4
18 TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 237 - AVRIL 2017 ÉLEVAGE : DES DÉBATS DE SOCIÉTÉ D D ans un contexte de contestation grandissante des modes d’éle- vage, les partenaires du pro- jet ACCEPT (cf. encadré) ont analysé les controverses sur l’élevage en France. On peut les classer en quatre registres (1) : impacts environnementaux, bien-être animal, risques sanitaires, modèle d’éle- vage. A titre de comparaison, la situa- tion dans cinq grands pays produc- teurs du Nord (Allemagne, Danemark et Pays-Bas) et du Sud (Espagne et Ita- lie) de l’Union Européenne a ensuite été étudiée. L’analyse de la littérature a été complétée par une trentaine d’entre- tiens en Allemagne, au Danemark et en Italie, auprès d’acteurs de l’élevage, de la recherche et des associations. LES DÉBATS SUR L’ÉLEVAGE Des sujets communs de débat Les sujets de débat se révèlent assez communs entre pays. Ceci s’explique par des évolutions semblables des pro- ductions animales (croissance, concen- tration) et par le lobbying collectif qu’exercent les associations militantes de chaque pays à l’échelle européenne. Mais la virulence des débats varie entre pays. Ils sont très vifs dans le Nord de l’Europe, sur presque tous les sujets. Ils le sont beaucoup moins dans les pays du Sud, en particulier en Espagne. La France se situe dans une position inter- médiaire. Porcs et volailles sont partout les premières cibles des critiques, en lien avec leur mode d’élevage (confinement, densité, nombre d’animaux). Des débats vifs dans les pays du Nord Aux Pays-Bas, les débats concernant l’élevage portent sur ses impacts sur l’environnement, problématique la plus ancienne (cf. figure 1), en lien avec une den- sité animale historiquement très forte ; le bien-être animal, question deve- nue centrale ; la santé publique (antibio- résistance, épizooties et zoonoses) ; et le modèle d’élevage (taille des troupeaux et accès au pâturage). Au Danemark, le trio de tête des controverses sur l’éle- vage est aujourd’hui l’antibiorésistance, le bien-être animal et les impacts envi- ronnementaux. L’Allemagne constitue un cas d’école. Après une décennie de croissance très dynamique des produc- tions animales, leur acceptation sociale s’est effondrée depuis le début des an- nées 2010. Les débats sont vifs sur tous les sujets (cf. figure 2). Très peu de débats en Espagne En Italie, la sécurité sanitaire et la qua- lité des produits sont le point d’entrée des controverses sur l’élevage. L’effet de la consommation de viande sur la santé s’exprime aussi, avec une demande pour des systèmes plus en phase avec la na- ture et une consommation locale que tra- duit le phénomène Slow Food (2). Moins virulents que dans le Nord de l’Europe, les débats sur le bien-être animal et l’en- vironnement augmentent. En Espagne, les débats sont beaucoup moins impor- tants, voire quasi-inexistants. LES ORIENTATIONS DONNÉES PAR LES PRINCIPAUX ACTEURS DES DÉBATS Les choix réglementaires Dans un marché commun, les régle- mentations sont fixées à l’échelle euro- péenne pour éviter les distorsions de concurrence. En Espagne et en Italie, où l’agriculture ne constitue pas, ou très Impacts environnementaux, bien-être animal, risques sanitaires, les controverses sur l’élevage sont multiples. Elles traduisent une remise en cause du modèle d’élevage dominant, jugé « intensif » et « industriel ». Les débats diffèrent-ils entre pays ? Quelles solutions sont mises en œuvre pour rapprocher l’élevage des attentes de la société ? Quelles conséquences pourraient avoir ces controverses sur l’évolution des modes d’élevage et la segmentation des marchés ? (1) Delanoue E., Roguet C., 2015. Acceptabilité sociale de l’élevage : recensement et analyse des principales controverses à partir des re- gards croisés de différents acteurs. INRA Prod. Anim., 2015, 28(1), 39-50. (2) Le mouvement Slow Food, né en 1989 dans la région du Piémont en opposition au « fast food », promeut un élevage responsable pour l’environnement, des produits de qualité et une juste rémunération pour l’agriculteur. Il rassemble 100 000 membres issus de 160 pays (www.slowfood.fr). LES DÉBATS SUR L’ÉLEVAGE SONT PLUS VIRULENTS DANS LE NORD DE L’EUROPE QUE DANS LE SUD. IFIP-institut du porc

DES DÉBATS DE SOCIÉTÉ DANS L ... - pardessuslahaie.net · Il porte principalement sur la France mais une de ses actions est consacrée à l’étude du regard de la société sur

Embed Size (px)

Citation preview

18 TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 237 - AVRIL 2017

ÉLEVAGE : DES DÉBATS DE SOCIÉTÉ DANS L’UNION EUROPÉENNE

Dans un contexte de contestation grandissante des modes d’éle-vage, les partenaires du pro-

jet ACCEPT (cf. encadré) ont analysé les controverses sur l’élevage en France. On peut les classer en quatre registres (1) : impacts environnementaux, bien-être animal, risques sanitaires, modèle d’éle-vage. A titre de comparaison, la situa-tion dans cinq grands pays produc-teurs du Nord (Allemagne, Danemark et Pays-Bas) et du Sud (Espagne et Ita-lie) de l’Union Européenne a ensuite été étudiée. L’analyse de la littérature a été complétée par une trentaine d’entre-tiens en Allemagne, au Danemark et en Italie, auprès d’acteurs de l’élevage, de la recherche et des associations.

■■ LES DÉBATS SUR L’ÉLEVAGEDes sujets communs de débatLes sujets de débat se révèlent assez communs entre pays. Ceci s’explique par des évolutions semblables des pro-ductions animales (croissance, concen-tration) et par le lobbying collectif qu’exercent les associations militantes de chaque pays à l’échelle européenne. Mais la virulence des débats varie entre pays. Ils sont très vifs dans le Nord de l’Europe, sur presque tous les sujets. Ils le sont beaucoup moins dans les pays du Sud, en particulier en Espagne. La France se situe dans une position inter-médiaire. Porcs et volailles sont partout les premières cibles des critiques, en lien avec leur mode d’élevage (confinement, densité, nombre d’animaux).

Des débats vifs dans les pays du Nord

Aux Pays-Bas, les débats concernant

l’élevage portent sur ses impacts sur l’environnement,

problématique la plus ancienne (cf. figure 1), en lien avec une den-

sité animale historiquement très forte ; le bien-être animal, question deve-nue centrale ; la santé publique (antibio-résistance, épizooties et zoonoses) ; et le modèle d’élevage (taille des troupeaux et accès au pâturage). Au Danemark, le

trio de tête des controverses sur l’éle-vage est aujourd’hui l’antibiorésistance, le bien-être animal et les impacts envi-ronnementaux. L’Allemagne constitue un cas d’école. Après une décennie de croissance très dynamique des produc-tions animales, leur acceptation sociale s’est effondrée depuis le début des an-nées 2010. Les débats sont vifs sur tous les sujets (cf. figure 2).

Très peu de débats en EspagneEn Italie, la sécurité sanitaire et la qua-lité des produits sont le point d’entrée des controverses sur l’élevage. L’effet de la consommation de viande sur la santé s’exprime aussi, avec une demande pour des systèmes plus en phase avec la na-ture et une consommation locale que tra-duit le phénomène Slow Food (2). Moins virulents que dans le Nord de l’Europe, les débats sur le bien-être animal et l’en-vironnement augmentent. En Espagne, les débats sont beaucoup moins impor-tants, voire quasi-inexistants.

■■ LES ORIENTATIONS DONNÉES PAR LES PRINCIPAUX ACTEURS DES DÉBATSLes choix réglementairesDans un marché commun, les régle-mentations sont fixées à l’échelle euro-péenne pour éviter les distorsions de concurrence. En Espagne et en Italie, où l’agriculture ne constitue pas, ou très

Impacts environnementaux, bien-être animal, risques sanitaires, les controverses sur l’élevage sont multiples. Elles traduisent une remise en cause du modèle d’élevage dominant, jugé « intensif » et « industriel ». Les débats diffèrent-ils entre pays ? Quelles solutions sont mises en œuvre pour rapprocher l’élevage des attentes de la société ? Quelles conséquences pourraient avoir ces controverses sur l’évolution des modes d’élevage et la segmentation des marchés ?

(1) Delanoue E., Roguet C., 2015. Acceptabilité sociale de l’élevage : recensement et analyse des principales controverses à partir des re-gards croisés de différents acteurs. INRA Prod. Anim., 2015, 28(1), 39-50.(2) Le mouvement Slow Food, né en 1989 dans la région du Piémont en opposition au « fast food », promeut un élevage responsable pour l’environnement, des produits de qualité et une juste rémunération pour l’agriculteur. Il rassemble 100 000 membres issus de 160 pays (www.slowfood.fr).

LES DÉBATS SUR L’ÉLEVAGE SONT PLUS VIRULENTSDANS LE NORD DE L’EUROPE QUE DANS LE SUD.

IFIP-institut du porc

Controverses

19TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 237 - AVRIL 2017

ÉLEVAGE : DES DÉBATS DE SOCIÉTÉ DANS L’UNION EUROPÉENNEpeu, un sujet politique, le cadre régle-mentaire national se limite à l’applica-tion de ces textes européens. A contra-rio, au vu de leurs spécificités (sensibilité, marchés), certains pays du Nord de l’UE imposent des normes plus strictes. Mais devant les surcoûts associés, certains renoncent finalement à cette voie, pré-

férant encourager l’initiative volontaire des filières pour faire évoluer les pra-tiques. En plus de ce rôle normatif, le gouvernement peut jouer une fonction de médiation entre les parties prenantes aux débats. En Allemagne par exemple, chaque nouveau ministre fédéral de l’agriculture rédige une charte, à partir

de consultations avec les associations, les filières, la recherche et les gouverne-ments des Länder. Celle de 2012 avait deux priorités : la recherche de solutions pour arrêter les mutilations et l’étique-tage des viandes selon le mode d’éle-vage avec la création d’un label officiel. Celle de 2014 a fait de l’amélioration du bien-être des animaux d’élevage, porcs et volailles en particulier, une priorité. Le gouvernement encourage la « démarche volontaire obligatoire » : si les filières ne prennent pas d’initiatives, de nouvelles règlementations s’imposeront.

Les labels des associationsDans chacun des trois pays du Nord de l’Europe étudiés, à côté des labels biolo-giques, la principale association de pro-tection animale du pays (3) a créé, en col-laboration avec les filières et les pouvoirs publics, un label pour différencier les produits animaux selon les modes d’éle-vage qu’elle soutient (cf. tableau ci-des-sous). Les premiers labels « bien-être » (Neuland en Allemagne ou Anbefalet af Dyrenes Beskyttelse au Danemark)

Impactsenvironnementaux

Bien-êtreanimal

Santépublique

Modèled’élevage

Ethiqueanimale

1980 1990 2000 2010

FIGURE 1. FRISE D’APPARITION DES CONTROVERSES SUR L’ÉLEVAGE

(3) Dierensbescherming aux Pays-Bas, fondée en 1864, Deutscher Tierschutzbund en Alle-magne, fondée en 1881, et Dyrenesbeskyttelse au Danemark, foncée en 1875

Mode et taille d’élevage,en lien avec le bien-être animal

et l’usage d’antibiotiques

Alimentation animale,en lien avec

l’accaparement de foncier, les importations

de soja et les OGM

Concentration spatiale,en lien avec les impacts

environnementaux

Durabilité et équité sociales :

conditions d’emploi en abattoir,

conflits locaux

Exportations,accusées de perturber les marchés

des pays en développement

Risques pour la santé humaine,de l’élevage (antibiorésistance)

et de la consommation de viande

FIGURE 2. DÉBATS SUR L’ÉLEVAGE EN ALLEMAGNE

LABELS « BIEN-ÊTRE » DES ONG DE PROTECTION ANIMALEPays Pays-Bas Danemark Allemagne

Logo

Nombre de niveaux

33 = bio

1Bio

33 = bio

1Bio

22 = Neuland

Année de lancement 2007 1992 2016 1988 2013

Produits concernés

ViandePorc, poulet, bovin

Œufs

ViandeVolaille, porc, bovin,

pouton, agneau

Œufs

ViandePorc d'abord

puis autres produits

ViandeVolaille, porc, bovin,

mouton, agneau

Œufs

ViandePorc, volaille

20 TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 237 - AVRIL 2017

avait un seul niveau et étaient associés au label biologique. Les labels « bien-être » créés ces dernières années ont deux caractéristiques communes. Tout d’abord, ils sont conçus pour répondre aux attentes des citoyens qui se résu-ment, concernant le bien-être animal, en quelques principes : tailles d’élevage limitées, faibles densités, liberté de mou-vement, matériaux manipulables, zones différenciées dans les bâtiments, accès à l’air libre, arrêt des mutilations. Ensuite, ces labels proposent un gradient d’exi-gences symbolisé par des étoiles ou des cœurs (1, 2 ou 3). Ce système a deux intérêts : permettre une démarche de progrès, et une parti-cipation importante, au moins au niveau d’entrée, des éleveurs et des consomma-teurs du fait d’un rehaussement assez limité des contraintes et donc du prix de vente (+10 à 15 %). Le label Beter Leven (vie meilleure) aux Pays-Bas a été précurseur en 2007, suivi par Für Mehr Tierschutz (pour plus de protection animale) en Allemagne en 2013 et par Bedre Dyrevelfaerd (pour plus de bien-être animal) au Danemark depuis 2016. Les cahiers des charges sont consul-tables sur internet. L’Italie et l’Espagne ne disposent pas de tels labels. En Italie, la principale asso-ciation active sur le bien-être animal est

l’ONG internationale CIWF (4). Pour amé-liorer les conditions de vie du plus grand nombre d’animaux, sa stratégie est de travailler avec les leaders de l’agroali-mentaire à qui elle décerne des trophées.

Les labels des filières L’évolution des modes et pratiques d’éle-vage a un coût. Les démarches volon-taires des filières et des distributeurs visent à répondre aux attentes des consommateurs en couvrant ce coût par un prix plus élevé. Deux stratégies ont été mises en œuvre : ■■ étiqueter les produits pour permettre

aux consommateurs, qui le veulent et le peuvent, de choisir des produits plus en phase avec leurs convictions, ■■ prélever une cotisation sur tous les ki-

los de viande vendus pour alimenter un fonds servant à couvrir les surcoûts des éleveurs qui investissent dans plus de bien-être animal.Cette seconde stratégie est mise en œuvre dans l’Initiative Tierwohl (initia-

tive bien-être animal) des filières avi-coles et porcines allemandes, lancée en 2015 et associant producteurs, abatteurs et distributeurs. Les éleveurs volontaires choisissent dans une liste des points à améliorer parmi lesquels, en porc, obli-gatoirement plus de surface par animal ou un accès permanent à de la paille. Leurs surcoûts sont compensés par des bonus versés par un fonds alimenté par les distributeurs partenaires (cf. figure 3). Dans les supermarchés ou les restau-rants, les produits des élevages partici-pant à l’initiative ne se démarquent pas des autres. Il n’y a ni étiquetage ni dif-férence de prix. En 2016, cette initiative concerne un tiers de la production alle-mande de poulet de chair, 24 % de celle de dindes et 8 % de celle de porcs.

■■ LES MARQUES DES DISTRIBUTEURSPour répondre à la demande de leurs clients, à la pression des ONG et pour se différencier de leurs concurrents, les

(DIST

RIB

UTEURS, RHF)

COM

MER

CES ALIM

ENTAIRE

Paiela cotisation

bien-être

0,04 € / kg viande fraîche et transformée

FONDS BIEN-ÊTRE

Paiele bonus bien-être

Poulet : 2 ct € / kg vif Dinde : 3,25 ct € / kg vifPorc : 3 à 9 ct € / tête

Contrôle le respect

des mesuresde bien-êtreO

RGAN

ISM

ES D

E CERTIFICATION

FIGURE 3. INITIATIVE TIERWOHL : MÉCANISME FINANCIER

Source : http://initiative-tierwohl.de

LE PROJET ACCEPTLe projet de recherche ACCEPT (Acceptabilité des élevages par la société en France), lauréat en 2014 de l’appel à projets Innovation et Partenariat du CASDAR, analyse les controverses et mobilisations collectives autour des élevages. Piloté par l’IFIP-Institut du Porc, il réunit les partenaires suivants : Itavi, Idele, Université Rennes 2, Agrocampus, Inra, Chambre régionale d’agriculture de Bretagne, Trame, UGPVB (Union des Groupements de Producteurs de Viande de Bretagne), LEGTA Brioude et Le Rheu. Il porte principalement sur la France mais une de ses actions est consacrée à l’étude du regard de la société sur l’élevage dans d’autres pays.

Controverses

21TRAVAUX & INNOVATIONS NUMÉRO 237 - AVRIL 2017

distributeurs créent aussi leurs propres marques alliant bien-être animal et qua-lité gustative (viande plus persillée). L’exemple du poulet aux Pays-Bas est instructif. La campagne médiatique de l’ONG Wakker Dier contre le « Pflopkip » (le poulet qui ne tient plus sur ses pattes) en 2012 a conduit la filière avicole et les distributeurs néerlandais à arrêter sa commercialisation en 2016 sur le mar-ché domestique frais (un tiers de la production nationale) au seul profit du « poulet de demain » (Kip van Morgen). Ce dernier respecte des obligations pour le bien-être animal (souches à crois-sance ralentie, densité réduite, milieu de vie enrichi) et l’environnement (soja durable, réduction des émissions d’am-moniac, sources d’énergie durable). Ces exigences sont cependant nettement inférieures à celles du niveau d’entrée de Beter Leven. Malgré quelques inquiétudes, la filière avicole néerlandaise voit dans le « pou-let de demain » un moyen de protéger le marché domestique contre les impor-tations, d’exporter davantage vers le Royaume-Uni, sensible à la question du bien-être animal, et de favoriser le recru-tement de nouveaux éleveurs en amé-liorant l’image de la production.

■■ VERS UN ÉTIQUETAGE DES VIANDES ?Les risques pour la santé humaine et les conditions de vie des animaux en éle-vage sont aujourd’hui au cœur des pré-occupations sociétales sur l’élevage dans les pays du Nord de l’Europe. La mon-

tée de la contestation, les orientations de la recherche et des pouvoirs publics, et les initiatives de filière, conduisent à des changements de pratiques d’éle-vage, tout en gardant le souci de la com-pétitivité des filières. Ces initiatives, au-jourd’hui volontaires, préparent les pays qui les mettent en œuvre à l’éventualité d’un étiquetage obligatoire des viandes, à l’échelle européenne, selon le mode de production. Dans le cas des œufs, l’éti-quetage obligatoire a conduit à un recul de l’élevage en cages dans l’UE, de 80 % à 56 % des pondeuses entre 2003 et 2015.

■■ L’IMPACT SUR LA SEGMENTATION DU MARCHÉEn termes de consommation, l’attache-ment à la qualité organoleptique et à l’origine géographique des produits ali-mentaires expliquent le succès des AOP en Italie. Dans ce cas, les surcoûts induits par un élevage plus extensif sont cou-verts par une meilleure valorisation per-mise par la qualité organoleptique supé-rieure du produit. En revanche, les produits biologiques, plébiscités par les ONG, ont partout des parts de marché très limitées, en rai-son de leur prix. De même, les labels les plus exigeants sur le bien-être animal conduisent à des coûts de production et des prix de vente élevés, qui les can-tonnent à un marché de niche. Cette si-tuation a conduit les distributeurs et les acteurs des filières du Nord de l’Europe à développer des produits étiquetés se-lon le mode d’élevage, à des prix plus accessibles.

Leur stratégie est celle des « petits pas sur de grands volumes ». Leurs cahiers des charges conduisent à faire évoluer les pratiques d’élevage pour une part significative de la production. Les pays qui s’engagent sur la voie de la différen-ciation des produits animaux, selon le mode de production, espèrent en tirer à terme un avantage concurrentiel, en verrouillant leur marché intérieur d’une part, et en imposant leurs contraintes aux autres Etats membres d’autre part.A l’avenir, en attendant une éventuelle obligation européenne d’étiqueter les viandes selon le mode de production, il est probable que ces initiatives privées, qui se développent en dehors de tout cadre réglementaire, concerneront des volumes significatifs du marché intérieur communautaire. En s’adressant directement aux consom-mateurs, elles joueront un rôle proba-blement déterminant dans l’évolution des modes d’élevage et des segmenta-tions de marché.

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet de recherche ACCEPT. ■

Christine Roguet Ifip-institut du porc

[email protected]él. : 02.99.60.93.64

Source : Roguet C., Neumeister D., Magde-laine P., Dockès A.-C., 2016. Les débats de so-ciété sur l’élevage en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas : analyse, confrontation avec le Sud de l’UE et enseignements. Notes et études socio-économiques, n°40, 65-91.

(4) Compassion In Word Farming - www.ciwf.fr

IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX, BIEN-ÊTRE ANIMAL, SANTÉ PUBLIQUE…, LES SUJETS DE DÉBATS AUTOUR DE L’ÉLEVAGE SE RÉVÈLENT ASSEZ COMMUNS ENTRE PAYS.

IFIP

-inst

itut d

u po

rc