36
Yerushalaim n°34- page 1 Décembre 2000 Des voix qui crient dans le désert Novembre 2003 numéro 34 (2003-4)

Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 1

Décembre 2000

Des voix qui crient dans le désert

Novembre 2003

numéro 34 (2003-4)

Page 2: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 2 - Yerushalaim n°34

Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1

Comité Œcuménique d’Unité chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif

B.P. 49217 – 30104 ALES CEDEX ( France)

COEUR, un nouveau sigle pour assumer un très ancien contentieux qui sépare, depuis bientôt 20 siècles, juifs et chrétiens. Ces 20 siècles furent tragiquement marqués par une continuelle opposition entre ces deux religions s'excluant l'une l'autre, bien qu'ayant un héritage commun fondamental. Dans ce conflit , les tenants de l'Évangile ont trop souvent utilisé les armes bien peu évangéliques de l'oppression et de la persécution, avec l'objectif avoué d'assimiler les juifs en les convertissant. Le peuple juif ne peut s'empêcher de voir dans la chrétienté actuelle l'héritière de ces sinistres convertisseurs séculaires, d'autant plus que l'histoire contemporaine porte l'ignominieuse trace de la shoah, tentative d'extermination perpétrée en pays "chrétien". Notre démarche première vers ceux à qui Dieu a confié les Écritures, et les Alliances, et les promesses (Rom.11:4) implique donc avant tout un aveu de ces fautes séculaires et une réelle repentance qui, seule, permettra un regard nouveau. ("Si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d'abord te réconcilier avec ton frère" Matthieu 5:23) COEUR est une association interconfessionnelle qui s'est donné cet objectif en organisant des voyages en Israël notamment à l'occasion de Yom-Kippour et par son action en métropole . Elle se veut ainsi complémentaire des différents mouvements qui oeuvrent déjà en vue d'une réconciliation entre juifs et chrétiens. COEUR édite la revue YERUSHALAIM, qui est rédigée essentiellement par des chrétiens et des juifs avec le dessein de "ré-enseigner les racines hébraïques de la foi chrétienne".

YERUSHALAIM Périodique de l’association COEUR

(Comité Oecuménique d'Unité Chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif) B.P. 49217 - 30104 ALES Cedex.

Adresse é lectronique: associat ion.cœur@free. fr - S i te internet : <asso-cœur.org> Association loi 1901 - N° Siret: 410 252 555 00017 - Code APE: 913E

Fondateur :Henri CATTA ( � en 1994 ) Secrétaire de rédaction: Elsbieta AMSLER-TWAROWSKA Directeur de la Publication: Henri LEFEBVRE Imprimerie: A.M.Imprimerie - 75017 PARIS

NUMERO 34 ( numéro 2003-4 ) - Novembre 2003

YERUSHALAIM est la revue de l'association COEUR. Elle est diffusée à tous ses membres: l'abonnement-cotisation s'élève pour l'année 2004 à 25 Euros. Toute somme versée en sus pour aider à la diffusion de la revue sera considérée comme "don" et fera ainsi l'objet d'un reçu annuel permettant d'obtenir en France une déduction fiscale . L'abonnement-cotisation court du 1er Janvier au 31 Décembre de l'année en cours; les numéros parus dans l’année avant la prise d’abonnement sont envoyés au nouvel abonné. L'étiquette d'envoi indique la situation de règlement de la cotisation-abonnement. Nous continuons à assurer le service de la revue à ceux qui, ne pouvant assumer le montant total indiqué, déclareront néanmoins rester intéressés à la recevoir. Par ailleurs, désirant poursuivre et développer son action, l'association COEUR remercie ceux de ses membres qui auront à coeur de lui apporter leur concours financier par des libéralités: nous rappelons que les dons ainsi effectués, au-delà de la cotisation de soutien, font systématiquement l'objet d'un reçu pour déduction fiscale en France. Ces dons nous permettront d'assurer le service de la revue à des personnes qui ne pourraient en acquitter le montant. Nous pouvons aussi vous adresser à chaque parution plusieurs numéros si vous souhaitez les diffuser autour de vous. Les articles publiés n'engagent pas la responsabilité de l'association mais seulement celle de leurs auteurs.

Numéro 34 - 2003-4

Page 3 L’Europe, à la recherche de son âme CŒUR Page 6 Identité et vocation (seconde partie: La vocation du Messie J.PUTOIS Page 16 Spécificité de la Shoah Fr.Yohanan Elihai Page 18 En souvenir de Madame Catta Page 19 L’Autre Elzbieta Amsler-Twarowska Page 28 Des nouvelles. Page 34 Des formations bibliques à Jérusalem Page 36 Lire les Ecritures

Page 3: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 3

L’EUROPE

A LA RECHERCHE DE SON ÂME !

Editorial

Lettre Ouverte au Président Giscard d’Estaing

Dans ses parutions portant les numéros 33, 34 et 35, Yerushalaïm invite et invitera ses lec-

teurs à l’accompagner dans une réflexion prolongée sur le thème : « Identité et Vocation ». Est-ce une coïncidence si l’actualité fait de même à l’intention de tous les habitants du Vieux Continent ? L’Europe discute présentement de sa Constitution et du mode de vie qu’elle ambitionne désormais de léguer à ses enfants nés et à naître.

Dans le choix qu’il fait de sa Constitution, un peuple montre quel genre d’âme l’anime et d’a-

bord s’il est conscient d’en avoir une, à savoir s’il se ressent lui-même comme une communauté ou un troupeau, un organisme vivant ou un magma informe de particules anonymes et interchangea-bles, un esprit responsable ou un agrégat d’instincts aveugles, etc.

Ce n’est pas la première fois que l’Europe se cherche une structure de pensée et de

conduite. Bien des fois dans le passé elle a dû, devant l’invasion de forces dissolvantes, se chercher une identité et se bâtir un avenir, c’est à dire accueillir une vocation. Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, la venue des « barbares » germains, puis scandinaves, à l’occident de l’empire ro-main a mis ses ressources vitales et spirituelles à l’épreuve pour tenir tête et survivre. Elle a compo-sé plus tard, jusqu’à Charles Martel, avec l’invasion musulmane en France, puis a amplement béné-ficié de l’ « âge d’or » d’une présence musulmane éclairée en Espagne.

Les siècles suivants furent pétris du meilleur et du pire, comme chaque fois qu’un idéal s’ins-

talle dans l’opulence, s’approprie les dons reçus et confond ou intervertit son identité et sa vocation. Le Siècle des Lumières est venu, parfois sournoisement, réveiller la princesse Europe engourdie et corrompue. De remarquables penseurs européens ont constitué l’amorce de la voie prophétique dont cette Europe avait alors besoin. Le moins que l’on puisse en dire est qu’elle en a encore au-jourd’hui plus que jamais besoin.

Montesquieu (1689-1755) apparaît de nos jours mériter d’inspirer les présents fondateurs de

la nouvelle Europe du 21e siècle. Il a esquissé le profil du citoyen responsable dans un régime global de démocratie, c’est-à-dire de libre arbitre généralisé. Il a proclamé la grandeur de la Raison hu-maine mais, se méfiant de la Raison solitaire, il a recommandé la constitution de « Corps Intermé-diaires ». Il a célébré la nécessité de Lois, remparts de l’homme contre l’arbitraire des autorités et des puissances de tous ordres. Enfin il a proclamé la nécessité du respect de la « Séparation des Pouvoirs » dans l’État et la société. Et, génialement, il a couronné ces quatre arcs-piliers, une ma-nière de croisée d’ogives de la Sagesse, par un cinquième élément, indispensable à ses yeux, comme une ‘’clé de voûte’’, pour la fiabilité des quatre autres, à savoir la « Vertu ».

Page 4: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 4 - Yerushalaim n°34

Est-ce là vraiment la marque du génie de Montesquieu ? Disons plus simplement qu’il a, dans son fameux « Esprit des Lois », traduit avec un réalisme « éthique » les origines juives d’une partie de ses ascendances, donc de ses propres fibres intimes. Il les a d’ailleurs exprimées dans d’autres écrits, notamment dans ceux-ci, qui pourraient inspirer « l’Esprit » de la future Constitution européenne :

Le cœur n’est jamais le cœur que quand il se donne, parce que ses jouissances sont hors de lui. Rien n’est plus près de la Providence divine que cette bienveillance générale et cette capacité d’aimer qui embrasse tous les hommes et rien n’approche plus de l’instinct des bêtes, que ces bornes que le cœur se donne lorsqu’il n’est touché que par son intérêt propre. Si quelques Chartreux sont heureux, ce n’est pas parce qu’ils sont tranquilles. C’est parce que leur âme est mise en mouvement par de grandes vérités. Je n’ai plus que deux affaires : l’une est de savoir être malade, l’autre de savoir mourir.

Hélas, nous constatons tous les jours l’usage qui est fait, et non fait, dans notre vieille Eu-

rope, de ces arcs-piliers de la Sagesse de Montesquieu : Raison, Corps Intermédiaires, Lois, Sépa-ration des Pouvoirs. Et dispensons-nous d’épiloguer sur la présence ou l’absence de cette clé de voûte de la ‘’Vertu’’ dans les rouages de toutes les Institutions existantes et chez le plus grand nombre des citoyens.

Fils spirituel de Montesquieu, à une génération de distance, un autre penseur tout aussi re-

marquable demeure comme un phare sur la route des bâtisseurs de l’Europe pour guider leur dé-marche. Il s’agit d’Alexis de Tocqueville (1805-1859) , lequel nous a laissé, écrit en 1840, un ta-bleau saisissant, parce qu’étonnamment prophétique, de ce que pour lui risquaient de devenir les systèmes de démocratie qui naissaient alors ici et là, notamment aux Etats-Unis d’Amérique, et avaient toutes chances de couvrir un jour l’Europe, aux dépens des monarchies alors dominantes. En voici quelques extraits :

‘’ Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde. Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux retiré à l’écart est comme étranger à la destinée de tous les autres; ses enfants et ses amis particuliers for-ment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouis-sance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs be-soins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs suc-cessions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre… L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses, elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les re-garder comme un bienfait. Après avoir pris tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites régles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les vo-lontés mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. J’ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le ta-bleau, pourrait se combiner mieux qu’on ne l’imagine avec quelques unes des formes extérieures de la liberté, et qu’il ne lui serait pas impossible de s’établir à l’ombre même de la souveraineté du peuple ».

Page 5: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 5

Que dirait aujourd’hui Tocqueville s’il revenait contempler ce que sont devenues nos démo-craties, qui ont laissé la Liberté devenir licence, l’Égalité se donner la bonne conscience de l’égalita-risme et la Fraternité se décharger du souci du prochain sur l’Etat-Providence … ?

Europe, il est encore temps de te réveiller de tes engourdissements de mort. Tu as été choi-

sie par Dieu pour une vocation-mission de civilisation et de promotion humaine, tu as été « Elue » à cet effet pour le bienfait de tous les autres continents et les conduire fraternellement vers les accom-plissements des temps de la fin. Tu leur as certes apporté au long des siècles de la technologie, des capitaux, des médecines inconnues, une connaissance du Dieu Un de la Bible, des missionnaires, des médecins, des ingénieurs admirables, etc ... mais aussi que de despotisme, d’égoïsme, de pil-lages, d’esclavages, de corruptions … !

Europe, le salut, terrestre et autre, de tous ces continents est la condition du tien. Il est en-

core temps pour toi d’ouvrir tes yeux, ton cœur et d’abord ton intelligence aux échéances proches, imminentes, conséquences des comportements planétaires qui ont été les tiens durant de nombreux siècles. Ne te bâtis pas une Constitution protectrice sur le modèle d’une nouvelle Ligne Maginot po-litico-économico-administrative. Elle serait aussi illusoire que l’autre du même nom. L’adversaire est déjà passé au-delà … et te prend à revers.

Il y a 40 ans le pape Jean XXIII, dans son Encyclique « Pacem in terris » t’a adressé ses

avertissements et prières, te proposant un chemin de conversion sous forme, déjà, d’une croisée d’ogives faite de quatre piliers : Vérité – Justice – Amour – Liberté, lesquels impliquent, avec l’évi-dence de la foi, une clé de voûte à leur mesure …

Ces quatre piliers représentent l’Alliance de Dieu et des hommes: Vérité et Amour consti-

tuent la grâce de Dieu depuis l’aube des temps, Justice et Liberté représentent ce que Dieu attend de l’homme, et ce dont le judaïsme et le christianisme s’efforcent de témoigner selon leurs traditions et vocations en une gestation combien douloureuse mais opiniâtre depuis nombre de siècles.

De bons esprits s’appliquent à recommander l’étude des religions dans l’enseignement pu-

blic en France. Il est bien évident qu’a défaut pour l’homme dès l’enfance de découvrir, à travers ses origines premières, les bases de son identité, il demeure toute sa vie un orphelin, avec toutes les sé-quelles que nous savons, notamment de ne jamais pouvoir prendre conscience sereinement du sens-vocation de son existence. Comment alors envisager qu’une Constitution Européenne puisse voir le jour sans comporter mention des piliers sur lesquels reposent les civilisations et spiritualités qui ont fait de cette Europe ce qu’elle est.

Point n’est besoin de philosopher longuement sur ces piliers pour reconnaître qu’ils ont été

faits de matériaux principalement grec, juif, chrétien et musulman, dont la cohabitation sur cette terre européenne n’est pas l’effet des simples hasards de l’histoire.

Espérons que les Européens auront dans leur Constitution le courage, la lucidité et l’honnê-

teté de se référer à ces provenances diverses de leur patrimoine commun. Car celui-ci, comme tout don reçu, constitue non un privilège acquis une fois pour toutes, mais une dette à acquitter chaque jour au Nom d’une Transcendance exigeante en matière de justice et d’amour.

La conscience de cette Transcendance, voilà la « clé de voûte » incontournable. C.OE.U.R. Octobre 2003

Page 6: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 6 - Yerushalaim n°34

Car, à compter de cette Pentecôte, venue de l’Esprit Saint en plénitude sur chacun des disciples, hommes et femmes, qui étaient présents, tous ont pénétré ce mystère d’identité et de vocation. C’est leur culture-tradition juive qui le leur a permis. Pour en saisir la substantifique moelle, il nous faut jeter un regard synthétique sur toute la Bible, remonter à Moïse … et même plus haut dans le temps, notamment à Joseph, fils de Jacob, vendu par ses frères, qui leur pardonne et les sauve ...

Moïse proche de sa mort avait

annoncé à son peuple la venue future d’un ‘’ …prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de toi ,

d’entre tes frères. C’est lui que vous écouterez » (Deutéronome 18. 15)

Moïse n’avait pas précisé quelle

serait la mission de cet autre « prophète comme lui » ! Mais une tradition juive s’est établie , qui remonte en pensée au patriarche Jacob et à ses fils et en a tiré la conclusion qu’il existait en fait deux voies messianiques, que deux Messies étaient attendus, l’un « fils de Joseph » et l’autre «de la lignée de Juda et David» (Note 1).

Pour les disciples de Jésus, la

vocation comme l’identité du Maître étaient pour le moins floues. Certes il était le Messie attendu par Israël, donc bien plus qu’un prophète. Cependant les

IDENTITE

ET VOCATION

Chapître 3: La Vocation du MessieLa Vocation du MessieLa Vocation du MessieLa Vocation du Messie

SOMMAIRE DE LA SECONDE PARTIE Chap. 3: La Vocation du Messie Préparation et Accomplissement de la fin des temps Un Messianisme d’Expiation-Réparation a - Genèse Messianique b - Restauration Messianique de l’Humanité c - Double Vocation Messianique Souffrante Un Messianisme de Glorification-Salut Epilogue: Identité - Vocation

Préparation et accomplissement de la fin des temps

Page 7: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 7

disciples qui s’en retournaient désabusés, chez eux à Emmaüs, au soir de Pâques, le qualifient ainsi nettement devant l’inconnu rencontré en chemin, qui les interroge sur l’objet des propos, qu’ils échangeaient l’air sombre :

‘’ Ce qui concerne Jésus de Nazareth qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple …’’ (Luc 24. 20)

Certes, Jésus est apparu au

Christianisme bi-millénaire tout autre qu’un prophète analogue à Moïse ou à ceux dont l’Eternel a parsemé l’histoire de son Peuple élu. Mais les disciples du Christ le percevaient cependant comme tel. Et nombre de textes du Nouveau Testament présentent Jésus comme un nouveau Moïse, un Moïse des temps de la fin, lui aussi libérateur d’un joug étranger brutal et païen, initiateur-médiateur, entre Dieu et désormais tout homme de toutes nations, d’une Alliance renouvelée à jamais inscrite avec ses commandements dans les cœurs.

La foi du Christianisme témoigne, elle aussi, d’une double venue du Messie. D’abord celle d’un « Messie Souffrant », qui ouvre sur toute l’humanité une ère messianique de préparation de la fin des temps, ère marquée d’épreuves, de guerres et de tribulations de toutes sortes (Matthieu 24. 4 et ss.). Ensuite seulement celle du « Messie Glorieux » dont la mission est enveloppée d’un mystère tout particulier, mais qui correspond à l’accomplissement final du Plan de Dieu. Cet accomplissement comportera l’amorce de l’harmonie planétaire générale de la Parousie, annoncée par les prophètes (Isaïe 11.6 et 65.25). Mais, elle manifestera ensuite, au bénéfice de l’humanité toute entière, la Glorification divine dont le Christ après sa Résurrection a été le bénéficiaire prototype et le paradigme.

Il a fallu aux Chrétiens le recul du

temps pour entrevoir les articulations complexes de cette vocation messianique de Jésus.

Un Messianisme d’Expiation-Réparation

Le Plan de Création-Salut conçu par l’Eternel, s’est trouvé compromis par l’infidélité-défection d’Adam-Eve, auquel il avait confié l’immense mission d’accomplissement des fruits du Jardin de l’Eden et de gestion des Vivants. L’humanité émanée du Souffle du Créateur sur la poussière du sol-Adamah (Genèse 2. 7), et donc animée d’une étincelle de vie divine et éternelle, puisque émanée de

Dieu, s’est trouvée par son orgueil déviée de l’axe du plan du Créateur.

Du fait de la faute, et de l’expulsion

du premier couple humain de ce Jardin de l’Eden, il devenait impensable que la créature humaine puisse un jour faire retour à Celui dont elle était issue. Or, l’Eternel étant seul éternel, ce qui a commencé doit un jour trouver sa « fin »,

a - Genèse Messianique

Page 8: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 8 - Yerushalaim n°34

aux deux sens du terme : soit sa fin-disparition-mort-échec définitifs, soit sa finalité selon le Projet de Dieu, c’est à dire son accomplissement heureux, que l’on appelle le Salut.

Lorsque je médite le mystère de

cette Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, je crois comprendre que ce Fils est cette Personne-Projet-Homme, né du Père avant tous les siècles (Credo de Nicée), puis « incarné » peu à peu dans l’humanité concrète et en premier lieu en Adam-Eve, puis en toute la descendance humaine, et sur laquelle Dieu n’a cessé au long de l’histoire biblique de déverser des torrents d’amour, de sollicitude, de corrections, de redressements, de relèvement, de pardon-miséricorde, le tout représentant le permanent « secours » de l’Esprit Saint. Ce secours était indispensable pour guider, comme la nuée du désert, la marche du peuple-humanité jour après jour. Mais, pour rouvrir à cette marche l’issue finale, que nous appelons Salut, une initiative divine nouvelle par l’Esprit Saint était nécessaire.

Car l’homme-Adam avait opté pour

la rupture de communion spirituelle avec Dieu. En conséquence, toute sa descendance connaissait la mort. Une intuition de la pensée juive doit être citée ici, car elle est précieuse pour ce débat. Divers auteurs du Talmud et d’autres commentateurs ont écrit que toutes les âmes de tous les hommes de tous les temps étaient contenues dans l’âme d’Adam. L’apôtre Paul en tire la leçon en disant :

‘’ …par un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a régné …ce fut pour tous les hommes la condamnation …’’ (Romains 5. 17-18)

Et Paul complète ainsi sa vue du Plan divin pour la réouverture des voies du Salut, par ce verset déjà cité plus haut, mais qu’il faut rappeler :

"Quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la Loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la Loi , pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs." (Galates 4. 4)

Nous retrouvons là comme vocation

ce qui a été plus haut esquissé comme identité de Jésus de Nazareth. Il est, cette fois en plénitude, l’incarnation dans le sein d’une jeune fille juive de Nazareth, sous le règne de l’empereur Tibère, de ce « Projet-Fils aimé de Dieu et partageant sa Gloire avant que le monde fût » (Jean 17. 24 et 5). Et pour l’ incarnation de ce Fils Incarné-Jésus, que Paul appelle le Dernier Adam, l’Eternel a soufflé son Esprit-haleine de vie divine sur cette humble Marie. Celle-ci apparaît comme la personnification de tout Israël, Peuple Elu depuis Abraham en vue notamment de cette shekhina exceptionnelle.

Le processus d’incarnation de ce

Dernier Adam n’est guère différent dans son principe de celui suivi pour l’engendrement du Premier Adam. Pour celui-ci l’Eternel a soufflé son haleine de vie divine sur la poussière du sol-Adamah et Adam est devenu un être ‘’vivant’’. La même haleine de vie soufflée sur Marie-Nouvelle Adamah a engendré le Messie-Dernier Adam que Paul qualifie d’être ‘’vivifiant’’.

En vue de quoi ? C’est tout le message biblique qui répond à cette question majeure.

Page 9: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 9

Un récit biblique est particuliè-rement précieux pour permettre d’entrer dans ce mystère de la vocation messianique. Il occupe la fin du Livre de la Genèse traitant de Joseph et de ses frères.

On connaît cette histoire de Joseph

vendu par ses frères jaloux et devenu miraculeusement vice-Pharaon d’Egypte. Rappelons brièvement les péripéties qui suivent ; la famine en Canaan oblige les dits frères à venir acheter du blé en Egypte où Joseph a pris soin d’accumuler des stocks durant les sept années de « vaches grasses ». Joseph en habit de dignitaire égyptien, qui n’est pas reconnu par les siens, les soumet à des épreuves successives. Notamment il retient comme esclave le plus jeune frère Benjamin, le préféré du vieux père Jacob resté au pays. Et il renvoie les autres frères.

Mais, Juda, l'un d’eux, supplie le

dignitaire de le prendre, lui, à la place de Benjamin et il motive cette supplique de façon poignante :

" Comment, en effet, pourrais-je remonter vers mon père, si cet enfant n'est pas avec moi ?

Que je ne vois pas le malheur qui atteindrait mon père !

Dès qu'il verra que l'enfant n'est pas avec nous, il mourra ‘’ ( Genèse 44 . 30 à 34 )

Le texte de la Genèse continue

ainsi : "Joseph ne put se dominer. Il fit sortir tous les Egyptiens présents, y compris l'interprète, et sanglota ", puis il dit à ses frères :

" Venez près de moi ... Je suis Joseph , votre frère, que vous avez vendu en Egypte.

Mais, ne vous affligez pas maintenant et ne soyez pas tourmentés... car c'est Dieu qui m'y a envoyé avant vous pour vous conserver la vie. " ( Genèse 45 . 4 et 5 )

Juda avait juré sur sa vie à son

vieux père qu'il lui ramènerait Benjamin. Il a donc offert, sa vie pour sauver celle de son frère. Il manifeste ainsi l'amour qu'il éprouve pour son père qu'il ne veut pas voir mourir de chagrin. Savoir sacrifier sa vie au profit d’un frère, pour l'amour de son père, c'est bien ce qu’a fait ce Juda, Et ce don de sa vie a amorcé la réconciliation de Joseph et de ses frères. Des rabbins, faisant l'exégèse de ce magnifique texte biblique, ont fait ressortir diverses perspectives messianiques passionnantes.

Cette fin du Livre de la Genèse pose

le problème et les voies d'un retour à la fraternité humaine détruite, au début du même Livre, d’abord par l’orgueil d’Adam et Eve, puis par e meurtre d'Abel.

Cette réconciliation de Joseph et de

ses frères préfigure celle à intervenir un jour :

- entre les nations païennes, symbolisées par l'Egypte et représentées ici par Joseph,

- puis entre ces nations païennes et le Peuple Élu représenté par Juda et les autres frères.

La réussite de cette entreprise de

b- Restauration Messianique de l’humanité, selon deux voies : un Messie nommé Joseph

et un Messie fils de Juda.

Page 10: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 10 - Yerushalaim n°34

réunification de l’humanité c’est, disent certains rabbins, l’avènement du Messie qui en sera l’agent ou le fruit . Mais dans cette optique, il s’agit d’un messianisme selon deux voies convergentes :

- d’abord celle de Joseph qui vise à re-spiritualiser les ‘’Nations’’ de l’intérieur d’elles-mêmes et, par là, à restaurer une harmonie planétaire,

- ensuite, celle de Juda qui tend, elle aussi, à cette re-spiritualisation des Nations, mais à partir de l’expérience originale aussi bien qu’exemplaire d’Israël, cette expérience du Peuple Élu faisant ‘’tache d’huile-osmose spirituelle’’, à l’égard des Nations et aboutissant à une transfiguration de la condition humaine individuelle elle-même.

Cette présentation de l’avènement

messianique en deux voies - convergentes certes, mais distinctes et personnifiées par

deux Messies différents - peut paraître étrange aux chrétiens. Mais, elle est caractéristique de la pensée hébraïque. Celle-ci, nous l’avons vu, personnifie souvent des concepts abstraits relatifs à la présence active de Dieu au sein de sa Création. Mais la spiritualité juive n’est jamais dupe de ce qui n’est qu’un langage. Elle reste fidèle à l’unicité absolue de Dieu et donc de son dessein.

Qu’est-ce que tout cela peut vouloir

dire aux chrétiens et aux esprits structurés selon des fibres occidentales ?

Pour ceux-ci, Jésus apparaît à l’évidence comme une synthèse de ces deux voies et finalités messianiques. Mais, il nous faut analyser soigneusement ce récit dont les éléments ne sont pas articulés selon des structures de pensée cartésiennes.

c- Double Vocation Messianique Souffrante

Juda apparaît comme une préfiguration du Messie Souffrant qui, par amour pour son père, offre sa vie en rançon pour son frère. Et cette offrande scelle la réconciliation de Joseph et de ses frères et ouvre sur toutes les conséquences heureuses qui vont en résulter pour Jacob et tous les siens.

Mais Joseph est aussi à sa manière un Juste Souffrant, vendus par ses frères, qui finalement leur pardonne et par là les sauve.

Ces deux voies messianiques sont

différentes : Juda offre d’expier la faute des fils

de Jacob livrant leur frère Joseph. Et , par son sacrifice, il amorce leur conversion, qui rétablit la cohésion de la descendance d’Abraham.

Joseph en est pour partie l’artisan.

Mais il est également l’instrument d’une harmonie établie entre les Nations païennes, représentées par l’Egypte, et la descendance d’Abraham, racine du Peuple Elu.

Après le pardon de Joseph à ses frères, Pharaon dit à ceux-ci :

‘’ Allez, gagnez le pays de Canaan et prenez votre père et les vôtres, puis revenez vers moi pour que je vous offre les délices du pays d’Egypte’’ (Genèse 45. 17-18)

Selon le Nouveau Testament, Jésus

assume aussi deux voies messianiques analogues, que Paul synthétise en quelques versets :

‘’ Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave, ni homme libre ... car tous vous n’êtes qu’un en

Page 11: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 11

Jésus-Christ. Et si vous appartenez au Christ, c’est donc que vous êtes la descendance d’Abraham. Selon la promesse, vous êtes héritiers’’. (Galates 3.27 à 29)

‘’ C’est lui, en effet qui est notre

paix. De ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation, la haine … Il voulu ainsi, à partir du Juif et du païen créer en lui un seul homme nouveau en établissant la paix, et les réconcilier avec Dieu tous les deux en un seul corps au moyen de la croix …’’(Ephésiens 2.14 ss.)

Et ce message vient jusqu’à nous

aujourd’hui. Savoir sacrifier sa vie à son frère et lui pardonner pour l’amour du Père commun, c’est bien ce qui est attendu par Dieu de chaque croyant, notamment de chaque baptisé. C’est ce dont Juda et Joseph avaient tracé la voie au temps des premières péripéties de l’Alliance. C’est ce que Jésus par sa croix a porté à son accomplissement plénier pour les temps de la fin…

Mais, si exceptionnelle qu’elle

apparaisse déjà ainsi, la vocation messianique essentielle de Jésus était, en fait d’une tout autre ampleur dans le dessein final de Dieu.

Un Messianisme de Glorification

La question suivante a été, dit-on, posée un jour à St Thomas d’Aquin : « Si Adam et Eve n’avaient pas commis la faute, Dieu aurait-il néanmoins dû envoyer un Messie ? » Et Th.d’Aquin aurait alors répondu : « Il est impossible de répondre… ! »

On dit également que son disciple et

successeur, Duns Scott, placé devant la même question aurait dit : Oui, bien sûr, un Envoyé exceptionnel de Dieu était nécessaire pour conduire l’histoire de la Création et du Salut à son accomplisse-ment ultime ».

Une telle réponse, nous semble

traduire l’issue nécessaire de toute la révélation biblique. La foi en la venue d’un Messie est vivante dans l’attente juive depuis les derniers siècles avant l’ère chrétienne. La foi en Jésus Messie est l’âme du Christianisme, mais elle l’est

doublement car le Chrétien, depuis vingt siècles, attend le retour glorieux de ce Messie Jésus. Le Nouveau Testament y fait maintes allusions. Deux anges le dirent aux disciples lors de l’Ascension :

‘’ Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ‘’ (Actes 1. 11)

Jésus lui-même insiste très souvent

non seulement sur ce futur retour, mais surtout sur la « gloire » qui sera alors manifestée, la Gloire du Père, la gloire du Fils de l’homme et la gloire-Salut des disciples.

‘’ Vous n’achèverez pas de parcourir les villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme’’. (Matthieu 10. 23)

‘’ Tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ignorez que viendra le

Page 12: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 12 - Yerushalaim n°34

EPILOGUE

Fils de l’homme ‘’. (Luc 12. 40) ‘’ Le Fils de l’homme, lorsqu’il

viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Luc 18. 8)

‘’ Alors on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel ‘’.(Luc 24: 27)

‘’ Le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges’’.

(Matthieu 16. 27) ‘’ Quand le Fils de l’homme viendra

dans sa gloire, accompagné de tous ses anges, alors il siégera sur son trône de gloire’’ (Matthieu 24. 31)

‘’ L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié’’. (Jean 12. 23)

‘’ Père, l’heure est venue, glorifie Ton fils, afin que Ton fils Te glorifie et que, selon le pouvoir que Tu lui as donné sur

toute chair que Tu lui as donnée, il donne la vie éternelle à tous ceux que Tu lui as donnés. Or la vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent ’’. (Jean 17. 1 à 3)

Tout le mystère de « l’Incarnation

en vue du Salut » est résumé dans ces quelques versets. Et Jésus précise devant ses disciples, quelques instants avant sa Passion, que tel était le Plan de Dieu dès avant la Création, Plan qui se trouve donc « accompli » :

‘’ Maintenant, Père glorifie-moi

auprès de Toi de cette gloire que j’avais auprès de Toi avant que le monde fût’’. (Jean 17. 5)

Jésus proclame ci-dessus la cons-cience qu’il a de son Identité et de sa Vo-cation. Sans doute n’est-il pas inutile de l’expliciter un peu :

IDENTITE : - Dieu dans sa gloire, avant que la

Création fût, a engendré ce Fils et « en lui» a créé tout ce qui existe et au som-met de tout l’Homme. C’est ainsi que l’a-pôtre Paul a enseigné cette identité du Christ :

" Dieu nous a élus en lui (Jésus) avant la fondation du monde." (Ephésiens 1. 4)

" Il est l’image du Dieu invisible. Premier-né de toute créature. Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisi-bles … Tout a été créé en fonction de lui (Note 2) et pour lui. Et il est , lui, par devant tout. Tout est maintenu en lui et il est la tête du corps qui est l’Eglise …" (Colossiens 1. 15 à 18)

- Avant son Incarnation dans l’hu-manité de Marie et d’Israël, ce Fils parta-geait la Gloire du Père. Il était « auprès du Père » lorsqu’Il créait, de même qu’était la Sagesse, selon le Livre des Proverbes, et comme le dit l’apôtre Jean dans le Prolo-gue de son Evangile.

- Du fait de son Incarnation dans

l’humanité, le « Fils Incarné » est créé Jé-sus Fils de l’homme, partageant pleine-ment la misère de l’humanité tout entière. Et Paul va jusqu’à dire :

" Lui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous considéré comme pé-ché, afin que en lui nous soyons justifiés par Dieu." (2 Corinthiens 5. 21)

A travers cette image audacieuse de

Paul nous touchons l’extrême pointe de l’i-dentité du Christ. Il a assumé totalement la condition humaine, sa nature et son hé-rédité pécheresse. Et sa fidélité-humilité effaçant la désobéissance-orgueil du Pre-mier Adam, a conduit le Père à pardonner

Page 13: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 13

à toute cette humanité en la personne de Jésus-Dernier Adam.

Mais précisons encore que, comme

rappelé plus haut, l’identité incarnée de Jésus a été manifestée (shekhina) par onction de la plénitude de l’Esprit Saint et de la Puissance du Très Haut venue sur l’humanité de Marie et (à travers elle) d’I-sraël. Et cette onction plénière divine a concerné la totalité de la personne hu-maine de Jésus, c’est à dire a été investie non seulement dans son âme / esprit mais aussi dans son corps (Colossiens 2. 9)

Par là, Jésus est totalement humain,

mais du fait de cette plénitude d’Esprit de Dieu reçue, il est réellement le Premier-né d’une Humanité Nouvelle, celle des temps de la fin, enfin prête pour la divinisation eschatologique …

Et par là, nous touchons à la voca-

tion du Christ…. VOCATION : Jésus est bien le prototype de l’Hu-

manité Nouvelle. L’onction plénière de l’Esprit Saint qu’il a reçue, de façon « intra-utérine » si l’on peut dire, pour sa conception dans le sein de Marie, le disci-ple du Christ peut la recevoir dans la Pen-tecôte. Celle-ci le fait à l’image du Christ pour la vie éternelle.

N’est-il pas trop audacieux de s’ex-

primer ainsi ? Mais, c’est dans la ligne des enseignements du Nouveau Testament, le-quel révèle cette Vocation du Christ selon deux voies :

1) "… et moi, je leur ai donné la

gloire que tu m’as donnée …’’: (Jean 17. 22)

Jésus l’exprime à sa manière, quel-

ques instants avant sa Passion en rappe-lant qu’il a reçu du Père tous pouvoirs de donner la vie éternelle à tous ceux que le

Père lui a donnés. Et cette vie éternelle sera fruit de la "Gloire", celle de Jésus et celle communiquée par lui à ses disciples fidèles. Que signifie ce mot "Gloire" ? C’est le don d’amour et l’accomplissement du dessein de Dieu pour tous, c’est le partage de la Vie Divine elle-même.

Ainsi, à la fin des temps, selon l’ex-

pression familière, la « boucle aura été bouclée ». L’abîme de la distance ontologi-que creusée lors de la Création, par le fait même de l’acte créateur, entre la créature et son Créateur, se trouvera résorbé. Dieu restera Dieu, mais la créature glori-fiée ne sera plus séparée de Lui par Sa Transcendance. Comment, dira-t-on, est-il possible de soutenir une perspective pa-reille ?

Mais, c’est encore une fois St. Paul

qui l’affirme : " …comme tous meurent en Adam,

en Christ tous recevront la vie … ensuite viendra la fin quand il (Jésus Christ) re-mettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute domination, toute au-torité, toute puissance, car il faut qu’il rè-gne, jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses enne-mis sous ses pieds … Et quand toutes cho-ses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous." (1 Corinthiens 15. 22 à 28)

Dieu tout en tous … ! Voilà qui dé-

fie la raison, l’imagination et toute théolo-gie même ! Mais Jésus à sa manière, l’a confirmé, notamment lorsqu’il demande à son Père que

" …là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi et qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée, car tu m’as aimé dès avant la fondation du monde." (Jean 17. 24)

" …que tous soient un comme toi,

Père, tu es en moi et que je suis en toi , qu’ils soient en nous eux aussi … et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as don-

Page 14: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 14 - Yerushalaim n°34

née, pour qu’ils soient un , comme nous sommes un, , moi en eux comme toi en moi …’’ (Jean 17. 21 à 23)

Jésus précise en quoi consiste cette

glorification dont il fait état dans ces pa-roles mystérieuses ? Jésus a répondu :

"…Désormais, le Fils de l’homme

siégera à la droite du Dieu Puissant." (Luc 22. 69)

Et l’apôtre Paul en explicite le pro-

cessus à sa manière : " Il (Jésus) n’a pas considéré

comme une proie à arracher d’être égal à Dieu …Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que le Seigneur c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père." ( Philippiens 2. 6 à 11)

Telle est la perspective du Salut of-

ferte à ceux qui marcheront sur les traces du Christ, lequel a ajouté une précision capitale que nous soulignons dans le para-graphe suivant.

2) "…et moi, je le ressusciterai au

dernier jour." ( Jean 6. 40) Car ce Salut promis en Dieu n’est

pas « fusion dans un Grand Tout » comme le projettent diverses spiritualités orienta-les. Il est Salut en Dieu de chaque créa-ture, unique devant Dieu. Et pour cela chaque créature humaine vivra cette Gloire-Vie Eternelle avec son corps aussi.

La promesse n’est pas celle d’une immortalité de l’âme, Cela le paganisme gréco-romain en avait depuis quelques siècles découvert la réalité. Mais ce qui est annoncé par le Nouveau Testament est une résurrection-vie éternelle-glorification

de la ‘’totalité’’ de l’homme, corps, âme et esprit.

Le premier à avoir bénéficié d’une telle résurrection, pour entrer dans sa Gloire, est Jésus lui-même, que Paul ap-pelle ‘’Premier-né d’entre les morts …’’ (Colossiens 1. 18). Mais, on s’en souvient, Paul avait explicité la manifestation de la plénitude de la divinité en Jésus Christ en spécifiant bien qu’elle concernait toute sa personne, corporellement aussi. Son ‘’corps ‘’ ne pouvait donc pas après la Pas-sion demeurer prisonnier de la mort, que précisément par son sacrifice en expiation du péché, il était venu vaincre et détruire. ‘’ Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds’’. (1 Corinthiens 15. 26)

La résurrection est donc promise à

tous les disciples, puisque pour eux aussi la mort est désormais vaincue. Paul pour-suit ainsi son enseignement et fait de cette résurrection une des bases fonda-mentales de la foi :

" Si l’Esprit de celui qui a ressuscité

Jésus d’entre les morts habite en vous, ce-lui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous." (Romains 8. 11)

Voilà l’issue offerte en Christ à tout

homme de toute nation, s’il veut bien du-rant sa vie terrestre suivre la voie tracée par Jésus Messie : Partager sa gloire pour l’éternité …

" … nous sommes enfants de Dieu. Enfants et donc héritiers, héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire (Romains 8. 16-17)

" J’estime, en effet, que les souf-

frances du temps présent sont sans pro-portion avec la gloire qui doit être révélée en nous …’’ (Romains 8. 18)

La voie à suivre est escarpée et la

porte à franchir est étroite. Les forces hu-

Page 15: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 15

maines sont fragiles et celles du Mal sont redoutables. Jésus a bien prévenu ses dis-ciples des épreuves inhérentes à cette fin des temps. Et il a ajouté : ‘’ Celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé’’.

Mais il a promis également de leur

envoyer l’Esprit-Saint dont il a été lui-même tant assisté durant sa vie terrestre. Ceci est bien indispensable car leur Voca-

tion n’est pas de transmettre une morale, ni une doctrine nouvelles, mais de tenir ferme et de vaincre dans le combat spiri-tuel, qui se profile devant eux jusqu’à la fin des temps.

Joël Putois Novembre 2002

NOTES : 1 - Voir, à ce sujet, le livre de la Collection ‘’ A Bible Ouverte’’, Tome V : « Un Messie nommé Joseph », de Josy Eisen-

berg et Benno Gross (Ed. Albin Michel) 2 - Il est grammaticalement incorrect de traduire : « Tout a été créé par lui ... » Paul a employé ici la préposition

« dia » avec le génitif, y mettant donc un sens relationnel. Et non pas avec l’accusatif qui lui aurait donné ce sens causal. Le Fils n’est pas co-créateur, il est ‘’premier-né de toute créature’’

Nous publierons dans notre prochain numéro la suite de cette étude sous le titre:

Identité et vocation dans le Judaïsme et le Christianisme.

L’humanité n’échappera au néant partout menaçant que si le christia-nisme et le judaïsme des derniers temps, dans un élan de fraternité puisé à leurs racines communes, propagent ensemble cette parole fondamentale de l’humain: « Tu n’assassineras pas ! ». Toutes les civilisations, au cours de leur histoire, se sont adonnées sans vergogne à la violence et au meurtre. La civilisation chrétienne occidentale n’y fait point exception dans la me-sure où elle a délibérément ignoré ou renié la loi de justice miséricordieuse promulguée au Sinaï, reprise dans tous les autres livres des deux Testa-ments … Travaillons ensemble, avec générosité, amitié et courage, pour assurer la survie de la famille humaine menacée par l’holocauste nucléaire, et rava-gée par des fléaux qui sévissent partout dans cet âge sans pitié. Avant toute chose, sachons ouvrir nos oreilles à autrui: c’est par un mou-vement réitéré d’écoute qui est amour, un élan d tendresse spontanée et sans réserves, que s’accomplira le salut des hommes en péril de notre temps. L’Election n’a de sens et de but que celui-là: « Ecoute, Israël ! »

Claude Vigée « Dans le creuset du Vent » Ed.Parole et Silence juin 2003

Page 16: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 16 - Yerushalaim n°34

Quand on parle de la Shoah aujourd’hui, on pense spontanément à d’autres génocides perpétrés dans le passé et surtout ces dernières années. Il est vrai que la Shoah est vue aujourd’hui comme un génocide parmi d’autres. Cela demande quelques explications.

Tout d'abord il est vrai que ce n'est, hélas, ni le premier ni le dernier cas de massacre massif d’êtres humains dans l’histoire. Toutes les générations ont connu ces horreurs. Par ailleurs, une mère qui tient dans ses bras son fils égorgé vit dans son être le même déchirement, à toute époque et en tout pays. Et la question n’est pas le nombre, tant de milliers, tant de millions. On ne compare pas les souffrances indicibles, on ne met pas en balance le nombre des victimes.

Et pourtant, un examen approfondi des circonstances de la Shoah oblige à en souligner le caractère unique. Répétons-le: non quant au nombre, non quant à la violence de la souffrance des torturés, non quant à la douleur de leurs parents survivants.

De quoi s’agit-il donc…? 1. Le plan de suppression du Peuple de l’Alliance Le plan nazi avait un caractère qui dépassait l’extermination d’une population, comme le note

le Pape Jean-Paul II : “Le racisme est la négation de l’identité la plus profonde de l’être humain [...] A la malice morale de tout génocide s’ajoute, avec la Shoah, la malice d’une haine qui s’en prend au plan salvifique de Dieu sur l’histoire.” (31.10.1997). Le Père Dujardin développe ces idées dans deux articles (1) dont nous tirons les citations suivantes :

“Si l’on considère [...] les mobiles, la Shoah possède ses propres caractéristiques. L’antisémitisme nazi ne trouve de justification ni politique, ni économique, ni sociale. Cela ne signifie pas que ces thèmes n’aient pas été utilisés dans les persécutions. Ils appartenaient aux formes traditionnelles de l’antisémitisme, les nazis les ont récupérés.'’

“Lutte raciale, ou conflit religieux? L’antisémitisme nazi est incontestablement de nature raciale, parce qu’il s’insère dans une vision raciale du monde, mais il est davantage que cela. Hitler perçoit en effet la religion juive, identifiée à la race juive, comme un danger mortel pour la race aryenne, indépendamment des raisons raciales. Il reproche en effet au judaïsme d’avoir inventé et introduit dans la civilisation occidentale une éthique du respect absolu de la vie, de l’égale dignité des hommes et de la fraternité humaine. Les Juifs, dira-t-il, ont inventé la conscience. Cette morale est totalement incompatible avec l’idée d’une hiérarchie des races, avec le projet de domination de la race aryenne. De ce point de vue, la Shoah n’est pas seulement un génocide parmi les génocides, mais un acte délibérément anti-éthique. L’éthique juive trouve sa source dans le monothéisme.'’

“On peut alors se demander si le conflit n’est pas davantage de nature religieuse que de nature raciale. Ici s’affrontent deux conceptions religieuses et philosophiques de l’homme et de l’univers: d’une part, la vision dont le judaïsme et la tradition judéo-chrétienne sont témoins; de l’autre, la vision nazie, c’est-à-dire la tentative de reconstruire l’humanité sur le modèle de

Spécificité de la Shoah

Frère Yohanan

Nous vous avons souvent recommandé le livre intitulé « Juifs

et Chrétiens d’hier à demain » (Édition du Cerf, Bien que déjà ancien (1990), ce livre garde toujours un grand intérêt: nous vous le recommandons ivement. Nous nous faisons donc un plaisir de présenter à nos lecteurs ce petit texte dans lequel Frère Yohanan apporte un complément à son livre. (Repris du site internet http://www.afiq.net/echo/document/index.htm)

Page 17: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 17

l’animalité, par l’application de la sélection naturelle définie par Darwin. De cette conception découlent une autre morale, un autre système de valeurs, qui portent à l’extrême la violence, l’instinct et la guerre, comme expressions naturelles et spontanées de l’existence humaine. A l’appui d’une telle vision du monde, on pourrait citer une multitude de textes. “Nous arrêterons l’humanité sur un chemin où elle faisait fausse route. Il n’existe pas de vérité, pas plus dans le domaine de la morale que dans celui de la science. Le mot “crime” est un reliquat d’un monde dépassé. Il faut se fier à ses instincts.” Ou encore: “Celui qui ne comprend le national-socialisme que comme un mouvement politique n’en sait pas grand-chose. Le national-socialisme est plus qu’une religion, c’est la volonté de créer un nouvel homme..”

“Rauschning prête à Hitler les propos suivants : Il ne peut pas y avoir deux peuples élus. Nous sommes le peuple de Dieu. [...] Deux mondes s’affrontent, l’homme de Dieu et l’homme de Satan. Le juif est l’anti-homme [...], un être hors nature [...]. Il s’agit de faire surgir un nouvel homme, qui sait et qui sent que Dieu est en lui.

“D’après la signification de l’existence juive aux yeux de Hitler, il fallait tuer les enfants parce qu’ils étaient l’avenir, il fallait tuer ou stériliser les femmes parce qu’elles donnaient la vie et l’identité, mais il fallait aussi tuer les vieillards, parce qu’ils incarnaient la mémoire. Une telle logique de mort ne pouvait que conduire à la décision de priver les juifs de toute sépulture, à la volonté d’effacer toute trace de leur existence.”

Il fallait donc effacer la trace même des fosses communes en plantant une forêt par dessus, pour que l’humanité oublie qu’il y avait eu un tel peuple, avec son idée du Dieu de la Bible et de ses exigences morales. Pour Hitler, si les Slaves étaient des Untermenschen (sous-hommes), les Juifs étaient Unmenschen (non-hommes). C’était “un poison, un germe d’épidémie”, d’où l’emploi de gaz insecticide, d’où la conviction des nazis qu’ils faisaient une œuvre de purification de l’humanité. Et ils le faisaient sans scrupule de conscience: “Mon crime n’est pas un crime puisque l’homme que je tue n’est pas un homme.'’

2. Les moyens employés La Shoah est aussi exceptionnelle par la façon dont les nazis ont réalisé leur plan.

Ce n’est pas l’explosion de la haine d’un peuple contre un autre, une tuerie massive pour être seul dans un territoire, à l’exclusion de l’autre peuple ou de l’autre race. C’est la planification méthodique, froidement organisée pendant des années, à l’échelon national. “Cette perversité n’avait jamais été atteinte dans les méthodes: utilisation de tous les rouages d’un état juridiquement reconnu, de son administration, de sa bureaucratie, de ses services publics et privés (transports ferroviaires et agences de voyage).”

Résultat: 6 millions d’êtres supprimés, dont 1 million d’enfants, année après année, dans divers pays d’Europe, “tranquillement”, sans presque d’opposition à ce plan de la part des puissances, sans l’envoi de secours d’autres pays. On ne saurait assez souligner le traumatisme que cela a laissé dans la conscience juive, déjà meurtrie par tant de siècles d’humiliations et de tueries dans le monde chrétien. Il faudra bien des années pour que le cœur juif se libère de la peur et retrouve la confiance.

3. Cas unique, cas exemplaire Malgré le caractère exceptionnel de la Shoah souligné ci-dessus, il est clair qu’il y a aussi

des points communs entre ce génocide et les autres génocides passés et contemporains. Et la réflexion sur la Shoah, cas extrême, doit être comme un point de repère, une mise en garde faite à l’humanité, pour que rien de semblable ne soit plus possible. Elle nous permet de “mieux entendre ce que les autres génocides ne nous disent pas’'. Elle doit montrer à quoi peut mener le racisme, le mépris de la vie humaine, la folie de l’exaltation d’un surhomme dominant les autres, défiant Dieu et Son amour pour tout être humain créé à son image.

Frère Yohanan Elihai

Note 1: L’article “Shoah” dans 1938-1948 - les années de tourmente de Munich à Prague - Dictionnaire critique, Jean-Pierre Azéma & François Bédarida, Flammarion 1995, pp.1047-1058; et l’article Réflexions sur la Shoah - Documents Episcopat (Evêques de France), repris dans Znak No 419-420 avril-mai 1990 pp.64-96.

Page 18: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 18 - Yerushalaim n°34

Hommage à Madame Éliane CATTA

Nous avons appris avec regret que Madame Éliane CATTA s’est éteinte le 9 août 2003. Ainsi disparaît l’épouse de l’un des fondateurs de notre associa-tion, Henri CATTA. Les presque cinquante ans de vie du couple CATTA n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille, Éliane ayant fidèlement tenu sa place avec cet homme bouillonnant, perpétuellement agité de pensées diverses et d’intuitions fulgurantes.

Elle a accompagné Henri de près ou de loin, avec toujours la même fidé-

lité et constance, en disant avec une pointe d’humour lorsqu’il s’engageait dans une nouvelle aventure : « Je suis tranquille, il reviendra, car c’est auprès de moi que se trouve sa maison. » Et c’est elle qui a recueilli son dernier sourire à l’instant même de son décès, le 16 juin 1994, dans leur appartement parisien.

Quand j’évoque le souvenir de Madame CATTA, un seul terme se pré-

sente à mon esprit : l’aristocratie, mais dans le sens positif du terme. Elle était une de ces femmes d’élite, de par sa naissance tout d’abord, mais surtout à cause de sa manière d’être avec les autres. Toujours parfaitement élégante et raffinée dans son aspect extérieur, elle avait cette délicatesse et amabilité de caractère, qui permettait à chacun de se sentir très à l’aise dans sa compagnie. Elle m’a laissé cette conviction que la noblesse et la distinction véritables ne se manifestent que dans la discrétion et un certain retrait.

Lors de l’une de nos dernières rencontres, en hiver 2002, nous avons

parlé de Dieu. Contrairement à son mari, dont la bouche était toujours remplie de louanges et d’invocations au Seigneur, Madame CATTA restait très sobre pour ce qui concernait les questions spirituelles. Il lui arrivait de laisser enten-dre des questionnements, et parfois même des doutes. Ce soir-là, elle me par-lait de la mort qu’elle attendait, et à laquelle elle se préparait. La question qui habitait ses pensées concernait l’au-delà : comment est-ce de l’autre côté ? Et comme je lui demandais si elle ne pensait pas que Dieu nous y attendait, elle m’a répondu : « Je n’ose pas ne pas y croire ».

Aujourd’hui Madame CATTA a les réponses à toutes ses questions. Je voudrais à cette occasion, au nom de tous les membres de l’associa-

tion « C.0.E.U.R », saluer très cordialement toute la famille CATTA et de GER-VILLIER, et leur transmettre l’expression de notre profonde sympathie.

Elzbieta AMSLER-TWAROWSKA Septembre 2003

Page 19: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 19

“Le clivage n’est plus à établir entre Israël et le reste de l’humanité, mais entre les religions éthiques et les barbaries” ( Menahem MEIRI, XIIIème siècle « Le Meiri, rabbin catalan de la tolérance » par Ph. HADDAD - Ed. Mare Nostrum 2001 )

Des voix qui crient dans le désert Deux témoins, deux voix qui crient dans le désert de haines et de violences de ce monde. Deux voix qui crient contre l’évidence du processus mortifère qui semble pourtant s’accélérer

sous nos yeux consternés. Deux messages où l’utopie ne se laisse pas bousculer par la réalité. C’est de cela que nous voulons ici rendre compte. On nous dira peut-être que c’est trop tard, ou trop ambitieux, ou trop irréaliste, ou trop décon-

necté de la réalité concrète. C’est toujours ce qu’on dit des visionnaires. Qu’importe ? Ce ne sont pas les critiques qui font le monde, qui orientent l’histoire. Ne criti-

quons pas les critiques: elles servent de mise en garde, de garde-fou, de sirène d’alarme: retenons seulement ce rôle à leur actif.

Mais sachons entendre la voix qui vient de plus loin, qui ne veut pas nous conforter dans nos vues tièdement fatalistes. Ecoutons ces voix courageuses qui osent s’élever hors du consensus mou qui nous enserre. Osons prêter l’oreille à ceux qui nous interpellent dans nos attitudes pares-seuses.

Les mieux disposés nous diront que tout cela est bel et bien, mais arrive trop tard et que le

processus a déjà atteint un point de non-retour. Peut-être ! Mais même si cela était, nous ne pour-rions pas regretter de les avoir fait entendre, pour leur honneur, pour l’honneur de la vérité, pour l’honneur de Dieu !

Ces deux voix entendues faiblement, beaucoup trop discrètement, ces temps derniers, sont

celles d’un chrétien, Emile Shoufani, et d’un juif, Philippe Haddad. L’un est prêtre, l’autre est rabbin. Le prêtre a osé emmener ensemble à Auschwitz des chrétiens, des juifs et des musulmans,

dans une même aventure aux confins de l’indicible. Le rabbin a accompagné un voyage en Israël organisé par des chrétiens et en est revenu

avec un rêve qu’il veut partager. Nous allons ici nous mettre à leur écoute

L’AUTRE

Elzbieta AMSLER-TWAROWSKA

Page 20: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 20 - Yerushalaim n°34

Itinéraire d’une arabe chrétien Le père Emile SCHOUFANI est connu en France comme le « curé de Nazareth », grâce aux

deux très beaux livres écrits à son sujet par Hubert PROLONGEAU, (1) mais aussi tout dernière-ment au travers d’émissions télévisées et de conférences. Qui est-il ? Citoyen arabe de nationalité israélienne, palestinien vivant à proximité des territoires occupés, catholique romain dans un univers chrétien oriental essentiellement orthodoxe, et melchite, donc de rite oriental. Après ses études de prêtre en France, il se dit lui même français, et il gardera des contacts permanents avec l’Europe. Il a 56 ans , presque le même âge que celui de l’état d’Israël … Le chemin d’unité et le caractère pro-phétique de la vie d’Emile SCHOUFANI prennent leur source dans le tourbillon que la fondation de l’état hébreu a provoqué dans le monde arabe du Proche Orient.

Le futur père SCHOUFANI, curé de Nazareth que nous connaissons aujourd’hui a été mar-qué par le témoignage de la force d’âme de sa grande mère Fadwa, qui lui a donné l’exemple d’une femme toute entière tournée vers la vie, malgré la souffrance. C’est elle qui par son attitude a posé des bases pour les convictions qu’Emile SCHOUFANI exprime aujourd’hui ainsi (2):

“Il est temps de penser nos problèmes non pas en séparation, mais en union. C’est dans ce sens là que j’ai vécu: je viens d’une famille qui a payé très cher la tragédie de 1948, où mon grand père et mon oncle de 17 ans ont été tués. Or, ma grand mère a voulu absolument que ce crime, com-mis par l’armée israélienne ne soit pas un lieu de haine ou de vengeance. Elle a été un exemple à ce sujet en disant : « Je ne veux pas faire entrer dans ma maison la haine. Les morts – que Dieu les prenne en pitié. Les vivants – c’est eux l’avenir. ». Ella refusé de pouvoir aller chercher le corps de son mari pour l’enterrer dans le village. De pouvoir aller identifier le corps de son fils, quand on l’a tiré de la fosse commune. Elle a choisi de pouvoir dire – je ne veux pas que mes enfants vivent dans la haine, et à la maison elle ne parlait jamais de cela. Avait-elle oublié ? Non, évidemment. Avant sa mort tout ce qu’elle a demandé, c’était d’être enterrée à côté de son fils. Elle a porté pendant toute sa vie, cette peine, cette souffrance, mais pour la vie elle a choisi la vie. Et elle a été l‘exemple. Elle aurait pu m’apprendre la haine – elle ne l’a jamais fait. D’autres, dans la famille, cultivaient la rancœur: un oncle, une tente, se répandaient contre « les juifs ». Ma grand-mère, elle, demeurait étrangère aux notions de malveillance et de vengeance. J’ai appris de ma grand-mère qu’il y avait d’autres voies possibles. C’est elle qui m’a légué le sens du par-don. C’est la confiance absolue en Dieu qui peut seule nous permettre des attitudes qui peuvent paraître complètement folles, pace qu’elles vont à l’encontre des sentiments humains que sont la peur et la haine. En tant que prêtre, mon rôle principal est de transmettre autour de moi cette vo-lonté de dépasser, concrètement, la peur et la haine. Le pardon n’a rien avoir avec la réciprocité. C’est parce que nous attendons toujours que l’autre fasse le premier pas que les guerres existent. C’est pourquoi je dis que le pardon est la transfiguration de l’histoire. C’est à nous que revient la charge de changer le cours de l’histoire en assumant le pardon, ce qui ne nous sera possible que si nous nous savons aimés de Dieu”.

Emile SCHOUFANI ne s’est pas contenté de créer à Nazareth une école fondée sur les ba-

ses de l’égalité civique, et ouverte à des enfants chrétiens, juifs et musulmans.. Il ne lui a pas suffi d’être appelé à labourer chaque jour pour la paix, entre les multiples communautés religieuses en Galilée. Devant le mur de haine, dressé entre israéliens et palestiniens sur cette terre, appelée « sainte », Emile SCHOUFANI s’est senti capable d’opérer une première brèche. Pour mieux s’ar-mer devant une telle tâche, il a laissé la pensée d’Emmanuel LEVINAS sur la responsabilité rejoin-dre ses convictions chrétiennes sur la gratuité du pardon. Il a tenté l’élévation (séét) de Caïn et Abel en un seul homme (3). Jésus lui en a montré le chemin.

Digression à propos de Lévinas Il n’est pas sans intérêt de présenter ici rapidement ce penseur qu’est Emmanuel LEVINAS,

mais ce n’est pas chose simple dans le cadre limité de notre revue. Il était philosophe, penseur, exé-gète, enseignant, … Plusieurs approches étant possibles, nous sommes amenés à faire un choix pour celle qui nous apporte l’éclairage le plus utile sur notre sujet : Emmanuel Lévinas - un grand

Page 21: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 21

penseur de l’éthique, pour qui la Bible et le Talmud seront toujours des sources d’inspiration. Commençons par quelques repères biographiques. (4) Emmanuel LEVINAS est né en 1906,

à Kaunas en Lituanie, dans une famille juive traditionaliste, où on parle russe. Son père était pape-tier-libraire. Après son baccalauréat il part faire ses études en philosophie à Strasbourg et ensuite à Fribourg-en-Brisgau, où il découvre la phénoménologie allemande, auprès d’Edmond HUSSERL, dont il sera l’introducteur en France, et de Martin HEIDEGGER. En 1931 il s’installe à Paris et ob-tient la naturalisation française.

Mobilisé le 27 août 1939, Levinas passera cinq années de captivité au stalag XI B près de Hanovre. De cette période il gardera le souvenir d’une file des déportés, croisés non loin de Ber-gen-Belsen. Pendant de temps, sa femme et sa fille seront accueilles dans un monastère à côté d’Orléans. Au retour à Paris, en 1945, Levinas apprendra que son père, sa mère et ses deux frères ont été massacrés en Lituanie. Tout cela déterminera son chemin.

Commence alors une longue carrière d’enseignant : attaché au département scolaire de l’Al-liance israélite universelle, directeur de l’Ecole normale israélite orientale, conférencier au Collège philosophique de Jean Wahl, fondateur du cycle des conférences annuelles sur des textes talmudi-ques aux colloques des intellectuels juifs de France, professeur à l’université de Nanterre, au côté de Paul Ricoeur, participant aux colloques Castelli à Rome, et une fois à la retraite, enseignant à l’U-niversité de Fribourg, en Suisse.

De toute l’œuvre d’Emmanuel LEVINAS, voici quelques livres dont la présentation nous don-

nera l’occasion de faire connaissance avec les grands axes de sa pensée (4) : « Totalité et Infini » (éd. Martinus Nijhoff, La Haye, 1961). Cet ouvrage est souvent considéré

comme l’œuvre capitale de Levinas où il nous propose une approche extrêmement originale de l’é-thique. « Il s’agit de penser l’exigence éthique et l’expérience qui la rendrait possible. Contrairement à Kant, Levinas écrit que l’éthique exige la présence d’un autre, d’une altérité radicale - « l’Etranger qui trouble chez soi ». Il substitue ainsi à la notion d’autonomie celle de hétéronomie, car c’est la ren-contre du visage de l’autre, le face à face, qui m’engage dans la responsabilité, dans la fraternité hu-maine. Le visage exprime aussi bien la fragilité d’autrui que le commandement: “Tu ne tueras point”

Selon Alain Finkielkraut (4) , la conception de l’éthique chez Levinas est dominée par le pres-sentiment et par le souvenir de l’horreur nazie. Or cette pensée nous dit qu’il y a une antériorité du Bien sur le Mal, que nul n’est volontairement bon. On est contraint à être bon. Dans l’épigraphe de son livre « Autrement qu’être » Levinas écrit : « A la mémoire des êtres les plus proches parmi les six millions d’assassinés par les nationaux-socialistes, à côté des millions et des millions d’humains de toutes confessions et de toutes nations, victimes de la même haine de l’autre homme, du même antisémitisme ».

Levinas, loin d’oublier la haine, avance l’hypothèse qu’elle s’est produite en nous par la vio-lence initiale du Bien. « Le prochain, dit le même texte, c’est l’indésirable même. Il est là, il nous ar-rive, il entre sans frapper. Peut-être y a-t-il donc dans le Mal, et le Mal absolu, comme une révolte métaphysique contre cette dépendance à l’égard de l’autre».

Dans « Quatre Lectures talmudiques » (éd. de Minuit, 1968) sont réunies des conférences

que donna Emmanuel Levinas dans le cadre des Colloques d’intellectuels juifs de langue française, entre 1963 et 1966. Il ne s’agit pas d’une lecture qui “se limiterait à la piété à l’égard d’un passé cher mais périmé” , car selon lui le Talmud comporte une dimension universelle, il est “source éminente de ces expériences dont se nourrissent les philosophes”. Il s’agit de déceler dans ces textes le sens même de l’humain.

La quête de l’auteur est fondée sur l’idée selon laquelle la philosophie occidentale repose sur le dialogue entre deux sources : Athènes et Jérusalem. Il insiste sur la nécessité, pour la conscience occidentale, d’une interrogation incessante de sources hébraïques. Il puise ainsi dans les textes tal-mudiques des réflexions sur le pardon, l’acceptation de la Loi, le sens de l’être. On retrouve ainsi des notions qui sont au cœur même de la pensée de l’auteur : « l’éthique comme philosophie pre-mière ».

Dans « Humanisme de l’Autre Homme » (éd. Fata Morgana, 1972),. Levinas propose de voir

Page 22: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 22 - Yerushalaim n°34

l’identité du sujet autrement que la tradition philosophique. Il s’agit de considérer l’humain dans son rapport à autrui, en tant que « l’un-gardien-de-son-frère », « l’un-responsable-de-l’autre », dans un rapport éthique antérieur à tout savoir. Cette expérience qu’il nomme la proximité, se fait dans la rencontre du visage de l’autre. L’éthique est ce mouvement du moi vers l’autre, mais hors de l’identi-que. On ne ramène pas l’autre à soi. Le visage, la partie la plus exposée d’autrui, signifie un com-mandement de la responsabilité vis à vis de lui, et met en question la liberté même du moi.

Cette œuvre, contenant les notions-clé du philosophe, conduit le lecteur à réfléchir sur le rapport éthique, sur la responsabilité, afin que le moi soit vidé de « son impérialisme et de son égoïsme ». Pensée on ne peut plus actuelle au lendemain des traumatismes du XX° siècle, et au sein des défis que pose le siècle présent.

La notion de responsabilité chez Lévinas Cette notion fondamentale chez Lévinas nous place au cœur de notre sujet. Car les deux

ouvrages : celui d’Emile SCHOUFANI et celui de Philippe HADDAD , que nous voulons présenter par la suite, se situent pleinement dans ce contexte, en tant que témoignages d’une action concrète, dans la réalité que nous vivons actuellement. Cependant la citation qui va suivre nous sera néces-saire surtout pour toucher à la frontière si difficilement percevable, entre ce qui relève de l’effort mo-ral de l’homme, et ce que l’on pourrait appeler le don gratuit de Dieu, notion qui semble être absente dans la pensée de Lévinas. Un lecteur chrétien ne peut que se sentir profondément interpellé par la façon dont l’auteur de la « Difficile liberté » (éd. Albin Michel, 1963), parle de la responsabilité, en tant que la manière d’être dans la relation entre les hommes. Mais le danger d’une récupération fa-cile est présent. La citation que nous proposons nous impose au contraire d’accueillir Emmanuel Lévinas en tant que cet Autre, qui demande à être entendu tout d’abord en tant que tel :

. Lévinas aimait citer cette phrase de Dostoïevski : “Nous sommes tous coupables de tout et

de tous devant tous, et moi plus que les autres.” C’est à partir d’une telle pensée que Lévinas déve-loppe une éthique de la responsabilité pour autrui. Il s’agit en effet d’une responsabilité pour autrui, et là réside toute l’originalité de cette pensée de responsabilité.

Car le moi n’a pas d’abord à répondre devant autrui des actes dont il est l’auteur, mais à répondre devant l’autre des fautes et des souffrances de l’autre, de tous les autres. De cette responsabilité pour l’autre, le moi n’a pas à attendre la réciprocité, parce qu’il serait immoral d’exiger de l’autre en retour une telle responsabilité infinie. L’éthique vit de cette non-réciprocité : si l’autre est res-ponsable de moi, il reste que moi, j’ai toujours une responsabilité de plus que lui, car je réponds aussi de sa responsabilité pour moi. C’est seulement à partir de cette responsabilité totale et infi-nie que le moi peut se dépouiller de son impérialisme dominateur, et accueillir l’autre. Mais cette responsabilité, qui met l’égoïsme du moi à l’envers, ne détruit pas le moi. Au contraire, elle témoi-gne de la “place centrale” qu’occupe dans l’éthique celui qui pourtant n’est lui-même qu’en se mettant à la place de l’autre – prenant sur lui ses fautes et ses souffrances - ce dont nul ne sau-rait se charger à sa place. »

Suivant cette règle Caïn devrait se réjouir du fait que l’Eternel avait agréé l’offrande de son

frère Abel et non la sienne, il devrait embrasser son frère et se joindre à lui et travailler avec lui dans les champs et les pâturages. Alors la bénédiction qu’il aurait reçue serait immense et le pre-mier fondement du Temple déjà posé. Malheureusement les choses ne vont pas ainsi.

Pourtant, il existe parmi nous des hommes et des femmes qui osent , par leurs écrits, leur pa-role et leurs actions, prendre le risque de briser la chaîne des attaques et des ripostes qui se perpé-tue au nom de la justice et de la légitime défense.

La responsabilité chez Emile Shoufani Depuis la nouvelle Intifada, qui a éclaté en septembre 2001, Emile SCHOUFANI s’est posé la

question au sujet de la possibilité d’une sortie de ce cercle infernal de la violence. Il a commencé par lui-même, à renoncer à se considérer comme une éternelle victime de l’état juif, bien qu’il ait eu

Page 23: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 23

deux morts dans sa famille. Ensuite il a définitivement choisi d’inviter les siens à changer leur regard sur le monde juif. Cette conversion du regard que l’homme porte sur l’autre homme, voilà, selon Emile SCHOUFANI, la seule voie de salut pour l’humanité.

Ainsi est née l’initiative nommée « Une mémoire pour la paix ». Une association selon la loi

de 1901 a été fondée en France, parallèlement à une association en Israël, animée à la fois par des personnalités juives (Mizikaron leshalom) , et des arabes israéliens (Nadhkaor al-alâam min âjl al-salam). L’appel du Père SCHOUFANI a provoqué une véritable mobilisation, notamment chez les arabes de nationalité israélienne. Voici un extrait de l’appel lancé en vue de l’organisation du voyage à Auschwitz (6):

« J’appelle mes frères arabes à se joindre à moi pour accomplir ensemble un geste fort, gratuit et résolument audacieux. Sur le lieu qui incarne l’atrocité du génocide, à Auschwitz-Birkenau, nous ferons acte de fraternité, envers les million des victimes, nous proclamerons notre solidarité avec leur filles et leurs fils juifs, nous témoignerons de notre empathie pour cette souffrance indescrip-tible. Cet acte de mémoire signifiera notre refus radical d’une telle inhumanité, il témoignera de notre capacité à comprendre la blessure de l’autre. »

Nous citons plus loin d’autres fragments de la causerie du P. SCHOUFANI, prononcée de-

vant plus de cinq cent personnes, lors de son passage à Sucy-en-Brie, en septembre dernier. Il ne s’agit pas d’une conférence sur la paix, ni d’un discours idéologique. Il s’agit d’un appel pressant destiné aux chrétiens de la vielle Europe en voie de transformation. Un appel qui concerne chacun de nous, là ou nous sommes, dans nos villes et nos banlieues, nos villages et nos bourgades.

Paul THIBAUD, le président de l’association l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, qui a par-ticipé au voyage, a publié dans le journal « Information Juive » (7) , un article très intéressant intitulé « Désoccidentalisation de la Shoah ». Sans contester les espoirs formulés dans ce texte, gardons-nous de penser que, puisque des arabes musulmans et chrétiens se sont rendus pour la première fois sur cette place de l’horreur, la Shoah ne concerne plus l’Europe ? Au contraire, par ce geste prophétique, l’Europe ne se trouve-t-elle pas devant un message à décoder: cet AUTRE très spécifi-que, que les nazis ont voulu éradiquer, c’est avant tout le PROCHE très particulier d’un « visiteur » arabe. Ils sont frères. L’image de Caïn et Abel, concrétisée en Izaak et Ismaël, les fils d’Abraham, nous dit que c’est eux d’abord qui sont concernés par la Shoah, que c’est eux qui ont à se retrouver et à se réconcilier, dans une étreinte fraternelle et dans les larmes. Et nous, les nations chrétiennes, avec notre prétention et notre orgueil de détenteurs de la vérité, nous avons à nous repentir et à re-connaître notre responsabilité dans l’histoire de notre Europe.

A la découverte de l’Autre Voyez l’humour de Dieu: la salle des Fêtes à Sucy-en-Brie est comble; l’assistance est com-

posée de chrétiens, de juifs et de musulmans, tous honnêtes citoyens de la République, venus écouter un simple curé arabe de Nazareth; ce simple porte-parole que Dieu s’est choisi est venu pour rappeler aux chrétiens que la réalité de la Shoah est loin d’être prête à ranger aux archives de l’histoire ; et aux juifs, à travers la pensée d’Emmanuel LEVINAS, qu’ils devraient se tourner vers leur propre source, celle de l’éthique de la responsabilité envers l’Autre, ce qui est l’éthique de la Thora.

Ecoutons comment E. SCHOUFANI expliquait à cette assistance son entreprise (8) :

Nous ne voulons pas étudier intellectuellement. Nous voulons partager, et on a décidé que ce par-tage serait simplement gratuit. Que ce ne serait pas un lieu où l’on dirait:: « Venez apprendre notre histoire. Venez entendre notre drame palestinien. » Non. Notre geste et notre initiative sont dans une gratuité totale. A partir du moment où on a eu des juifs qui ont répondu « oui » et des arabes chrétiens et musul-mans qui ont répondu « oui », c’était la libération; la libération concrète, pour entrer directement dans l’Autre. Ce n’étaient plus des question posées, ou des problèmes à résoudre, ce n’était plus le lieu où parler de la légitimité du conflit, ni où nier le conflit. Au contraire : on brise tous les cercles, qui se répètent dans toutes nos situations, ces cercles de la mort, qui sont tout le temps un lieu sans

Page 24: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 24 - Yerushalaim n°34

issue. Et on va directement dans ce sens-là, de pouvoir prendre l’Autre sur nous. Pour moi c’était extrêmement difficile de prendre cette décision. C’était même impossible de pou-voir persuader la communauté arabe, et le monde arabe, et les palestiniens, qu’au moment où Israël frappe sur les Palestiniens, nous allons leur dire : « Nous allons écouter le monde juif, dans son lieu le plus profond de l’histoire, dans la Shoah. ». Et on a été très attaqué, par une grande partie de la population, par les partis politiques, par des gens qui cherchent à se retrouver tout le temps. On s’est rendu au Caire, en Jordanie, vers l’Autori-té palestinienne, pour expliquer. On a fait aussi des démarches vers des cercles juifs, parce que pour le monde juif ce n’est pas facile non plus de pouvoir comprendre : « Qu’est-ce qu’ils viennent faire ces gens–là ? Ils entrent dans une histoire qui nous est profondément personnelle, et qui jus-qu’au présent n’était pas autre chose que le drame du peuple juif: qu’est-ce que ces musulmans et ces chrétiens, qui sont des ennemis potentiels, viennent faire ici ? ». Et on a été les voir pour leur dire nos raisons. Il nous a fallu véritablement entrer dans ce défi. Je ne dis pas cela pour souligner la difficulté, mais parce que ça demande une sortie de soi-même. Pendant un certain moment je mets de côté tout ce que je suis, et je vais avec l’Autre. Jusqu’au bout. Pas simplement en compréhension, pas simplement en étudiant, mais je l’accepte, tel qu’il est. Pour pouvoir partager avec lui le chemin. Ainsi, on est partis, des croyants et des incroyants, des musulmans, des chrétiens, dans une dé-marche spirituelle. Ce que j’entends par spirituel, c’est un lieu qui n’est pas défini: le spirituel, c’est vaste. Nous n’avons pas voulu dire que notre démarche était humaine simplement, on a pas voulu dire politique, ni de la solidarité, on a dit spirituel, c’est-à-dire, un lieu qui peut rassembler beaucoup de gens. Puisque que ce voyage devait être quelque chose de personnel et de collectif. On a lancé la démarche sans trop la dogmatiser, alors on l’a appelée spirituelle. On avait pris comme penseur, ou comme idéal pour cela, Emmanuel LEVINAS, qui est le grand phi-losophe contemporain juif français. Il a réfléchi sur l’Autre. Ce cheminement nous a amenés à être dans la disponibilité totale. Mais en fait c’était beaucoup plus que la disponibilité. Dès les premiers jours de rencontre, d’étude et pendant tout le voyage, il s’est introduit une autre pensée, une pen-sée nouvelle, pour ne pas tomber dans le cercle de mort et de violence. Et c’était pour nous la dé-couverte. de la question : qui je suis ? Et on a découvert par l ‘Autre en premier que je ne peux pas dire qui je suis, sans l’Autre, c’est lui qui me le dit, et cela se fait simultanément. On a découvert aussi que l’Autre était une lumière infinie, une parcelle divine. On a donc été amené à parler un langage religieux alors que notre pèlerinage n’était pas religieux. On a parlé à ce moment-là de l’image de Dieu « TZELEM ADONAÏ ». Dans le Coran, on est des KALIFS de Dieu: cette KHALIFA de l’homme, cette responsabilité que Dieu a donné à l’homme, c’est là qu’on peut se retrouver. Mais en disant cette réalité de l’Autre, je le disais à moi même. C’était une rencontre qui se place au plus profond de l’humain. A Auschwitz, on n’était ni juifs, ni arabes, ni musulmans, ni chrétiens, on était humains. C’était une rencontre qui n’excluait plus per-sonne, qui ne pouvait pas devenir un lieu d’entente politique ou religieuse, tout simplement. Dans cette rencontre on prend l’Autre sur soi, tel qu’il est. Et on a découvert la faiblesse, on a découvert la force de chacun d’entre nous. Mais on a découvert surtout que l’Autre dans tout ce qu’il est, je le prends. Je ne le comprends pas seulement, je ne sais pas des choses sur lui seulement, mais j’ac-cepte de le prendre sur moi. Et par le fait même il accepte de me prendre. Et donc le dialogue viendra d’un autre lieu. Je dis cela ; parce que c’est l’expérience avec laquelle vous pouvez commencer. L’appel à la paix, c’est cela, c’est l’invitation que nous avons besoin de mettre en place aujourd’hui, de faire cette expérience. Quand nous sommes revenus, tous ensemble - nous étions cinq cent - nous n’avons pas dit : main-tenant nous nous connaissons mieux, nous allons rediscuter de la même manière. On ne pouvait plus discuter de la même manière. Même dans le conflit actuel, même entre nous, nous n’étions plus les mêmes. On avait un autre regard. Pour regarder le conflit. Et pour essayer de rependre cette nouvelle entente, et de mettre une nouvelle pensée. Cette nouvelle pensée qui est la décou-verte de l’Autre. Et que je ne peux pas vivre sans lui. Qu’il soit juif, qu’il soit musulman, qu’il soit chrétien, athée, ou croyant. Je ne peux pas vivre sans lui. C’est la conscience continuelle que l’Au-tre est là et il existe, physiquement il existe ; Je ne peux pas nier son existence. Et je prends son existence sur moi. Et que tout notre chemin c’est un chemin de partage. De partage d’un regard, qui libère, qui n’est plus le lieu de la peur, même si la peur existera toujours. Mais qui n’est plus le re-gard de la peur qui domine tous nos réflexions, tous nos agissements. On a peur ! Voilà les mots qui reviennent souvent. Or la peur peut être le lieu d’un nouveau départ. Libérer notre peur, notre peur de l’autre, de celui qui est différent . Libérer notre peur de nous mêmes. Cette libération indis-pensable qui tient compte du fait que l’autre, c’est moi et que je le prends. Il ne s’impose pas à moi , il est là ...

Page 25: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 25

Le rêve d’un juif Contrairement au Père Emile SCHOUFANI, le rabbin Philippe HADDAD ne vit pas au cœur

de la réalité israélo-palestinienne, mais en France. Il se revendique comme Français de confession israélite, s’opposant ainsi à l’expression « juif français », qui lui semble dégradante. Parallèlement aux tâches rabbiniques et pédagogiques exercées dans sa communauté, Philippe HADDAD s’a-donne fermement au dialogue inter-religieux: avec les musulmans à cause d’Abraham et avec les chrétiens, à cause de Jésus .

Dans le message de chacun de ces deux personnage-phares, Philippe HADDAD découvre l’essence du prophétisme hébraïque : l’urgence du renoncement à soi-même au nom de la fraternité entre tous les hommes, visible avant tout dans les actes de solidarité envers les plus faibles et les plus démunis. C’est ainsi qu’il exprime sa fidélité au judaïsme.

Il n’y a donc rien d’étonnant que Philippe HADDAD ait répondu présent à l’appel, lancé en 2002 par le journal « Témoignage Chrétien » pour la paix au Proche Orient : « Au nom du Dieu de Moïse, de Jésus et de Mahomet, il faut cesser le combat ». En réponse, ils ont obtenu 13000 si-gnatures. Dans cet esprit, le journal a tenté une aventure inédite : un voyage inter-religieux à Jéru-salem et en Palestine. En février 2003, en compagnie d’un théologien musulman, d’un évêque, d’une pasteur, d’un historien d’art, et d’un rabbin, Philippe HADDAD, deux cent pèlerins majoritaire-ment chrétiens, mais aussi juifs et musulmans, ont participé à cette expérience, du 19 au 23 février 2003. 1

Sous le choc de ce voyage, Philippe HADDAD a couché sur le papier les fruits de son vécu : un récit des faits, genre le journal de bord, mais surtout ses réflexions recueillies « à chaud », alors d’autant plus percutantes. « Israël, j’ai fait un rêve » . (10)

Il s’agit de bien plus que de réflexions : le livre de Philippe HADDAD est un acte d’engage-ment par le moyen l’écrit, ( « Ecrire c’est s’engager » (…), « Mon voyage n’aura rien de touristique, il sera engagement » p. 21), donc irréversible, acte courageux et sans retour, comme le commande l’éthique de LEVINAS .

Avec la citation suivante nous entrons dans le vif du sujet : (11) « Juin 1967. la guerre des Six Jours…En admettant que cette conquête fut justifiée par la dé-fense du pays, il en demeure pas moins que le septième jour, Israël devient une puissance colo-niale. Le septième jour, Israël crée son Autre, son Etranger. Le baromètre de notre propre mora-lité : le Palestinien. »

A partir de cette citation nous pouvons poser la question suivante : quel est cet « autre Israël, » dont rêve notre auteur ? Puisque pour avoir le droit d’exister, l’Etat d’Israël était obligé de se positionner en ennemi et en conquérant, comment fera-t il pour être à la hauteur de sa propre identi-té, celle de la Tora ? Question déjà posée et discutée par tant des penseurs, des politologues et des historiens, religieux ou non. L’un des plus illustres parmi eux, le Prof. Y.LEIBOWITZ , a fait de cette question le thème principal de toute son œuvre.

En donnant sa réponse, Philippe HADDAD exprime l’attitude du croyant, enraciné par la foi dans les textes de l’Ecriture et dans la conscience morale de sa citoyenneté.

Il faut lire son livre. Non seulement pour saisir l’ardeur, la passion, le risque de l’engagement qu’il y témoigne. Mais avant tout pour profiter de la clarté et de l’honnêteté de l’approche du sujet. Pour un lecteur chrétien, qui dit aimer le peuple juif et être attaché à Israël, le livre de Philippe HAD-DAD sera une clairière. Pour un lecteur juif, en Israël ou en Diaspora, il sera une remise en cause, pas très facile, car il risque de l’empêcher de dormir.

En effet, ce que les médias appellent le conflit israélo-arabe, est ressenti par nous tous, tout d’abord comme un événement politique, qui se déroule sur la scène internationale depuis des dizai-nes d’années, mais aussi, par la détérioration progressive de ce conflit, tel qu’il est relaté et repré-senté par les médias, devient insidieusement une source empoisonnant peu à peu d’autres sphères de nos activités. Ainsi, on commence à entendre cette question aberrante: comment continuer le dialogue judéo-chrétien et toutes les activités de l’Amitié Judéo-Chrétienne, face à ce que nous avons habitude d’appeler la politique actuelle d’Israël ? Nous sommes conduits dans une impasse : notre sincérité et notre volonté du dialogue se trouvent brouillées et déroutées par le déroulement tel qu’il nous est rapporté des événements en Israël.

Le livre de Philippe HADDAD nous ouvre un chemin de sortie de cet impasse. Il propose un

Page 26: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 26 - Yerushalaim n°34

autre regard sur ce que nous appelons communément « la politique », et que nous voulons surtout ne pas mélanger avec ce que nous appelons : le spirituel, c’est à dire l’étude du « pur » judaïsme, des textes bibliques, … Cette » politique » qui nous gêne tant , au point de risquer de tout gâcher, est présentée dans la livre « Israël, j’ai fait un rêve » sur le fond de la philosophie de LEVINAS :

« …Je vois surtout les visages, le visage de l’Autre. LEVINAS souffle sur ma mémoire. » et aussi sur l’étude de textes de la tradition rabbinique, basés sur l’Ecriture ;

« L’Etat d’Israël, par exemple, passe auprès de ses détracteurs pour un peuple conquérant et ce, depuis Josué, Abraham devient Ibrahim, ancêtre lointain de Mahomet, en référence à la mémoire juive, sans que les documents archéologiques prouvent l’existence du patriarche. Nous vous recommandons donc la Bible et nous la lirons dans sa logique narrative. Elle nous of-frira une grille de lecture pour penser le conflit israélo-palestinien. » (12)

Avec une pointe d’humour, Philipe HADDAD nous invite à changer notre façon de voir les cho-ses. Et nous pouvons découvrir, que ce qui se passe en Israël, depuis 1948, nous concerne tous en première ligne et que nous ne pouvons pas nous décharger de la responsabilité qui nous incombe en-vers nos frères juifs, à cause de Jésus certes, mais avant tout, par le devoir de la fraternité. (13)

« Nous ne voyons le conflit qu’à travers nos propres jumelles. Si un martien débarquait, il affirme-rait que les deux identités expriment un discours identique, pour des mémoires parallèles. (…) Ce que je veux dire, c’est qu’un Israélien peut exposer sa thèse de A à Z, et recueillir l’as-sentiment d’un auditoire loyal. Dans le même temps, un Palestinien pourrait aussi présenter sa thèse et recueillir la même crédibilité ». « une blague juive pourra servir d’argument : Moshé et David présentent devant le rabbin leur dif-férend . A la fin du discours du Moshé, le rabbin confirme : “Tu as raison.“. David en colère ex-pose à son tour ses griefs, et le rabbin de répondre :“Tu as raison.“ La secrétaire de séance lève la tête de ses feuilles et demande : Mais enfin rabbi, ils ne peuvent avoir raison tous les deux. Et le rabbin de répondre : “Toi aussi tu as raison.“ ».

Deux témoins pour une même parole Les attitudes et les points de départ de Philippe. HADDAD et d’Emile SCHOUFANI sont bien

les mêmes :Ils appellent à partir de ce qui rassemble, de ce qui fédère, et non de ce qui divise, de ce qui oppose. Ils se positionnent en premier lieu à la place de l’HOMME-ADAM du livre de la Ge-nèse à qui l’Eternel pose les deux questions-clés ; « Où es-tu ? » (Gn 3,9); « Où est ton frère ? » ( Gn 4, 9) .

Tous deux élargissent leurs champs identitaires en allant au delà de limites fixés par leurs tradi-

tions propres. La philosophie de l’éthique d’Emmanuel LEVINAS les somme de choisir leur camp (14):

« En m’engageant, il y a quelques années, dans le dialogue inter-religieux, en militant pour la ren-contre des visages, j’ai rencontré l’Autre ; non pas cet Autre de ma communauté, mais cet Autre d’ailleurs. Je mesure pleinement la formule d’André NEHER : “Tu aimeras ton lointain comme toi même“. Je ne suis Moi qu ‘avec l’Autre. Mon droit à l’identité implique mon devoir envers l’altérité. (…)Dans la langue des prophètes l’enseignement semble évident : « TU » ou « TOI » se dit ATA, vocable construit à partir de la première et de la dernière lettre de l’alphabète hébraïque. Telle est la leçon inaugurale de l’inter-religieux, quand on oublie qu’il s’agit de la première leçon de vivre ensemble. Ce mouvement me paraît si irréversible, que je me sens davantage inter-religieux que religieux. Si donc j’écris malgré ma peur, c’est pour « TOI » qui, comme « MOI », aspire tant à cet univers

de Paix-Salam-Shalom. Utopie ? L’utopie dépeint l’anormalité d’un monde normal. »

Page 27: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 27

Et nous ... ? Pour nous, chrétiens d’Europe, Emile SCHOUFANI et Philippe HADDAD sont des messagers

d’ailleurs, même si ce qu’ils disent nous semble clair. Le « curé de Nazareth » nous rappelle notre responsabilité de chrétiens: au lieu de critiquer

la politique au Proche Orient et de prendre partie pour les uns et contre les autres, il nous recom-mande d’œuvrer pour l’unité là où nous vivons : à Sucy-en-Brie, à Alès, à Versailles, à Paris, à Jérusalem, ...

Le rabbin HADDAD attire notre regard vers Jésus et le message principal de l’évangile (15): « Et si nous méditions ensemble la parole de ce juif original ? Si nous pensions un colloque à la Sorbonne ou à l’Université de Jérusalem ? Le nom de ce juif original ? Yeshoua,alias Jésus. Le thème du colloque ? « Aimez vos ennemis ! » ... … oui, Jésus était un génial pharisien, et il a produit l’un des plus beaux hidoush rabbinique, l’un des plus audacieux « renouvellement » de sens, sur le Mont des Béatitudes »

Ces hommes nous ont-ils fait rêver ? Alors faisons chacun, là où nous sommes, que ce rêve devienne réalité, avec l’aide du

Très-Haut !

Elzbieta AMSLER-TWAROWSKA Versailles - Novembre 2003

Notes: 1 - Hubert Prolongeau - « Le curé de Nazareth » . éd.Albin Michel 1988. - « Comme un veilleur attend la paix. » Éd.Albin Michel 2002. 2 - Extrait de causerie donnée à Sucy-en-Brie le 7.09.2003. 3 - Le terme hébreu dans Genèse 4:7 « Si tu agis bien, ne relèveras-tu pas la tête ? » est « seét » qui correspond au dé-

passement de soi, ce dont Caïn ne s’est pas montré capable. 4 - Magazine Littéraire n°419 avril 2003 5 - ibidem - 6 - Extrait du tract rédigé par E.Shoufani comme invitation au voyage à Auschwitz 7 - Information Juive n°229 Juin 2003 p.8. 8 - Extrait de causerie donnée à Sucy-en-Brie le 7.09.2003. 9 - Témoignage Chrétien n°3051 mars 2003 et n°3062 mai 2003. 10 - Philippe Haddad - « Israël, j’ai fait un rêve. » éd. Atelier mai 2003. 11-12-13-14-15 - Citations du livre ci-dessus.

BIBLIOGRAPHIE

- du père Emile Shoufani ou le concernant: Comme un veilleur attend la paix (par Hubert Prolongeau) Ed.Albin Michel 2002 Le curé de Nazareth (par Hubert Prolongeau) Ed.Albin Michel 1998/2002 Célébration de la Lumière Ed.Albin Michel 2001 Voyage en Galilée Ed.Albin Michel 1999

- du rabbin Philippe Haddad Israël, j’ai fait un rêve Ed.de l’Atelier 2003 L’Islam et le Judaïsme en dialogue Ed.de l’Atelier 2002 L’Aigle de Dieu (roman) Ed. J-Cgodefroy 2002 La prière Collection « Ce qu’en disent les religions » Ed.de l’Atelier 2001 La mort Collection « Ce qu’en disent les religions » Ed.de l’Atelier 2001 Le Meiri, rabbin catalan de la tolérance Ed.Mare Nostrum 2001 Durban Ed.Safed 2001 Epreuves d’espérance Actes sud 2000 Pour expliquer le judaïsme à mes amis. In press 2000 La Kasherout, ou la diète éthique Bibileurope 1999 Les rendez-vous de Dieu Bibieurope 1998 Ces hommes qui parlaient Ed.Laurens 1997

Page 28: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 28 - Yerushalaim n°34

Prophétique ? Un évêque français d’origine juive pour la communauté catholique de langue hébraïque Jérusalem, le 5 septembre 2003 La veille de l’Assomption, le 14 août dernier le pape Jean-Paul II a nommé évêque auxiliaire du patriarche latin de Jérusalem le père abbé d’Abou Gosh, dom Jean-Baptiste Gourion, lui attribuant le siège titulaire de Lydda (Lod). Le nouvel évêque a reçu un mandat spécial pour le soin pastoral des fidèles catholiques de langue hébraïque résidant en Israël. Cette nomination hautement symbolique provoque déjà des remous. Des voix s’élèvent pour parler d’acte politique du St-Siège, de la volonté du pape de mettre sous surveillance le patriarche Mgr Sabbah ou de manœuvre plus ou moins obscure des Israéliens… Mais cette décision romaine, appréciée ou non, nous rappelle qu’en Terre Sainte, il y a aussi des chrétiens israéliens qui vivent leur foi avec courage et conviction. Mgr Gourion, 68 ans, est né à Oran en Algérie. Juif de naissance, il a été baptisé la nuit de Pâques, le 5 avril 1958 à l’abbaye du Bec-Hellouin en France, où il entre trois ans plus tard. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1967. C’est en 1976 qu’il est envoyé avec deux autres frères à Abou Gosh, en Israël, pour donner naissance à une communauté monastique dont il devient le prieur. Dès leur arrivée, les frères apprennent l’hébreu et œuvrent pour le dialogue entre juifs et chrétiens tout en multipliant les rencontres avec de nombreux Palestiniens qui deviennent amis du monastère. Abou Gosh a la particularité d’être un village où ne vivent que des arabes israéliens musulmans ; il est visité par de nombreux Israéliens le shabbat et les jours de fête. Le monastère d’Abou Gosh va très vite devenir une étape obligée pour ces promeneurs et des liens se tissent au fur et à mesure. En 1999, le prieuré est élevé au rang d’abbaye et le père Gourion devient le premier abbé. Parallèlement, en 1990, le patriarche Latin, Mgr Michel Sabbah, nomme le père Gourion vicaire épiscopal chargé de la pastorale de la communauté d’expression hébraïque, fondée en 1955 pour répondre aux besoins pastoraux d’un certain nombre de chrétiens arrivés en Israël suite à la création de l’État d’Israël. Le cardinal Tisserant, alors préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, encouragea cette fondation et obtint de Pie XII l’autorisation, exceptionnelle alors, de l’emploi de l’hébreu pour la liturgie de la messe. Elle fut définitivement approuvée le 11 février 1955 par Mgr Gori, patriarche latin sous le nom d’Œuvre St-Jacques. Ses statuts expriment clairement une double vocation qui caractérise ses communautés : tout d’abord être une cellule d’Église vivant en Israël en milieu juif et ensuite, œuvrer à la réconciliation entre juifs et chrétiens dans le contexte culturel et religieux particulier dans lequel vivent ces chrétiens. Les communautés catholiques de langue hébraïque sont composées de chrétiens d’origine juive et qui ont été baptisés dans leur pays ou en Israël, de chrétiens issus de familles mixtes mais également de chrétiens vivant en Israël pour diverses raisons, dont parmi eux des religieux et religieuses. Il n’est pas rare que se joignent à la messe des arabes chrétiens comme à Jérusalem ou Beer Shéva. Le dénominateur commun à tous ces chrétiens est l’hébreu, leur langue de tous les jours. Ils sont regroupés autour de quatre grands centres urbains du pays : Jérusalem, Tel Aviv, Haïfa et Beer Shéva et forment des petites communautés où la messe est célébrée régulièrement. Ces chrétiens, pour la plupart israéliens, vivent dans un milieu culturel, politique et social bien différend de celui de leurs frères arabes et aspirent à être reconnu dans leur spécificité. Ils sont une minorité, parfois mal comprise et mal acceptée dans une Église majoritairement arabe, israélienne ou palestinienne. Aujourd’hui en Israël, il y a plus de 200 000 non juifs israéliens, la plupart immigrés des pays de l’ex-Union soviétique. Parmi eux, on dénombre de nombreux chrétiens, majoritairement orthodoxes, bien qu’il soit impossible d’avancer des chiffres précis. Pour certains d’entre eux, la communauté catholique hébraïque est plus adaptée à leur situation de vie : l’Église orthodoxe n’a pas connu la même évolution que l’Église catholique avec le concile Vatican II et son nouveau regard sur le peuple juif.

Page 29: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 29

Dans l’ensemble, les Églises traditionnelles n’ont pas encore pris en considération ces nouveaux immigrants et il n’existe toujours pas de structure adéquate adaptée à ces chrétiens. En nommant un évêque, le Saint-Siège a relevé le défi : permettre la création d’une Église en Israël où les chrétiens de langue hébraïque soient pleinement reconnus pour ce qu’ils sont et non une succursale plus ou moins acceptée de l’Église arabe majoritaire ou une aumônerie pour chrétiens étrangers de passage. Des communautés bien accueillies En Israël, ces communautés hébraïques sont peu connues mais généralement bien accueillies. À Beer Sheva, avant qu’ils puissent s’installer dans une maison particulière, la messe était célébrée tous les dimanches pendant dix ans dans le centre communautaire de la ville. À Jérusalem, depuis maintenant deux ans, la communauté est accueillie par les franciscains qui ont mis à sa disposition une maison située en plein centre ville, à deux pas de la rue de Jaffa. Le père franciscain Pierre Baptistta, 36 ans, italien parlant parfaitement hébreu et doctorant à l’Université hébraïque, ets le responsable de la communauté. À Jaffa comme à Beer Shéva, ce sont des prêtres diocésains qui travaillent avec ces chrétiens venant de tous milieux et horizons. Les prêtres n’ont jamais manqué pour le service de ces groupes et qui ont fait le choix de vivre dans la société israélienne et de témoigner du message de l’Évangile. Yohanan Elihaï, religieux vivant en Israël depuis 1956 explique : « Nous participons à la vie du pays dans le quotidien et nous soutenons tout ce qu’il y a de positif. Ce qui ne veut pas dire tout justifier des erreurs que l’on fait fatalement dans des circonstances si délicates, après 54 ans d’état de guerre. Mais il faut comprendre de l’intérieur au lieu de juger de l’extérieur. » Aujourd’hui en Israël, de larges pans de la société manifestent un esprit d’ouverture et d’intérêt pour le christianisme même si leur connaissance de la réalité chrétienne se réduit bien souvent à des stéréotypes, ce qui est vrai inversement en milieu chrétien pour les juifs. La visite du pape Jean-Paul II en Terre Sainte en mars 2000 est encore bien présente dans les mémoires et ce fut un tournant dans la façon dont les Israéliens appréhendent les chrétiens en général et le monde catholique en particulier. Dans sa liturgie, la communauté hébraïque insiste sur la continuité entre l’Ancien Testament et le Nouveau. Les fêtes juives, qui sont d’abord des fêtes bibliques, sont marquées de façon particulière. Par exemple, la fête de Souccot qui n’a pas d’équivalent dans le calendrier chrétien, trouve sa place naturellement dans la liturgie. La nomination de Mgr Gourion à la tête de cette Église hébraïque en Israël est d’ordre pastoral. Elle est aussi significative pour l’ensemble de l’Église : manifester visiblement que nos sources chrétiennes nous viennent du « premier Peuple de l’Alliance », comme le dit la liturgie du Vendredi saint, et reconnaître que nous sommes greffés sur l’olivier franc. La synagogue n’est pas pour nous un musée que l’on va visiter éventuellement une ou deux fois dans sa vie mais un lieu où la Parole de Dieu est vivante et donc signifiante. Mgr Gourion inaugure donc un ministère sans précédent. Sa mission est particulièrement délicate. Mission au service de l’Évangile, de la communion et de la charité à un moment où cette terre est traversée par la guerre, la souffrance mais où s’allument aussi de nombreuses lueurs d’espérance. Franck Olivier Extrait de © [DECRYPTAGE ™] sur www.libertepolitique.com. Agence catholique de presse et d’analyse. Droits de reproduction totale ou partielle autorisés sous réserve de citer la source. Fondation de Service Politique, 83 rue St-Dominique F 75007 Paris.

———————————————————————————————————–

L’Eglise catholique et le peuple juif. Un autre regard. Un livre du r.p. Jean Dujardin

CITE DU VATICAN, Vendredi 5 septembre 2003 .- « L’Eglise catholique et le peuple juif. Un autre regard » : derrière ce titre et ce sous titre, un livre très attendu du P. Jean Dujardin, publié par Calman-Lévy (http://www.calman-levy.fr, collection « Diaspora » dirigée par Roger Errera, 560 pages), et en librairie en France depuis le 3 septembre. Le P. Jean Dujardin est né en 1936 et il est devenu Oratorien après des études de philosophie, de théologie et d’histoire. Il a été supérieur général de l’Oratoire de France de 1984 à 1999. Secrétaire du Comité épiscopal français pour les relations avec le judaïsme, de 1987 à 1999, il est aujourd’hui expert auprès de ce comté. Il est l’auteur de nombreux écrits consacrés au judaïsme. En couverture, le prophète Zacharie, par Van Eyck, invite à tourner ces pages avec simplicité et gravité à la fois. Au sommaire, des « Réflexions devant la Shoah : le choc » (en particulier : le chrétien face à la Shoah), puis une invitation à « une approche renouvelée de quelques points litigieux » (dont Pie XII et les Juifs, ou l’affaire du Carmel d’Auschwitz),

Page 30: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 30 - Yerushalaim n°34

et enfin des éléments témoignant d’un « nouveau regard », d’une « nouvelle perspective » (l’enseignement de l’Eglise depuis Vatican II et le dialogue). Mais le livre a aussi le grand mérite de rassembler en annexe – une centaine de pages pour 19 documents - une documentation éparse et souvent peu accessible ou méconnue comme ces précieuses « Notes pour une correcte présentation des Juifs et du Judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Eglise catholique » publiées par Rome en 1985. On y trouve aussi, en français, la lettre d’Edith Stein à Pie XI, la déclaration de Pie XII du 29 novembre 1945, la lettre de Jean-Paul II aux Carmélites polonaises d’Auschwitz, la demande de pardon du Jubilé (12 mars 2000, basilique Saint-Pierre, insérée ensuite dans les pierres du Mur des Lamentations), ou, point d’orgue de l’ouvrage, la déclaration juive sur les chrétiens et le christianisme, « Dabru emet » du 10 septembre 2000. Notes et bibliographie permettent ensuite d’aller plus loin. On aura compris le sérieux, la rigueur historique et théologique de l’ouvrage, son intérêt pastoral : mais rien de rébarbatif dans ces pages. Le P. Dujardin fait partager sa passion de la vérité et du dialogue : il en est un acteur et un témoin. Cette lecture, pacifiante et non polémique, fait sauter nombre d’idées reçues. On en ressort beaucoup moins ignorant, la conscience en éveil. La quatrième de couverture explique (© Calman-Lévy) : « La Shoah a laissé l’Eglise catholique et les Chrétiens sans voix. De ce silence naîtront les interrogations de la conscience chrétienne, et, à travers un long cheminement, à partir de Vatican II, un nouveau regard sur le peuple juif. Pourquoi ce changement historique ? Comment se traduit-il, que signifie-t-il ? « Pour le comprendre, Jean Dujardin examine sans complaisance quelques moments-clés des relations entre juifs et chrétiens : la séparation initiale, qui ne fut ni immédiate, ni perçue comme telle, ; le lien entre les siècles d’anti-judaïsme chrétien et l’antisémitisme moderne, ; l’attitude de Pie XII pendant la guerre, qui, au-delà de celle du Pape, renvoie à celle de l’Eglise tout entière ; le retour du peuple juif sur la terre d’Israël ; et plus près de nous l’affaire du Carmel d’Auschwitz, affrontement de deux mémoires. L’enseignement de l’Eglise envers les juifs et le judaïsme a changé au fur et à mesure. L’auteur analyse les étapes de la rupture avec le passé et interroge les textes : déclaration conciliaire de 1965, document épiscopal français de 1973, textes romains de 1975, 1985, et 1998, accord de 1993 entre le Saint-Siège et Israël, déclaration de repentance de Drancy en 1997, enfin, en 200, le geste historique de Jean-Paul II devant le Mur des Lamentations à Jérusalem.

« L’existence juive interroge la conscience chrétienne. Acteur, témoin et historien, de ce dialogue nécessaire et difficile, le père Dujardin en marque les acquis et les limites, en donnant la parole à tous ceux qui en sont les artisans et les auteurs ».

( Extrait du site internet www.zenit.org )

—————————————————————————————————————————————————–

Ça se dit comme ça par Michel Remaud Il nous arrive à tous – même aux auteurs qui s’expriment dans ce bulletin ! – d’employer des mots ou des expressions couramment utilisés, simplement parce que « ça se dit comme ça en français » – critère particulièrement discutable à l’heure où la règle d’or de beaucoup de journalistes français, ces nouveaux académiciens qui font et défont la langue, semble être : n’importe quel mot pour dire n’importe quoi. Or, plusieurs de ces expressions sont inexactes, d’autres sont nettement tendancieuses. J’en énumère ici quelques-unes, sans autre hiérarchie que l’ordre alphabétique. Assassinat ciblé. Formule employée couramment pour désigner une opération visant à supprimer un Palestinien déclaré coupable ou complice de terrorisme. Il arrive d’ailleurs souvent que l’opération ne soit qu’imparfaitement « ciblée » et que des innocents en fassent aussi les frais. Dans la presse française, le mot assassinat est désormais réservé à des actes commis par des Juifs. Si un malfaiteur prend en otage un employé de banque et le tue, on dira que l’otage a été « exécuté », comme s’il s’agissait de l’application d’une décision de justice. Un Palestinien qui se transforme en bombe humaine pour causer la mort de dix ou vingt civils dans un autobus est un activiste ou un kamikaze (alors que les kamikazes s’attaquaient à des objectifs militaires). Seul un Juif, à en croire les organes de presse, peut être aujourd’hui un assassin. Il serait trop long de chercher à voir s’il existe un rapport entre ces « assassinats » et l’authentique terrorisme pratiqué au XIe siècle par les premiers « Assassins », les membres de la secte fondée par Hassan ben Sabbah. Benyamin. Nom inventé par les journalistes français pour donner une touche de couleur locale au prénom Benjamin, mais qui n’est pas plus hébreu que footing n’est anglais ou que toréador n’est espagnol. Le nom hébreu est Binyamin, ce qui a valu à Binyamin Netanyahu le diminutif de « Bibi » — et non celui de « Bébé ». Colon, colonie. Sujet particulièrement explosif et qui exigerait des pages entières pour être traité avec toutes les précisions souhaitables, surtout quand on sait l’empressement de certains à lire entre les lignes avant même de lire les

Page 31: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 31

lignes. Rappelons que ce thème des implantations a fait l’objet d’un dossier publié dans le numéro 1 de Un écho d’Israël. Du point de vue du droit international, la situation est claire : l’installation de ressortissants israéliens de l’autre côté de la « ligne verte » (la ligne d’armistice de 1949 qui a tenu lieu de frontière jusqu’en 1967) est illégale.

Quant à la pertinence du vocabulaire, la question est moins simple : peut-on désigner par le même terme des villages créés de toutes pièces en Judée et en Samarie pour des raisons idéologiques, des maisons d’études installées sur des lieux bibliques par des Juifs religieux qui ne font de mal à personne, des entreprises créées dans la bande de Gaza pour employer une main-d’œuvre palestinienne et l’extension des agglomérations (par exemple certains quartiers périphériques de Jérusalem comme Nevé Yaakov) ? Ces quartiers ne sont d’ailleurs pas peuplés seulement de Juifs : une des victimes des tirs quasi-quotidiens de Bet-jala sur Guilo, il y a deux ans, avait été une femme arabe.

L’usage des termes de colon et de colonie, avec les harmoniques qui s’y attachent aujourd’hui, tend à assimiler les Juifs qui viennent s’établir sur la terre biblique aux conquérants espagnols, portugais, français et anglais créant les empires coloniaux au cours des siècles passés. Même si la création illégale de situations de fait doit être clairement dénoncée, il faut au moins reconnaître que la relation d’un juif à Béthel ou à Sichem n’est pas de même nature que celle d’un militaire français du XIXe siècle à l’Algérie ou au Dahomey.

Feuille de route. Formule utilisée aujourd’hui en France, allez savoir pourquoi, pour traduire l’anglo-américain road

map, qui signifie : carte routière. En français, la feuille de route est le document que reçoit (ou que recevait) le conscrit, lui enjoignant de se rendre à la caserne où il était mobilisé. À croire que les journalistes qui ne sont pas trop jeunes pour avoir connu le service militaire ont tous été réformés ! J’ignore s’ils ont jamais essayé d’acheter dans une papeterie une « feuille de route » Michelin.

Ultra-orthodoxe. Le mot désigne, semble-t-il, la catégorie de Juifs religieux appelés en Israël haredim, et dont la

caractéristique la plus visible est d’être habillés en noir. À noter que ceux qui emploient cette expression ne parlent jamais des orthodoxes tout court, pas plus qu’ils n’expliquent en quoi ces ultra se situeraient au-delà (c’est le sens de ce préfixe) de l’orthodoxie religieuse. En réalité, certains de ces religieux, par exemple les hassidim, étaient considérés au moment de la naissance de leur mouvement comme hétérodoxes parce que situés en-deçà de la pratique reconnue comme normative

La formule « ultra-orthodoxe » est particulièrement inappropriée, puisqu’elle suggère, à tort, un amalgame entre extrémisme politique (on pense aux « ultras » du temps de Charles X) et conservatisme religieux. Or, les « pieux » ne sont généralement pas des extrémistes, ils peuvent entretenir de bonnes relations avec les Arabes, et certains d’entre eux sont même totalement détachés de la vie politique. En Israël, la plupart des personnalités politiques d’extrême droite sont des laïcs.

En plus inoffensif, rappelons le néologisme inventé par les journalistes israéliens au moment du voyage du pape en

Israël. Pour les Israéliens, la langue chrétienne est l’anglais. Sans doute pour donner une allure plus chrétienne à l’italien papamobile, les journalistes israéliens avaient créé le mot « popemobil ». Voilà pourquoi ça se dit comme ça… en hébreu !

Michel Remaud

Extrait du site internet www. Afiq.com (Un écho d’Israël n°10)

——————————————————————————————————————

Un colloque à Bayonne avec André CHOURAQUI et le père J.DUJARDIN. Organisé par la très dynamique section de l’Amitié Judéo-Chrétienne de Bayonne sous l’impulsion énergique de

Sœur Geneviève, ce colloque réunit une très nombreuse assistance les 1er et 2 Juin, à l’occasion du Yom Yerushalaim , le Jour de Jérusalem

Il faut dire que, selon l’expression employée par l’évêque de Bayonne dans son message de bienvenue, le titre retenu par André CHOURAQUI pour ce week-end était à la fois une provocation et une échappée de ciel bleu: « Nous vivons l’aurore d’un monde de Paix » !

Je trouve en effet particulièrement opportun, ajoutait Mgr. Molières, que cette rencontre soit sur le thème "Les dix commandements aujourd'hui". Le mot Torah évoque d'emblée plusieurs réalité spirituelles : l'appel de Dieu dans le désert et sur la montagne du S'inaï ; les routes exigeantes qui mènent à Lui ; le mûrissement de la conscience humaine , et, bien sûr, l'immense grâce de l'élection, accordée par le Dieu de l'Alliance, pour le bien de l'humanité. Comme on l'a dit, "la Torah est cette rude école grâce à laquelle le peuple de Dieu fait l'apprentissage de la sainteté que Dieu attend de lui.

André CHOURAQUI était évidemment l’invité vedette de ce week-end, et c’est sœur Geneviève qui retraça brièvement son itinéraire remarquable:

« Vous, André CHOURAQUI, vous êtes né le 11 août 1917 à Aïn-Temouchant, petite ville algérienne qui jouxte le MAROC. Le soleil découpe les rues et les maisons de ses communautés juives, arabes et françaises. Vous êtes fils d'Isaac,

Page 32: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 32 - Yerushalaim n°34

fils de Saadiyah, authentique rejeton de ce vieux tronc sépharade au coeur du Maghreb depuis tant de siècles... Mais vous fréquentez l'école communale d'Aïn-Temonchant, où vous faites l'expériance de l'antisémitisme des enfants arabes et chrétiens, sans doute à l'origine de la poliomyélite qui vous poursuit jusqu'à aujourd'hui. Puis c'est le lycée d'Oran où vous apprenez que les Gaulois sont vos ancêtres. Enfin la France où vous devenez avocat à Paris, familier de Mauriac, de Camus, de Maritain, de Paul Claudel, jusqu'au jour où éclate, comme un coup de tonnerre, la seconde guerre mondiale. André Chouraqui étant juif, est déchu de sa citoyenneté française; il devient résistant, fréquente la Cimade, les éclaireurs Israélites de France, l'O.S.E. , rencontre Colette sa compagne des mauvais jours, redevient juif pratiquant au point de s'inscrire au séminaire

rabbinique de la rue Vauquelin où il est élève de Vajda. Maquisard le jour, il passe ses nuits à traduire, en français, l'admirable somme mystique de Baya ibn Paquda qui tombe sur lui en hébreu et en arabe. Elle burine sa foi nouvellement retrouvée et il apprend que :

"l'amour de Dieu, est un élan de l'âme ! Qui en son essence, se détache de Dieu pour s'unir à sa très haute lumière. "

La guerre finie, commence sa vie de traducteur, d'écrivain, de poète, jusqu'au jour où vers Jérusalem, avec Annette, son épouse, dont il aura cinq enfants, ils décident de partir, en plein concile Vatican II, vers Israël.

Le 5 mars 1953, à Jérusalem, sur la colline Abu-Thor, en face du mont Sion, il réunit quelques amis pour poser la première pierre de leur maison. Il pleut. Une éclaircie déchire les nuages, l'un de ses compagnons ouvre la bible, et l'on écoute l'Éternel qui chante son amour pour la cité de David :

"Le Seigneur élit Sion. Il s'éprend de sa demeure. Ce lieu de mon repos perpétuel. Je résiderai là car je m'en suis épris" (Ps. 132, v. 13-14)

Et c'est de là que vous venez avec Annette, après avoir été conseiller de Ben Gourion et vice-maire de Jérusalem. Jérusalem la mal-aimée dit Renée de Tryon Montalembert. Après de très longs siècles, où le Malin a triomphé. Après

expulsions, croisades, inquisitions, seconde guerre mondiale, Auschwitz symbolise tout cela. Aujourd'hui, Adonaï nous dévoile le péché de tant de siècles. Mais c'est pour le racheter, le pardonner, mystère

insondable de la miséricorde du Père. Et vous êtes là, très cher André et Annette, nous entraînant à dépasser contradictions et lisérés de toutes sortes. Vous

nous dites : "Nous vivons l'aurore d'un monde de Paix." - "Le Coran est un chant d'Amour." Fils de René Cassin, né à Bayonne, il vous a apprit qu'il suffit de "sortir de l'abstraction des dix paroles, de les vivre, pour la défense de la personne humaine." Le père Dujardin nous a rappelé qu'à la Création, nous avons été crées à l'image d'Adonaï. Jésus l'a redit à ceux qui l'écoutaient : "Chaque fois que vous l'avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à Adonaï que vous l'avez fait."

Alors viendra la Jérusalem nouvelle et éternelle des prophètes d'Israël. "Debout ! Jérusalem ! Illumine-toi, avait dit Isaïe, ta Lumière vient ! La gloire d'Adonaï commence à briller sur toi, toutes les nations marchent vers toi ! Tous les rois de la terre marchent vers ta Lumière naissante." Et l'apôtre Jean dira quelques siècles plus tard : "Voici la demeure d'Adonaï avec les hommes. " Ap. 21, 3.

Pour terminer, retenons encore une formule-choc d’André CHOURAQUI:

« On ne s’approprie pas Dieu, on le sert ! »

Transmis obligeamment par Raymond Lafargue

Page 33: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 33

Avis à nos lecteurs Abonnement à la revue YERUSHALAIM

L’époque est au renouvellement des abonnements. C’est l’occasion pour nous de rappeler quel-ques caractéristiques du fonctionnement de notre association.

CŒUR , association créée sur le principe de la loi de 1901, a pris pour objectif, selon ses statuts,

de ré-enseigner les racines hébraïques de la foi chrétienne. Notre association s’est dotée, dans ce but de deux outils, la revue YERUSHALAIM, que vous avez dans les mains, et un site internet <www.asso-cœur.org>.

La revue est adressée à tous les membres de l’association, pour leur usage personnel, et pour la

diffusion du message de l’association autour d’eux, ce qui nous amène à expédier plusieurs exemplaires à ceux qui nous le demandent. Nous envoyons également gracieusement la revue à des personnes dont la situation les empêche de couvrir la dépense annuelle, mais les place favorablement pour en diffuser le contenu.

L’accès au site internet est évidemment gratuit: chacun peut le visiter librement et y télécopier les

documents qui y sont présentés. C’est la caractéristique habituelle de ce moyen de communication mo-derne.

Tout cela a un coût. Comme toutes les associations, CŒUR vit des cotisations de ses membres,

lesquelles correspondent à l’abonnement à la revue. Il est évident que la charge sur chacun pourrait être réduite si nous étions plus nombreux à la sup-

porter ! Aussi, nous prenons la liberté de vous dire franchement que:

1. Nous sommes amenés à porter à 25 Euros. la cotisation-abonnement pour l’année 2004

2. Nous serons reconnaissants à tous ceux qui, voulant participer aux frais relatifs au site internet et à la diffusion d’exemplaires gratuits, verseront 30 Euros ou plus. Toute somme versée en sus de la cotisation de base de 25 €. donnera lieu à une attestation de don qui permettra d’obtenir éventuellement une déduction fiscale (du moins en France).

3. Nous faisons appel à tous ceux qui sont en retard de leur paiement pour qu’ils se mettent à jour. Pour indiquer à chacun où il en est à ce sujet, nous portons sur chaque enveloppe-adresse la men-tion « abonnement » qui renseigne sur le dernier paiement enregistré : c’est ainsi que, pour prendre un exemple, la mention « abonnement 2001 » signifierait qu’aucun paiement n’a été enregistré par nous pour les années 2002 et suivantes (et ça arrive !).

4. Nous faisons enfin appel à chacun d’entre vous pour diffuser autour de vous le message de CŒUR en suscitant d’autres adhésions. Ceci constitue évidemment l’essentiel de l’action de notre asso-ciation, et sa raison d’être: nous souhaitons que beaucoup de chrétiens viennent à reconnaître la jus-tesse de nos vues et veuillent, eux aussi, les faire connaître autour d’eux.

Avant de terminer, nous précisons que les administrateurs de votre association sont évidemment

tous bénévoles, et n’émargent donc pas à son budget. Nous n’avons pas non plus, jusqu’à présent rémunéré les auteurs que nous sollicitons, et nous leur

exprimons ici notre vive reconnaissance. Mais cette situation ne peut être considérée comme définitive: le travail de rédaction que nous sollicitons devrait bien, dans certains cas, être couvert par une juste rétri-bution.

Nous espérons que ces questions sont ainsi claires pour chacun. Et nous vous remercions d’y avoir

prêté toute l’attention souhaitable.

Pour l’association, son président, Henri LEFEBVRE

Page 34: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 34 - Yerushalaim n°34

A Jérusalem même, ...

On nous prie de publier l’annonce ci-dessous:

Page 35: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

Yerushalaim n°34- page 35

… deux programmes de formation biblique

INSTITUT ALBERT-DECOURTRAY D'ÉTUDES JUIVES à Jérusalem

Suite à la fermeture du Centre Ratisbonne en juin 2001, et comme nous vous en informions dans notre précédent numéro, cette nouvelle structure universitaire a pu être créée. qui a ouvert ses portes en septembre.

Nous sommes heureux de vous communiquer les premières nouvelles, très encourageantes, du démar-

rage de cet Institut: Au 15 octobre 2003, 18 étudiants sont inscrits ou candidats à l'inscription en première année. Ils vien-

nent de France, d'Autriche, d'Italie, de Pologne, du Canada, du Burkina-Faso, du Congo, de l'Ile Maurice et d'Égypte. Ce chiffre est très encourageant, compte tenu de la conjoncture et du fait que le projet n'a pu être an-noncé que tardivement. Après une série de conférences sur les fêtes d'automne, le début des cours proprement dits a été fixé au 20 octobre. Tous les renseignements concernant le programme d'études figurent sur le site in-ternet http://www.afiq.net/institut/index.htm.

Les cours seront donnés dans la maison des Lazaristes, 10, rue Zamenhof. Au moins provisoirement, le secrétariat et la salle de réunion des enseignants seront situés dans un appartement qui appartient à la com-munauté catholique d'expression hébraïque, dit Beth Marom, contigu de la maison des Lazaristes, au 22, rue Agron.

Bibliothèque. L’Institut a le projet de lancer une souscription particulière en vue de la constitution d'une bibliothèque spécialisée, qui pourrait porter le nom de son donateur ou celui d'une personne dont on sou-haiterait honorer la mémoire. Les propositions et suggestions seront les bienvenues. Dans l'immédiat, il faudra acquérir sur le budget de la première année quelques livres de première nécessité.

Conventions académiques. Une convention a été signée le 10 juillet 2003 entre l'Institut Albert-Decourtray et la faculté de théologie de l'Université catholique de Lyon. En vertu de cette convention, les étu-diants déjà titulaires de la licence en théologie (baccalauréat canonique) pourront obtenir, au terme de leurs études à l'IFADEJJ, la Maîtrise en théologie avec spécialisation en Études juives, délivrée par la Faculté de théologie de Lyon. Il n'est pas nécessaire d'être issu de la Faculté de Lyon pour bénéficier de cette convention. Des accords ont aussi été conclus avec l'École biblique et archéologique française et le Studium biblicum fran-ciscain pour permettre aux étudiants de l'IFADEJJ d'intégrer dans leur cursus d'études l'un ou l'autre cours ou séminaire offerts par ces institutions.

Les fondateurs de l'Association Albert-Decourtray sont :

Marie-Joseph Pierre, Michel Remaud, André Chouraqui, Émile Shoufani, Jacquot Grunewald, Madeleine Caen, Immanouel Castel, Roland Goetschel, Léa Marcou, Daphna Poznanski, Olivia Sitbon, Mireille War-chawski.

L’Institut a besoin de vous: les dons peuvent être envoyés, par chèques libellés à l'ordre de "Association Albert-Decourtray", à adresser à : Association Albert-Decourtray P.O.B. 61229, Jérusalem 91060, Israël.

Renseignements: On peut trouver tous les renseignements sur l'Association et sur l'Institut, ses buts et

ses programmes sur le site <http://www.afiq.net/institut/>

Page 36: Des voix qui crient dans le désert - chretiens-juifs.org 34 2003-3.pdf · page 2 - Yerushalaim n°34 Cœur a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1 Comité Œcuménique

page 36 - Yerushalaim n°34

YERUSHALAIMYERUSHALAIMYERUSHALAIMYERUSHALAIM ISSN: 1252 - 5839

Novembre 2001

numéro 27 (2001-3) Périodique de l’association CŒUR (Comité Oecuménique d'Unité Chrétienne pour la Repentance

envers le peuple juif) CŒUR - B.P. 49217 - 30104 ALES Cedex.

Adresse électronique: association.cœ[email protected] Compte postal: Association CŒUR :

Montpellier 4.982.93 U Association loi 1901 -

N° Siret: 410 252 555 00017 - Code APE: 913E Fondateur :

Henri CATTA ( † en 1994 ) Secrétaire de rédaction:

Elsbieta AMSLER-TWAROWSKA Directeur de la Publication:

Henri LEFEBVRE Imprimerie:

A.M.C.Imprimerie - 75017 PARIS

YERUSHALAIM est la revue de l'association C.Œ.U.R. Elle est diffusée à tous ses membres: l'abonnement-cotisation est fixé, pour l'année 2002 à : • taux normal : 20 Euros. • taux de soutien : 40 Euros. L'abonnement-cotisation court du 1er Janvier au 31 Décembre de l'année en cours; les numéros parus dans l’année avant la prise d’abonnement sont envoyés au nouvel abonné. Nous continuerons à assurer le service de la revue à ceux qui, ne pouvant assumer le montant total indiqué, déclareront néanmoins rester intéressés à la recevoir. Par ailleurs, désirant poursuivre et développer son action, l'association remercie ceux de ses membres qui ont à coeur de lui apporter leur concours financier par des libéralités: nous rappelons que les dons ainsi effectués, au-delà de la cotisation de soutien, font systématiquement l'objet d'un reçu pour déduction fiscale en France. Ces dons nous permettront d'assurer le service de la revue à des personnes qui ne pourraient en acquitter le montant. Nous pouvons aussi vous adresser à chaque parution plusieurs numéros si vous souhaitez les diffuser autour de vous. Les articles publiés n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

LLLL

UUUU

PPPP

OOOO

UUUU

RRRR

VVVV

OOOO

UUUU

SSSS

LES FETES DE L’ANNEE 5764

Fêtes juives et lectures juives des Écritures

sq

LES FETES

LES LECTURES

Haftara Date Livre de la Genèse—BERESHIT—AU COMMENCEMENT

Beréchit 1,1 - 6,8. Au commencement Isaïe 42,5 – 43,11 (42,5-21)* 25.10.2003

Noah 6,9 - 11,32 Noé Isaïe 54,1 – 55,5 (54,1-10) 1.11..2003

Lèkh lekha 12,1 - 17,27 Va pour toi Isaïe 40,27 - 41,16 8.11.2003

Vayéra 18,1 - 22,24 Et il lui apparut 2 Rois 4,1-37 (4,1-23) 215.11.2003

'Hayé Sara 23,1 - 25,18 La vie de Sara 1 Rois 1, 1-31 22.11.2003

Toledot 25,19 - 28,9 Et voici les engen- Malachie 1,1 – 2,7 29.11.2003

Va-Yétsé 28,10 – 32,3 Et Jacob sortit Osée 12,13 – 14,10 (11,7-12,12) 6.12.2003

Va-Yichlah 32,3 – 36,43 Et Jacob envoya Osée 11,7 – 12,12 (Abdias 1-21) 13.12.2003

Va-Yéchev 37,1 – 40,23 Et Jacob habita Amos 2, 6 – 3,8 20.12.2003

Mi-Qets 41,1 – 44,17 Au bout de 1 Rois 3,15 – 4,1 27.12.2003

Va-Yiggach 44,18 – 47,27 Et s’approcha Ezéchiel 37,15-28 3.01.2004

Va-Yehi 47,28 - 50 ,26 Et il vécut… 1 Rois 2, 1-12 10.01.2004

Livre de l'Exode—CHEMOT—LES NOMS

Chemot 1,1 – 6,1 Les noms Isaïe 27,6 –28,13 ; 29,22-23 (et 1,1 - 2,3) 17.01.2004

Va-Era 6,2 – 9,35 Je suis apparu Ezéchiel 28,25 - 29,21 24.01.2004

Bo 10,1 - 13,16 Viens Jérémie 46,13 – 28 31.01.2004

Be-Chellah 13,17 – 17,16 Quand il envoya Juges 4,4 – 5,31 (5,1-31) 7.02.2004

Yitro 18,1 - 20,23 Jéthro Isaïe 6,1 - 7,6 ; 9,5-6 (6,1-13) 14.02.2004

Michpatim 21,1 - 24,18 Lois sociales Jérémie 34,8-22 ; 33,25-26 21.02.2004

Teroumah 25,1 - 30,10 Le prélèvement 1 Rois 5,26 – 6,13 28.02.2004

Tetsavveh 27,20 – 30,10 Tu ordonneras Ezéchiel 43,10 – 27 6.03.2004

Ki tissa 30,11 – 34,35 Quand tu recense- 1 Rois 18 ,1-39 (18,20-39) 13.03.2004

Va-Yaqhel 35,1 - 38,20 Et il assembla 1 Rois 7, 40 – 50 (7,13-26) 20.03.2004

Peqoudé 38,21 – 40,38 Les décomptes 1 Rois 7, 51 – 8,21 (7,40 – 50) 20.03.2004

Paracha

Roch-Hachanah 27-28.09.2003 Hannouka 20.12.2003

Yom Kippour 6.10.2003 Pourim 7.03.2004

Soukkot 11-12.10.2003 Pessah 6-13.04.2004

Hochana Rabba 17.10.2003 Yom Ha Shoah 18.04.2004

Simhat Torah 19.10.2003 Chavouot 26-27.05.2004