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Pré scriptum (si, si, ça existe !) : Toute ressemblance avec une personne ou une situation existante ou ayant existé serait… bon, d’accord, pas tout à fait le fruit du hasard, mais cette histoire reste une fiction. ELECTROCHOC Franchement, je ne sais pas pourquoi je m’entête à me resservir dans ce verre. Déjà, le whisky, même d’une grande marque, je trouve ça dégueulasse mais surtout, je devrais le boire à la bouteille, ça m’éviterait de ressasser ces images horribles qui défilent sur le liquide ambré comme sur un écran de tablette tactile. C’est peut- être dû à l’ivresse ou alors ce sont mes larmes qui brouillent ma vue. Il est là, magnifique avec sa belle guitare, caché derrière sa longue tignasse ondulée, en plein solo devant un public en délire, devant moi fascinée par ses mains si agiles. Il est superbe. Il est magique. J’attends que d’un mouvement de tête il écarte ses cheveux de son visage pour croiser son regard, comme chaque fois que je viens aux concerts de ce groupe génial. Il va me regarder sans me voir, perdu dans sa musique et mon cœur fera des galipettes. Mais non, ce soir-là le rêve est devenu cauchemar. Il y a eu des étincelles bleues au moment où j’ai été éclaboussée par de l’eau ou quelque chose de liquide. La lumière s’est éteinte. La musique s’est arrêtée et je l’ai vu, lui, crispé sur sa guitare pendant un instant avant de s’écrouler, foudroyé. J’aurais dû empêcher ça. Je ne sais pas comment. Je ne pouvais pas deviner qu’un vieux fou excédé par le bruit sous son balcon ce soir de fête de la musique allait avoir l’idée débile d’arrêter la musique en jetant un seau d’eau sur les instruments électriques. J’aurais dû… j’aurais dû…. « Arrête de pleurer, idiote ! J’ai une idée » Ah bravo ! Je suis tellement saoule que mon reflet dans le whisky me parle ! « Tu pourrais mourir pour ce type, n’est ce pas Non, ce n’est pas mon reflet, en fait. Impossible que je sois aussi laide. Et même après trois nuits et trois jours à pleurer, mes yeux ne peuvent pas être aussi rouges.

Défi voyage dans le temps - Val Poupouille - Electrochoc

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Pré scriptum (si, si, ça existe !) : Toute ressemblance avec une personne ou une situation existante ou ayant existé serait… bon, d’accord, pas tout à fait le fruit du hasard, mais cette histoire reste une fiction.

ELECTROCHOC

Franchement, je ne sais pas pourquoi je m’entête à me resservir dans ce verre. Déjà, le whisky, même d’une grande marque, je trouve ça dégueulasse mais surtout, je devrais le boire à la bouteille, ça m’éviterait de ressasser ces images horribles qui défilent sur le liquide ambré comme sur un écran de tablette tactile. C’est peut-être dû à l’ivresse ou alors ce sont mes larmes qui brouillent ma vue.

Il est là, magnifique avec sa belle guitare, caché derrière sa longue tignasse ondulée, en plein solo devant un public en délire, devant moi fascinée par ses mains si agiles. Il est superbe. Il est magique. J’attends que d’un mouvement de tête il écarte ses cheveux de son visage pour croiser son regard, comme chaque fois que je viens aux concerts de ce groupe génial. Il va me regarder sans me voir, perdu dans sa musique et mon cœur fera des galipettes.

Mais non, ce soir-là le rêve est devenu cauchemar. Il y a eu des étincelles bleues au moment où j’ai été éclaboussée par de l’eau ou quelque chose de liquide. La lumière s’est éteinte. La musique s’est arrêtée et je l’ai vu, lui, crispé sur sa guitare pendant un instant avant de s’écrouler, foudroyé.

J’aurais dû empêcher ça. Je ne sais pas comment. Je ne pouvais pas deviner qu’un vieux fou excédé par le bruit sous son balcon ce soir de fête de la musique allait avoir l’idée débile d’arrêter la musique en jetant un seau d’eau sur les instruments électriques.J’aurais dû… j’aurais dû….

« Arrête de pleurer, idiote ! J’ai une idée »

Ah bravo ! Je suis tellement saoule que mon reflet dans le whisky me parle !

« Tu pourrais mourir pour ce type, n’est ce pas ? »

Non, ce n’est pas mon reflet, en fait. Impossible que je sois aussi laide. Et même après trois nuits et trois jours à pleurer, mes yeux ne peuvent pas être aussi rouges.

« Tu sais que tu n’existais pas pour lui mais tu donnerais n’importe quoi pour le sauver »

Cette chose est sensée en tout cas.

« Prends ma main. Je te donne une chance de changer le destin. Viens, je t’y ramène. Seulement une chance. Mais que tu réussisses ou que tu échoues, tu m’appartiendras »

C’est ridicule ! L’alcool ne me réussit pas. Je délire complètement. Voir une main à quatre doigts griffus sortir d’un verre de whisky, ce n’est pas commun quand même ! On dirait une patte de lézard.Mais je m’en fiche. Si ça me permet de le sauver, je veux bien risquer tout ce que j’ai.

« Tu viens ? Prends ma main ! »

Brr !!!! Elle est rugueuse et glacée ! Avec une force incroyable, elle m’entraine dans mon verre. Je tombe, je tombe et… aïe ! Je me retrouve sur le trottoir à quatre pattes, à moitié nue, les genoux écorchés, à quelques mètres du groupe qui joue devant une dizaine de personnes dont moi qui dévore des yeux le guitariste chevelu. Vu d’ici, c’est pathétique. Je comprends qu’il me méprise. Je vois un guitar hero, une star qui joue dans des stades alors que c’est juste un mec, très doué à la guitare, d’accord, mais un mec, pas un dieu. Cette fille pâmée devant lui est ridicule.

Peu importe ! Je suis ici pour empêcher un accident. Je vais lui sauver la vie et peut-être qu’il me verra différemment ensuite. Comment dois-je m’y prendre ?

D’abord, résister à l’envie de courir jusqu’à la scène, bousculer l’autre moi pour l’admirer lui, encore. C’est dingue, ça, presque un réflexe inconscient ! Non, non et non ! Je ne dois pas m’occuper de lui. Je dois localiser le vieux fou et l’empêcher de balancer son seau d’eau.

Il n’y a qu’un seul balcon au dessus de la scène. La chance ! C’est une maison individuelle.Je dois faire vite : Le groupe entame la chanson sur laquelle l’accident s’est produit.

Trouver l’entrée du bâtiment, foncer à l’étage… oh ? Une fausse note ? ça ne lui ressemble pas. Il m’a vue. Je m’étais imaginé que j’étais invisible mais on dirait que non. Et là, je me sens bête. Je ne porte que cette nuisette que je n’avais jamais montrée à personne, de la dentelle rouge très ajourée qui couvre à peine mes fesses. Evidemment qu’il ne pouvait pas me rater. Pas seulement lui, d’ailleurs. Pas désagréable de le sentir troublé. La prochaine fois je penserai à me dévoiler un peu. Le jean et le t-shirt de la fille devant lui sont beaucoup moins affriolants.

REVIENS SUR TERRE MA VIEILLE OU IL N’Y AURA JAMAIS DE PROCHAINE FOIS !

L’entrée du bâtiment est juste derrière la scène improvisée à même le trottoir. Je la traverse en courant sous les yeux ébahis des musiciens et du public.Bizarre, je ne me souviens pas d’une folle en nuisette rouge qui a déboulé sur la scène. L’histoire change. C’est bon signe.

La porte de la maison est ouverte. Encore un coup de chance ! Elle débouche sur un long corridor embrumé, vraiment très très long ou alors c’est juste que je n’ai pas l’habitude de courir. Mauvaise condition physique. Au bout du couloir, un escalier en colimaçon interminable, des centaines de marches… monter, monter, ne pas regarder le vide sous mes pieds… ça commence à me faire peur, cette histoire. Je n’entends plus la musique comme si j’avais couru trop loin. C’est une maison ou un château hanté ? Enfin me voilà à l’étage. La dernière marche donne sur trois portes sans poignée. C’est une impasse ? Je me retourne pour redescendre mais il n’y a plus d’escalier, juste une autre porte entrouverte d’où s’échappe un air brûlant. Rien que de la regarder, je commence à transpirer. Mon cœur bat la chamade, plus par peur qu’à cause de ma course. J’ai l’impression d’être dans un jeu vidéo et mon instinct de conservation me déconseille fortement d’entrer par là. Sauf que les autres portes sont bien fermées. Pas le choix. Je pousse doucement la seule entrée possible et jette un œil. Encore un long couloir aux murs rougeoyants et au bout, une lumière blanche, aveuglante.

J’avance, tremblante, les jambes flageolantes. Dans mes oreilles, à demie couverte par les battements de mon cœur, une voix ricane :

« Tu veux sauver un type qui s’est tatoué un pentacle sur la fesse ? »

Ha bon ? Il a un tatouage sur la fesse ?

« Un type qui joue “Highway to Hell” comme un ange de l’Enfer ? «  Comme un dieu, oui !

« Un type qui voulait chevaucher la lumière ? »

Heu… je commence à te voir venir là…

« Tu voulais qu’il te remarque. Ce soir, il t’a vue autrement »

Ça, en effet…

« Mais il t’avait déjà remarquée. »

Ah bon ?

« Lui aussi m’a vendu son âme. Son souhait était que je le débarrasse d’une folle qui le poursuit depuis des années »

Moi ??? Mais je ne fais que le regarder !

« Et l’aimer contre sa volonté »

Heu…

« Violer son âme chaque fois que tu croises son regard »

C’est un peu exagéré, non ?

Mes jambes avancent toutes seules vers la lumière blanche. Je voudrais faire demi-tour ou me réveiller. Derrière moi, les murs rougeoyants se resserrent. Je sens la sueur couler sur tout mon corps, je fonds littéralement.

« Tu voulais être près de lui pour toujours »

J’avoue, mais…

« Ce soir, vous allez être réunis »

Cette lumière blanche, c’est le soleil qui descend à l’horizon, derrière la baie vitrée du balcon. Je me sens couler, liquéfiée et précipitée avec violence vers la rambarde.

« Bienvenus chez moi, dans votre Enfer ! Vous êtes mes choses maintenant »