Des Schemes Et Des Themes Guerchouh

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  • 8/17/2019 Des Schemes Et Des Themes Guerchouh

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    « DES SCHEMES ET DES THEMES »

    Lydia GUERCHOUH

    Maitre assistante département de Langue et culture AmazighesUniversité de TIZI-OUZOU.

    Résumé :

    Le verbe, en berbère, est la composante la plus importante du lexique de par son

    statut syntaxique le plus souvent prédicatif et centre de rattachement dans un énoncé,

    mais aussi en référence à son rôle dans l’enrichissement lexical étant en majorité base

    de dérivation pouvant former jusqu’à 15 unités.

    Ceci dit, cet élément, généralement, indispensable à tout acte verbal suscite

    encore beaucoup d’interrogations. En effet, si les natifs de la langue arrivent plus ou

    moins facilement à identifier les formes et la structure des différents thèmes verbaux de

    manière spontanée, les non natifs, eux, ne peuvent s’exercer à la conjugaison à moins de

    leurs fournir, dans chaque cas, un prototype qui formera d’ailleurs la référence d’un

    système par analogie. La pratique de la langue, en dehors de ce cadre, sera obstruée par

    l’absence de ces moules.

    Si, en français, on pré-identifie les terminaisons des verbes en références à leur

    classification (1er, 2ème et 3ème groupes en plus des verbes irréguliers), en berbère, cette

    organisation reprise en partie par Mouloud Mammeri dans « tajerrumt n tmazi$t »

    s’avère peu efficace pour cette langue notamment en raison de l’hétérogénéité des

    formes verbales dites simples ainsi que les changements affectant le schème même des

    verbes.

    Si en terminologie et en sémantique, on identifie quatre thèmes verbaux (prétérit,

     prétérit négatif, aoriste et aoriste intensif), au niveau formel, on constate a ssez vite que

    certains thèmes affichent des structures similaires donnant ainsi des verbes à deux

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    thèmes et quatre thèmes constituant les deux extrémités d’une situation médiane à trois

    thèmes.

    Ces variations dans la conjugaison qui semblent, à priori, n’obéir à aucune

    régularité, fonctionneraient, en fait, selon la construction des schèmes verbaux. Sur ce,

    nous proposons d’établir une classification des verbes annonçant, dès le départ, certains

    traits de leurs conjugaison. Nous nous interrogerons sur une éventuelle distribution

    complémentaire entre les schèmes des formes simples et le nombre de thèmes verbaux

    afin de fournir aux apprenants, natifs comme non natifs, des régularités dans la

    conjugaison des verbes en berbère un peu à l’image de ce qu’elle est en français. Existe-

    t-il, donc, une relation univoque et systématique entre les types de schèmes et le nombre

    de thèmes verbaux leur correspondant ?

    Pour étudier cette éventuelle régularité, nous nous référons à un corpus constitué

    de 1000 verbes pour lesquels nous avons relevé toutes les réalisations aspectuelles y

    compris les cas de variations et de diversité des réalisations des thèmes verbaux en

    question.

    Concernant cette thématique, les manuels scolaires ne fournissent qu’une seule

    information indiquant de manière vague que l’aoriste intensif constitue toujours un

    thème différent, opposant, ainsi, des verbes à deux, trois et quatre thèmes et excluant, de

    ce fait, d’éventuels verbes à un seul thème. Les écrits à ce sujet, ne mentionnent, quant à

    eux, que la diversité du nombre de thèmes verbaux de chaque groupe de verbes, avec

    quelques illustrations de schèmes correspondant mais sans, toutefois, tenter d’établir

    une répartition de ceux-ci en fonction du nombre de thèmes qu’ils peuvent prendre.

    Dans ce qui suit, nous essayerons de relever les régularités dans la distribution des

    nombres de thèmes verbaux. Nous dégagerons, dans un premier temps, tous les schèmes

     pouvant former un, deux, trois ou quatre thèmes, puis nous établirons des connexions

    entre les différents types dégagés afin d’étudier le type de distribution (complémentaire

    ou aléatoire) qui régit cette diversité thématiques.

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    I.  Les verbes d’état :

    D’après une étude établie sur une quarantaine de verbes, il semblerait que les

    verbes d’état sont tous des verbes affichant trois thèmes. Cependant, bien que les

    oppositions de thèmes semblent être assez stables, certains schèmes comme ic1c2ic3affichent des variations dans les types d’oppositions dont la raison nous semble

    inexplicable, comme le démontre les exemples suivants :

     I$zif   (être grand) : $ezzif i$zif tti$zif

    P/PN - A - AI1 

     Izyin (être beau) :  zyen zyin ttizyin

    P/A - PN - AI

     Ishil (être facile) : shel shil ttishil

    P - PN/A/ - AI

    Les schèmes verbaux formant trois thèmes aspectuels sont représentés ci-après :

    1.  cvc  : C1ac2 

    2.  vcvc  : ac1ac2, ic1ic2 

    3. 

    vccv  : ic1c2i

    4.  cvcvc  : c1ic2ec3 

    5.  vccvc  : ic1c2ic3, ic1c2uc3.

    Par ailleurs, certains verbes d’état, du fait que les locuteurs tendent à assimiler leur

    conjugaison à celle des verbes d’action censé, normalement, être différente, affichent

    deux ou quatre thèmes selon leurs schème et en référence aux corrélations existantes

    entre les schèmes et les thèmes des verbes d’action que nous étudierons ci-après. Par

    ailleurs, il semblerait que ce phénomène d’alignement des thèmes aspectuels de ces

    verbes à ceux des verbes d’action ne concerne pas tous les verbes mais surtout ceux

     présentant les schèmes suivants, notamment les verbes de forme active et les expressifs

    1 P (Prétérit) ; PN (Prétérit Négatif) ; A (Aoriste) ; AI (Aor iste Intensif)

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    P PN A AI

    c1vc2c3vc4  :  zegzaw   zegraw zegzaw ttzegziw

    vc1c2vc3  : qseê qseê yeqseê ttiqsiê

    II.  Les verbes d’action :

    Ils se manifestent sous deux, trois et quatre thèmes de la manière suivante :

    II.1. Verbes à deux thèmes :

    Il existe 27 schèmes verbaux (les plus nombreux) qui affichent deux thèmes en passant d’un aspect à un autre. Les oppositions de thèmes sont régulières et

    n’apparaissent que sous une seule forme puisque l’aoriste intensif constitue toujours un

    thème appart entier :

    P/PN/A - AI

    Toutefois, certaines variantes, bien que rares, nous ont amenées à poser,

    exceptionnellement, des verbes à un seul thème, dont celui de l’aoriste intensif ne

    semble subir aucune modification. Ces cas ne concernent, toutefois, pas tous les verbes

    mais uniquement quelques unités.

    c1eC2ec3 : êemmel êemmel êemmel êemmel 

    P PN A AI

    Les schèmes verbaux qui ne donnent que deux thèmes sont résumés dans ce qui

    suit :

    1.  cv : C1i, c1a

    2.  ccv  : c1c2i

    3.  cvc  : c1ec2, c1uc2, c1ac2, C1ac2, c1ic2 

    4.  vcc  : ec1c2 

    5.  ccvc  : c1c2ec3 

    6.  vcv(c)  : uc1ec2, uc1ac2, iC1ic2, uc1u

    7. 

    cvcvc  : c1uC2ec3, c1eC2ec3, c1uc2ec3, c1ac2ec3 

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    8.  cvccv  : C1ec2c3i

    9.  cvccvc  : c1ec2c3ec4, C1ec2c3ec4, C1ec2c3ac4 

    10. ccvcv(c)  : c1c2ac3ec4, c1c2uc3ec4, c1c2ac3i

    11. ccvccv(c) : c1c2ec3c4i, c1c2ec3c4ec5 

    Par ailleurs, les différentes variantes relevées nous ont révélé que certains verbes

    de cette catégorie opposent trois thèmes. Cette variation apparait à travers les

    alternances que subissent quelques verbes avec le thème du prétérit négatif dans lequel

    il y a eu modification de la dernière voyelle : une alternance vers la voyelle « i »

    qui est, généralement, la marque indiquant l’aspect de la négation.

    Uc1ec2  : uqem uqem uqem ttuqam

    Variante : uqem uqim  uqem ttuqam

    II.2. Verbes à trois thèmes :

    Ce sont les plus nombreux en termes de nombre de verbes mais pas en termes de

    schèmes formant trois thèmes. Contrairement aux premiers, ceux-ci ne sont pas

    réguliers en termes de types d’opposition où l’on trouve les situations suivantes :

    P/PN - A - AI

    P/A - PN - AI

    Ceci dit, si la majorité des schèmes de ce type de verbes diffère de ceux du

     précédent favorisant ainsi la d istribution complémentaire qui est le b ut recherché ici, il

    existe trois schèmes : c1ac2ec3, c1c2ic3, c1ac2, partagés entre deux et trois thèmes.

    Cette réalité est souvent générée par la variation puisqu’on retrouve très souvent les

    deux types dans un même parler et où il est, quelques fois, assez difficile à cerner,

    notamment, la voyelle finale du verbe qui est tantôt maintenue, tantôt alternée.

    1.  vc  : ac1 

    2.  cv : C1u

    3.  vccv  : ac1c2u

    4.  cvc(v)  : c1eC2i, C1ec2, C1ac2, c1ac2, c1ic2 

    5. 

    vcv(c)  : ac1, ac1u, uc1uc2, ac1ec2, ac1ac2 

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    6.  ccv(c)  : c1c2i, c1c2ec3, c1c2ic3 

    7.  cvccv  : c1ec2c3i, c1uc2c3u

    8.  cvcvc  : c1ic2ec3, c1ac2ec3 

    9.  ccvccv : c1c2uc3c4u

    10. ccvcvc : c1c2ic3ec4 

    II.3. Verbes à quatre thèmes :

    Ce sont les moins nombreux et les moins variés en termes de schèmes. La

    majorité de ces schèmes est commune avec les verbes à deux et trois thèmes rompant

    ainsi le principe de distribution complémentaire établi entre les verbes à deux thèmes et

    trois thèmes et favorisant de ce fait la distribution aléatoire en ce qui concerne les

    schèmes cités.

    1.  vc(v) : eC1, ac1, ic1i, ac1u

    2.  cv(c)  : C1u, c1ec2 

    3.  ccv  : c1c2u

    4.  vcc  : ec1c2 

    5.  vcvc  : ac1ec2, aC1ec2 

    Dans ce cas aussi, nous avons identifié des variations qui font de certains de ces

    schèmes des verbes à trois thèmes du à une non alternance de la forme d’un verbe en

     passant d’un thème à un autre, en particulier du prétérit au prétérit négatif où il y a

    tendance à la constance thématique.

    Conclusion :

    Après avoir répertorié les schèmes correspondant à chaque type de verbe en

    référence au nombre de thèmes qu’ils constituent, nous constatons l’existence d’une

    distribution complémentaire partielle dans la mesure où si l’on exclue les variations et

    les diversités de réalisations attestées dans les points de notre enquête, les schèmes que

    nous avons dégagés sont distinctifs au niveau du type d’une ou des voyelles les

    constituant, ce qui fait que la répartition de schèmes en fonction du nombre de thèmes

    verbaux ne soit pas complète mais partielle.

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    Références bibliographiques :

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    (Kabyle), Thèse de 3e cycle en linguistique, Université de Provence, France.

     NAIT-ZERRAD K. (1996), Grammaire du berbère contemporain (Kabyle), I-

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