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EXPOS ´ E Des nombres premiers `a la conjecture de Riemann par Jean Mawhin Membre de la Classe 1 Introduction Cet expos´ e n’est pas destin´ e aux sp´ ecialistes de th´ eorie des nombres. Il n’ap- prendra pas grand chose au math´ ematicien cultiv´ e. Le but est de d´ ecrire pour un lecteur assidu, sans trop de d´ etails techniques, la longue route qui conduit d’un concept simple, le nombre premier, au probl` eme ouvert le plus important (probablement) des math´ ematiques d’aujourd’hui, l’hypoth` ese ou conjecture de Riemann. En parcourant ce chemin, nous chercherons ` a lever le voile qui entoure encore, eme chez des chercheurs dans d’autres disciplines scientifiques, le fonction- nement et le concept mˆ eme de recherche en math´ ematiques. On y retrouvera, comme ailleurs, une phase exploratoire, et mˆ eme exp´ erimentale, suivie d’une phase de rigorisation et de d´ emonstration. En se penchant sur les nombres premiers, on verra par des exemples qu’il subsiste un grand nombre de conjectures simples ` enoncer, qui attendent en- core d’ˆ etre prouv´ ees ou d’ˆ etre infirm´ ees. On constatera aussi que les plus grands math´ ematiciens se sont tromp´ es, ou ont cru en des preuves bien peu convain- cantes. Le tout pour le plus grand progr` es des math´ ematiques, qui sont peut- ˆ etre, apr` es tout, la plus humaine des sciences. 2 Les atomes de l’arithm´ etique D` es l’´ ecole primaire, l’enfant est confront´ e aux nombres entiers naturels : 1, 2, 3, 4,..., 2006,... et ` a leur calcul, en commen¸ cant par l’addition : 1+1=2, 1+2=2+1=3, .... Il a fallu inventer le z´ ero pour avoir un ´ el´ ement neutre pour l’addition 0+3=3+0=3 1

Des Nombres Premiers a La Conjecture de Riemann - Par Jean Mawhin

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EXPOSE

Des nombres premiers a la conjecture de Riemann

par Jean Mawhin

Membre de la Classe

1 Introduction

Cet expose n’est pas destine aux specialistes de theorie des nombres. Il n’ap-prendra pas grand chose au mathematicien cultive. Le but est de decrire pourun lecteur assidu, sans trop de details techniques, la longue route qui conduitd’un concept simple, le nombre premier, au probleme ouvert le plus important(probablement) des mathematiques d’aujourd’hui, l’hypothese ou conjecture deRiemann.

En parcourant ce chemin, nous chercherons a lever le voile qui entoure encore,meme chez des chercheurs dans d’autres disciplines scientifiques, le fonction-nement et le concept meme de recherche en mathematiques. On y retrouvera,comme ailleurs, une phase exploratoire, et meme experimentale, suivie d’unephase de rigorisation et de demonstration.

En se penchant sur les nombres premiers, on verra par des exemples qu’ilsubsiste un grand nombre de conjectures simples a enoncer, qui attendent en-core d’etre prouvees ou d’etre infirmees. On constatera aussi que les plus grandsmathematiciens se sont trompes, ou ont cru en des preuves bien peu convain-cantes. Le tout pour le plus grand progres des mathematiques, qui sont peut-etre, apres tout, la plus humaine des sciences.

2 Les atomes de l’arithmetique

Des l’ecole primaire, l’enfant est confronte aux nombres entiers naturels :

1, 2, 3, 4, . . . , 2006, . . .

et a leur calcul, en commencant par l’addition :

1 + 1 = 2, 1 + 2 = 2 + 1 = 3, . . . .

Il a fallu inventer le zero pour avoir un element neutre pour l’addition

0 + 3 = 3 + 0 = 3

1

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c’est-a-dire, dans un langage moins savant, pour obtenir un nombre qui ne serta rien dans une somme.

Pour eviter certaines additions fastidieuses, on introduit la multiplication :

3 × 6 = 6 + 6 + 6 = 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 = 6 × 3.

1 est l’element neutre pour la multiplication

1 × 4 = 4 × 1 = 4.

Puisque

2 = 1 + 1, 3 = 1 + 1 + 1, . . . , n = 1 + 1 + . . . + 1 (n fois),

tout entier positif peut s’obtenir par additions successives a partir du seul “ato-me” 1. La “chimie” de l’addition est particulierement simple.

Pour la multiplication, en negligeant celle par 1 qui ne sert a rien, on trouve

1 = 1 2 = 2 3 = 34 = 2 × 2 5 = 5 6 = 2 × 37 = 7 8 = 2 × 2 × 2 9 = 3 × 310 = 2 × 5 11 = 11 12 = 2 × 2 × 313 = 13 14 = 2 × 7 15 = 3 × 516 = 2 × 2 × 2 × 2 17 = 17 18 = 2 × 3 × 319 = 19 20 = 2 × 2 × 5 21 = 3 × 7

La situation semble plus compliquee et l’experience revele deux types d’entiers:ceux qui ne peuvent pas s’ecrire comme produit de deux entiers plus petits,et ceux qui le peuvent. Ces derniers s’ecrivent comme produits de nombresde la premiere categorie. Les nombres de la premiere categorie constituent les“atomes” pour la multiplication. On les appelle des nombres premiers. Plusprecisement, un nombre premier est un entier positif superieur a 1 qui ne peutpas s’ecrire comme produit de deux entiers plus petits. Il n’est donc divisible paraucun entier (autre que 1) plus petit que lui. Les nombres premiers inferieurs a100 sont :

2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 59, 61, 67, 71, 73,

79, 83, 89, 97.

Comme on le voit, la definition exclut 1 (inutile comme atome multiplicatif) :le premier nombre n’est pas premier !

3 Des jumeaux et des couples mysterieux

Il est evident que 2 est le seul nombre premier pair. En consequence, (2, 3) est leseul couple de nombres premiers dont la difference vaut un. L’examen de la liste

2

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ci-dessus montre qu’il existe des paires de nombres premiers dont la differenceest deux :

(3, 5), (5, 7), (11, 13), (17, 19), (29, 31), (41, 43), (59, 61), (71, 73), . . .

On les appelle des nombres premiers jumeaux et on ne sait toujours pas s’il yen a une infinite.

D’autre part,

4 = 2+2, 6 = 3+3, 8 = 3+5, 10 = 5+5, 12 = 5+7, 14 = 7+7, 16 = 5+11,

18 = 7 + 11, 20 = 7 + 13, . . . ,

mais on ne sait toujours pas si tout nombre pair superieur a 2 est la sommede deux nombres premiers, une question posee en 1742 par le diplomate ma-thematicien allemand Christian von Goldbach (1690-1764) dans une lettreau mathematicien suisse Leonhard Euler (1707-1783), dont nous reparleronssouvent. L’enonce, qui n’est ni infirme ni demontre a ce jour, s’appelle la con-jecture de Goldbach.

4 Euclide fait aussi de l’arithmetique

Chacun reconnaıt en Euclide (vers 300 avant J.C.) le legislateur de la geome-trie, au point qu’une geometrie est euclidienne ou non-euclidienne. Ses Elementssont restes tres longtemps le modele inegale pour enseigner cette discipline, etleur celebrite n’est disputee que par la Bible et Tintin.

On sait moins peut-etre que ces Elements traitent aussi d’arithmetique. Ontrouve ainsi, dans le Livre VII, trois theoremes fondamentaux sur les nombrespremiers :

1. Si le nombre premier p divise le produit a×b, il divise a ou b (par exemple,3 divise 42 = 6 × 7 et divise 6).

2. Chaque entier se decompose de maniere unique, a l’ordre des facteurs pres,en un produit de nombres premiers (par exemple, 2006 = 2 × 17 × 59).

3. Il existe des nombres premiers arbitrairement grands.

Aucun mathematicien ne peut resister a l’envie de repeter la preuve d’Euclidede la troisieme assertion montrant, par l’absurde, qu’il n’existe pas de plusgrand nombre premier. Ce sera la seule demonstration donnee dans cet article.Supposons que ce plus grand nombre premier existe et appelons-le n; alorsl’entier N = (2 × 3 × . . . × n) + 1 n’est divisible ni par 2, ni par 3, . . ., ni parn, puisque la division donne toujours le reste 1. L’ecriture de N comme produitde nombre premiers doit donc contenir un nombre premier plus grand que n, cequi contredit la definition de n.

3

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5 L’insolence des nombres premiers

La preuve d’Euclide montre l’existence de nombres premiers arbitrairementgrands, sans en exhiber un seul. Malgre l’aide des ordinateurs et plus de deuxmillenaires de progres mathematique, il n’est pas aussi simple que l’on pensede donner des exemples concrets de nombres premiers tres grands. La difficultedu probleme provient de l’absence de formules simples qui donneraient tous lesnombres premiers, ou au moins ne donneraient que des nombres premiers.

Au XVIIe siecle, un ami des sciences, le pere minime francais Marin Mer-senne (1588-1648) affirma que les nombres (dits de Mersenne) 2p − 1 sontpremiers lorsque p est premier. Malheureusement, il se trompait car 211 − 1 =2047 = 23 × 89. Ironie du destin, on notera que le plus grand nombre premierexplicitement connu aujourd’hui est le nombre de Mersenne 230402457 − 1; ilcontient 9.152.052 chiffres !

A la meme epoque, le celebre magistrat toulousain Pierre de Fermat(1601-1665) conjectura que tous les nombres de la forme 22n

+1 (n = 1, 2, 3, . . .)sont premiers. Il se trompait, mais il fallu attendre un siecle et la sagacited’Euler pour remarquer en 1732 que 225

+ 1 = 641 × 6.700.417 n’est paspremier !

On verifie sans trop de peine que, pour 1 ≤ n ≤ 40, n2 −n + 41 est premier,et pour 1 ≤ n ≤ 78, n2 − 79n + 1601 est premier. Mais on a montre qu’aucuneexpression du second degre en n ne peut etre premiere quel que soit n. Signalonsque Marcel Pagnol, un amateur de theorie des nombres mieux inspire dansd’autres domaines, a pretendu que n + (n + 2) + n(n + 2) est premier pourtout n impair. Malheureusement (pour Pagnol), lorsque n = 55, on trouve3.247 = 17 × 91 !

On voit qu’au cours des siecles, les nombres premiers n’ont pas hesite a defierdes religieux, des magistrats et des hommes de lettres !

6 Le compteur de nombres premiers

Nous savons qu’il existe des nombres premiers arbitrairement grands. Se posealors la question de leur repartition parmi les nombres entiers : se rarefient-ilsou non, leur distribution est-elle reguliere ou “aleatoire” ? L’outil indispensablepour tenter de repondre a ces questions est la fonction qui “compte” les nombrespremiers.

Pour chaque nombre reel x, designons par π(x) le nombre de nombres pre-miers inferieurs ou egaux a x. Ainsi

π(x) = 0 si 0 ≤ x < 2 π(x) = 1 si 2 ≤ x < 3π(x) = 2 si 3 ≤ x < 5 π(x) = 3 si 5 ≤ x < 7π(x) = 4 si 7 ≤ x < 11 π(x) = 5 si 11 ≤ x < 13

Pour l’anecdote, il existe des formules explicites compliquees pour π(m),

4

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lorsque m est entier, par exemple :

π(m) =m

k=2

[

(2 × 3 × · · · × (k − 1)) + 1

k−

[

2 × 3 × . . . × (k − 1)

k

]]

,

ou [y] designe la partie entiere du nombre reel y (la partie du nombre avant lavirgule). Empressons-nous de les oublier, car elles ne nous enseignent rien surl’allure et les proprietes de la fonction π(x).

Un premier examen du graphique de π(x) ne revele aucune regularite dansl’allure de cette fonction en escalier. Si la hauteur de chaque marche est egalea un, la profondeur des marches paraıt defier toute regle. On semble force desuivre l’avis d’Euler lorsqu’il affirme, en 1751 :

Certains mysteres echapperont toujours a l’esprit humain. Il suffitde jeter un coup d’oeil au tableau des nombres premiers, et l’on verraqu’il n’y regne ni ordre, ni regles.

Heureusement, meme les plus grands mathematiciens peuvent etre mauvaisprophetes, et la verite sort souvent de la bouche des enfants.

7 Des amusements de Gauss

Au debut des annes 1790, le jeune prodige allemand Carl Friedrich Gauss(1777-1855) trouve son bonheur dans la lecture de tables mathematiques queson protecteur, le duc Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick, luia offertes. Gauss ecrit (sans crainte d’etre souvent contredit)

Vous n’avez aucune idee de la poesie que recele une table de loga-rithmes,

et scrute attentivement une table de nombres premiers. Il observe (ce qui est loind’etre banal) qu’aux environs de l’entier m la proportion de nombres premiersest voisine de 1

lnmlorsque m est suffisamment grand.

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Lorsque j’etais adolescent, en 1792 ou 1793, [...] j’ai trouve que ladensite des nombres premiers autour de t est 1/ ln t, si bien que lenombre de nombres premiers inferieurs a un x donne est approxi-mativement

∫ x

2 dt/ ln t.

Dans cette formule, le logarithme neperien de m lnm designe le logarithme enbase e = 2, 718281.... Pour les familiers du logarithme vulgaire (en base 10)Log x, on a la formule

lnx =Log x

Log e= (2, 302585092994...)× Log x.

Pour le mathematicien,

lnx =

∫ x

1

ds

s.

En d’autres termes, lnx mesure l’aire du quadrilatere curviligne represente surla figure ci-dessous.

En particulier,ln 1 = 0, ln e = 1, ln ex = elnx = x.

L’observation de Gauss entraıne que π(x), pour x grand, doit etre approx-imativement egal a

∫ x

2dsln s

, ce qui conduit a introduire la fonction logarithmeintegral Li x definie par

Li x =

∫ x

2

ds

ln s.

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Pour x grand, Li x ∼ xlnx

au sens suivant : le rapport des deux quantitess’approche indefiniment de 1 lorsque x augmente indefiniment (utiliser la reglede l’Hospital).

8 Les tables de la loi

La comparaison entre π(x), Li x et x/ lnx donne les resultats suivants :

x π(x) Li x x/ lnx

10 4 6 4102 25 30 22103 168 178 145104 1.229 1.246 1.086105 9.592 9.630 8.686106 78.498 78.628 72.382107 664.579 664.918 620.421108 5.761.455 5.762.209 5.428.711109 50.847.534 50.849.237 48.254.9421010 455.052.511 455.055.615 434.594.4811011 4.118.054.813 4.118.066.401 3.928.131.6531012 37.607.912.018 37.607.950.281 36.191.205.825

Elle conduit Gauss a conjecturer en 1792 que π(x)Li x

se rapproche indefinimentde 1 lorsque x devient arbitrairement grand, c’est-a-dire

limx→∞

π(x)

Li x= 1. (1)

En vertu de la discussion precedente, la conjecture de Gauss est equivalente a

limx→∞

π(x)

(x/ lnx)= 1, (2)

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et il va falloir plus de cent ans pour la prouver.Comme ce fut souvent le cas, Gauss n’a pas daigne publier ses resultats,

se contentant de les noter dans une des tables consultees, et de le decrire, dansles termes rappeles plus haut, quelque cinquante ans plus tard, dans une lettrede 1849 adressee a un ancien etudiant, l’astronome Johann Franz Encke!Entretemps, le mathematicien francais Adrien Marie Legendre (1752-1833)avait conjecture en 1798, independamment de Gauss, que

π(x) =x

lnx − A(x)

ou A(x) → 1, 08366 . . . lorsque x → ∞.

Gauss Legendre

9 Progresser en algebre

Quelques notions d’algebre et d’analyse elementaires sont necessaires pour nousconduire a l’idee de base de la preuve de la conjecture de Gauss.

Soit x un nombre reel et n un entier positif. Proposons-nous de calculer lasomme

S = 1 + x + x2 + x3 + . . . + xn−1 + xn

des n + 1 premiers termes en progression geometrique de raison x. Cela signifiesimplement que chaque terme de la somme est le produit du precedent par x.Si x = 1, S = n + 1. D’autre part,

x · S = x + x2 + x3 + x4 + . . . + xn + xn+1 = S − 1 + xn+1,

ou encore(1 − x) · S = 1 − xn+1,

ce qui donne, si x 6= 1,

S =1 − xn+1

1 − x=

1

1 − x−

xn+1

1 − x. (3)

Si −1 < x < 1, c’est-a-dire si |x| < 1, xn+1

1−xdevient arbitrairement petit

lorsque n grandit indefiniment. On fait tendre n vers l’infini et on ecrit

1 + x + x2 + . . . + xn + . . . =1

1 − x(|x| < 1). (4)

8

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Le premier membre est un exemple de “somme d’une infinite de termes” ou,plus precisement, de serie infinie. On l’appelle officiellement la serie geometri-que de raison x, et elle se faufile dans de nombreuses questions differentes demathematiques : les theories de la mesure et des fractals n’existeraient pas sanselle. Ainsi, lorsqu’apres un premier pas de longueur 1 metre, chaque pas estla moitie du precedent, on a parcouru, apres une infinite de pas (si on en a lecourage ou le temps) une distance de

1 +1

2+

1

22+ . . . =

1

1 − 12

= 2

metres. On reflechira au lien avec les celebres paradoxes de Zenon d’Elee.

10 Les produits infinis du travail en series

Les considerations precedentes nous conduisent a une formule surprenante, de-couverte en 1737 par Euler, qui relie les nombres premiers a une serie infinie,et constitue le chaınon indispensable de la preuve de la conjecture de Gauss.Rappelons que

1 + y + y2 + . . . + yn + . . . =1

1 − y(|y| < 1).

Si x > 1 est un nombre reel et p un nombre premier, alors 0 < 1px

< 1, et,

en prenant y = 12x

dans la formule precedente, on obtient

1 +1

2x+

1

22x+ . . . +

1

2nx+ . . . =

1

1 − 12x

.

En prenant y = 13x

, on obtient

1 +1

3x+

1

32x+ . . . +

1

3nx+ . . . =

1

1 − 13x

.

D’une maniere generale, en prenant y = 1px

, avec p premier, on obtient

1 +1

px+

1

p2x+ . . . +

1

pnx+ . . . =

1

1 − 1px

.

En multipliant membre a membre toutes ces egalites (a condition que cettemultiplication d’une infinite de facteurs ait un sens, ce qui se justifie, et qu’onapplique a nos sommes infinies les regles de l’addition usuelle, ce qui se justifieaussi), on trouve, en se souvenant de la decomposition unique de tout entier enfacteurs premiers,

1 +1

2x+

1

3x+ . . . +

1

nx+ . . . =

1(

1 − 12x

) (

1 − 13x

)

· · ·(

1 − 1px

)

· · ·. (5)

9

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Incidemment, la formule (5) pour x = 1 fournit une nouvelle preuve de l’in-finitude des nombres premiers. On sait en effet que la serie (dite harmonique)

1 +1

2+

1

3+ . . . +

1

n+ . . .

ne converge pas, ses sommes partielles 1 + 12 + 1

3 + . . . + 1n

pouvant depassertout nombre donne en prenant n suffisamment grand. Le membre de droite de(5), pour x = 1, consiste en un produit sur tous les nombres premiers. Si cesderniers etaient en nombre fini, ce produit serait lui-meme fini et ne pourraitetre egal au premier membre.

On peut a juste titre trouver cette preuve d’Euler nettement plus com-pliquee et alambiquee que celle d’Euclide. On va voir que sa technique conduita une connaissance de la structure de l’ensemble des nombres premiers nette-ment plus riche que l’approche euclidienne. C’est un exemple, parmi beaucoupd’autres, du potentiel de generalisation different que peuvent presenter diversespreuves d’un meme resultat.

11 Le Jean-Sebastien des series

Meme si on l’appelle aujourd’hui la serie de Riemann (les appellations mathe-matiques ne sont pas toujours controlees), la serie du membre de gauche de (5)fut l’un des sujets de predilection d’Euler, dont la virtuosite et la feconditemathematiques rappellent celles de Jean-Sebastien Bach en musique. Tousdeux etaient d’ailleurs tres religieux, peres de famille nombreuse, et moururentaveugles.

Euler a calcule la valeur de la serie de Riemann pour x entier pair; ainsi,pour x = 2,

1 +1

22+

1

32+ . . . =

π2

6,

et, pour x = 4,

1 +1

24+

1

34+ . . . =

π4

90.

On ne connaıt toujours pas de formules pour les autres valeurs de x, memeentieres, et la preuve du fait que, pour x = 3, on obtient un nombre irrationnel, avalu le Prix Catalan 1980 de notre Academie au mathematicien francais RogerApery (1916-1994). Il n’est pas trop difficile de prouver que la serie

1 +1

2x+

1

3x+ . . .

a une valeur finie si et seulement si x > 1. Nous nous contenterons ici d’une“preuve” en images :

10

Page 11: Des Nombres Premiers a La Conjecture de Riemann - Par Jean Mawhin

montrant que

1 +1

2x+

1

3x+ . . . +

1

nx≤ 1 +

∫ n

1

ds

sx=

x − n1−x

x − 1≤

x

x − 1

si x > 1 (par exemple 1 + 122 + 1

32 + . . . + 1n2 ≤ 2).

12 Complexifier pour y voir plus clair

On sait que les nombres reels mesurent la position d’un point sur une droitemunie d’une origine, et que la valeur absolue |x| du reel x est la distance dupoint a l’origine.

Les nombres complexes sont les couples (x, y) de nombres reels, que l’on ecritz = x + yi, et sur lesquels on calcule algebriquement en remplacant a la fin del’operation i2 par −1. Par exemple : (3 + 2i)(1 − 4i) = 3 − 12i + 2i − 8i2 =11−10i. On appelle x la partie reelle, notee ℜz, et y la partie imaginaire, noteeℑz, de z = x + yi. Les nombres complexes de la forme (x, 0) sont identifiesaux nombres reels. Les nombres complexes de la forme (0, y) sont appeles lesnombres imaginaires, quoiqu’ils soient aussi “reels” (pour le mathematicien)que les autres. Avec la relativite et la mecanique quantique, les physiciensne peuvent plus s’en passer, et les electriciens les utilisent tellement qu’ils ontdu remplacer la notation i des mathematiciens par j, pour eviter une facheuseconfusion avec le symbole de l’intensite du courant.

Pour ceux qui souhaitent voir l’imaginaire, il suffit de representer geometri-quement le nombre complexe z = x + yi comme point du plan d’abscisse x et

11

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d’ordonnee y (plan complexe). La distance√

x2 + y2 de z a l’origine 0 est lemodule de z et se note |z|. L’angle oriente positivement entre le demi-axe 0x etla demi-droite 0z est appele l’argument de z et note Arg z.

13 Complexes en series

La serie 1 + z + z2 + z3 + . . . garde un sens pour z complexe et l’on a encore

1 + z + z2 + z3 + . . . =1

1 − z(6)

lorsque |z| < 1. La serie

1 +1

2z+

1

3z+ . . .

garde un sens pour z complexe et a une valeur finie si et seulement si ℜz > 1.

Dans la formule (6), le membre de gauche est une fonction de z qui n’ade valeur que si |z| < 1, tandis que le membre de droite est une fonction dez qui a une valeur pour chaque z 6= 1, ces deux fonctions etant egales lorsque

12

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|z| < 1. On dit que la fonction 11−z

est un prolongement analytique de la fonction

1 + z + z2 + . . . + zn + . . . . Bien entendu, si |z| ≥ 1 la formule (6) n’est plusvalable; elle donnerait, par exemple, pour z = 2 l’egalite absurde

1 + 2 + 22 + . . . + 2n + . . . = −1 !

Euler Riemann

14 De l’importance des correspondants

En 1859, Bernhard Riemann (1826-1866), un jeune eleve de Gauss aussitimide que genial, a l’idee de rechercher un prolongement analytique de la seriequi porte aujourd’hui son nom, et definie par

1 +1

2z+

1

3z+ . . . +

1

nz+ . . .

pour z complexe tel ℜz > 1. Il consigne ses resultats dans un memoire presentea l’Academie de Berlin suite a sa nomination comme membre correspondant :

Je ne crois pouvoir mieux exprimer mes remercıments a l’Academiepour la distinction a laquelle elle m’a fait participer en m’admettantau nombre de ses Correspondants qu’en faisant immediatement us-age du privilege attache a ce titre pour lui communiquer une etudesur la frequence des nombres premiers. C’est un sujet qui, parl’interet que Gauss et Dirichlet lui ont voue pendant de longuesannees, ne me semble peut-etre pas indigne de faire l’objet d’unetelle Communication.

En un tour de force mathematique, Riemann prolonge analytiquement lafonction d’Euler au plan complexe prive du point (1, 0), et baptise ce prolonge-ment ζ(z). Cette fonction ζ(z) est loin d’etre aussi simple que le prolongementanalytique de la serie geometrique, mais Riemann montre que ζ(z) = 0 siz = −2,−4,−6, . . . , que les autres zeros de ζ(z) sont situes dans la bande0 ≤ ℜz ≤ 1, et conjecture que tous ces autres zeros de ζ(z) sont situes sur ladroite ℜz = 1

2 .Riemann prouve que la veracite de cette conjecture entraıne une expression

pour π(x) plus precise que la conjecture de Gauss. Cette derniere sera doncprouvee si on demontre la conjecture de Riemann !

13

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15 Une conjecture qui se fait theoreme

La conjecture de Gauss n’entraınant pas celle de Riemann, on peut s’attendrea ce qu’elle soit moins difficile a prouver. La suite de l’histoire le montre. En1896, independamment l’un de l’autre, et en s’inspirant tous deux des methodesde Riemann, le mathematicien belge Charles-Jean de La Vallee Poussin(1866-1962) (qui detient le record absolu de longevite academique dans notreCompagnie) et le mathematicien francais Jacques Hadamard (1865-1963)montrent que la conjecture de Gauss resulte du fait que la droite ℜz = 1 ne con-tient pas de zeros non triviaux de ζ(z), et prouvent qu’ils sont en fait hors d’unezone contenant cette droite. Le dessin et le schema qui suivent illustrent ladifference entre la conjecture de Riemann et le resultat de La Vallee-Poussinet Hadamard.

conjecture de Riemann resultat de DLVP-Hadamard

zeros de ζ(z) sur la droite pas de zeros de ζ(z) dans laℜz = 1/2 zone hachuree

La conjecture de Gauss devient ainsi le theoreme des nombres premiers, quiverra de nombreuses autres preuves au cours du XXe siecle, dont certaines,qualifiees d’elementaires, sont pourtant loin d’etre simples. Le mathematiciennorvegien Atle Selberg a recu en 1950 la medaille Fields pour l’une d’entreelles. Les amateurs de trigonometrie se rejouiront du fait que de La Vallee-Poussin simplifiera considerablement sa preuve originelle en utilisant l’inegaliteelementaire

3 + 4 cos θ + cos 2θ ≥ 0,

que le lecteur est invite a prouver en guise d’exercice.Une rumeur dans le monde mathematique affirmait que celui qui prouverait

la conjecture de Gauss deviendrait immortel. On peut dire que La ValleePoussin et Hadamard, qui vecurent respectivement 96 et 98 ans, ont fait toutleur possible pour la confirmer.

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de La Vallee Poussin Hadamard

16 Les spectres a la rescousse ?

Entre les essais infructueux du mathematicien hollandais Thomas Stieltjes(1856-1894) en 1894 et de l’Americain Louis De Branges en 2004, plusieursmathematiciens de toutes statures, y compris son compatriote John Nash, ontcru avoir demontre la conjecture de Riemann.

Le mathematicien americain Norman Levinson (1912-1975) a prouve queau moins un tiers des zeros de ζ(z) sont situes sur la droite ℜz = 1

2 , tandis quele Hollandais Jan van de Lune a montre que le premier milliard de zeros s’ytrouvent aussi. On a aussi prouve que, pour plus de 99 % des zeros de ζ(z) :|ℜz − 1

2 | ≤8

ln |ℑz| .

Par ailleurs, la fonction ζ peut se definir sur certains corps plus abstraitsque celui des nombres complexes, pour lesquels la conjecture de Riemann estaujourd’hui prouvee, un domaine dans lequel s’est illustre notre associe le BelgePierre Deligne !

On sait que le spectre d’un operateur hermitien se trouve sur la droite reelle.Le mathematicien allemand David Hilbert (1862-1943) et le mathematiciend’origine hongroise George Polya (1887-1985) ont suggere il y a longtempsd’exprimer les zeros de la fonction zeta comme spectre d’un certain operateur, etde chercher a deduire leur localisation de la nature de l’operateur. Des exemplessimples de spectres sont l’ensemble des valeurs propres d’une matrice, ou desfrequences propres d’un systeme oscillant. La mecanique quantique en a fait unobjet central de la physique contemporaine.

Une formule obtenue en 1972 par le mathematicien americain Hugh Mont-gomery decrit l’espacement moyen entre les zeros consecutifs de la fonctionzeta: les petits ecarts sont peu frequents. Le physicien americain d’origineanglaise Freeman Dyson l’identifie aussitot avec la formule obtenue pourles valeurs propres de certaines matrices hermitiennes aleatoires decrivant lesniveaux d’energie des grands atomes ou des noyaux lourds (Gaussian unitaryensemble).

Le physicien francais Bertrand Julia a introduit en 1989 un “gaz nume-rique” abstrait (le gaz de Riemann libre) dont les particules sont des nombrespremiers et dont la fonction de partition est identique a la fonction zeta. De leurcote, ses compatriotes mathematiciens Jean-Benoıt Bost et Alain Connesont construit en 1995 un C*-systeme dynamique dont la fonction de partition

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est la fonction zeta, ce qui a motive Connes en 1996 a chercher une relationentre une formule de trace en geometrie non-commutative et la conjecture deRiemann.

De leur cote, les physiciens theoriciens anglais Michael Berry et JonP. Keating cherchent a exprimer les zeros de ζ(z) comme valeurs propres desystemes quantiques chaotiques. Selon Berry :

Les nombres premiers ont leur propre musique,

et selon le mathematicien russe Yuri Manin :

On souhaiterait esperer que cette ressemblance [mecanique quantiqueet theorie des nombres] ne soit pas fortuite, et que nous soyons entrain d’apprendre de nouveaux mots sur le monde dans lequel nousvivons.

L’approche, quelle qu’ele soit, qui prouvera (ou refutera) la conjecture deRiemann ne manquera pas de donner raison a Marcel Proust, lorsqu’il ecrit:

Le seul veritable voyage, ce ne serait pas d’aller vers de nouveauxpaysages, mais d’avoir d’autres yeux.

Et il y aura encore des beotiens pour parler de temps perdu, et des boutiquierspour croire que la motivation des chercheurs est le prix de 1.000.000 $ offert parle Clay Institute pour la resolution d’une conjecture deja retenue par Hilberten 1900 comme challenge des mathematiques du XXe siecle, et qui fait plus quejamais partie des problemes du troisieme millenaire.

17 Bibliographie sommaire

Sources primaires

1. Charles-Jean de La Vallee Poussin, Recherches analytiques sur latheorie des nombres premiers, I-III, Ann. Soc. Sci. Bruxelles, 2e partie, 20(1896), 183-256, 281-362, 363-397. Oeuvres Scientifiques, Butzer, Mawhin,Vetro ed., vol. 1, Acad. Roy. Belgique, Bruxelles et Rend. Circ. Mat.Palermo, 2000, 223-296, 309-390, 391-425.

2. Euclide, Les Elements, traduits et commentes par B. Vitrac, PressesUniv. France, Paris, 1990-1994

3. Leonhard Euler, De summis serierum reciprocarum, Commentarii A-cad. Scient. Petropolitanae 7 [1734/35] (1740), 123-134. Opera Omnia(1) 14, 73-86.

4. Leonhard Euler, Variae observationes circa series infinitas, Commen-tarii Acad. Scient. Petropolitanae 9 [1737] (1744), 160-188. Opera Omnia(1) 14, 216-244.

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5. Leonhard Euler, Introductio in analysis infinitorum, vol. 1, Bousquet,Lausanne, 1748. Trad. francaise Introduction a l’analyse infinitesimale,vol. 1, Barrois, Paris, 1796.

6. Carl Friedrich Gauss, Lettre a Encke du 24 decembre 1849, Werke, 2,Konigl. Gesell. Wiss. Gottingen, 1866, 444-447.

7. Jacques Hadamard, Sur la distribution des zeros de la fonction ζ(s)et ses consequences arithmetiques, Bull. Soc. Math. France 14 (1896),199-220. Oeuvres, Editions du CNRS, Paris, 1, 189-210.

8. Adrien-Marie Legendre, Essai sur la theorie des nombres, Courcier,Paris, 1798.

9. Bernhard Riemann, Ueber die Anzahl der Primzahlen unter einer ge-gebenen Grosse, Monatsber. Berliner Akad., 1859. Traduction francaise:Sur le nombre des nombres premiers inferieurs a une grandeur donnee,Oeuvres mathematiques, Blanchard, Paris, 1968, 165-176.

Sources secondaires

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2. Paul T. Bateman and Harold G. Diamond, A Hundred Years ofPrime Numbers, Amer. Math. Monthly 103 (1996), 729-741.

3. Paula B. Cohen, Sur la mecanique statistique d’apres les travaux deBost-Connes, Les nombres. Problemes anciens et actuels, Ellipses, Paris,2000, 150-163.

4. J. Brian Conrey, The Riemann Hypothesis, Notices Amer. Math. Soc.50 (3) (2003), 341-353.

5. Jean-Paul Delahaye, Merveilleux nombres premiers. Voyage au coeurde l’arithmetique, Belin-Pour la Science, Paris, 2000.

6. Persi Diaconis, Patterns in Eigenvalues : the 70th Josiah Williard GibbsLecture, Bull. Amer. Math. Soc. 40 (2003), 155-178.

7. Marcus du Sautoy, La Symphonie des nombres premiers, Heloıse d’Or-messon, Paris, 2005.

8. Harold M. Edwards, Riemann’s Zeta Function, Dover, New York, 2001.

9. Andrew Granville, Nombres premiers et chaos quantique, Gazette desmathematiciens 97 (2003), 29-44.

10. Nicholas M. Katz, An Overview of Deligne’s Proof of the RiemannHypothesis for Varietes over Finite Fields, Mathematical DevelopmentsArising From Hilbert Problems, F.E. Browder ed., Proc. Symposia PureMath. XXVIII, Amer. Math. Soc., Providence, 1976, 275-305.

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11. Gilles Lachaud, L’hypothese de Riemann. Le Graal des mathematici-ens, Dossiers de La Recherche No. 20, octobre 2005, 26-35.

12. Jean Mawhin, Charles-Jean de La Vallee Poussin et le theoreme desnombres premiers, Les nombres. Problemes anciens et actuels, Ellipses,Paris, 2000, 75-92.

13. Barry Mazur, Pourquoi les nombres premiers ? Dossiers de La Recher-che No. 20, octobre 2005, 20-24.

14. Olivier Ramare, Cent et un ans apres Hadamard et de La Vallee Pous-sin, Les nombres. Problemes anciens et actuels, Ellipses, Paris, 2000,93-102.

15. Paolo Ribenboim, The New Book of Prime Records, Springer, New York,1996.

16. Karl Sabbagh, The Riemann Hypothesis. The Greatest Unsolved Prob-lem in Mathematics, Farrar, Strauss and Giroux, New York, 2002.

17. Wolfgang Schwarz, Some Remarks on the History of the Prime Num-ber Theorem from 1896 to 1960, Develoments of Mathematics 1900-1950,J.P. Pier ed., Birkhauser, Basel, 1994, 565-616.

18. Rossana Tazzioli, Tout est nombre, Riemann. Le geometre de la nature,Les genies de la science No. 12, Pour la Science, Paris, Novembre 2002,48-61.

19. Gerald Tenenbaum et Michel Mendes France, Les nombres pre-miers, Coll. Que sais-je ? No. 571, Presses Univ. France, Paris, 1997.

20. Benjamin H. Yandell, The Honors Class. Hilbert’s Problems and TheirSolvers, A K Peters, Natik, Mass., 2002.

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