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Envoi de Poste-publication • N° de convention : 400 33 006 11,25 $ Automne 2011 DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION Revue de l’Ordre des urbanistes du Québec

DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

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Page 1: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

Envoi de Poste-publication • N° de convention : 400 33 006

11,25 $

Automne 2011

DES PRATIQUESEN ÉVOLUTION

Revue de l’Ordre des urbanistes du Québec

Page 2: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ARCHITECTURE DE PAYSAGE

DESIGN URBAIN

PLANIFICATION STRATÉGIQUE

DÉVELOPPEMENT DURABLE

ENVIRONNEMENT

RÉCRÉOTOURISME

PLANIFICATION DES TRANSPORTS

GATINEAUSAGUENAYQUÉBECMONTRÉAL OTTAWA

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PLANIA.COM

MARIE-JOSÉE

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ARTUR

LAURENCE

LAURENT

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CHANTAL

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BENOIT

RENÉ

SERGE FILION

MARIE-ÈVE

DANIEL

ELENA

PIERRE

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LISA

ISABELLE

RENÉE

JULIE

LUCIE

PAUL

AURÉLIE

GENEVIÈVE

NATHALIE

ANDRÉ

ALEXANDRE

GÉRALD

MÉLANIE

SÉBASTIEN

DANIEL

SERGE

CÉDRIC

MARINA

YVELINE

VIANNEY

JACQUES

LANA

LOUISE

GILLES

BRIGITTE

ANDRÉ

MARC-ANTOINE VALLÉE

MARIE-HÉLÈNE

FRANCINE

JEAN-FRANÇOIS

LISE

ALLIE

ANAYA

ARATA

MAUDE BARABÉ

BEAUDOIN

BÉGIN

BERGERON

MARC BERTRAND

BILODEAU

BILODEAU

VIRGINIE BOULAY

BOULET

BRODEUR

BRODEUR

BRUNET

CANTIN

JONATHAN CASAUBON

CHANLAT

KARINA CHAOU

CHOJNACKI

CLAIR

COMTOIS

CÔTÉ

COTÉ

DÉRY

DION

DION

DUCHARME

DUMONT

GARON

GAUTHIER

GELFUSA

GOYER

GRAVEL

KASTELBERGER

LACASSE

LAFLAMME

LAKIS

LARAMÉE

LECAVALIER

LÉPINOUX

CATHERINE MARCHAND

MARQUIS

MARTIN

MOREAU

PARENT

PAU

PELCHAT

PINARD

DAVID POIRÉ

POITRAS

POITRAS

PROULX

RIVERA

ROC

ROSS

ROUSSEAU

SIMIC

ST-DENIS

STE-CROIX

SYLVAIN

TURCOT

VALLÉE

VAN WINDEN

VIENS

WOODS

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Spécial congrès 2011

« ÉvoluCité » 08 Une nouvelle étape de développement pour LavalEntrevue avec le maire de Ville de Laval, monsieur Gilles Vaillancourt

12 Laval en mutation

Un premier plan de mobilité durable à Laval14 Une ville en mouvement

Vieillissement de la population17 Implications et perspectivespour l’aménagement du territoire

Villes amies des aînés au Québec20 Agir sur les environnementsbâtis et sociaux

Immigration et aménagement du territoire23 Influence et tendances récentes en matière de logement

Le cas du quartier Borneo Sporenburgà Amsterdam25 Quand la densité attireles jeunes familles

27 L’importance de gérer la diversitécommerciale des centres-villes

29 Les mutations commerciales,induites ou créées ?

32 La ville durable, du modèleau chantier

36 Saguenay, une villeen changement

Région de Montréal39 Une ceinture vertegrandeur nature

Transport collectif et aménagement41 La vision d’avenir de la STM

43 Demain, l’agriculture dans la villeEntrevue avec Éric Duchemin, professeur associé à l’UQAM

46 Construire en ville,construire en bois

48 Planifier la densité sans compromettre la qualité denos milieux de vie, le cas dela Communauté métropolitainede Québec

Sherbrooke51 Freiner l’étalement urbain

54 Les Collectivités EQuilibriumMC, vers une évaluation de la performance des projets

56 Savoirs et aptitudesdes urbanistes de demain

URBANITÉ AUTOMNE2011

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La revue UrbanitéTirage : 2 500 exemplaires

DistributionMembres de l’OUQ – 1011 • Abonnés et autres – 1489

MissionPROMOUVOIR l’urbanisme et les urbanistes;

INFORMER les lecteurs sur les divers sujets relatifsà l’aménagement du territoire et à l’urbanisme;

FORMER sur une base continue, les professionnelsde l’aménagement du territoire.

Comité éditorialPascal Lacasse, coprésident – Serge Vaugeois, coprésident

François Goulet – Paul Arsenault – Mathieu LangloisJacques Trudel

CollaborateursMarie-Soleil Brosseau – Sarah-Maude GuindonCharlotte Horny – Laurent Lussier – Joël Thibert

Pénélope Darcy – Ariane Mercier – Catherine Vandermeulen

Conception graphiqueLucie Laverdure – L’Infographe enr.

Réviseur et correcteurJean-Paul Gagnon

PublicitéCommunications Publi-Services Inc.

Dominic Roberge, conseiller [email protected] | 450 227-8414, poste 312

www.cpsmedia.com

ImprimerieImprimerie F.L. Chicoine

Abonnements, information et suggestionswww.ouq.qc.ca | 514 849-1177, poste 27

[email protected]

AuteursVous êtes invités à soumettre vos articles

ou textes au comité éditorial. Le comité éditorialse réserve le droit de publier ou de refuser un article.

Information : www.ouq.qc.ca

Dépôt légalBibliothèque nationale du Québec • Bibliothèque nationale du CanadaTous les textes publiés dans Urbanité ne reflètent pas forcémentla position ou l’opinion de l’Ordre et n’engagent que l’auteur.

Le genre utilisé dans cette publi ca tion englobe le féminin etle mas cu lin dans le seul but d’en alléger la présentation.

Ordre des urbanistes du Québec

Administrateurs : Robert Chicoine, président

Danielle Lussier, administratrice trésorièreLouise Audet, administratriceDonald Bonsant, administrateur

Marie-Josée Casaubon, administratriceRobert Cooke, administrateurRaphaël Fischler, administrateur

Florent Gagné, administrateur nomméRichard Martel, administrateur nommé

Permanence : Claude Beaulac, directeur général

Odette Michaud, adjointe à la direction etsecrétaire de l'Ordre

Nathalie Corso, coordonnatrice, admission et qualitéGeneviève Masson, chargée des communications

Adresse : 85, rue Saint-Paul Ouest

4e étage, suite 410, Montréal, QC, H2Y 3V4(514) 849-1177 • www.ouq.qc.ca

4 Mot du président

5 Actualités

58 Calendrier

SOMMAIRE

Page 4: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

La ville ne cesse de se transformer sous l’influence directe ouindirecte d’une foule de facteurs. Si tout prévoir ou tout planifierest impossible, il faut par ailleurs que les différents acteurs duchangement prennent conscience de leur rôle. Dans ce contexte,les urbanistes se retrouvent au premier plan par leur capacité à lirele territoire, poser un diagnostic et proposer, de concert avecles autres intervenants de la planification urbaine et régionale,des solutions concrètes qui tiennent compte de la nouvelle donnedu milieu de l’urbanisme et de l’aménagemement.

Mutations

Défis pour les urbanistes ettoute la société québécoise

URBANITÉ AUTOMNE2011M

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À l’échelle du Québec, les mutations desvilles et des territoires interpellent nonseulement les urbanistes, mais aussi toute lasociété. Les défis à relever sont impor tants. Ilfaudra notamment adapter les infra struc -tures et l’habitat pour répondre aux besoinsparticuliers d’une population vieillissante.Les immigrants seront plus nombreux. Ondevra favoriser leur intégra tion dans nosvilles en mettant à leur disposition deséquipements correspon dant à leurs attentes.Le cadre de vie qui sera offert à la populationdevra être attrayant, autant pour les gensd’ici que pour les entreprises et lestravailleurs de l’économie du savoir quivoudraient s’éta blir au Québec. En fait,l’aménagement de nos villes et territoiresdevra permettre de soutenir la comparaisonavec les autres pays développés en matière derespect des principes du développementdurable, et ce, pour que nous soyonscompétitifs à ce chapitre. Il s’avérera doncnécessaire de passer de la parole à l’action enmatière de développement durable. Lastructure com merciale de nos villes devraaussi répondre aux besoins et aux nouvellestendances. Enfin, le cadre législatif etréglementaire de l’aménagement duterritoire devra être adapté aux nouvellesréalités, tout en étant plus souple et en

permettant de pouvoir réaliser des projets dedéveloppement urbain de façon efficace.

Dans ce contexte, les urbanistes d’aujour -d’hui ne doivent donc pas se cantonnerdans un rôle d’observateurs, mais être àl’avant-scène de ces mutations. Rappelons-nous que l’urbaniste, par son travailcollégial et son rôle conseil auprès dedécideurs publics ou privés ou auprès descitoyens ou de groupes et d’associations,est compétent pour planifier le territoire enfonction de ces mutations. Par ailleurs, cerôle de planificateur ne peut s’exercer qu’àla suite d’une analyse rigoureuse de l’espaceet des dynamiques socioéconomiques quien modulent l’occupation du territoire.

Compte tenu de l’importance des muta -tions que connaissent les villes et territoiresdu Québec, l’Ordre des urbanistes a décidéque son congrès de l’année 2011 porteraitsur ce thème. Le choix de la ville de Lavalpour la tenue du congrès est aussiparticulièrement approprié, car il s’agit enfait d’un territoire qui constitue unevéritable vitrine des mutations que connaîtle Québec présentement.

Au nombre des thématiques abordées lorsdu Congrès, citons les mutations qui

affectent la démographie, les activitéscommerciales, le développement durable etla réglementation, autant de sujets à proposdesquels les urbanistes ont non seulementun mot à dire, mais ont un rôle primordialà jouer.

L’invitation qui est lancée aux urbanistes etautres participants vise à faciliter le partagedes expériences et à les sensibiliser face auxdéfis de ce monde en perpétuelle mutation.Quant aux lecteurs du présent numérod’Urbanité, presque entièrement consacréau thème du congrès, je leur souhaite defaire des découvertes intéressantes pour lesalimenter dans leurs réflexions et les guiderdans leurs actions.

Enfin, je tiens aussi à remercier les auto -rités de la Ville de Laval qui ont accueilliavec enthousiasme l’idée de tenir le congrèschez-eux et qui ont offert leur soutien toutau long de sa préparation. Je transmetsaussi mes plus sincères félicitations aucomité organisateur du congrès qui est àpied d’œuvre depuis mars 2010.

Bon congrès 2011 et bonne lecture. ■

Le président,Robert Chicoine, urbaniste

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Le projet-pilote constitue une des premières mesures du Plan demobilité durable de Laval à être mise en place. La STL est la premièresociété de transport québécoise à lancer un parc réservé aucovoiturage et la première en Amérique du Nord à le faire avec desvéhicules électriques.

Dès cet automne, dix équipages de quatre personnes voyageront àbord de voitures électriques Chevrolet Volt, entre leur domicile et unstationnement incitatif, où ils auront une place réservée. Cetteformule permettra des déplacements entièrement mus par électricité,soit avec la voiture électrique, et par la suite avec le métro ou letrain de banlieue Deux-Montagnes.

Les équipages de ce projet-pilote, recrutés par la STL, serontconstitués de personnes qui habitent le même quartier et qui sedéplacent aux mêmes heures entre leur résidence et l'un desstationnements incitatifs. Des bornes de recharge de 240 V serontinstallées dans les trois stationnements pour faciliter les recharges.

Les véhicules sont achetés par l’Agence métropolitaine de transportet ne sont pas la propriété des covoitureurs. Ceux-ci devront payer29 $ par mois, ce qui permettra d’absorber une part des coûts defonctionnement du projet.

Les voitures électriques seront équipées d’un GPS. Les participantspourront ainsi savoir quand la voiture approche. Le covoitureurpourra même recevoir une alerte sur son téléphone ou son ordinateurqui l’avertira quand la voiture sera tout près de sa maison.

Si ce projet-pilote s’avère concluant, la STL pourrait se doter d’unparc de covoiturage qui pourrait atteindre 300 véhicules. ■ SV

En juin dernier, le gouvernement du Québec,la Ville de Laval, la Société de transport deLaval (STL), l'Agence métropolitaine detransport (AMT) et GM Canada ont lancé unenouvelle formule de covoiturage qui offre lapossibilité d'utiliser des voitures électriquespour se déplacer vers les stationnementsincitatifs de l'AMT, aux stations de métroCartier et Montmorency ainsi qu'à la gareSainte-Dorothée.

Projet-pilote decovoiturage en véhiculeélectrique à Laval

Pour les responsables du projet de cohabitat de Québec, le« cohabitat » (cohousing en anglais) est une petite communautéà l'échelle humaine où les générations se côtoient et où chaqueménage est propriétaire de son unité d'habitation. Parce que lesfuturs propriétaires sont impliqués dès la conception, ilsdeviendront progressivement de bons voisins partageant certainsbiens et espaces communs. Ainsi, il s’agit de construire un milieude vie à l'échelle humaine où quelques dizaines d'unitésd'habitation privées et communautaires (condos, maisons deville et grande maison commune) sont aménagés au cœur d'unparc et permettent au voisinage de se retrouver et socialiser defaçon spontanée et sécuritaire ».1

En matière de propriété, quelques cohabitats aux États-Unis etau Canada sont structurés en coopératives d’habitation, alorsque la plupart sont structurés légalement comme des condo -miniums. Dans le modèle de développement en « lot », lesmembres possèdent conjointement la propriété commune et leséquipements. Chaque ménage est toutefois propriétaire uniquedu lieu sur lequel il construit sa propre maison.

Quant au projet de quarante logements du Cohabitat deQuébec, il sera construit dans le quartier Saint-Sacrement,non loin de l'Université Laval. Le coût total du projet s'élève à10,2 millions, dont 700 000 $ seront investis dans la maisoncommune, une somme équivalant à la marge de profit que sedégagerait le promoteur. Le groupe de propriétaires compte despersonnes seules, avec ou sans enfants, des jeunes et des retraités.Certains ont acheté de petits appartements de trois pièces à200 000 $; d'autres, des maisons de ville à quatre chambresd'une valeur de 335 000 $. ■ SV

Le premier projet de cohabitat au Québecdevrait voir le jour dans la ville de Québecen 2012. Créée au Danemark il y a 50 ans,la formule de la cohabitation estsensiblement la même partout dans lemonde. Les membres du groupe acquièrentun terrain sur lequel ils font construire desrésidences avec, au centre, une maisoncommune où ils se partagent cuisine, salle àmanger, chambres d'amis, buanderie, sallesde jeux pour les enfants, atelier, etc.

Un projet de cohabitatà Québec

1 www.cohabitat.ca

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La Cour d'appel confirme donc un juge ment rendu par la Coursupérieure en avril 2010 qui don nait raison à la Ville de Québeccontre un groupe de résidants du lac Saint-Charles. La Ville s'ap pro -visionne dans ce cours d'eau qui a connu depuis 2006 plu sieursépisodes de cyanobactéries. Pour améliorer la qualité de l'eau, la Villeadop tait le 3 juin 2008 un règlement imposant la restau ration desberges du lac sur une largeur allant de 10 à 30 mètres pour le protégercontre le ruissellement des eaux de pluie.

Les riverains du lac Saint-Charles ont soutenu que l'obligation deremettre en état leur bande riveraine en face de leur chalet ou maisonleur ferait perdre l'usage traditionnel de leur propriété et que lerèglement était l'équivalent d'une confiscation de leur bien-fonds ouencore d'une expropriation dégui sée sans compensation. Ils préten -daient aussi que la Ville n'avait pas le droit d'adopter un règlementleur imposant de pareilles contraintes à leur droit de propriété.

Pour la cour d’appel, les riverains ne perdent ni leur droit depropriété, ni l'usage exclusif de leur bande riveraine, même s'il estvrai que cet usage est restreint par la nécessité d'y laisser la nature seréimplanter avec une végétation complète. Quant aux villes, depuisl'adoption de la Loi sur les com pé tences municipales, elles ont le droitd'exercer « efficace ment la plénitude » de cette nouvelle compétenceen envi ron ne ment. La Charte de Québec accorde à cette ville par sonarticle 147 le pouvoir de protéger ses sources d'appro vi sionnement eneau même sur le territoire d'une de ses voisines, ce qu'elle a fait sansexproprier quiconque, tranche le tribunal.

Enfin, le tribunal réfute aussi l'argument des requérants qui pré ten -daient ne plus avoir droit à une « fenêtre sur le lac » . Pour les juges,cela s’avère faux, car la régle mentation donne la possibilité d'avoir unefenêtre de 10 mètres et des accès au lac sur au moins 4 mètres. ■ SV

1 http://www.jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=54308625&doc=F49DD35C8151AC99B7E20F8ACB0C6DEE4F393829707F1032CCD8BA66C50AA66F&page=1

2 http://www.paysagesduquebec.org/

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Exemple courant de bande riveraineartificialisée autour des plans

d’eau du Québec.

Les objectifs de l’alliance sont les suivants : réduire, dans tout leQuébec, la pollution visuelle liée à la prolifération de l’affichage etfaire contrepoids au lobby du Regroupement de l’industrie del’affichage extérieur du Québec. Son but est de sensibiliser lescitoyens, les entreprises et les municipalités du Québec aux consé -quences de l’excès des structures extérieures d’affichage, tant enmilieux urbain que rural. Cette alliance est une initiative de l’orga -nisme Paysages estriens, qui a pour mission de sensibiliser lesintervenants estriens à la mise en valeur du patrimoine paysager.

Au cours des prochains mois, l’Alliance participera aux discussionsentourant la révision des lois concernant l’affichage au Québec et

sensibilisera les élus municipaux au rôle déterminant qu’ils peuventjouer dans le contrôle de l’affichage le long du réseau routier et surles édifices.

L’Alliance pour la valorisation des paysages du Québec est un regrou -pement composé notamment des organismes suivants : Associationdes architectes paysagistes du Québec, Ruralys, Tourisme Cantons-de-l’Est, Héritage Montréal, Paysages estriens, MRC du Granit,MRC Memphrémagog, Arrondissement du Plateau Mont-Royal,Ville d’Hudson, Ville de Westmount, Corporation des officiers muni -cipaux en bâtiment et en environnement du Québec. ■ SV

Mobilisation pour limiterles excès de l’affichagepublicitaire au QuébecPlus d’une quinzaine d’organismes municipaux, touristiques, du secteur privé et de professionnelsont uni leurs efforts pour annoncer le lancement, le 31 mai dernier, de l’Alliance pour lavalorisation des paysages du Québec2. Cette nouvelle alliance vise à limiter les excès del’affichage publicitaire à travers la province.

Exemple courant d’excès dansl’affichage publicitaire au Québec.

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Bande riveraineLes municipalités ont le droit d’imposerune remise en état de la bergeDans un jugement rendu le 20 juin dernier, la Cour d'appel du Québec confirme que lesmunicipalités ont le droit d'imposer aux propriétaires la remise en état d’une portion de la berge.1

Page 7: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

Mutations

Les pratiques d’urbanisme etd’aménagement évoluent rapidement

À cet effet, l’observateur attentif aura noté que dans les dernièresannées un très grand nombre de résidences pour aînés ont été cons -truites, dont plusieurs en hauteur, de sorte qu’elles marquentmaintenant fortement les paysages de certaines villes du Québec.Les changements dans la composition des ménages et la modi fi ca -tion de leurs besoins en logement ont aussi conduit à une densi fi -cation du territoire. À Laval, au cours des dix dernières années, laproportion de nouvelles habitations unifamiliales est passée de80 % à 37 %, alors que les logements en structures bi, tri et multi -familiales ont bondi de 20 % à plus de 63 % du stock de nouveauxlogements construits. On observe aussi partout au Québec uneévolution rapide des superficies et du nombre de com merces. Aprèsles centres commerciaux traditionnels, les villages de marques(factoreries), les centres-villes revitalisés par une approche de mixitédes usages, les parcs de grandes surfaces et les centres « Style de Vie»,voilà que des centres commerciaux de type «Mills» devraientbientôt apparaître. Les préoccupations accrues de la population enmatière d’environnement et de qualité de vie se traduisent par uneutilisation accrue du transport collectif et des transports actifs. Dans

certaines villes et certains arrondissements, on travaille expres -sément à imposer des contraintes à la circulation automobile enmilieu urbain. Les projets de développement sont aussi plus con -testés que jamais. La traditionnelle pelouse en front des résidenceslaisse même de plus en plus place à des aména ge ments paysagers oùle gazon est quelquefois remplacé par un potager.

Tous ces changements obligent une accélération de la révision despratiques de l’urbanisme et de l’aménagement. Les articles duprésent dossier témoignent fort éloquemment de l’état actuel del’urbanisme et de l’aménagement pour le territoire de ville de Lavaldans un premier temps, et dans les quatre domaines particulierssuivants : démographie, commerce de détail, développementdurable et réglementation. Enfin, un texte sur les savoirs et lesaptitudes susceptibles de constituer des outils d’avenir pour lesurbanistes amènera les lecteurs à réfléchir aux besoins de formationdes urbanistes.

Bonne lecture ■

Serge Vaugeois, urbaniste et Paul Arsenault, urbaniste, pour le comité éditorial

Les villes et les territoires évoluent constamment et connaissent depuis toujoursdiffé rentes sortes de mutations, qu’elles soient reliées à des guerres, des traités,des famines, des cataclysmes naturels, des changements socio-économiques ettechnologiques, etc. Avec le 21e siècle, les effets de ces mutations s’accélèrent. Criseséconomiques et finan cières, mondialisation, changements climatiques, préoccupationsenvironnementales grandissantes de la population, vieillissement démographique sur fondd’immigration accrue et de diversité culturelle, tout cela change totalement la donne dumilieu de l’urbanisme et de l’aménagement.

SPÉCIAL CONGRÈS 2011

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« ÉvoluCité »

Une nouvelle étapede développement pour LavalEntrevue avec le maire de Ville de Laval, monsieur Gilles Vaillancourt

Monsieur le maire, vous avezvu grandir Laval. Selon vous,quelles sont les mutationsles plus marquantes que vousavez observées au cours deces années?Une ville est en constante évolution.Certaines mutations sont plus rapides,d’autres plus perceptibles, mais toutes fontpartie de ce qui définit un territoire, de cequi influence la qualité du milieu de viedes citoyens.

La fusion des 14 municipalités, en 1965, aobligé les élus et l’administration muni -cipale à développer une vision communedu territoire de Laval, à élargir les ancien -nes frontières municipales et à prévoir lesgrands axes de développement de lanouvelle ville. C’était un grand défi dumoment de faire de Laval une ville unifiée.

À l’époque, comme la plupart des grandesvilles d’ailleurs, Laval s’est développée surun modèle traditionnel qui reposait, entreautres, sur la place qu’on accordait à lamaison unifamiliale et à l’automobile. Ona développé des routes, des autoroutes etdes quartiers résidentiels pour répondre àla demande de la population lavalloise.

Cette population s’est grandement accrueau cours des dernières années, nous obli -geant à revoir nos façons de faire et àconsidérer les enjeux relatifs au vieillis -sement de la population, aux besoins de lapopulation active grandissante et aux pro -blèmes environnementaux. D’une muni -cipalité de banlieue, Laval est devenue aufil des ans une ville d’importance - latroisième au Québec - et offre à ce titre unensemble de services destinés à unepopulation diversifiée et active. La mise enservice de trois stations de métro en 2007est venue confirmer ce statut, de mêmeque la création de son centre-ville qui sedéveloppe à un rythme croissant.

Le métro constitue d’ailleurs un pointtournant du développement de notre ville.En prévision de son exploitation, en 2007,nous avions déjà entrepris une importanteréflexion en matière de planification etd’aménagement du territoire. Et main -tenant, avec ces trois stations déjà bienimplantées dans les habitudes de vie desLavallois et cinq autres stations à venir, laplanification globale de notre territoireprend définitivement le virage de l’urba -nisme durable. Il s’agit là d’une occasionde repenser l’aménagement des secteursqui bordent les stations de métro pour enfaire des milieux de vie plus denses, plus

compacts, orientés vers les déplacementsactifs et le transport en commun, à l’imagedes transit oriented developpement(TOD) développés ailleurs dans le monde.

Enfin, tout en poursuivant son dévelop -pement, Laval continue à s’occuper desenjeux environnementaux, notamment ence qui concerne la problématique des gaz àeffet de serre qui dépassent largement lesfrontières de notre territoire. D’ailleurs,nous nous sommes engagés, dans le cadrede notre Plan de mobilité durable, àréduire de 50 % l’émission des gaz à effetde serre produits par le déplacement despersonnes et des marchandises sur notreterritoire d’ici 2031. Nous allons égale -ment poursuivre notre programmed’acquisition des grands espaces verts,permettant ainsi d’assurer la pérennité denos milieux sensibles.

Nous avons aussi imposé aux promoteursimmobiliers résidentiels et commerciauxde compenser par des crédits de carbonetoute disparition de milieu naturel. Il s’agitd’une première québécoise, voire cana -dienne, et une mesure avant-gardiste àl’échelle planétaire.

Vous avez dévoilé à la fin du moisde mai une politique del’urbanisme durable qui s’inscritdans une démarche plus large quevous avez baptisée « EvoluCité ».De quoi s’agit-il?

Depuis plusieurs années, les modèlestraditionnels de développement sont remisen question. Nous avions déjà amorcé uneréflexion et l’arrivée du métro à Laval estvenue nous confirmer que nous devionspasser à une nouvelle étape de notredéveloppement, à la nécessité de réévaluernotre façon de développer notre territoire.De cette réflexion est née «ÉvoluCité».

Questions de François Goulet, urbaniste

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Monsieur Gilles Vaillancourt,maire de ville de Laval.

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Cette vision, intégrée à notre Politique del’urbanisme durable, vise à orienter ledéveloppement du territoire lavallois versun meilleur équilibre urbain et unemobilité active. Nous avons adopté unesérie d’orientations basées sur les principesd’urbanisme durable, lesquels sontinfluencés par les grandes tendancesmondiales que sont le Nouvel urbanisme,le « développement intelligent » (Smartgrowth) et les TOD, soit les dévelop -pements axés vers le transport en com -mun. Enfin, nous avons également adoptéune série d’engagements pour assurer lamise en œuvre de la vision ÉvoluCité.

Avec ÉvoluCité, Laval entreprend unedémarche de développement durable quilui sera propre, respectueuse de l’environ -nement, qui favorisera la densificationurbaine, la mobilité active, la vie dequartier, le commerce de proximité et unemoins grande dépendance à l’automobile.

Nous axerons nos premiers efforts vers lessecteurs au coeur de la ville, notammentl’Espace Concorde, l’Espace Montmo -rency et le Quartier de l’Agora. Pour cessecteurs, nos services municipaux vont enpréciser la planification de même que lesparamètres de mise en œuvre des conceptsd’aménagement.

Parallèlement, nos professionnels dévelop -pent des concepts d’aménagement pour les

secteurs des gares Sainte-Rose et Vimontainsi qu’autour de la station de métroCartier.

À la lecture de votre Politique del’urbanisme durable et des fichesqui l’accompagnent, on pourraitcroire qu’elle s’appliquerauniquement au secteur central dela ville de Laval. Est-ce bien le cas?

Cette politique vise l’ensemble du terri -toire. Les concepts d’aménagement del’Espace de la Concorde, de l’EspaceMontmorency et du Quartier de l’Agoradémontrent bien les principes que nousvoulons mettre en place. Ils concernent ladensité, la mixité, la qualité du cadre bâtiet la protection de l’environnement. Ilss’appliqueront évidemment à la plani fi -cation et l’aménagement dans les secteursciblés.

En fait, ce que nous voulons mettre enplace, c’est aménager une ville où chaquecitoyen minimise ses déplacements enautomobile, augmente ses déplacementsactifs et évolue dans un environnement quitient compte de ses différents besoins, et ce,à proximité de son lieu de résidence. Cesont des principes parmi les plus importantsde notre Politique de l’urba nisme durable etde notre Plan de mobilité durable.

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Espace Concorde

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Ainsi, dans une approche globale de lamobilité, nous voulons mettre en place desenvironnements multifonctionnels quisont près, non seulement du travail, maisaussi des lieux de résidence, de consom -mation, de récréation, de culture etd’échanges.

Vous assisterez donc à un changement decap important dans le développement deLaval. L’épine dorsale n’en sera plusuniquement son réseau routier, mais plutôtses grands équipements et axes majeurs detransport collectif. On pense bien sûr auxstations de métro actuelles et futures ainsiqu’aux gares de trains de banlieue, mais aussiaux corridors de bus à haut niveau de serviceet au réseau étendu de voies réservées que laSociété de transport de Laval (STL) compteimplanter.

Autour des stations de métro et des gares,dans un rayon approximatif d’un kilo -mètre, et le long des corridors majeurs detransport en commun, nous favoriserons lamise en place des TOD. Ces dévelop -pements plus densément peupléspermettront à un plus grand nombre decitoyens d’avoir accès au métro ou à la gareà une distance de marche raisonnable oupar un réseau d'autobus avec voie réservée.

Cette densification se traduira par lacréation ou la consolidation de pôles dequartier. Ces pôles seront principalementaménagés de façon à favoriser les dépla ce -ments actifs. Ces pôles sont déjà présentssur le territoire. On y trouve souvent unpetit centre commercial de quartier avecun marché d’alimentation, des endroitsqui ont remplacé le perron de l’églisecomme lieu de rassemblement.

Dans l’atteinte des principes ÉvoluCité,ces pôles seront développés de façon àrecréer en quelque sorte les noyaux devillage d’autrefois, un milieu plus dense,plus compact, plus mixte, avec une con -centration de lieux d’activités et desaménagements à l’échelle humaine. Lesbâtiments présenteront une architecturesoignée, en interaction avec les piétons etle choix du mobilier urbain visera leconfort de tous.

La densification est la grandetendance en matière d’aména -gement et de développementdurable. C’est un des objectifs aucœur du Plan métro po litain

d'aménagement et de dévelop pe -ment (PMAD). Comment Lavalréagit-elle à ce plan ?

Depuis plusieurs années déjà et avec unessor marqué depuis la venue du métro, leterritoire de Laval se transforme. Les bâti -ments en hauteur sont maintenant plusvisibles à certains endroits dans le paysagelavallois, en évolution avec le modèletraditionnel de banlieue auquel noussommes habitués. De nouveaux promo teurssont maintenant intéressés à dévelop per desprojets de haute densité sur notre territoire.Cet intérêt démontre bien le caractèreattractif et le dynamisme de Laval.

Nous avons participé à l’élaboration duPMAD. Il n’est donc pas étonnant quel’on retrouve, au cœur de la démarcheÉvoluCité, des objectifs visant le dévelop -pement de secteurs plus denses, pluscompacts, autour des stations de métro,des gares ainsi que le long des corridorsmajeurs de transport en commun. Cemodèle de développement est en parfaitaccord avec cet objectif du PMAD.

Comment entendez-vouscoordonner la mise en œuvrede la démarche ÉvoluCité?

Dès janvier 2011, nous avons créé unComité de l’urbanisme durable. Cecomité, qui regroupe des représentants deplusieurs services municipaux, a pourprincipales fonctions d’analyser les docu -ments de planification afin qu’ilsrespectent la vision ÉvoluCité, derecommander les actions prioritaires àprendre dans les domaines concernés parl’urbanisme durable, particulièrementcelles des secteurs jugés prioritaires etfinalement de recommander toute étudeou intervention pouvant contribuer à lapromotion de la démarche ÉvoluCité.

Nous allons évidemment être proactifsdans la mise en œuvre de la démarcheÉvoluCité afin de démontrer concrè te -ment notre volonté de mettre en place desaménagements dont nous serons fiers.Déjà, nos professionnels travaillent surplusieurs projets qui seront divulgués lemoment venu.

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Espace Montmorency et rue Jacques-Tétrault

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La politique d’urbanisme durablede Laval s’appuie sur la réalisationde cinq hypothétiques stations demétro. Cela ne risque-t-il pas deretarder la mise en œuvred’ÉvoluCité?

ÉvoluCité, c’est beaucoup plus que laplanification de cinq nouvelles stations demétro. C’est une nouvelle façon de voir ledéveloppement du territoire dans uneapproche d’urbanisme durable.

Il y a déjà beaucoup de travail à faireautour de nos stations de métro existantes.Nous avons élaboré des programmesparticuliers d’urbanisme (PPU) pour lesstations de métro Cartier et Concorde.Notre service d’urbanisme travaille surd’autres dossiers de planification dans lecadre de la démarche ÉvoluCité. Dèsmaintenant, nous passons à la mise enœuvre de ces planifications.

Nous sommes convaincus que le gouver -nement du Québec a accueilli avec beau -coup d’intérêt l’adoption de notre Politi -

que de l’urbanisme durable. L’an nonce dela venue de cinq nouvelles stations demétro pour Laval et le prolongement duréseau à Montréal et à Longueuil doiventconstituer une priorité pour le gouver -nement du Québec. Les coûts reliés à lacongestion sur nos routes sont rendus tropimportants pour ne plus s’en préoccuper.Nous sommes d’avis que la population estprête à prendre le virage du transport encommun, mais pour ce faire, il faut luiproposer un service plus efficace.

Les délais quant à la construction desnouvelles stations de métro nous don ne -ront l’opportunité de planifier de façonparticulière l’aménagement des secteurslimitrophes. Comme vous pouvez leconstater, ce n’est pas le travail quimanquera au cours des prochaines années.La mise en œuvre de la démarcheÉvoluCité ne sera donc pas retardée.

Quelles sont les réalisations dontvous êtes le plus fier en matièred’aména gement et d’urbanisme ?

Je suis évidemment très fier du dévelop -pement d’ensemble de Laval. Il serait facilede dire que l’arrivée du métro et laconstruction du pont de l’autoroute 25constituent de grandes réalisations,compte tenu du fait que nous les avonsobtenues après avoir persévéré durant delongues années.

Ma plus grande fierté, c’est lorsque je voisLaval qui évolue de façon très mature, avecdes quartiers où il fait bon vivre, avec notrepatrimoine naturel et bâti qui est bienprotégé et un véritable centre-ville qui sematérialise peu à peu.

La démarche ÉvoluCité constitue unegrande fierté pour moi. D’une part, elledémontre bien que Laval est arrivée à unstade de maturité qui lui permet de jeterfièrement un regard vers son passé, deréaliser ses bons coups et d’avoir une visionpositive de l’avenir. D’autre part, avec lavenue du métro, nous sommes entrés dansle cercle des grandes villes modernes etavec ÉvoluCité, nous prenons les moyenspour construire une belle et grande villequi fera la fierté de tous les Lavallois.

L’ouverture du pont de la 25 estun événement structurant à biendes égards, avec des impacts surle développement dans l’est de

l’île de Laval. Comment Lavalenvisage-t-elle de concilier lesdéfis du développement dans cesecteur et ceux de la préservationdes milieux agricoles et humides?

D’entrée de jeu, il est important de men -tionner que le développement dans l’estportera sur des terres situées à l’exté rieur dela zone agricole permanente. Ces terres sontzonées blanches depuis plus de vingt ans.Notre service de l’urbanisme a planifié pource secteur un concept d’amé nage ment quiprend déjà en considération les principesd’urbanisme durable.

En effet, le principal boulevard, celui desVignobles, a été positionné de façon àfaciliter un accès rapide au transport encommun à l’ensemble des citoyens. Le longde cette collectrice et en bordure du nouveaupont, la densité résidentielle sera plusimportante afin de rapprocher la populationdes infrastructures de transport et du réseaude transport collectif. Je me permets desouligner qu’une ligne d’auto bus dotée d’unréseau wi-fi reliera directement ce secteur à lastation de métro Radisson, à Montréal.

Nous développerons un réseau de parcs etespaces verts qui prévoit qu’au moins unespace de verdure sera localisé à moins de dixminutes de marche de toute résidence. On ytrouvera des parcs sportifs ainsi que desparcs nature, ces derniers visant souvent laprotection d’espaces plus sensibles, notam -ment les milieux humides ou des espacesen rive.

Des espaces commerciaux de différentessuperficies, visant généralement desclientèles différentes, seront positionnés defaçon à encourager les déplacements actifs.

Enfin, notre service de l’urbanisme étudieactuellement la possibilité que le dévelop -pement de ce secteur puisse éven tuel -lement faire l’objet d’une certification«verte». Comme vous pouvez le constater,le développement de ce secteur a faitl’objet d’une planification prenant rigou -reusement en compte les principes del’urbanisme durable. La zone agricolecontinuera d’être préservée et les milieuxhumides d’intérêt seront conservés etintégrés au développement.

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Laval en mutationDepuis plusieurs années, Laval est en changement. Elle se consolide, se définit et sepositionne comme une ville à part entière. Riche de ses milieux diversifiés (agricole,résidentiel, commercial, industriel), de ses parcs et espaces naturels, Laval se dévoiletoujours comme une ville en constante évolution.

Sylvain Dubois, urbaniste

Depuis la fusion en 1965 jusqu’en 1990, laVille a connu un développement urbain sansprécédent. Ces années ont vu naître lamajeure partie des quartiers actuels avec, biensûr comme modèle, la vision domi nante del’époque : la résidence unifamiliale.

Les années 1990 à 2004 ont été des annéesde consolidation au cours desquelles lesgrands axes routiers ont été complétés etles secteurs interstitiels aménagés. Cettepériode voit apparaître plus fréquemmentde nouveaux cadres d’habitat, plus denses etparfois spécialisés (tours d’habitation etrésidences pour personnes âgées).

Depuis 2004, nous assistons à un reposi -tion nement de cette Ville en ce qui a trait àl’amé nagement urbain. Le contexte dudévelop pe ment se modifie. Les préoccu pa -tions environ nementales (protection desmilieux humides), les coûts des servicesmunicipaux et la volonté de diversifierl’offre résidentielle se traduisent par desmodifications réglementaires (zonage)autorisant une forme urbaine plus dense.

Sans surprise, nous constatons au cours dela dernière décennie que la proportiond’habi tations unifamiliales construites estpassée de 80 % à 37 %. En corollaire, leslogements en structures bi, tri et multifa -miliales ont, quant à eux, bondi de 20 % àplus de 63 % du stock de logementsconstruits. Cette statistique illustre bienle mouvement de transformation amorcéà Laval.

Le métro

La mise en service de trois premièresstations du métro à Laval, en 2007, aaccéléré la réflexion sur la planificationparticulière associée à ces secteurs.Reconnaissant que le métro à lui seul n’estpas une condition suffi sante pour assurer undéveloppement adéquat de ces sites, la Villea adopté, dès novembre 2007, deuxprogrammes particuliers d’urba nisme(PPU). Ces programmes annoncent savision d’aménagement et de développementpour les secteurs des stations de métroCartier et de la Concorde. Ils ont étécombinés à des programmes incitatifs de

relocalisation d’entreprises industrielles etd’aide à l’acquisition de logements. CesPPU portent déjà leurs fruits : près de 900logements ont été construits pour unevaleur d’environ 105 M$; des investisse -ments commerciaux de 33 M$ et publics de45 M$ ont été réalisés à l’intérieur d’unpérimètre d’un kilomètre des trois stationsde métro.

Forte de ces expériences, la Ville a adopté,en 2008, le Programme particulier d’urba -nisme (PPU) du corridor d’accès au métroCartier. Ce dernier touche un territoire plusvaste et pose un défi encore plus grand,puisqu’il est déjà occupé dans sa quasi-totalité. La vision du redéveloppements’impose ici et chaque action, même margi -nale, comme l’obligation de Programmed’implantation et d’inté gration architec -turale (PIIA) pour une modification d’une

enseigne, est un pas vers l’amélioration ducadre bâti.

Ces actions demeurent toutefois ponc -tuelles; et, malgré les succès relatifs decertaines d’entre elles, force est de constaterla nécessité de développer une vision et unemise en œuvre intégrées des divers actions etprogrammes.

Le virage

Face à ce constat et devant la croissancedémographique prévue, soit une augme n -tation de plus de 80 000 personnes sur leterritoire d’ici 2031 (selon l’Institut de laStatistique du Québec), et le besoin derationaliser la forme du développementhisto ri quement connue à Laval, nousavons imaginé une nouvelle stratégie dudévelop pe ment pour la Ville. S’inspirantdes théories telles que le Nouvel Urbanisme,

UNIVER

SITÉ DE MONTR

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Le campus de l’Université de Montréal et de la place du Carillon sur le boulevard de l’Avenir sont lespoints de départ de la réalisation de ce concept. (Perspective Université de Montréal)

« Depuis 2004, nous assistonsà un repositionnement de cette Ville

en ce qui a trait à l’aménagement urbain. »

Page 13: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

la croissance intelligente (Smart Growth) etles TOD (Transit Oriented Development),Laval a proposé une politique d’urbanismedurable pour son territoire.

Ses principales orientations sont de :

• Favoriser le transport en commun et lesdéplacements actifs;

• Optimiser la densité du cadre bâti etl’utilisation du territoire;

• Privilégier la mixité des fonctionsurbaines;

• Protéger et mettre en valeur l’environne -ment naturel et la zone agricole;

• Assurer la qualité du cadre bâti et dudesign urbain;

• Prévoir des aménagements respectueux del’identité du milieu.

Consciente de l’impact tangible à venir surson territoire, la Ville de Laval s’engage alorsdans une stratégie de planification détailléede ses secteurs sensibles et à haut potentielde mobilité active, et où le transport encommun est plus susceptible de devenir unmode important de déplacement.

Cette planification détaillée vise à doterLaval de secteurs édifiés selon les principesprécé demment établis. Par exemple, pour lesecteur du métro Montmorency (l’EspaceMontmorency), il est proposé de créer leSquare du collège, de consolider les espaces destationnement, de mettre en lien des espacesverts pour créer un véritable campus,d’aménager une place événemen tielle etcorporative et, enfin, de rendre la rue JacquesTétreault piétonne. Ces aména gements ontpour but d’offrir à la popula tion une ruepiétonne à l’ambiance urbaine et animée,conçue avec du mobilier urbain propice à ladétente et aux échanges, de créer des liensdirects entre les commerces et la rue, depromouvoir l’art public sur les sites extérieursd’expositions temporaires et d’aménager desintersections sécuritaires et adaptées auxpiétons et aux cyclistes.

En plus d’une vision claire pour ces secteursspécifiques, Laval se dote d’un plan de miseen œuvre et d’une structure de suivi desactions. Ainsi, un Comité de l’urbanismedurable a été constitué en janvier 2011. Cecomité, qui regroupe des représentants deplusieurs services municipaux, a commeprincipales fonctions :

- D’analyser les documents de planification àvenir, afin qu’ils respectent la vision

ÉvoluCité de la Ville. Pour les documentsdéjà en vigueur, le Comité s’assure que lamise en œuvre est cohérente et respectueusede l’urbanisme durable.

Trois domaines sont particulièrement visés :

- L’environnement; - Le transport; - L’aménagement;

- De recommander aux décideurs les actionsprioritaires à prendre dans les domainesconcernés par l’urbanisme durable,particulièrement celles des secteurs jugésprioritaires;

- De recommander aux décideurs toute étudeou intervention pouvant contribuer à lapromotion de la démarche ÉvoluCité.

Déjà, diverses actions sont entreprises pourconcrétiser cette vision et ces nouvelles

orientations : adoption du PPU Chomedey(juin 2011), dévoilement du Plan de mobilitédurable - document de consultation (juin2011) et études en cours telles que le Plan demobilité active, les plans d’aménagementintégrés, etc.

La Ville de Laval a désormais atteint ce niveaude maturité où l’ensemble des composantessont maintenant en place pour entreprendreconcrètement le virage de l’urbanismedurable et se doter ainsi d’aménagements dequalité, tant par leur conception ou leurarchitecture (place publique, design) que parl’effet qu’ils auront sur l’environnement(mobilité active, réduction des GES,utilisation accrue des TC). ■

Sylvain Dubois, urbaniste, est directeur du Servicede l’urbanisme de Ville de Laval.

Planification détaillée du secteur du métro Montmorency

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ICE DE L’URB

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VAL Un premier plan de mobilité durable à Laval1

Une ville en mouvement

La place importante faite à la lutte au GESdans ce plan se justifie aisément. La Com -munauté métropolitaine de Montréal(CMM) a dressé en 2010 un portrait desémissions de GES sur son territoire2. Cetteétude montre que le secteur du transport estresponsable de 44 % du bilan des GES àl’échelle de la CMM. Si, de façon générale,la forte représentation du trans port est com -mune dans la plupart des villes du Québec,on note néanmoins que, dans le cas de Laval,cette proportion est relativement élevée. Eneffet, le transport y était respon sable de 57 %des émissions de GES en 2006. Il s’agitd’une forte augmentation par rapport à1990, où la part du transport était de 44 %.C’est dire l’importance d’agir dans cedomaine pour réduire les émissions de GES.

Le Plan de mobilité durable de Laval sedistingue des plans de transport tradi tion -nels de plusieurs manières. La premièredistinction concerne l’objectif central dudocument. Contrairement à un plan detransport, le Plan de mobilité durable deLaval se préoccupe moins d’assurerla fluidité des déplacements, que de mini -miser leur impact sur l’environnement.

L’urbanisme y joue également un rôle plusimportant : la densité et la mixité des fonc -tions urbaines exercent un rôle décisif dans lechoix des modes de transport. Plus qu’unesimple liste d’infrastructures, le Plan de mo bi -lité durable orchestre un ensemble com plexed’interventions et d’incitatifs visant à influ -encer les décisions de transport des individus.

À la diversité des mesures proposées, s’ajoutela multiplicité des décideurs. Aucun inter ve -nant ne détient à lui seul tous les moyens

nécessaires afin d’encou rager une mobilitéplus durable. Les responsabilités à cet égardsont partagées. Laval, pour sa part, considèrequ’il est nécessaire d’adopter une approcheglobale face à l’enjeu des changementscli matiques. Elle s’engage bien sûr à inter venirde façon résolue dans ses propres champs decompétence, mais elle ne s’arrête pas là. Eneffet, le Plan de mobilité durable pro pose unesérie de mesures à mettre en place, tant auxéchelles métropolitaine que québécoise.

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Pierre Giard

Le 14 juin 2011, la Ville de Laval et la Société de transport de Laval dévoilaient leur projetde Plan de mobilité durable, intitulé Laval 2031 - Une ville en mouvement. Un plan inscritdans la vision d’urbanisme durable que la Ville de Laval avait rendu publique quelquessemaines plus tôt, en mai 2011. Avec ce premier Plan de mobilité durable, Laval s’est fixéun objectif ambitieux: réduire de 50 %, d’ici 2031, les gaz à effet de serre (GES)par habitant liés au transport des Lavallois.

1 http://www.evolucite.laval.ca/pdf/plan_mobilite_durable_2011.pdf2 Portrait des émissions de GES sur le territoire de la CMM, Rapport final, AECOM Tecsult Inc., septembre 2010.

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L’approche globale que Laval préconises’articule autour de cinq grands axesd’intervention et se décline en 21 mesures.

1. Créer un environnement urbainfavorisant la mobilité durable

Laval est le maître d’œuvre de l’aména ge -ment de son territoire. C’est dans ce do -maine qu’elle peut agir le plus effica ce mentafin de transformer de façon graduelle levisage de la ville et d’en faire un milieu moinsdépendant de l’utilisation de l’auto mobile etplus respectueux de l’environnement.

L’aménagement du territoire fait partieintégrante du Plan de mobilité durable deLaval parce qu’à eux seuls les autres axesd’intervention ne peuvent garantir desprogrès optimaux dans la lutte aux GES.C’est pourquoi il faut repenser la ville defaçon à offrir des environnements plusdenses et multifonctionnels, où les citoyensdisposent de différentes options en matièrede transport, et où la nécessité de se déplaceren voiture est réduite par la cohabitation dedifférentes fonctions urbaines (résidences,commerces, services, espaces à bureau, etc.),le tout caractérisé par une grande qualité desaménagements et du milieu de vie.

S’il est de notoriété publique qu’il fautmieux intégrer le transport et l’amé na ge -ment du territoire, historiquement de tellesorientations visaient surtout un dévelop pe -

ment urbain plus efficace et plus écono -mique. Aujourd’hui, le contexte du réchauf -fement climatique et de la lutte aux GESvient donner une nouvelle perti nence, voireune urgence, à une réflexion approfondiesur notre mode d’occupation du territoire etses conséquences.

Cette nécessité d’agir contre le réchauf fe -ment climatique constitue une opportu nitéd’adopter de nouvelles pratiques d’urba -nisme qui intègrent mieux les différentesactivités urbaines.

2. Améliorer l’efficacité écoénergé -tique des véhicules motorisés

L’amélioration de l’efficacité écoéner gé tiquedes véhicules motorisés peut décou ler d’unediminution de la consommation d’essence.Mieux encore, elle peut aussi provenirdu développement de véhicules utilisantd’autres sources d’énergie plus propres, dontl’électricité.

Ces domaines relèvent surtout de l’indus trieet des normes pouvant être établies par lesgouvernements. Toutefois, en tant quemunicipalité, Laval agira sur la compo sitionde son propre parc de véhicules ainsi que surle parc d’autobus de la STL. En outre, Lavalintégrera à la planification de ses activités etde ses infrastructures certains aménagementsou services néces saires à l’utilisation denouveaux types de véhicules plus propres,

comme des bornes de recharge pour lesvoitures électriques.

3. Améliorer l’offre de transportcollectif et actif

Le transport collectif relève de différentsintervenants dans la région de Montréal.Laval est le maître d’œuvre de l’organi sationde son réseau d’autobus, mais celui-ci estfortement conditionné par les interfacesqu’il doit assurer avec les réseaux de naturemétropolitaine que sont le métro et le trainde banlieue. Les mesures asso ciées à cet axed’intervention interpellent donc diverspaliers décisionnels. Notam ment, certainesinterventions qui ne sont pas localisées sur leterritoire de Laval, comme le passage dutrain de banlieue Blainville-Saint-Jérômedans le tunnel sous le mont Royal, sontsusceptibles de favoriser un transfert modaldes Lavallois. Quant au transport actif, Lavalcompte aménager des environnements pro -pices aux déplacements piétonniers, etdévelop per un réseau cyclable plus étendu etsurtout plus pratique pour effectuer desdéplacements utilitaires.

4. Influencer les comportementspar la fiscalité et la tarification

Il est primordial de compléter les différentsaxes d’intervention du Plan de mobilitédurable par l’établissement de mesuresfiscales et tarifaires susceptibles d’orienter leschoix des individus en matière de transport.Certaines de ces mesures pour raient consti -tuer des sources de finan ce ment addition -nelles pour le maintien et le développementdes réseaux de transport collectif. Laval croitqu’il est nécessaire d’engager un débat surles options possi bles, que ce soit avec lesgouvernements ou les partenaires de larégion métropolitaine.

5. Informer et mobiliserla population lavalloise

Même si les institutions publiques doiventexercer un leadership important dans la miseen place de la mobilité durable, celle-ci estaussi une affaire de préférences et de choixpersonnels. Ces préférences s’expri mentdans les choix de modes de trans port, lestypes de véhicules achetés, la loca lisationrésidentielle et même l’accep tation demesures pouvant contraindre la mobi litétraditionnelle. Plus que les institutionspubliques, ce sont les Lavallois qui doiventchanger leurs habitudes. Il est nécessaire defaciliter ce changement. Des mesuresd’accompagnement et de pro mo tion de lamobilité durable sont donc prévues au Plan,

Créer un environnementurbain favorisantla mobilité durable.

Informer et mobiliserla population lavalloise.

Améliorerl’efficacité

écoénergétiquedes véhiculesmotorisés.

Améliorer l’offrede transport

collectif et actif.

Influencer lescomportements par

la fiscalitéet la tarification.

Plan de mobilité durable de Laval – Axes d’intervention

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tant auprès des emplo yeurs que de lapopulation en général

C’est une vision d’avenir qui est présentéedans le Plan de mobilité durable de Laval,mais ce sont aussi et surtout des mesuresconcrètes qui montrent bien l’ampleur dudéfi à relever afin de changer noscomportements et plus particulièrement noshabitudes de transport. Le défi est majeur,mais comporte beaucoup plus d’oppor -tunités que de contraintes, car des choix plusrespectueux de l’environnement se conju - guent en définitive avec une meilleurequalité de vie, une plus grande inclusionsociale et des choix économiques plusrationnels.

Laval souhaite que les mesures présentéesdans son Plan de mobilité durable fassentl’objet d’un débat fécond, tant au sein de lapopulation lavalloise que dans d’autresforums où seront conviés les grandspartenaires institutionnels et économiquesde la Ville. Après cette période deconsultation, le Plan devrait être adopté parle Conseil municipal au début de 2012. ■

Pierre Giard occupe depuis 2004 le poste de directeurgénéral de la Société de transport de Laval. Il aégalement assumé les fonctions de directeur généraladjoint dans cette même entreprise de 1998 à 2003.Auparavant, il a été directeur pendant près de dix ansà la Société de transport de Montréal. Il a aussi étéconseiller dans différents ministères du gouvernementdu Québec, ainsi qu’urbaniste chez la firme DanielArbour et associés.

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Plan de mobilité durable de Laval – Mesures de mise en oeuvre

CRÉER UN ENVIRONNEMENT URBAIN FAVORISANT LA MOBILITÉ DURABLE1. Aménager la ville de façon à minimiser les déplacements motorisés2. Mieux gérer l’offre de stationnement3. Consolider et développer les pôles d’emplois à Laval4. Adapter l’environnement urbain aux besoins d’une population

vieillissante

AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ÉCOÉNERGÉTIQUES DES VÉHICULES MOTORISÉS5. Appliquer les normes de consommation pour les véhicules légers et en

assurer le suivi6. Mettre en place les infrastructures requises pour l’utilisation de la

voiture électrique7. Électrifier le parc d’autobus de la STL8. Électrifier les trains de banlieue

AMÉLIORER L’OFFRE DE TRANSPORT COLLECTIF ET ACTIF9. Poursuivre le prolongement du métro à Laval10. Faire circuler le train de Blainville dans le tunnel sous le mont Royal11. Développer le réseau de la STL12. Encourager le covoiturage13. Favoriser l’autopartage14. Encourager le transport actif15. Améliorer l’intermodalité

INFLUENCER LES COMPORTEMENTS PAR LA FISCALITÉ ET LA TARIFICATION16. Hausser la taxe sur l’essence et en verser le produit à un fonds

métropolitain17. Instaurer au Québec un crédit d’impôt pour le transport en commun18. Arrimer l’usage de l’auto et les primes exigées par la SAAQ19. Revoir le cadre tarifaire du transport en commun dans la région de

Montréal

INFORMER ET MOBILISER LA POPULATION LAVALLOISE20. Élaborer des campagnes de sensibilisation et de promotion de la

mobilité durable21. Accentuer les efforts auprès des employeurs pour la mise en place de

solutions de rechange à l’auto solo

Page 17: DES PRATIQUES EN ÉVOLUTION

À l’image de l’ensemble des pays indus tria -lisés, le Québec connaîtra au cours des pro -chaines décennies de profonds chan gementsdémographiques. Conséquence d’une aug -mentation constante de l’espé rance de vie etd’une faible fécondité qui se maintientdepuis la fin des années 60, le Québec assisteau renversement de sa pyramide des âges.D’à peine 6,8 % qu’elles étaient en 1971, lespersonnes âgées de 65 ans et plus repré sen -teront 25,6 % de la population québécoiseen 2031, soit près de deux fois plus qu’en2006. En fait et ceci démontre bien toutel’ampleur du phé no mène, l’aug mentationde la popu la tion de 65 ans et plus compterapour 99,2 % de l’augmentation totale de lapopulation entre 2006 et 2031.1

Cette augmentation de la population âgéecouplée à la diminution de la populationen âge de travailler fera passer le taux dedépen dance (le rapport entre les personnesen âge de travailler et le reste de la popu -lation) de 2 pour 3 en 2006 à 1 pour 5 en2031. Si ces changements font craindre lepire en ce qui a trait aux finances publi -ques, à la livraison des soins de santé et à ladisponibilité d’une main-d'œuvre compé -tente, ils ne seront pas sans effet en ce quia trait à l’urbanisme et à l’organi sation denos villes. Naturellement, ces changementsdémographiques se tradui ront égalementpar une modification impor tante de lastructure d’âges des ménages québécois.

Les jeunes ménages de 15 à 29 ans verrontleur nombre baisser d’un peu moins de30 000. Les ménages fami liaux, ceux dontle soutien se situe princi pa lement entre 30et 54 ans, verront aussi leur nombre dimi -nuer d’environ 25 000. Les nids vides, cesména ges âgés principalement entre 55 et64 ans, qui voient le dernier enfant quitterle nid familial, connaîtront une augmen -tation de 64 000 ménages. Quant auxménages dont le soutien est âgé de 65 anset plus, leur nombre explo sera de 833 000pour atteindre plus de 1,5 million deménages en 2031. Pour l’en semble duQuébec, c’est plus d’un ménage sur trois(37,2 %) qui aura comme soutien un aîné.Bien que ce phénomène affectera l’en -semble du Québec, ce sera princip a le mentla région de Montréal et sa banlieue où onretrouve de nombreux baby-boomers qui

seront les plus touchées. En effet, c’estdans la grande région de Montréal quedevrait se con cen trer près de la moitié(43,7 %) des mé na ges québécois de plusde 65 ans en 2031.

L’adaptation des milieux de vie

Bien qu’elle soit toujours en expansion, labanlieue semble de moins en moinsadaptée aux modes de vie desménages qui y résident2. Ce mo -dèle qui répondait parfai te mentaux besoins de la famillenucléaire devra iné -vitablement se modifierpour mieux répondreaux besoins d’une popu la tionvieillis sante. La densificationconstitue une des premièresmanifestations de ces changements

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Vieillissement de la population

Implications et perspectivespour l’aménagement du territoire Paula Negron et Daniel Gill

Malgré l’existence de nombreux programmes et politiques au Québec visant àfavoriser l’autonomie et la mobilité des personnes âgées, la situation denombreux aînés demeure précaire et elle risque de s’aggraver avec levieillissement des baby-boomers. Que ce soit sous la forme de nouveauxquartiers résidentiels plus denses ou par le réaménagement des quartiersexistants, indéniablement, la planification et l’organisation des territoires nepourront faire l’économie d’une réflexion approfondie autour des besoinsspécifiques des aînés, et ce, tant en matière de logement que de transport.

1 Institut de la statistique du Québec (2009). Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056. [En ligne] :www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/demographie/persp_poplt/pers2006-2056/index.htm. Consulté le 12 mai 2011.

2 Gill, D. (2008). « Modes de vie et modes d’habiter. La banlieue québécoise, un modèle de moins en moins adapté, mais toujours en expansion ». S. Jaumain et N. Lemarchand (dir.).Vivre en banlieue, une comparaison France/Canada, P.I.E. Lang, Bruxelles, pp. 53-64.

3 Séguin, A.-M. (2010). « Vieillir en milieu urbain. Les enjeux reliés à l'exclusion ». M. Charpentier, N. Guberman, V. Billette, J.-P. Lavoie, A. Grenier et I. Olazabal, Vieillir au pluriel.Perspectives sociales, PUQ: Montréal, 369-383 pp.

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Les municipalités devront adapter leurs territoires pour répondre aux capacités de mobilité des aînés.

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démographiques, et déjà de nom breusesmodifications de l’espace urbain sontobservables. La construc tion de condo -miniums en zone suburbaine et ciblantparticu liè rement les ménages sans enfantsconstitue le début d’une ten dance quidevrait continuer encore pour denombreuses années. Il devrait en être demême avec la construc tion de résidencespour personnes âgées, notamment dans lesgrandes villes et leur périphérie, où onassiste au développement de sous-marchésrésidentiels. Or, la proli fération des com -plexes de logements destinés presqueexclusivement aux per sonnes âgées ayantdes revenus moyens à élevés créerait déjàune situation de ségrégation entre lesaînés3. Par ailleurs, l’inclusion dans lesbâtiments de nom breux équipements etservices, qui tradi tionnellement se trou -vent en dehors du lieu de résidence, con -

tribue aussi à diminuer laparticipation des aînés à la vieurbaine et à créer une sociétéségréguée en fonction de l’âge.

Même si l’ensemble de lastructure démographique duQuébec subit une transfor ma -tion profonde, c’est princi pa -lement du côté des personnesâgées que notre regard devraêtre porté et notam ment, vers

leur mobilité. Aujour d’hui, la mobilitéquoti dienne joue un rôle majeur dans lesmodes de vie et les personnes âgées ne sontpas l’exception. Même si le nombre dedéplacements que réalise un individudiminue avec l’âge, les aînés d’aujourd’huise déplacent davantage que ceux desgénérations précédentes; et, compte tenudu fort niveau de motori sation des baby-boomers, on peut s’attendre à ce que lavoiture continue à jouer un rôle majeurchez les aînés dans les années à venir4.Cette dépendance à l’automobile estd’autant plus marquée dans les milieuxruraux, où les distances à parcourir sonttrès importantes et dans les villes où l’offrede transport en commun demeure limitée.Il deviendra donc impé rieux d’adapter nosterritoires et nos services à une populationen perte d’auto nomie qui demeure dansun univers totalement organisé autour del’auto mobile. Ceci pose à la fois laquestion de l’organisation des territoiresexistants où de nombreuses personnesvoudront termi ner leurs jours, maiségalement de la locali sation des nouveauxprojets résidentiels.

Avant tout, une question de mobilité

Vieillir au sein de son quartier permet derendre le vieillissement moins difficile,grâce notamment au maintien du réseau

social, des habitudes de vie et d’unmilieu familier. Or, pour favoriser cevieillissement sur place, il faudra permettreaux aînés de demeurer autonomes et à cetégard, le maintien de leur mobilité estessentiel. Deux facteurs associés auphénomène du vieillissement poseront desdéfis majeurs à la mobilité des aînés.Premièrement, les personnes très âgéespourront de moins en moins compter surleurs proches pour pallier le déclin de leurscapacités physiques en vue d’assurer leurmobilité. Conséquence d’une faiblenatalité, de plus en plus d’aînés vieillirontsans enfants, et par conséquent sans unréseau familial d’appui pour compenserleur déclin de santé. Deuxièmement, lesterritoires urbains développés après lesannées 50 et dont l’accessibilité est trèsdépendante de l’auto mobile présententdéjà de fortes concen trations de personnesâgées5. Bien qu’en meilleure santé et plusmotorisés que les aînés des générationsprécédentes, les aînés qui habitent cesterritoires devront invaria blement faireface au déclin de leur état de santé,affectant notamment leur capacité àconduire. Dans ces territoires, la mobilité àpied demeure aussi très difficile, même siles études ont démontré qu’elle est néces -saire au vieillissement en santé et actif 6.

Il faut donc adapter les territoires dès

4 Stromberg, M. (2007). « Growing Old in a Car-centric World ». Planning, 73, 10, pp. 6-11.5 Negron, P., A.-M. Séguin et P. Apparicio (à paraître). « L'accessibilité à pied pour les résidents âgés du Vieux-Longueuil, des problèmes à l'horizon ». Negron, P. et A.M. Séguin

Vieillissement et enjeux d'aménagement : regards à partir de différentes échelles (eds.), Actes de colloque du 78e congrès de l'Acfas, PUQ.6 Banister, D. et A. Bowling (2004). « Quality of life for the elderly: the transport dimension ». Transport Policy, 11, 2, pp. 105-115.

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« ...le Québec assiste

au renversement de

sa pyramide des âges.

D’à peine 6,8 % qu’elles

étaient en 1971,

les personnes âgées de 65 ans

et plus représenteront 25,6 %

de la population québécoise

en 2031, soit près de deux

fois plus qu’en 2006. »

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maintenant pour qu’ils permettent auxpersonnes âgées de vieillir dans leurquartier avec une bonne qualité de vie.L’Organisation mondiale de la santéconsidère le vieillissement actif comme unmoyen de combiner une vie productive etun bon état de santé physique et mentalchez les aînés. Favoriser le vieillissementactif nous oblige à penser conjointementles questions entourant l’accessibilité et lafourniture de services et soins de santé àdomicile, notamment pour les personnesde 85 ans et plus dont la mobilité estbeaucoup plus réduite. Cela implique laréalisation d’aménagements physiques quifavorisent la mobilité des aînés (sentimentde sécurité, design paysager, déplacementssur courtes distances), ainsi qu’une réorga -nisation des services utilisés par les aînés(destinations desservies par le transportcollectif, accessibilité des véhicules).

Divers projets et programmes de transportont déjà été mis sur pied pour favoriser lamobilité et l’accessibilité chez les aînés.

Que ce soit du transport en communadapté comme les Navettes Or de la Sociétéde transport de Montréal, ou bien leProgramme sur les aides à la mobilité duministère de la Santé et des Servicessociaux du Québec permettant aux aînésde se procurer un quadriporteur, cesstratégies contribuent à l’autonomie despersonnes âgées, leur permettant dedemeurer plus longtemps au sein de leurquartier et de favoriser un vieillissementactif. Si les personnes âgées n’ont pasd’autonomie dans leur mobilité, ce serontle système de santé et les services sociauxqui devront répondre aux besoinsd’accessibilité et de mobilité des aînés,augmentant ainsi la charge fiscale de l’État,déjà suffisamment lourde.

En plus des interventions au sein desquartiers, le vieillissement sur place exigeaussi que les aînés puissent être autonomesau sein de leur logement le plus longtempspossible. Au Québec, le ministère de laFamille et des Aînés a mis sur pied le

Programme Municipalité amie des aînés,une aide financière octroyée aux muni ci -pa lités pour la réalisation de projetsd’infrastructures ou d’aménagementsurbains s’inscrivant dans une démarche depromotion du vieillissement actif. Les per -sonnes âgées en légère perte d’autonomiepeuvent aussi bénéficier de logementcommunautaire adapté à leurs besoins,produit dans le cadre du volet II duprogramme AccèsLogis Québec et géré parla Société d’habitation du Québec (SHQ).La SHQ offre aussi une aide financière auxaînés à faible revenu pour réaliser desadaptations mineures dans leur logement àtravers le programme Loge ments adaptéspour aînés autonomes. Malgré ces pro gram -mes, il faudra conti nuer la réflexion entou -rant la planification et l’aménagement desterri toi res, pour s’as surer de ré pondre auxbesoins de mobilité des aînés et ainsicontri buer à leur qualité de vie. ■

Paula Negron, professeure adjointe, et Daniel Gill,professeur agrégé, enseignent à l’Institut d’urba - D

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L’idée du programme Villes amies des aînés (VADA) a étélancée en 2005 lors de l’assemblée tenue par l’InternationalAssociation of Gerontology and Geriatrics à Rio de Janeiro, auBrésil. Depuis, le Canada, et plus particulièrement le Québec,jouent un rôle très actif dans son développement et sonimplantation.

Même si l’urbanisation est en constanteprogression, la recherche associée au projetdes Villes amies des aînés au Québec(VADA-QC)1 vise à éclairer les conditionsdu vieillissement aussi bien en milieu urbainqu’en milieu rural. On sait d’ail leurs que leseffets du vieillissement démographique surle monde municipal préoccupent grande -ment les décideurs québécois2.

Les personnes aînées doivent vivre dans unenvironnement qui leur permette decontinuer à mener une vie active. Le Guidemondial des villes amies des aînés, produiten 2007 par l’Organisation mondiale de lasanté (OMS)3, propose des façons d’adap -ter les milieux de vie aux besoins des aînés.Ce guide mondial est le produit d’un vasteprojet de recherche interna tional repré sen -tant l’ensemble des conti nents. Il a étémené dans 33 villes au monde, dontSherbrooke. Le gouver nement canadien aégalement produit un document à l’inten -tion des collectivités rurales intitulé :Initiative des collectivités rurales et éloignéesamies des aînés : un guide4.

Il faut toutefois ajouter que le vocableanglais « Age-friendly cities » décrivant lesVilles amies des aînés est plus inclusif. Unetraduction plus juste pourrait être « Uneville pour tous les âges ». Malgré le fait quel’utilisation du vocable « Ville amie desaînés » peut donner une impression qu’ilne s’agit d’adapter nos espaces urbains qu’àce segment de la population, rien n’est plus

inexact. Plusieurs, sinon la grande majoritédes mesures d’adaptation de l’environne -ment bâti sont convergentes avec la réalitéd’autres groupes de la population. Il suffitde penser aux besoins de jeunes familles,utilisant une poussette, ou d’autres grou -pes à mobilité réduite pour comprendreque nos espaces urbains doivent répondreà une pluralité de besoins.

Le projet VADA-QC

Dirigé par une équipe de chercheurs del’Université de Sherbrooke, affiliée auCentre de recherche sur le vieillissementdu CSSS-IUGS, le projet a pris un grandessor au Québec en 2008, alors que laministre responsable des Aînés en a faitune priorité et a financé un projet d’expé -rimentation sur cinq ans. La perspectivepréconisée est de type ascendant (bottom-up), laquelle fait la promotion de laparticipation des personnes aînées à toutesles étapes du projet. Par ailleurs, uneapproche participative de développementdes communautés (issue du Plan interna -tional sur le vieillissement adopté par leSommet mondial des Nations Unies tenuà Madrid en 2002) incite les acteursintersectoriels du partenariat instauré ausein de comités de pilotage locaux, à con -juguer leurs intérêts respectifs en faveur del’amélioration de la qualité de vie des aînésde leur communauté. Le projet VADA-QC prévoit, entre autres, une évaluationde l’implantation des projets dans les sept

sites pilotes du Québec, soit Sherbrooke,Granby, Rimouski, Drum mondville,Rivière-du-Loup, l'arrondis se ment deCharlesbourg et la MRC de Témisca min -gue, représentant en tout 28 munici pa -lités. De plus, au terme de l’expé rimen ta -tion, une évaluation des effets sera réalisée.

Les projets des Villes amies des aînéss’appuient sur un cadre d'orientation del’OMS, « Vieillir en restant actif » quisignifie « le processus consistant à opti miserles possibilités de bonne santé, de parti -cipation et de sécurité afin d’accroître laqualité de vie pendant la vieillesse »5. Ainsidéfini, le vieillissement actif ne signifie passeulement d’être actif physi quement oud’occuper un emploi, mais s’ouvre sur lesmoyens de favoriser une vie en santé et unevie de qualité le plus long temps possiblependant cette phase de la vie. Maintenir sonautonomie et son indé pendance est leconcept clé du vieillisse ment actif, puisqu’ilprend place dans un contexte familial etsocial où l’interdé pendance et la solidaritéinter gé néra tionnelle représentent des élé -ments importants.

Le cadre d’orientation préconise uneaction en trois volets :

Santé. Le volet « santé » ne se concentrepas sur les soins de santé en tant que tel,mais sur les possibilités d’adopter et demaintenir un mode de vie actif et stimu -lant, par une pratique régulière d’activités

1 Le site du projet de recherche des Villes amies des aînés fait état du modèle québécois et décrit les démarches en cours. [En ligne] : www.vadaquebec.ca/Accueil/Accueil.html2 Comme en fait foi le rapport suivant réalisé en 2004 par le ministère des Affaires municipales, du Loisir et du Sport : Stanton, Julie. Les effets du vieillissement de la population

québécoise sur la gestion des affaires et des services municipaux. MAMSL, 2004. [En ligne] : www.mamrot.gouv.qc.ca/pub/observatoire_municipal/etudes_donnees_statistiques/effets_vieillissement_synthese.pdf

3 [En ligne] : www.who.int/ageing/publications/Guide_mondial_des_villes_amies_des_aines.pdf4 [En ligne] : www.phac-aspc.gc.ca/seniors-aines/alt-formats/pdf/publications/public/healthy-sante/age_friendly_rural/AFRRC_fr.pdf5 Organisation mondiale de la santé. Vieillir en restant actif : Cadre d’orientation. Genève : Organisation mondiale de la santé, 2002. [En ligne] : http://whqlibdoc.who.int/hq/

2002/WHO_NMH_NPH_02.8_fre.pdf

Villes amies des aînés au Québec

Agir sur les environnementsbâtis et sociaux Suzanne Garon, Marie Beaulieu et Anne Veil

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de loisirs comprenant une participationaux activités physiques, récréatives,sociales, culturelles et intellec tuelles. Entermes de réalisations concrètes mises del’avant dans certains projets pilotes, on avu la mise en place d’aménagementspiétonniers, de parcs urbains et de pistescyclables, des infrastructures quipermettent à la population de se déplacerautrement que par l’usage d’un véhiculemotorisé. Un autre exemple est l’harmo -nisation des règles de sécurité routièrepour les AMM (aides à la mobilitémotorisée), dont le nombre est en crois -sance constante. Dans l’un des projetspilotes, un travail conjoint de plusieursservices municipaux (transport, police,urbanisme) et d’organismes du milieu apermis d’établir des parcours sécuritairespour l’ensemble des citoyens concernés.

Participation sociale. La participationsociale renvoie à toute activité rémunéréeou non qui permet à la personne aînée depleinement contribuer à la vie de lacollectivité, par exemple des activités debénévolat, de formation continue, desactivités citoyennes ou par l’emploi. Cetélément concerne davantage les environ ne -ments sociaux, bien que tout urbaniste saità quel point ils sont tributaires des envi -ronnements bâtis. Dans le cas de certainsprojets pilotes, nous avons constaté, enréponse à une préoccupation partagéequant au sort des aînés isolés et démunis,l’émergence de projets de vigiles où il s’agitpour des pairs de repérer des aînés enbesoin qui ne sont pas desservis par lesservices et de créer des liens avec eux. Dansun autre registre, des municipalitésentament des actions pour lutter contre lesmanifestations d’âgisme et pour valoriserla place des aînés dans la collectivité.

Sécurité. La sécurité permet d’assurer laprotection et la dignité des personnesaînées en répondant à leurs besoins et enrespectant leurs droits. Ce concept com -prend non seulement la sécurité objectivede lieux physiques, mais également sadimension plus subjective, soit le senti -ment de sécurité ressenti par les aînés. Cesentiment peut être causé par le manqued’éclairage, des trottoirs mal entretenus,une impression d’insécurité dans certainslieux publics, la présence d’incivilités(dont les graffitis), etc.

Déployer des politiques et des program -mes favorables à un vieillissement actif,c’est reconnaître qu’il faut non seulement

continuer à modifier les comportements etpromouvoir l’adoption et le maintien debonnes habitudes de vie, mais qu’il fautd’abord et avant tout favoriser l’aména -gement des équipements et infrastructureset l’adaptation des services. « Vieillir enrestant actif » demeure tributaire de plu -sieurs facteurs ou déterminants qui sontliés autant à l’individu qu’au milieu de vieet à la collectivité.

Une démarche en sept étapes

Les sept sites du projet VADA-QC sontengagés dans une démarche en sept étapesqui repose sur les grands principes dedéveloppement de la communauté :

Les aînés accordentbeau coup d’importance auxrela tions avec les enfants etconstatent qu’ils peuvent

occuper une placeessentielle auprès d’eux.

Un premier parc pour aînés inauguré à Charlesbourg.Ce module d’exercice spécialement adapté pour lesaînés est installé au parc Bon-Pasteur et intéresseplusieurs adeptes. L’installation s’est faite près desbalançoires et jeux d’eau, de sorte qu’un grand-parentpuisse être lui aussi actif lorsqu’il accompagne unenfant au parc.

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IE La ville de Drummondville et ses collaborateurs ont développé un code de conduite dédié aux utilisateursd’aides à la mobilité motorisée (AMM) lorsqu’ils circulent sur la voie publique pour inciter les utilisateursde quadriporteurs, triporteurs et de fauteuils motorisés à adopter un comportement sécuritaire.Drummondville est la première ville au Québec à se doter d'un tel code.

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1- Désignation d’un responsable admi -nistratif (porteur) et d’un responsablepolitique (élu) ;

2- Mise en place d’un comité de pilotageintersectoriel ;

3- Réalisation d’un diagnostic du milieu ;

4- Rédaction d’un plan d’action ;

5- Mise en œuvre du plan d’action ;

6- Évaluation de la démarche d’implan -tation et de ses effets ;

7- Transfert des connaissances.

Le comité de pilotage intersectoriel joueun rôle fondamental. Sa compositionreflète la nature des problèmes rencontréspar les aînés pour demeurer des citoyens àpart entière, puisque après la vie de travail,la reconnaissance de la contribution desaînés semble s’effilocher. Ainsi, le leader -

ship est confié à la municipalité quiregroupe des partenaires de différentssecteurs : loisirs, habitation, transport etmobilité, santé et services sociaux, etc.Parmi les membres du Comité, on retrou -ve également les tables de concertationd’aînés, les associations d’aînés, les orga -nismes communautaires offrant desservices aux aînés ainsi que les organismespublics qui les desservent.

Cette représentation élargie facilite la miseen commun des informations et des res -sources qui sont nécessaires pour établir undiagnostic du milieu : réunir les statis -tiques locales, faire l’inventaire des politi -ques, programmes et services qui s’adres - sent directement ou indirectement auxaînés, et réaliser les consultations auprèsdes aînés et des fournisseurs de services. Lecomité de pilotage, une fois le diagnostic

en main, procède à une analyse et dégageles priorités du milieu. Au terme de l’exer -cice, un plan d’action est déposé pourapprobation par le Conseil municipal.

À l’heure actuelle, les sept administrationsparticipantes s’occupent activement de lamise en œuvre des plans d’action. Lesquatre premières étapes mentionnées plushaut sont donc complétées. Le suivi del’implantation des projets actuellement encours, permettra de rendre compte desefforts consentis à leur implantationcomme des conditions nécessaires à undéploiement harmonieux dans la commu -nauté. ■

Suzanne Garon et Marie Beaulieu sont profes -seures titulaires à l’Université de Sherbrooke; ellesparticipent également au Centre de recherche surle vieillissement du CSSS-IUGS. Anne Veil estprofessionnelle de recherche au même Centre.

Pour aider les municipalités à adapter les milieux et permettre aux citoyens de vieillir en restant actifs, onpeut se prévaloir du Programme de soutien aux politiques familiales municipales et à la démarcheMunicipalité amie des aînés.

Une municipalité qui se soucie des besoins des personnes aînées est une municipalité qui :

• met un frein à l’âgisme ;• sait adapter ses politiques, services et structures ;• agit de façon globale et intégrée ;• favorise la participation des personnes aînées ;• s’appuie sur la concertation et la mobilisation de toute la communauté.

RÉFÉRENCE

Municipalité amie des aînés – Favoriser le vieillissement actif au Québec, une brochure du ministère de la Famille et des Aînés. [En ligne] :www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/DocReferenceMADA_final.pdf

Pour plus d’information sur les programmes existants, consulter le site du Secrétariat aux aînés :www.mfa.gouv.qc.ca/fr/aines/Pages/index.aspx

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En tant que professionnels de l’aménagement, nous nous interrogeons sur les façonsd’aménager nos collectivités, afin qu’elles reflètent davantage les besoins des populationsimmigrantes et qu’elles soient plus inclusives à leur égard. La connaissance de leur situationen matière de logement contribuera certainement à répondre à ce questionnement.

Immigration et aménagement du territoire

Influence et tendancesrécentes en matière de logement

Josée Dion, urbaniste

1 Société canadienne d’hypothèques et de logement. L’Observateur du logement 2010. 2 Série sur le logement selon les données du recensement 2006 : numéro 7 – condition de logement des ménages d’immigrants; Le Point en recherche; SCHL, série socio-économique,

octobre 2010.

Depuis le milieu des années 80, le Canada aouvert ses portes à un grand nombred’immigrants, si bien qu’il en a reçu plus aucours de cette période qu’au cours de touteautre période semblable de son histoire. Laplupart des nouveaux arrivants se sontétablis dans une poignée de grands centresurbains, en particulier à Toronto, àVancouver et à Montréal. Comparativementà celle d’après-guerre, l’immigration de cettepériode se caractérise par sa provenance desquatre coins du monde, principalementd’Asie.

De 2000 à 2009, le Canada a accueilli enmoyenne 238 000 immigrants par année,contre 220 000, de 1990 à 1999. L’accrois -sement démographique attribuable àl’immigration internationale représentedésormais environ les deux tiers de l’accrois -sement de la population canadienne. Cetteproportion, qui se situait aux alentours de40 % au début des années 1990, n’a cesséd’augmenter depuis1.

L’intégration de nouveaux arrivants passepar l’accès à des logements abordables, detaille et de qualité convenables. L’accès aulogement est d’ailleurs en général la prioritédes immigrants à leur arrivée au Canada. Lelogement a des incidences sur la santé, lesinteractions sociales, la participation à la viecommunautaire, les activités économiqueset le bien-être en général ; c’est aussi unimportant indicateur de la qualité de vie.

Au recensement de 2006, on a dénombré12,4 millions de ménages privés au Canada,soit 7,6 % de plus qu’en 2001. De cenombre 2,8 millions de ménages d’immi -grants ont été recensés. Les nouveaux immi -grants constituaient 318 000 ménages,soient 2,6 % du total des ménages canadienset 11,3 % des ménages d’immigrants. En2006, 89 % des ménages d’immigrantshabitaient dans une région métropolitainede recensement (RMR) comparativement à61 % des ménages composés de non-immigrants. Quant aux nouveaux immi -grants, c’est dans une proportion de 95 %

qu’ils choisissent de s’établir dans une RMR.À elles seules, les régions de Toronto,Vancouver et Montréal hébergent près de61 % de l’ensemble des ménages d’immi -grants, alors que la proportion s’élève à 70 %pour les nouveaux immigrants.

Immigration et marché du logement

Des études récentes ayant pour but demieux comprendre ce que vivent les immi -grants et les réfugiés quand ils arrivent àMontréal, Toronto et Vancouver, fontressortir le grave problème d’« aborda bilité »que présente le logement. Ceci s’explique enpartie par le fait que la plupart desimmigrants s’établissent dans les grandesvilles où, en général, les taux d’inoccupationsont parmi les plus faibles et où les prix deslogements sont parmi les plus élevés.Parallèlement, depuis 30 ans, les revenus desnouveaux arrivants n’ont cessé de diminuer,comparativement à ceux de la populationnée au Canada2.

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Une autre étude3 montre que le revenu desménages d’immigrants augmente avec letemps et finit tôt ou tard par dépasser lamoyenne canadienne. Cette amélioration estrapide : les immigrants qui vivent au Canadadepuis plus d’une décennie affichent des tauxd’accession à la propriété supérieurs à lamoyenne. La même étude suggère cependantque les groupes d’immi grants récents neconnaîtront peut-être pas la même progres -sion rapide de leur situation sur le marché dulogement. Des trois centres, c’est Montréalqui conserve le lien le plus direct avec l’immi -gration européenne, en particulier avec laFrance et ses anciennes colonies. Les influ -ences hispanique et latino-américaine y sontégalement palpables. C’est aussi Montréalqui reçoit la plus grande partie des réfugiés.

Composition des ménageset accession à la propriété

Les immigrants forment en général desménages de plus grande taille que ceux dontle soutien principal est une personne née auCanada et ils ont davantage tendance àhabiter au sein de familles « traditionnelles ».La composition des ménages varie égale -ment d’un groupe culturel à l’autre. Demanière très générale, dans les trois régionsmétropolitaines, les groupes appartenantaux minorités visibles sont caractérisés pardes ménages de plus grande taille, davantagede familles avec deux parents et davantagede ménages multifamiliaux.

En général, les immigrants valorisentl’accession à la propriété et préfèrent vivre enbanlieue dans des maisons individuellesisolées. Les réfugiés et les immigrants appar -tenant à des minorités visibles comptentparmi ceux qui éprouvent le plus dedifficultés sur le plan du logement. ÀVancouver et à Toronto, beaucoup plus qu’àMontréal, les loyers élevés qu’imposent leslocateurs, de même que la perspective devoir monter les prix de l’immobilier,constituent un incitatif à acquérir unepropriété. Le pourcentage de propriétairesparmi les immigrants varie beaucoup d’un

groupe culturel à l’autre.De manière très générale,dans les trois villes, cepourcentage est assez cons -tant parmi les immigrantsd’origine européenne, maisil est très variable parmi lesgroupes appartenant à des

minorités visibles, avec 32 % à Montréal,55 % à Toronto et 66 % à Vancouver.

Des besoins insatisfaits ?

Un certain nombre de points sont toutefoispréoccupants. Cette trajectoire de prospéritécoûte cher aux nouveaux arrivants, qui con -sa crent un fort pourcentage de leursressources financières au logement. Pendantles premières années qui suivent l’établis -sement, ces derniers en viennent à épuiserleurs économies en plus de consacrer envi ronla moitié du revenu du ménage au logement.

Par rapport aux non-immigrants et auximmigrants arrivés au pays il y a plusieursannées, les ménages de nouveaux immigrantsont un revenu plus bas, accusent un taux depropriétaires occupants plus faible et courentd’avantage de risque d’être en situation debesoins impérieux en matière de logement4.Par ailleurs, les conditions de logement des

ménages d’immigrants s’améliorent à mesureque s’allonge leur durée de résidence au pays.

Ces constats suggèrent que plusieurs orien -tations importantes sont à mettre de l’avant,notamment pour remédier au problème créépar le stock de logements abordables qui,dans les principales régions métropolitaines,ne suit pas le rythme de progression de lademande. Les taux d’inoc cupation chutentet les loyers augmentent au moment où defortes cohortes d’immi grants s’établissent auCanada. Force est de constater que nospréoccupations en matière d‘aménagementdevront prévoir des solutions durablespermettant de faire face à ces tendances. ■

Josée Dion est urbaniste et conseillère principale à larecherche et à la diffusion de l’information, Centredu développement des collectivités, de la recherche etde la diffusion des informations du Québec, à laSociété canadienne d’hypothèques et de logement.

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3 Aperçu de la situation et des besoins en matière de logement des immigrants récents à Montréal, à Toronto et àVancouver. Le Point en recherche; SCHL, série socio-économique, octobre 2007.

4 On dit d’un ménage qu’il éprouve des « besoins impérieux en matière de logement » s’il occupe un logement qui nesatisfait pas à au moins un des trois critères suivants soit, être de qualité convenable, de taille convenable et offert à unprix abordable, et si le loyer médian des logements acceptables situés dans sa localité correspond à 30% ou plus de sonrevenu avant impôt.

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Le cas du quartier Borneo Sporenburg à Amsterdam

Quand la densité attire les jeunes familles

1 Schaap, Ton. 2002. « Collective Curiosity, the Development of Borneo/Sporenburg in Amsterdam, 1992-1995 ». A+U, vol.380, no.5, p.56-60.2 Boeijenga, Jelte et Jeroen Mensink. 2008. Vinex Atlas. Rotterdam : 010 Publishers.

Abritant des activités portuaires jusqu’auxannées 80, les presqu'îles de Borneo et deSporenburg ont fait l’objet d’un grandprojet de réhabilitation à partir des années

90. Aujourd'hui, ce quartier est déjà renducélèbre en raison de son architecturecontemporaine. Il abrite même une icônearchitecturale : The Whale, un énormeimmeuble d'appartements au nom bienchoisi. Or, le caractère familial de cequartier demeure peu connu.

Souhaitant freiner l'exode des familles versles banlieues, la Ville d’Amsterdam avaitémis l’hypothèse qu’il fallait offrir à cetteclientèle des maisons sans ascenseur niescalier partagé, ayant un accès direct à larue avec une délimitation nette entre ledomaine public et le domaine privé, ainsique des espaces de rangement près del’entrée et de la place pour les voitures1.

De son côté, le gouvernement néerlandaisavait mis en place sa Quatrième politiquede planification territoriale révisée (VierdeNota over de Ruimtelijke Ordening Extra –Vinex). Cette politique rendait condi tion -nelle la subvention des travaux de décon ta -mination et d'infrastructures de nouveauxquartiers au respect de plusieurs critères dedurabilité, dont celui de ville compacte2.

Basée sur ces critères, la Ville a organisé, en1998, un concours de design pour le pland’ensemble de Borneo Sporenburg. Leplan devait répondre aux objectifssuivants :

• proposer une densité d’au moins 100logements à l’hectare ;

• employer des types résidentielsconsidérés adéquats pour les familles ;

• créer un quartier ayant une identitépropre.

Le concours a été remporté par le bureauWest 8, qui proposa un concept combinantdes îlots de maisons en rangée, pour attirerles familles, et trois énormes immeublesd’appartements, de manière à atteindre ladensité demandée. Cette combinaisoninusitée donnait une identité unique auquartier. Le projet proposait également lamise en valeur des plans d’eau parl’aménagement des anciens quais et par lemaintien des activités nautiques.

Les maisons ont été construites sur des îlotsétroits, sans ruelle. Afin de créer une variétéarchitecturale, chaque îlot a été divisé etpartagé entre plusieurs promoteurs. Plus detrente bureaux d’architecture ont ainsiparticipé à la conception des projets. Cesmaisons ont une superficie moyenne de128 m2 et comptent des espaces extérieurscomme des patios, terrasses ou balcons.Elles ont un garage individuel au rez-de-chaussée et n'ont qu'un accès, par la rue.

L'offre de maisons en rangée n'a pas été laseule stratégie pour attirer les familles. Lequartier compte deux écoles et un largeparc avec aires de jeux pour les enfants. Enoutre, l'aménagement des espaces publicsprivilégie la sécurité et le confort despiétons. Des mesures d'atténuation de lavitesse assurent un partage sécuritaire desrues entre automobilistes et cyclistes.

De leur côté, les immeubles d'apparte -ments ont rendu possible l'atteinte de ladensité souhaitée, en plus de permettrel’intégration de logements sociaux (30 %du nombre total d'unités). En raison deleur taille gigantesque et de leur locali sa -tion dans la trame urbaine, ces immeubles

Leonardo Sá

Comment inciter les jeunes familles à s’établir au cœur des villes, au milieu d’ancienneszones industrielles réhabilitées et dans un environnement de haute densité ? Plusieursgrandes agglomérations nord-américaines aimeraient bien en connaître la recette.Le cas du quartier Borneo Sporenburg, à Amsterdam, pourrait s’avérer riched’enseignements pour des villes comme Montréal et Québec, durement affectéespar la concurrence des villes de leur périphérie.

Les activités nautiques sont mises en valeur.En deuxième plan, l'immeuble « The Whale ».

Les habitants se servent des accès auxgarages comme espace de détente.

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Malgré son caractère compact, le quartier offredes espaces verts et aires de jeux pour les enfants.

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Maisons en rangée et un immeuble d'appartements.

agissent comme repères dans le paysage etsont visibles de toutes les rues.

La cohabitation des maisons en rangée etdes immeubles d'appartements aura réussià attirer les jeunes familles. Les enfantsde zéro à quatorze ans représentent

aujourd’hui 27 % de la population deBorneo Sporenburg, tandis que la moyen neà Amsterdam est de seulement 15 %3,comme c’est d’ailleurs le cas sur l’Île deMontréal. À titre de comparaison, àBeaconsfield, le secteur de l'île de Montréalayant la plus importante proportion

d'enfants de zéro à quatorze ans, cetteproportion est de 22 %4. ■

Professionnel en aménagement, Leonardo Sá estrécipiendaire de la Bourse Habitation 2009 GroupeCardinal Hardy – Prével – Conceptions Rachel-Julien, qui lui a permis la visite de plusieursquartiers réhabilités en Allemagne et aux Pays-Bas.

3 Gemmente Amsterdam, 2010. [En ligne] : www.os.amsterdam.nl/tabel/5785/ et www.os.amsterdam.nl/tabel/5788/4 Statistique Canada, 2010. Profil des communautés 2006. [En ligne] : http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006/dp-pd/prof/92-591/index.cfm?Lang=F

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L’importance de gérer la diversitécommerciale des centres-villes François Varin

La Fondation Rues principales a développéun outil d’analyse de la nature et de ladiversité des commerces et services d’unemunicipalité, afin d’en apprécier la com po -sition et d’orienter les efforts de prospectionselon les potentiels constatés quant audéveloppement de nouveaux commerces etservices. L’approche globale préconisée tientcompte de nombreux aspects du dévelop -pement durable dont celui de rechercherune diversité com mer ciale équilibrée quirépond adéquatement aux besoins desrésidants, citoyens et diverses clientèles d’unmilieu de vie.

Une étude terrain des structures com -merciales de plus d’une vingtaine de muni -cipalités du Québec réalisée par laFondation Rues principales, en colla bo -ration avec le ministère du Dévelop -pement économique, de l’Innova -tion et de l’Exportation, a permisd’identifier les proportions idéalesque doit présenter une diversitécommerciale, afin de bien répon -dre aux besoins de consom mationdes citoyens et des diffé rents con -sommateurs d’un milieu. Ainsi, ladiversité idéale sert de référence àlaquelle est comparée la structurecommerciale d’un secteur, afin d’enévaluer les forces et les carences. À partir

des carences identifiées, la stratégie dedéveloppement et de recrutement commer -cial est élaborée.

La diversité idéale et ses implications

Qu’une municipalité réponde à une clien -tèle locale ou touristique, l’étude démontreque de semblables proportions de types etde catégories de commerces et de services seretrouvent et qu’une municipalité, mêmeayant une forte fréquentation touristique,doit d’abord et en priorité satisfaire lesbesoins exprimés de ses citoyens, car lavitalité du centre repose sur la présencecon tinue de ses citoyens et ce, 12 mois parannée.

Pour obtenir la diversité « idéale », il s’agiraune fois les fuites commerciales identifiées,de travailler à combler en priorité ces fuitesdans les efforts de prospection denouveaux commerces et services.

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L’analyse de la structure commerciale actuelleet de son évolution future favorise l’occupationprogressive de locaux vacants au centre-ville etatténue le signal négatif donné par les vacancesquant à la fierté et la vitalité d’un milieu.

La valorisation et la mise en valeur des cœurs de nos municipalités passe par le regroupementdes activités socio-économiques en son centre et, notamment, par la révision de laréglementation d’urbanisme, afin de contrer l’étalement urbain et d’encourager la localisationdans le secteur central des commerces et des services. De plus, il importe que les cœurs desmunicipalités offrent une diversité suffisante, afin d’attirer et de répondre aux besoins desdifférents types de clientèle. Dans le contexte de la revitalisation des centres-villes, la diversitécommerciale idéale doit être définie d’une part par un état de la situation propre à chaquecentre-ville et, d’autre part, par l’exercice d’anticiper les potentiels de développement futurd’un milieu.

Les analyses terrain réalisées par la Fondation Rues principales ont mis en relief les proportionsidéales à rechercher entre les différents types et catégories de biens et de services.

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Une démarche en trois temps

Dans une première étape, les intervenantslocaux procèdent à l’inventaire systématiquede l’ensemble des commerces et des servicesà la fois du secteur centre et de l’ensemble dela municipalité. Cet inventaire est réalisé enrelevant systématiquement la catégorie, letype et la superficie « vendante » de chaquecommerce et service en distinguant :

a) les commerces et services courants, soitd’achat quotidien et récurrent, commel’alimentation ;

b) les commerces et services semi-courants,c’est-à-dire ceux qui offrent un choix debiens et services et favorisent le«magasinage », soit un comportementde consommation où sont comparés desproduits de gammes et de naturescomparables ;

c) les commerces et services « réfléchis »chez lesquels le consommateur faitl’achat d’un bien durable acheté pour uncertain nombre d’années ;

d) les commerces et services de restaurationet de divertissement.

Le recensement de toutes ces catégories ettypes de commerces et de services mettra enrelief la force de la structure commercialeactuelle, ses particularités et ses lacunes.

Dans une deuxième étape, ondoit recueillir les donnéesstatistiques sur les compor -te ments des citoyens dusecteur et de la région deprovenance suivant uneenquête menée pourétablir le périmètregéographique d’attrac -tion du secteur com -mercial analysé. Cesdonnées se traduisentpar des dépenses quan -tifiées déclarées faitespar les consom mateursrévé lant ainsi les marchésde consom mation pourl’une et l’autre des catégories

de biens et services.

Dans une troisième étape, ces donnéesde consommation sont comparées aux don -nées de recensement de la structure descommerces et services, faisant alors ressortirdes écarts qui indiquent : soit des potentielsde marché; soit les catégories et les types debiens et services pour lesquels il y a des fuitescommerciales, c’est-à-dire qu’un pour -centage des dépenses avouées par lesconsommateurs se font à l’extérieur.

L’analyse des données comparées entrel’offre et la demande permet de mesurerl’équilibre actuel de la structure com mer -ciale d’une ville avec l’équilibre idéal àatteindre. Ainsi outillée, une municipalitépeut mieux orienter le développement futurdes commerces et services, et mieux suivre cedéveloppement pour faire en sorte que lesnouveaux commerces et services constituentun enrichissement de la diversité offerte auxcitoyens et consommateurs et non sim ple -ment un déplacement possible d’activités ouune menace à la stabilité et à la pérennité descommerces et services existants.

La stratégie commerciale élaborée met del’avant des mesures appropriées, afin de faireconnaître la structure actuelle des com -merces et services, de les valoriser et d’enfaire la promotion et enfin d’annoncer letype et la catégorie des nouveaux commerceset services recherchés qui viendront amé -liorer le « mix » actuel et mieux répondre auxbesoins et aux attentes des clientèles locales.La stratégie n’invite pas à contrôler lemarché, mais davantage à influencer le coursdes choses, car les besoins et les potentielsétant bien identifiés, les promoteurs éven -tuels étant mieux informés et guidés seront

plus à même de répondre aux attenteslocales et de venir combler des manquesidentifiés.

Prenons l’exemple de la ville deDrummondville où l’analyse terrain aidentifié des fuites dans les domaines del’alimentation et des commerces de moyenet de haut de gamme. Les efforts deprospection ont donc ciblé ces types decommerce auprès de promoteurs potentielset d’entreprises faisant valoir les marchéspotentiels et les occasions d’affaires avecpour résultat la venue de nouveaux com -merces dans les catégories et typesrecherchés. Les impacts sont visibles : uneaugmentation de la fréquentation du centre-ville, une offre plus diversifiée qui répondaux besoins des différents clientèles et uncentre-ville plus attrayant, car on y retrouvede tout pour toutes les bourses.

Le « mix » idéal pour une collectivitédemeure celui le plus en adéquation avec lesbesoins actuels et futurs des citoyens et enaccord avec la vision du développement dela municipalité, car un développementéquilibré passe par une offre équilibrée quirépond à tous les catégories de citoyens et detypes de clientèle. La municipalité et sespartenaires, mieux sensibilisés à ces besoinset à leur évolution future, prenant encompte notamment la venue de nouveauxrésidants et l’amélioration de la forced’attraction et de rétention d’un centre-ville,feront en sorte de travailler ensemble pro-activement à l’implantation de ces com -merces et services recherchés qui bonifierontla diversité commerciale actuelle.

Plutôt que de se laisser porter par les lois dumarché, n’est-il pas plus judicieux deplanifier les besoins futurs et d’influencer lecours des choses en recherchant un équilibrede commerces et de services qui offre auxcitoyens les conditions d’une meilleurequalité de vie ? ■

François Varin, architecte, est directeur général et lecréateur de la Fondation Rues principales. Depuisplus de 25 ans, la Fondation Rues principalescontribue aux efforts de revitalisation et dedéveloppement socio-économique des municipalitésdu Québec en leur offrant une approche stratégique,une démarche par étapes et un accompagnementprofessionnel à la fine pointe.

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Cette rue commerciale présente un équilibreintéressant de commerces et de services quirépondent à la fois aux besoins des résidants,des travailleurs, des villégiateurs et destouristes.

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Les mutations commerciales,induites ou créées? Pierre Laflamme

Les mutations commerciales sont définitivement créées. Elles s’insèrent de plus enplus dans un contexte de vision concourante du privé et du public. En d’autres termes,ces deux entités ne peuvent plus s’ignorer. Ce que le privé doit reconnaître, c’est que laville représente davantage que des terrains isolés les uns des autres sur lesquels toutest possible et que la réglementation n’est qu’une contrainte négociable. Pour la Ville,elle doit reconnaître que le privé peut bien, mais peut plus encore lorsqu’un alignementdes objectifs communs existe dans la durée.

L’histoire du commerce de détail renfermebien des mutations connues et assimiléesà un point tel que l’on ne se doute plus deleur impact lors de leur apparition. Entermes d’affaires, la mutation commer -ciale résulte d’un changement dansl’ADN de la structure commerciale.

1. Le centre commercial consti tue unemutation significative du secteur. L’envi -ronnement com mercial d’alors étaitcons titué du marché public et des com -merces de centre-ville. Soudai ne ment,s’établit en périphérie urbaine un im -meu ble qui contient une collectiond’établissements indépendants, géré parune seule entité corporative et accessiblepratiquement uniquement par l’auto -mobile. Le premier centre commercial,le Country Club Plaza, près de KansasCity, Missouri, s’est aujourd'hui trans -formé en un centre commercial de hautde gamme.

2. Le magasin à rayons a aussi constituéune innovation importante. Wana maker(1877) a changé les règles d’affaires endécouvrant que le vaste pouvoir d’achaten gros permettait de réduire le prix dedétail des marchandises. Mais surtout,c’était la première fois que le prix étaitaffiché sur un article!

3. Le village de marques (ou la factorerie).Historiquement, le magasin du manu -facturier offrait des surplus de pro -duction, des invendus ou des produitsavec quelques défauts à des prix trèsconcurrentiels. Dans l’établissement dumanufacturier au villlage de marques, ilprofite de la popularité du conceptpour offrir toute la gamme des produitsrarement offerte en totalité dans leréseau de distribution. On appelle cecommerce un vaisseau amiral. C’est cequi en fait son attirance : des marquescomme Balanciaga, Burberry, HugoBoss, Lacoste, Nautica, Versace y sontprésentées avantageusement. Le phéno -mène demeure discret au Canada, maisest très actif ailleurs dans le monde.

4. Le parc de grandes surfaces représenteun autre exemple de mutation com -merciale. Ici, la modification apportéeà l’ADN d’affaires est multiple :indépendance du centre com mercial,statut de propriétaire plutôt que delocataire, recul du format physique à denouvelles dimensions, regroupementde commerces sur la base de la surfaceoccupée, création d’une nouvelledestination qui privilégie l’accessibilitéautoroutière, présentation d’une offrede produits large et profonde.

On peut constater à travers ces quelquesexemples que les mutations profondescommerciales ne sont pas le fruit duhasard. Ces changements ont été cons -ciemment provoqués. La mutation résultede la mise en valeur d’un besoin latent

Country Club Plaza

Quartier Dix 30, Brossard

Magasin John Manamaker

Woodbury Premium Outlet, New York

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désormais rendu possible par desconditions environ ne mentales favorables.En d’autres termes, l’environnementd’affaires s’avère mûr pour accueillir unenouvelle manière de faire. Elle estcaractérisée par une solu tion à unproblème ressenti, elle incorpore certainesinnovations; l’ascenseur pourWanamaker, l’offre globale de produitspour le manufacturier de la factorerie,l’actif immobilier vendu à des fondsd’investissements pour la grande surface.Elle offre toujours une valeur ajoutée auconsommateur.

Prenons pour exemple le cas du parc degrandes surfaces. Le détachement descommerces du mail commercial aengen dré de nouvelles constructionssolitaires. La raison de cette décisiontient au coût moindre de se faire bâtirque de demeurer à loyer. Mais lesinvestissements globaux de constructionnécessaires pour assurer une couverturede marché viennent grever le capital descommerces. Voilà qui repré sente uneopportunité de marché pour des fondsd’investissement. Le fait que les actifsimmobiliers des détaillants soientrecherchés par les fonds d’inves tis -sement immobiliers diminue la chargefinancière à assumer, parce qu’en fait, lefonds achète l’actif. Cette nouvelleentrée de fonds permet le financementd’autres nouvelles implantations. Cetteformule existe depuis 1993. Dans lemilieu financier, des fonds d’inves tis -sement dédiés au com merce de détailexistent; ils portent le nom de fiducied’investissement immo bilier : FirstCapital Realty, RioCan, Primaris,Calloway en sont des exemples.

Les facteurs qui influencent lagenèse de la mutationcommerciale

Il existe quelques facteurs qui serventd’accélérateurs à la réalisation d’unemutation commerciale. Il faut d’abordpréciser que la mutation elle-même n’estpas l’effet recherché par l’investisseur.C’est plutôt la compréhension dumarché et de ses contraintes qui incite àla création d’un projet qui sera affublétantôt d’une appellation particulière. Lamutation est ainsi générée par unelecture des besoins du marché.

L’espaceLes quelques exemples présentés précé -demment (centre commercial, magasinà rayons, village de marques et parc degrandes surfaces) partagent tous une

même caractéristique : la disponibilitéd’espace. Cette disponibilité s’est trans -formée en rareté aujourd’hui. Cettecondition de marché oblige à la mise surpied de projets plus complexes quidoivent s’insérer dans le tissu urbain. Lacontrainte de l’espace interpelle lesenjeux d’acquisition d’immeubles, dezonage vertical, de protection du cadrebâti et de mixité des usages.

La densité urbaineRestreindre l’étalement commercialdans une municipalité, densifierl’occupation au sol et mixer les usagespoussent les investisseurs à imaginer denouvelles formules physiques d’actifsimmobiliers commerciaux qui doiventtoujours sous crire aux objectifsfinanciers de rentabilité. Ce principe dedensité doit aussi s’appuyer sur unecertaine sûreté à propos des clientèles.Une érosion systématique des résidantsou des entreprises de service nefavorisera aucun projet d’affaires, que ladensité soit valorisée ou non. La densitéurbaine interpelle le zonage vertical etune mixité des usages complémentaires.La planification nécessaire des clientèlesdu projet représente un nouveau champde compétence en gestion du mixd’affaires qui n’est plus restreint qu’aucommerce et qui doit coexister avecd’autres fonctions urbaines dans unmodèle de proximité physique.

La revitalisation lourdeLe terme est tellement galvaudé qu’il fautdésormais préciser la nature de la revita li -sation. La perte de vitalité commerciale, leretrait des investissements, l’anémie del’entretien des immeubles, l’érosion desclientèles traditionnelles, l’arrivée desclientèles marginales, la perte de valeurfiscale, les coûts de sécurité civile ne sontque quelques-uns des facteurs qui décri -vent une revitalisation lourde. Cette condi -tion pratiquement terminale d’une com -munauté peut également représenter uneopportunité d’affaires de relance urbainedurable. Le même principe s’applique à lafriche industrielle qui occupe un espaceperçu pertinent au développement d’unefonction commer ciale. La revitalisationinterpelle l’analyse détaillée du marchélocal et, parfois, régional.

Les opportunités de marchéLe projet d’affaires constitue une muta -tion dans la mesure où sa réalisation passepar le bris des conventions établies. Or,nombre de projets aujourd’hui ont passécette étape et demeurent encore des objetsde mutation.

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Une typologie duchangement commercial

Il existe une variété de termes pourdécrire les changements observablesde la fonction commerciale. Laconstitution d’une échelle permet dedifférencier les subtilités quicaractérisent un état d’un autre.

1. AdaptationModulation d’un comportement suiteà l’intégration de nouvelles pratiques(un achat de produits sur Internet)

2. ÉvolutionChangement progressif de positionou de nature (un restaurant quidevient une chaîne qui multiplie lespoints de vente sur le territoire)

3. ConversionProcessus de différenciation de l’étatd’une chose (un marché public occa -sionnel qui devient un commercealimentaire ouvert à l’année)

4. RenouvellementRemplacement total ou partiel descomposantes d’un concept (les modi -fications apportées aux commercesqui souscrivent à un programme derénovation urbaine)

5. ModificationChangement dans la manière d’être(un commerce qui passe au libreservice)

6. TransformationProcessus de changement radical(une boulangerie qui devient unedestination alimentaire de haut degamme)

7. RevitalisationRedonner vie à un projet en phase dedéclin (mise à niveau des paramètresde l’offre et de la demande)

8. MutationChangement brusque et profond quientraîne une modification des com -portements (la création des parcs degrandes surfaces)

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Les mutations envisageables

La rareté d’espace, le besoin et la valeurde la densification urbaine favorisent lesprojets dans l’enceinte urbaine. À ce titre,plusieurs formules immobilières s’invitentdans la vision commerciale. Voici desmanifestations possibles de mutationcommerciale. La mutation est perçuelocalement. Elle peut se répéter un certainnombre de fois avant de faire partie duquotidien municipal.

Le MXD (Mixed Use Development). Ceconcept, selon la définition de UrbanLand Institute 1976, doit réunir au moinstrois fonctions urbaines qui génèrent desrevenus, pour bénéficier de cetteappellation, faire l’objet d’une intégrationfonctionnelle et physique de ses compo -santes et être développé en conformité àun plan cohérent. Les projets de ce genredemeurent encore rares au Québec, carl’expertise nécessaire à la gestion desbesoins des clientèles l’est aussi. LeWestmount Square et la Place Bonaven -ture sont souvent cités en exemple deprojets MXD. Plusieurs municipalitéspeuvent bénéficier de ce développementpour reculer le moment de la disponibilitézéro d’espace.

Le village urbain. Ce concept américainpeut s’implanter à quelques endroits auQuébec, notamment en complémentaritéavec un TOD. On ne transforme pas unquartier en village urbain. C’est plutôtune nouvelle communauté qui est crééeen vertu de principes de densité quifavorise les déplacements piétonniers.L’on peut même y associer une formulespéciale de design de mix commercial. Unprojet très intéressant de ce type est enformation à Gatineau.

Le centre commercial urbain. C’est leretour du mail, mais en milieu urbain etavec quelques modifications.D’inspiration européenne, le mail urbainpermet de retrouver cette atmosphère demagasinage tout en s’intégrant à la trameurbaine adjacente. C’est maintenantdavantage à une fusion qu’à une scissionimmobilière à laquelle on assiste(Médiacité à Liège, L’Esplanade àLouvain-La-Neuve, Belgique). À noterque le projet de Médiacité comprend lesstudios de RTBF, siège social de latélévision nationale belge où 320personnes y travailleront à terme.Curieusement, le mail est de plus en plusà l’honneur en Europe en tant qu’outil derevitalisation de quartiers urbains, un rôlejamais égalé en Amérique.

L’alignement des objectifs communs

La rareté d’espace commercial dans lesmunicipalités (pas seulement dans lesmétropoles) va provoquer une obligationde rapprochement entre le promoteur etla municipalité. Trois raisons soutiennentcette prédiction :

1. L’obligation de complémentarité. Ladensité du tissu urbain n’est efficaceque si les ajouts au cadre bâti viennentenrichir la qualité et la variété du mixde fonctions urbaines présentes. Or,pour préciser cet alignement, la muni -cipalité est en mesure d’offrir desdonnées pertinentes sur sa mixité(commerciale, de services, résidentielleet autres) et même proposer descontenus originaux qui bonifieraient leprojet. Le promoteur voit ainsi sonprojet prendre une forme plus préciseet plus en lien avec les besoins de lacommunauté.

2. La nécessité de la mixité des fonctions.Un projet de redéveloppement peutreprésenter une adresse de prestige quigénèrera un intérêt, tant pour durésidentiel de qualité, des bureaux deprestige que du commerce de spécialité.Prise individuellement, chaque fonc -tion urbaine peut ne pas offrir la massecritique nécessaire pour justifier leprojet, mais la combinaison des fonc -tions la rend possible. Cette mixitéd’usages (zonage vertical) participe àl’animation du lieu et peut agirégalement en tant qu’attracteur pourd’autres projets.

3. Les projets sur mesure. Il n’est plus pos -sible d’importer des formules immobi -lières et de les implanter froidementdans les municipalités. Le contexte ducadre bâti est trop spécifique pour sesatisfaire d’une formule passe-partout.Le promoteur doit ainsi engager unediscussion avec la municipalité pourtirer parti des opportunités locales.À l’inverse, la municipalité peut aussiinviter des promoteurs pour vérifierleur intérêt à une opportunité jugéeintéressante.

Dans ces conditions, à quand le salondes opportunités municipales ? ■

Pierre Laflamme, président de Demarcom inc.L’entreprise assiste la municipalité à gérerl’armature commerciale de son territoire. Ellepublie un bulletin mensuel sur le commerce et laville. www.demarcom.ca.

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Un Canadian Tire en rez-de-chaussée et un Best Buy, un centre d’exposition et uneuniversité à Toronto.

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Village urbain à Santana Row à San Jose,Californie.

Médiacité, Liège Belgique. Un mail construitdans la ville.

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La ville durable,du modèle au chantier

Christiane Gagnon

Si l’Europe a déjà élaboré nombre de politiques et deprogrammes pour accompagner et stimuler les chantiersde la ville et des territoires durables, le Québec demeureen reste en cette matière, et ce malgré les effortsvolontaires de plusieurs collectivités québécoises.

Au Sommet de la Terre de Rio (1992), lesvilles ont été interpellées pour assumerun leadership dans l’application dudévelop pement durable (DD), à partir del’Agenda 211. Cependant, lors duprochain Sommet (Rio, 2012), les villespourront-elles affirmer être sur latrajectoire des villes durables (VD) ?

Qu’est-ce qu’une VD? Quels sont sescontours, ses principes et les obstacles à saréalisation? Voilà quelques questionsbrièvement discutées. L’ambition ici n’estpas de fournir des outils opérationnels, nid’analyser les expériences urbaines, maisplutôt de faire ressortir des éléments dela VD.

Le modèle de la ville durable s’inspire duparadigme de développement durable2.Bien que cette vision du développementsoit controversée et qu’une certaineambiguïté persiste3, il marque tout demême un virage dans les politiques publi -ques, voire un changement dans lesrapports entre l’humain, lesressources et le territoire.

L’approche territoriale du développementdurable tente de tisser des liens entre ledéveloppement urbain et la viabilité et,conséquemment, de renouveler l’urba -nisme. L’urbanisme durable interroge lesfinalités et les pratiques d’aménagement :comment habiter le territoire et gérer lesbiens communs, de façon pérenne,innovante, tout en répondant aux besoinsfondamentaux des populations et endiminuant les inégalités ?

LES CONTOURS DE LA VILLEDURABLE (VD)D’entrée de jeu, précisons que la VD ne seréduit pas à une ville écoénergétique ouencore à une étiquette certifiant unedurabilité normée. Elle ne se résume pasnon plus à une liste d’initiatives, à carac -tère environnemental, si intéressante soit-elle. La VD correspondencore moins à l’appli ca -tion d’une technologiehigh-tech dont seulsquelques consultants

auraient le monopole ! La ville ─ en tantque lieu concentrant population, richesse etpauvreté ainsi que consommatrice deressources, productrice et exportatrice dedéchets ─ peut-elle être durable ?

La réponse de l’urbanisme durable

La Chartre d’Aalborg4 (Danemark, 1994),signée aujourd’hui par plus de 2 000 villeseuropéennes, constitue un manifeste pourun urbanisme durable. Celui-ci invite à despolitiques urbaines moins sectorielles etplus transparentes, afin de favoriser le déve -loppement humain, l’équité et la durabilité.La planification territoriale se centre alorssur l’amélioration des milieux de vie, surl’humain et son bien-être en tant quefinalité urbanistique. La Chartre d’Athènes(2003) met l’accent sur le principe decohérence entre les dimensions de la vieurbaine et celle de Leipzig (2007) sur ledéveloppement urbain intégré.

Le mouvement d’urbanisme durable pro -meut une démarche intégratrice, tempo -relle ment et spatialement, allant du local auglobal, d’hier à demain, incluant toutes lesdimensions de la vie urbaine et tous lestypes d’acteurs : privé, public, associatif. Ilouvre aussi la planification territoriale surson interdépendance avec les autres terri -toires. Par exemple, dans le cas de l’enjeudes changements climatiques, la planifi -cation urbaine s’articule aux agglomé -rations, à la région, voire à un ensemble pluslarge5.

Plusieurs grandes villes, telles Barcelone,Copenhague, Fribourg, Hanovre, Lau -sanne, Portland, Seattle, Naples, Stockholm

1 Voir le chapitre 28 de l’A21 qui en contient 40.2 Ce paradigme, dont l’ancêtre remonte à l’écodé ve -

loppement (Sachs, I., Fondation Dag Hammarskjöld),a été propulsé, dans les années 70-80, par desorganisations internationales, tel le PNUD.

3 Le Rapport Brundtland, accepté comme un cadrede référence commun, contient une douzaine dedéfini tions. Cette ambiguïté n’est pas forcémentcondam nable, dans un premier temps, puisquenous sommes face à une expérimentation sociale,à un paradigme scientifique en construction.Voir Gagnon, 2008.

4 Renforcée en 2004, la Charte contient une dizained’engagements dont la planification et la conceptionurbaines : www.ville-geneve.ch/fileadmin/public/Departement_1/Publications/engagements-d-aalborg-brochure-2010-ville-de-geneve.pdf, pageconsultée le 26 mars 2011.

5 Au Québec, au chapitre environnemental, le pro -gramme Défi climat ainsi que la confection d’uncertain nombre de bilans carbone permettent auxmunici palités participantes une meilleure compré -hension de cette interdépendance entre l’actionindividuelle et l’action collective, entre les échellesspatiales et leurs interactions.C

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et Vancouver, s’inscrivent dans une démar -che d’urbanisme durable et d’amé lio rationcontinue. Certaines ont fait le pari desécoquartiers à haute qualité environne -mentale (HQE), d’une mobilité durable ;d’autres, celui du plan d’action intégré,participatif et prospectif que consti tuel’Agenda 21 local (A21L). Au Québec,même si l’implication des villes est beaucoupplus récente qu’en Europe, des démarchesglobales de DD ont été amorcées. Citonscelle de Montréal et de la Conférencerégionale des élus (CRÉ) de Laval avec leurplan stratégique de DD, celle de Baie-Saint-Paul avec son deuxième A21L et son planécoresponsable pour la Ville. Quels quesoient l’état et la portée de ces démarches,elles reflètent certainement « une autre façonde construire et surtout de concevoir la« ville » (Émélianoff, 2002 : 204) dans le sensd’un développement urbain intégré.

Une approche intégrée et transversale

Avec l’accélération de la mondialisation etde l’urbanisation, de nouveaux défis, tantsociaux, environnementaux, qu’écono mi -

ques sont apparus. Pour faire face à ces défiset mieux en maîtriser les risques inhérents,l’approche normative de l’aménagements’avère insuffisante. L’adoption d’une appro -che intégrée, incluant les dimensionséconomique, sociale, environnementale etde la gouvernance, dans tous les projetsurbains ou territoriaux – programmes,plans, politiques et interventions – permetde prendre en compte la complexité et deréduire l’incertitude. Il ne s’agit pas de coller,de juxtaposer ces dimensions, mais plutôt dedocumenter, voire de prévoir leurs inter -actions, et ce en collaboration avec lesacteurs et les citoyens. Par exemple,l’approche de planification territoriale deVancouver est architecturée selon troisconcepts intégrateurs favorisant la mise encohérence de ses projets : l’habitabilité, ladurabilité et la résilience6. La mise en cohé -rence sous-tend une culture organisa tion -nelle transversale, i.e. à multiacteurs,multitemporelle et multiscalaire, cherchantà intégrer les principes7 de la durabilitéurbaine. Elle contribue à contrecarrer leseffets négatifs de la vision dominante qui estsectorielle ou dite en silo.

L’UNESCO a identifié cinq mesures ouangles d’attaque8 pour répondre aux défis dela durabilité urbaine. En plus de laparticipation des populations, dont les plusfragilisées, à l’amélioration de la vie urbaine,elle a aussi noté l’adaptation de la formationdes professionnels de la ville, le renforce -ment des capacités des institutions ainsiqu’une meilleure connaissance des problè -mes urbains. Car la VD est encore unchantier en construction! C’est pourquoi lacréation de réseaux et d’espaces d’échange,sur les pratiques de durabilité, s’est avérée unoutil précieux pour les collectivitéseuropéennes. Dans cette perspective, lesprofessionnels de l’aménagement agissentcomme des accompagnateurs en vue de faireémerger une vision partagée et durable duterritoire ou de la ville.

Les principes de la ville durable

Il serait prématuré d’enfermer la VD dansune seule définition9, compte tenu del’état des connaissances et des pratiquesen cours. C’est pourquoi l’entrée parles principes apparaît plus pertinente.

6 Le concept de résilience s’applique aussi à une communauté ; il renvoie à la capacité de s’adapter au changement. La Ville de Vancouver souligne que cela «demande la gestion adaptativecomme modèle d’apprentissage et de rétroaction», tiré de Charlot-Valdieu et Outrequin, 2009: p.25.

7 La Loi québécoise 118 a identifié 16 principes.8 Les autres angles sont : les droits humains dans la ville; la lutte contre le racisme et l’exclusion; la mixité sociale et les risques de ségrégations sociales; la place des femmes et des enfants,

et spécialement des plus défavorisés. (2002:3).9 Il faut éviter, en recherche, le piège du normatif.

Développements de haute densité à Vancouver.

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Six principes caractériseraient la VD qui :

• met en œuvre une démarche intégréeregroupant toutes les dimensions de lavie urbaine, les différentes échellesspa tiales et temporalités du dévelop -pement ;

• mobilise l’ensemble des acteurs de lacommunauté tout en valorisant etrenforçant leurs capacités ;

• vise une cohérence dans ses activités etdécisions quant aux enjeux, principeset grandes finalités de DD, telles quel’équité sociale, la vitalité économiqueet la viabilité environnementale ;

• adopte un mode de gouvernanceterritoriale ;

• valorise la culture, la créativité, l’inno -vation, la formation et l’amélio ra -tion continues ;

• adopte des outils de mesure pourl’évaluation et le suivi du plan d’actionet l’imputabilité des gestionnaires à ceteffet.

L’évaluation des enjeux dansl’aménagement de la ville durable

Les enjeux de la VD sont propres à chaqueterritoire, Toutefois, dans les pays occiden -taux, certains enjeux sont communs tels quele transport actif et la mobilité durable, labiodiversité et les espaces verts, l’équitésociale/intergénérationnelle/spatiale10, laconsommation et la production durables, lagouvernance territoriale i.e. participative11,la qualité de l’environnement, la vitalitééconomique, etc. Une fois ces enjeuxdocumentés, à l’aide d’un état des lieux oudiagnostic territorial de DD, il importe deguider l’action à l’aide d’une évaluation en

continu, intégrée à la gestion urbaine.Plusieurs outils sont disponibles à cet effet :l’empreinte écologique, les indicateurs deDD urbains, l’évaluation des impacts, lagrille de suivi, etc. Une telle évaluationpermet aux décideurs de revenir sur desquestions fondamentales, à savoir :

1) l’activité, actuelle ou à venir, permet-elled’améliorer, voire d’augmenter la qualitéde la vie, définie de façon précise enadéquation avec les composantes du DD(ex. biodiversité, développement humain,solidarité) ?

2) l’activité comporte-t-elle des risques,voire entraîne-t-elle des effets pervers, quimodifieront négativement le capitalhumain, social et environnemental(principe de précaution) ?

Toutefois, l’adoption d’une approcheintégrée de planification et de gestion desterritoires demande un leadership politiqueet technique complémentaire. D’autresobstacles nuisent au chantier de la VD.

LES OBSTACLES SUR LE CHANTIERDE LA VILLE DURABLE

Nous n’avons retenu que trois obstaclesillustratifs du propos: 1) l’intégration desenjeux du DD, 2) le cadre d’exercice del’aménagement du territoire, et 3) la for -mation des professionnels. Premièrement,un certain nombre d’enjeux du DD ne sontpas couverts par les outils réglementaires deplanification du territoire. Pensons seule -ment à l’équité sociale, aux changementsclimatiques ou encore la gestion des risques.L’approche intégrée de planification etd’aménagement s’avère particulièrementardue. Dans les grandes organisations,chaque département/direction fonctionneselon un mode sectoriel de division dutravail et non selon une problématiqueurbaine durable, tel le transport actif. Or laconstruction d’une VD nécessite une visionglobale, multidimensionnelle où la valori sa -tion de l’apprentissage collectif et territorialainsi que la mise en débat des valeurs devien -nent le socle d’une négociation raisonnée etconsensuelle entre tous les types d’expertiseset d’acteurs.

Deuxièmement, au Québec comme ailleurs,l’aménagement du territoire est devenu unchamp d’expertise, une technique encadréepar des outils réglementaires où lesproblématiques environnementales (ex. leschangements climatiques) et sociales (ex.l’exclusion) demeurent secondaires et nonreliées entre elles. La finalité initiale del’aménagement, qui était de réduire lesinégalités entre les territoires et les commu -nautés, a fondu comme neige au soleil! Letroisième obstacle renvoie à la formation desprofessionnels de l’aména gement. Tant queles programmes de formation et de recher -che12 seront centrés sur l’aménage mentcomme une technique et n’intégreront pasl’urbanisme durable, il y a fort à craindreque la ville durable demeure une utopie etque les problèmes urbains continuent de secumuler.

Une fois ces obstacles reconnus, les actions –s’inscrivant dans le chantier de la VD et pro -mouvant une approche intégrée – méri -teraient d’être encouragées concrètementpar les gouvernements supérieurs. ■

Christiane Gagnon, Ph.D en aménagement, estprofesseure au Département des sciences humaines del’Université du Québec à Chicoutimi et codirectricedu Centre de recherche en développement territorial(CRDT). Madame Gagnon est aussi responsabled’un guide multimédia et interactif pour des agendas21e siècle locaux (voir encadré de la page suivante).

BIBLIOGRAPHIE

Charlot-Valdieu, C. et P. Outrequin. 2009.L’urbanisme durable. Concevoir un écoquartier.Paris. Éditions le Moniteur. 282p. et annexes.

Emélianoff, C., 2005. «L’urbanisme durable enEurope : à quel prix?» in sous la direction deH.Bartoli. Le développement durable. Uneperspective pour le XXIe siècle. Rennes, PUR,p.203-215.

Gagnon, C. 2008. «Le développement durable :un nouveau paradigme scientifique?», in G.Mascicotte, Sciences du territoire. Perspectivesquébécoises. Québec, PUQ, p.335-367.

Jacobs. P. 2007 «Nous sommes tous les urbains.Esquisses et prospectives de l’environnementurbain», in Environnement urbain, volume 1,p. c-1 à c-9.

UNESCO. L’UNESCO et les villes. Partenaires.Service des relations extérieures et de la coopé -ration, 2002, 26p.

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10 Entre les territoires : quartiers, rural/urbain, centre/périphérie/, Nord/Sud.11 Le DD a ajouté un quatrième pilier (cercle) : le mode de gouvernance territoriale qui se définit comme ouvert et partenarial.12 Selon Jacobs, les organismes subventionnaires ne sont pas à l’avant-garde :« le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) consacre 865 millions de

dollars année aux 65 universités canadiennes, ce qui comprend 10 000 professeurs (…). Il n’y a pourtant pas un seul chercheur qui poursuit sa recherche sur la problématique de la villedurable. Pour (…) le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, seulement six projets prennent une telle orientation.»(2007 : c-3),

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Un accès unique à toute l’informationet toutes les ressources du milieu du bâtiment durable

LE PORTAIL DU BÂTIMENT DURABLE AU QUÉBEC

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Le guide multimédia et interactif contient :

• Des textes vulgarisés détaillant les principales étapesd’une démarche territoriale de développement durableviable (DDV) :

o la mobilisation des acteurs et des ressources ;o la définition de la structure de travail ;o l’état des lieux et la vision stratégique ;o le plan d’action et sa mise en œuvre ;o l’évaluation et le suivi.

• Une douzaine de textes thématiques complémentaires :le rôle de villes dans les changements climatiques,l’éducation relative à l’environnement, etc.

• Une galerie d’expériences : des applications territorialesdu DDV, en provenance du Québec et d’ailleurs dans lemonde, à l’échelle de quartiers, de municipalités, demunicipalités régionales de comté, de régions ou dedépartements.

• Une bibliothèque virtuelle : plusieurs centaines de titreset d’hyperliens.

• Un glossaire.

• Une section Quoi de neuf.• Un abonnement à la liste d’envoi pour les nouveautés.• Une plate-forme d’échanges avec le forum de discussion,une sorte de clinique pratique.

www.a21l.qc.ca

Guide pour des agendas 21e siècle locaux

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Saguenay, une ville en changement Francois Hains, urbanisteNancy Bourgeois

Une approche globale

Transformer la municipalité, questionnerson mode de développement et revoir soninfluence sur la vie de la communauté est undéfi de taille qui interpelle tous les citoyenset les acteurs du monde municipal. La miseen place de nouvelles pratiques inhérentes àune approche de développement durableremettra parfois en cause des pratiquesétablies, des concepts de gestion, des critèressociaux, esthétiques ou budgétaires du modede développement traditionnel, mais ladiscussion doit être amorcée, les enjeuxsous-jacents au développement durableétant valables.

Le nouveau rapport souhaité avec ledéveloppement force à revoir les indicateursmême de la santé et la vitalité municipale.

Rien ne devra échapper lors de la mise enplace de cette nouvelle approche; l’ensembledes facettes concernant la vie municipaledevra être revisité. Les budgets municipauxseront revus, les priorités d’autrefois neseront plus nécessairement celles de demain.Tout doit être repensé et la meilleure équipen’y arriverait pas seule. La participation etl’adhésion de tous les acteurs est doncessentielle afin que le changement deparadigme n’émerge pas d’un seul lieu, maissoit issu de plusieurs sources.

La démarche proposée prévoit que le déve -loppement durable soit envisagé nonseulement en fonction d’une approcheterritoriale, mais également en fonction del’organisation municipale. En effet, la muni -cipalité est, elle-même, un acteur majeurdans le développement de la ville. Au cœur

de ce changement, il importe que chacundes employés municipaux devienne éco -responsable, afin de transmettre et de portercette philosophie et de faire en sorte quel’organisation développe ses initiatives etmodifie ses automatismes comporte men -taux au profit de nouvelles habitudes defonctionnement.

Une stratégie organisationnelle

Le mode traditionnel de réalisation d’étudesdans une organisation administrative de lataille de Saguenay suit généralement unprocessus préétabli allant de la nominationd’un chargé de projet à la réalisationd’études spécifiques puis à la présentationdes résultats et à la proposition d’un pland’action. Lorsque le processus se veut plusélargi, il arrive que des membres del’organisation puissent discuter des résultatset sensibiliser les parties prenantes à ladémarche. L’organisation essaie, par la suite,de convaincre le personnel du bien-fondé duprocessus, souvent avec des résultats mitigés.

À Saguenay, le maire, désirant recueillirl’adhésion de son personnel afin d’une part,d’établir un réel partenariat et, d’autre part,de diminuer la résistance au changement, aprivilégié la formule de « forum ouvert ». Ladémarche retenue se veut simple et efficace.Aucune étude ne serait réalisée. Aucunrésultat prédéterminé. Saguenay a fait lechoix de faire confiance à son personnel enmisant sur la maturité des individus etl’intelligence collective.

Mettant à profit l’expérience et les connais -sances de chacun des membres de l’orga ni -sation, quel que soit son rôle, la démarched’écoresponsabilité a été initiée. L’objectifn’étant pas de réaliser un plan quinquennald’intervention, mais de cibler des actions

Soucieux de rehausser la qualité de vie, d’améliorer l’environnement et de favoriser deséconomies locale et régionale dynamiques, le maire, M. Jean Tremblay, propose de réaligner latrajectoire de la ville et d’en orienter le développement par l’adoption d’un Agenda 21 local.Toutefois, la mise en œuvre d’actions favorisant un développement durable du milieu sous-entend une responsabilisation des individus pour qu’ils deviennent des acteurs et des agentsde changement. Alors, comment sensibiliser et responsabiliser tous les membres del’organisation municipale? Comment les mobiliser à l’atteinte d’un objectif commun : laproduction d’un plan de développement durable? Plusieurs pas ont été franchis depuis cettedécision devant conduire à une modification des pratiques municipales.

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Saguenay a privilégié la formule de Forum ouvert afin d’établir un réel partenariat avec les employésmunicipaux dans l’élaboration de sa démarche d’écoresponsabilité

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rapides, à court terme, sur lesquelles onpourrait agir immédiatement, les petitesvictoires partagées ayant souvent plus d’effetmobilisateur sur les employés que lesprogrammes de sensibilisation.

Les différents échanges conciliés dans prèsde 60 rapports d’ateliers ont permis à troiscents acteurs de soumettre plus de 500 pro -positions. Les personnes qui ont par ticipé àces échanges ont bien ciblé les buts àatteindre et le répertoire des actions et gestesproposés est crédible et réalisable. De plus, lepersonnel, devenu agent de changement, estprêt à le mettre de l’avant.

Une stratégie territoriale

Parallèlement à cette démarche organisa -tionnelle, Saguenay devait connaître lasituation concernant les différentes dimen -sions du développement durable sur sonterritoire. Un portrait de « l’état des lieux» aété réalisé conjointement avec l’Universitédu Québec à Chicoutimi.

Huit enjeux ont ainsi été établis pour cernerla réalité saguenéenne :

• Le redressement de la décroissance démo -graphique ;

• La cohabitation harmonieuse des usagesterritoriaux ;

• La valorisation du transport actif et encommun ;

• Le rehaussement de la qualité de l’envi -ronnement ;

• L’amélioration de l’efficacité énergétiquedans le contexte des changements clima -tiques ;

• La dynamisation de l’économie locale ;

• La progression de la gouvernance parti ci -pative, de l’équité et de la coopérationterritoriale ;

• Le rehaussement de la qualité de vie.

L’état des lieux, réalisé par Mme ChristianeGagnon et son équipe, se veut le cadre deréférence permettant aux citoyens et auxacteurs territoriaux d’établir des constats. Iloffre une représentation globale et com -mune des différentes problématiques pré -sentes sur le territoire. L’état des lieux seraprésenté à la population à l’automne pro -chain et servira de base aux consultations.Les trois objectifs visés sont d’offrir unesynthèse de l’état et des enjeux du déve lop -pement durable, de stimuler et d’alimenterles réflexions et les échanges sur la base del’iden tification d’un certain nombre deforces et de faiblesses et finalement de

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Le maire de Saguenay, M. Jean Tremblay, propose de réaligner le développement de la Ville vers uneapproche privilégiant le développement durable par l’adoption d’un Agenda 21, local.

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Les différents échanges réalisés par les employés municipaux ont été conciliés dans 60 rapports et ontpermis de soumettre plus de 500 propositions en vue d’établir un plan d’action pour Saguenay.

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Les politiques de requalification et de redynamisation des centres-villes de Saguenay sont au cœur despréoccupations municipales et s’intègrent dans la démarche de développement durable.

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présentée par

PREMIÈRE ÉDITION

AU OCTOBRE - PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL

VINS, BIÈRES ET SPIRITUEUXLAGRANDEDEGUSTATION.COM

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prépa rer le plan territorial et collectifd’actions de développement durable àSaguenay.

Avec ses nombreux indicateurs, L’état deslieux devra conduire à l’action. Les bilansdevront dépasser éventuellement le constatet forger des outils qui permettront demettre en branle l’ensemble du lotd’information obtenu.

Le schéma d’aménagement de Saguenay,élaboré parallèlement à la démarche dedéveloppement durable, intègre déjà plu -sieurs préoccupations retenues par L’état deslieux et ce tant aux plans social, économiqueque territorial. Il retient des gestes majeursdevant conduire à un réalignement dudéveloppement saguenéen.

Le développement durable en action

À la demande du maire, M. Jean Tremblay,des actions immédiates ont déjà été

amorcées à partir de ce cheminement danslequel Saguenay s’est inscrit. Ainsi, un guidesur le comportement écoresponsable a étépublié pour l’ensemble des citoyens, unefoire commerciale est organisée annuel -lement pour valoriser la production etl’achat locaux, les démarches de valorisationdes matières résiduelles avancent à grandspas, le schéma d’aménagement intègre plu -sieurs des concepts de L’état des lieux. Lesévénements et activités municipales devien -nent écoresponsables. Les politiques derequalification et de redynamisation descinq centres-villes de Saguenay sont au cœurdes préoccupations municipales, un quartiercommercial vert est en cours d’élaboration etles quartiers blancs (sans fondant à neige) semultiplient. La transformation de voies decirculation en voies piétonnières est deplus en plus à l’ordre du jour. Saguenays’inscrit dans une longue marche vers uneville durable.

Pour faciliter, guider et orchestrer ces pro fon -des transformations des modes de déve lop -pement, l’urbaniste est appelé à jouer un rôlede premier plan. Pour façonner l’image dufutur, il devra, par contre, dépasser les fron -tières traditionnelles des modes de réali sa tionsd’études et d’analyses pour associer l’ensem -ble des acteurs tout au long du che minementet faire en sorte que le dévelop pe ment durablene soit pas seulement une nou velle approche,mais un réel changement de valeurs. ■

Francois Hains est directeur du dévelop pe mentcommercial et services de Pro motion Saguenay à laVille de Saguenay. Architecte paysagiste et urbaniste,il détient également une maîtrise en administrationpublique. M. Hains assure la coordination de ladémarche de développement durable pour la Ville deSaguenay.

Nancy Bourgeois est conseillère à l’environnement àla Ville de Saguenay. Elle détient une formation engéographie et aménagement du territoire et undiplôme d’études supérieures spécialisées en gestion deprojet. Mme Bourgeois est chargée d’accompagnerl’organisation municipale dans sa démarched’écoresponsabilité ayant pour objectif l’élaborationd’un plan de développement durable.

BIBLIOGRAPHIE

Beaulieu, Étienne. Comment faire de Saguenay uneorganisation écoresponsable? Compte rendu d’atelier,Forum ouvert sur le développement dura ble.Grisvert. Rapport d’atelier 6-12-18 avril 2011.

Gagnon, Christiane. État des lieux du dévelop pe -ment durable et viable à Saguenay, Jalon pour unedémarche d’agenda 21e siècle local. Université duQuébec à Chicoutimi. Octobre 2009.

L’état des lieux cerne huit enjeux sur la réalité saguenéenne et ses enjeux

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En 1978, la Loi sur la protection du terri toireagricole, devenue la Loi sur la protec tion duterritoire et des activités agricoles, est mise enplace suite au constat alarmant de la dimi -nution des superficies cultivables. Celle-cipermet de freiner les pressions sur ce type deterritoire, maintenant un capital écono mi -que et naturel d’intérêt en plus de recélerune multifonctionnalité essentielle au bien-être collectif (accessibilité des produits,esthétisme du paysage, fonctions écologi -ques, vocation patrimoniale). Pourtant,malgré cette loi, des dérogations au cas parcas ont rogné et continuent de rogner cesespaces. En combinaison à la crise forestièreactuelle, il est aisément compréhensible queles propriétaires fonciers préfèrent vendre unterrain à un promoteur immobilier plutôtque d’investir dans le reboisement, devenumarginal.

Les statistiques viennent corroborer ces faits.Depuis les années 1980, la superficie desespaces naturels dans la Communauté métro -politaine de Montréal diminue en moyennede 1,8 % par année. Une récente étudeuniversitaire démontre que plusieurs MRCautour de Montréal se retrouvent avec moinsde 30 % de superficie à l'état naturel, soit le« seuil critique pour le maintien de la bio di -versité » (Rompré et al, 2007). Or, les projec -tions démo gra phi ques des 25 pro chai nes

années annoncent que la pression seramaintenue. En plus de réduire la bio di -versité, cette perte de terri toire naturel,

considérée exceptionnelle dans les régions dusud du Québec (Atlas de biodi versité duQuébec, 2005), a des effets sur la qualité de lavie de la population. En effet, il a été démon -tré que plus les citoyens se retrouvent éloignésde la nature, plus ils font face à des problèmessociaux autant que physiques (phénomèneconnu sous le nom de « Nature deficitdisorder » (Louv, 2005). Pourtant, malgré laréduction de la super ficie boisée, 3,4 millionsde Québécois pratiquent au moins uneactivité récréative liée à la faune et à la nature,représentant des dépenses de 3 milliards dedollars (Gouver nement du Québec, 2011).

Devant ces enjeux majeurs, il est aujour -d’hui important de mesurer l’ensemble desavantages environnementaux, sociaux etéconomiques que retire la population dumilieu naturel entourant la région montréa -laise (territoire de la Ceinture verte) afin del’inclure efficacement dans la prise dedécision publique et de sensibiliser lapopulation à ces questions. Ce projet demise en valeur du capital naturel s’appuie surdes initiatives internationales déjà reconnuestelles que The Economics of Ecosystems andBiodiversity (TEEB).

Une approche de préservation desespaces naturels autours des villes

Le concept de ceinture verte est né àLondres dans les années 1950. Visant àlimiter la perte des espaces naturels et agri -coles par une urbanisation galopante, ceconcept s’est multiplié dans le monde. AuQuébec et plus spécifiquement à Montréal,les volontés quant à la préservation de tels

milieux proviennent autant du gouver ne -ment provincial, que de la Communautémétropolitaine de Montréal ainsi que de sapopulation et des organismes de conser va -tion. Aujourd’hui, grâce à la crédibilité etl’expertise d’organisations comme laFondation David Suzuki, impliquée dans lesceintures vertes de Toronto et Vancouver, etde Nature-Action Québec (NAQ) qui,depuis plusieurs années a acquis des terrainsdans la Ceinture verte Montréalaise, un telprojet pour Montréal devient réalité.

La vision de la Fondation David Suzuki etde Nature-Action Québec conduit à con -server les milieux naturels existants etrestaurer leur connectivité en misant sur leconcept de zéro perte nette, maintenirl’usage agricole et son dynamisme, assurer lapérennité de la biodiversité en développantdes liens propices à la connexion de pôles debiodiversité, améliorer l’accès de la com mu -nauté aux milieux naturels ainsi qu’à favo -riser des pratiques de foresterie durable.

Les premières étapes qui permettront laconcrétisation du projet et la prise dedécisions éclairées sont les suivantes :

1. Établir les contours de la Ceinture vertede la métropole de Montréal ;

2. Comprendre la valeur économique desbiens et services écologiques ;

3. Identifier des outils de mise en valeurstratégique ;

4. Catalyser les acteurs autour d’un conceptcommun de ceinture verte ;

5. Appuyer la mise en œuvre du projet depréservation et de mise en valeur de laCeinture verte de Montréal.

Dès la fin du XIXe siècle, l’aménagement et la préservation dela nature dans la communauté métropolitaine et sur lesîles de Montréal et Laval font l’objet de préoccupations.Les pressions, qu’elles soient exercées sur les espacesboisés ou agricoles, sont omniprésentes, engendrant aufil des ans une perte de connectivité entre les grandsmassifs forestiers des Laurentides au nord et desAppalaches au sud.

Région de Montréal

Une ceinture verte grandeur nature

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Même si plusieurs organismesont déjà travaillé à la con ser -vation de la Ceinture verte, leprojet Grandeur Nature est unedémarche mobilisatrice afin queles multi ples acteurs du milieus’engagent dans des actionsconcrètes pour préserver laqualité de l’air, de l’eau et lebien-être collectif des popula -tions. Quatre années sontprévues pour arriver à l’accom -plisse ment de ce projet desociété. On comprend rapide -ment que le rôle des urbanistesdans cette démarche seracrucial. Véritables liens entrel’occupation du territoire et sacohérence, ils devront amenerles municipalités à dépasser leslimites administratives parl’adoption d’une démarche deconcertation qui permettraitd’élaborer et de proposer :

• des modifications législativesfavorisant la mise en place d’un méca -nisme de créa tion, protection, restau ra -tion et mise en valeur de milieux naturelsdans la Ceinture verte de Montréal ;

• une planification de zones agricolestampons, compatibles avec les milieuxnaturels du territoire, permettant uneintégration de la nature en ville ;

• une meilleure planification visant unedensification de l’urbanisation du terri -toire (localisation des infrastructuresd’utilités publiques, du réseau routier, dudéveloppement résidentiel, commercial etindustriel) ;

• des moyens de valorisation de la préser va -tion des milieux naturels existants par laconservation volontaire, leur maintiensous couvert forestier et, lorsque compa -tibles, l’agrotourisme et les activitésrécréatives ;

• une promotion de la restauration des liensnaturels entre les milieux existants, entreautres, par le soutien de projets : créationde bandes riveraines et de haies brise-vents, reboisement des bords d’auto route,mise en place de corridors forestiers etinitiatives en agroforesterie.

Déjà des réalisations au Québec

Actuellement, Nature-Action Québec, parses différents projets d’intendance et degestion des milieux naturels, a déjà pris unelongueur d’avance. La mise en place d’unplan de gestion durable du mont Rouge -mont, la protection et la mise en valeur du

Corridor forestier du mont Saint-Brunoainsi que le programme Sous mon aile dumont Yamaska pérennise des espacesnaturels et leur biodiversité en collaborationavec des associations locales et des pro prié -taires privés. NAQ utilisent aussi d’autresmoyens tels que des ententes de conser va -tion, des plans d’aménagement multi res -sources avec options de conservation, desprogrammes de restauration, sans oublierdes acquisitions et des servitudes. Ainsi,plusieurs milieux naturels de la Ceintureverte bénéficient déjà d’une protection; leprojet est donc, pour ainsi dire, déjà com -mencé. De plus, la connectivité aux grandsmassifs forestiers que sont Les Laurentides etles Appalaches tend à se concrétiser grâceaux projets de corridors entamés par NAQ(exemple du corridor Vert de Vaudreuil –Soulanges et Lévy – Châteauguay et le parcdes Grèves de Contrecoeur).

Ainsi, il y a tout lieu de croire que la volontéexprimée depuis maintenant plus de 100 ans(Sénécal, 2001), quant à une rationalisationde l’urbanisation et l’organisation desmilieux naturels à Montréal et sa régionpériurbaine, se réalise un jour. En effet,aujourd’hui, avec l’appui de fondations derenom comme la Fondation David Suzuki,les actions débutées par une organisationcomme Nature-Action Québec, combinéesaux volontés gouvernementale et populaire,rendent envisageable la réalisation de ceprojet intégrateur et rassembleur bénéfiqueaux générations futures. Pour ce faire, lesurbanistes, grâce à leur savoir-faire et à leur

vision d’ensemble, auront un rôle majeurpour assurer la cohérence de ce grand projetintégrateur qu’est cette Ceinture VerteGrandeur Nature de Montréal. ■

Émie Labrecque détient une maîtrise en sciencesgéographiques et est chargée de projets, responsable dela Ceinture verte de Montréal, à Nature-ActionQuébec.

BIBLIOGRAPHIE

Louv, R., Last Child In The Woods: Saving OurChildren From Nature-deficit Disorder. AlgonquinBooks of Chapel Hill, 2005, 390 pp.

Rompré, G., Boucher, Y., Bélanger, L., Côté S.,Robinson, W.D., Conservation de la biodiversitédans les paysages forestiers aménagés : utilisation desseuils critiques d’habitat. The Forestry Chronicle.Vol. 86, no 5, 2010, pp. 572-579.

Sénécal, G., Hamel, P., Guerpillon, L., Boivin, J.,Aménager la métropole nature : retour sur les effortspassés de planification dans la région de Montréal etessai d'évaluation de la situation actuelle desbanlieues. Géocarrefour. Vol. 76, no 4, 2001, pp.303-317.

Tardif, B., Lavoie, G., Lachance, Y., Atlas de labiodiversité du Québec. Les espèces menacées ouvulnérables.Gouvernement du Québec, ministèredu Développement durable, de l’Environnementet des Parcs, Direction du développementdurable, du patrimoine écologique et des parcs,Québec, 2005, 60 p.

Sukhdev, P. et al., TEEB (2010) L’Économie desécosystèmes et de la biodiversité : Intégration de l’Éco -nomie de la nature. Une synthèse de l’approche, desconclusions et des recom man dations de la TEEB.Bonn, 2010, 46 p.

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Ceinture verte de la région de Montréal.

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Le Plan stratégique 2020, un planambitieux, mais réaliste…

Le Plan stratégique 2020 de la STM pré -sente la vision de l’entreprise et ses projetspour les dix prochaines années. Les propo -sitions s’inscrivent dans la foulée desorientations énoncées dans le Plan detransport de la Ville de Montréal et dans laPolitique québécoise du transport collectifdu ministère des Transports du Québec quivisent à faire du transport collectif le moyende transport privilégié dans la région deMontréal.

De façon plus précise, le Plan vise une aug -mentation de l’achalandage de 40 % pouratteindre 540 millions de déplace ments en2020. Ceci représente un transfert modal de5 % des automobilistes vers le transportcollectif. Le Plan repose sur plus de 90actions allant des prolongements de métro àla mobilisation des employés. Pour lesbesoins de l’article, nous nous attarderonsplus spécifiquement sur quelques actions enlien avec l’amélioration du réseau de surface,alors qu’elles concernent plus spécifi que mentles questions d’amé nagement du territoire.

Améliorer l’offre de servicedu réseau de surface

Pour atteindre ses objectifs, la STM vise,entre autres, à augmenter l’offre de servicesur son réseau de surface de 32 % d’ici à2020. Plusieurs projets nécessiteront alorsune révision du partage de l’espace urbain.

À court terme, la STM prévoit de fairepasser le nombre de kilomètres de voieséquipées de mesures préférentielles pour bus(MPB) de 105 km à plus de 375 km sur l’îlede Montréal. Composées principalement devoies réservées et de feux prioritaires, lesMPB rendent le réseau de surface plus fiableen plus de permettre des déplacements plusrapides.

La STM entend également déployer unréseau de système rapide par bus (SRB).Règle générale, un SRB requiert des voiesréservées en site propre, des stations et desvéhicules modernes et un système d’infor -mation à la clientèle performant. Un SRBaméliore la compétitivité du transportcollectif sur les axes à fort achalandage etreprésente un excellent compromis entreles bus et les modes plus lourds (métro/tramway), tout en offrant un serviceattrayant à moindre coût. En collaborationavec l’Agence métropolitaine de transport(AMT), le premier SRB sera mis en servicesur l’axe Pie IX en 2013.

Au cours des soixante dernières années, l’usage accru de l’automobileindividuelle a conditionné le développement de nos villes avec lesconséquences que nous connaissons : congestion, étalement urbain,émission de gaz à effet de serre (GES), etc. Aujourd’hui, le concept dedéveloppement durable laisse voir le rôle essentiel que joue le transport surle développement de nos villes et nous pousse à donner une plus grandeplace aux transports collectifs. Ceux-ci constituent une alternative abordablepour se déplacer, contribuent significativement à la réduction des GES et àl’amélioration de la qualité de vie en plus de générer plus de retombéeséconomiques positives que tout autre investissement en transport. Avec sonPlan stratégique 2020, la Société de transport de Montréal (STM) propose àl’ensemble des parties prenantes un virage clair en faveur des transportscollectifs.

Transport collectif et aménagement

La vision d’avenir de la STMÉtienne Lyrette, urbaniste

Le SRB Pie-IX comprendra deux voies bidirec tion -nelles au centre du boulevard, des îlots sécuriséspour l’embarquement et une vingtaine d’arrêtssur 10 km.

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Projet de tramway de Montréal

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Le Plan stratégique 2020 comprend égale -ment le déploiement d’un réseau detramways. Le tramway représente à la foisun moyen d’améliorer la mobilité des per -sonnes et un instrument de requali fica tionurbaine, d’embellissement et d’amélio rationde la qualité de vie des résidants des quar -tiers qu’il dessert. Il est particulièrementadapté aux secteurs populeux qui présententune grande diversité d’activités nécessitantdes déplacements durant toute la journée.Conformément au Plan de transport de laVille de Montréal, le réseau comprendra, àterme, 22 km de voies répartis sur troislignes: Côte-des-Neiges, Parc, Centre-Ville.

Étant donné que la flotte de véhiculesaugmentera significativement au cours desprochaines années, la STM devra égalementconstruire des centres de transport pourpermettre l’entretien de son matériel roulant(bus, bus articulés, futurs bus électriques ettramway, etc.). Afin de maintenir l’efficacitéde son réseau, ces imposants édifices doiventêtre construits à distance raisonnable desprincipales zones desservies. L’implantationde ce type de bâtiment dans un milieuurbain soulève systématiquement une séried’enjeux chez les riverains. Ces projets,essentiels à l'augmentation de l'offre deservice, doivent donc faire l'objet deconsultations auprès des principaux acteursdu milieu hôte et d’un design soigné.

Des opportunités et des défis

Le déploiement massif de MPB et l’intro -duction de SRB et de tramways dans les ruesde Montréal sont l’occasion d’une revita -lisation urbaine importante le long des axesciblés et d’un nouveau partage de la chaus -sée. De plus, pour les secteurs qui accueil -leront ces infrastructures, cela per mettra deremédier aux problèmes engen drés par une

trame urbaine histori quement mal adaptéeau transport collectif et prin ci palementdéveloppée pour faciliter l’usage de l’auto -mobile depuis le milieu du 20e siècle.

En rétablissant un meilleur équilibre dans lepartage de l’espace public et en déployantdes modes de transport collectif efficaces etmodernes, les autorités municipales aug -mentent l’attractivité des quartiers centraux.En effet, ces interventions viennent réduirele nombre de déplacements en automobile,améliorer la qualité de l’air, favoriser lesmodes de transport actifs (marche, vélo),créer des pôles d’activités mixtes autour desstations, augmenter la valeur des propriétésenvironnantes, tout en offrant une solutionde mobilité simple et abordable.

Cela dit, la réduction de l’espace dédié à lacirculation automobile et au stationnementen milieu urbain n’est pas une mince affaire,puisqu’elle implique un profond change -ment de paradigme. Toute modification à cechapitre entraîne systématiquement deslevées de boucliers de la part de plusieursacteurs, notamment sur les artères commer -ciales. Pour garantir une intégration har -monieuse de ces modes de transport, il fauts’assurer de l’implication des citoyens, descommerçants, des élus, des arron disse mentset de la ville, afin qu’ils participent active -ment au développement de solutions nova -trices aux problèmes rencontrés. Plus lesacteurs seront mis à contribution en amontdans le processus de planification, plus lerésultat sera satisfaisant pour eux.

Un aménagement favorable àl’utilisation des transports collectifs

La seule augmentation de l’offre de servicene permettra pas d’atteindre les objectifs duPlan. En effet, la STM devra également

compter sur un meilleur arrimage entreaménagement et transport collectif. Pourêtre efficaces et attrayants, les transportscollectifs doivent jouir d’une trame urbainecontinue, d’un seuil minimal de densité etd’une mixité d’usages. Le contrôle plus serrédes périmètres d’urbanisation et l’inclusiond’orientations favorisant la mixité et l’aug -mentation de la densité dans les schémasd’aménagement et les plans d’urbanismesont autant de mesures qui favorisent l’uti -lisation et le développement des transportscollectifs. Il est également essentiel quel’efficacité d’un axe de transport soit calculéeen fonction du nombre de personnes qui ycirculent et non en fonction du nombre devéhicules qui s’y déplacent. Autrement dit, ilfaut passer de la gestion des véhicules à lagestion de la mobilité.

La STM entend aussi s’assurer auprès desdifférents partenaires métropolitains et duministère des Transports du Québec del’intégration du transport collectif dans laplanification de chacun des grands projetsroutiers et immobiliers à caractères rési -dentiel, commercial et industriel.

Pour atteindre les objectifs de son Plan, laSTM aura besoin de l’appui des urbanisteset des spécialistes de l’aménagement, afin defaciliter la mise en place de plusieurs de sesprojets et de favoriser un milieu propice àl’utilisation des transports collectifs. Cetarrimage mènera au développement dequartiers et de villes durables, conviviaux etmieux adaptés aux besoins des gens qui yrésident et y travaillent. ■

Étienne Lyrette, urbaniste, est conseiller corporatif àla Société de transport de Montréal. Il est titulaired’un doctorat en études urbaines de l’INRS-UCSIl travaille à la Société de transport de Montréaldepuis 2009.

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La STM en bref…14e entreprise en importance au Québec, la Société de transport de Montréal assure quelque 1,2 million dedéplacements par jour, soit près de 80 % des déplacements en transport collectif dans la région métropolitainede Montréal et près de 70 % au Québec. Elle emploie plus de 8 900 personnes, dont la moitié sont directementen contact avec la clientèle. La Société exploite un parc de 1 680 autobus. Le réseau compte 206 lignesd’autobus, dont 155 sont accessibles aux personnes se déplaçant en fauteuil roulant et 20 lignes sont dédiéesau service de nuit. Le métro quant à lui est constitué de quatre lignes totalisant 71 kilomètres de voie etdesservant 68 stations. La STM offre également un service de transport adapté porte-à-porte pour les personnesayant des limitations fonctionnelles.

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Comment l'engoue ment pourl'agriculture urbaine modifie-t-ill'aménagement du territoire?

C’est toujours à démontrer. L’aména -gement du territoire se trouve encoreterriblement normé et il n’intègre querarement une logique envi ronnementale.Néanmoins, l’urbanisme agricole (agricul -tural urbanism1) ou l'urba nisme ali men -taire (Food urbanism) se développe enplusieurs endroits, c'est-à-dire un urba -nisme basé sur des enjeux alimentaires. Àl’heure actuelle, on observe nombre dedéplacements entre le lieu de production -- le champ ou la serre – et le lieu de con -sommation – le restau rant, l’épicerie ou lesupermarché. Il n'y a pas de proximité.

Avec l’urbanisme agri cole, on tente desituer la production près des, sinon dans,les marchés de proximité. Ainsi, en plus deréduire les déplacements automobiles, defavoriser la marche et de créer des quartiersverts, il est primordial de réserver desespaces pour la production alimentaire. Ilfaut bien sûr réfléchir à l’ensoleillementdes lieux de production pour pouvoirrécolter des aliments et ensuite les mettreen marché localement.

Faut-il réviser l’urbanismeréglementaire et opérationnel pourtailler une place à l’agricultureurbaine?

Dans les anciens quartiers urbains, il fautsans doute réviser l'aménagement priorisé.Par exemple, le plan particulierd'urbanisme de Griffintown n’affecteaucun espace à l'agriculture urbaine ou àl'alimentation locale en général. La clien -tèle cible des magasins à grande surfacen’est pas celle qui habite le quartier, maisplutôt celle qui transite entre la Rive Sudet Montréal. Des conditions semblabless’appliquent aux projets immobiliers situésen banlieue. Évidemment, on réserve desespaces le long des voies ferrées pourl'agriculture urbaine, mais il ne faut passeulement de petits lots.

En ce moment, on parle beaucoup d'inter -disciplinarité, de mixité et de diversité. Parcontre, lorsque nous construisons, noushomogénéisons la ville : une zone com -merce, une zone habitation et, à l'exté -rieur, une grande zone agricole. Il faudraitplutôt faire des projets urbains mixtes en

damier, c'est-à-dire faire de l'agriculture àpetite échelle à côté des habitations et descommerces. Je ne parle pas de fermiers quivont démarrer leur tracteur à 3 h du matinou de mégaporcheries, mais de champsd'agriculture intensive avec des engraisautres que du purin liquide, donc inodore.Il faut réfléchir différemment au déve lop -pement avec les promoteurs. Il est aussinécessaire de changer la réglementationmunicipale. Par exemple, dans les ban -lieues du Québec (ou de Montréal), on n'apas le droit de faire pousser des légumesdevant sa maison. Un aménagementpay sager avec des arbustes ou une pelouseest obligatoire. Les jardins maraîchers sontillégaux en devanture! Pour contournerde tels règlements les résidants doiventfaire preuve d'imagination et créer desaména gements paysagers comestibles.À Sherbrooke les amis de la terre on faitchanger la réglementation.

Quel est le rôle de l'urbaniste enmatière d’agriculture urbaine?

Le rôle de l’urbaniste est d’inviter desjoueurs non traditionnels qui viennentdu domaine de l’environnement, dessciences sociales et peut-être aussi desgroupes de citoyens pour revoir de quellefaçon nous développons la ville. Ilvoudrait aussi voir établir de nouveauxcritères qui prennent en comptel’agriculture urbaine. Les nou veauxprojets immobiliers intègrent l’agricul -ture urbaine ou y font référence dans leurmatériel promotionnel. On observe unintérêt grandissant.

En décembre dernier, Éric Duchemin était conférencier à URBA 2015, forum dirigé par sacollègue, la professeure Florence Junca Adenot du Département d'études urbaines ettouristiques, de l’UQAM. Dans le cadre de cette conférence, tout en faisant un historique del’agriculture urbaine à Montréal et ailleurs, il présenta comment cette agriculture répond auxgrands objectifs du nouvel urbanisme. Dans cette entrevue, nous explorons avec luicomment l’agriculture et l’urbanité pourraient et devraient se concilier.

Demain, l’agriculture dans la villeEntrevue avec Éric Duchemin, professeur associé à l’UQAM

Propos recueillis par Catherine Vandermeulen, urbaniste-stagiaire

1 Pour en savoir davantage visiter le site web www.agriculturalurbanism.com.

Jardin dans un escalier

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En plus de l’agriculture urbaine, on peutparler de biodiversité, de pollinisateurs. Cesont tous des éléments qui doivent serajouter aux plans d'urbanisme. Nos plansse basent sur la question de la mobilité. Ilfaut faire circuler les chars! L'étalementurbain augmente, et on discute desimpacts en disant que ce n'est pas simauvais que ça. Je crois qu’il y a quelquechose qui ne marche pas. Je ne suis pascontre le fait que les gens ne veulent pasvivre à Montréal. Je ne veux pas obligertout le monde à vivre en ville, maisreproduire la mono utilisation, c’est

inacceptable. À ce jour, j'ai toujours l'im -pression que nous prenons un tamponencreur, et, rapidement, nous repro dui -sons la même empreinte et nous étalons lesbanlieues. Nous n’allons quand même pasaller jusqu’à faire des beignes comme auxÉtats-Unis!

L'agriculture serait donc unélément urbain?

La viabilité urbaine, d’après moi, se basesur plusieurs éléments, dont la démocratie,et l'agriculture urbaine. Dans les jardins,

on observe la mobilisation de jeunes, depersonnes âgées, de travailleurs, d’immi -grants à travers la production d’aliments.C'est un lieu de rencontre un peu commeles places publiques de l’Europe. Est-ceque ces gens deviennent amis? Pas néces -sairement, mais ils ont l’occasion de secôtoyer. Les jardins com munautairesaccueillent beaucoup de nouveaux arri -vants, où ils produisent des aliments quine sont pas en vente ou qu’ils n’ont pas lesmoyens de s’acheter. Durant les premièresannées qui suivent leur arrivée, ils neparlent pas aux autres. Mais tran quille -ment, on voit se faire un rappro chement.Je le vois dans mon jardin. Une petitecommunauté bengalie est arrivée il y aenviron sept ans. Les enfants ont vite faitd’apprendre toutes les langues et jouent lerôle d’interprète pour les personnes âgées.On se connaît, on se comprend, c'est undes éléments d'intégration. Évidemment,ce ne sont pas tous les jardiniers qui sontaccueillants, mais en communiquant,discutant, essayant de se comprendre, onaplanit les différences.

Est-ce qu'il y a des modèlesexemplaires à Montréal ou auQuébec?

Le programme des jardins commu nau -taires de la Ville de Montréal, qui a déjà étéreproduit, est reconnu au niveau inter na -tional. En parallèle, Jean-Marie Chapeaude Centraide du Grand Mont réal, a

Atelier de travail dans les jardins du Collectif de recherche en aménagement paysager et agricultureurbaine durable (CRAPAUD)

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Vous avez cofondé l'École d'été d'agriculture urbaine : comment et pourquoi poursuivre?

Comme chercheur en chan ge ment climatique, un autre univers, mon champ d'intérêt a évolué. Je suis aussi un agriculteur urbain,un fermier urbain. Devant l’absence de recherche sur l'agriculture urbaine, je me suis impliqué. Longues discussions avec Jean-Philippe Vermette, cofondateur de CRAPAUD qui me dit : « Tu m'as parlé d'une idée de faire une école d'été. Sur l'agricultureurbaine ? » Nous l’avons donc créée avec une troisième personne, Fabien Wegmüller, main tenant actif dans ce domaine en Suisse.Elle a commencé en 2009. Ce sera donc la troisième en 2011.

Nous avions les ressources. Fallait-il continuer? Oui, car c'est un vrai succès – déjà 150 inscriptions plus une liste d'attente! Desgens d'un peu partout : Brésil, Liban, France. En 2010 : deux Allemandes, une Belge, une Américaine, une Burkinabé. C’est doncinter na tional. On vise une formation diversifiée d’une année à l’autre, théorie et pratique, ainsi qu’une participation active. Ontente aussi de mélanger les domaines – des urbanistes, des architectes et d’autres disciplines. On a travaillé beaucoup autourde l'idée de la charrette : difficile, les gens n'étant pas toujours accoutumés à ce concept. L'année passée, nous avons mêmedonné un cours de maîtrise. Donc, des étudiants qui suivent un vrai cours avec 45 heures de formation universitaire, qui euxconnaissent bien le concept de charrette, ont dirigé les équipes de charrette et accompagné les groupes, car à plus de100 participants, les organisateurs ne peuvent pas suivre tout le monde. En 2012, nous réci diverons certainement pour une4e édition.

Pour en savoir d’avantage www.agricultureurbaine2011.org

2 Pour en savoir davantage, consulter le site web du Regroupement des jardins collectifs de Québec www.rjcq.ca/node/110.

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AMÉNAGEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

ARCHITECTURE DE PAYSAGE

DESIGN URBAIN

DÉVELOPPEMENT IMMOBILIER

ENVIRONNEMENT

PLANIFICATION DU TERRITOIRE

PLANIFICATION STRATÉGIQUE

TOURISME

URBANISME ET RÉGLEMENTATION

groupeibidaa.com 514 954 5300

Faubourg Boisbriand

Rivière Saint-Charles, QuébecParc Civique, Cowansville

Place du Carillon, Laval

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Détenteur d’un Ph.D. en sciences de l'environnement, Éric Duchemin est professeur associé et chargé de cours à l'Institut dessciences de l'environnement à l'Université du Québec à Montréal.

beaucoup con t r i bu éau dévelop pement desjardins collectifs2 cheznous tel qu’on en voitaussi à Cuba ou aux État-Unis, dont il faut tirer desleçons. Chaque ville auraà reprendre et déployerson propre modèle. C'estce que Paris a fait avec lesjardins partagés, unevariation sur le modèlecollectif. Ce ne sont quedeux exemples. D’autressont à dégager. Parexemple, quand le projetimmobilier du Nordeleca été présenté, nous avonstra vaillé avec un groupe commu nau tairede Pointe Saint-Charles (Montréal) pourexiger une augmentation de 15 % de lasuperficie des parcs pour l'agri cul tureurbaine. La super ficie ne devait par néces -sairement être utilisée pour l'agri cultureurbai ne, mais elle devait au minimum êtreapte à accueillir l'agriculture urbaine.Après ça, les gens peuvent décider. Pourmoi, c'est essentiel.

Y aurait-il des modèles d'ailleursque nous devrions adopter?

Nous devrions plutôt vaincre les stéréo typesqui persistent. Nous parlons beau coup duconcept d’agriculture urbai ne, de son élé -

ment édu catif, de l’aspect social et d’autresbienfaits, pour ensuite le délais ser. Lespromoteurs, les aménagistes, les urbanistesne s'y inté ressent pas. Peut-être parméconnaissance?

Il y a quelque temps, nous avons rencontrédes fonctionnaires de la division desimmeubles de la Ville de Montréal. Desgens très instruits, mais quand nousparlions d'agriculture, certains rigolaient,parce que, pour eux, l'agriculture se passedans les champs avec des tracteurs. L’agri -culture urbaine c’est bien plus que ça ; c’estl’élevage de petites volailles, l’apiculture, laculture des arbres et des arbustes fruitiers.C’est beaucoup plus que la monoculture.Dans le quartier Ville ray, des arbres frui -

tiers ont été plantés, pasen forme de verger tra -di tionnel, mais épar -pillés ça et là. Celan'empêche pas que cesont des ver gers. Dans lequartier de la PetiteItalie, on trouve unsuperbe exemple de pro -duc tion fruitière, offrantmême des poires et desfigues. Comment le pland'urbanisme peut-il faireen sorte que ce patri -moine soit recon nu etsoutenu? Parce que cen'est pas rien, ce qui estfait par tous ces citoyens!On peut dire que c’estun patrimoine végétal

ou agricole. On ne protège pas notrepatrimoine agricole à Montréal. Il y aplusieurs échelles de pro duction. Il ne s’agitpas de remplacer l’agriculture à grandeéchelle, mais plutôt de promouvoirl’agriculture urbaine sans pour autant avoirdes tracteurs en ville.

Pour tout cela, une reconnaissance de l'AUest nécessaire et en ce sens RicardoLarrivée animera une nouvelle émissionintitulée « Le fermier urbain » qui seradiffusée à compter du printemps 2012 surles ondes de Radio-Canada. ■

Catherine Vandermeulen est urbaniste-stagiaire etcollaboratrice pour Urbanité.

Mur jardin à Montréal

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Le choix de construire en bois s’inscrit assu -rément dans des préoccupations très actuel les :sur le plan écologique avec un matériau issud’une ressource renouvelable et qui permet delutter contre les chan ge ments cli ma tiques, enmatière d’inno va tion indus trielle et pour lapérennité de la filière de la transformation desproduits du bois. Mais la pertinence de cettealter na tive, tout comme sa viabilité, doivents’inscrire dans une vision à long terme, parceque construire est un pari sur l’avenir à la foisdans son finan ce ment, dans sa dura bilitétechnique et dans sa contri bution sociale,culturelle et environnementale.

Une nouvelle façon d’employerun matériau naturel

La coalition BOIS Québec et le Centred’expertise sur la construction commer cialeen bois (cecobois) font activement la pro -motion de la construction en bois. Cesorganisations soulignent que près de 80 %de la construction non résidentielle, quireprésente annuellement environ 40 % de lavaleur des permis selon Statistiques Canada– 5,9 milliards de dollars au Québec en20101 – pourrait être réalisé en bois commecomposante principale dans la structure, lesparements extérieurs et intérieurs, et ce, enrespect du Code du bâtiment et du Code desécurité incendie. Les études de cecoboisconstatent en 2006 que seulement 15 % desconstructions non résidentielles ont recoursà ce matériau alors que 75 % des construc -tions ont moins de 4 étages et ne requièrentpas des structures incombustibles d’acier oude béton selon le Code national du bâti -ment. Il existe ainsi un nouveau marchéintérieur à développer, où la valeur ajoutéedu bois d’ingénierie offre de nouvellesocca sions au secteur de la transformationdu bois.

Le permis de construire :la conformité municipale

L’aménagement du territoire relève desadministrations locales. Leur autonomiedans la gestion du cadre légal découle de laréglementation provinciale que les munici -palités ont le devoir d’appliquer, et desprogrammes et agences fédérales quidéfinissent les politiques industrielles,fiscales et en habitation. Conceptuel -lement, les municipalités peuvent établirleurs objectifs. Concrètement, elles assu -rent avant tout la conformité des projetsrelativement à un cadre légal et normatifétabli par les deux niveaux supérieurs degouvernement. En effet, la plupart desmunicipalités ont des moyens financiers etdes ressources techniques limités pouramender la réglementation et les normesgénérales favorisées par les ministères et lesagences du Québec ou du Canada.

Dans ce contexte, le marché potentiel pourla construction en bois dans les secteursrésidentiels et non résidentiels est tribu -taire à la fois du cadre normatif imposé parles gouvernements canadien et québécoiset les usages convenus dans la régle men -tation locale. La conjonction de ces deuxtraditions pose des défis techniques etconceptuels : pour construire en bois, ilfaut aller au-delà des bénéfices encouruspar l’impact écologique reconnu dumatériau.

D’une part, on trouve une politiquefavorable à une industrialisation du bâti -ment associée aux secteurs des métaux etde la construction mécanique qui s’inscritdans la tradition industrielle britanniqueet américaine. L’indifférence historique desformations techniques et professionnelles

en génie pour la cons truc tion en boistémoigne de modèles économique, socialet culturel relative ment peu soucieux desressources naturelles du contexte québé -cois où abondent le bois et la pierre.

D’autre part, le cadre réglementaire desmunicipalités doit beaucoup à l’héritagelégislatif qui définit la manière de cons -truire depuis le XVIIe siècle avec le partagedes coûts du mur mitoyen en maçonnerieet toutes les provisions régle mentaires pourencourager la construction incombustible.Jusqu’à la première moitié du XIXe siècle,la construction en ville doit être en pierre.Le bois est toléré dans les faubourgs deQuébec ou Montréal, quartiers qui serontravagés par des incendies importantscomme dans d’autres villes au Québec.L’interdiction de la construction en bois,autant que celle des typologies résiden -tielles en formule « plex», comme on letrouve édicté à Westmount au début duXXe siècle, visent à se protéger contre le feuet se préserver d’un voisinage populaire.L’emploi du bois dans un milieu urbainest historiquement associé au risqued’incen die et à l’habitat modeste, et cela seconstate autant au Québec qu’enScandinavie ou en Russie.

La construction massive en bois, appeléepièce-sur-pièce, va permettre de concilierune certaine résistance au feu, la soliditéstructurale, un niveau d’isolation ther -mique et la possibilité d’être recouverted’un parement de plâtre à l’intérieur et demaçonnerie ou de métal à l’extérieur pourréduire le risque combustible. Ce modeconstructif, dominant dans les villes duQuébec dans la première moitié duXXe siècle restera en vigueur jusqu’audébut des années 1960.

Depuis 2005, quelques projets, notamment à Québec, – le pavillon Gene-H.-Kruger,l’édifice Fondaction de la CSN ou le Stade Chauveau –, ont confirmé la capacitétechnique du bois par rapport à l’acier ou au béton, le coût, l’impact économiquerégional, de même que les qualités architecturales du matériau et des espacesréalisés avec celui-ci. Le passage de projets de démonstration à celui d’une solutionconcurrentielle devant les techniques plus conventionnelles de construction soulèveun ensemble de questions légales et structurelles pour les municipalités.

Construire en ville, construire en bois François Dufaux

1 Les deux sources « Valeur des permis de bâtir délivrés, selon le secteur de construction » et « Investissement en construction de bâtiments non résidentiels, selon le type de bâtiment,par province et territoire » confirment la même répartition entre les secteurs résidentiels et non résidentiels en terme de valeur en millions de dollars.

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La construction non résidentielle – insti -tutionnelle, commerciale ou industrielle –a largement évité la construction en boissur le plan historique. La protection contrele feu était décisive, mais la dimensionsymbolique l’était tout autant. Le patri -moine religieux catholique a maintenujusqu’aux années 1950 une préférencepour la pierre, témoignant d’un désir depermanence et de fidélité à une traditionfrançaise de maçonnerie. Les bâtimentscommerciaux et industriels quant à euxs’inscrivaient dans la reproduction desmodèles britanniques et américains avecles structures d’acier et les parements debriques. Le résumé des pratiques construc -tives peut être nuancé, mais il demeure quela construction en bois est restée sur leplan historique et moderne, un modealternatif économique associé à la traditionvernaculaire, mais loin de l’intérêt desprofessionnels et de la sympathie desadministrations publiques.

Le moyen de construire :les défis de l’industrie

Le permis de construire est adjugé par laconformité des plans avec le cadrenormatif et légal. C’est une étape du projetde construction, mais la capacité de seréaliser repose sur les moyens de cons -truire; en particulier l’adéquation entre lebudget, les choix des professionnels, la

compétence de la main-d'œuvre et l’accèsaux matériaux.

Nous sommes aujourd’hui dans unepériode de transition comme le constateJennifer Tardif, architecte chez cecobois.Depuis 2005, le mandat de sensibilisationet de démonstration porte fruit. Onobserve une croissance des projets nonrésidentiels construits en bois ou avec desstructures mixtes, passant de 15 % à 20 %entre 2006 et 2010. Ce nouveau marchésoulève les défis du succès des nouveauxmatériaux, bois d’œuvre massif etd’ingénierie. Les entreprises qui les pro dui -sent ont des carnets de commandescomplets pour plusieurs mois. Les profes -sionnels compétents sont très sollicités. LaRégie du bâtiment fait face à de nom -breuses requêtes d’analyse des structuresparticulières pour son équipe interne. Lesentrepreneurs recherchent une main-d'œuvre qualifiée dont la formationinitiale est souvent périphérique tels lesmonteurs de structures d’acier qui passentaux structures en bois lamellé-collé.

Les arguments techniques et de perfor -mances en terme de solidité, de résistanceau feu ou pertinence devant la diversité desprogrammes sont en voie d’être résolus pardiverses initiatives de formation etd’information entreprises par cecobois.Pour Carl-Éric Guertin, directeur de la

Coalition BOIS Québec, les municipalitésdevraient s’assurer que leur réglementationne soit pas un blocage à l’utilisation dubois, comme l’ont fait, par exemple,Lachute et Saint-Eustache.

Toutefois, la dimension culturelle se révèleun facteur déterminant dans le choix desprofessionnels – ingénieurs et architectes –aussi bien que dans celui des élus, des entre -preneurs et des ouvriers. Leur manque defamiliarité découle des forma tions conven -tionnelles données aux pro fes sionnels et auxtravailleurs et aux prati ques courantes del’industrie de la cons truc tion établies enfonction des préfé rences nord-américainesenvers l’acier ou le béton.

Ce choix d’intégration continentalerépond à un désir de conformité souventindifférent avec les véritables ressourcesnaturelles du milieu, dont le bois. Celanous renvoie au projet de société porté surle plan politique. La formation de la main-d'œuvre, le soutien au développementindustriel et les révisions du cadre légal etnormatif relèvent du gouvernement duQuébec. Ces aspects concrétisent ledéveloppement durable dont l’applicationpourra ainsi être relayée par le milieumunicipal. ■

François Dufaux, architecte et détenteur d’unemaîtrise en urbanisme, est professeur à l’écoled’architecture de l’Université Laval.

1 Poste de la Sûreté du Québec à Lac-Beauport : un bâtiment public construit en bois et répondant àdes critères de sécurité élevés. Architectes: Lemay et asso ciés, Québec, concepteur : Claude Guy. Ingénieursen charpente et génie civil: SNC Lavalin. Année de la construc tion : 2005. Classe du bâti ment : D. Aire du bâtiment: 870 m2

2 Bar L'Barouf : insertion d’une structure de bois massive en milieu urbain là plutôt que l’acier ou lebéton. Architectes Guillemette et Larue, Montréal. Ingénieurs en charpente et génie civil et localisation :Fournisseur : Chantiers Chibougamau (bois Nordic Lam). Année de la cons truction : Du 1er octobre au1er novembre 2008. Classe du bâti ment : A2. Nombre d'étages : 4

3 Abbaye Val Notre-Dame ; L’emploi du bois est un choix contemporain dans l’architecture religieuse ;inspirer l’harmonie et la simplicité inhérente à la vie quotidienne des moines cisterciens. Architectes: Atelier Pierre Thibault inc Ingénieurs en charpente : Jacques Chartrand de Nicolet-Chartrand-Knoll, Ingénieurmécanique : Marc-Antoine Roberge de Dupras-Ledoux. Ingénieur civil : Mario Gendron de SDK et associés. Annéede la construction : 2008-2009. Classe du bâtiment : A2, C. Aire du bâtiment : 5 800 m2

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Le 28 avril 2011, les élus de la Communauté métropolitaine de Québec(CMQ) ont adopté à

l’unanimité un projet de Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD)

couvrant le territoire de l’agglomération de Québec, de la Ville de Lévis et des MRC de

La Jacques-Cartier, de La Côte-de-Beaupré et de L’Île-d’Orléans. En vertu des modifications

apportées en juin 2010 à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, ce plan vise à assurerla compétitivité et l’attractivité de la Communauté dans une perspective de développement

durable. Soumis à la consultation publique et transmis pour avis au gouvernement et

aux MRC concernées, l’adoption finale du PMAD est prévue pour décembre 2011.

Planifier la densité sans compromettrela qualité de nos milieux de vie, le cas dela Communauté métropolitaine de Québec

Michel Rochefort, urbaniste

Un plan issu du travail des élus

L’élaboration du projet de PMAD a étél’occasion de faire des choix stratégiques ence qui a trait à l’aménagement du territoiremétropolitain afin de sélectionner, parmiles différentes avenues qui se présentent,celles qui permettront d’accueillir la crois -sance en respectant les principes dudéveloppement durable. Ces choix sontstructurés autour de trois grandes prioritésd’aménagement, soit : structurer enbâtissant une région métropolitaine pluscohérente au plan de l’organisation duterritoire et de la mobilité durable, attireren offrant des milieux de vie et des lieux

d’emplois de qualité en quantité suffisantepour accueillir la croissance et en complé -tant la mise en valeur de nos élémentsidentitaires, et durer en limitant lespressions de l’urbanisation sur les milieuxnaturels et agricoles, en utilisant judi cieu -sement nos ressources et en veillant à lasécurité, à la santé publique et au bien-êtredes citoyens. Ces trois grandes priorités sedéclinent en 13 stratégies et en plusieursmoyens d’action et outils de mise en œuvre.Ces éléments visent notamment àconsolider le territoire, à favoriser la mobilitédurable, à doter la région d’infrastructuresd’accès performantes, à offrir des milieux de

vie innovants et complets ainsi que des lieuxd’emplois de qualité, à protéger lesressources naturelles, le patrimoine et lespaysages, à favoriser une consommationrationnelle de l’espace et à mettre en valeurle fleuve Saint-Laurent. Certains sont sous larespon sa bilité directe de la CMQ, alors qued’autres devront être appliqués par lesmunicipalités et les MRC du territoire enfonction des outils de planification ou desoutils réglementaires prévus à la Loi surl’aménagement et l’urbanisme. Des deman dessont également formulées à d’autrespartenaires, dont le gouvernement duQuébec.

Évolution d'un milieu urbain en matière de densité et de qualité des paysages.

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Toutes les propositions contenues auprojet de Plan métropolitain d’amé -nagement et de développement s’appuientsur des consensus forts établis lors duForum métro politain des élu(e)s de juin2010 et au sein des comités de travail quiont suivi.

Polariser – Consolider – Densifier :les trois facettes d’un même enjeu

Tout exercice de planification du territoire anotamment pour but de créer des milieux devie répondant aux aspirations des citoyens.Les principes entourant la notion dedéveloppement durable fixent néanmoins

des balises qui limitent ces aspirations afinde répondre à des préoccupations d’ordreséconomique, social ou environnemental.Sans ces balises, rien ne justifierait depolariser, de consolider et de densifier unterritoire. Par conséquent, toute densifi -cation, car il s’agit bien du terme qui soulèvele plus d’appréhension et le plus de craintes,doit être clairement expliquée et doit, pourêtre acceptée, s’adapter aux différentsmilieux en présence.

Le projet de PMAD élaboré de laCommunauté métropolitaine de Québecpropose différents moyens d’action, critè -res ou outils de mise en œuvre, afin de tirer

profit de cette densification et d’assurerque la ressource « sol » soit utilisée de façonoptimale sans compromettre la qualité desmilieux de vie. Quelques exemples sontillustrés dans les paragraphes suivants.

D’une part, afin de limiter la dispersiondes activités résidentielles et des lieuxd’emplois sur le territoire, la première stra -tégie inscrite au projet de PMADhiérarchise le territoire à partir de pôlesmétropolitains, de noyaux périurbains etd’axes structurants de façon à y diriger lacroissance. Il énonce, pour chacun de cespôles, noyaux et axes, des densités résiden -tielles et des densités d’activités humaines

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Les 13 stratégies énoncées au projet de Plan métropolitain d’aménagementet de développement du territoire de la Communauté métropolitaine de Québec

STRUCTURER1. en polarisant la croissance dans les pôles métropolitains, les noyaux périurbains et le long des axes structurants du territoire ; 2. en misant sur la mobilité durable des personnes et des marchandises pour le devenir du territoire métropolitain ;3. en consolidant les secteurs déjà urbanisés afin d’optimiser les investissements publics.ATTIRER4. en dotant la région métropolitaine d’infrastructures d’accès performantes ;5. en offrant des milieux de vie innovants et complets ;6. en accueillant la croissance dans des lieux d’emplois de qualité ;7. en mettant l’agriculture « au cœur » de notre qualité de vie ;8. en misant sur la qualité de nos espaces patrimoniaux, naturels et récréotouristiques ;9. en valorisant nos paysages identitaires ;10. en faisant du fleuve Saint-Laurent un élément rassembleur.DURER11. en favorisant la coexistence harmonieuse du milieu urbanisé et du milieu agricole ou naturel par une consommation rationnelle

de l’espace métropolitain ;12. en favorisant une utilisation judicieuse de nos ressources naturelles au profit des générations actuelles et futures ;13. en améliorant notre capacité d’anticiper et d’agir face à certaines circonstances pouvant porter atteinte à la santé, à la sécurité

et au bien-être des personnes ou créer des dommages matériels importants. RÈG

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Critères applicables aux demandes d’agrandissement des périmètres d’urbanisation

À la suite de l’entrée en vigueur du PMAD, les critères suivants s’appliqueront aux demandes d’agrandissement des périmètresd’urbanisation à des fins résidentielles :

• Une justification de la demande basée sur des perspectives de croissance établies par l’Institut de la statistique du Québec àl’échelle de la MRC, en fonction du scénario démographique de référence, et ce, sur un horizon de 5 ans ;

• Une proposition d’un ratio maximal de deux pour un à l’échelle de la MRC en ce qui a trait au calcul du nombre d’hectaresnécessaires pour accueillir la croissance résidentielle attendue ;

• Une indication de la capacité d’accueil des nouveaux secteurs et la densité utilisée pour établir cette capacité ;

• Une démonstration que les MRC et les municipalités ont répondu aux objectifs de polarisation et de consolidation établis au PMADet que l’agrandissement demandé participera également à atteindre ces objectifs dont, notamment, être en continuité avec le tissuurbain et les réseaux d’aqueduc et d’égout existants ;

• Un exposé sur la façon dont cet agrandissement favorise l’atteinte des objectifs établis au PMAD en matière de mobilité durable(dont l’accessibilité aux réseaux de transport collectif et actif) et participe à la protection des milieux naturels les plus sensibles auplan environnemental ;

• Une démonstration que l’agrandissement demandé n’entraînera pas des effets indus sur les infrastructures et équipementsexistants d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées ;

• Une démonstration, dans l’éventualité où l’agrandissement des périmètres d’urbanisation ne peut être réalisé qu’en zone agricole,de l’absence d’autres alternatives pour l’agrandissement et que cet agrandissement est orienté suivant le principe du moindreimpact sur le milieu agricole, tel que défini dans la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

à atteindre. Ces densités ne sont pasarbitraires, elles ont pour but de mieuxarrimer l’aménagement et les réseaux detransport collectif et actif de façon àlimiter l’usage de la voiture et la pro duc -tion de gaz à effet de serre. Ces densitéssont accompagnées par des critères visant àaménager des milieux de vie conviviauxtournés vers une meilleure appropriationde la rue et des espaces publics.

D’autre part, afin de consolider les secteursdéjà urbanisés, la troisième stratégie inscriteau projet de PMAD établit des pourcentagesde consolidation à atteindre à l’intérieur despérimètres d’urbanisation en fonction descaractéristiques du milieu de vie. Pour lesmilieux urbains, 75 % de la croissance doitêtre faite sous forme de consolidation, dont60 % à l’intérieur d’un pôle métropolitainou aux abords d’un axe structurant. Pour lesmilieux périurbains, ces pourcentages sontde 60 % et 40 % respectivement. Desindicateurs de suivi évaluant la part desmises en chantier effectuée dans les secteursde consolidation visés sont prévus auPMAD, afin de mesurer l’atteinte de cesobjectifs. Cette consolidation, qui anotamment pour but de rentabiliser lesinvestissements publics déjà réalisés et ceux à

venir, pourrait également se traduire par unaccroissement des densités. Pour que cetteconsolidation se traduise par une amélio -ration de la qualité de vie de la population,des principes d’aménagement sont aussinotamment prévus à la cinquième stratégieinscrite au projet de PMAD, afin d’offrir desmilieux de vie innovants et complets adaptésaux diffé ren tes réalités territoriales de larégion métropolitaine de Québec. Quatreaspects doivent notamment être considérés,soit des aménagements publics de qualité, larecher che d’une plus grande mixité sociale etfonctionnelle, une préoccupation cons tantepour accroître la mobilité durable et l’usagedes transports collectifs et actifs, et uneconception de l’environnement urbain quiparticipe à la sécurité des personnes.

Enfin, afin de limiter les agrandissementsdes périmètres urbains, la onzième straté -gie inscrite au projet de PMAD énonceune série de critères applicables lors desdemandes d’agrandissement à des finsrésidentielles. Encore une fois, la notion dedensité est évoquée. Ces critères, qui ontpour but de préserver le territoire agricole,les espaces naturels et, par le fait même, labiodiversité du territoire, sont détaillés autableau suivant.

Conclusion

Si les principes entourant le dévelop -pement durable nous incitent à mettre enplace des stratégies et des mesures favo ri -sant une utilisation judicieuse de l’espace,dont la polarisation, la consolidation et ladensification des espaces urbanisés, cesmêmes principes nous forcent à répondre,« pour être durable », à la variété des goûtset des demandes de la population par unevariété de formes et d’ambiances archi -tecturales et urbaines. Par conséquent, onne peut uniquement parler de normes dedensité sans également mettre en placedes critères ayant pour but de promouvoirdes milieux de vie prenant en comptedifférentes dimensions écono miques,sociales et environnementales. L’objectifpoursuivi doit demeurer la créationd’espaces urbains de qualité. Le projet dePMAD du territoire de la Commu nautémétropolitaine de Québec cherche notam -ment à atteindre cet équilibre. ■

Michel Rochefort, urbaniste, est coordonnateur àl’aménagement du territoire à la Communautémétropolitaine de Québec.

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Sherbrooke, ville industrielle depuis le milieu du XIXe siècle, reçoit parfois le vocable de« ville verte ». Le gris peut représenter les périodes industrielles se chevauchant de 1840à aujourd’hui. D’un centre urbain aux confins des rivières desservies par les barrageshydro-électriques, les industries lourdes et manufacturières accrochées à la gorge dela rivière Magog et entourées des quartiers ouvriers et des commerces de la Wellington.La dernière moitié du XXe siècle étend une autre forme de gris au-delà des frontières dela ville traditionnelle pour s’étaler dans les champs environnants. Naît de cette période,la banlieue, la prépondérance de l’espace véhiculaire que nous essayons aujourd’huide retenir. Le vert s’affirme lentement.

Sherbrooke

Freiner l’étalement urbain René Girard, urbaniste

1 KESTEMAN, Jean-Pierre, Histoire de Sherbrooke, Tome 1 et 2, Collection patrimoine, Édition GGC.

Comment les outils urbanistiques québécoisnous permettent-ils, au XXIe siècle,d’accompagner le redéveloppement urbainet touristique d’un centre-ville fondémaintenant sur une économie tertiaire?Comment cherche-t-on à ralentir sinonfreiner l’étalement urbain sur un territoirefusionné d’une ville agissant à titre de MRCet dont le périmètre n’occupe aujourd’huique 30 % d’un territoire de 365 km2 ?

Du gris au vert se perçoit dans bien desdimensions, à Sherbrooke comme ailleurs.

D’un centre-ville industriel à tertiaire

Fondée en 1802, Sherbrooke est une villeindustrielle dès la moitié du XIXe siècle.Trait d’union entre Portland, Maine etMontréal, la voie ferrée unit les trois pôlesdès la première révolution industrielle.La construction des barrages hydro-électriques dans les gorges de la rivièreMagog au cœur de la ville, de sa bourgeoisied’affaires soutenues par la British AmericanLand Company (BALC), de la technologieaméricaine et du chemin de fer font deSherbrooke un pôle industriel de premièreimportance dans ce nord-est de l’Amé ri queen plein essor1.

Arrive la deuxième révolution industrielledans les années 1860 avec l’avènement del’industrie textile initiée par l’établis sementde la Paton, spécialisée dans la laine. Suiventla Smith-Elkins, la Canadian Meat, lafabrique de laine Grindrod, la EasternTownships Corset etc. qui affirmentl’émergence d’une conce n tration indus -

trielle et urbaine dépendante des barrageshydro-électriques implantés entre le lac desNations et la rivière Saint-François, sur unedistance approximative de 2 km.

Cette période marque l’arrivée massivedes travailleurs canadiens français qui modi -fieront la démographie sherbrookoise etpeupleront rapidement les nouveaux quar -tiers ouvriers à proximité des entreprises.

On peut s’imaginer facilement une villeouvrière où s’agglomèrent les industriesgénérant bruit, poussière, fumée, lesquartiers ouvriers avec les écuries et un peuplus tard les véhicules, les fonctionsinstitutionnelles, administratives etcommerciales localisées prin cipalement surles majestueuses rues Welling ton, King etDufferin. Quoique prospèreet de plus en plus populeuse,nous la voyons plutôt grise,polluée de toutes sortes derejets tant sur le sol que dansles rivières.

À partir des années 1970,l’avènement des centrescommerciaux, la montéefulgurante du transportroutier, la création des parcsindustriels en péri phérie lelong des auto routes, et,finalement, la délocalisationindustrielle vers les paysémergents créent un impactmajeur sur la vitalité de laville tradi tionnelle.

Le grand défi des années 1990 à aujourd’huiest toujours de réhabiliter le sol et les coursd’eau ainsi que les bâtiments industriels afinde redonner vie aux quartiers du centre-ville.Les docu ments de planification des der niè -res décennies ont permis de fixer les orient a -tions, établir les vocations des différentssecteurs, animer et convaincre les prin cipauxacteurs politiques et écono miques.

Le programme particulier d’urbanisme ducentre-ville de 1986, l’émergence de laCorporation de dévelop pement du centre-ville dans les années 1990, devenueaujour d’hui Commerce Sherbrooke, etl’avène ment de la para-municipaleSherbrooke Cité des rivières, devenuedepuis peu Destination Sherbrooke, ont

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permis d’initier les grands chantiers de ladernière décennie.

Mentionnons la réhabilitation des bâtimentsindustriels de la Patton, de la Kayser et dela Hooper, de l’aménagement récréo-touristique du tour du lac des Nations, de larestauration et de la conversion des deuxgares en marché public et terminus d’auto -bus, du réaménagement de l’esplanadeFrontenac et de la cons truc tion de la Placedes moulins (œuvre de Melvin Charney), etencore.

Progressivement, ces planifi ca tions et cestravaux se font dans un esprit de dévelop -pement durable et de design urbain, favo -risant les réseaux piétonniers et cyclables, larétention des eaux pluviales, les aména -gements verts, etc.

Au-delà des grands processusde planifi cation prévus à laLAU, l’urbanisme de projetdomine dans l’esprit desdécideurs publics et privés.

Un frein à l’étalementurbain

Sherbrooke, ville centre etcapitale régio nale, est entouréeprogres sive ment, à partir desannées 1960, de banlieues enplein essor résidentiel. Qu’ils’agisse de Fleuri mont, Rock-Forest, Saint-Élie-d’Orford,Ascot, le résultat est qu’en2002, lors du regrou pe mentmunicipal, plus de 50 % de lanouvelle ville de 140 000 haest formée des anciennesbanlieues fusionnées.

Le schéma d’aménagement dela MRC de la région sherbroo -koise entré en vigueur en1988 proposait un périmètred’urbani sa tion selon des pré -visions à l’ultime. On y re trou -ve une limite de l’urba nisationqui peut contenir plus de 4000 ha de dévelop pementrésidentiel. Selon le rythme dedévelop pe ment des dernièresannées, cette banque d’urba ni -sation pourrait com bler plusde 130 ans d’urbanisation.

Les intérêts divergents des anciennesmunicipalités, la réorganisation munici -pale après le regroupement de 2002, unetentative avortée d’harmoniser la planifi ca -

tion urbaine et la réglementation entre2003 et 2007 repoussent toujours la pré -sence d’un cadre urbanistique à jourconforme à la Loi sur l’aménagement etl’urbanisme (LAU).

Afin de pallier la situation, plusieursrèglements de contrôle intérimaire (RCI)comblent les lacunes des documents tou -jours en vigueur de la fin des années 1980.

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Limite du périmètre d’urbanisation du schéma d’aménagement de 1988.

Esplanade Frontenac.

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En terme de gestion de l’urbanisation, leRCI 193-3 entrée en vigueur en 2008 suiteà une négociation plutôt musclée avec leministère des Affaires municipales, desRégions et de l’Occupation du territoire(MAMROT) a permis de réduire grossomodo l’espace à urbaniser de 4 000 ha à1 300 ha dont 400 ha en zones prioritaireset 900 en zones de réserves.

Cette entente que nous considérons inno -vante avec le MAMROT permet à tous lesans de faire des transferts des zones deréserves aux zones prioritaires afin de main -tenir une banque de 400 ha an nuel lement enzones prioritaires. Cette tech nique réduit lesrisques de spéculation foncière et motive lespromoteurs à travailler leurs projets en fonc -tion de la planification urbaine de la Ville.

Après trois ans d’opérationnalisation, lenouveau périmètre a pour effet d’encoura gerles promoteurs à développer dans leterritoire déjà urbanisé en construisant lesterrains non construits le long des ruesexistantes, de réhabiliter des espaces indus -triels ou com merciaux en voie d’abandon, àinvestir au centre-ville et dans les noyauxurbains afin d’offrir de nouveaux produitsd’habitation.

Cet outil de gestion de l’urbanisation est envoie de raffinement dans le cadre del’élaboration du futur schéma d’aména -gement et de dévelop pement dont l’entréeen vigueur est prévue vers 2013.

En parallèle, le conseil s’est engagé à pro -téger, à moyen et long terme, 12 % du

territoire en aires écologiques. Les étudespréalables pour l’atteinte de cet objectif sonten processus de réalisation et le tout seraconfirmé dans le prochain schéma d’aména -gement et de développement.

Les outils d’urbanisme prévu à la LAUoffrent un cadre pertinent de planificationet de contrôle de l’utilisation du sol vers la «ville verte ». Toutefois, ces outils ne sont pasune fin en soi. La plani fication détaillée desprojets, la volonté politique d’y adhérer, ladisponibilité des ressources humaines etfinan cières, l’exper tise, etc. y comptent pourautant sinon davantage. ■

René Girard, urbaniste, est chef de la division Urba -

nisme, permis et Inspection à la ville de Sherbrooke

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Espace à urbaniser suite au RCI entré en vigueur en 2008.

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L’Initiative des collectivités EQuilibriumMC, un projet de démonstration de collectivités durablesest le fruit d’une collaboration entre Ressources naturelles Canada (RNCan) et la Sociétécanadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et se poursuivra jusqu'à la fin de 2012.

Les Collectivités EQuilibriumMC, vers uneévaluation de la performance des projets

L’Initiative fournit une aide financière pourdes activités de nature technique et pourmettre en valeur la performance des projetsd’aménagement de quartier retenus qui, parleur planification, leur conception, leur miseen oeuvre et leur mode de fonctionnement,permettront des améliorations mesurablespar rapport aux approches actuelles. Lesaméliorations toucheront, entre autres, laconsommation d’eau et d’énergie, la pro -tection de l’environnement, la planifi ca tionspatiale et le transport durable. L’Initiativen’accorde cependant pas de fonds enimmobilisations à des fins de construction.

Les quartiers suivants sont récipiendaires del’Initiative des collectivités EQuilibriumMC :Ampersand, à Ottawa (Ontario); Aména -gement de la collectivité Ty-Histanis à10 km de Tofino, (C.B.) ; Regent Park àToronto (Ontario) et Station Pointe àEdmonton (Alberta). Ce dernier, le plusseptentrional des six projets de collectivitéEQuilibrium, innove par sa conception quicomporte des caractéristiques intérieures etextérieures propres à une « ville d’hiver ». Eneffet, celles-ci visent notamment à maxi -miser l’exposition aux rayons du soleil, àfaciliter la circulation piétonne d’unimmeuble à l’autre, à assurer une protectioncontre les vents dominants et à permettre lestockage et l’enlèvement de la neige.Certains projets sont au stade de laplanification.

En plus de devoir démontrer leur capacitéd’aller de l’avant et de mener à bien le projeten matière de maîtrise de leur site, con -formité aux plans et politiques de croissancede la municipalité et moyens financiers deréali sation, les proposants devaient fournirdes détails sur la per formance anticipée desprojets relativement à 18 indicateurs deperformance.

Évaluer la performance des projets

Ces indicateurs s’articulent autour de sixthèmes interdépendants, surtout centrés surla performance environnementale descollectivités, en lien avec la forme urbainedu territoire et pouvant être mesurés : l’éner -gie, les usages du territoire, le transport, l’eau(incluant les eaux usées et pluviales), l’envi -ronnement naturel et la viabilité financière.

Les niveaux de performance ciblés pourchacun des 18 indicateurs constituaient unecomposante majeure du processus de sélec -tion. Les proposants étaient aussi appelés àfournir leur cible de performance et àexpliquer comment ils s’y prendraient pourl’atteindre.

L’extrait qui suit, tiré de la Demande depropositions, décrit les indicateurs que lesproposants devaient estimer et documenterdans leur proposition. Ces indicateurs ontservi à comparer et à évaluer les projetssoumis. Les proposants devaient aussi mon -

trer comment les caractéristiques de leurprojet se combinaient à l’égard des indica -teurs pour former un système intégré. Voir letableau pour un bref aperçu des indicateursutilisés dans l’évaluation des projets.

Le demande de proposition indique égale -ment la méthode de calcul des indicateurs.

À titre d’exemple pour l’ « abordabilité » deslogements (Indicateur #3), la méthode decalcul implique d’indiquer les fourchettes deprix ou de loyer ainsi que le nombre et lepourcentage des logements qui se trouventdans chacune. La SCHL et RNCancom parent ces données aux moyenneslocales pour des logements neufs dans lescatégories de bâtiments comparables. Il fautensuite décrire l’éventail de modes d'occu -pation des logements, par type d’habitation,et expliquer comment le projet d'aména -gement rehausserait la diversité résidentielledans le secteur entourant le site.

L’introduction d’indicateurs de performancedans l’élaboration de projets de développe -ment permet leur réalisation selon desprincipes de viabilité reconnus qui ont faitconsensus parmi les acteurs impliqués. ■

Josée Dion est urbaniste et conseillère principale à larecherche et à la diffusion de l’information, Centredu développement des collectivités, de la recherche etde la diffusion des informations du Québec, à laSociété canadienne d’hypothèques et de logement.

Josée Dion, urbaniste

Port Credit Village, Mississauga Quartier Bois-Franc, MontréalByward Market, Ottawa

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Indicateurs de performance1. Consommation énergétique dans les bâtiments : l’estimation de la consommation annuelle d’énergie en MJ/m2

pour chaque type de bâtiment et au total pour tous les bâtiments ;

2. Utilisation par le quartier de l’énergie renouvelable et de l’énergie tirée de déchets : l’estimation, en GJ, de laproduction prévue annuelle d’énergie renouvelable et d’énergie tirée de déchets industriels ou d’exploitation ;

3. « Abordabilité » des logements : la répartition des fourchettes de prix ou de loyer pour chaque type d’habitation, etle pourcentage des logements dont le prix ou le loyer est égal ou inférieur à la moyenne pour le secteur ;

4. Diversité des usages du territoire : la répartition de la superficie du terrain entre les différents types d’usages ;

5. Proximité des destinations quotidiennes : le pourcentage d’habitations situées à moins de 800 m d’une épicerie, lepourcentage d’habitations situées à moins de 800 m d’un restaurant ou d’un café, et le pourcentage d'habitationssituées à moins de 800 m d’une pharmacie ;

6. Proximité des lieux de travail : le bassin d’emplois qui se trouve dans un rayon de 5 km ;

7. Proximité des services civiques, p. ex. écoles, bibliothèques, centres communautaires : les services civiquessitués à moins de 800 m du cœur du projet d’aménagement ;

8. Compatibilité de la densité de population avec les transports en commun : le nombre d’occupants par hectare, etle nombre d’emplois par hectare ;

9. Proximité et qualité des transports en commun : le pourcentage d'occupants vivant à moins de 400 m d’un pointd’accès aux transports en commun, le pourcentage d'emplois situés à moins de 400 m d’un point d’accès auxtransports en commun, et le -pourcentage d'habitations situées à moins de 800 m d’une station donnant accès à unservice de transport en commun rapide ;

10. Interconnexion et sécurité des voies pour les piétons : le nombre d’intersections des voies pour les piétons parhectare, et le nombre d’intersections des voies pour les piétons par km ceinturant le projet ;

11. Degré d’infiltration des eaux pluviales dans le sol : le pourcentage des eaux de pluie qui s’infiltrent directementdans le sol ;

12. Réduction de la consommation d’eau potable : le pourcentage d'habitations pourvues de toilettes et d’appareilssanitaires à débit réduit et de laveuses à chargement frontal à faible consommation d’eau, le pourcentage de l’eaurécupérée de sources non potables (comme des eaux grises et l’eau de pluie), et le pourcentage de la superficie del’aménagement paysager conforme aux pratiques d’économie de l’eau. Les proposants indiquent aussi si possible lepourcentage total de réduction de la consommation d’eau potable par rapport à la consommation d’eau résidentielletype ;

13. Importance de la voûte de feuillage des arbres : le pourcentage total de la superficie du projet protégée par la voûtede feuillage des arbres, et le pourcentage de voûte de feuillage provenant d’arbres existants ;

14. Proximité et qualité des espaces ouverts : le pourcentage d'habitations situées à moins de 400 m d’espacesouverts publics ;

15. Protection, rétablissement, amélioration ou création d’habitats naturels : si le le site du projet comporte unesuperficie occupée par des habitats naturels importants existants, le pourcentage de cette superficie devant êtreprotégée, rétablie ou améliorée, et le pourcentage de la superficie du projet qui sera destinée à la créationd’habitats naturels ;

16. Territoire agricole conservé ou amélioré : si le site du projet comporte une superficie occupée par des terresagricoles en exploitation, le pourcentage de ces terres qui seront conservées ou améliorées ;

17. Accès à des aliments produits localement : la superficie consacrée à la production alimentaire par habitation, et lepourcentage des habitations situées à moins de 800 m d’un marché fermier ;

18. Protection des bassins hydrographiques : rendre compte des activités visant à réduire au minimum ou à éliminerles répercussions négatives du projet sur les cours d’eau.

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Toute réflexion sur l'avenir de l'urbanisme etde la formation des urbanistes nous amène àpenser aux changements technologiques,environnementaux, sociaux et économiquesqui ont lieu actuellement. En extrapolant àpartir des tendances actuelles, nous pouvonsimaginer la ville future et ainsi concevoirl'enseignement de demain.

Savoirs et aptitudes des urbanistesde demain

La ville du 21e siècle sera façonnée par ladiffusion d'innovations dans les technologiesde l'information, des matériaux, de l'éner gie.Nos bâtiments seront « vivants » : ils com mu -niqueront entre eux, répondront aux condi -tions météorologiques, tireront leur énergiede leur milieu, serviront de support à uneriche écologie urbaine et offriront un envi -ronnement adapté à nos désirs du moment.Nos moyens de transport seront plus rapideset bien moins polluants ou dan gereux. Noséchanges et interactions se passeront en partieen une réalité virtuelle, voire par l'entre mised'une forme de télépathie.

Une société plus divisée entre riches etpauvres habitera des quartiers « hi-tech »,d'une part, et des quartiers obsolètes, d'autrepart. Les premiers seront d'agréables lieux derésidence, de travail et de jeu pour une élitecosmopolite. Les seconds seront en partieabandonnés à leur sort et deviendront desespaces de marginalité et de danger où unepopulation hétérogène tentera de maintenirun certain niveau de vie. Ce qui restera denos rues commerçantes et de nos centres

commerciaux deviendra ici un espace deloisirs pour les riches et là une zoned'activités économiques informelles pour lespauvres. Les différences socioéconomiquesseront aggravées par les effets des chan ge -ments climatiques, qui auront augmenté lesdifférences d'attractivité entre les différentesparties d'une même région et entre lesrégions d'un même État.

Pour certains mais pas pour tous, la prise dedécision en urbanisme sera ultraparticipative,grâce aux médias sociaux, au vote électro -nique et aux exercices de conception collec -tive par création de réalités virtuelles. Denouveaux logiciels de conception et de repré -sentation permettront aux individus etgroupes de proposer leurs propres projetset visions.

Si l'on envisage un tel futur (dystopique1)pour nos villes, quelle formation les urba -nistes de demain devraient-ils recevoir?Paradoxalement, je pense que, dans sesfondements, leur éducation ne devrait pasêtre très différente de celle d'aujourd'hui (oude celle que l'on devrait dispenser aujour -

d'hui). Bien sûr, les jeunes devront acquérirune bonne connaissance des enjeux et destechnologies mentionnées ci-dessus. Elles2

devront comprendre les nouvelles techno lo -gies et la science émergente, les nouvellespratiques sociales et politiques et leurs appli -cations en urbanisme. Leurs savoirs serontdonc neufs.

Les urbanistes ont toujours dû étudier lesnouvelles tendances de la société, suivre lesprogrès de la science et maîtriser les nouveauxoutils d'analyse et de communication. Or, lesécoles d'urbanisme ne sont pas des dépar te -ments de sociologie, des instituts de clima -tologie, ou des écoles de commu nication. Lescours sur les conditions de l'innovation, lesmatériaux « intelligents », la théorie de lacomplexité, etc. ne peuvent être au cœur deleurs programmes (même si certains pro -fesseurs peuvent avoir une certaine expertisedans ce genre de sujets). C'est pour cela quela formation d'urbaniste est le plus souventdonnée au niveau de la maîtrise : enaccueillant en leur sein des jeunes formés ensciences sociales, en génie ou en environ -

Raphaël Fischler, urbaniste

1 Une dystopie s'oppose à l'utopie. Au lieu de présenter le meilleur des mondes, la dystopie propose un monde imparfait.2 Comme la profession d'urbaniste continuera à se féminiser, le féminin sera utilisé afin d’alléger le texte.

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nement, les écoles d'urbanisme peuventcompter, chez leurs étudiantes, sur unecertaine aptitude en recherche et une certainehabileté à acquérir de nouveaux savoirs pareux-mêmes.

Au centre de la formation des urbanistes setrouvent et continueront à se trouver lescours portant sur le métier d'urbaniste. Cemétier change, il est vrai, mais il change etcontinuera, je pense, à changer dans unecertaine direction : au rôle de concepteur dela ville s'ajoute celui de facilitateur de pro -cessus de prise de décisions. Le premiermandat exige des aptitudes et des savoirs liésau design du cadre bâti et aux processus dedéveloppement urbain, en particulier unecapacité à synthétiser des renseignements detypes divers sur le lieu ou la région (facteurshistoriques, architecturaux, environne men -taux, sociaux, culturels, économiques, tech -nologiques, etc.), à concevoir des milieux devie futurs et à planifier les processus de miseen œuvre qui rendront possible la réalisationde plans et projets.

Le second mandat, complémentaire aupremier, exige des savoir-faire liés à la viepolitique des communautés. Il est désormaisaccepté que la prise de décision dans ledomaine public doit passer par la parti ci -pation des citoyens, le respect des opinions etvaleurs diverses, et la présence de facilitateurset médiateurs. L'urbanisme a toujours exigédes arbitrages et des compromis; il exige deplus en plus que ceux-ci soient les produitsd'une délibération ouverte entre de nom -breux acteurs, qui sont tous de mieux enmieux équipés pour y participer. À la gestiondu processus de développement urbains'ajoute donc la gestion du processus de prisede décision.

J'ai eu récemment l'occasion de participer àdeux discussions séparées sur l'enseignementde l'urbanisme, l'une au Canada, l'autre en

Europe. Dans les deux cas, les participants(un mélange de professionnels et de pro fes -seurs) étaient d'accord pour dire que lessavoir-faire « sociaux » – le travail en équipe,l'interaction avec des membres du public etdes clients, la communication orale et écrite– étaient de la plus grande importance. Biensûr, l'enseignement de connaissances spécia li -sées et de compétences techniques resteimportant lui aussi. Mais cette trans missionde savoirs ne permet pas à elle seule de déve -lopper les qualités que les urbanistes doiventavoir pour pouvoir exercer une influenceréelle sur la prise décision. Car leur influenceest tributaire d'aptitudes sociales, d'habiletésintellectuelles et de caractéris ti ques person -nelles que l'on ne peut vraiment acquérir enécole d'urbanisme, même si l'on peut les ydévelopper ou les y affermir. Ceci fait de lasélection des étudiants et futurs urbanistesune fonction tout à fait critique des écoles etnous pousse à faire cette sélect ion, en partieau moins, selon le potentiel de leadership quel'on peut discerner chez les candidats.

La formation en urbanisme au 21e siècle nesera bien sûr pas identique à celle qui futdonnée au 20e. L'ordinateur a remplacé latable à dessin et, dans une certaine mesure, leWeb a pris la place de l'amphithéâtre. Lesenjeux de la ville postindustrielle ne sont pasceux de la ville industrielle. Les changementsclimatiques, la restructuration des écono miesrégionales et globales, la bifurcation destrajectoires socio-économiques, l'émergencede nouvelles manières de concevoir lacitoyenneté et la démocratie et d'autreschangements encore donnent un contenudifférent aux politiques, plans et programmesque l'on adopte dans la pratique et que l'onenseigne dans les cours.

Les écoles d'urbanisme doivent être au faitdes nouvelles pratiques, si elles n'en sont pasles initiatrices. Mais elles sont généralement

mal équipées pour enseigner les nouveauxsavoirs scientifiques et technologiques ou, entout cas, pour le faire avec une certaineprofondeur et un certain niveau de détail. Encela, elles dépendent d'autres départementsuniversitaires, fréquentés avant ou pendantles études en urbanisme. Ce qu'elles peuventet doivent faire, c'est, d'abord, s'assurer queleurs finissants aient en eux la volonté et lacapacité d'acquérir les nouveaux savoir qui necessent d'émerger; pour cela, elles doiventsélectionner des jeunes qui ont une fortecuriosité intellec tuelle et les aider à dévelop -per leur habileté à apprendre de manièreindépendante. Elles doivent aussi enseignerles dynamiques du développement urbain,les méthodes d'ana lyse urbaine, la conceptionde systèmes, projets ou espaces urbains, et lagestion de pro cessus d'interaction. Et ellesdoivent ensuite être partenaires des ordres etassociations professionnels pour assurer uneformation continue sur les nouveaux savoirs,les nouvelles pratiques et les savoir-faire queces savoirs et pratiques exigent pour être misen œuvre. Finalement, les écoles d'urbanismedoivent utiliser les ateliers, stages et autresprojets pour renforcer ou raffiner lesaptitudes qui sont à la base du leadership, soitla capacité de proposer des visions ou desprojets convaincants et celle de mettre surpied des processus efficaces.

Le grand défi des écoles d'urbanisme n'estdonc pas tant d'identifier et de transmettredes savoirs de pointe; cela n'est pas facile,mais pas extrêmement complexe non plus, etcela peut être fait en partie par d'autresdépartements. Leur grand défi, plutôt, estd'attirer des individus talentueux et ambi -tieux et de créer les conditions pédagogiquesnécessaires au développement de leurscapacités d'innover et de mener. ■

Raphaël Fischler, urbaniste, est directeur de l’Écoled'urbanisme de l’Université McGill.

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OCTOBRE 20113 octobre 2011ACTIVITÉ Colloque Métropoles des Amériques: inégalités,

conflits et gouvernanceORGANISATEUR Entretiens Jacques CartierLIEU Pavillon Sherbrooke, Université du Québec à MontréalINFORMATION www.groupes.polymtl.ca/ejc2011/index.htm

4 octobre 2011ACTIVITÉ Forum Renaissance d’une ville par le designORGANISATEUR Bureau du Design de la Ville de Montréal, la Cité du

design de Saint Étienne, la Chaire UNESCO en paysage et environnement de l’Université de Montréal, en collaboration avec le FORUM URBA 2015, dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier.

INFORMATION www.groupes.polymtl.ca/ejc2011/index.htm

5 octobre 2011ACTIVITÉ Réflexion sur l’acupuncture urbaine -

conférence de Jaime LERNERORGANISATEUR Grande conférence Jean-Claude MarsanLIEU Salle Marie-Gérin-Lajoie, UQAM;

405, rue Sainte-Catherine estINFORMATION www.ecohabitation.com/files/AfficheConfMarsan.pdf

26 octobre 2011ACTIVITÉ Le projet du Quartier des spectacles : Le point sur

la conception et la gestion de cet ambitieux projet urbain - conférence de Clément DEMERS

ORGANISATEUR Forum URBA 2015INFORMATION www.forumurba2015.com

NOVEMBRE 201118 novembre 2011ACTIVITÉ Examen d’admission de l’Ordre des urbanistes

du QuébecORGANISATEUR Ordre des urbanistes du QuébecLIEU Hôtel Holiday Inn Select, MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

21 novembre 2011ACTIVITÉ Fabriquer la ville : une nouvelle convergence –

conférence de Ken GREENBERGORGANISATEUR Grande conférence Jean-Claude MarsanLIEU Auditorium de la Grande Bibliothèque

475, boul. de Maisonneuve est, MontréalINFORMATION www.ecohabitation.com/files/AfficheConfMarsan.pdf

,DÉCEMBRE 20111er décembre 2011ACTIVITÉ Pour une intégration stratégique de l’écofiscalité

dans les transports – conférence deJean François LEBFEVRE

ORGANISATEUR Forum URBA 2015INFORMATION www.forumurba2015.com

12 décembre 2011ACTIVITÉ Les conditions de réussite des villes de l’avenir –

conférence d’Alexandre TURGEON, président,Vivre en Ville.

ORGANISATEUR Forum URBA 2015INFORMATION www.forumurba2015.com

JANVIER 201216 janvier 2012ACTIVITÉ Le pari impossible du Grand Paris – conférence

d’Alain BOURDINORGANISATEUR Grande conférence Jean-Claude MarsanLIEU Auditorium de la Grande Bibliothèque

475, boul. de Maisonneuve est, MontréalINFORMATION www.ecohabitation.com/files/AfficheConfMarsan.pdf

25 janvier 2012ACTIVITÉ Les politiques de stationnement et le

développement des TOD et des transports collectifs urbains

ORGANISATEUR Forum URBA 2015INFORMATION www.forumurba2015.com

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