isomorpisme φ : N1(Ae)→ Ends(Ae)⊗ R, on peut identifier toutα ∈ N1(Ae) avec un gα ∈ End(W ). Par [40, Lemme 2.4.5], on a

ρB1 (gα) = hBα, (2.16)

où l’on note hBα la matrice représentant la forme hermitienne Hα associée à α ∈N1(Ae) par rapport aux coordonnées standards sur W resp. sur V .

Lemme 2.3.3.1. Dans les coordonnées standards de W , resp. de∧k V , on a

ρBk (gα) =1

k!hBαk

pour tout α ∈ N1(Ae).

Démonstration. Rappelons que le produit extérieur d’une forme hermitienne sur Vest défini par

(

k∧H)(v1 ∧ · · · ∧ vk, w1 ∧ · · · ∧ wk) = det(H(vi, wj)1≤i,j≤k)

pour v1∧· · ·∧vk et w1∧· · ·∧wk dans∧k

V . Comme le produit d’intersection de deuxclasses dans N•(Ae) correspond au produit extérieur des (k, k)-formes représentantles deux classes, on a (

∧kHα) =

1k!Hαk et donc

1

k!hBαk = det((hBα)1≤i,j≤k).

En même temps, ρ1(gα) induit naturellement un endomorphisme∧k ρ1(gα) sur∧k

V en posant∧k

ρ1(gα)(v1 ∧ · · · ∧ vk) := ρ1(gα)v1 ∧ · · · ∧ ρ1(gα)vk. Dans la basestandard de

∧kV , on a

k∧ρB1 (gα) = det(ρ1(g

Bα )1≤i,j≤k).

Ayant ρBk (gα) =∧k

ρB1 (gα), on obtient le résultat souhaité par (2.16).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 35

Remarquons que toutes les matrices hBα sont réelles, de sorte que les matriceshBαk sont également réelles. Comme les αk engendrent Nk(Ae) [55, Prop. 2.8], onen déduit que, pour tout β ∈ Nk(Ae), la matrice hBβ est réelle. Cela nous permet

d’identifier ces matrices avec une forme bilinéaire symétrique sur∧k

VR. On obtientainsi une application

B : Nk(Ae)→ S2(

k∧V ∗R )

α 7→ Bα,

qui associe à une classe semipositive une forme bilinéaire symétrique semipositivesur

∧kVR. La proposition suivante montre qu’il existe une base de

∧kVR telle

que, pour tout α ∈ Nk(Ae), la matrice bα représentant la forme bilinéaire Bα sedécompose en blocs correspondant aux GL(W )-module irréductibles de

∧kVR.

Proposition 2.3.3.2. Il existe une décomposition

k∧VR =

l

Ml

en facteurs irréductibles en tant que GL(W )-modules telle que l’application B :

Nk(Ae)→ S2(∧k

V ∗R ) se factorise par

⊕l S

2(M∗l ).

Démonstration. Comme la base standard de∧k

VR est orthogonale par rapport auproduit intérieur standard, il existe par l’astuce unitaire une transformation ortho-gonale a :

∧kVR →

∧kVR telle que la nouvelle base est adaptée à la décomposition∧k

VR =⊕

lMl. Par la proposition 2.3.3.1, on a donc

ta1

k!bBβka = taρBk (gβ)a = a−1ρBk (gβ)a

pour tout β ∈ N1(Ae). Par construction, les matrices a−1ρBk (gβ)a se décomposent enblocs correspondant aux facteurs irréductibles de

∧kVR, et comme les βk engendrent

Nk(Ae), on en déduit le résultat souhaité.

Remarque 2.3.3.3. La démonstration de la proposition 2.3.3.2 montre comment onpeut calculer les matrices bα représentant les formes Bα associées aux classes α dansNk(Ae) : soit

k∧VR =

l

Ml (2.17)

une décomposition en facteurs irréductibles orthogonaux deux à deux par rapportau produit intérieur standard sur

∧kVR. Choisissons maintenant une base ortho-

normée de∧k

VR adaptée à cette décomposition. Si l’on note ρMlla représentation

End(W ) → End(Ml), on a ρk(g) =⊕

l ρMl(g) et par la proposition 2.3.3.1, on a

ρMl(gβ) =

1k! bβk |Ml

pour tout β ∈ N1(Ae) dans les coordonnées choisies. Cela nouspermet de calculer les matrices bα pour α ∈ Nk(Ae) comme suit (on l’explique endétail pour e = 2, le cas général étant similaire) : on calcule d’abord les représenta-tions ρMl

: End(W )→ End(Ml) dans une base orthonormée de Ml par rapport auproduit intérieur induit sur Ml en tant que sous-module de

∧kVR. Supposons que

l’on obtient

ρMl: Mat2(R) → Matdim(Ml)(R)(

a bc d

)7→ (pij(a, b, c, d))ij ,

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 36

où les pij sont des polynômes homogènes de degré k. Écrivons de plus

pij(a, b, b, d) =∑

|l|=k

t(l)ij a

l1dl2bl3

avec l = (l1, l2, l3) et t(l)ij ∈ R. On a d’autre part

(aθ1 + dθ2 + bλ)k =∑

|l|=k

(k

l1, l2, l3

)al1dl2bl3θl11 θ

l22 λ

l3 .

Si α ∈ Nk(Ae) est une classe représentée par le polynôme∑

|l|=k

xl1,l2,l3θl11 θ

l22 λ

l3 ,

la matrice bα|Mlreprésentant Bα|Ml

, est alors donnée par

1

k!bα|Ml

=

|l|=k

t(l)ij

(k

l1, l2, l3

)−1

xl1,l2,l3

ij

. (2.18)

Remarquons enfin que si Ml et M ′l sont des modules isomorphes dans la dé-

composition (2.17), il suffit de calculer bα|Mlpour étudier la positivité de α. Cela

découle du fait que bα|M ′l

est une matrice semblable à bα|Ml, de sorte que les deux

matrices ont les mêmes valeurs propres.

Corollaire 2.3.3.4. Les cônes Semik(Ae) ne dépendent pas de la dimension de Apour n ≥ k.Démonstration. Par la démonstration de la proposition 2.3.3.2 et par la remarque2.3.3.3, il suffit de montrer qu’un module irréductible apparaît dans la décompositionde∧kW⊕n si et seulement s’il apparaît dans la décomposition de

∧kW⊕k pourn ≥ k : notons l un multi-indice (l1, . . . , lk) et posons |l| =∑k

i=1 li. On a

k∧W⊕k =

|l|=k

(

l1∧W ⊗ · · · ⊗

lk∧W )⊕ml

etk∧W⊕n =

|l|=k

(

l1∧W ⊗ · · · ⊗

lk∧W )⊕(

nk)ml ,

où ml est un entier positif, d’où le résultat.

2.3.3.2 Spéctraèdres

Les cônes semipositifs font partie d’une certaine classes de cônes, que l’on étudieen géométrie convexe. Écrivons dans la suite M 0, si M est une matrice m×mréelle symétrique semipositive.

Définition 2.3.3.5. Soient M0,M1, . . . ,Mm des matrices l× l réelles symétriques.L’ensemble

(x1, . . . , xm) ∈ Rm |M0 + x1M1 + · · ·+ xmMm 0

est appelé un spectraèdre. Si M0 = 0, on obtient un cône, et on dit qu’un tel côneest un cône spectraèdral.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 37

Si α1, . . . , αm est une base de Nk(B), on a

Semik(B) = β =

m∑

i=1

xiαi ∈ Nk(B) | x1bα1 + . . . xmbαm 0,

de sorte que les cônes semipositifs sont des cônes spectraèdraux.

Définition 2.3.3.6. Soit C ⊂ Rm un sous-ensemble fermé convexe. On dit qu’unsous-ensemble F ⊂ C est une face de C si

∀x, y ∈ C ∀t ∈]0, 1[ tx+ (1− t)y ∈ F ⇒ x, y ∈ F.

Une face F est dite exposée si F = C ou s’il existe un hyperplan H ⊂ Rm tel queC \H est connexe et F = H ∩ C.

Par le résultat suivant, on sait que toutes les faces des cônes semipositifs sontexposées.

Théorème 2.3.3.7 (Ramana et Goldman [19]). Soit C un spectraèdre. Alors touteface de C est une face exposée.

2.3.3.3 Le cas A×ARegardons maintenant le cas e = 2. On montre d’abord que, pour 1 ≤ k ≤ n, on

a des isomorphismes Nk(A×A)→ Symk+1(R) et N2n−k(A×A)→ Symk+1(R) quienvoient une classe semipositive sur une matrice symétrique semipositive (proposi-tion 2.3.3.9). Expliquons l’idée pour n = k : ayant VR = W⊕k, le GL(W )-moduleSk(W ) est un facteur irréductible de

∧k VR. On choisit alors une base telle que lesmatrices bα se décomposent en blocs correspondant aux facteurs irréductibles de∧k

VR. En prenant la projection sur le bloc correspondant à une copie de SkW , on

obtient l’isomorphisme souhaité.Ensuite, on applique la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3 afin de calculer

l’isomorphisme Nk(A × A) → Symk+1(R) explicitement (lemme 2.3.3.10) et pourobtenir des inéquations définissant les cônes semipositifs Semik(A × A) pour A dedimension 3 et pour 2 ≤ k ≤ 4.

Commençons par un lemme technique.

Lemme 2.3.3.8. Soit ρ : End(W )→ End(SkW ) la représentation standard et soitρB : Mat2(R)→ Matk+1(R) l’application induite par ρ pour un choix de coordonnéessur W . L’espace vectoriel engendré par ρB(Sym2(R)) est de dimension (k+1)(k+2)

2 =

dimS2(SkW ).

Démonstration. On choisit une base w1, w2 de W et la base correspondantewi

1wk−i2 | 0 ≤ i ≤ k de S

kW . Soit D la matrice diagonale avec Dii =(ni

)

pour 0 ≤ i ≤ k. Comme D est inversible, il suffit de montrer que l’espace engendrépar les matrices ρB(Sym2(R))D est de dimension (k+1)(k+2)

2 . Pour cela, on procèdecomme suit. D’abord on identifie Sym2(R) avec S

2W par l’application(a bb c

)7→ aw2

1 + bw1w2 + cw22.

Alors on a (aw21 + bw1w2 + cw2

2)k ∈ S

k(S2W ). Soit φ : Sk(S2W ) ≃ S2(SkW )

l’isomorphisme donné par la réciprocité d’Hermite (cf. par exemple [60, Lemma 3]).Comme les (aw2

1+bw1w2+cw22)

k engendrent Sk(S2W ), les φ((aw21+bw1w2+cw

22)

k)engendrent S

2(SkW ), de sorte qu’il suffit de montrer que l’on a

∀g =

(a bb c

)∈ Sym2(R) φ((aw2

1 + bw1w2 + cw22)

k) = ρB(g)D, (2.19)

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 38

où l’on identifie S2(SkW ) avec Symk+1(R) (voir ci-dessous pour les détails).

Pour montrer l’égalité (2.19), on rappelle d’abord que l’isomorphisme φ est donnépar

φ : Sk(S2W )→ S2(SkW ) → S

kW ⊗ SkW,

(w21)

r1(w1w2)r2(w2

2)r3 7→ (w1 ⊗ w1)

∗r1 ∗ (w1 ⊗ w2 + w2 ⊗ w1)∗r2 ∗ (w2 ⊗ w2)

∗r3 ,

où (u1⊗ u2) ∗ (v1⊗ v2) = (u1v1⊗ u2v2) ∈ S2W ⊗S

2W pour u1, u2, v1, v2 ∈W . Uncalcul montre alors que l’image de (aw2

1 + bw1w2 + cw22)

k par φ est

r1+r2+r3=k

(k

r1, r2, r3

)ar1br2cr3

r2∑

s=0

(r2s

)wr1+r2−s

1 ws+r32 · wr1+s

1 wr2−s+r32 . (2.20)

Calculons maintenant ρB(g)D. Pour 0 ≤ j ≤ k, on a

g · wj1w

k−j2 = (aw1 + bw2)

j(bw1 + dw2)k−j

=k∑

i=0

(i∑

l=0

(j

i− l

)(k − jl

)ai−lbj−i+2lck−j−l

)wi

1wk−i2 ,

et ayant(

ji−l

)(k−jl

)=(

ki−l,j−i+2l,k−j−l

)(j−i+2l

l

)(kj

)−1, on obtient ainsi

(ρB(g)D)ij =

i∑

l=0

(k

i− l, j − i + 2l, k − j − l

)(j − i+ 2l

l

)ai−lbj−i+2ldk−j−l,

(2.21)et l’on vérifie facilement que cette matrice est symétrique. Cela nous permet de voirη(g) := ρB(g)D comme un élément dans S

2(SkW ) via l’isomorphisme S2(SkW ) ≃

Symk+1(R) qui envoie η(g) sur∑

0≤i≤j≤k η(g)ijwi1w

k−i2 · wj

1wk−j2 . En posant r1 =

i − l, r2 = j − i + 2l, r3 = k − j − l pour i, j, l fixés, le terme associé de la sommedonnant η(g)ij s’écrit (

k

r1, r2, r2

)(r2l

)ar1br2dr3 ,

et l’on a

i = r1 + r2 − l, k − i = l + r3,

j = r1 + l, k − j = r2 − l + r3,

ce qui fournit le résultat souhaité en comparant avec (2.20).

Étudions maintenant la décomposition de∧k VR en GL(W )-modules irréduc-

tibles. Comme on a VR ≃ W⊕n en tant que GL(W )-modules, on remplace∧k VR

par∧k

W⊕n dans la suite. Or

k∧W⊕n =

⌊ k2 ⌋⊕

s=max0,k−n

(det(W )⊗s ⊗W⊗k−2s

)( n

k−2s)(2ss )

=

⌊ k2 ⌋⊕

s=max0,k−n

⌊ k−2s2 ⌋⊕

i=0

det(W )⊗i+s ⊗ Sk−2s−2iW

( nk−2s)(

2ss )

.

Posons Mk,l = det(W )⊗l⊗Sk−2lW pour 0 ≤ l ≤ ⌊k2 ⌋ et notons mk,l la multiplicité

de Mk,l dans la décomposition de∧k

W⊕n. Soit

pl :⊕

l

S2(M∗

k,l)⊕mk,l → S

2(M∗k,l)

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 39

une projection sur une des copies de S2(M∗

k,l).

La proposition suivante fournit alors les isomorphismes Nk(A×A) ≃ Symk+1(R)

(resp. N2n−k(A × A) → Symk+1(R)) qui envoient les classes semipositives sur desmatrices semipositives pour 1 ≤ k ≤ n (après un choix de coordonnées sur S

kW ∗

(resp. sur SkW ∗ ⊗ det(W ∗)⊗n−k)).

Proposition 2.3.3.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n et soit 0 ≤ k ≤ 2n. Alors les GL(W )-morphismes

pl B : Nk(A×A)→ S2(M∗

k,l)

sont surjectifs pour tout l. En particulier, pour 1 ≤ k ≤ n, les applications

p0 B : Nk(A×A)→ S2(SkW ∗)

resp.pn−k B : N2n−k(A×A)→ S

2(SkW ∗ ⊗ det(W ∗)⊗n−k)

sont des isomorphismes de GL(W )-modules qui envoient toute classe semipositivesur une forme bilinéaire symétrique semipositive.

Démonstration. Rappelons que l’on a un isomorphisme N1(Ae) ≃ Sym2(R), etque l’on note gβ la matrice symétrique ainsi associée à β ∈ N1(Ae). Soit ρMk,l

:End(W )→ End(Mk,l) la représentation standard et

ρBMk,l: Mat2(R)→ Matdim(Mk,l)(R)

l’application induite pour des coordonnées sur W et Mk,l fixées. Par la démons-tration de la proposition 2.3.3.2, resp. par la remarque 2.3.3.3, on peut supposerque les coordonnées sont choisies de façon que pl Bβk = ρBMk,l

(gβ) pour tout

β ∈ N1(A × A). Comme les βk engendrent Nk(Ae), l’application pl h est doncsurjective si et seulement si les matrices

ρBMk,l(gβ) = det(gβ)

2l · ρBMk,l(gβ)

engendrent un espace vectoriel de dimension (k−2l+1)(k−2l)2 . Or les applications ρBMk,l

sont polynomiales et l’ensemble U := β | det(β) 6= 0 est un ouvert de Zariski dansSym2(R), de sorte que

〈ρBMk,l(U)〉 = 〈ρBMk−2l,0

(U)〉.Il suffit ainsi de montrer que ρBMk,0

(U) engendre un espace vectoriel de dimension(k+2)(k+1)

2 pour tout k ∈ N, ce qui est la conclusion du lemme 2.3.3.8.

Soit ρ : End(W ) → End(SkW ) la représentation standard et ρB : Mat2(R) →Matk+1(R) l’application induite pour des coordonnées associées à une base w1, w2deW et la base correspondante wi

1wk−i2 | 0 ≤ i ≤ k de SkW . SoitD ∈ Matk+1(R)

la matrice diagonale telle que Dii =(ni

)pour 0 ≤ i ≤ k. Par la démonstration du

lemme 2.3.3.8, on sait que les matrices ρB(g)D sont symétriques, de sorte que l’onobtient un isomorphisme b′ : Nk(A × A) → Symk+1(R) induit par la conditionβk 7→ ρB(gβ)D pour tout β ∈ N1(A×A) (cf. lemme 2.3.3.1).

Lemme 2.3.3.10. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n. Soit 1 ≤ k ≤ n et soit α ∈ Nk(A × A). Avec les notationsci-dessus, b′α représente p0 Bα = Bα|Sk W pour tout α ∈ Nk(A×A) et l’on a

b′θ1·α =

(b′α 00 0

)

pour 1 ≤ k ≤ n− 1.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 40

Démonstration. On a un plongement canonique

ϕ : SkW → W⊗k

v1 · · · vk 7→∑

σ∈Sk

vσ(1) ⊗ · · · ⊗ vσ(k).

Comme chaque tenseur dans ϕ(vi1vk−i2 ) apparaît i!(k − i)! fois, et comme on a

(ki

)

tenseurs, les vecteurs

1

i!(k − i)!√(

ki

)ϕ(vi1vk−i2 ), 0 ≤ i ≤ k,

forment une base orthonormée de SkW comme sous-module de

∧k VR par rapportau produit intérieur standard. Soit a : SkW → S

kW le changement de base donnépar la matrice

aij =

c0i!(k − i)!

√(ki

)si i = j,

0 sinon,

où c0 ∈ R. La matrice ρB′(g) représentant ρ(g) dans la nouvelle base B′ est alorsdonnée par ρB′(g) = aρB(g)a−1. La matrice ρB′(g) ne dépend pas de la constantec0 de sorte que ρB′(g) est la matrice représentant ρ(g) dans une base orthonorméede S

kW . En particulier, on a

aρB(gβ)a−1 = ρB′(gβ) = bβk |Sk W

pour tout β ∈ N1(A×A) et donc ρB(gβ) = a−1bβk |Sk Wa. Si l’on prend c0 = 1k! , on

obtient ainsiρB(gβ)D = t(a−1)bβk |Sk W a−1,

ce qui fournit la première partie de l’énoncé. Posons

b′α = t(a−1)bα|Sk W a−1

et notons (b′α)ij le coefficient correspondant aux coordonnées i, j dans la matrice b′αpour 0 ≤ i, j ≤ k. On peut calculer ces matrices en calculant les b′βk et en appliquantensuite la méthode décrite dans la remarque 2.3.3.3. De (2.21) on obtient ainsi

(b′θ1·α)ij =∑

0≤l≤k−ij−i≤l≤j

(i− j + 2l

l

)xk−i−l,j−l,i−j+2l(θ1 · α)

pour 0 ≤ i, j ≤ k et

(b′α)ij =∑

0≤l≤k−ij−i≤l≤j

(i− j + 2l

l

)xk−1−i−l,j−l,i−j+2l(α)

pour 0 ≤ i, j ≤ k − 1. Or, on a

xk−l−i−1,j−l,i−j+2l(α) = xk−i−l,j−l,i−j+2l(θ1 · α)

pour 0 ≤ l ≤ k − i− 1,x0,j−k+i,2k−i−j (θ1 · α) = 0

et(b′θ1·α)ik = (b′θ1·α)ki = 0,

ce qui fournit le résultat souhaité.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 41

En suivant la procédure décrite dans la remarque 2.3.3.3, on calcule maintenantdes représentations des cônes Semik(A × A) pour k = 2, 3, 4 pour une variété abé-lienne A principalement polarisée très générale de dimension 3. On l’explique endétail pour k = 2.

1. Le cas k = 2. Remarquons d’abord que l’on a

2∧W⊕3 = (S2W )⊕3 ⊕ det(W )⊕6.

Fixons des coordonnées sur W telles que l’action de g =

(a bc d

)sur S2W et

det(W ) soit donnée par

ρdet(W )(g) = ad− bc ρS2 W (g) =

a2 ab b2

2ac ad+ bc 2bdc2 cd d2

.

On a

(aθ1 + dθ2 + bλ)2 = a2θ1 + d2θ2 + b2λ2 + 2adθ1θ2 + 2abθ1λ+ 2dbθ2λ

et gaθ1+dθ2+bλ =

(a bb d

). Par le lemme 2.3.3.1, la matrice représentant la

forme bilinéaire symétrique B(aθ1+dθ2+bλ)2 est donc semblable à une matricediagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme ad − b2 et 3 blocs de laforme

a2 ab b2

2ab ad+ b2 2bdb2 bd d2

.

Plus généralement, pour

α = x2,0,0θ21+x1,1,0θ1θ2+x0,2,0θ

22+x1,0,1θ1λ+x0,1,1θ2λ+x0,0,2λ

2 ∈ N2(A×A),

une matrice représentant Bα est similaire à une matrice diagonale par blocscomposée de 6 blocs de la forme

1

2x1,1,0 − x0,0,2 (2.22)

et 3 blocs de la formex2,0,0

12x1,0,1 x0,0,2

x1,0,112x1,1,0 + x0,0,2 x0,1,1

x0,0,212x0,1,1 x0,2,0

,

ce qui permet de déduire des inéquations définissant Semi2(A×A).Pour obtenir une matrice diagonale par blocs représentant Bα, il suffit parle lemme 2.3.3.10 de remplacer la matrice ρS2 W (g) par la matrice ρS2 W (g)D(où D est la matrice diagonale avec Dii =

(2i

)pour i = 0, 1, 2) dans le raison-

nement ci-dessus. Une matrice bα représentant Bα est alors donnée par unematrice diagonale par blocs composée de 6 blocs de la forme (2.22) et 3 blocsde la forme

bα|S2 W =

x2,0,0 x1,0,1 x0,0,2x1,0,1 x1,1,0 + 2x0,0,2 x0,1,1x0,0,2 x0,1,1 x0,2,0

, (2.23)

et la classe α est semipositive si et seulement si les matrices (2.22) et (2.23)sont semipositives. On retrouve ainsi la représentation du cône Semi2(A×A)déjà obtenue dans [17] par un calcul explicite.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 42

2. Le cas k = 3. Ayant

3∧W⊕3 ≃ (det(W )⊗W )⊕8 ⊕ S

3W,

la classeα =

|l|=3

xlθl11 θ

l22 λ

l3 ∈ N3(A×A) = S3 N1(A×A)

est semipositive si et seulement si les matrices

bα|det(W )⊗W =

(2x2,1,0 − 2x1,0,2 x1,1,1 − 6x0,0,3x1,1,1 − 6x0,0,3 2x1,2,0 − 2x0,1,2

)(2.24)

et

bα|S3 W =

x3,0,0 x2,0,1 x1,0,2 x0,0,3x2,0,1 x2,1,0 + 2x1,0,2 x1,1,1 + 3x0,0,3 x0,1,2x1,0,2 x1,1,1 + 3x0,0,3 x1,2,0 + 2x0,1,2 x0,2,1x0,0,3 x0,1,2 x0,2,1 x0,3,0

(2.25)

sont semipositives.

3. Le cas k = 4.

Comme les seuls facteurs irréductibles de∧4

W⊕3 sont det(W )⊗2 et det(W )⊗S2W , un polynôme

P (θ1, θ2, λ) =∑

|l|=4

xlθl11 θ

l22 λ

l3 ∈ S4 N1(A×A)

représente une classe semipositive α ∈ N4(A×A) si et seulement si les matrices

bα|det(W )⊗2 = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 (2.26)

et

bα|det(W )⊗S2 W =

3x3,1,0 − 2x2,0,2 2x2,1,1 − 6x1,0,3 x1,1,2 − 12x0,0,42x2,1,1 − 6x1,0,3 4x2,2,0 − 24x0,0,4 2x1,2,1 − 6x0,1,3x1,1,2 − 12x0,0,4 2x1,2,1 − 6x0,1,3 3x1,3,0 − 2x0,2,2

(2.27)sont semipositives.

Remarque 2.3.3.11. Pour k = 2 (resp. pour k = 3), on obtient ainsi aussi unereprésentation du cône Semi2(A × A) (resp. de Semi3(A × A)) pour une variétéabélienne principalement polarisée très générale A de dimension ≥ 2 (resp. pour Ade dimension ≥ 3) par le corollaire 2.3.3.4.

2.3.4 Comparaison des cônes

Pour la suite, on suppose que A est une variété abélienne principalement pola-risée très générale de dimension n.

2.3.4.1 Classes pseudoeffectives et classes semipositives

Dans cette section, on étudie les inclusions de cônes

Sk Psef1(Ae) ⊂ Psefk(Ae) ⊂ Strongk(Ae) ⊂ Semik(Ae) (2.28)

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 43

en se servant des caractérisations explicites des cônes Sk Psef1(Ae) (en fonction de

générateurs) et Semik(Ae) (en fonction d’inéquations le définissant). Le résultatprincipal est, qu’en codimension 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2, on a (théorème 2.3.4.3)

Sk Psef1(Ae) Semik(Ae).

Par ailleurs, on montre que les inclusions (2.28) sont des égalités pour n = 3 etk = 4 (proposition 2.3.4.4).

Lemme 2.3.4.1. Soit 1 ≤ l ≤ e et soit α ∈ Nk(Al). Si p : Ae → Al est uneprojection,

1. pour 1 ≤ k ≤ ln, la classe p∗α est semipositive si et seulement si α estsemipositive ;

2. pour 1 ≤ k ≤ n, la classe p∗α est dans le cône Sk Psef1(Ae) si et seulement

si α ∈ Sk Psef1(Al).

Démonstration. La projection p : Ae → Al correspond à une projection p : U⊕e →U⊕l qui induit naturellement une application pk :

∧kU⊕e → ∧k

U⊕l. Avec cesnotations, on a Hp∗

kα = p∗kHα, et comme pk est surjectif, p∗kHα est semipositive si

et seulement si Hα est semipositive, ce qui montre la première partie de l’énoncé.Montrons la deuxième partie du lemme. On peut supposer que p est la projection

sur les l premiers facteurs de Ae. Si α ∈ Sk Psef1(A×A), il est clair que l’on a aussi

p∗α ∈ Sk Psef1(Ae). Supposons donc p∗α ∈ S

k Psef1(Ae), i.e., on peut écrire

p∗α =l∑

j=1

gj1θ1 · · · gjkθ1

avec gji ∈ GL(W ), 1 ≤ i ≤ k, 1 ≤ j ≤ l. Ecrivons gji θ1 =∑e

r=1(ai,jr )2θr +∑

1≤s<t≤e ai,js ai,jt λst, où ai,jr ∈ R pour 1 ≤ r ≤ e. Comme p∗α est un polynôme

en θr, λst, 1 ≤ r ≤ l, 1 ≤ s < t ≤ l, on a ai,jr = 0 pour r ≥ l et tout i, j. Celaentraîne α ∈ S

k Psef1(Ae) et donc le résultat souhaité.

Rappelons quelques propriétés élémentaires du cône Sym+k (R) des matrices k×k

réelles symétriques semipositives [5, II.12].

Proposition 2.3.4.2. Soit Sym+k (R) le cône des matrices k×k réelles symétriques

semipositives. Alors on a

1. ext(Sym+k (R)) = M ∈ Sym+

k (R) | rang(M) = 1.2. Pour toute matrice A de rang r < k, il existe une (unique) face F de Sym+

k (R)telle que A est dans l’intérieur relatif de F . De plus, il existe une isométrieF ≃ Sym+

r (R) préservant le rang des matrices dans F .

Théorème 2.3.4.3. Soit A une variété abélienne principalement polarisée très gé-nérale de dimension n ≥ 3. Alors on a

Sk Psef1(Ae) Semik(Ae) (2.29)

pour 3 ≤ k ≤ n et pour e ≥ 2. Sous les mêmes restrictions sur k et n, on a de plus

ext(Sk Psef1(A×A)) ⊂ ext(Semik(A×A)). (2.30)

Démonstration. Montrons d’abord (2.29) pour e = 2. Soit

α = θ21 + θ1θ2 + θ22 + λ2.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 44

Par la représentation explicite du cône Semi2(A×A) donnée dans (2.22) et (2.23),cette classe n’est pas semipositive, et ayant S2 Psef1(A×A) = Semi2(A×A) (cf. [17,Thm. 4.1]), cela veut dire qu’elle n’est pas contenue dans S

2 Psef1(A × A). Par laproposition 2.3.2.6, on a donc

θk1 · α 6∈ Sk+2 Psef1(A×A)

pour k ∈ 0, . . . , n − 2, alors que l’on a par la représentation explicite du côneSemi3(A×A) donnée dans (2.24) et (2.25), et par le lemme 2.3.1.6,

θn−21 · α ∈ Semin(A×A),

ce qui montre (2.29) pour e = 2. On en déduit (2.29) pour e ≥ 3 en tirant en arrièreles cônes par des projections et en appliquant le lemme 2.3.4.1.

Afin de montrer (2.30), on rappelle d’abord que la réunion des rayons extrémauxde S

k Psef1(A×A) est donnée par (proposition 2.3.2.5)

Ek = g1θ1 · · · gkθ1 | g1, . . . , gk ∈ GL(W ) ⊂ Nk(A×A)

pour k ∈ 0, . . . , n. Par l’isomorphisme décrit dans le lemme 2.3.3.10 et par laproposition 2.3.4.2, il suffit de montrer que la matrice b′α (comme définie dans lelemme 2.3.3.10) est de rang 1 pour tout α ∈ Ek. Pour k = 1, c’est la proposi-tion 2.3.2.1 de sorte que l’on peut supposer k ≥ 2. Comme Ek est invariant sousl’action de GL(W ), on peut supposer α = θ1 · g2θ1 · · · gkθ1. Par récurrence, on arang(b′g2θ1···gkθ1) = 1 et par le lemme 2.3.3.10, cela fournit rang(b′α) = 1, d’où lerésultat.

Par [17] (cf. théorème 2.3.1.13), on sait que l’on a

S2n−2 Psef1(A×A) = Strong2n−2(A×A).

La proposition suivante complète ce résultat pour n = 3 et elle fournit ainsi desinéquations définissant Psef4(A×A) dans ce cas.

Proposition 2.3.4.4. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension 3. Alors on a

S4 Psef1 = Psef4(A×A) = Strong4(A×A) = Semi4(A×A).

Démonstration. Posons

L≥0 = α ∈ N4(A×A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 ≥ 0

etL = α ∈ N4(A×A) | x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4 = 0.

On montre S4 Psef1(A×A) = Semi4(A×A). Par la représentation explicite du cône

Semi4(A×A) donnée dans (2.26) et (2.27), ce cône est isomorphe à l’intersection ducône Sym+

3 (R) avec le demi-espace L≥0. Il en découle qu’une classe semipositive αdans N4(A×A) est extrémale dans Semi4(A×A) si et seulement si α est semipositiveet la matrice b′α := bα|det(W )⊗S2 W est de rang 1 : si b′α est de rang 1, il est clair queα est une classe extrémale par la proposition 2.3.4.2.

Inversement, supposons maintenant rang(b′α) 6= 1. Si rang(b′α) = 2, la matriceb′α appartient à l’intérieur relatif d’une face F de Sym+

3 (R) qui est isomorphe àSym+

2 (R) (cf. proposition 2.3.4.2). On voit tout de suite que b′α ne peut pas êtreextrémale dans F ∩ L≥0 et donc pas dans Semi4(A × A). Si la matrice b′α est derang 3, elle est dans l’intérieur du cône Sym+

3 (R). Il existe donc un voisinage U dans

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 45

l’intérieur de Sym+3 (R) contenant b′α. Il s’ensuit que l’on peut écrire b′α =M1 +M2

avecM1,M2 ∈ Sym+3 (R)∩L≥0∩U et M1 6=M2, de sorte que b′α n’est pas extrémale.

Il suffit ainsi de montrer que toute matrice de rang 1 contenue dans Sym+3 (R)∩

L≥0 représente une classe dans S4 Psef1(A×A). On montre qu’une matrice de rang1 est représentée soit par une classe g(θ21θ

22) soit par g(θ31θ2) pour un g ∈ GL(W ).

Remarquons qu’une matrice symétrique de rang 1 est entièrement détérminée parsa première colonne si celle-ci est non nulle.

Montrons d’abord que toute matrice b′α de rang 1 dans Sym+3 (R) ∩ L>0 cor-

respond à une classe g(θ21θ22). Soit g =

(a bc d

). Supposons d’abord c = d = 1 et

regardonsg(θ21θ

22) = (θ1 + a2θ2 + aλ)2(θ1 + b2θ2 + bλ)2.

La matrice b′α représente donc une telle classe g(θ21θ22) si et seulement si les équa-

tions suivantes, que l’on obtient comme conditions sur la première colonne, sontsatisfaites :

3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 4(a− b)2,2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 4(a− b)2(a+ b),

x1,1,2 − 12x0,0,4 = 4(a− b)2ab.

Comme a 6= b, on est ramené aux équations

3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 1,

2x2,1,1 − 6x1,0,3 = a+ b,

x1,1,2 − 12x0,0,4 = ab.

Autrement dit, la matrice b′α représente une classe g(θ21θ22) si et seulement si ce

système admet une solution réelle. C’est équivalent à dire que le polynôme

P (y) = (x1,1,2 − 12x0,0,4)− (2x2,1,1 − 6x1,0,3)y + y2 (2.31)

admet deux racines réelles distinctes (car a 6= b). Comme la matrice est de rang 1,on a

(2x2,1,1 − 6x1,0,3)2 = 4x2,2,0 − 24x0,0,4

et le discriminant de P vaut

∆(P ) = x2,2,0 − x1,1,2 + 6x0,0,4.

Ainsi on voit que toute matrice de rang 1 avec 3x3,1,0 − 2x2,0,2 6= 0, qui est dansL>0, est aussi dans S

4 Psef1(A×A). De la même façon, on montre le résultat pourles matrices b′α de rang 1 telles que 3x1,3,0 − 2x0,2,2 6= 0. Si

3x1,3,0 − 2x0,2,2 = 3x3,1,0 − 2x2,0,2 = 0,

et la matrice est de rang 1, elle représente un multiple de θ21θ22.

Il reste donc à montrer que les matrices semipositives de rang 1 dans L cor-respondent aux classes g(θ31θ2). Or une matrice de rang 1 correspond à une classeg(θ31θ2) si et seulement si les équations suivantes, obtenues comme conditions sur lapremière colonne, sont satisfaites :

3x3,0,0 − 2x2,0,2 = 1,

2x2,1,1 − 6x1,0,3 = 2a,

x1,1,2 − 12x0,0,4 = a2,

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 46

ce qui est le cas si et seulement si le polynôme P (y) défini dans (2.31) admet uneracine double réelle a. Par un raisonnement comme pour g(θ21θ

22), on trouve que

c’est le cas si et seulement si la classe est contenue dans L, ce qui fournit le résultatsouhaité.

Remarque 2.3.4.5. Comme tous les modules irréductibles dans une décompositionde∧2n−2W⊕n sont isomorphes à det(W )⊗n−1 ou à det(W )⊗n−2 ⊗ S

2W , le côneSemi2n−2(A×A) peut toujours être identifié avec le cône des matrices symétriquesréelles semipositives 3 × 3 intersecté avec un demi-espace (cf. proposition 2.3.3.2).Pour des raisons comme dans la démonstration de la proposition 2.3.4.4, on devraitavoir

S2n−2 Psef1(A×A) = Psef2n−2(A×A) = Strong2n−2(A×A) = Semi2n−2(A×A)

pour tout n ≥ 3, et les rayons extrémaux de ce cône devraient correspondre auxclasses GL(W ) · (θn1 θn−2

2 ) et GL(W ) · (θn−11 θn−1

2 ). Mais pour l’instant, je ne vois pasde moyen pour montrer le cas général.

Avec un raisonnement semblable à celui utilisé dans la démonstration de laproposition 2.3.4.4, on peut montrer que le cône S

3 Psef1(A×A) s’identifie avec lecône engendré par les matrices de rang 1 dans la représentation du cône Semi3(A×A)donnée dans (2.24) et (2.25). Cela implique en particulier que S

3 Psef1(A × A)engendre « une bonne partie »de Semi3(A×A) au sens suivant. Identifions N3(A×A)avec Sym3(R), et soit F une face de Sym+

3 (R) isomorphe à Sym+2 (R). Lorsque

F ∩ Semi3(A × A) 6= ∅, on a l’image suivante pour une section affine de F , oùS3 Psef1(A×A)∩F correspond à la région en gris foncé et les classes semipositives

qui ne sont pas contenues dans S3 Psef1(A×A) sont dans la region en gris clair.

Figure 2.1 – Comparaison de S3 Psef1(A×A) et Semi3(A×A)

Question 2.3.4.6. Regardons Semik(A ×A) comme un sous-cône de Sym+k+1(R).

Est-ce que, pour 1 ≤ k ≤ n, l’ensemble des rayons extrémaux de Sk Psef1(A × A)

(resp. de S2n−k Psef1(A×A)) s’identifie avec l’ensemble des matrices semipositives

de rang 1 dans Semik(A× A) ?

2.3.4.2 Classes numériquement effectives et classes pseudoeffectives

Dans [17], les auteurs montrent que, pour une surface abélienne A, la classe

µ = 4θ1θ2 − λ2

est nef mais pas pseudoeffective, de sorte que l’on a une inclusion stricte Psef2(A×A) Nef2(A × A). Le résultat principal de cette section (proposition 2.3.4.9) estque l’on a, en toute dimension n,

Psefk(Ae) Nefk(Ae)

pour tout entier positif e ≥ 2 et pour 2 ≤ k ≤ ne− 2.Commençons par le lemme suivant.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 47

Lemme 2.3.4.7. La classe µk est nef pour k ∈ 0, . . . , n. En particulier, on a

µk · Psefn−k(A×A) ⊂ Nefn+k(A×A).

Démonstration. Par la décomposition (2.13) et la proposition 2.2.4.4, il suffit demontrer que le cône Psef2n−2k(A×A) est contenu dans le demi-espace

H+µn−k :=

0≤2i≤2n−2k

µi · S4(n−k)−4iW ⊕ R+ µn−k.

Ayant Psef2n−2k(A × A) ⊂ Semi2n−2k(A × A), il suffit de montrer que l’on aSemi2n−2k(A×A) ⊂ H+

µn−k . Pour une classe α ∈ N2n−2k(A×A), la matrice bα re-présentant Bα se décompose en blocs correspondant aux modules irréductibles dansune décomposition de

∧2n−2k VR (cf. proposition 2.3.3.2). Comme det(W )⊗n−k estun module irréductible apparaissant dans une telle décomposition de

∧2n−2kVR, on

a des blocs 1× 1 dans la matrice bα. Par la remarque 2.3.3.3, on peut supposer queces blocs 1× 1 sont tous décrits par la même forme linéaire L. Comme l’applicationα → Bα est GL(W )-équivariante, l’équation L = 0 doit décrire (µn−k)⊥, de sorteque soit Semi2n−2k(A × A) ⊂ H+

µn−k , soit Semi2n−2k(A × A) ⊂ H−µn−k . Comme la

classe θn−k1 θn−k

2 est semipositive, il suffit ainsi de montrer

θn−k1 θn−k

2 ∈ H+µn−k .

Ecrivons θn−k1 θn−k

2 =∑

0≤2i≤2n−2k µiPi avec Pi ∈ S

4(n−k)−4iW , selon la décompo-sition donnée dans la proposition 2.2.3.2. Alors Pn−k est une constante et on veutdéterminer son signe.

Comme le morphisme surjectif S2n−2k N1(A×A)→ N2n−2k(A×A) correspondà une projection sur des facteurs irréductibles de S

2n−2kN1(A×A), et comme µn−k

engendre un module irréductible non nul dans N2n−2k(A×A) pour k ≤ n, on peutsupposer que A est de dimension n−k. Or on a N2n−2k(A2n−2k×A2n−2k) = Rµ

n−k,et µn−kPn−k est donc juste un nombre d’intersection de 2n− 2k diviseurs effectifs,de sorte que l’on a µn−kPn−k ≥ 0. Comme [µn−k]n−k > 0 par la remarque 2.2.4.4,on obtient Pn−k > 0, ce qui fournit le résultat souhaité.

Lemme 2.3.4.8. Soient X et Y des variétés algébriques complexes projectives etsoit f : X → Y un morphisme propre. L’application

f∗ : N•(Y )→ N•(X)

préserve les cônes nefs.

Démonstration. Soit α ∈ N•(Y ) et β ∈ N•(X). Soit Z ⊂ Y un cycle de classe α etW ⊂ X un cycle de classe β. On a la formule de projection f∗(f∗Z ·W ) = Z · f∗W ,où f∗ = deg(f |Z) si f |Z est fini f∗ = 0 sinon. Si α et β sont de codimensioncomplémentaire, l’application f∗ envoie les classes de 0-cycles sur des classes de0-cycles de sorte que f∗(f∗Z · W ) = 0 si et seulement si Z · f∗W = 0. CommeZ · f∗W = 0 si f |Z n’est pas fini, cela donne le résultat souhaité.

Théorème 2.3.4.9. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n ≥ 2. Les classes θk1µ ∈ Nk+2(A × A) et θn−2

1 θk2µ ∈Nn+k(A×A) sont nefs mais pas semipositives pour 0 ≤ k ≤ n− 2, et l’on a

Psefk(Ae) Nefk(Ae) (2.32)

pour tout entier positif e ≥ 2 et 2 ≤ k ≤ ne− 2.

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 48

Démonstration. Par la proposition 2.3.4.7, il est clair que θk1µ et θn−21 θk2µ sont des

classes nefs pour 0 ≤ k ≤ n − 2. Pour voir que θk1µ n’est pas semipositive pour0 ≤ k ≤ n, il suffit de remarquer que la matrice b′µ (cf. lemme 2.3.3.10) n’est passemipositive, ce qui entraîne par le lemme 2.3.3.10 que b′

θk1 ·µ

n’est pas semipositive,

et donc θk1 · µ 6∈ Semik(A×A).Pour voir que θk2θ

n−21 µ = 4θk+1

2 θn−11 − θk2θn−2

1 λ2 n’est pas semipositive, on re-garde la matrice hθk

2θn−21 µ représentantHθk

2 θn−21 µ dans la base standard de

∧kV . On

montre qu’il y a un 2×2 mineur principal dont le déterminant est négatif. La matricehθk+1

2 θn−11

est une matrice avec des coefficients zéros hors de la diagonale et des coeffi-cients non zéros dans la diagonale pour les coordonnées zi1∧· · ·∧zin−1∧zj1∧· · ·∧zjk+1

avec i1, . . . , in−1 ∈ 1, . . . , n et j1, . . . , jk+1 ∈ n+ 1, . . . , 2n. En même temps lamatrice hθk

2θn−21 λ2 contient un coefficient non nul pour le produit extérieur de

1≤l≤k

(√−1dzn+l ∧ dzn+l) ∧

1≤l≤n−2

(√−1dzl ∧ dzl)

et√−1dzn+(n−1)∧dzn−1∧

√−1dz2n∧ idzn. Ce coefficient n’est pas sur la diagonale

de hθk+12 θn−1

1. Comme on n’a pas de coefficients de θk2θ

n−21 λ2 dans la diagonale pour

1≤l≤k

(√−1dzn+l ∧ dzn+l) ∧

1≤l≤n

(√−1dzl ∧ zl),

cela entraîne le résultat.Montrons maintenant l’inclusion (2.32). Par les arguments précédents, on a

Semik(A×A) Nefk(A×A)

pour 2 ≤ k ≤ 2n − 2. Cela nous permet de raisonner par récurrence sur e pour nfixé, en supposant que l’énoncé est vrai pour e− 1. De plus, on peut se restreindreà le montrer pour 2 ≤ k ≤ ⌊ne2 ⌋ par dualité. Soit α ∈ Nefk(Ae−1) une classe nefnon semipositive. Alors p∗1,...,e−1α est nef et non semipositive par le lemme 2.3.4.1.Ayant ne− 2 ≥ ⌊ne2 ⌋ pour n ≥ 2, e ≥ 2, cela achève la démonstration.

Remarque 2.3.4.10. Par le théorème 2.2.4.1, on a des isomorphismes ·µk : Nn−k(A×A) → Nn+k(A × A) pour k ∈ 0, . . . , n, et on se demande naturellement si lescônes de classes positives respectifs sont préservés, ce qui a été vérifié dans [17]pour k = n − 1. Par le théorème 2.3.4.9, on voit que, pour n = 3, l’isomorphisme·µ : N2(A × A) → N4(A × A) ne préservent pas les classes pseudoeffectives, desorte qu’en général, on ne peut pas s’attendre à ce que les cônes soient préservés.Pour A de dimension 3 cela se voit aussi à partir de la représentation explicite deSemi4(A×A) donnée dans (2.26) et (2.27) : une classe

α = a1µθ21 + a2µθ1θ2 + a3µθ

22 + a4µθ1λ+ a5µθ2λ+ a6µλ

2

donne les deux matricesbα|det(W )⊗2 = 5a2 − 10a6

et

bα|det(W )⊗S2 W =

14a1 14a4 16a6 − a214a4 16a2 + 24a6 14a5

16a6 − a2 14a5 14a3

,

d’où l’on déduit tout de suite que la classe µ · θ1θ2 n’est pas semipositive et doncpas pseudoeffective (cf. proposition 2.3.4.9).

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CHAPITRE 2. LA PUISSANCE D’UNE VARIÉTÉ ABÉLIENNE 49

Rappelons que le cône Psef2(A × A) = S2 Psef1(A × A) ne dépend pas de la

dimension n de A pour n ≥ 2 (théorème 2.3.1.13). Par le lemme 2.2.4.8, on a donc

Nefn−2(An ×An) = µn−2 · Nef2(A2 ×A2)

pour tout n ≥ 2. Plus précisément, on obtient (cf. [17, Prop. 4.2]) :

Proposition 2.3.4.11. Soit A une variété abélienne principalement polarisée trèsgénérale de dimension n ≥ 2. Pour

α = a1θ21 + a2θ1θ2 + a3θ

22 + a4θ1λ+ a5θ2λ+ a6λ

2,

on a µn−2α ∈ Nef2n−2(A×A) si et seulement si

a3a2b2− a5ab(a+ b)+ (a2− a6)(a2 + b2)− (a2− 6a6)ab− a4(a+ b)+ a1 ≥ 0 (2.33)

pour tout a, b ∈ R.

Démonstration. Comme Psef2(A × A) = S2 Psef1(A × A) ne dépend pas de la

dimension de A, il suffit de montrer l’énoncé pour A une surface abélienne par lelemme 2.2.4.8 ; mais dans ce cas c’est juste [17, Prop. 4.2].

Remarque 2.3.4.12. La condition (2.33) est équivalente aux inégalités suivantes (cf.[17, p. 17]) :

a1, a3 ≥ 0,

a2 ≥ a6,4a1(a2 − a6) ≥ a244a3(a2 − a6) ≥ a25,

et

(a5b2 + (a2 − 6a6)b + a4)

2 ≤ 4(a3b2 − a5b+ a2 − a6)((a2 − a6)b2 − a4b+ a1)

pour tout b ∈ R.

Corollaire 2.3.4.13. On a

µn−2 · Psef2(A×A) Nef2n−2(A×A).

Démonstration. Il suffit de comparer les équations définissant les deux cônes res-pectivement données par (2.22), (2.23) et la proposition 2.3.4.11.

Remarque 2.3.4.14. Le cône Nef2(An×An) dépend de n : pour n = 2, c’est justementle cône décrit par l’équation (2.33). Plus généralement, le cône décrit par l’équation(2.33) est le cône dual de µn−2 ·Psef2(A×A). Or, par exemple pour n = 3, le côneµn−2 ·Psef2(A×A) contient des éléments non pseudoeffectifs, de sorte que son dual,c’est-à-dire le cône défini par l’équation (2.33), ne peut pas coïncider avec le côneNef2(A×A).Remarque 2.3.4.15. Tous les résultats obtenus concernant la structure algébrique deN•(Ae) et les cônes dans Nk(Ae) sont également vrais pour une variété abélienne Aprincipalement polarisée quelconque si l’on se restreint à la R-algèbre N•

can(Ae) ⊂

N•(Ae) engendrée par les θi et les λi,j , 0 ≤ i < j ≤ e.Remarquons de plus qu’une isogénie f : B → B′ entre deux variétés abéliennes

induit un isomorphisme f∗ : N•(B′)→ N•(B) qui préserve les cônes en question [17,Prop. 1.6]. Les résultats obtenus pour N•(Ae) pour A principalement polarisée trèsgénérale sont donc également vrais pour N•(B) si B est isogène à Ae.

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3. La variété de Fano d’une

cubique

3.1 Introduction

Une variété hyperkählérienne est une variété kählérienne compacte simplementconnexe Y telle que H0(Y,Ω2

Y ) soit engendré par une 2-forme σ non dégénérée entout point de Y . Un cas particulier d’une variété hyperkählérienne est le schéma deHilbert S[n] paramétrant les sous-schémas de longueur n d’une surface K3 S. Dans[27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du cône engendré parles classes de courbes et du cône engendré par les classes de diviseurs effectifs pourune variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de HilbertS[2] (cf §3.2.2).

Par un résultat de Beauville et Donagi [11], la variété de Fano F paramétrant lesdroites sur une cubique lisse X dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalentepar déformation à un schéma de Hilbert S[2] (cf. §3.3.1), de sorte que les conjecturesde Hassett et Tschinkel s’appliquent dans ce cas. Un but de ce chapitre est de vérifierces conjectures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un planP (cf. §3.4.2) et pour une cubique pfaffienne générale (cf. §3.4.4).

Le théorème suivant donne un résumé des résultats obtenus pour une cubiquegénérale contenant un plan (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15).

Théorème 3.1.0.16. Soit X ⊂ P5 une cubique générale contenant un plan P etsoit F la variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors il existe deux diviseurspremiers DP et DQ sur X tels que l’on ait

Psef1(F ) = R+[DP ] + R+[DQ],

Nef1(F ) = R+(2[DP ] + 3[DQ]) + R+(2[DP ] + [DQ]).

Le diviseur DP est fibré en coniques au-dessus d’une surface K3 et si l’on note c laclasse d’une telle conique et l la classe d’une droite dans P , on a

Psef1(F ) = R+ l + R+ c.

Ce résultat nous permet de montrer (proposition 3.4.2.21) :

Proposition 3.1.0.17. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit Fla variété de Fano paramétrant les droites sur X. Alors on a

Aut(F ) = Bir(F ) = id.

En utilisant que la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale est iso-morphe au schéma de Hilbert S[2] d’une surface K3, on obtient le résultat suivant(proposition 3.4.4.5, proposition 3.4.4.8 et corollaire 3.4.4.9).

50

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 51

Théorème 3.1.0.18. Soit X une cubique pfaffienne générale et soit F la variétéde Fano de X. Alors il existe deux diviseurs premiers E4 et E5 dans F tels quetous les deux soient fibrés en courbes rationnelles lisses au-dessus d’une surface K3générale de degré 14. Soit R4 la classe d’une fibre dans E4 et R5 la classe d’unefibre dans E5. Alors on a

Psef1(F ) = R+R4 + R

+R5,

Psef1(F ) = R+[E4] + R+[E5],

Nef1(F ) = R+([E4] + 8[E5]) + R+(8[E4] + 2[E5]).

Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique gé-nérale contenant un scroll cubique. On donne un aperçu de ces résultats dans §3.4.3.Ils montrent entre autres que l’on a Aut(F ) = id. Nous précisons ce résultat parla proposition suivante (proposition 3.4.3.4) :

Proposition 3.1.0.19. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubiqueet soit F la variété de Fano de X. Alors on a

Aut(F ) = id , Bir(F ) = 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉,

où 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉 est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnellesι et ι∨ de F .

L’autre but de ce chapitre est d’étudier les classes (pseudo)effectives (resp. nefs)de codimension 2 dans la variété de Fano F d’une cubique X dans P5. Le pointde départ est un argument de Voisin [67, Prop. 2.4], qui montre que le cône ferméengendré par les classes des sous-variétés lagrangiennes de F (cf. définition 3.2.1.1)est une face dans Psef2(F ) (cf. définition 3.2.3.2). Pour une cubique X générale,le cône Psef2(F ) est engendré par deux rayons extrémaux et la face lagrangiennecorrespond à un des deux rayons extrémaux.

Proposition 3.1.0.20. Soit X une cubique générale contenant un plan, ou unecubique générale contenant un scroll cubique, ou une cubique pfaffienne générale.Soit F la variété de Fano de X. Alors la face isotrope de Psef2(F ) est de dimension3,c’est-à-dire de dimension maximale.

Alors que toute classe de diviseur nef est pseudoeffective, cette inclusion n’estplus forcément vraie en codimension supérieure comme le montrent des exemplesde Debarre, Ein, Lazarsfeld et Voisin [17] et de l’auteur (chapitre 2). Le résultatsuivant montre donc que l’on pourrait espérer que la variété de Fano d’une cubiquegénérale fournit un autre tel exemple.

Proposition 3.1.0.21. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fanode X. Alors on a

Psef2(F ) ⊂ Nef2(F )

etEff2(F ) Nef2(F ).

Je ne sais pas si la première inclusion est également stricte.Le plan de ce chapitre est le suivant : dans la section 3.2, on rappelle d’abord

quelques apects de la théorie des variétés hyperkählériennes (§3.2.1) et ensuite onexplique en détail les conjectures de Hassett et Tschinkel (§3.2.2) ; on finit la sectionen définissant la face isotrope de Psef2(F ) (§3.2.3). Dans la section 3.3, on rappelledes résultats de Beaville et Donagi (§3.3.1) et l’on discute la structure des R-espacesvectoriels Nk(F ) pour certaines cubiques (§3.3.2). La section 3.4 est le cœur de cechapitre ; on y étudie la variété de Fano

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 52

1. d’une cubique générale (§3.4.1),

2. d’une cubique générale contenant un plan (§3.4.2),

3. d’une cubique générale contenant un scroll cubique (§3.4.3),

4. d’une cubique pfaffienne générale (§3.4.4).

3.2 Généralités

3.2.1 Variétés hyperkählériennes

Dans cette section, on rappelle quelques propriétés élémentaires des variétéshyperkählériennes.

Définition 3.2.1.1. Une variété complexe Y est dite symplectique si elle admet une2-forme σ ∈ H0(Y,Ω2

Y ) qui est non dégénérée en tout point de Y . On dit qu’unevariété symplectique Y est hyperkählérienne si

(i) dimH0(Y,Ω2Y ) = 1,

(ii) Y est compacte et kählérienne,

(iii) Y est simplement connexe.

Une sous-variété Z d’une variété symplectique Y est dite lagrangienne si σ|Zreg

s’annule dans H0(Zreg,Ω2Zreg

).

Il découle de la définition qu’une variété complexe symplectique Y est de dimen-sion paire et que le fibré canonique KY est trivial.

Soit S une surface K3. Alors le schéma de Hilbert S[n], paramétrant les sous-schémas de longeur n sur S, est une variété hyperkählérienne de dimension 2n [10,§6], ce qui donne des exemples en toute dimension possible.

Si l’on parle désormais d’un schéma de Hilbert S[2], on sous-entend toujoursque c’est le schéma de Hilbert paramétrant les sous-schémas de longeur 2 sur unesurface K3 S.

Définition 3.2.1.2. Un réseau est un Z-module libre L muni d’une forme bilinéairesymétrique non-dégénérée q à valeurs dans Z. Si q(x, x) ∈ 2Z pour tout x ∈ L, ondit que le réseau L est pair. Lorsque L est un Z-module libre (pas forcément unréseau), on dit que ρ ∈ L est primitif, si l’on ne peut pas écrire ρ = nρ′ pour unentier n ≥ 2 et ρ′ ∈ L.

La cohomologie H2(Y,C) d’une variété hyperkählérienne Y est munie d’uneforme bilinéaire symétrique qY de signature (3, dimH2(Y,C) − 3), dite forme deBeauville ou forme de Beauville-Bogomolov [10, Thm. 5]. Elle provient d’une formeentière sur H2(Y,Z), ce qui munit H2(Y,Z) d’une structure de réseau. Il existec ∈ R+ tel que (cf. [32, §1.9] pour un aperçu détaillé des propriétés de la forme deBeauville)

∀α, β ∈ H1,1(Y,C) qY (α, β) = c

Y

αβ(σσ)dim(Y )

2 −1. (3.1)

Exemple 3.2.1.3. Soit S une surface K3. C’est une surface hyperkählérienne et qSest juste la forme bilinéaire correspondant au produit d’intersection. En tant queréseau, on a [43, Prop. 1.2]

H2(S,Z) = U⊕3 ⊕⊥ (−E8)⊕2,

où U est le plan hyerbolique et E8 est le réseau associé au système de racines E8.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 53

Exemple 3.2.1.4. Soit S toujours une surface K3. Alors on a [10, Prop. 6, Lemme1] (cf. aussi §3.4.4)

(H2(S[2],Z), qS[2]) ≃ (H2(S,Z), qS)⊕⊥ Z δ ≃ U⊕3 ⊕⊥ (−E8)⊕2 ⊕⊥ (−2).

Pour v ∈ H2(S[2],Z) primitif, on a

soit qS[2](v,H2(S[2],Z)) = Z, soit qS[2](v,H2(S[2],Z)) = 2Z .

Remarque 3.2.1.5. Comme la décomposition H2(Y,C) = H2,0(Y ) ⊕⊥ H1,1(Y ) ⊕⊥

H0,2(Y ) est orthogonale par rapport à la forme de Beauville, on a

N1Z(Y ) = ρ ∈ H2(Y,Z) | qY (ρ, σ) = 0.

On finit en rappelant un résultat de Beauville sur la théorie des déformationsdes variétés hyperkählériennes.

Définition 3.2.1.6. Une déformation d’une variété compacte complexe lisse Z estune application propre et lisse Z → B, où B est un espace analytique connexe etla fibre au-dessus d’un point distingué 0 ∈ B est isomorphe à Z. On dit que Z ′ estéquivalente par déformation à Z s’il existe une déformation Z → B de Z et t ∈ Btels que la fibre Zt au-dessus de t ∈ B est isomorphe à Z ′.

Proposition 3.2.1.7 (Beauville). Soit f : X → B une déformation kählérienned’une variété hyperkählérienne X. Alors toute fibre Xt au-dessus d’un point t ∈ Best hyperkählérienne.

Démonstration. [10, Prop. 9].

On s’intéressera dans la suite aux variétés hyperkählériennes équivalentes pardéformation à un schéma de Hilbert S[2].

3.2.2 Les conjectures de Hassett et Tschinkel

Dans [27], Hassett et Tschinkel donnent une description conjecturale du côneengendré par les classes des courbes et du cône engendré par les classes des diviseurseffectifs pour une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schémade Hilbert S[2] (conjecture 3.2.2.7 et conjecture 3.2.2.2). Par dualité, on obtientégalement une description du cône engendré par les classes des diviseurs amples(conjecture 3.2.2.10). La description (conjecturale) de ces cônes ne dépend que dela forme de Beauville et peut être vue comme une généralisation en dimensionsupérieure des résultats connus pour des surfaces K3.

Notation 3.2.2.1. Soit Z une variété complexe et soitM un sous-ensemble de NkZ(Z).

On note coneM le cône fermé engendré par M ⊗ R dans Nk(Z).

3.2.2.1 Le cône des diviseurs pseudoeffectifs

Soit S une surface K3 munie d’une polarisation g. Alors on a [43, Lemma 1.6]

Psef1(S) = conec ∈ N1Z(S) | c2 ≥ −2, c · g ≥ 0 (3.2)

= conec ∈ N1Z(S) | c · g ≥ 0 c2 ≥ 0 (3.3)

+ conec ∈ N1Z(S) | c · g ≥ 0 c2 = −2,

où les classes extrémales d’autointersection −2 sont représentées par une courberationnelle C. Une telle courbe est dite nodale, car il existe une contraction extrémaleS → S′ qui contracte C sur un point double (ou nodal) [43, §1.4]. Comme une courbeest la même chose qu’un diviseur effectif sur une surface, la généralisation suivantede (3.2) s’impose naturellement (cf. [27, Conj. 3.4]).

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 54

Conjecture 3.2.2.2 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équi-valente par déformation à un schéma de Hilbert S[2] et soit g une polarisation deY . Alors on a

Psef1(Y ) = coneα ∈ N1Z(Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2

= coneα ∈ N1Z(Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ 0

+ coneα ∈ N1Z(Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) = −2.

Remarque 3.2.2.3. Soit D ⊂ Y un diviseur effectif. Alors on a (avec les notations dela conjecture 3.2.2.2) qY ([D], g) > 0 (cf. par exemple [32, §1.11]). SiD est un diviseurpremier avec qY ([D], [D]) < 0, on sait par un résultat de Markman [44, Thm. 1.2]que [D] est un multiple d’une classe primitive ρ ∈ N1

Z(Y ) de carré −2 sous la formede Beauville. Cela implique que l’on a l’inclusion

Psef1(Y ) ⊂ coneα ∈ Nn−1Z (Y ) | qY (α, g) ≥ 0, qY (α, α) ≥ −2.

L’autre sens de l’inclusion reste ouvert.

3.2.2.2 Le cône des 1-cycles

Pour généraliser la description de Psef1(S), on munit d’abordH2n−2(Y,Z) d’uneforme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles.

Définition 3.2.2.4. Soit L un réseau. Le réseau dual est défini par

L∨ := x ∈ L⊗Q | q(x, L) ⊂ Z = HomZ(L,Z).

L’extension naturelle de q à L⊗Q donne une forme bilinéaire à valeurs rationnellessur L∨ que l’on note q.

Par dualité de Poincaré, on a H2n−2(Y,Z) ≃ H2(Y,Z)∨, de sorte que qY estune forme bilinéaire symétrique à valeurs rationnelles sur H2n−2(Y,Z). Si l’on veutgénéraliser la situation des surfaces K3, on s’attend à qu’il existe γ1, . . . , γr ∈ Q<0

tels que

Psef1(Y ) = conec ∈ Nn−1Z (Y ) | c · g ≥ 0 , qY (c, c) ≥ 0 (3.4)

+ conec ∈ Nn−1Z (Y ) | c · g ≥ 0 , qY (c, c) ∈ γ1, . . . , γr.

Pour une surface K3, on a vu que les courbes de carré négatif (dont la classe en-gendre donc forcément un rayon extrémal de Psef1(S)) correspondent à des contrac-tions. Egalement, on s’attend à que les classes extrémales de carré négatif dansPsef1(Y ) correspondent à des contractions dans un sens que l’on va préciser main-tenant.

Définition 3.2.2.5. Un morphisme contrF : Y → Y ′ est une contraction si l’on acontr∗OY = OY ′ .

Soit F une face de Psef1(Y ) (cf. définition 2.3.3.6) et soit D un diviseur effectifdans Y tel que D · c < 0 pour toute classe c dans F . Alors il existe par le théorèmede contraction [37, 3.7] une unique contraction birationnelle contrF : Y → Y ′ telleque• Y ′ est projective ;• une courbe irréductible dans Y est contractée par contrF si et seulement si sa

classe est dans F .

Définition 3.2.2.6. Avec les notations ci-dessus, on dit que le morphisme contrFest la contraction extrémale de F .

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 55

On s’attend à que toute classe primitive extrémale de carré négatif dans Psef1(Y )soit représentée par une famille de courbes irréductibles C ⊂ Y qui sont contractéespar une contraction extrémale dont la géométrie est déterminée par la valeur de γ =qY (c, c). Comme Y est hyperkählérienne, une contraction extrémale contr : Y → Y ′

doit prendre une des formes suivantes :

1. si la contraction est divisorielle, le diviseur exceptionnel E dans Y est irré-ductible [37, Prop. 2.5], de sorte que [70, §2.4.1 - §2.4.3, en particulier, Thm.2.16, Cor. 2.17, Thm. 2.19, Cor. 2.20]

(a) soit contr est de type A1, i.e., le diviseur E est contracté sur une surfaceK3 et toute fibre exceptionnelle est un P1,

(b) soit contr est de type A2, i.e., le diviseur E est contracté sur une surfacedont la normalisation est symplectique et la fibre générale (sauf pour unnombre fini de points de contr(E)) est isomorphe à la réunion de deuxP1 qui se coupent dans un point ;

2. si la contraction est petite, elle est localement la contraction d’un plan lagran-gien P2 ⊂ Y sur un point [71, Thm. 1.1].

Hassett et Tschinkel montrent que la classe c d’une courbe C ⊂ Y , qui estcontractée par une contraction extrémale, satisfait qY (c, c) ∈ − 1

2 ,−2,− 52 et

qu’elle est divisorielle si qY (c, c) ∈ − 12 ,−2 et petite si qY (c, c) = − 5

2 [28, Thm.22]. Cela explique la caractérisation suivante de Psef1(Y ) proposée par Hassett etTschinkel (cf. (3.3)) [27, Conj. 3.1, Conj. 3.6] :

Conjecture 3.2.2.7 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienne équi-valente par déformation à un schéma de Hilbert S[2] et soit g une polarisation deY . Le cône Psef1(Y ) est le cône fermé engendré par les classes entières c ∈ N1(Y )telles que c · g ≥ 0 et une des conditions suivantes soit satisfaite :

1. qY (c, c) ≥ 0,

2. qY (c, c) = − 12 ,

3. qY (c, c) = −2,4. qY (c, c) = − 5

2 .

Définition 3.2.2.8. Soit Psefconj1 le cône décrit par la conjecture 3.2.2.7. Une classeentière c ∈ N1(Y ) avec qY (c, c) < 0 qui engendre un rayon extrémal de Psefconj1 (Y )est dite nodale. On note Enod(Y ) l’ensemble des classes nodales et Eγ

nod(Y ) l’en-semble des classes nodales telles que qY (c, c) = γ.

Conjecture 3.2.2.9 (Hassett-Tschinkel). Toute classe nodale c ∈ Enod(Y ) repré-sente une courbe rationnelle contractée par un morphisme donné par les sections deOY (mλ), où λ est une classe sur le bord de Nef1(Y ) satisfaisant λ · c = 0.

1. Lorsque qY (c, c) = − 12 ,−2, alors la classe c est représentée par une famille de

courbes rationnelles paramétrée par une surface K3.

2. Lorsque qY (c, c) = − 52 , alors la classe c est représentée par une famille de

droites contenues dans un P2 que l’on peut contracter sur un point.

3.2.2.3 Le cône des classes de diviseurs nefs

Soit c une classe primitive dans H2n−2(Y,Z) = H2(Y,Z)∨ et notons ρc l’uniqueclasse primitive dans H2(Y,Z) telle que

∀η ∈ H2(Y,Z) dc · η = qY (ρc, η), (3.5)

où d est un entier positif fixé. Comme l’identification

H2n−2(Y,Z) ≃ H2(Y,Z)∨ ⊂ H2(Y,Q),

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 56

obtenue par dualité de Poincaré, identifie une classe (n − 1, n− 1) avec une classe(1, 1), on a ρc ∈ N1

Z(X) pour toute classe entière c ∈ N1(X). Par dualité, on obtientainsi la conjecture suivante pour le cône des classes nefs (cf. [27, Conj. 3.3]).

Conjecture 3.2.2.10 (Hassett-Tschinkel). Soit Y une variété hyperkählérienneéquivalente par déformation à un schéma de Hilbert S[2] et soit g une polarisationde Y . Le cône Nef1(Y ) est l’adhérence du cône engendré par les classes α ∈ N1

Z(Y )telles que qY (α, g) ≥ 0 et qY (α, ρ) ≥ 0 pour toute classe ρ ∈ N1

Z(Y ) satisfaisantqY (g, ρ) ≥ 0 et une des conditions suivantes :

1. qY (ρ, ρ) ≥ 0,

2. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ,H2(F,Z)) = Z,

3. qY (ρ, ρ) = −2 et (ρ,H2(F,Z)) = 2Z,

4. qY (ρ, ρ) = −10 et (ρ,H2(F,Z)) = 2Z.

Remarque 3.2.2.11. Notons Nef1conj(Y ) le cône décrit par la conjecture 3.2.2.10.Hassett et Tschinkel montrent que l’on a [28, Thm. 23]

Nef1conj(Y ) ⊂ Nef1(Y ).

On ne sait pas s’il y a égalité.

3.2.3 La face isotrope

Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4 (pas forcément équivalentepar déformation à un schéma de Hilbert S[2]). En codimension 2, il est plus difficilede déterminer des classes (pseudo)effectives ou nefs. Un point de départ serait de dé-terminer les classes représentées par une surface lagrangienne dans Y . Un argumentde Voisin [67, Prop. 2.4] montre que ces classes engendrent une face de Psef2(Y )(lemme 3.2.3.1). Définissons d’abord une application

ϕiso : N2(F )→ R

α 7→ cα · σ ∧ σ,

où l’on choisit c ∈ R+ de façon que

ϕiso(xy) = qY (x, y)

pour tout x, y ∈ N1(Y ) (cf. (3.1)). Posons

Psef2iso(Y ) := Psef2(Y ) ∩ ker(ϕiso).

Lemme 3.2.3.1. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. Alors lecône Psef2iso(Y ) est une face de Psef2(Y ). Si T est une surface dans Y , on a [T ] ∈Psef2iso(Y ) si et seulement si T est lagrangienne.

Démonstration. Soit T une surface dans Y . Si T est lagrangienne, il est clair quel’on a ϕiso([T ]) = 0, et si T n’est pas lagrangienne, σ|T ∧ σ|T définit une formevolume sur T , de sorte que l’on a ϕiso([T ]) > 0. Autrement dit, on a

Psef2(Y ) ⊂ α ∈ N2(Y ) | ϕiso(α) ≥ 0

et Psef2iso(Y ) est donc une face de Psef2(Y ).

Définition 3.2.3.2. Soit Y une variété hyperkählérienne de dimension 4. La facePsef2iso(Y ) de Psef2(Y ) est dite face isotrope.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 57

Remarque 3.2.3.3. On peut plus généralement définir une face isotrope Psefniso(Y )dans Psefn(Y ) pour Y une variété hyperkählérienne de dimension 2n.

Remarque 3.2.3.4. Si F est la variété des droites d’une cubique lisse dans P5 (cf.§3.3.1), alors F est hyperkählérienne (cf. théorème 3.3.1.2) de dimension 4 contenantdes sous-variétés lagrangiennes par un résultat de Voisin [64, §3, ex. 7]. On verradans des cas particuliers que la face isotrope est de dimension maximale, c’est-à-direde codimension 1.

3.3 La variété des droites d’une cubique

Par un résultat classique de Beauville et Donagi, la variété de Fano d’une cubiquelisse dans P5 est une variété hyperkählérienne équivalente par déformation à unschéma de Hilbert S[2] (cf. théorème 3.3.1.2). La géométrie d’une telle variété deFano est étroitement liée à la géometrie de la cubique associée, ce qui en fait unebonne candidate pour tester les conjectures de Hassett et Tschinkel et étudier laface isotrope. Pour la suite, une cubique sera toujours une cubique lisse dans P5.

3.3.1 Les résultats de Beauville et Donagi

Soit X une cubique lisse dans P5. On note G(1,P5) la Grassmannienne paramé-trant les droites dans P5 et l’on pose

F := [l] ∈ G(1,P5) | l ⊂ X.

La variété F est dite variété de Fano de X ; elle est lisse de dimension 4 [4, Prop.5]. Soit f : G(1,P5)→ P14 le plongement de Plücker et posons

s1 := c1(f∗OP14(1)|F ).

3.3.1.1 La variété de Fano comme déformation d’un schéma de Hilbert

Dans [11], Beauville et Donagi construisent une cubique X telle que F ≃ S[2],où S est une surface K3 de degré 14 dans P8 (cf. aussi §3.4.4 pour la construc-tion de l’isomorphisme F ≃ S[2]). Toutes les cubiques lisses sont équivalentes pardéformation, de sorte que les variétés de Fanos le sont également. La proposition3.2.1.7 entraîne donc que la variété de Fano d’une cubique lisse est une variétéhyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S[2]. Pourdonner un énoncé plus précis, qui nous permettra de déterminer des générateursdu R-espace vectoriel N2(F ) (cf. proposition 3.3.2.4) pour certaines cubiques, onrappelle d’abord quelques notions de la théorie des déformations. Soit Z une variétécomplexe compacte et notons

p : Z → Def(Z)

la déformation semi-universelle (ou famille de Kuranishi) de Z, i.e., Def(Z) est ungerme d’espace analytique paramétrant toutes les déformations locales de Z.

Supposons maintenant que Z est soit une variété hyperkählérienne, soit unecubique lisse. Alors Z est lisse et la famille p : Z → Def(Z) est donc universelle.Si l’on note Zt la fibre de p au-dessus de t ∈ Def(Z), on a des isomorphismescanoniques H2(Zt,Z) ≃ H2(Z,Z). Pour α ∈ Nk

Z(Z), cela nous permet de définir

BZα := t ∈ Def(Z) | α ∈ Nk

Z(Zt).

Proposition 3.3.1.1 (Beauville). Soit Y une variété hyperkählérienne et soientα1, . . . , αr des classes linéairement indépendantes dans N1

Z(Y ). Alors BYα1, . . . , BY

αr

sont des hypersurfaces lisses dans Def(Y ) et se coupent transversalement.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 58

Démonstration. [10, Cor. 1].

Théorème 3.3.1.2 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique lisse. Alors F est unevariété hyperkählérienne équivalente par déformation à un schéma de Hilbert S[2].L’application naturelle

F : Def(X)→ Def(F )

identifie Def(X) avec l’hypersurface (lisse) BFs1 . Autrement dit, toute déformation

projective locale de F resp. de S[2] préservant s1 provient d’une déformation localede la cubique X.

Démonstration. [11, Prop. 2].

Remarque 3.3.1.3. Soit X une cubique dont la variété de Fano F associée est iso-morphe à S[2]. Toute déformation projective assez générale de S[2] provient alorsd’une déformation de X ; il existe des déformations projectives de S[2] (préservantune polarisation différente de s1) qui ne proviennent pas d’une déformation deX [10, Cor. 2].

Remarque 3.3.1.4. Dans [33, §1], Manivel et Iliev calculent la forme symplectiquesur F explicitement en fonction d’une équation définissant la cubique X .

3.3.1.2 L’application d’Abel-Jacobi

L’application d’Abel-Jacobi établit un lien entre les cohomologies de X et F .Soit

Z := (x, [l]) ∈ X × F | x ∈ lla variété d’incidence, de sorte que l’on a le diagramme suivant, où pr1 et pr2 sontles deux projections :

Zpr2

//

pr1

F

X

(3.6)

L’application d’Abel-Jacobi est définie par

α := pr2∗pr1∗ : H4(X,Z)→ H2(F,Z). (3.7)

Notons h ∈ H2(X,Z) la classe d’une section hyperplane et posons

H40 (X,Z) := x ∈ H4(X,Z) | x · h2 = 0,H2

0 (F,Z) := x ∈ H2(F,Z) | qF (x, s1) = 0.

Proposition 3.3.1.5 (Beauville, Donagi). Soit X une cubique et soit F la variétéde Fano de X. L’application α envoie H4

0 (X,Z) isomorphiquement sur H20 (F,Z) et

l’on a

α(h2) = s1 , ∀x, y ∈ H40 (X,Z) qF (α(x), α(y)) = −x · y. (3.8)

L’application α|H40 (X,Z) s’étend à un isomorphisme de structures de Hodge polarisées

αC : H40 (X,C)→ H2

0 (F,C)(−1),

où la polarisation de H20 (F,C)(−1) est obtenue en renversant le signe du produit

d’intersection.

Démonstration. [11, Prop. 6].

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 59

Remarque 3.3.1.6. On a également une application

tα := pr1∗ pr∗2 : H6(F,Z)→ H4(X,Z),

et∀c ∈ H6(F,Z) ∀T ∈ H4(X,Z) c · α(T ) = tα(c) · T. (3.9)

3.3.2 Classes algébriques sur la variété de Fano

Soit X une cubique lisse dans P5 et soit h la classe d’une section hyperplane deX . Pour X générale, on a N2(X) = Rh et donc N1(F ) = Rα(h2), de sorte que lesconjectures de Hassett et Tschinkel sont triviales et l’étude des classes positives surF se restreint à l’étude de N2(F ) (cf. §3.4.1). Concernant les conjectures de Hassettet Tschinkel, on s’intéressera donc aux cubiques contenant une surface dont la classen’est pas un multiple de h2.

3.3.2.1 Cubiques spéciales

Soit C l’espace de modules des cubiques lisses dans P5 comme construit dans [49,§4.2].

Définition 3.3.2.1. On dit que la cubique X ∈ C est spéciale si elle contient unesurface dont la classe n’est pas un multiple de h2.

Comme la conjecture de Hodge entière est vraie pour une cubique lisse [66, Thm.18], c’est équivalent à dire qu’il existe un réseau K de rang 2 dans N2

Z(X). On noteCd ⊂ C l’espace des cubiques admettant un tel réseau de discriminant d (par rapportau produit d’intersection). Rappelons le résultat principal de la thèse de Hassett [25]concernant les cubiques spéciales.

Théorème 3.3.2.2 (Hassett). L’espace Cd ⊂ C est non vide si et seulement si

d ≡ 0, 2 (mod 6), d > 6.

Dans ce cas, Cd est un diviseur irréductible dans C.Soit n ≥ 2 et soit d = 2(n2 + n + 1). Alors, pour X générale dans Cd, il existe

une surface K3 polarisée générale S de degré d telle que F ≃ S[2].

Démonstration. [25, Thm. 3.2.3, Thm. 4.3.1, Thm. 6.1.5].

Définition 3.3.2.3. On dit qu’une surface T ⊂ Pn est un scroll si T est regléepar des droites et si ce réglage est paramétré par une courbe rationnelle lisse. SiT est un scroll de degré 3 (resp. 4 ou 5), on dit que T est un scroll cubique (resp.quartique ou quintique).

Donnons quelques exemples de cubiques spéciales pour d petit :• d = 8 (cf. §3.4.2) : le diviseur C8 paramètre les cubiques contenant un 2-

plan [25, §4.1.1] ;• d = 12 (cf. §3.4.3) : le diviseur C12 paramètre les cubiques contenant un scroll

cubique [25, §4.1.2] ;• d = 14 (cf. §3.4.4) : Comme 14 = 2(22 + 2 + 1), la variété de Fano F d’une

cubique générale dans C14 est isomorphe à S[2] pour une surface K3 S dedegré 14 par le théorème 3.3.2.2. Ce sont les variétés de Fano des cubiquespfaffiennes construites par Beauville et Donagi dans [11] (cf. aussi §3.3.1 et§3.4.4). Une cubique générale dans C14 contient également un scroll quartiqueet un scroll quintique [25, §4.1.3].

Dans les sections §3.4.2 - §3.4.4, on va étudier la variété de Fano d’une cubiquegénérale dans C8, C12 et C14 respectivement.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 60

3.3.2.2 Classes algébriques sur la variété de Fano

La proposition suivante donne une description des espaces N1(F ) et N2(F ) pourX générale (resp. générale dans Cd) ; c’est surtout l’énoncé qui caractérise N2(F )pour X générale dans Cd qui est d’intérêt pour nous ; les autres énoncés sont bienconnus.

Proposition 3.3.2.4. Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X. Si Xest générale, on a

N1(F ) = R s1 , N2(F ) = 〈s21, c2(F )〉.

Soit d un entier positif tel que Cd soit non vide et soit X générale dans Cd. Alors ilexiste τ ∈ N1(F ) tel que

N1(F ) = 〈s1, τ〉 , N2(F ) = 〈S2 N1(F ), c2(F )〉.

Démonstration. Par la proposition 3.3.1.5, on a un isomorphisme de R-espaces vec-toriels N2(X) ≃ N1(F ), ce qui entraîne N1(F ) = R s1 pour X générale. Soit mainte-nant X ∈ Cd générale et soit T ∈ N2

Z(X) tel que le réseau engendré par T et h2 dansH2(X,Z) soit de discriminant d. Posons τ := α(T ) ∈ N1(F ) et Bs1,τ1 := Bs1 ∩Bτ .Par le théorème 3.3.1.2 et par la proposition 3.3.1.5, on a alors

F(BXT ) = BF

s1,τ , (3.10)

ce qui est une hypersurface dans F(Def(X)) = BFs1 par la proposition 3.3.1.1.

Comme Cd est un diviseur irréductible dans C et comme F est injective, on a

t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd = BXT (3.11)

et donc 〈s1, τ〉 ⊂ N1Z(F ) par (3.10). Si τ ′ ∈ N1(F ) n’appartient pas à l’espace

engendré par s1 et τ , alorsBFτ ′∩BF

s1,τ est une hypersurface (lisse) dans BFs1,τ , de sorte

que, pour t générale dans BFs1,τ (i.e., pour t en dehors d’une réunion dénombrable

de hypersurfaces), on a N1(Ft) = 〈s1, τ〉. Par (3.10) et (3.11), cela veut dire quel’on a N1(F ) = 〈s1, τ〉 pour X générale dans Cd.

Regardons maintenant l’espace N2(F ). Comme on a un isomorphisme

S2H2(F,Q)→ H4(F,Q)

qui est compatible avec les structures de Hodge (cf. [11, Prop. 3]), on a une injection

S2 N1(F )→ N2(F ).

Par ailleurs, on sait que l’on a c2(F ) ∈ N2(F ), et par un résultat de Guan [23, MainTheorem], on a c2(F ) 6∈ S

2 N1(F ).Soit maintenant α dans N2(F ), pour X générale dans Cd. Comme X est générale

dans Cd, ses déformations locales dans Cd sont encore générales, de sorte que l’on apar (3.10) et (3.11)

BFs1,τ = F(t ∈ Def(X) | Xt ∈ Cd) ⊂ BF

α ,

ce qui entraîne par une proposition de Schlickewei [59, Prop. 3.4.2]

α ∈ 〈S2 N1(F ), c2(F )〉,

ce qu’il fallait montrer.Avec un argument similaire on montre N2(F ) = 〈s21, c2(F )〉 pour X générale.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 61

Exemple 3.3.2.5. Soit X générale dans C8 et notons P la classe du plan uniquecontenu dans X . Si l’on pose p := α(P ), on a

N1(F ) = 〈s1, p〉 , N2(F ) = 〈p2, s1p, s21, c2(F )〉.

Remarque 3.3.2.6. Soit X générale dans Cd. Dans une base de N2(F ) composéed’une base de S

2 N1(F ) et de c2(F ) (comme dans la proposition 3.3.2.4), les calculsd’intersection dans N2(F ) se réduisent à des calculs de la forme de Beauville :par [53, (3.01.14), (3.0.32)], on a d’un côté

c2(F )2 = 36 · 23 , c2(F ) · xy = 30qF (x, y)

pour x, y ∈ N1(F ) ; d’autre part, on a [53, §2.2]

x1x2 · x3x4 = qF (x1, x2)qF (x3, x4) + qF (x1, x3)qF (x2, x4) + qF (x1, x4)qF (x2, x3)

pour x1, . . . , x4 ∈ N1(F ).

3.3.3 Classification des droites et un endomorphisme ration-nel

Dans cette section, on rappelle d’abord un résultat de Clemens et Griffiths [15,§6] qui montre qu’il y a deux types de droites sur une cubique lisse. Dans [65],Voisin construit un endomorphisme rationnel de F , qui est régulier sur l’ouvertparamétrant les droites dites du premier type, si X est générale. On rappelle laconstruction et quelques propriétés élémentaires de cet endomorphisme qui noussera utile dans l’étude de Psef2(X) pour X une cubique générale.

3.3.3.1 Classification des droites

Soit X une cubique et l une droite dans X . Il découle de la suite exacte

0→ Nl/X → Nl/ P5 ≃ Ol(1)4 → NX/ P5 |l ≃ Ol(3)→ 0

et du fait que tout fibré vectoriel sur l est scindé que l’on a, soit Nl/X ≃ Ol(1)⊕O2l ,

soit Nl/X ≃ Ol(1)2 ⊕Ol(−1).

Définition 3.3.3.1. Soit X une cubique lisse et soit l une droite dans X . On ditque l est du premier type si Nl/X ≃ Ol(1) ⊕ O2

l et que l est du deuxième type siNl/X ≃ Ol(1)

2 ⊕Ol(−1).Si G est une équation définissant la cubique lisse X , l’application de Gauss est

définie par

γ : X −→ (P5)∨ (3.12)

x = (x0, . . . , x5) 7−→ (∂G

∂x0(x), . . . ,

∂G

∂x5(x)).

Elle associe à un point x ∈ X son espace tangent projectif TX,x ⊂ P5.Proposition 3.3.3.2 (Clemens-Griffiths). Soit X une cubique lisse et soit l unedroite dans X. Alors les énoncés suivants sont équivalents :

1. la droite l est du premier (resp. du deuxième) type ;

2. γ(l) est une conique lisse (resp. une droite) ;

3. on a dim⋂

x∈l TX,x = 2 (resp. dim⋂

x∈l TX,x = 3).

Démonstration. [15, Lemme 6.7, Prop. 6.19].

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 62

3.3.3.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin

Une droite générale dans X est du premier type [16, Prop. 2.13]. Pour [l] ∈ Fgénérale,

⋂x∈l TX,x est donc un 2-plan, de sorte que soit

x∈l

TX,x ∩X ≃ P2,

soit ⋂

x∈l

TX,x ∩X = 2l+ l′,

ou l′ est une droite dite résiduelle (qui peut être égale à l). Comme X ne contientqu’un nombre fini de plans, on obtient ainsi une application rationnelle [65, Lemma7]

f : F 99K F

[l] 7−→ [l′].

PosonsY := ([l], [l′], [P ] ∈ G(1,P5)2 ×G(2,P5) | 2l ∪ l′ ⊂ P ∩X

et notons pi la projection de Y sur le i-ième facteur de G(1,P5)2 ×G(2,P5). Alorson a f = p2 p−1

1 . Notons V2 et V3 les fibrés tautologiques respectifs sur G(1,P5)et G(2,P5), ou encore leurs tirés en arrière sur Y ; il sera clair par le contexte dansquel cas on se trouve.

Supposons désormais que X est une cubique lisse ne contenant aucun plan.Alors on a Y ≃ Γf et le lieu exceptionnel de f correspond au schéma Σ ⊂ Xparamétrant les droites du deuxième type. Pour étudier Σ, on aura besoin desnotations suivantes : pour un morphisme f : M → N entre deux fibrés vectorielssur une variété projective Z, on note

Dr(f) := z ∈ Z | rang(fz) ≤ r

les lieux de dégénéréscence correspondants. De plus, on note Mm×n l’espace desmatrices complexes m× n et

Mr := M ∈Mm×n | rang(M) ≤ r.

On définit un morphisme de fibrés vectoriels sur F par

ϕ : V6 ⊗OF −→ S2 V∨

2

(y0, . . . , y5) 7−→5∑

i=0

yi∂G

∂xi,

où G est une équation définissant X dans P5 := P(V6). On a ker(ϕ[l]) =⋂

x∈l TX,x

et ϕ se factorise par un morphisme

φ : (V6 ⊗OF )/V2 → S2 V∨

2 . (3.13)

Avec ces notations, on a D2(φ) = Σ (cf. proposition 3.3.3.2), où l’on note Σ lesous-schéma de F paramétrant les droites du deuxième type.

Lemme 3.3.3.3. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F la variétéde Fano de F . Alors le schéma Σ ⊂ F paramétrant les droites du deuxième type surX est une surface localement intersection complète, et l’on a

NΣ/F ≃ ker(φ)|∨Σ ⊗ coker(φ)|Σ.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 63

Démonstration. Comme Σ s’identifie avec le lieu de dégénéréscence D2(φ), on adim(Σ) ≥ 2 et par un résultat de Clemens et Griffiths [15, Cor. 7.6], on a dim(Σ) ≤ 2,de sorte que Σ est une surface et le lieu de dégénéréscence est de la dimensionattendue. Sur un ouvert suffisamment petit U de F , le morphisme φ est donné parune application

φU : U →M4×3.

Comme D1(φ) = ∅, on a Σ ∩ U = φ−1U (M2 \ M1). Or M2 \ M1 est lisse de

codimension 2 = codimF (Σ), de sorte que l’on en déduit que Σ est localementintersection complète. La caractérisation du fibré normal NΣ/F découle par exemplede [22, pp. 54-55].

Notons πΣ : FΣ → F l’éclatement de F au-dessus de Σ.

Proposition 3.3.3.4. Soit X une cubique ne contenant aucun plan et soit F lavariété de Fano de X. Si la surface Σ ⊂ F est génériquement réduite, alors on aFΣ ≃ Γf .

Démonstration. Soit G une équation définissant X dans P5. On a un morphisme defibrés vectoriels sur Γf = Y

ψ : (V6 ⊗OΓf)/V3 → S

2 V∨2

(y0, . . . , y5) 7→5∑

i=0

yi∂G

∂xi,

où le lieu de dégénéréscenceD2(ψ) est un diviseur de Cartier (défini par l’annulationde det(ψ)), de sorte que la projection Y ≃ Γf → F se factorise par FΣ. Par lelemme 3.3.3.3, Σ est localement une intersection complète, de sorte que FΣ l’estaussi. Comme Σ est réduite, FΣ est lisse en codimension 1 et donc normale, d’oùl’on déduit Γf ≃ FΣ par le théorème principal de Zariski.

Remarque 3.3.3.5. Je ne connais pas d’exemple de cubique lisse X pour laquelle Σn’est pas réduite (pour la cubique de Fermat, Σ est réductible (cf. [16, §2.14])).

3.4 Classes positives de codimension 1 et 2

Après les résultats préliminaires des sections précédentes, on étudie dans cettesection les cônes des classes (pseudo)effectives ou nefs. On commence en regardantla positivité des classes dans N2(F ) pour X générale (§3.4.1). Ensuite, on étudiela positivité des classes sur F en toute codimension pour X générale dans Cd pourd ∈ 8, 12, 14 (§3.4.2 - 3.4.4). En particulier, on vérifie les conjectures de Hassettet Tschinkel pour une cubique générale contenant un plan et pour une cubiquepfaffienne générale.

3.4.1 Cubiques générales

Soit X une cubique générale. Le résultat principal de cette section est que l’ona une inclusion

Psef2(F ) ⊂ Nef2(F ).

On conjecture que cette inclusion est stricte (cf. proposition 3.4.1.10 et conjecture3.4.1.14).

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 64

3.4.1.1 Classes induites par la Grassmannienne et la face isotrope

Notons V2 le fibré tautologique de rang 2 sur la Grassmannienne G(1,P5) etposons

s1 := c1(V∨2 ) , s2 := c2(V∨

2 )

dans H•(G(1,P5),Z) ainsi que 1

s1 := c1(V∨2 |F ) , s2 := c2(V∨

2 |F )

dans H•(F,Z).

Lemme 3.4.1.1. Soit X une cubique lisse et soit F la variété de Fano de X. Alorson a

c2(F ) = 5s21 − 8s2.

Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 =P(V6). Soit Q le fibré quotient sur G(1,P5) et posons

σ1 := c1(Q|F ) , σ2 := c2(Q|F ).

La suite exacte0→ V2|F → (V6 ⊗OG(1,P5))|F → Q|F → 0

fournit les relationss1 = −σ1 , s2 = σ2

1 − σ2. (3.14)

Exprimons c2(F ) en fonction de s21 et s2. Comme F est le lieu des zéros d’unesection globale de S

3 V∨2 , la suite exacte

0→ TF → TG|F → NF/G → 0,

donnec2(F ) + c2(S

3 V∨2 )|F = c2(TG)|F .

Or c2(S3 V∨

2 ) = 11s21 + 10s2 et les relations (3.14) donnent s21 − 2s2 = −(σ21 − 2σ2),

de sorte que TG(1,P5) = V∨2 ⊗Q fournit

ch(G(1,P5)) = ch(V∨2 ) ch(Q)

= (2 + s1 +1

2(s21 − 2s2) + (classes de degré ≥ 3))

· (4 + σ1 +1

2(σ2

1 − 2σ2) + (classes de degré ≥ 3))

= 8 + 6s1 + s21 + (s21 − 2s2) + (classes de degré ≥ 3)

et l’on obtientc2(F ) = 5s21 − 8s2.

Par la proposition 3.3.2.4, on a donc

N2(F ) = 〈s21, c2(F )〉 = 〈s21, s2〉

pour une cubique générale X .

1. Remarquons que cette notation est conforme avec la notation introduite dans §3.3.1.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 65

Lemme 3.4.1.2 (Voisin). Soit X une cubique et soit F la variété de Fano de X.Alors on a

R+ s2 + R+(s21 − s2) ⊂ Psef2(F )

et R+ s2 ⊂ Psef2iso(F ). Si X est générale, s2 engendre donc un rayon extrémal dePsef2(F ) et une surface dans F est lagrangienne si et seulement si sa classe est unmultiple de s2.

Démonstration. On a (cf. par exemple la démonstration de [67, Lemma 2.8])

Psef2(G(1,P5)) = R+ s2 + R+(s21 − s2),

et par restriction à F ⊂ G(1,P5), l’inclusion est claire. Or on peut intersecterX avecun hyperplan (général) H ⊂ P5 pour obtenir une cubique lisse Y := X ∩H dans P4.La variété F (Y ) paramétrant les droites sur Y est alors une surface lagrangiennedans F de classe s2 (cf. [64, §3, Ex. 7], [33, Prop. 2]), ce qui fournit le résultatsouhaité.

Donnons un autre exemple d’une sous-variété lagrangienne d’une variété de Fanod’une cubique X (générale).

Exemple 3.4.1.3. PourX générale, on peut supposer queX est la section hyperplaned’une cubique Y dans P6. Par généricité, la variété F2(Y ) paramétrant les 2-plansdans Y est une surface lisse et l’on a une injection

i : F2(Y )→ F

P 7→ P ∩X.

On a [i(F2(Y ))] = 63s2 (cf. [33]).

D’autre part, on a deux exemples de classes représentées par un multiple des21 − s2 :

Exemple 3.4.1.4. Soit l une droite dans X . La surface

Sl := [l′] ∈ F | l ∩ l′ 6= ∅

est de classe 13 (s

21 − s2) [63, §0].

Exemple 3.4.1.5. La surface Σ paramétrant les droites du deuxième type sur X estde classe 5(s21 − s2) [2, p. 488].

3.4.1.2 L’endomorphisme rationnel de Voisin

Pour obtenir une restriction sur l’autre rayon extrémal de Psef2(F ), on peututiliser l’endomorphisme rationnel f : F 99K F construit dans §3.3.3.

Proposition 3.4.1.6 (Amerik). Si X est une cubique générale, la surface Σ estlisse.

Démonstration. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 tel que P5 =P(V6). Notons XG la cubique associée à un polynôme G ∈ S

3 V ∨6 et soit ΣG ⊂ XG

le schéma paramétrant les droites qui sont de deuxième type. Soit

Z := ([l], G) ∈ G(1,P5)× S3 V ∨

6 | l ⊂ XG

et soitφ : (V6 ⊗OZ)/V2 → S

2 V∨2

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 66

le morphisme défini par (3.13). Notons V2 le tiré en arrière sur Z du fibré tautolo-gique sur G(1,P5). On note sφ : Z → Hom((V6 ⊗OZ)/V2,S2 V∨

2 ) la section globaleassociée et l’on pose

I := D2(φ) = (l, G) ∈ Z | l est du deuxième type .

On montre que I est irréductible et lisse en codimension 3. Comme p−12 (G) = ΣG

est de dimension 2 pour G générale, cela entraîne que la projection Ising → S3 V ∨

6

n’est pas surjective, d’où l’on déduit le résultat souhaité par lissité générique.Comme G(1,P5) est homogène, il suffit de montrer qu’une fibre Il := p−1

1 (l) estlisse en codimension 3. Remarquons que Il = D2(φ|Zl

), où Zl est la fibre au-dessusde [l] de la projection de Z sur G(1,P5). Supposons que l est définie par x0 = x1 = 0,de sorte que

φ(l,G)(x2, . . . , x5) =

5∑

j=2

xj∂G

∂yj.

La matrice 4× 3 représentant φ(l,G) a comme coefficients dans la j-ième colonne lescoefficients des monômes x21, x0x1, x

21 de ∂G

∂yj. La section sφ|Zl

s’écrit alors explicite-

ment comme une application de Zl dans M4×3 et l’on a Il = sφ|−1Zl

(M2). Commesφ|Zl est linéaire et donc lisse, cela entraîne que Il est irréductible et I l’est doncaussi. De plus, on a

codim(Sing(Il)) = codim(Sing(M2)) = 4,

ce qui achève la démonstration.

Remarque 3.4.1.7. Dans [2], Amerik suggère que l’on devrait avoir ωΣ = OΣ(3).L’argument suivant vérifie cette hypothèse : avec les notations de la démonstrationdu lemme 3.3.3.3, on a ker(φ)|Σ = (ker(ϕ)/V2)|Σ et

TF |Σ = Hom(V2, ker(ϕ)/V2)|Σ = (V∨2 ⊗ ker(φ))|Σ.

En prenant le déterminant, on obtient det ker(φ)|Σ = OΣ(−2). La suite exacte

0→ ker(ϕ)/V2 → V6 ⊗OF /V2 → S2 V∨

2 → coker(φ)→ 0,

restreinte à Σ, fournit alors coker(φ)|Σ = OΣ(1). Comme NΣ/F = ker(φ)|∨Σ ⊗coker(φ)|Σ, on obtient, en appliquant la formule d’adjonction et par les remarquesprécédentes,

ωΣ = det(ker(φ)∨ ⊗ coker(φ)) = OΣ(3).

Par la proposition 3.3.3.4 et la proposition 3.4.1.6, on a, pour X générale, lediagramme commutatif suivant,

Γf ≃ FΣ

g

##HHHHHHHHH

π

Ff

//____ F,

(3.15)

où π : FΣ → F est l’éclatement de Σ.

Lemme 3.4.1.8 (Amerik). Soit X une cubique générale. Alors g ne contracte pasde diviseur, et toute surface T dans FΣ contractée par g est aussi contractée par π.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 67

Démonstration. Par [65, §4.1], g∗σ est proportionelle à π∗σ, donc

E := Ram(π) = Ram(g),

de sorte que toute sous-variété de FΣ contractée par g est contenue dans E. Enparticulier, g ne contracte pas le diviseur exceptionnel E car sinon f serait unmorphisme régulier. Soit maintenant Z une surface irréductible contractée par g,de sorte que la 2-forme g∗σ est nulle sur Z. Si Z n’est pas contractée par π, on aπ(Z) = Σ et donc π∗σ|Z 6= 0 (car Σ n’est pas lagrangienne par l’exemple 3.4.1.5),ce qui est une contradiction.

3.4.1.3 Restrictions sur Psef2(F )

Les nombres d’intersection parmi les classes s1 et s2 sont bien connus.

Lemme 3.4.1.9. On a

s41 = 108 , s21 · s2 = 45 , s22 = 27.

Démonstration. Cf. par exemple [2, Lemma 4].

Proposition 3.4.1.10. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fanode X. On a

Psef2(F ) = R+ s2 + R+(s21 − as2)

pour un réel positif a ≤ 53 . En particulier, on a

Psef2(F ) ⊂ Nef2(F ). (3.16)

Démonstration. Par le lemme 3.4.1.8, g ne contracte aucun diviseur donc g∗ envoiePsef2(F ) dans Psef2(FΣ) et le cône des classes pseudoeffectives Psef2(F ) est doncinvariant par l’application induite f∗ : N2(F )→ N2(F ), où l’on utilise les notationsdu diagramme 3.15. On a (fn)∗ = (f∗)n [2, Thm. 3] et [2, Thm. 8]

f∗s2 = 31s2 , f∗s21 = 4s21 + 45s2,

d’où

f∗(s21 −5

3s2) = 4(s21 −

5

3s2).

Pour a > 53 , on a

limn→∞

(f∗)n(s21 − as2) = −bs2pour un entier positif b. La classe −s2 n’est pas pseudoeffective, ce qui entraîne

Psef2(F ) = R+ s2 + R+(s21 − as2)

pour un a ≤ 53 . Comme (s21 − 5

3s2) · s2 = 0, on a en particulier

Psef2(F ) ⊂ Nef2(F ). (3.17)

Remarque 3.4.1.11. On peut aussi retrouver ce résultat par un argument direct.Comme on a (cf. par exemple la démonstration du Lemme 2.8 dans [67])

Psef2(G(1,P5)) = Nef2(G(1,P5)) = R+ s2 + R+(s21 − s2),

la classe s2 = s2|F est nef par le lemme 2.3.4.8.La proposition 3.4.1.10 découle également de la proposition 3.4.1.13 ci-dessous.

Mais comme la technique en utilisant l’action de f∗ pourrait être utile dans l’étudedes cônes dans N1(F ) et N2(F ) pour d’autres classes de cubiques, on a choisi del’inclure ici.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 68

Lemme 3.4.1.12. Soit X une cubique et soit Fx la variété paramétrant les droitesdans X passant par x ∈ X. Si Fx contient une composante S1 de dimension ≥ 2,alors S1 est une surface lisse, contenue dans la surface (peut-être réductible) Σparamétrant les droites du deuxième type dans X. En particulier, il y a juste unnombre fini de points x ∈ X tels que dim(Fx) = 2.

Démonstration. Soit l une droite dans X passant par x. Comme (cf. [16, p. 48])

TFx,[l] = H0(l, Nl/X(−1)),

la proposition 3.3.3.2 implique que l’on a dimTFx,[l] ≤ 2 avec égalité si et seulementsi [l] ∈ Σ. Si Fx contient donc une composante S1 de dimension 2, on doit avoirdimTFx,[l] = dimS1 = 2 en tout point [l] ∈ S1, ce qui entraîne que S1 est unesurface lisse dans Σ.

Proposition 3.4.1.13. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fanode X. La classe s21 − 5

3s2 n’est pas effective.

Démonstration. Supposons qu’un multiple de la classe s21 − 53s2 est représenté par

une surface T ⊂ F . Notons lt la droite correspondant à t ∈ T et P3t∨ le P3 corres-pondant à t∨ ∈ T∨ ⊂ G(3, (P5)∨) tel que

lt =⋂

[H]∈P3t∨

H.

On a T · s2 = 0 et donc T · [G(1,P4)] = 0 dans G(1,P5). Autrement dit, aucunedroite paramétrée par T n’est contenue dans un P4 général dans P5. La surfaceduale T∨ est donc contenue dans

[L] ∈ G(3, (P5)∨) |aucun hyperplan correspondant à un point de L ne passe par x ∈ P5 général.

Par la propriété universelle de la Grassmannienne, T∨ correspond à un diagramme

Z

p

q// (P5)∨

T∨

où Z ⊂ T∨ × (P5)∨, p et q sont les projections naturelles et p−1(t∨) = P3t∨ . Notrehypothèse est que V := q(Z) =

⋃t∨∈T∨ P

3t∨ est une sous-variété stricte de (P5)∨ ;

c’est donc une hypersurface. La fibre d’un point général v ∈ V est de dimension 1,ce qui signifie que v est dans une famille de dimension 1 de P3t∨ . Ces 3-plans sontcontenus dans l’hyperplan TV,v, donc le remplisse. Ils sont aussi contenus dans V , desorte que TV,v ⊂ V . On en déduit que V est une réunion d’hyperplans H∨

1 , . . . , H∨r

de (P5)∨. Soit maintenant Ti la composante de T telle que q(p−1(T∨i )) = H∨

i . Alorson a ⋂

t∈Ti

lt =⋂

[H]∈H∨i

H = x,

de sorte que Ti est une surface contenue dans la variété Fx paramétrant les droitesdans X passant par x. Comme X est générale, on a donc Ti = Σ pour i = 1, . . . , r(cf. proposition 3.4.1.6 et lemme 3.4.1.12) ; en particulier, la classe de T est unmultiple de [Σ] = 5(s21 − s2) (cf. exemple 3.4.1.5), ce qui est une contradiction àl’hypothèse que la classe de T est un multiple de s21− 5

3s2. On en déduit que s21− 53s2

n’est pas effective.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 69

La conjecture suivante semble naturelle :

Conjecture 3.4.1.14. Soit X une cubique générale et soit F la variété de Fanode X. Alors on a

Psef2(F ) = R+ s2 + R+(s21 − s2)

et

Nef2(F ) = R+ s2 + R+(s21 −

5

3s2).

Autrement dit, on conjecture que toute classe pseudoeffective s’obtient comme res-triction d’une classe effective dans la Grassmannienne G(1,P5), ce qui impliqueraitque l’inclusion (3.16) est stricte.

3.4.2 Cubiques contenant un plan

Soit X une cubique générale contenant un plan, i.e., X est générale dans C8.Comme résultat principal de cette section, on vérifie les conjectures de Hassettet Tschinkel (propositions 3.4.2.7, 3.4.2.10 et 3.4.2.15) pour la variété de Fano Fde X . De plus, on montre que F n’admet pas d’automorphisme birationnel nontrivial (proposition 3.4.2.21) et l’on montre que la face isotrope de Psef2(F ) est decodimension 1 (proposition 3.4.2.22).

3.4.2.1 Les diviseurs DP et DQ

Comme la cubique X est générale dans C8, elle contient un unique plan P .On note P∨ le plan dual dans F . Soit Π le plan projectif paramétrant les espaceslinéaires de dimension 3 dans P5 contenant P . Pour [P3] ∈ Π, on a

P3 ∩X = P ∪QP3 ,

où QP3 est une quadrique dont la classe dans H4(X,Z) ne dépend pas du P3 ∈ Πchoisi.

Remarque 3.4.2.1. Soit x ∈ X \P . Comme il y a un unique P3 contenant P et x, ily a une unique quadrique QP3 ⊂ X contenant x.

Remarque 3.4.2.2. Pour le système linéaire des coniques QP3 ∩P paramétré par Π,on a l’interprétation alternative suivante (cf. [63, Lemme 6]) : soit γ : X → (P5)∨

l’application de Gauss (cf. (3.12)) et notons Π′ le plan dans (P5)∨ paramétrant leshyperplans dans P5 contenant P . Alors on a une bijection

(Π′)∨ −→ Π

[l] 7−→ P3l :=⋂

x∈γ−1(l)

TX,x

etP3l ∩ QP3

l= γ−1(l). (3.18)

Si l’on parle dans la suite d’une quadrique Q, il est sous-entendu qu’elle est dela forme QP3 , où il n’importe pas quel P3 on choisit. Avec cette notation, on a parla proposition 3.3.2.4,

N2(X) = R[P ]⊕ R[Q]

et la forme d’intersection est donnée par [63, §0]

[P ] · [Q] = −2 , [P ]2 = 3 , [Q]2 = 4. (3.19)

De plus, on a[P ] + [Q] = h2,

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 70

où l’on note h la classe d’une section hyperplane dans X . Si l’on pose

p := α([P ]) , q := α([Q]),

où α = pr2,∗ pr∗1 : H4(X,Z) → H2(F,Z) est l’isomorphisme d’Abel-Jacobi définie

dans (3.7), on aN1(F ) = R p⊕ R q

etp+ q = s1

par la proposition 3.3.1.5.Construisons d’abord un diviseur premier DQ de classe q. Soit Q ⊂ X une

quadrique générale (i.e. générale dans le système de quadriques paramétré par Π)et notons Fx la variété paramétrant les droites passant par x ∈ X . Comme Fx estune courbe pour x en dehors un ensemble fini de points de X (cf. lemme 3.4.1.12)et une courbe irréductible pour x ∈ Q général, pr−1

1 (Q) a une seule composanteirréductible D1 de dimension 3. Le diviseur DQ := pr2(D1) est donc irréductible declasse q.

Pour construire le diviseur DP , on pose d’abord

D := ([l], [P3]) ∈ F ×Π | l ⊂ QP3

et l’on note p1 et p2 les deux projections associées, de sorte qu’une fibre de p2paramètre les droites contenues dans QP3 .

Lemme 3.4.2.3. La variété D est une fibration en coniques au-dessus d’une surfaceK3 lisse S de degré 2 et est donc lisse elle-même.

Démonstration. Rappellons d’abord la construction géométrique suivante (cf. [63,p.582], [39, §4]) : soit πP : X 99K Π la projection depuis P dans P5. L’éclatementX → X de X au-dessus de P résoud alors les indéterminations de π, de sorte quel’on obtient une application régulière πP : X → Π de fibres π−1

P (P3) = QP3 . Lelieu discriminant dans Π de ce fibré en quadriques est une sextique C. Comme Xcontient un unique plan, les quadriques QP3 sont toutes non dégénérées, de sorteque C est lisse par un résultat de Beauville [8, Prop. I.1.2]. La factorisation de Steinde p2 donne un morphisme

D −→ Ss−→ Π,

où la fibre s−1(P3) paramètre les deux réglages de QP3 , de sorte que s est unrevêtement double. Comme la variété paramétrant les droites dans une quadriqueQP3 est la réunion de deux coniques distinctes si et seulement si QP3 est lisse, le lieude ramification de s s’identifie à la courbe discriminante lisse C. Il s’ensuit que Sest une surface K3 lisse de degré 2 et que D est une fibration en coniques au-dessusde S, d’où l’on déduit que D est lisse.

PosonsDP := [l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P.

Proposition 3.4.2.4. La projection p1 fournit un isomorphisme entre D et DP ,de sorte que DP est un diviseur lisse, fibré en coniques au-dessus d’une surface K3lisse S de degré 2. De plus, on a [DP ] = p.

Démonstration. Soit ([l], [P3]) ∈ D. Comme l et P sont contenus dans P3, on al ∩ P 6= ∅. Si l 6⊂ P , il est clair que l’on a [l] ∈ DP . Si l est dans P , c’est la limited’une famille de droites dans QP3 et donc la limite d’une famille de droites dansDP , de sorte que l’on a également [l] ∈ DP . Comme toute droite correspondant à

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 71

un point dans [l] ∈ F | l ∩ P 6= ∅, l 6⊂ P est contenue dans une unique quadriqueQP3 (cf. remarque 3.4.2.1), on a donc

p1(D) = DP

et p1|D est bijective au-dessus de p1(D) \ P∨. Il nous reste à étudier les fibres au-dessus de p1(D) ∩ P∨. Soit donc l ∈ p1(D) ∩ P∨ et choisissons des points x, y ∈ l.Alors il existe une unique droite l′ ⊂ Π′ passant par [TX,x] et [TX,y] ∈ (P5)∨,de sorte que γ−1(l′) est l’unique conique contenant l (cf. (3.18)). L’applicationp1 : D → DP est donc une bijection. On a une section l 7→ (l, 〈l, P 〉) au-dessus dep1(D) \P∨, de sorte que DP est lisse en codimension 1 et donc normale. Comme Dest lisse par le lemme (3.4.2.3), le théorème principal de Zariski entraîne que p1 estun isomorphisme.

Il reste à montrer que [DP ] = p. L’image réciproque de P sous la projection pr2est la réunion des variétés

D2 := (x, [l]) ∈ P × P∨ | x ∈ l,

etD3 := (x, [l]) ∈ P × F | x ∈ l, [l] 6∈ P∨.

Comme D2 est contractée sur une surface par pr2 et comme pr2(D3) = DP , on adonc p = α(P ) = [DP ].

Le lemme suivant nous permettra ensuite de déterminer le cône Psef1(F ).

Lemme 3.4.2.5. La forme de Beauville sur N1(F ) est déterminée par

qF (p, p) = −2 , qF (q, q) = 0 , qF (p, q) = 4.

Démonstration. Par (3.19), la classe [Q]−2[P ] est orthogonale à h2 dans H4(X,Z),d’où l’on déduit qF (q − 2p, q + p) = 0. En appliquant (3.8), on obtient de plusqF (q − 2p, q − 2p) = −24 et par [11], on a qF (q + p, q + p) = 6. En écrivant p et qcomme combinaison linéaire de q − 2p et q + p, on obtient le résultat souhaité.

Remarque 3.4.2.6. Dans la base p, s1 + p de N1(F ), la forme de Beauville estdonnée par

qF (p, p) = −2 , qF (p, s1 + p) = 0 , qF (s1 + p, s1 + p) = 8.

Soient (a, b) des coordonnées sur N1Z(F ) par rapport à cette base. Alors on a

qF (a, b) = −2a2 + 8b2 et donc

qF (a, b) = −10 ⇔ a = ±3, b = ±1,qF (a, b) = −2 ⇔ a = ±1, b = 0.

On obtient ainsi

ρ ∈ N1Z(X) | qF (s1, ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −2 = p,

ρ ∈ N1Z(X) | qF (s1, ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) = −10 = q − p, 5p+ q.

Proposition 3.4.2.7. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit F lavariété de Fano de X. Alors on a

Psef1(F ) = Eff1(F ) = R+ p+ R+ q

= coneρ ∈ N1Z(X) | qF (s1, ρ) ≥ 0, qF (ρ, ρ) ≥ −2 (3.20)

et la classe de tout diviseur premier autre que DP est dans R+(2p+ q) + R+ q.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 72

Démonstration. Par [13, Prop. 4.2], on a qF ([D], [D′]) ≥ 0 pour deux diviseurspremiers distincts D et D′ sur F . Comme on a qF (p, p−aq) < 0 et qF (q, q−ap) < 0pour tout a ∈ R+, on obtient

Psef1(F ) = Eff1(F ) = R+ p+ R+ q.

La caractérisation (3.20) de Psef1(F ) découle alors tout de suite de la remarque3.4.2.6 : toute classe d’un diviseur premier D avec qF ([D], [D]) < 0 est de classe unmultiple d’une classe primitive ρ ∈ N1

Z(F ) de carré −2 sous la forme de Beauvilleet donc un multiple de p. On en déduit que tout diviseur premier autre que DP estdans R+(2p+ q) + R+ q.

3.4.2.2 Classes nefs et classes de courbes

Notons c la classe d’une fibre de DP ≃ D → S (qui est une conique) et l laclasse d’une droite dans P . Alors on a

N1(F ) = 〈c, l〉et l’on verra que ces deux classes engendrent le cône des courbes Eff1(F ) = Psef1(F )(proposition 3.4.2.7). On commence en déterminant l’accouplement d’intersectionentre classes de courbes et classes de diviseurs.

Lemme 3.4.2.8. L’accouplement d’intersection

N1(F )×N1(F )→ R

est donné par

p · c = −2 , q · c = 4 , p · l = 3 , q · l = −2.Démonstration. Comme tα(c) = Q et tα(l) = P on déduit l’enoncé souhaité de(3.9) et (3.19).

Remarque 3.4.2.9. Comme

2x · l = qF (x, q − p) , x · c = qF (x, p)

pour tout x ∈ H2(F,Z), on a ρl = q − p et ρc = p avec les notations de (3.5).

Proposition 3.4.2.10. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit Fla variété de Fano de X. Alors on a

Psef1(F ) = Eff1(F ) = R+ l + R+ c

etNef1(F ) = R+(2p+ 3q) + R+(2p+ 2).

Démonstration. Comme DQ · l < 0 et DP · c < 0, l’énoncé découle tout de suite duthéorème de contraction (cf. [37, Thm 3.7]) : il existe des contractions extrémalescontrl : F → F ′ et contrc : F → F ′′ telles qu’une courbe est contractée par contrl(resp. par contrc) si et seulement si elle est de classe dans R+ l (resp. de classe dansR+ c). Comme 2p+ 3q et 2p+ q sont des classes effectives avec

(2p+ 3q) · l = (2p+ q) · c = 0,

la contraction contrl (resp. contrc) est définie par les sections globales du fibré endroites OF (m(2DP + 3DQ)) (resp. par les sections globales de OF (m(2DP +DQ))pour un m suffisamment grand. Comme m(2p + 3q) (resp. m(2p + q)) est le tiréen arrière d’une classe ample par contrl (resp. contrc), on voit que ces deux classesengendrent les deux rayons extrémaux de Nef1(F ) ; par dualité, l et c engendrentles deux rayons extrémaux de Psef1(F ).

Remarque 3.4.2.11. Il découle de la remarque 3.4.2.6 que la proposition 3.4.2.10vérifie les conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 73

3.4.2.3 Géométrie birationnelle

Soit Y une variété hyperkählérienne projective et soit f : Y 99K Y ′ une appli-cation birationnelle, où Y ′ est une autre variété symplectique projective. Alors fest un isomorphisme en codimension 1, de sorte que f∗ : N1(Y ′) → N1(Y ) est unisomorphisme.

Définition 3.4.2.12. Le cône nef birationnel Nef1bir(Y ) est un cône dans N1(Y ),défini comme la réunion des cônes f∗ Nef1(Y ′), où f : Y 99K Y ′ est une applica-tion birationnelle et Y ′ est une autre variété symplectique projective. Un sous-cônede Nef1bir(Y ) de la forme f∗Amp(Y ′) est dit une chambre ample et l’adhérencef∗ Amp(Y ′) d’une chambre ample est dite une chambre nef.

Remarque 3.4.2.13. Si f : Y 99K Y ′ est une application birationnelle entre variétéssymplectiques projectives, f∗Amp(Y ′) ∩ Amp(Y ) 6= ∅ entraîne Y ≃ Y ′, de sorteque les chambres amples de Nef1bir(Y ) sont disjointes.

Un flop de Mukai est un morphisme birationnel canoniquement associé à unevariété hyperkählérienne Y contenant un plan P ≃ P2. Rappelons sa constructionen suivant [48, §3] : soit π : Z → Y l’éclatement de Y au-dessus de P et soitE := π−1(P∨) le diviseur exceptionnel de π. Comme Y est hyperkählérienne, on aNP/Y ≃ ΩP (cf. [48, Prop. 3.1]) et donc

E ≃ P(ΩP ) ≃ (p, l) ∈ P × P∨ | p ∈ l,

de sorte que les deux projections p1 : E → P et p2 : E → P∨ fournissentdeux structures de P1-fibré sur E. Pour p′ ∈ P , on a par la formule d’adjonc-tion OZ(E)|p−1

2 (p′) = OP∨(−1), de sorte qu’il existe une variété analytique lisse

Y + et un morphisme π+ : Z → Y + tel que π+ est un isomorphisme sur Z \ Eet π+|E = p2|E (cf. [51] [20]). L’application birationnelle fP := π+ π−1 est alorsappelée le flop de Mukai de Y le long de P . On résume cette construction dans lediagramme suivant

~~

π+

!!CC

CCCC

CC

YfP

//_______

β

AAAA

AAAA

Y +

β∨

W

(3.21)

où β (resp. β∨) est un morphisme birationnel qui contracte P (resp. P∨) sur unpoint. La variété Y + est complexe et H0(Y +,Ω2

Y +) est engendré par une 2-formeσ+ induite par σ ∈ H0(Y,Ω2

Y ). A priori, il n’est pas clair si Y + est kählérienne (etdonc hyperkählérienne) ou même projective.

Si X est une cubique contenant un plan, la variété de Fano F contient le plandual P∨, de sorte qu’il existe un flop de Mukai

fP∨ : F 99K F+.

Pour vérifier que F+ est projective dans ce cas, on aura besoin du lemme 3.4.2.14ci-dessous.

NotonsBl(L) :=

D∈L

D

le lieu de base d’un système linéaire L de diviseurs sur une variété complexe.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 74

Lemme 3.4.2.14. On aBl |DQ| = P∨.

Démonstration. Comme DQ · l < 0, on a P∨ ⊂ Bl |DQ|. Supposons maintenant qu’ilexiste [l] ∈ Bl |DQ| telle que [l] 6∈ P∨. Comme

Bl |DQ| ⊂⋂

[P3]∈Π

DQP3,

la droite l intersecte par définition de DQP3

toute quadrique QP3 . Supposons d’abordque l et P se coupent dans un point pl. Alors il existe un unique [P3] ∈ Π tel quel ⊂ P3 et l’on a l ⊂ QP3 . Si Q

P3′ est la quadrique associée à un P3′ 6= P3, on

a P3′ ∩P3 = P , de sorte que l doit intersecter Q

P3′ dans pl. Autrement dit, lesystème linéaire de coniques P ∩QP3 doit admettre un point de base, ce qui est unecontradiction : soit p ∈ P et soit l′ ⊂ Π′ une droite qui ne passe pas par [TX,p].Alors on a p 6∈ γ−1(l′) (cf. (3.18)).

Il reste à regarder le cas l ∩ P = ∅. Comme l n’intersecte pas P , aucun P3

contenant P ne contient l. Mais comme l intersecte toute quadrique QP3 , on doitavoir l ∩ P3 = l ∩QP3 6= ∅. On obtient donc une application (ensembliste)

Π→ l

[P3] 7→ l ∩QP3 .

La fibre au-dessus d’un point x ∈ l correspond alors à un nombre infini de quadriquespassant par x ∈ X \ P , ce qui est une contradiction avec la remarque 3.4.2.1. Onen déduit que l’on doit avoir [l] ∈ P∨ et donc Bl |DQ| = P∨.

Proposition 3.4.2.15. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soitF la variété de Fano de X.

1. Le système linéaire |m(2DP + 3DQ)| est sans point de base pour m ≫ 0 etdéfinit la contraction contrl du rayon extrémal R+ l. Le lieu exceptionnel decontrl est le plan dual P∨ qui est contracté sur un point, et le flop de MukaifP∨ : F 99K F+ est le flip associé à contrl.

2. Le système linéaire |m(2DP + DQ)| est sans point de base pour m ≫ 0 etdéfinit la contraction contrc du rayon extrémal R+ c. Il s’agit d’une contractiondivisorielle de lieu exceptionnel DP et la restriction de contrc à DP fournit lafibration de DP → S en coniques de la proposition 3.4.2.4.

Démonstration. Par les propositions 3.4.2.7 et 3.4.2.10, les diviseurs 2DP +3DQ et2DP +DQ sont nefs et big, de sorte que les systèmes linéaires |m(2DP + 3DQ)| et|m(2DP +DQ)| sont sans point base pour m≫ 0 par le « basepoint-free theorem » ;il est clair qu’ils définissent les contractions extrémales des rayons R+ l et R+ c (cf.la démonstration de la propositon 3.4.2.10). Par le lemme 3.4.2.14, toute courbed’intersection négative avecDQ est contenue dans P∨, de sorte que l’on a contrl = βavec les notations du diagramme (3.21). Comme β est une contraction extrémale,un résultat de Wierzba dit que F+ est projective [69, Prop. 2.1] et fP∨ : F 99K F+

est donc le flip associé à la contraction contrl = β.D’autre part, parce que la fibration DP → S contracte c, c’est la contraction du

rayon extrémal R+ c.

Comme le flop de Mukai fP∨ : F 99K F+ est projectif, f∗P∨ Nef1(F+) définit une

chambre de Nef1bir(F ).

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 75

Proposition 3.4.2.16. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit Fla variété de Fano de X. Alors on a

Nef1bir(F ) = R+ q + R+(2p+ q)

et ce cône est la réunion de

f∗P∨ Nef1(F+) = R+ q + R+(2p+ 3q)

etNef1(F ) = R+(2p+ 3q) + R+(2p+ q).

Démonstration. Par [13, Prop. 4.4], on sait que Nef1bir(F ) est le dual de Psef1(F ) parrapport à la forme de Beauville qF , ce qui entraîne la première partie de l’énoncé.

Par [69, Prop. 2.1], on a q ∈ f∗P∨ Nef1(F+). De l’autre côté, on a N1

Z(W ) ≃ Z et(cf. [37, 3.17])

Z(2p+ 3q) = contr∗l N1Z(W ),

de sorte que 2p + 3q est le tiré en arrière d’une classe nef sur W . Par la commu-tativité du diagramme (3.21), cette classe engendre donc l’autre rayon extrémal def∗P∨ Nef(F+), ce qui achève la démonstration de la proposition.

3.4.2.4 Automorphismes de F

Soit Y une variété hyperkählérienne projective. Rappelons que l’on a des mor-phismes

ψaut : Aut(Y )→ Aut(H2(Y,Z), qY )

u 7→ u∗,

ψbir : Bir(Y )→ Aut(H2(Y,Z), qY )

u 7→ u∗.

Supposons pour la suite que u est un automorphisme de Y . Notons T (Y ) :=N1

Z(Y )⊥ ⊂ H2(Y,Z) le réseau transcendant. Remarquons qu’il est primitif et quel’on a σ ∈ T (Y )⊗C (cf. remarque 3.2.1.5). La forme qY |N1

Z(Y ) est non dégénérée de

signature (1, 0, rang(N1Z(Y ))− 1). En particulier, on a

N1Z(Y ) ∩ T (Y ) = 0. (3.22)

Les valeurs propres de l’action de u∗ sur T (Y )⊗C sont des racines s-ièmes de l’unitéµs ∈ C∗ et l’on a u∗σ = µsσ (cf. [9, Prop. 7]).

Définition 3.4.2.17. On dit que u est symplectique si u∗σ = σ et non symplectiquesinon.

Regardons l’action de u∗ sur T (Y ). Si u est symplectique, on a, pour t ∈ T (Y ),

qY (σ, t) = qY (σ, u∗t)

et donc u∗t− t ∈ σ⊥ ∩H2(Y,Z) = N1Z(Y ). Comme T (Y ) est invariant sous l’action

de u∗, on obtient u∗t − t ∈ T (Y ) ∩ N1Z(Y ) et donc u∗t = t par (3.22). Autrement

dit, on au∗|T (Y ) = id . (3.23)

Supposons maintenant que u est non symplectique et écrivons u∗σ = µsσ. S’ilexiste un vecteur propre t ∈ T (Y ) de valeur propre 1, on a

qY (σ, t) = qY (u∗σ, u∗t) = µsqY (σ, t)

et donc qY (σ, t) = 0. On en déduit t ∈ N1Z(Y ) ∩ T (Y ) = 0, i.e.,

∀t ∈ T (Y ) u∗t = t⇐⇒ t = 0. (3.24)

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 76

Remarque 3.4.2.18. On pourrait aussi remarquer que T (Y ) ⊗ Q est une structurede Hodge rationnelle irréductible [73, Thm. 1.4.1], de sorte que l’on a

u∗|T (Y ) = µs id . (3.25)

Théorème 3.4.2.19 (Beauville, Hassett, Tschinkel). Soit F la variété de Fanod’une cubique lisse. Alors l’application ψaut est injective.

Démonstration. Par un résultat de Beauville, l’application ψaut est injective si Yest un schéma de Hilbert S[2] [9, Prop. 10]. Hassett et Tschinkel montrent que lenoyau de ψaut reste invariant sous une déformation de Y [26, Thm. 2.1], de sorteque le théorème 3.3.1.2 implique le résultat souhaité.

Définition 3.4.2.20. Soit (M, q) un réseau et M∨ le réseau dual. Alors AM :=M∨/M est le groupe discriminant de M . Si (M, q) est un réseau pair, on obtientune forme quadratique bien définie à valeurs dans Q /Z sur AM en posant

qAM(x) =

1

2q(x, x) mod Z

pour x ∈M∨. Cette forme est dite la forme discriminante.

Proposition 3.4.2.21. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit Fla variété de Fano de X. Alors on a

Bir(F ) = Aut(F ) = id.

Démonstration. Pour faciliter les notations, on pose pour la suite

N := N1Z(F ) , L := H2(F,Z) , T := T (F ).

Soit u ∈ Aut(F ). Par l’injectivité de ψaut, il suffit de montrer que l’on a u∗ = id.Supposons d’abord que u∗ agit non trivialement sur N . Alors u∗ doit préserver laforme de Beauville qF et le cône Nef1(F ) et envoyer le générateur primitif 2p + qd’un rayon extrémal sur le générateur primitif 2p + 3q de l’autre rayon extrémal(cf. proposition 3.4.2.10). Ceci n’est pas possible, car qF (2p + q, 2p + q) = 0 etqF (2p+ 3q, 2p+ 3q) = 40. On a donc

u∗|N = id .

Si u est symplectique, cela entraîne u∗ = id (cf. (3.23)), ce qu’il fallait montrer.Il nous reste à montrer que F n’admet pas d’automorphisme non symplectique.

On raisonne par l’absurde en utilisant un argument de la théorie des réseaux. Posons

H := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕AT .

Par un résultat de Nikulin [52, Prop. 1.5.1], on sait que les deux projections pN :H → AN et pT : H → AT sont injectives. On montre que l’existence d’un automor-phisme non symplectique impose des conditions sur H telles que pT ne puisse pasêtre injectif, ce qui fournit la contradiction souhaitée.

Supposons donc que u est un automorphisme non symplectique. Soit µs uneracine s-ième de l’unité telle que u∗σ = µsσ. Alors on a (u∗)sσ = σ, de sorte que us

est symplectique et donc l’identité par les remarques précédentes. Par un résultatde Beauville [9, Prop. 7], s − 1 divise rang(H2(F,Z)) − rang(N) = 21, d’où l’ondéduit s ∈ 2, 4, 8, 22. En passant à une puissance de u, on peut donc supposers = 2. Par (3.24), on a donc µ∗|T = − id, de sorte que N est le réseau invariant sous

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 77

l’action de µs. Un résultat de Boissière, Nieper-Wisskirchen et Sarti [12, Lemma5.3] dit alors qu’il existe un entier positif α tel que

H ≃ (Z /2Z)α.

Comme AN ≃ Z /8Z×Z /2Z (cf. remarque 3.4.2.6) et comme la projection pN :H → AN est injective, on a α ∈ 1, 2. D’autre part, la formule

|H |2 = |AN ||AT ||AL|−1

donne 2|H |2 = 16|AT | et donc

2α = 23−α|AT |.

Cela implique α = 2 et |AT | = 2. Mais c’est une contradiction au fait que laprojection pT : H → AT est injective (cf. [52, Prop. 1.5.1]), d’où l’on déduit que Fn’admet pas d’automorphisme non symplectique.

On a doncAut(F ) = id

par l’injectivité de ψaut.Soit maintenant u : F 99K F un automorphisme birationnel. Si u∗ envoie une

classe ample sur une classe ample, u est un automorphisme et donc l’identité. Sinon,comme une chambre nef est envoyée sur une chambre nef par u∗, on a donc, si u 6= id,

u∗Nef1(F ) = f∗P∨ Nef1(F+) , u∗f∗

P∨ Nef1(F+) = Nef1(F ).

Autrement dit, u∗ doit agir par

2p+ q 7−→ q, (3.26)

2p+ 3q 7−→ 2p+ 3q, (3.27)

q 7−→ 2p+ q, (3.28)

ce qui entraînerait 2q 7→ 2p + 2q ((3.27) - (3.26)) et donc une contradiction avec(3.28). On en déduit

Bir(F ) = Aut(F ) = id.

3.4.2.5 La face isotrope

Pour finir, on montre que la face isotrope (cf. définition 3.2.3.2) Psef2iso(F ) dePsef2(F ) est de dimension 3 pour une cubique générale contenant un plan.

Proposition 3.4.2.22. Soit X une cubique générale contenant un plan P et soitP∨ le plan dual dans la variété de Fano F de X. On a

R+[P∨] + R+ s2 + R+(q2 − [P∨]) + R+ p(2p+ q) ⊂ Psef2iso(F ),

où les classes [P∨], s2, q2 − [P∨] et p(2p+ q) sont effectives et engendrent un cônede dimension 3. La face isotrope est donc de dimension maximale.

Démonstration. Par le lemme 3.4.1.2, on sait que s2 est une classe effective dansPsef2iso(F ). De plus, il est clair que P∨ est lagrangienne et que l’on a donc [P∨] ∈Psef2iso(F ). Montrons que les classes p(2p+q) et (q2−[P∨]) appartiennent égalementà Psef2iso(F ) et qu’ils sont effectives.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 78

Rappelons que ρl = q − p est la classe duale de l dans N1Z(F ) (cf. remarque

3.4.2.9). Par des arguments de Hassett et Tschinkel [28, p. 1077], on a

[P∨] =1

8ρ2l +

1

24c2(F ),

et comme c2(F ) = 5s21 − 8s2 (cf. lemme 3.4.1.1), on obtient

[P∨] =1

8(q − p)2 + 1

24c2(F ) =

1

3(p2 + q2 +

1

2pq − s2). (3.29)

Rappelons que l’on a (cf. §3.2.3)

ϕiso(p2) = qF (p) = −2, ϕiso(q

2) = qF (q) = 0, ϕiso(pq) = qF (p, q) = 4. (3.30)

Comme Bl |DQ| = P∨ (cf. lemme 3.4.2.14), la classe

3(q2 − [P∨]) = 2q2 − p2 − 1

2pq + s2

est effective et grâce à (3.29) et (3.30), on vérifie qu’elle est dans la face isotrope dePsef2(F ). Comme 2p+ q est un multiple du tiré en arrière d’une section hyperplanepar la contraction contrc : F → F ′, la classe de contr−1

c (C) est un multiple de p(2p+q) (car N1

Z(S) = Z), ce qui montre que p(2p+q) est effective. On a ϕiso(p(2p+q)) =qF (p, 2p+q) = 0 et donc p(2p+q) ∈ Psef2iso(F ). Les trois classes s2, [P∨] et q2−[P∨]sont évidemment linéairement indépendantes, ce qui achève la démonstration.

Proposition 3.4.2.23. Soit X une cubique générale contenant un plan et soit Fla variété de Fano de X.

1. Le rayon R+[P∨] est extrémal dans Eff2(F ) et [P∨] est la seule surface dontla classe est dans ce rayon.

2. Le rayon R+ p(2p + q) est extrémal dans Eff2(F ) et les surfaces de classedans ce rayon sont les surfaces dans DP obtenues comme tirées en arrière descourbes sur C ⊂ S sous la contraction contrc |DP

: DP → S.

Démonstration. Montrons d’abord que [P∨] est extrémal dans Eff2(F ). Soit contrl :F → W la contraction extrémale qui contracte P∨ sur un point. Soient T et S dessurfaces dans F et a, b ∈ R+ tels que [P∨] = a[T ] + b[S]. Soit h une classe ampledans N1(W ). Alors on a contr∗l (h

2) · [P∨] = 0 et donc aussi contr∗l (h2) · [T ] =

contr∗l (h2) · [S] = 0, ce qui entraîne S = T = P∨. Avec un raisonnement analogue

utilisant que l’on a N1Z(S) = Z, on montre que p(2p+ q) est extrémal dans Eff2(F )

et que toute surface de classe dans R+ p(2p + q) s’obtient comme tirée en arrièred’une courbe C ⊂ S par contrc.

Remarque 3.4.2.24. Je ne sais pas répondre à la question (plus naturelle) de savoirsi ces rayons sont extrémaux dans Psef2(F ).

3.4.3 Cubiques contenant un scroll cubique

Dans [29], Hassett et Tschinkel vérifient leurs conjectures pour une cubique gé-nérale contenant un scroll cubique, i.e., pour une cubique générale dans C12 (cf.§3.3.2.1). On rappelle d’abord les résultats principaux de [29] (proposition 3.4.3.1,théorèmes 3.4.3.2 et 3.4.3.3) et l’on complète ces résultats en montrant que l’on a(proposition 3.4.3.4 et corollaire 3.4.3.5) 2

Aut(F ) = id , Bir(F ) = 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉,2. L’égalité Aut(F ) = id est mentionnée par Hassett et Tschinkel dans [29] sans démonstra-

tion. Je remercie Hassett pour nous avoir expliqué l’idée de la démonstration.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 79

où 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉 est le groupe diédral infini engendré par deux involutions birationnellesι et ι∨ de F . On finit en montrant que la face isotrope de Psef2(F ) est de dimension3, c’est-à-dire de codimension 1 (proposition 3.4.3.6).

3.4.3.1 Les résultats de Hassett et Tschinkel

Une caractérisation alternative d’une cubique générale dans C12. Hassettet Tschinkel commencent en donnant une caractérisation alternative d’une cubiquegénérale dans C12 comme une cubique admettant une section hyperplane Y à sixpoints doubles en position générale. Plus précisément, ils construisent un scrollcubique sur une telle cubique comme suit : soit X une cubique admettant unesection hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors Y ne contientaucun 2-plan et la variété F (Y ) paramétrant les droites dans Y est de dimensionattendue 2 [29, Lemme 1]. Il existe un espace vectoriel V3 de dimension 3 et unespace vectoriel W5 ⊂ End(V3) de dimension 5 tels que (cf. [29, pp. 9-10, prop. 10])

Y = P(W5) ∩M2,

où M2 ⊂ End(V3) est la variété déterminante paramètrant les endomorphismesde rang ≤ 2. Si l’on note W⊥

5 le complément orthogonal de W5 dans End(V3) parrapport à l’accouplement de trace, la variété

S := P(W⊥5 ) ∩M2

est une surface cubique lisse. La variété F (Y ) est alors obtenue en recollant lesdeux plans P(V3),P(V ∨

3 ) et S convenablement par un morphisme de recollement(cf. [29, Prop. 16])

ν : P(V3) ⊔ S ⊔ P(V ∨3 )→ F (Y )

qui donne un plongement fermé de chaque composante. Notons dans la suite

P := ν(P(V3)) S′ := ν(S) P∨ := ν(P(V ∨3 )),

de sorte que l’on aF (Y ) = P ∪ S′ ∪ P ′.

Proposition 3.4.3.1 (Hassett-Tschinkel). Soit X une cubique admettant une sec-tion hyperplane Y à six points doubles en position générale. Alors on a deux famillesde scrolls cubiques dans Y ⊂ X, paramétrées par P(V3) et P(V ∨

3 ), en posant

Tv := y ∈ Y ⊂ P(End(V3)) | v ∈ im(y)

pour v ∈ P(V3), resp.

Tv∨ := y ∈ Y ⊂ P(End(V3)) | v∨(ker(y) = 0

pour v∨ ∈ P(V ∨3 ). Si l’on note [T ] (resp. [T∨]) la classe de Tv (resp. Tv∨) dans

N2(X), on a[T ] + [T∨] = 2h2.

Démonstration. [29, prop. 17].

La proposition 3.4.3.1 montre que les cubiques admettant une section hyperplaneà six points doubles en position générale forment également un ouvert de Zariskidans C12.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 80

Deux flops de Mukai et le réseau N1Z(F ). Le point clé pour vérifier les conjec-

tures pour la variété de Fano d’une cubique générale contenant un scroll cubiqueest le théorème suivant.

Théorème 3.4.3.2 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettantune section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équi-valente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété deFano de X. Alors on a deux involutions birationnelles

ι, ι∨ : F 99K F

qui sont définies comme suit :

1. on floppe P (resp. P∨), ce qui donne une nouvelle variété symplectique F1

(resp. F∨1 ) ;

2. la transformée stricte S1 (resp. S∨1 ) de S′ dans F1 (resp. F∨

1 ) est un plan, eten floppant S1 (resp. S∨

1 ), on obtient une variété symplectique F2 (resp. F∨2 ) ;

3. on construit un isomorphisme entre F2 (resp. F∨2 ) et F .

On peut résumer la construction de ι dans le diagramme suivant

FfP

//_______

β01

AAAA

AAAA

ι=fS1fP

((nl

j h e c a _ ] [ Y W TR

F1

||||

||||

fS1//_______

β12!!

BBBB

BBBB

F2 ≃ F

zzvvvv

vvvv

v

F01 F12

où fP et fS1 sont les flops et β01 et β12 les contractions de P et S1, respectivement.

Démonstration. [29, Thm. 24].

Soit X une cubique générale admettant une section hyperplane Y à six pointsdoubles en position générale (ou, de façon équivalente, une cubique générale conte-nant un scroll cubique). Notons

τ := α([T ]) , τ∨ := α([T∨])

les images des classes des deux scrolls cubiques dans N1(F ) sous l’application d’Abel-Jacobi (cf. (3.7)). Alors on a N1

Z(F ) = Z τ + Z s1 par la proposition 3.3.2.4 et donc

N1(F ) = R τ + R s1 = R τ + R τ∨

par la proposition 3.4.3.1. Dans la base (s1, τ) de N1Z(F ), la forme de Beauville est

de matrice (6 66 2

), (3.31)

de sorte que N1Z(F ) est un réseau de discriminant 24. Le réseau N1

Z(F ) ne représentepas −2, et les classes de carré −10 sont décrites comme suit : on a

Aut(N1Z(F ), qF ) = ±1 × (〈R1〉 ∗ 〈R2〉)

où les réflections orthogonales R1 et R2 agissent par

R1(s1) = s1 R1(τ) = 2s1 − τ = τ∨ (3.32)

R2(s1) = −s1 + τ R2(τ) = τ.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 81

On obtient toutes les classes −10 en posant

ρ1 := 3s1 − 2τ ρ∨1 := 2τ − s1ρ2 := 7s1 − 4τ ρ∨2 := 4τ − s1

et, pour j ≥ 3,

ρj := R1R2(ρj−2) , ρ∨j := R2R1(ρj−2)∨.

Notons αi et α∨i les classes orthogonales à ρi et ρ∨i respectivement pour la forme de

Beauville. Alors on a

α1 := 7s1 − 3τ α∨1 := R1(α1) = s1 + 3τ

α2 := R1R2(α∨1 ) = 17s1 − 9τ α∨

2 := R2R1(α1) = 9τ − s1

et, pour j ≥ 3,

αj := R1R2(αj−2) , α∨j := R2R1(α

∨j−2).

Description des cônes de classes positives. Le théorème suivant vérifie lesconjectures de Hassett et Tschinkel (cf. §3.2.2).

Théorème 3.4.3.3 (Hassett, Tschinkel). Soit X une cubique générale admettantune section hyperplane à six points doubles en position générale (ou, de façon équi-valente, une cubique générale contenant un scroll cubique) et soit F la variété deFano de X. Alors on a avec les notations du théorème 3.4.3.2 une suite de flops deMukai

. . . F∨2 99K F∨

1 99K F0 = F 99K F1 99K F2 . . . ,

et des isomorphismes

. . . F∨2 ≃ F0 ≃ F2 . . . et . . . F∨

1 ≃ F1 . . .

Les flops permettent des identifications

· · · ≃ N1(F∨2 ) ≃ N1(F∨

1 ) ≃ N1(F0) ≃ N1(F1) ≃ N1(F2) ≃ . . .

Avec ces identifications, on a, pour i ≥ 1,

Nef1(F∨i ) = R+ α∨

i+1 + R+ α∨

i , Nef1(Fi) = R+ αi + R

+ αi+1

et donc

Psef1(F ) = Nef1bir(F ) = Nef1(F ) ∪⋃

i≥1

Nef1(Fi) ∪⋃

i≥1

Nef1(F∨i )

= R+(s1 − (3 −√6)τ) + R+((3 +

√6)τ − s1).

La contraction associée au flop fP (resp. au flop fP∨) qui contracte le plan P (resp.le plan P∨) est extrémale et l’on a

Psef1(F ) = R+ λ1 + R

+ λ∨1

où λ1 (resp. λ∨1 ) est une droite dans P (resp. dans P∨).

Démonstration. [29, Prop. 29, Prop. 30, Thm. 31].

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 82

3.4.3.2 Automorphismes de F

On détermine le groupe d’automorphismes (birationnels) de F . On remercieHassett de nous avoir communiqué l’idée de la démonstration de la propositionsuivante, énoncée dans [29] sans démonstration.

Proposition 3.4.3.4. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubiquelisse et soit F la variété de Fano de X. Alors on a

Aut(F ) = id.

Démonstration. Soit u ∈ Aut(F ). On montre (comme dans la démonstration dela proposition 3.4.2.21) que l’on doit avoir u∗ = id, ce qui entraîne u = id parl’injectivité de ψaut (cf. théorème 3.4.2.19). Pour faciliter les notations, on posepour la suite

N := N1Z(F ) , L := H2(F,Z) , T := T (F )

etH := L/(N ⊕ T ) ⊂ AN ⊕AT .

Rappelons que les projections pN : H → AN et pT : H → AT sont injectives [52,Prop. 1.5.1]. Par des résultats classiques de Nikulin [52], on obtient des restrictionssur u∗ en étudiant l’action induite sur H . Déterminons donc d’abord la structurede H . Comme la projection pN : H → AN est injective, on obtient une premièrerestriction sur la structure de H si l’on connaît AN . Dans la base (s1, s1− τ) de N ,la forme bilináire qF restreinte à N est donnée par (cf. (3.31))

(6 00 −4

).

Notons (s∨1 , h∨) la base duale de N∨ telle que, sous le plongement canonique N →

N∨, on as1 7→ 6s∨1 h 7→ −4h∨

etAN ≃ 〈s∨1 〉 × 〈h

∨〉 ≃ Z /6Z×Z /4Z,

où l’on note s∨1 et h∨

les classes de s∨1 et h∨ dans AN . La relation

|H |2 = |AN ||AT ||AL|−1

donne 2|H |2 = 24|AT | ; comme |AT | ∈ 2Z et comme la projection pN : H → AN

est injective, cela entraîne que l’on a un des deux cas suivants :

1. |H | = 24 et |AT | = 48,

2. |H | = 12 et |AT | = 12.

Dans le premier cas, il est clair que l’on a

pN (H) = AN .

Dans le deuxième cas, on montre que l’on a

pN (H) = 〈2s∨1 〉 × 〈h∨〉 ≃ Z /3Z×Z /4Z,

ce qui revient à montrer que la projection

HpN−→ AN −→ 〈h

∨〉 ≃ Z /4Z

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 83

est surjective. On raisonne par l’absurde. Supposons donc que l’on a pN(H) =

〈s∨1 〉×〈2h∨〉. Par rapport aux générateurs s∨1 et h

∨, la forme discriminante qAN

(cf.définition 3.4.2.20) est donnée par la matrice

(112 00 − 1

8

).

Comme pN (H) est engendré par s∨1 et 2h∨

et comme H est un sous-groupe isotropede AN ⊕AT sous qAT

⊕ qAN[52, Prop. 1.4.1], on a

qAN|pN (H) = −qAT

=

(− 1

12 00 1

2

).

Comme T est de signature (2, 19), on vérifie avec la formule de Milgram (cf. [47,Appendix 4]) qu’un tel réseau n’existe pas. On a donc montré que l’on a soit

pN (H) = 〈2s∨1 〉 × 〈h∨〉 ≃ Z /3Z×Z /4Z, (3.33)

soitpN (H) = 〈s∨1 〉 × 〈h

∨〉 ≃ Z /6Z×Z /4Z . (3.34)

Ce résultat préliminaire nous permet maintenant d’étudier l’action de u∗ sur L.Supposons d’abord que u est symplectique, de sorte que l’on a (cf. (3.23))

u∗|T = id .

Comme u∗|N doit préserver le cône Nef1(F ) et envoyer un rayon extrémal sur unrayon extrémal, u∗ 6= id implique u∗|N = R1 (cf. §3.4.3.1). Par un résultat de Nikulin[52, Corol. 1.5.2], l’automorphisme (R1, id) de N ⊕ T s’étend à un autmorphismede L si et seulement si

R1|pN (H) = id, (3.35)

où l’on note R1 l’automorphisme de AN induit par R1. On vérifie que R1 agit par(cf. (3.32))

as1 + b(s1 − τ) 7−→ as1 − b(s1 − τ). (3.36)

Par (3.33) et (3.34) on a donc R1|pN (H) 6= id, de sorte que l’automorphisme (R1, idT )de N ⊕T ne s’obtient pas comme restriction d’un automorphisme u∗ ∈ Aut(L) ; onen déduit u∗ = id.

Soit maintenant u un automorphisme non symplectique et supposons que l’ona u∗σ = µsσ, où µs est une racine s-ième de l’unité. Alors us est symplectique etdonc l’identité par les remarques précédentes. On peut supposer que u est d’ordres, où s est un nombre premier. Comme s− 1 divise rang(H2(F,Z))− rang(N) = 21(cf. [9, Prop. 7]), on a s ∈ 2, 4, 8, 22. En passant à une puissance de u, on peutdonc supposer s = 2, de sorte que

u∗|T = − id

par (3.24). Comme l’automorphisme (− idN , id) (resp. (− idN , R1)) de N⊕T s’étendà un automorphisme de L si et seulement si [52, Cor. 1.5.2]

− idpN (H) = id (resp. R1|pN (H) = − id),

on obtient une contradiction par (3.33), (3.34) et (3.36). On a donc montré quel’unique automorphisme de F est l’identité.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 84

Corollaire 3.4.3.5. Soit X une cubique générale contenant un scroll cubique etsoit F la variété de Fano de X. Avec les notations du théorème 3.4.3.3, on a

Bir(F ) = 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉.

Démonstration. Remarquons d’abord que l’application

ψbir : Bir(F )→ Aut(H2(F,Z), qF )

est injective, car u∗ = id entraîne que u est un isomorphisme et donc l’identité parla proposition 3.4.3.4. Il suffit ainsi de montrer que l’on a

ψbir(Bir(F )) = 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉.

Notons B ⊂ Bir(F ) le groupe engendré par ι et ι∨. Comme ι∗ agit par R1R2R1 etι∨∗ par R2, on a

ψbir(B) = 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉.Il reste à montrer que l’on a f∗ ∈ 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉 pour tout f ∈ Bir(F ). On détermined’abord des conditions nécessaires pour l’action de f∗ sur N1

Z(F ) et ensuite, onmontre que tout automorphisme de N1

Z(F ) satisfaisant à ces conditions appartientà 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉.

Soit f ∈ Bir(F ). Par [45, Lemma 5.11], f∗ Nef1(F ) correspond à une chambreNef(Fi) (ou Nef(F∨

i )) avec Fi ≃ F (ou F∨i ≃ F ). Montrons que l’on doit avoir

i = 2k : comme toutes les Fi (resp. F∨i ) sont isomorphes pour i impair, il suffit

de montrer que F n’est pas isomorphe à F1. S’il existe un tel isomorphisme ϕ :F1 → F , on obtient un automorphisme birationnel ϕ fP : F 99K F et l’on a(ϕ fP )∗ Nef(F ) = f∗

P Nef(F1). L’action de (ϕ fP )∗ doit donc satisfaire

α2 7→ α1 α1 7→ α∨1

ouα2 7→ α∨

1 α1 7→ α1.

Dans le premier cas, la condition α2 7→ α1 implique (ϕ f)∗ = ι∗, ce qui n’estpas compatible avec la condition α1 7→ α∨

1 . Avec un argument analogue, on voitque le deuxième cas n’est pas possible non plus, de sorte que f ∈ Bir(F ) entraînef∗ Nef1(F ) = Nef(Fi) (ou Nef(F∨

i )) pour un entier pair i. Comme il y a un uniquerk (resp. r∨k ) dans Aut(N1

Z, qF ) qui envoie Nef1(F ) sur

Nef1(F2k) = R+ α2k + R

+ α2k+1

(resp. sur Nef1(F∨2k) = R

+ α∨2k+R

+ α∨2k+1), il suffit de montrer que tout tel rk (resp.

r∨k ) appartient à 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉. Le calcul suivant vérifie que c’est le cas :

α2k =

(ι∨∗ι∗)lα1 si k = 2l

(ι∨∗ι∗)lι∨∗α∨1 si k = 2l+ 1

, α2k+1 =

(ι∨∗ι∗)lα∨

1 si k = 2l

(ι∨∗ι∗)lι∨∗α1 si k = 2l+ 1,

α∨2k =

(ι∗ι∨∗)lα∨

1 si k = 2l

(ι∗ι∨∗)l+1α1 si k = 2l + 1, α∨

2k+1 =

(ι∗ι∨∗)lα1 si k = 2l

(ι∗ι∨∗)l+1α∨1 si k = 2l + 1

.

On a donc montré

ψbir(B) = ψbir(Bir(F )) = 〈ι∗〉 ∗ 〈ι∨∗〉,

d’oùBir(F ) = 〈ι〉 ∗ 〈ι∨〉

par l’injectivité de ψbir.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 85

3.4.3.3 La face isotrope

On montre que la face isotrope est de dimension 3.

Proposition 3.4.3.6. Soit X une cubique générale admettant une section hyper-plane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique)et soit F la variété de Fano de X et soit F (Y ) la variété de Fano de Y . Si l’on écrit

F (Y ) = P ∪ S′ ∪ P∨,

où P et P ′ sont des 2-plans, les classes [S′], [P ] et [P∨] sont linéairement indépen-dantes dans N2(F ) et l’on a

R+[S′] + R+[P ] + R+[P∨] ⊂ Psef2iso(F ).

Démonstration. Comme [F (Y )] = s2 est une classe isotrope ainsi que [P ] et [P∨],il est clair que l’on a

R+[S′] + R+[P ] + R+[P∨] ⊂ Psef2iso(F ).

Montrons que ces classes sont linérairement indépendantes. Comme α1 (resp. α∨1 )

correspond à la petite contraction de [P ] (resp. de [P∨]), on a

[P ] · α1 = [P∨] · α∨1 = 0

dans N3(F ). D’autre part, on a [P ] · α∨1 6= 0 et [P∨] · α1 6= 0, ce qui entraîne que

[P ] et [P∨] sont libres dans N2(F ). Supposons qu’il existe des réels α et β tels que[S′] = α[P ] + β[P∨]. Comme

[S′] + [P ] + [P∨] = [F (Y )] = s2

cela entraînes2 · α1α

∨1 = 0.

En utilisant le lemme 3.4.1.1, la remarque 3.3.2.6 et (3.31), on obtient d’autre part

8s2 · α1α∨1 = (5s21 − c2(F )) · α1α

∨1

= 5qF (s1, s1)qF (α1, α∨1 ) + 10qF (s1, α1)qF (s1, α

∨1 )− 30qF (α1, α

∨1 )

= 10qF (s1, α1)qF (s1, α∨1 )

= 10 · 242 6= 0

et donc une contradiction. On en déduit que les classes [P ], [P∨], [S′] sont linéaire-ment indépendantes dans N2(F ), ce qui fournit le résultat souhaité.

Proposition 3.4.3.7. Soit X une cubique générale admettant une section hyper-plane Y à six points doubles en position générale (ou contenant un scroll cubique),et soit F la variété de Fano de X. Avec les notations de la proposition précédente,les classes [P ] et [P∨] sont extrémales dans Eff2(F ), et P resp. P∨ sont les seulessurfaces dans F de classe dans R+[P ] resp. R+[P∨].

Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23.

3.4.4 Cubiques pfaffiennes

Le but de cette section est d’étudier la variété de Fano d’une cubique pfaffiennegénérale, i.e. d’une cubique générale dans C14. Par le théorème 3.3.2.2, une tellevariété de Fano est isomorphe à un schéma de Hilbert S[2] d’une surface K3 généralede degré 14 générale. On rappelle donc d’abord quelques propriétés générales duschéma de Hilbert S[2] et ensuite on regarde le cas particulier où S[2] est isomorpheà la variété de Fano d’une cubique pfaffienne générale.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 86

3.4.4.1 Le schéma de Hilbert S[2]

Soit S une surface K3 et soit S(2) le produit symétrique de S, obtenu commequotient de S × S par l’action du groupe qui permute les deux facteurs. Notonspr : S × S → S(2) la projection naturelle et p1, p2 : S × S → S les projectionssur chacun des deux facteurs. Soit S[2] le schéma de Hilbert paramétrant les sous-schémas de longueur 2 dans S. On a un morphisme birationnel π : S[2] → S(2) qui estl’éclatement de S(2) au-dessus de la diagonale ∆. Notons E le diviseur exceptionnelcorrespondant sur S[2]. On résume cette construction dans le diagramme suivant :

S[2]

π

S × Sp1

||yyyy

yyyy

yp2

""EE

EEEE

EEE

pr// S(2)

S S

On obtient une injection de réseaux

i : (H2(S,Z), qS) −→ (H2(S[2],Z), qS[2])

comme suit : pour α ∈ H2(S,C), il existe un unique β ∈ H2(S(2),C) tel quepr∗ β = p∗1α + p∗2α. On pose i(α) := π∗β. Le morphisme i est compatible avec ladécomposition de Hodge et il existe δ ∈ H2(S[2],Z) tel que [E] = 2δ et

(H2(S[2],Z), qS[2]) ≃ (H2(S,Z), qS)⊕⊥ Z δ.

La forme de Beauville est alors donnée par

qS[2](i(α), i(α)) = α2 , qS[2](δ, δ) = −2 , qS[2](α, δ) = 0 (3.37)

pour tout α ∈ H2(S,C).Si (S, h) est une surface K3 polarisée générale, on a donc

N1Z(S

[2]) = Z h⊕⊥ Z δ.

Soit l ∈ N1(S[2]) la classe d’une fibre de π au-dessus de ∆. Alors on a

δ · l = −1 , h · l = 0,

et donc 2l ·α = qS[2](α, δ) pour tout α ∈ N1(S[2]), i.e., ρl = δ (cf. (3.5)). Cela vérifieles conjectures de Hassett et Tschinkel pour un des deux rayons extrémaux du cône• Psef1(S[2]) : on a qS[2](δ, δ) = −2 et δ est extrémal dans Psef1(S[2]) ;• Psef1(S

[2]) : la classe l est extrémale dans Psef1(S[2]) et sa classe duale ρl = δest une classe de carré −2 ; les courbes rationnelles représentant l sont para-métrées par ∆ ≃ S et la contraction extrémale de l est définie par les sectionsde OS[2](mh) pour m≫ 0 ;• Nef1(S[2]) : on a h · l = 0, de sorte que h est extrémal dans Nef1(S[2]).

Remarque 3.4.4.1. Si S est une surface K3 de degré d générale, on a

N2(S[2]) = 〈S2 N1(S[2]), c2(S[2])〉.

Pour d = 2(n2+n+1), cela découle de la proposition 3.3.2.4 et du théorème 3.3.2.2.Pour le cas général, on utilise que le groupe de Hodge de S[2] est connu [72], ce quipermet d’obtenir le résultat en faisant un calcul d’invariants.

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 87

3.4.4.2 L’isomorphisme de Beauville et Donagi

Soit maintenant X une cubique pfaffienne générale et soit F la variété de Fanode X . Rappelons d’abord la construction de l’isomorphisme S[2] → F de Beauvilleet Donagi. Soit V6 un espace vectoriel complexe de dimension 6 et soit W9 un sous-espace linéaire, de dimension 9 dans ∧2V6. Si l’on choisit W9 suffisamment général,

S := G(2, V6) ∩ P(W9) ⊂ P(∧2V6)

est une surface K3 générale de degré 14 dans P8 et

X := 2-formes dégénérées ∩ P(W⊥9 ) ⊂ P(W⊥

9 ) ⊂ P(∧2V ∨6 )

est une cubique lisse dans P5. Si l’on note F la variété de Fano de X , l’isomorphismeS[2] → F de Beauville et Donagi est donné par

r : S[2] −→ F ⊂ G(2,W⊥9 ) ⊂ G(2,∧2V ∨

6 )

P +Q 7−→ W∨9 ∩ ∧2(P +Q)⊥.

Le lemme suivant exprime la classe s1 ∈ N1(F ) en fonction de h et δ.

Lemme 3.4.4.2 (Beauville,Donagi). Soit X une cubique pfaffienne générale et soith la classe d’une section hyperplane de X. Avec les notations ci-dessus, on a

r∗s1 = 2h− 5δ

dans N1(S[2]).

Démonstration. Soit H un hyperplan de Plücker défini par W4 ⊂ W⊥9 . On veut

r(P +Q) ∩W4 6= ∅. Par dualité, c’est équivalent à

∧2(P +Q) +W⊥4 6= ∧2V6, (3.38)

où W9 ⊂ W⊥4 ⊂ ∧2V6. Les espaces ∧2(P + Q) et W⊥

4 contiennent chacun ∧2P et∧2Q, de sorte que (3.38) est équivalent à la condition de Plücker

(P +Q) +W⊥4 6= ∧2V6.

Comme det(P ∧Q) = det(P )2 det(Q)2, on peut écrire

[r∗(H)] = 2h− bδ

pour un b ∈ Z. Comme qF (s1, s1) = 6 et h2 = deg(S) = 14, on a 28 − b2 = 3 etb = ±5. L’intersection avec une droite du réglage ∆ est b et donc b est positif etb = 5 :

r∗[H ] = 2h− 5δ.

Remarque 3.4.4.3. Soit l une fibre de la projection π : S[2] → S(2). Alors on a(2h− 5δ) · l = 5, de sorte que l paramètre le réglage d’un scroll quintique T5 dansX .

3.4.4.3 Classes nefs et classes de courbes

Etudions maintenant les cônes de classes positives en codimension 1 et 3 surS[2] ≃ F . La cubique X contient [25, §4.1.3], [11, Rem. 1] :• une famille de scrolls quartiques T4, paramétrée par S et

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 88

• une famille de scrolls quintiques T5, également paramétrée par S (cf. remarque3.4.4.3).

Notons R4 ∈ N1(S[2]) (resp. R5 ∈ N1(S

[2])) la classe d’une courbe rationnelle lisse,paramétrant un réglage de T4 (resp. de T5) (où l’on identifie S[2] avec la variété deFano F de X). Alors on a [27, p. 21, Ex. 7.10]• qS[2](R4, R4) = −2 et ρR4 = 3h− 8δ, i.e.

∀η ∈ N1(S[2]) R4 · η = qS[2](3h− 8δ, η);

• qS[2](R5, R5) = − 12 et ρR5 = δ, i.e.,

∀η ∈ N1(S[2]) 2R5 · η = qS[2](δ, η).

Remarque 3.4.4.4. On a Enod(S[2]) = R4, R5 (cf. définition 3.2.2.8) ; le réseau

N1Z(S

[2]) ne représente pas −10.

Proposition 3.4.4.5. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a

Nef1(S[2]) = R+(8h− 21δ) + R+ h,

Psef1(S[2]) = R+R4 + R

+R5.

Démonstration. Comme l’inclusion R+(8h − 21δ) + R+ h ⊂ Nef1(S[2]) est connue(cf. remarque 3.2.2.11), il reste à vérifier que les deux rayons R+(8h− 21δ) et R+ hsont extrémaux dans Nef1(S[2]). Mais cela découle du fait que l’on a

R4 · (8h− 21δ) = qS[2](3h− 8δ, 8h− 21δ) = 0

et2R5 · h = qS[2](δ, h) = 0.

Remarque 3.4.4.6. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.5 vérifieles conjectures 3.2.2.7 et 3.2.2.10 de Hassett et Tschinkel.

Remarque 3.4.4.7. Avec la notation du paragraphe §3.4.4.1, R5 est la classe d’unefibre de la contraction S[2] → S(2).

3.4.4.4 Classes pseudoeffectives et géométrie birationnelle

Proposition 3.4.4.8. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a

Psef1(S[2]) = R+(3h− 8δ) + R+ δ.

Démonstration. Par un résultat de Markman, on a (cf. remarque 3.2.2.3)

Psef1(S[2]) ⊂ R+(3h− 8δ) + R+ δ.

Comme δ est effectif (cf. §3.4.4.1), il reste à montrer que 3h−8δ est pseudoeffectif.On construit un diviseur de classe un multiple de 3h− 8δ. Par la remarque 3.3.2.6,on a

(8h− 21δ)4 = 3qS[2](8h− 21δ, 8h− 21δ)2 = 3 · 14 > 0,

de sorte la classe (8h−21δ) est big et nef par la proposition 3.4.4.5. Le « basepoint-free theorem » [37, Thm. 3.3] entraîne alors que les sections globales du fibré endroites OS[2](m(8h− 21δ) définissent un morphisme génériquement fini

ϕm(8h−21δ) : S[2] → PH0(S[2],OS[2](m(8h− 21δ)))

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 89

si l’on choisit m suffisamment grand. Comme

R4 · (8h− 21δ) = 0,

toutes les courbes de classe R4 sont contractées par ϕm(8h−21δ). Si l’on note

S[2]contr−−−−−→ Z −−−−−→ PH0(S[2],OS[2](m(8h− 21δ)))

la factorisation de Stein, contr est une contraction au sens de la définition 3.2.2.5.Il y a deux possibilités : soit contr est divisorielle, soit contr est petite et contractelocalement un P2 sur un point [71, Thm. 1.1] (cf. §3.2.2). Supposons d’abord quela contraction est petite, de sorte qu’elle contracte (au moins) un P2. La classeduale ρl ∈ N1(S[2]) d’une droite l dans ce P2 est alors une classe primitive avecqS[2](ρl, ρl) = −10 (cf. la démonstration de [28, Thm. 21]). Comme −10 n’est pasreprésenté par le réseau (H2(S[2],Z), qS[2]) (cf. remarque 3.4.4.4), on obtient unecontradiction. Supposons donc que la contraction est divisorielle et notons D lediviseur contracté. Ecrivons [D] = ah + bδ avec a, b ∈ Z. Par la remarque 3.3.2.6,on a

0 = [D] · (8h− 21δ)3 = 3qS[2](ah+ bδ, 8h− 21δ)qS[2](8h− 21δ, 8h− 21δ)

= 3 · ((112a+ 42b) · 3 · 14),

ce qui est équivalente à 3b = −8a. On en déduit que [D] est un multiple de 3h− 8δce qui entraîne le résultat souhaité.

Corollaire 3.4.4.9. Soit S une surface K3 générale de degré 14.

1. Il existe une contraction extrémale contrR4 : S[2] → Y4 qui contracte lescourbes de classe dans R+R4 sur S ⊂ Y4. Le lieu exceptionnel est un di-viseur E4 de classe 3h−8δ et contrR4 |E4 : E4 → S est un fibration en courbesrationnelles lisses de degré 4 par rapport à la polarisation 2h− 5δ.

2. La contraction extrémale contrR5 : S[2] → S(2) contracte les courbes de classedans R+R5 sur la diagonale ∆ ≃ S ⊂ S(2). Le diviseur exceptionnel E5 estde classe 2δ et contrR5 |E5 : E5 → S est un fibration en courbes rationnelleslisses de degré 5 par rapport à la polarisation 2h− 5δ.

Démonstration. Pour le rayon R+R5, c’est juste un résumé des discussions pré-cédentes (cf. §3.4.4.1 et la remarque 3.4.4.7). Regardons donc le rayon R+R4.La contraction construite dans la démonstration de la proposition 3.4.4.8 est unecontraction extrémale divisorielle au sens de la définition 3.2.2.6 et l’on a un desdeux cas suivants (cf. §3.2.2)• contrR4 est de type A2 et donc E4 · R4 = −1 ;• contrR4 est de type A1 et donc E4 · R4 = −2.

Comme E4 est de classe un multiple de (3h − 8δ) et (3h − 8δ) · R4 = qS[2](3h −8δ, 3h− 8δ) = −2, on doit avoir E4 · R4 = −2 (cf. §3.2.2), d’où le résultat.

Remarque 3.4.4.10. Il découle de la remarque 3.4.4.4 que la proposition 3.4.4.8 et lecorollaire 3.4.4.9 vérifient les conjectures 3.2.2.2 et 3.2.2.9 de Hassett et Tschinkel.

Remarque 3.4.4.11. Comme Nef1bir(S[2]) est le dual de Psef1(S[2]) par rapport à la

forme de Beauville [13, Prop. 4.4], on a

Nef1bir(S[2]) = Nef1(S[2]).

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CHAPITRE 3. LA VARIÉTÉ DE FANO D’UNE CUBIQUE 90

3.4.4.5 La face isotrope

On montre que la face isotrope est de dimension 3.

Proposition 3.4.4.12. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors on a

R+ hδ + R+ s2 + R+(3h− 8δ)(8h− 21δ) ⊂ Psef2iso(S

[2])

et les classes hδ, s2 et (3h− 8δ)(8h− 21δ) sont linéairement indépendantes.

Démonstration. Comme d’habitude, la classe s2 est lagrangienne. Notons contrR5 :S[2] → S(2) (resp. contrR4 : S[2] → Y ) la contraction extrémale du rayon R+R5

(resp. R+R4). Si C est une courbe dans ∆ ⊂ S(2), la surface contr−1R5

(C) est de classeun multiple de E · h = 2hδ. Par §3.2.3 et (3.37), on a ϕiso(hδ) = qS[2](h, δ) = 0,d’où l’on déduit que contr−1

R5(C) est lagrangienne. Avec un raisonnement analogue,

en remplacant R4 par R5, on voit que la classe (3h− 8δ)(8h − 21δ) est égalementlagrangienne. En utilisant le lemme 3.4.1.1 et le lemme 3.4.4.2, on vérifie que cestrois classes sont linéairement indépendantes dans N2(S[2]).

Pour la proposition suivante, on reprend les notations du corollaire 3.4.4.9.

Proposition 3.4.4.13. Soit S une surface K3 générale de degré 14. Alors

1. Le rayon R+((3h− 8δ) · (8h− 21δ)) est extrémal dans Eff2(F ) et les surfacesde classe dans ce rayon sont les surfaces dans E4 obtenues comme tirées enarrière des courbes C ⊂ S spar la contraction contrR4 |E4 : E4 → S.

2. Le rayon R+ hδ est extrémal dans Eff2(F ) et les surfaces de classe dans cerayon sont les surfaces dans E5 obtenues comme tirées en arrière des courbesC ⊂ S par la contraction contrR5 |E5 : E5 → S.

Démonstration. Comme la démonstration de la proposition 3.4.2.23.

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4. Produit d’une courbe

4.1 Introduction

Soit X une courbe irréductible de genre g ≥ 2, très générale, ou une courbehyperelliptique de genre g ≥ 2, très générale. Notons pi : X×X → X, i ∈ 1, 2, lesdeux projections, xi ∈ N1(X ×X) la classe d’une fibre de pi et ∆ ∈ N1(X ×X) laclasse de la diagonale. La famille x1, x2,∆ forme une base du R-espace vectorielN1(X ×X) (cf. lemme 4.2.0.2) et la classe x := x1 + x2 est ample. Notre résultatprincipal (proposition 4.1.2.1) est la construction de nouvelles classes nefs dansN1(X ×X) en suivant une méthode de Vojta [68].

On explique d’abord ce à quoi l’on s’attend pour les cônes de classes positivesselon une question de Kollár (§4.1.1) et comment la méthode de Vojta permet deconstruire des nouvelles classes nefs dans N1(X × X) (§4.1.2). Dans les sections§4.2 et §4.3, on donne un aperçu de ce qui est connu concernant l’étude des classespositives dans N1(X×X) et dans la dernière section on construit enfin des nouvellesclasse nefs en appliquant la méthode de Vojta (§4.4).

4.1.1 Une question de Kollár

Avant d’expliquer la méthode de Vojta, on rappelle une question de Kollárconcernant la structure de Psef(X×X) (resp. de Nef(X×X)). Par Riemann-Roch,toute classe c ∈ N1(X ×X) telle que c2 > 0 et c ·x > 0 est effective (cf. [38, Lemme4]). Autrement dit, le cône Psef(X × X) contient un des deux cônes définis parc2 ≥ 0. Si ce cône est strictement contenu dans Psef(X × X), il existe un rayonextrémal r ∈ Psef(X×X) tel que r2 < 0. Comme un tel rayon r est engendré par laclasse d’une courbe irréductible C (cf. [16, Lemme 6.2]), on est ramené à détermi-ner les courbes irréductibles d’autointersection négative. Autrement dit, une classec est nef si et seulement si c2 ≥ 0, c · x ≥ 0 et si c · α ≥ 0 pour toute classe effectiveα d’autointersection négative. Rappelons quelles classes d’autointersection négativesont connues.• On a ∆2 = 2− 2g < 0 (cf. lemme 4.2.0.3), de sorte que ∆ engendre un rayon

extrémal dans Psef(X ×X).• Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique sur X induit une involu-

tion ι sur N1(X ×X), et l’on a ι(∆) = 2x−∆, de sorte que 2x−∆ engendreun autre rayon extrémal d’autointersection négative.• Enfin, si g = 3, la classe ce = 8x− 3∆ est effective d’autointersection négative

(cf. la démonstration de 2) de la proposition 4.3.2.1).

Question 4.1.1.1 (Kollár). 1. Soit X une courbe très générale de genre ≥ 4.Est-ce que la diagonale ∆ est la seule courbe d’autointersection négative ?C’est équivalent à demander si le cône Nef(X × X) est déterminé par lesinéquations

c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c ·∆ ≥ 0.

91

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 92

2. Soit X une courbe hyperelliptique très générale de genre ≥ 2. Est-ce que ∆et 2x−∆ sont les seules classes effectives d’autointersection négative ? C’estéquivalent à demander si le cône Nef(X×X) est déterminé par les inéquations

c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c ·∆ ≥ 0 , c · (2x−∆) ≥ 0.

3. Soit X une courbe très générale de genre 3. Est-ce que ∆ et 8x − 3∆ sontles seules classes effectives d’autointersection négative ? Autrement dit, on sedemande si le cône Nef(X ×X) est déterminé par les inéquations

c2 ≥ 0 , c · x ≥ 0 , c ·∆ ≥ 0 , c · (8x− 3∆) ≥ 0.

La question semble difficile car il est déjà difficile de déterminer l’intersection deNef(X ×X) (resp. Psef(X ×X)) avec le plan H := 〈x,∆〉 des classes symétriques,ce qui a été l’objet des travaux de Kouvidakis [38], Bastianelli [6], Ross [58] etJiang [34]. Alors qu’on sait qu’un des deux rayons extrémaux de Nef(X ×X) ∩ Hest engendré par (g− 1)x+∆, l’autre rayon extrémal n’est connu que lorsque X esthyperelliptique, g = 3, ou g est un carré parfait (cf. §4.3.2 pour les résultats connusdétaillés).

4.1.2 La méthode de Vojta

La méthode de Vojta [68, Prop. 1.5] pour construire des classes nefs dans N1(X×X) est la suivante : posons ∆′ := ∆ − x, de sorte que ∆′ · x1 = ∆′ · x2 = 0 (cf.lemme 4.2.0.3). L’involution σ sur X ×X qui permute les deux facteurs induit uneinvolution σ∗ sur N1(X × X) qui permute x1 et x2 et laisse ∆ invariant. Le cônedes classes pseudoeffectives (resp. nefs) est invariant sous cette action, de sorte qu’ilsuffit d’étudier l’intersection de ces cônes avec le demi-espace

H+ := d2x1 + d1x2 + γ∆′ | d2 ≥ d1.

Suppsons qu’il existe un entier positif d et des classes effectives c1, . . . , ck d’au-tointersection négative telles que toute classe c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ H+ repré-sentée par une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes (cf.lemme 4.4.1.1) :• la classe c et proportionnelle à une classe ci ;• la classe c est d’autointersection positive ;• on a d1 ≥ d.

Alors, Vojta remarque que Psef+(X ×X) := Psef(X ×X) ∩H+ est contenu dansl’enveloppe convexe de

Cd := d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ H+ | d2d1 − gγ2 +1

d(g − 1)d21 ≥ 0

et c1, . . . , ck (cf. lemme 4.4.1.1). Comme α ∈ Nef(X ×X)∩H+ si et seulement siα · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef+(X ×X) (cf. lemme 4.4.3.2), on en déduit que touteclasse α dans H+ satisfaisant

∀i ∈ 1, . . . , k α · ci ≥ 0 et α ∈ C∨dest nef, où l’on note C∨d le dual de Cd par rapport au produit d’intersection.

Si c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ H+ est la classe d’une courbe irréductible C et sic 6= x1, on a d1 = deg(p1|C) ≥ 1 et donc Psef+(X × X) ⊂ C1. Par les argumentsprécédents, on voit ainsi que toute classe dans C∨1 est nef, ce qui est le résultatde Vojta [68, Prop. 1.5]. La proposition suivante (cf. corollaire 4.1.2.1) fournit unelégère amélioration de ce résultat alors que la question de Kollár reste ouverte engénéral.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 93

Proposition 4.1.2.1. Soit X une courbe de genre g ≥ 2.

1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, Psef+(X × X) estcontenu dans l’enveloppe convexe de ∆, 2x−∆ et C2.

2. Si g = 3, Psef+(X ×X) est contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2.3. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 5, Psef+(X × X) est

contenu dans l’enveloppe convexe de ∆ et C2.4. Si g ≥ 4 et g est un carré parfait, Psef+(X ×X) est contenu dans l’enveloppe

convexe de ∆ et C3.

On obtient par exemple l’image suivante pour une courbe très générale de genre2, où les classes dans la région en gris foncé sont nefs et le cône nef est contenu dansla région en gris clair (cf. §4.4.4 pour des figures pour g = 3, 4, 5.).

i2d

c2=

0

∆⊥

x x1

Figure 4.1 – Cône nef pour g = 2

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 94

4.2 Préliminaires

Soit Z une variété algébrique projective lisse. On note Pic(Z) le groupe de Picardde Z et Pic0(Z) le sous-grupe des classes algébriquement équivalentes à 0. Le groupede Néron-Severi est défini par

NS(Z) := Pic(Z)/Pic0(Z),

i.e., il paramètre les classes d’équivalence algébrique. Le R-espace vectoriel

N1(Z) := NS(Z)⊗ R

paramètre les classes d’équivalence numérique de R-diviseurs sur Z (cf. [36, p.122]) 1.Soit désormais X une courbe de genre g ≥ 2 très générale ou une courbe hyper-

elliptique de genre g ≥ 2 très générale. Notons JX la jacobienne de X et soit

u : X ×X → JX

(x, y) 7→ [OX(x + y − 2q0)]

l’application d’Abel-Jacobi pour un point de base q0 ∈ X fixé. Notons pi : X×X →X les deux projections pour i ∈ 1, 2. Dans N1(X ×X), on a les classes

x1 := [p−11 (pt.)] , x2 := [p−1

2 (pt.)] , θ := u∗Θ,

où Θ est la polarisation canonique de JX . Pour faciliter les notations dans la suite,on pose de plus x := x1 + x2. La classe ∆ de la diagonale dans X × X est alorsdonnée par (cf. §4.3.1, équation (4.2))

∆ = −θ + (g + 1)x. (4.1)

Le lemme suivant est bien connu.

Lemme 4.2.0.2. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La famille x1, x2,∆ est libredans N1(X ×X) et elle engendre N1(X ×X) si X est une courbe très générale ouune courbe hyperelliptique très générale.

Démonstration. On a (cf. [40, §15.2]) :

Pic(X ×X) ≃ p∗1 Pic(X)⊕ p∗2 Pic(X)⊕ End(JX)

≃ Pic0(X)⊕ Pic0(X)⊕ Z⊕2⊕End(JX),

et comme End(JX) est un groupe discret, on a Pic0(X ×X) ≃ Pic0(X)⊕Pic0(X),d’où l’on déduit

NS(X ×X) = Pic(X ×X)/Pic0(X ×X) = Z⊕2⊕End(JX)

et doncN1(X ×X) ≃ Rx1 ⊕ Rx2 ⊕ (End(JX)⊗ R).

Les classes dans End(JX) s’identifient avec les correspondances non trivialesdans X × X , et comme ∆ est une correspondance non triviale, on obtient la pre-mière partie de l’énoncé. Pour la deuxième partie, il suffit de remarquer que l’on aEnd(JX) = Z pour X très générale et que c’est également le cas pour X hyperel-liptique très générale par un résultat de [73].

1. On remarque que cette notation coïncide avec la notation introduite dans §1.1.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 95

Lemme 4.2.0.3. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. La forme d’intersection sur〈x1, x2,∆〉 ⊂ N1(X ×X) est donnée par

∆2 = 2− 2g , ∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1 , x21 = x22 = 0.

Démonstration. Il est clair que l’on a ∆ · x1 = ∆ · x2 = x1 · x2 = 1 et x21 = x22 = 0.Comme la diagonale ∆ est lisse de genre g, la formule d’adjonction ∆2 = 2pa(∆)+KX×X ·∆ fournit ∆2 = 2− 2g.

Remarque 4.2.0.4. Parfois il est plus facile de travailler avec la classe ∆′ := ∆ − xqui satisfait

∆′2 = −2g , ∆′ · x2 = ∆′ · x1 = 0.

L’involution

σ : X ×X → X ×X(x, y) 7→ (y, x)

induit une involution σ∗ sur N1(X ×X) qui agit par

x1 7→ x2 , x2 7→ x1 , ∆ 7→ ∆ , ∆′ 7→ ∆′

et laisse le cône des classes pseudoeffectives (resp. nefs) invariant. Si l’on pose

H+ := c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ N1(X ×X) | d2 ≥ d1,

il suffit ainsi d’étudier les cônes

Nef+(X ×X) := Nef(X ×X) ∩H+ , Psef+(X ×X) := Psef(X ×X) ∩H+.

Une première étape serait de déterminer l’intersection de ces cônes avec l’hyperplan

H := c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ | d2 = d1 = 〈x,∆〉

des classes symétriques.

4.3 Classes symétriques sur X ×X

On rappelle d’abord quelques propriétés élémentaires du produit symétriqueX(d) de X (§4.3.1) ; on donne ensuite un aperçu des résultats connus concernant lapositivité des classes symétriques dans N1(X ×X) (§4.3.2).

4.3.1 Le produit symétrique d’une courbe

Soit d un entier positif. Munissons Xd de l’action du groupe symétrique Sd

qui permute les facteurs de Xd. Le produit symétrique X(d) de X est la variétéprojective lisse obtenue comme quotient de Xd par cette action (cf. [46, Prop. 3.2]).Elle paramètre les diviseurs de degré d sur X . Pour un point q0 ∈ X fixé, on al’application d’Abel-Jacobi

ud : X(d) → JX

D 7→ [OX(D − dq0)],

et les classes entières

x(d) = classe de q0 +D | D ∈ X(d−1) , θ(d) = u∗dΘ

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 96

sont linéairement indépendantes dans N1(X(d)) (cf. [18, Ex. B-1]), où l’on note Θla polarisation principale canonique de JX . La classe ∆(d) de la grande diagonale2q0 +D ⊂ X(d) | p ∈ X, D ∈ X(d−2) est donnée par (cf. [18, p. 358, Prop. 5.1])

∆(d) = 2((d+ g − 1)x(d) − θ(d)), (4.2)

et l’on pose

δ(d) :=∆(d)

2.

Le lemme suivant est bien connu (cf. [18, p. 359] pour le cas où X est trèsgénérale).

Lemme 4.3.1.1. La famille x(d), δ(d) est libre dans N1(X(d)) et, pour X trèsgénérale ou X hyperelliptique très générale, cette famille engendre N1(X(d)).

Démonstration. Il est clair que la famille est libre, de sorte qu’il suffit de montrerque N1(X(d)) est de dimension 2. On a (cf. [50, Prop. 2.3])

N1(X(d)) ≃ Rx(d) ⊕ (NS(JX)⊗ R)

et comme NS(JX) = Z pour X très générale ou X une courbe hyperelliptique trèsgénérale, N1(X ×X) est de rang 2 dans ce cas.

4.3.2 Classes nefs symétriques

Le cône Nef(X × X) ∩ H est engendré par deux rayons extrémaux. Comme(g − 1)x+∆ est effective et comme ((g − 1)x+∆) ·∆ = 0, la classe (g − 1)x+∆engendre un des deux rayons extrémaux de Nef(X ×X) ∩H. Posons

λn := infλ ∈ R+ | λx−∆ ∈ Nef(X ×X),

de sorte que l’autre rayon extrémal de Nef(X ×X) ∩H est engendré par λnx−∆.Comme la projection naturelle π : X×X → X(2) est finie (de degré 2), ramifiée

le long de la diagonale, on a une injection

π∗ : N1(X(2))→ N1(X ×X) , x(2) 7→ x , δ(2) 7→ ∆

qui identifie N1(X(2)) avec N1(X × X) ∩ H, et l’on a, en utilisant la formule deprojection,

Nef(X ×X) ∩H = π∗ Nef(X(2)).

Autrement dit, le cône Nef(X(2)) est engendré par (g−1)x(2)+ δ(2) et λnx(2)− δ(2).On a donc les résultats suivants pour Nef+(X ×X) ∩H qui ont été formulés pourNef(X(2)) dans l’article original de Kouvidakis [38, Thm. 2] (cf. aussi [42]).

Proposition 4.3.2.1 (Kouvidakis). Soit X une courbe de genre g ≥ 2.

1. Si X est hyperelliptique, on a λn = g + 1.

2. Lorsque X est très générale de genre g = 3, on a λn = 145 .

3. Si X est très générale de genre g ≥ 4, on a

√g + 1 ≤ λn ≤

g

⌊√g⌋ + 1

et donc λn =√g + 1 si g est un carré parfait.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 97

Démonstration. 1. Supposons X hyperelliptique. La classe (g + 1)x−∆ est nefcar c’est le tiré en arrière de la polarisation principale sur JX par l’applicationd’Abel-Jacobi (cf. (4.1)). D’un autre côté, la classe 2x−∆ = ι(∆) est effectiveet comme ((g+1)x−∆) ·(2x−∆) = 0, on en déduit que (g+1)x−∆ engendreun rayon extrémal de Nef(X ×X) ∩H, i.e., λn = g + 1.

2. Comme X est très générale, on peut supposer que X est une quartique plane.Or la tangente à un point P ∈ X intersecte X en deux points supplémentairesQ et R. En bougeant P , on obtient ainsi un diviseur dans X(2), et un calculd’intersection montre qu’il est de classe 8x(2)− 3δ(2) (cf. [38, p. 124] et [16, p.11]), d’autointersection négative. La classe 14

5 x(2) − δ(2) étant orthogonale à8x(2)−3δ(2), elle engendre un rayon extrémal de Nef(X(2)) et 14

5 x−∆ engendredonc un rayon extrémal de Nef(X ×X) ∩H.

3. Comme l’autointersection d’une classe nef est positive, on a√g + 1 ≤ λn et

par [38, Thm. 2], on a λn ≤ g⌊√g⌋ + 1.

Conjecture 4.3.2.2 (Kouvidakis). Si X est une courbe de genre g ≥ 4 très géné-rale, Kouvidakis conjecture

λn =√g + 1,

ce qui est équivalent à dire que δ(2) (resp. ∆) est la seule classe effective d’autoin-tersection négative dans N1(X(2)) (resp. dans Nef(X ×X) ∩H).

La conjecture de Kouvidakis est donc vérifiée lorsque g est un carré parfait.Lorsque g ≥ 4 est petit et n’est pas un carré parfait, de meilleures bornes supérieurespour λn ont été déterminées dans [34], [6], [58]. Par exemple, on a, pour 5 ≤ g ≤ 10,les bornes suivantes :

g 5 6 7 8 10λn ≤ 9

44513

10629

236

174

4.4 Construction de classes nefs d’après Vojta

Dans cette section, on construit de nouvelles classes nefs en suivant la méthodede Vojta (cf. [68]) présentée dans §4.1.2.

4.4.1 Restrictions pour le cône pseudoeffectif

Soit C une courbe irréductible dans X ×X , de classe

[C] = d2x1 + d1x2 + γ∆′.

On a di = C · xi ≥ 0 et si l’on suppose de plus [C] 6= xi, on a di = deg(pi|C) ≥ 1pour i ∈ 1, 2, où l’on note pi : X × X → X la projection sur le i-ième facteur.Soit d un entier strictement positif et posons

Qd(d1, d2, γ) := d2d1 − gγ2 +1

d(g − 1)d21 (4.3)

etCd := d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ H+ | Qd(d1, d2, γ) ≥ 0.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 98

Lemme 4.4.1.1. Supposons qu’il existe des classes effectives c1, . . . , ck ∈ H+ d’au-tointersection négative telles que toute classe c = d2x1+d1x2+γ∆

′ ∈ H+ représentéepar une courbe irréductible satisfasse une des trois conditions suivantes :• la classe c est proportionnelle à une classe ci ;• la classe c est d’autointersection positive ;• on a d1 ≥ d.

Alors Psef+(X ×X) est contenu dans l’enveloppe convexe de Cd et c1, . . . , ck.Démonstration. Soit c = d2x1+d1x2+γ∆

′ ∈ H+ la classe d’une courbe irréductibleC d’autointersection positive ou satisfaisant d1 ≥ d. On va montrer que l’on ac ∈ Cd. Comme C2 = 2d1d2 − 2gγ2, c’est clair si C2 ≥ 0. Supposons d1 ≥ d. On a,par Riemann-Hurwitz,

C2 + C ·KX×X = 2pa(C) − 2 ≥ 2pg(C)− 2 ≥ (2g − 2)(x2 · C) = (2g − 2)d2,

et commeC2 + C ·KX×X = 2d2d1 − 2gγ2 + (2g − 2)(d1 + d2),

cela fournitd2d1 − gγ2 + (g − 1)d1 ≥ 0.

Comme d1 ≥ d, on en déduit

d2d1 − gγ2 +1

d(g − 1)d21 ≥ 0,

c’est-à-dire c ∈ Cd, ce qui termine la preuve.

Notre but est maintenant de déterminer les classes de courbes irréductibles d’au-tointersection négative pour d1 petit ou d’exclure l’existence de telles classes. Notrerésultat principal dans ce sens est la proposition 4.4.1.6. D’abord on aura besoin dedeux petits lemmes.

Lemme 4.4.1.2. Soit d1 ≥ 1. On a une bijectionϕ : X → X(d1) | ϕ(X) 6⊂ ∆(d1)

←→C ⊂ X ×X | [C] = d2x1 + d1x2 + γ∆′, C sans composante pt. ×X

,

où l’on note ∆(d1) la variété diagonale dans X(d1) (et pas sa classe).

Démonstration. Soit C une courbe (réduite) dans X×X sans composante pt.×X .Alors on obtient un morphisme ϕC : X → X(d1) tel que ϕC(X) 6⊂ ∆(d1) en posantϕC(X) := p2((p1|C)−1(x)). Inversement, pour un morphisme ϕ : X → X(d1) tel queϕ(X) 6⊂ ∆(d1) donné, on obtient une courbe C dans X ×X en posant

C := (a, b) ∈ X ×X | ϕ(a)− b ≥ 0.

Il est clair que, pour C sans composante pt. × X , ces deux constructions sontinverses l’une de l’autre.

Remarque 4.4.1.3. Il est possible que la courbe associée à un morphisme ϕ : X →X(d1) soit réductible. D’autre part, le morphisme ϕ est constant si et seulement siC est réunion de courbes du type X × pt..Remarque 4.4.1.4. Soit C une courbe irréductible (peut-être singulière) de classe[C] = d2x1 + d1x2 + γ∆′ 6= xi pour i ∈ 1, 2. Alors on a di = deg(pi|C) et l’onobtient par Riemann-Hurwitz

C2 + (2g − 2)C · x = (2g − 2)di + ri

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 99

pour i ∈ 1, 2, où ri est le degré du diviseur de ramification de pi|C . En particulier,on a

C2 = r1 − (2g − 2) = r2 − (2g − 2)d1

et

ϕC,∗X · x(d1) = d2,

ϕC,∗X · δ(d1) =r12,

où ϕC : X → X(d1) est le morphisme associé à C au sens du lemme 4.4.1.2.

Lemme 4.4.1.5. Soit X une courbe de genre g ≥ 2. Soit d ≥ 2 et soit ϕ : X → X(d)

un morphisme non constant.

1. Si X est très générale de genre g ≥ 3, ou bien ϕ est injectif, ou bien ϕ(X) estcontenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobi ud : X(d) → JX.

2. Si X est une courbe hyperelliptique très générale, ou bien ϕ est génériquementinjectif, ou bien ϕ(X) est contenu dans une fibre de l’application d’Abel-Jacobiud : X(d) → JX.

Démonstration. Comme X est très générale ou hyperelliptique très générale, on aEnd(JX) = Z, de sorte que l’on obtient le diagramme commutatif suivant

//

u

X(d)

ud

JX ·m// JX

où m est un entier, pour des applications d’Abel-Jacobi bien choisies u et ud. Sim = 0, la courbe ϕ(X) est contenue dans une fibre de ud. Supposons m 6= 0. Soientp, q ∈ X et supposons ϕ(p) = ϕ(q). Alors on a m(u(p)− u(q)) = 0, c’est-à-dire queu(p) − u(q) est dans JX [m], l’ensemble (fini) des points de m-torsion de JX . Larestriction de

τ : X ×X → JX

(p, q) 7→ u(p)− u(q)

au complémentaire de la diagonale est à fibres finies [3, Prop. 4], de sorte que ϕ estgénériquement injectif pour tout g ≥ 2.

Supposons τ(X × X) ∩ JX [m] 6= ∅, de sorte qu’il existe deux points distinctsp, q ∈ X tels que OX(mp) = OX(mq). Le g1m engendré par mp et mq donne lieu àun morphisme X → P1 de degré m avec fibres mp et mq. Par Riemann-Hurwitz,on a alors

2g − 2 = −2m+ 2(m− 1) + r,

où r est le degré de la ramification en dehors des fibres mp et mq. On a r = 2g, desorte que

3g − 3 ≥ 2g ⇔ g ≥ 3

assure qu’une courbe très générale de genre g ≥ 3 n’admet pas de tel g1m et doncτ(X ×X) ∩ (JX [m]− 0) = ∅.

Proposition 4.4.1.6. Soit [C] = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ H+ la classe d’une courbeirréductible C dans X ×X.

1. Lorsque X est une courbe hyperelliptique très générale, on a ou bien [C] ∈x1,∆, 2x−∆ ou bien d1 ≥ 2.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 100

2. Lorsque X est une courbe très générale de genre g ≥ 3, on a ou bien [C] ∈x1,∆ ou bien d1 ≥ 2.

3. Si X est une courbe très générale de genre g = 4, on a ou bien [C] ∈x1,∆, 3x−∆ ou bien d1 ≥ 3.

4. Si X est une courbe très générale de genre g ≥ 5 et g est un carré parfait, ona ou bien [C] ∈ x1,∆ ou bien d1 ≥ 3.

Démonstration. Si d1 = 0, il est clair que l’on a [C] = x1. Si l’on a d1 = 1, alors p1|Cest un isomorphisme. Si X est très générale, on a Aut(X) = id et donc [C] = ∆.Si X est une courbe hyperelliptique très générale, on a Aut(X) = id, ι et donc[C] = ∆ ou [C] = 2x−∆. Ceci montre 1), 2) et 4).

Soit X maintenant une courbe très générale de genre g ≥ 4, où g est un carréparfait. Supposons d1 = 2. Le morphisme ϕC est non constant (cf. remarque 4.4.1.3)et C0 := ϕC(X) est une courbe irréductible dans X(2) qui n’est pas contenue dansla diagonale. Lorsque C0 · x(2) = 1, la projection p2|C : C → X est de degré 1, cequi est une contradiction. On a donc C0 · x(2) ≥ 2. Comme g est un carré parfait,on a C2

0 ≥ 0 par la proposition 4.3.2.1 et donc

2pa(C0)− 2 = C20 + C ·KX(2)

= C20 + C0 · ((2g − 2)x(2) − δ(2))

= C20 + (2g − 2− λn)(C0 · x(2)) + C0 · (λnx(2) − δ(2))

≥ (2g − 2− λn)(C0 · x(2))≥ 4g − 4− λn.

Comme λn =√g + 1 (proposition 4.3.2.1), on en déduit

pa(C0) ≥ 2g − 2−√g.Or X n’admet pas de g12 , de sorte que le morphisme ϕC est un plongement par lelemme 4.4.1.5 et l’on a pg(C0) = pa(C0) = g. Cela fournit une contradiction pourg ≥ 5, et, pour g = 4, on en déduit pa(C0) = 4 et C2

0 = 0, d’où [C0] = 3x(2) − δ(2).Par la remarque 4.4.1.4, on a alors d2 = 2 et r1 = 12 et donc C2 = 0, ce qui implique[C] = 2x−∆′ = 3x−∆. Cela achève la démonstration de 3).

Avec le lemme 4.4.1.1, on en déduit la proposition 4.1.2.1.

4.4.2 Une section affine

Dans la suite, on représentera les cônes Psef(X×X) et Nef(X×X) dans le planaffine

P = c = α1x1 + α2x2 + γ∆ ∈ N1(X ×X) | c · x = α1 + α2 + 2γ = 2= c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ N1(X ×X) | c · x = d2 + d1 = 2,

où le demi-espace H+ correspond au demi-espace affine

P+ = α1x1 + α2x2 + γ∆ ∈ P | α1 ≥ α2 = d2x1 + d1x2 + γ∆′ ∈ P | d2 ≥ d1.On introduit des coordonnées (u, v) sur P en posant

x = (0, 0) , ∆ = (g, 0) , x1 = (0, 1).

Le point (u, v) ∈ P correspond alors à la classe (1+v−ug )x1+(1−v−u

g )x2+ug∆ (resp.

(1+v)x1+(1−v)x2+ ug∆

′). En particulier, le produit d’intersection de deux classes

(u, v) et (u′, v′) est donné par 2(1−vv′− uu′

g ). Inversement, la classe α1x1+α2x2+γ∆

correspond au point ( 2gγα1+α2+2γ ,

α1−α2

α1+α2+2γ ) et une classe d2x1+d1x2+γ∆′ au point

( 2gγd2+d1

, d2−d1

d2+d1).

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 101

Remarque 4.4.2.1. Si X est hyperelliptique, l’involution hyperelliptique correspondà la réflexion d’axe u, de sorte que les cônes Nef(X × X) et Psef(X × X) sontsymétriques par rapport aux axes u (et v).

Remarque 4.4.2.2. Dans le plan affine P , le cône des classes symétriques correspondà l’intersection de Nef(X ×X) avec l’axe u.

Dans P , l’équation Qd = 0 correspond à

v2(g − 1− d)− du2

g+ (2− 2g)v + d+ g − 1 = 0.

Cela fournit une conique, qui intersecte l’ellipse c2 = 0 en x1 = (1, 0) et l’axe

u en les points (±√

(d+g−1)gd , 0). Comme l’intersection de ∆ avec toute courbe

irréductible de classe différente de ∆ est positive, ∆ est la seule classe effective àdroite de ∆⊥ = (u, v) ∈ P+|u = 1. Les classes pseudoeffectives doivent donc êtreen-dessous de la droite joignant ∆ et le point d’intersection Qd = 0 ∩∆⊥.

On obtient dans P+ l’image suivante, où le cône pseudoeffectif doit être dans larégion en gris foncé et les classes dans la région en gris clair sont pseudoeffectives.

ce

c2 ≥ 0

∆⊥

Q3 ≥ 0x1

x

b1 = (1, v1)

(1, v0)

Figure 4.2 – Cône pseudoeffectif pour g = 4

4.4.3 Classes nefs

Construisons maintenant des classes nefs dans X ×X . Pour cela, on caractérised’abord le dual

C∨d := c ∈ N1(X ×X) | ∀β ∈ Cd, c · β ≥ 0.

Posons

Q∨d (d

′1, d

′2, γ

′) := gγ′2 − d′1(d′2 −1

d(g − 1)d′1).

Lemme 4.4.3.1. On a

C∨d = d′2x1 + d′1x2 + γ′∆′ ∈ N1(X ×X) | Q∨d (d1, d2, γ) ≤ 0.

Démonstration. Soit c = d′2x1+d′1x2+γ

′∆′ ∈ N1(X×X). Par définition, on a c ∈ C∨dsi et seulement si c est d’intersection positive sur toute classe d2x1 + d1x2 + γ∆′

satisfaisant Qd(d1, d2, γ) = 0. Autrement dit, on a c ∈ C∨d si et seulement si

0 ≤ d2d′1 + d′2d1 − 2gγγ′

=gγ2 − 1

d (g − 1)d21d1

d′1 + d′2d1 − 2gγγ′

pour tout d2, d1 et γ, ce qui est équivalent à

0 ≤ gγ2d′1 + (d′2 −1

d(g − 1))d21 − 2gγγ′d1

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 102

pour tout d1 et γ. C’est le cas si et seulement le discriminant est négatif, i.e. si etseulement si

0 ≥ gγ′2 − d′1(d′2 −1

d(g − 1)d′1).

Lemme 4.4.3.2. Soit c ∈ N1(X ×X). On a c ∈ Nef+(X ×X) si et seulement sic · β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef+(X ×X).

Démonstration. Il faut montrer que c ·β ≥ 0 pour tout β ∈ Psef+(X×X) impliqueque c est nef. Ecrivons c = d2x1 + d1x2 + γ∆′ et supposons que c n’est pas nef.Alors il existe une classe pseudoeffective β = d′2x1 + d′1x2 + γ′∆′ avec d′1 > d′2 telleque c · β > 0. On a σ∗β ∈ Psef(X ×X) ∩H+ et

c · σ∗β ≤ c · β ⇔ (d2 − d1)(d′2 − d′1) ≤ 0,

ce qui est vrai par les hypothèses sur c et β, de sorte que l’on obtient une contra-diction.

La proposition suivante découle alors tout de suite des lemmes 4.4.3.1 et 4.4.3.2,et la proposition 4.1.2.1.

Proposition 4.4.3.3. Supposons qu’il existe des classes effectives c1, . . . , ck ∈ H+

d’autointersection négative et un entier positif d tel que Psef+(X ×X) est contenudans l’enveloppe convexe de Cd et c1, . . . , ck. Alors les classes c = d′2x1 + d′1x2 +γ′∆′ ∈ H+ satisfaisant

Q∨d (d

′1, d

′2, γ

′) ≥ 0 et ∀i ∈ 1, . . . , k c · ci ≥ 0

sont nefs.

Corollaire 4.4.3.4. Soit X une courbe de genre g ≥ 2 et soit c = d2x1 + d1x2 +γ∆′ ∈ N1(X ×X).

1. Si X est hyperelliptique très générale, c est nef si l’on a Q2(d1, d2, γ)∨ ≤ 0 et

c ·∆ ≥ 0, c · (2x−∆) ≥ 0.

2. Si X est très générale de genre 3, c est nef si l’on a Q2(d1, d2, γ)∨ ≤ 0 et

c ·∆ ≥ 0 et c · (83x−∆) ≥ 0.

3. Si X est très générale de genre g ≥ 5, c est nef si l’on a Q2(d1, d2, γ)∨ ≤ 0 et

c ·∆ ≥ 0.

4. Si X est très générale de genre g ≥ 4 avec g un carré parfait, c est nef si l’ona Q2(d1, d2, γ)

∨ ≤ 0 et c ·∆ ≥ 0.

4.4.4 Représentation des classes nefs dans la section affine

Représentons maintenant les classes nefs qu’on obtient dans P grâce au corol-laire 4.4.3.4 et la proposition 4.3.2.1. On commence avec deux remarques généraleset ensuite on donne des représentations selon le genre de X et selon que X esthyperelliptique ou pas.

Remarque 4.4.4.1. L’inéquation Q∨d (d1, d2, γ) ≤ 0 fournit (pour tout g) une ellipse

définie par

0 ≥ u2

g− (1− v)(1 + v − 1

d(g − 1)(1− v)), (4.4)

dont la forme normale est donnée par

d+ g − 1

dgu2 +

(d+ g − 1)2

d2

(v − g − 1

d+ g − 1

)2

= 1.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 103

Le centre de cet ellipse est donc le point (0, g−1d+g−1 ) ∈ P+ et les sommets sont

(0, g−1d+g−1 ± d

d+g−1 ) et (±√

dgdg−1 ,

g−1d+g−1 ) (en particulier, un des sommets est x1 =

(1, 0)).

Remarque 4.4.4.2. Supposons que, dans H+, les classes des courbes irréductiblessont contenues dans Cd sauf certaines classes c1, . . . , ck d’autointersection négativeavec c1 := ∆. Fixons une classe ci et notons bi le point d’intersection de c⊥i avecla droite passant par ci et tangente à C∨d dans P+. Alors il existe une classe ai ∈Nef+(X×X) telle que bi est proportionnelle à la classe ai+ci. Comme l’intersectionde ci avec toute courbe de classe différente de ci est positive, et comme bi · ci ≥ 0,la classe bi est nef (cf. figure ci-dessous).

c2 ≥ 0

∆⊥

Q∨3 ≤ 0

Figure 4.3 – Cône nef pour g = 4

En écrivant b1 = (1, v1) et c2 = 0 ∩∆⊥ = (1, v0), on obtient par le corollaire4.4.3.4 les valeurs suivantes pour v0 et v1 2 :

Courbes hyperelliptiques très générales. Soit X une courbe hyperelliptiquetrès générale de genre g. Par le corollaire 4.4.3.4, une classe c = d2x1 + d1x2 + γ∆′

est donc nef si elle satisfait Q∨2 (d1, d2, γ) ≤ 0 et si l’intersection avec c1 := ∆ et

avec c2 := 2x−∆ est positive. De plus, les classes b1 et b2 au sens de la remarque4.4.4.2 sont nefs, de sorte que l’on obtient l’image ci-dessous (figure 4.4).

Remarque 4.4.4.3. On vérifie facilement que l’on a v1 → v0 pour g → ∞ pourd ≥ 1 fixé, de sorte que le résultat est asymptotiquement optimal pour les courbeshyperelliptiques très générales.

Remarque 4.4.4.4. Une classe nef sur une courbe hyperelliptique reste nef sur unecourbe très générale : soit X0 une courbe hyperelliptique de genre g et supposonsque la classe d2x1 + d1x2 + γ∆ est nef sur X0 × X0. Soit X → B une famille decourbes lisses (de genre g) de fibre spéciale X0 et notons Xb la fibre au-dessus deb ∈ B. Si l’on note L un fibré sur X ×B X tel que Lb := L|Xb×Xb

soit de classe

2. Pour calculer le point b1, on remarque d’abord que la tangente au point (u0, v0) est donnéepar l’équation

d+ g − 1

dguu0 +

(d + g − 1)2

d2

(

v −g − 1

d+ g − 1

)(

v0 −g − 1

d+ g − 1

)

= 1,

d’où l’on déduit que la tangente à l’ellipse contenant ∆ = (g, 0) doit satisfaire

d+ g − 1

du0 −

(d + g − 1)(g − 1)

d2

(

v0 −g − 1

d+ g − 1

)

= 1.

Le point (u0, v0) étant sur la tangente fournit alors

(

d+ g − 1

du0 − 1

)

2

=(g − 1)2

d2

(

1−d+ g − 1

dgu2

0

)

.

En résolvant, on obtient les valeurs dans la table 4.1.

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 104

Table 4.1 –

g d v1 v0

2 2 4+√3

−2+3√3≈ 0.6830

√12 ≈ 0.7071

3 2 45 = 0.8

√23 ≈ 0.8165

4 3 67 ≈ 0.8571

√34 ≈ 0.8660

5 2 45

5+2√30

−2+3√30≈ 0.8844

√45 ≈ 0.8944

10 2 310

20+27√15

−3+11√15≈ 0.943

√56 ≈ 0.9487

100 3 995

5+33√33

−33+680√33≈ 0.9946

√67 ≈ 0.9950

i2d

c2 ≥ 0

∆⊥

Q∨2 ≤ 0

x

x1

Figure 4.4 – Cône nef pour g = 2

d2x1 + d1x2 + γ∆ pour tout b ∈ B, alors Lb est nef pour b ∈ B très général(cf. [42, Prop. 1.4.14]).

Courbes de genre 3 très générales. Soit X une courbe très générale de genre3. On obtient des classes nefs comme suit :

1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique (trèsgénérale) de genre 3 sont aussi nefs pour une courbe très générale.

2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ et c2 :=83x−∆ est positive, et pour lesquelles Q∨

2 (d1, d2, γ) ≤ 0, sont nefs.

3. Les classes b1 = (1, 45 ) et b2 = (− 53 ,

429 ) sont nefs (cf. remarque 4.4.4.2).

c2 ≥ 0

∆⊥

Q∨2 ≤ 0

ce

c⊥e

Figure 4.5 – Cône nef pour g = 3

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CHAPITRE 4. PRODUIT D’UNE COURBE 105

Courbes de genre g = r2 très générales. Soit X une courbe très générale degenre g = r2, un carré parfait. On obtient des classes nefs comme suit :

1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique trèsgénérale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale.

2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive,et pour lesquelles Q∨

3 (d1, d2, γ) ≤ 0, sont nefs.

3. La classe λn = (√g + 1)x−∆ est nef.

4. La classe b1 est nef.

c2 ≥ 0

∆⊥

Q∨3 ≤ 0

λn

Figure 4.6 – Cône nef pour g = 4

Courbes de genre ≥ 5 très générales. Soit X une courbe très générale degenre g et supposons que g n’est pas un carré parfait. On obtient des classes nefscomme suit :

1. Par la remarque 4.4.4.4, les classes nefs pour une courbe hyperelliptique trèsgénérale de genre g sont aussi nefs pour une courbe très générale.

2. Par le corollaire 4.4.3.4, les classes dont l’intersection avec c1 := ∆ est positive,et pour lesquelles Q∨

2 (d1, d2, γ) ≤ 0.

3. Pour g ≥ 5, λn n’est pas connu, mais on a des bornes supérieures sur λn (cf.proposition 4.3.2.1).

4. La classe b1 est nef.

c2 ≥ 0

∆⊥

Q∨2 ≤ 0

λn

Figure 4.7 – Cône nef pour g = 5

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