64
HAITI DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d’Intervention RAPPORT DE SYNTHESE Octobre, 2005 Résultats d’une étude effectuée par le Ministère de la l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural et par la Banque Mondiale dans le contexte du Cadre de Coopération Intérimaire. Les opinions et recommandations exprimées n’engagent que les auteurs de l’étude et ne reflètent pas nécessairement la position et la politique des institutions mentionnées. 36785 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

HAITI

DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI:

Diagnostic et Axes d’Intervention

RAPPORT DE SYNTHESE

Octobre, 2005

Résultats d’une étude effectuée par le Ministère de la l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural et par la Banque Mondiale dans le contexte du Cadre de Coopération Intérimaire. Les opinions et recommandations exprimées n’engagent que les auteurs de l’étude et ne reflètent pas nécessairement la position et la politique des institutions mentionnées.

36785

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Pub

lic D

iscl

osur

e A

utho

rized

Page 2: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

BID Banque Interaméricaine de Développement CCI Cadre de Coopération Intérimaire ERF Environmental Rehabilitation Fund (proposed) FAFO Fondation norvégienne de recherche indépendante GTZ Office allemand de coopération technique IHSI Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique LAC Région Amérique Latine et Caraïbes MARNDR Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement rural

(Haïti) ODM Objectifs de Développement pour le Millénaire ONG Organisation non gouvernementale PIB Produit intérieur brut PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement PNUE Programme des Nations Unies pour l’Environnement SAT Stratégie d’appui transitoire USAID Agence des États-Unis pour le Développement International

2

Page 3: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Les membres de l’équipe spéciale dont les noms suivent ont préparé le présent rapport et les documents de référence qui l’accompagnent (voir Annexe 1) : Jean-Claude Balcet (systèmes de production agricole), Gilles Damais (centres régionaux de services ruraux et développement agricole général en Haïti), Willy Egset (gouvernance locale et enquêtes auprès des ménages), Sophie Herrmann (gestion des ressources naturelles et assistance de recherche générale), Michael Justesen (analyse de la recherche, profil de la pauvreté), Nadim Khouri (responsable de projet et gestion des ressources naturelles), Nathalie Lamaute (étude sur la gouvernance rurale), Paul Bennett Siegel (analyse géostratégique), Dorte Verner (profil de la pauvreté en zone rurale), Pierre Werbrouck (économie agricole et alliances productives). L’étude présentée dans ce rapport de synthèse a été entreprise sous la direction générale d’un Comité de Pilotage présidé par Jean-Marie Binette (MARNDR). Les noms des autres membres du Comité de Pilotage du gouvernement figure à l’Annexe 4. En ce qui concerne la Banque, le directeur-pays est Caroline D. Anstey et le chef du réseau du développement écologiquement et socialement durable (ESSD) est Pierre Werbrouck. Parmi les autres membres de l’équipe spéciale qui ont contribué à l’étude et au rapport, il convient de citer : Jobert Angrand (centres régionaux de services ruraux), Ramón Anria (appui aux équipes et production du rapport final), Diego Arias (développement rural, BID), Alex Bellande (systèmes de production agricole), Uwe Deichman (cartographie), John S. Horton (développement agricole/bassins versants, BID), Grace Menck de Oliveira Figueiro (assistance de recherche), Hiska Noemi Reyes (évaluation de l’impact social), Maria Clara Rodríguez (alliances productives), David Wooddall-Gainey (cartographie). Les enquêteurs suivants ont effectué l’enquête sur le terrain consacrée à la gouvernance locale : Duken Alvares, Wista Delice, Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil.

L’équipe remercie Mark E. Cackler, Robert R. Shneider, Manuel Schiffler, Philippe Auffret, Auguste Kouame, Antonella Bassani et Pedro Olinto pour leurs contributions.

3

Page 4: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ANALYTIQUE.............................................................................................................. 5 A. OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ...................................................................................................... 9 B. DIAGNOSTIC .......................................................................................................................... 10

PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET CHIFFRES ....................................................................... 10 LES CARACTÉRISTIQUES DE LA PAUVRETÉ ................................................................... 11 L’ÉCONOMIE RURALE ........................................................................................................... 12 LES MÉNAGES RURAUX : LEUR BIEN-ÊTRE, LEURS ACTIFS ET LEURS STRATÉGIES DE SUBSISTANCE........................................................................................... 15

Mesures des revenus ruraux .................................................................................................. 15 Autres mesures de bien-être ................................................................................................... 16 Actifs du secteur rural haïtien ............................................................................................... 16

C. STRATÉGIES DE SORTIE DE LA PAUVRETÉ................................................................ 21 LES DÉTERMINANTS DU REVENU...................................................................................... 21 STRATÉGIES ET MESURES POSSIBLES:............................................................................. 23 ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES APPORTS EXTÉRIEURS OBTENUS DANS LE PASSÉ. 25

D. POLITIQUES ET INVESTISSEMENTS.............................................................................. 27 SYSTÈMES DE PRODUCTION AGRICOLES EN HAITI ET POSSIBILITÉS D’INTENSIFICATION: ............................................................................................................. 28 TROIS INTERVENTIONS POTENTIELLES POUR FAIRE LA DIFFÉRENCE SUR LE TERRAIN :............................................................................................................................ 30

ACTIVITÉ 1 : Soutien aux centres régionaux de services ruraux ...................................... 32 ACTIVITÉ 2 : Soutien aux plans d’aménagement du territoire et à leur mise en oeuvre.. 33 ACTIVITÉ 3 : Accroissement des apports de fonds à l’espace rural................................... 34

E. CONCLUSIONS et PROCHAINES ÉTAPES....................................................................... 37 RÉFÉRENCES .............................................................................................................................. 40

ANNEX 1: LIST OF STUDY BACKGROUND PAPERS AND OTHER REFERENCES...... 40 ANNEX 2 - TABLES: ................................................................................................................ 41 ANNEX 3: MAPS....................................................................................................................... 48 ANNEX 4: STUDY DESIGN AND EXECUTION ................................................................... 61 ANNEX 5 : SELECTED DONOR ACTIVITIES IN RURAL AREAS..................................... 63

4

Page 5: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

RÉSUMÉ ANALYTIQUE a) Une opportunité — le Cadre de coopération intérimaire (CCI). La majorité de la population haïtienne vit en zone rurale, de même qu’une proportion considérable des populations défavorisées. Environ 58 % des ménages ruraux vivent dans la pauvreté absolue (le seuil de pauvreté extrême étant basé sur un dollar par jour). Il est peu probable que les objectifs de développement pour le Millénaire soient atteints en Haïti, surtout dans les zones rurales. Ces dernières années, la situation a été aggravée par les troubles politiques et l’insécurité, et par des apports limités d’aide financière et technique étrangère. Toutefois, une nouvelle ère de collaboration internationale a vu le jour en mai 2004 avec l’élaboration du CCI dont la présente étude est une résultante. b) Objectif : la présente étude a pour but de mettre à jour les données existantes sur l’espace rural, sa population, ses institutions et son potentiel de croissance. Elle vise aussi à identifier certaines mesures susceptibles de contribuer à la croissance du secteur rural. Pour ce faire, il faudra s’inspirer des propres stratégies de réduction de la pauvreté des ménages ruraux et prendre en compte les réalités du pays, qui diffèrent selon les régions. c) Méthodologie : la présente étude a été réalisée sous la direction du ministère haïtien de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural, en partenariat avec la BID et d’autres membres de la Table Sectorielle sur le développement rural du CCI qui est le cadre de coordination entre Haïti et les bailleurs de fonds. Cette étude s’est attachée à : i) analyser l’enquête sur les conditions de vie réalisée en 2001 de façon à examiner les causes de la pauvreté rurale en fonction des départements et à cerner les actifs dont disposent les populations défavorisées des zones rurales en matière de moyens de production, réseaux sociaux et atouts géostratégiques ; ii) évaluer le rôle que jouent ces actifs dans les stratégies de subsistance des ménages en tenant compte chaque fois de l’environnement institutionnel, du cadre de politique générale et des risques ; iii) réaliser des enquêtes participatives sur le terrain pour vérifier certaines des données statistiques et évaluer les institutions et la gouvernance au niveau local, essentielles à la croissance rurale ; iv) rassembler et analyser des informations sur les nouvelles mesures potentielles d’appui de la croissance rurale ; v) réaliser un « Aperçu des données spatiales » comprenant la collecte et l’analyse des données spatiales et des cartes existantes, et la production de nouvelles cartes, et vi) organiser des consultations avec le gouvernement et la société civile pour évaluer les premiers résultats obtenus et tirer les leçons des expériences précédentes en matière d’activités liées au développement rural. d) Réalisations : les conclusions de l’étude sont présentées dans ce rapport de synthèse qui se fonde sur huit documents de référence sur les sujets suivants : aperçu général de l’économie rurale ; pauvreté et emploi ; potentiel d’intensification de la production agricole ; alliances publiques/privées pour la croissance rurale ; gouvernance et institutions locales ; régénération des ressources naturelles ; évaluation des centres régionaux de services ruraux ; et un aperçu des données spatiales du pays. Les résultats de l’étude contribuent à enrichir la base de connaissances des partenaires du CCI et permettront d’arrêter des politiques de développement rural tenant compte des aspects sectoriels et territoriaux d‘Haïti.

5

Page 6: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Résultats du diagnostic f) Après avoir exposé la raison, les objectifs et les méthodes de l’étude, le rapport présente les résultats clés du diagnostic de l’économie rurale. Les résultats présentés ci-dessous ont une incidence sur les politiques générales :

• L’agriculture continue d’être le pilier de l’économie nationale, elle contribue pour près de 30 % au PIB (2002) et représente environ 50 % des emplois en général, 2/3 des emplois en zones rurales et 3/4 des emplois pour les pauvres ; • Mais l’importance générale de l’agriculture est en baisse en grande partie à cause d’une chute de la productivité due à l’épuisement des ressources naturelles, à un savoir-faire insuffisant et aux effets perturbateurs de l’instabilité politique, de l’insécurité, des catastrophes naturelles, d’une libéralisation précipitée des échanges qui ne s’est pas accompagnée de mesures sociales complémentaires ; • Les agriculteurs haïtiens, pour la plupart, sont pauvres et connaissent un niveau élevé d’insécurité alimentaire. Par conséquent, leurs moyens de subsistance et leurs stratégies de survie reposent non seulement sur leurs revenus monétaires mais aussi, et surtout, sur une production de subsistance et des mesures d’atténuation des risques ; • Il existe une profonde inégalité en ce qui concerne les actifs et les revenus au sein d’une structure agraire de base composée de petites exploitations, mises en valeur par leurs propriétaires et consacrées à une production faisant peu appel au capital et associant cultures de subsistance et cultures de rapport ; • Huit ménages ruraux sur dix ont accès à la terre, la majorité d’entre eux sont propriétaires (en général de façon informelle) et cultivent eux-mêmes leurs parcelles. Les exploitations sont petites et dispersées, chaque ménage disposant en moyenne de 1,8 ha. Néanmoins, la terre pourrait être une « attache » ancrant les paysans dans la pauvreté, puisque de nombreux paysans sans terre sont moins pauvres que les « propriétaires » terriens (le point de démarcation se situant autour de 2,5 ha) ; • L’emplacement est un atout important. Être près des marchés, des écoles, des hôpitaux, des routes, etc. est extrêmement important pour les pauvres. Des cartes ont été produites pour aider à définir les mesures prioritaires qui en découlent pour les zones rurales ; • Les principaux facteurs de revenus dans les zones rurales sont le capital humain/l’éducation, la taille de la famille, la migration, le sexe, la taille des parcelles, l’accès aux infrastructures publiques, l’utilisation de techniques agricoles améliorant la productivité et les facteurs de production. Cadre institutionnel et politique, et risques g) Les circonstances particulières dans lesquelles se trouve la population rurale ont une incidence sur la façon dont les actifs des ménages sont gérés et déterminent dans quelle mesure les stratégies de subsistance peuvent réussir. • Les institutions rurales formelles sont peu développées en Haïti. La décentralisation n’a pas vraiment été appliquée ; • Souvent, un réseau dense d’institutions informelles compense l’absence d’institutions officielles. L’accès aux soins de santé et à l’éducation par les ONG et autres institutions informelles joue un rôle important dans la vie des paysans et détermine le degré de pauvreté ;

6

Page 7: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

• Le militantisme politique des paysans dans les années 80 n’a pas accouché d’un mouvement très puissant de défense des intérêts paysans ; l’état d’abandon dans lequel se trouvaient déjà les zones rurales s’en est trouvé intensifié ; • L’absence virtuelle du secteur privé formel des zones rurales est due au manque d’infrastructures rurales, à la difficulté d’accès au crédit et à d’autres causes susmentionnés. Stratégies de subsistance des ménages h) Pour sortir de la pauvreté, les ménages ont recours à divers types de stratégies de subsistance : • Dans l’ensemble, l’agriculture demeure la principale activité économique rurale, bien que les activités non agricoles revêtent également une importance considérable. Environ 37,2 % des travailleurs ruraux ont des activités non agricoles. Là aussi, il y a des différences notables en fonction des régions. • L’étude a permis d’établir une typologie des populations rurales défavorisées –basée sur l’accès à la terre– et d’identifier leurs stratégies respectives pour maintenir ou améliorer leur niveau de vie :

i) les paysans qui n’ont pas de terre et peu d’actifs (éducation, outils, réseaux sociaux) dépendent principalement de leur force de travail non qualifié pour survivre ;

ii) les paysans dont les terres sont très petites (moins de 1 ha) et les actifs peu nombreux mettent en valeur leur terre mais ont d’autres activités génératrices de revenus qu’elles soient agricoles ou non ;

iii) les paysans dont les terres sont d’une taille moyenne (environ 1 à 4 ha) vivent principalement de leurs terres et peuvent utiliser divers facteurs de production lorsqu’ils sont disponibles et louer des outils supplémentaires ;

iv) les paysans dont les terres sont plus grandes et les actifs plus nombreux (outils, engrais, etc) diversifient leur production et leurs activités et se consacrent à des cultures de rapport de grande valeur ; et

v) un petit groupe d’exploitants professionnels et/ou qui ont une base d’actifs solide sont engagés dans des activités non agricoles très rentables. L’agriculture, moteur de la croissance i) L’étude des systèmes agricoles en Haïti montre qu’un certain nombre de régions dans différentes zones agro-écologiques affichent un potentiel de développement important : des hautes terres humides, des basses terres irriguées et pluviales (humides), des zones arides et semi-arides. Dans chaque zone agro-écologique, il y a des cultures « locomotives » à forte valeur ajoutée, capables de répondre à la demande du marché et de servir de moteur de croissance et qui sont exploitées soit seules, soit en association avec d’autres cultures. Au moins, dans le court et moyen terme, il est important de soutenir le secteur agricole en tant que moteur indispensable de la croissance rurale. L’impact positif irait au-delà du secteur strictement agricole pour promouvoir d’autres secteurs tels que l’agro-industrie, les services et le commerce en particulier.

7

Page 8: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Solutions possibles k) L’étude a identifié des solutions devant contribuer au développement rural : • Appuyer les stratégies des ménages. Autrement dit, promouvoir et améliorer les sources de revenus existantes et l’agriculture de subsistance, et accorder un soutien social supplémentaire, notamment en matière de financement direct, d’éducation et de santé ; • Diversifier et mieux cibler l’aide aux pauvres. À l’aide de la typologie des populations rurales défavorisées susmentionnée, on peut améliorer l’éducation ou l’alphabétisation, étendre les services sanitaires, renforcer les infrastructures, ou accroître les moyens de production agricoles ou la diversification dans d’autres activités génératrices de revenus. Bien que difficile, ce travail « intersectoriel » est néanmoins essentiel et présuppose l’examen des résultats préliminaires de la présente étude avec des interlocuteurs externes et internes, dans le but de dégager des solutions appropriées. • Adopter des solutions d’assistance au développement qui soient différenciées en fonction des données spatiales. D’après l’étude, de nombreux facteurs liés aux possibilités de croissance économique ou de réduction de la pauvreté diffèrent en fonction des zones géographiques. Il faut donc une stratégie de développement rural différente adaptée à chaque région. Trois initiatives susceptibles de faire la différence sur le terrain : l) Pour finir, l’étude a examiné les récentes activités proposées dans les domaines du développement régional, de la gestion des ressources humaines et du développement agricole pour voir dans quelle mesure elles étaient conformes aux orientations générales susmentionnées ; trois types d’initiatives prometteuses ont été identifiées sur la base des critères suivants : i) elles soutiennent les sources existantes de croissance agricole en vue d’une diversification future ; ii) elles prévoient un appui multisectoriel pour renforcer les stratégies de croissance des ménages (capital humain et social, infrastructure, etc.) ; iii) elles sont conformes aux priorités du CCI et de la Stratégie d’appui transitoire et, surtout, compléter les initiatives existantes de développement de proximité. Les trois initiatives suivantes se renforcent mutuellement et doivent s’accompagner d’une analyse multisectorielle supplémentaire pour être efficaces :

i) Appui aux centres régionaux de services ruraux : mettant à profit les succès de la recherche agricole décentralisée, les centres régionaux seraient rapidement réhabilités et dotés du personnel suffisant pour relancer la production agricole si possible et fournir certains appuis supplémentaires (alphabétisation des adultes, financement, etc.) ; ii) Appui à la préparation et à la mise en œuvre des plans de développement régionaux : cette initiative mettra à profit l’expérience en matière de plans de développement participatifs au niveau local en Haïti. Les plans ont plusieurs objectifs (croissance économique, éducation, santé, utilisation de la terre, atténuation des risques, etc.) et peuvent être une base idéale de programmation des mesures multilatérales identifiées dans la présente étude. Une dizaine d’études régionales sont prêtes à être évaluées et devraient inclure davantage d’analyses sectorielles ; iii) Augmentation des fonds destinés aux zones rurales : dans le cadre de la mise en œuvre d’une initiative donnée, la disponibilité de sources de financement relativement durables reste une préoccupation majeure. Deux initiatives sont proposées : i) promouvoir

8

Page 9: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

l’investissement privé en encourageant le secteur public à favoriser les « alliances » entre les petits producteurs et ceux qui achètent leurs produits ; ii) créer un fonds de dotation pour l’environnement chargé de verser de manière systématique des indemnités aux ruraux mettant en œuvre des plans de développement régional visant la conservation et l’utilisation durable des terres.

A. OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

1. Les circonstances du retour des bailleurs de fonds en Haïti. Il y a un an, le gouvernement provisoire haïtien a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle augmente de manière substantielle son aide au développement. Pour la Banque mondiale et d’autres institutions d’aide externe, c’était l’occasion de revenir dans l’un des pays les plus pauvres au monde après environ trois ans d’absence. L’action conjointe lancée officiellement avec le Cadre de coopération intérimaire (CCI) en mai 2004 avait fait deux recommandations : définir des mesures d’urgence pour apporter une aide immédiate et créer des emplois ; et aider le gouvernement provisoire à établir des stratégies et des programmes d’investissements visant la croissance économique, et la croissance et le développement à moyen et long terme. Pour des raisons démographiques et économiques, le développement des zones rurales occupe une importance particulière dans le CCI, et le gouvernement provisoire a demandé de l’aide pour définir ses orientations stratégiques ainsi que ses priorités en matière de développement rural et agricole à moyen et long terme. La présente étude est une réponse à cette demande ; elle résulte d‘un partenariat entre le gouvernement provisoire, la Banque mondiale, la BID et des membres de la Table sectorielle sur le développement rural du CCI. 2. La présente étude a pour objectif général de contribuer à la base de connaissances dont Haïti a impérativement besoin pour mettre en œuvre des activités de développement rural durable. Elle a deux objectifs spécifiques :

• Mettre à jour les connaissances et produire une carte des caractéristiques régionales, physiques, socio-économiques et institutionnelles du secteur rural en ventilant les données de façon à mieux cibler les prochaines initiatives ;

• Analyser les recommandations prioritaires spécifiques du CCI relatives à la dimension régionale de la croissance et de la réduction de la pauvreté et rechercher un consensus.sur celles-ci

3. La méthode utilisée dans la présente étude pour atteindre les objectifs susmentionnés figure à l’Annexe 3 et a été élaborée en tenant compte des principes suivants : adhésion : les activités ont été définies et entreprises en étroite collaboration avec un Comité de pilotage local mis en place par le M inistère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement rural (MARNDR) ; partenariat : l’équipe spéciale a travaillé étroitement avec des membres et des responsables de la Table sectorielle sur le développement rural (mécanisme de coordination sectorielle du CCI). Deux membres de la BID — point focal de la Table sectorielle — faisaient partie de l’équipe spéciale ; participation : l’étude comprenait deux niveaux de participation en dehors des institutions formelles. Premièrement, une enquête sur des localités représentatives a été réalisée par des experts pour vérifier sur le terrain certaines des hypothèses élaborées et veiller à ce que l’étude reflète la réalité du terrain. Deuxièmement, une série d’ateliers a été organisée sur les divers sujets traités dans l’étude et des membres de la société civile ont été invités à y participer.

9

Page 10: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Ils ont aidé l’équipe à analyser les problèmes, identifier les lacunes institutionnelles et de gouvernance, tirer les leçons du passé et examiner certaines des recommandations ; approche intégrée : l’étude a un point de départ multisectoriel car elle établit d’abord les causes de la pauvreté rurale avant de se pencher sur les stratégies — agricoles ou non — appliquées par les ménages pour sortir de la pauvreté et qui pourraient bénéficier du soutien des politiques publiques ou de l’aide extérieure. Bien que des mesures particulières ne soient pas proposées pour chaque secteur clé, l’approche de l’étude devrait permettre d’intégrer les recommandations sectorielles formulées dans une stratégie globale de développement rural, d’essence multisectorielle ; axée sur les résultats : dans le droit fil de la directive du gouvernement et des instructions de la Banque sur la nécessité d’obtenir des réalisations concrètes, les résultats ont été analysés à deux niveaux : i) géographique : le diagnostic de la pauvreté rurale et du potentiel de croissance rurale a été ventilé par zones pour faciliter les recommandations spécifiques qui peuvent varier d’une région à l’autre, ii) opérationnel : certaines opportunités d’investissement sont identifiées comme des « modèles » d’initiatives éventuelles à approfondir s’il y a toujours un consensus sur le diagnostic et les interventions proposées. 4. Réduction de la pauvreté et croissance économique. L’étude se penche à la fois sur la réduction de la pauvreté et le potentiel de croissance économique. On sait que dans les pays comme Haïti où l’inégalité est un phénomène ancien et généralisé, il est souvent impossible de réduire la pauvreté uniquement pas des stratégies de croissance. Pour être réalistes donc, les initiatives de politique générale et d’investissement à l’intention des zones rurales doivent compléter les stratégies appliquées par les ménages pour sortir de la pauvreté et contribuer à la croissance économique générale, et ce, de manière durable. 5. L’étude a recours au cadre conceptuel de l’approche basée sur les actifs pour prendre en compte simultanément la pauvreté et la croissance. En particulier, de nouvelles données rendues disponibles par l’Enquête sur les Conditions de Vie en Haiti- 2001 ont été ajoutées à d’autres données pour analyser les aspects suivants de la société rurale et de l’économie : les actifs (sociaux, géostratégiques, de production) des populations rurales ; le contexte (politique générale, institutions, risques) dans lequel ces ressources sont utilisées ; les stratégies de subsistance adoptées pour survivre et se développer ; et les résultats de ces stratégies par rapport au bien-être du ménage. Enfin, pour être utiles et efficaces, les politiques et investissements recommandés doivent au moins prendre en compte les ressources des ménages et leurs stratégies de susbsistance.

B. DIAGNOSTIC

PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET CHIFFRES 6. La population d’Haïti. Avec 306 habitants au km2, Haïti est le deuxième pays le plus densément peuplé de la Région Amérique latine et Caraïbes, et la population continue d’augmenter au taux de 2,2 % l’an (Document n° 2) (voir carte 1 : Densité de la population par commune et carte 2 : Croissance démographique totale). La population par commune (nombre d’habitants dans une commune) et la densité de population par commune (nombre d’habitants au km2 par commune) sont très inégales. Ces taux sont le plus bas à l’extrême sud-ouest et sud-est du pays, régions de hautes terres où les transports sont peu développés.

10

Page 11: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

7. Haïti est essentiellement un pays rural, avec près de 60 % de sa population vivant dans un milieu classé comme étant rural. Bien que le département de l’Ouest soit en grande partie urbanisé, plus de 60 % de sa population étant qualifiée d’urbaine, il compte plus d’un million d’habitants en zones rurales, soit 21,6 % de tous les haïtiens vivant en zones rurales. Le département de l’Artibonite abrite 16,7 % des d’habitants ruraux du pays, soit 40 % de la population de ce département. Les départements de l’Ouest, du Centre, de la Grande-Anse Sud et du Sud-Est, dont plus de 80 % habitent en zones rurales, abritent chacun environ 10 % de la population rurale du pays. 8. Haïti est considéré comme un pays montagneux, avec de nombreux sommets à plus de 1 000 mètres. De grandes chaînes de montagnes culminant à plus de 1 500 m se trouvent dans le sud-ouest (à Grande-Anse et Sud) et le sud-est (Sud-Est). D’autres chaînes de montagnes traversent le Centre et des parties du Nord-Ouest, du Nord et du Nord-Est. Les terres basses cultivables sont en grande partie dans l’Artibonite, entre le Sud-Est et le Centre, le long des côtes du Sud, du Nord-Ouest, du Nord et du Nord-Est. Souvent, il n’y pas de routes principales (voire secondaires) dans les terres hautes. Cette absence de transports, qui limite aussi le potentiel agricole, est un obstacle à la croissance économique de ces zones. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA PAUVRETÉ 9. Haïti a l’un des ensembles d’indicateurs de développement le plus bas au monde. Il est peu probable qu’Haïti atteigne les ODM d’ici 2015. En 2004, le PNUD et le Gouvernement haïtien ont estimé que cinq objectifs ne seraient probablement pas atteints (1. Réduire l’extrême pauvreté et la faim ; 2. Assurer l’éducation primaire pour tous ; 3. Réduire la mortalité infantile ; 4. Améliorer la santé maternelle ; 5. Assurer un environnement durable) et que deux seulement seraient réalisables (promouvoir l’égalité des sexes et combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies). De surcroît, d’après l’Institut haïtien de statistiques, le PNUD et la Fafo, au vu des indicateurs des ODM, c’est dans les zones rurales que le retard est encore plus grand (Fafo, IHSI, PNUD : Objectifs du Millénaire pour le développement en Haiti). 10. Niveau d’extrême pauvreté dans les zones urbaines et rurales. Une analyse approfondie de la pauvreté montre non seulement la pertinence du critère « position géographique » pour le revenu par habitant mais aussi pour l’accès aux ressources et aux services. Au niveau régional, les poches de pauvreté se trouvent surtout dans le nord-est et le nord-ouest. D’après les analyses, 49 % des ménages haïtiens vivent dans l’extrême pauvreté (le seuil d’extrême pauvreté étant calculé sur la base d’un dollar par habitant et par jour), soit 20 %, 56 % et 58 % des ménages dans la zone métropolitaine, les zones urbaines et rurales, respectivement1. La plupart des quelques 3,9 millions d’indigents vivent dans les zones rurales (2,7 millions), le reste étant dans la zone métropolitaine et les zones urbaines (1,2 million) (Document n° 2).

1 Par souci de conformité avec les données de l’enquête auprès des ménages, le présent rapport étudie la pauvreté des ménages sur la base d’un seuil de pauvreté extrême, c’est-à-dire un dollar par jour (indigents, que nous distinguons des pauvres (moins de 2 dollars par jour), en tenant compte du fait que plus les familles sont grandes, plus le niveau individuel de pauvreté est élevé (65 % d’indigents dans les zones rurales).

11

Page 12: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

11. Le taux de pauvreté est extrêment différent d’un département à l’autre. L’Ouest a le taux de pauvreté le plus faible (moins de 30 %), mais compte aussi 24 % des pauvres du pays, parce que très peuplé. Ensemble, les départements de l’Ouest et de l’Artibonite comptent environ 40 % des pauvres. Le taux de pauvreté le plus élevé (80,3 %) est dans le Nord-Est, qui est aussi le département le moins peuplé et qui compte donc le moins de pauvres (6,5 %) (tout comme les départements du Sud et du Sud-Est) (voir le tableau 1 Taux d’indigents par localité et par région). 12. Une autre façon d’étudier la répartition de la pauvreté est d’examiner la densité de la pauvreté2. Nous constatons que la densité de la pauvreté est élevée dans le nord du pays, du Nord-Ouest oriental au Nord et au Nord-Est ; l’autre zone de forte densité de la pauvreté se trouve à l’ouest du pays dans certaines parties de Grande-Anse et Sud, et dans l’Ouest autour de la zone métropolitaine de Port-Au-Prince, et dans certaines parties de l’Artibonite. Les zones où la densité de la pauvreté est peu élevée se trouvent, notamment, à l’ouest de Nord-Ouest, à l’ouest de la Grande-Anse et du Sud et à l’est du département de l’Ouest. La plupart des ces régions sont caractérisées par des terres difficiles et l’absence de transports, un potentiel agricole relativement faible et un risque d’érosion du sol très élevé. La majorité des habitants et une proportion extrêmement élevée de pauvres vivent dans les zones rurales tandis que la population métropolitaine (Port-au-Prince) et des autres zones urbaines est relativement mieux lotie3. Cela dit, la densité de la pauvreté dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et dans les zones urbaines du Cap Haïtien (et ailleurs) est relativement élevée. L’ECONOMIE RURALE 13. L’économie haïtienne et le secteur rural. Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde et le revenu réel du pays, c’est-à-dire, le PIB, a baissé ces dernières décennies. Entre 1980 et 2003, l’économie a chuté en moyenne de 0,82 % réel par an (PIB en dollars constants de 1995 sur la base des indicateurs de développement dans le monde de 2004). En 2003, le PIB de Haïti était d’environ 2,8 milliards de dollars (Document n° 2). Les faibles résultats économiques du pays sont principalement dus à l’instabilité politique et à l’absence d’investissements dans tous les secteurs. Le secteur agricole (2001-2002) a représenté près de 30 % du PIB total, soit une chute importante par rapport aux 50 % des années 60 et aux 34 % des années 90 (Document n° 1). Néanmoins, l’agriculture continue de jouer un rôle clé dans l’économie haïtienne et représente environ 50 % de l’ensemble des emplois, 2/3 des emplois dans les zones rurales et 3/4 des emplois pour les pauvres (Document n° 1). En revanche, l’industrie représente 16,3 % du PIB et seulement 10 % environ des emplois. Quant aux échanges, les exportations agricoles en 2002 ont représenté 200 millions de dollars et 7 % des exportations totales (Document n° 1). Les principales cultures d’exportation étaient les mangues, le cacao, les huiles essentielles et le café. Par ailleurs, les importations de produits agricoles se sont élevées à 234 millions de dollars (2002), surtout du riz, 2 Le taux de densité de la pauvreté est le résultat du taux de pauvreté (en %) et de la densité de population (habitant au m2). En utilisant le taux de pauvreté par département et la densité de population par commune, on obtient la densité de pauvreté par commune (à l’aide du taux de pauvreté du département). 3 Il convient d’avoir à l’esprit que les données les plus fiables sur la situation des ménages haïtiens se trouvent dans la première Enquête sur les conditions de vie des ménages qui remonte à 2001. Compte tenu des taux de PIB par habitant sans cesse décroissants ces dernières années, marquées aussi par l’instabilité politique et par le manque de services publics/d’investissements, la situation générale, loin de s’être améliorée, a plutôt empiré pour la population haïtienne.

12

Page 13: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

des produits laitiers, du blé et du sucre. Ainsi, 85 % de l’ensemble des recettes d’exportations servent à acheter des produits alimentaires qui représentent 25 % du total des importations. Même si l’agriculture demeure un élément important de l’économie haïtienne, la principale source d’emplois et de revenus en milieu rural, l’écart se creuse entre le rôle de l’agriculture dans l’économie des ménages et la place des exportations agricoles dans l’économie globale. Même si l’agriculture semble jouer un rôle de premier plan dans les stratégies de survie des ménages et la consommation alimentaire interne, Haïti est loin d’avoir atteint l’autosuffisance alimentaire. Et donc, les importations alimentaires contribuent au déficit de la balance commerciale haïtienne. 14. Causes de la baisse de l’agriculture. Un certain nombre de facteurs interdépendants et qui se renforcent mutuellement contribuent à la chute du secteur rural en Haïti. La production agricole a souffert de l’augmentation de la population exploitant un espace limité. Les terres cultivées sont morcelées en lopins de plus en plus petits, de sorte que dans les années 90, 78 % des exploitations haïtiennes avaient une superficie moyenne inférieure à deux hectares, la demande de terres étant très différente selon les départements (voir carte 3 : Superficie moyenne des exploitations par département) (Document n° 2). Sur ces parcelles minuscules, la terre s’est peu à peu épuisée et est devenue moins productive. Ce problème a été aggravé par un déboisement généralisé, qui, à son tour, a entraîné une grave érosion de la couche arable fertile. Ainsi, la productivité du sol — et donc la production agricole — a baissé de 0,5 — 1,2 % par an ces dix dernières années (Document n° 6). 15. Facteurs au niveau des ménages. Avec la baisse de la production, de nombreux exploitants haïtiens se sont retrouvés dans un cycle vicieux : l’abattage des arbres pour obtenir du charbon de bois et l’exploitation des terres de plus en plus pentues sur les versants des montagnes permettent d’éviter la catastrophe financière à court terme, mais ne fait qu’aggraver à long terme les problèmes de l’ensemble du secteur. Par ailleurs, le secteur agricole souffre du manque de capital requis pour les biens matériels tels que les outils, les machines, les engrais, les transports et les infrastructures, avec des différences selon les départements (Document n° 5, et voir carte 4 :, ainsi que le tableau 2). Alors qu’il n’y a pas de support public aux investissements, le secteur privé est également entravé par des institutions faibles et le manque d’accès au crédit. En raison de la mauvaise qualité des transports en zones rurales, il est actuellement moins cher d’acheminer les produits importés dans les villes rurales que de collecter et de transporter les produits agricoles locaux vers ces mêmes villes rurales. De nouveaux schémas commerciaux se sont ainsi mis en place, concurrençant l’économie agricole locale. Ces schémas sont peut-être pertinents au vu des problèmes causés par l’absence d’infrastructure, mais ils ne contribuent pas à la croissance durable et au développement régional. 16. Facteurs liés à la dégradation des terres. Comme mentionné plus haut, il y a un certain nombre d’obstacles structurels au développement du secteur rural et à la hausse de la productivité du secteur agricole en particulier. Toutefois, il est possible d’éliminer nombre de ces facteurs en appliquant directement diverses mesures. Des propositions sont présentées ci-après. D’un point de vue agro-écologique, la faible productivité actuelle des terres n’est pas irréversible, au moins dans certaines régions du pays. Même si le déboisement et l’érosion continuent et que l’état de l’environnement en Haïti demeure préoccupant, des projets pilotes dans l’agroforesterie — agriculture sur pente et gestion des bassins versants (à petite échelle) — montrent que les conditions écologiques permettent d’augmenter la productivité agricole (Document n° 6). Les

13

Page 14: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

zones agro-écologiques en Haïti offrent un potentiel pour l’exploitation de diverses cultures susceptibles de relancer la productivité et le développement agricole en produisant pour le marché national et l’extérieur (Document n° 3). Cet aspect sera examiné de façon plus approfondie par la suite. 17. Les facteurs macroéconomiques jouent un rôle important dans les perspectives de développement rural. Le cadre institutionnel, et notamment les politiques et les instruments qui les accompagnent, constituent un élément déterminant du contexte. En 1986, puis en 1994, sur les conseils des bailleurs de fonds — notamment de la Banque mondiale — Haïti a mis en œuvre de grandes réformes visant à libéraliser les échanges ; ces réformes n’ont pas été accompagnées de plans d’exécution progressifs ou de mesures de soutien à l’intention des agriculteurs, qui ont été affectés par l’importation d’aliments bon marché (en particulier le riz). Pendant l’embargo de 1991-1994 les paysans Haïtiens avaient souffert d’une décapitalisation intense et n’étaient pas préparés pour la libéralisation du secteur agricole. L’effet a été catastrophique et les agriculteurs ne se sont toujours pas relevés de cette libéralisation rapide exempte de mesures d’accompagnement (Document n° 1). De surcroît, l’absence de filets de sécurité sociale a favorisé l’exode rural dans les années 90. Toutefois, le cadre de politique agricole du pays prévoit aussi des mesures incitatives et offre un certain potentiel du fait de cette libéralisation car il crée très peu de distorsions (pas de subventions aux facteurs de production, pas de contingent d’importation, faibles tarifs douaniers, etc.). Les conditions actuelles du marché, en fait, sont largement favorables à l’agriculture haïtienne vu qu’il y a une forte demande urbaine d’origine locale portant sur des biens non échangeables. Il existe de plus en plus de débouchés pour des produits-créneaux sur le marché international et la substitution de certaines importations en provenance de la République dominicaine offre de bonnes perspectives (Document n° 3). 18. Facteurs liés à l’environnement institutionnel. Il faut des associations solides pour lier production et marchés car les marchés modernes ne sont pas conçus pour traiter avec des producteurs dispersés (Document n° 4). Les associations agricoles et les institutions associatives sont peu développées en Haïti (Document n° 5). Cela est peut-être dû en partie à la faiblesse du cadre juridique, mais le système agricole lui-même n’est certainement pas en reste : pour ne pas dépendre d’une seule culture et minimiser les risques liés aux prix, les agriculteurs diversifient et produisent un peu de tout ; il leur est de ce fait difficile de s’engager dans des organisations professionnelles spécialisées par filières, qui sont les plus efficaces pour améliorer les conditions d mise en marché des produits. 19. Gouvernance rurale : la constitution démocratique de 1987 a prévu un système de gouvernance locale (collectivités territoriales) avec des organes délibératifs et exécutifs à tous les niveaux (infra-communal, communal, départemental, national.) Même si elle fonctionne au niveau local, la structure n’a jamais vraiment été appliquée dans la pratique. Par exemple, aucun des organes nationaux ou départementaux prévus pour les collectivités territoriales n’est opérationnel, ce qui a conduit à une rupture majeure de la chaîne de transmission entre les niveaux central et local de gouvernement. En outre, le militantisme politique des paysans dans les années 80 n’a pas débouché sur un renforcement de la position des associations de défense des intérêts paysans sur la scène politique nationale actuelle, accentuant le schéma traditionnel de fracture campagne-ville, à la base de l’abandon dont souffrent déjà les zones rurales en matière de développement. Par conséquent le niveau des institutions rurales qui devraient appuyer les stratégies paysannes dans

14

Page 15: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

des domaines importants tels que l’approvisionnement en eau, l’irrigation ou la gestion des ressources naturelles est très faible. En outre le manque d’institutions rurales contribue à l’incapacité des communautés à intervenir pour imposer lois et règlements qui dépassent le cadre traditionnel et local. 20. Cependant, l’absence relative d’institutions publiques au niveau local est quelque peu compensée par un environnement institutionnel souvent informel, divers, mais étonnament dense dans certaines régions (Document n° 5). Même si ces institutions informelles (associations de travail, comités d’irrigants, …) ne sont pas exemptes de difficultés dans leur fonctionnement courant et sont aussi parfois source d’exclusion, elles jouent un rôle important dans les capacités à valoriser le potentiel local. Alors que plusieurs projets agricoles étaient exécutés dans les collectivités dont le potentiel agricole est important (Laborde ou Roche Plate par exemple), ce n’était pratiquement pas le cas dans les zones à faible potentiel du nord et du nord-ouest (Port Margot, Baie de Henne). Dans ces régions, les projets de développement sont principalement axés sur la mise en place de filets de sécurité. 21. L’environnement institutionnel, même informel, joue un rôle déterminant en ce qui concerne les moyens de subsistance en zones rurales. En effet, on a vu que le capital social réduisait le rique de pauvreté, autrement dit appartenir à une organisation diminue le risque de pauvreté (Document n° 2, tableau 8.1). Si les réformes de la gouvernance rurale ont posé le cadre formel et, en partie, les structures administratives nécessaires à une plus grande participation locale, on s’attend néanmoins à ce que la capacité du gouvernement central à stimuler le développement rural reste, dans un avenir prévisible, semblable à ce qu’elle était dans le passé avec, des risques de retour en arrière périodique. Pourtant, une plus grande participation du secteur public est probablement indispensable pour fournir des services et des biens collectifs de meilleure qualité, stables et fiables ; cette participation doit donc être encouragée. Pour être viable, l’appui devrait reposer sur des hypothèses tenant compte des capacités réelles de l’État. Une cohésion sociale forte et durable, la prise en compte de l’importance des facteurs de production agricoles, la capacité d’adaptation et les orientations du marché sont autant de facteurs que les initiatives de développement peuvent mettre à profit, même dans les conditions de sécurité précaire que connaît actuellement Haïti. Cela dit, il est important de garder à l’esprit que la situation sécuritaire peut toujours s’aggraver et, donc, vouer à l’échec les relatifs succès potentiels. Aucune recommandation particulière n’est donnée dans ce rapport sur la situation sécuritaire globale en Haïti, ceci étant le thème d’une « Table sectorielle » spécialisée dans le cadre du CCI. LES MÉNAGES RURAUX : LEUR BIEN-ÊTRE, LEURS ACTIFS ET LEURS STRATÉGIES DE SUBSISTANCE Mesures des revenus ruraux 22. L’autoconsommation rurale est importante pour les plus démunis. Une analyse détaillée des revenus figure dans le Document n° 2, avec quelques constats frappants. À l’exception de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, les ménages ruraux sont mieux lotis que les ménages urbains dans la fourchette inférieure de la répartition des revenus monétaires, ce qui est signe d’un niveau élevé d’autoconsommation parmi les ménages ruraux. En ce qui concerne les

15

Page 16: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

sources de revenus, les populations rurales défavorisées tirent essentiellement leurs revenus d’activités agricoles telles que l’agriculture et le travail agricole. Les habitants des zones rurales travaillent aussi comme manœuvres chez d’autres exploitants ou dans le secteur non agricole4, gagnant ainsi 26 à 34 % de leurs revenus. Les transferts d’argent en provenance des zones urbaines et de l’étranger représentent environ 14 % des revenus des pauvres, légèrement moins que leur part dans le revenu des populations non défavorisées. Le revenu moyen varie énormément en fonction de la région et du lieu. En 2001, les ménages qui avaient le revenu moyen le plus bas se trouvaient dans le departement du Nord-Est. Dans le département de l’Ouest (à l’exception de la zone métropolitaine de Port-au-Prince), les ménages ont un revenu moyen cinq à six fois supérieur au département du Nord-Est. Ces chiffres montrent clairement, par exemple, comment l’accès à un grand marché tel que Port-au-Prince peut faire une différence dans la vie des gens. Autres mesures de bien-être 23. Indicateurs sociaux de la pauvreté. Le niveau de bien-être en Haïti peut également être mesuré par des indicateurs sociaux tels que l’analphabétisme des adultes, la mortalité infantile et la malnutrition ; ils sont tous élevés. Une information significative est qu’entre 1970 et 2000, l’analphabétisme des adultes a chuté sensiblement de 78,0 % à 39,5 % (Document n° 5). Toutefois, l’analphabétisme des femmes est plus élevé que celui des hommes (43,3 % contre 33,4 % en 2000). Le taux de mortalité infantile a également chuté, mais il reste encore très important, à 79 pour mille naissances vivantes en 2002. L’espérance de vie a augmenté ces trente dernières années, mais vient de chuter en raison du sida (l’incidence la plus élevée du continent américain). L’espérance de vie était de 52 ans en 2002 (alors qu’elle était plus élevée en 1997, se situant alors à 54 ans). Quant à la malnutrition, là aussi, les chiffres ont augmenté, mais le taux de malnutrition infantile en Haïti reste considérablement élevé par rapport à l’ensemble des Caraïbes (17,3 et 22,7 % selon l’indicateur utilisé, contre 9 % pour les Caraïbes). La malnutrition infantile serait principalement due à la faiblesse des revenus, aux difficultés d’accès à l’eau potable, à l’insuffisance d’oligo-éléments et à l’absence de soins de santé en général. 24. Fécondité. La fécondité, qui est mesurée par le nombre d’enfants par mère, a chuté rapidement ces dernières décennies. Au cours des trois décennies précédant les années 90, l’indice de fécondité est tombé d’environ un point en pourcentage, passant de 6,3 % en 1960 à 5,4 % en 1990, puis il est tombé encore plus vite pour atteindre 4,4 % en l’an 2000 (Document n° 5). Il reste toutefois élevé et entraîne des hausses démographiques qui annulent les avantages qui pourraient être tirés des mesures de développement et de l’amélioration générale des conditions de vie des populations rurales défavorisées. De façon générale, une famille rurale pauvre a en moyenne deux fois plus d’enfants qu’une famille non défavorisée. Actifs du secteur rural haïtien 25. L’économie rurale est caractérisée par l’inégalité des actifs. Dans la présente section, nous examinons les différents actifs qui présentent un intérêt pour les pauvres des zones rurales en Haïti. Ces actifs recouvrent des actifs productifs, des actifs sociaux et des actifs géostratégiques.

4 La typologie suivante a été utilisée : les activités au niveau de l’exploitation sont celles qui sont menées sur les terres mêmes de l’agriculteur ; les activités extérieures sont celles qui sont effectuées sur une exploitation appartenant à quelqu’un d’autre ; les activités non agricoles ne s’appliquent à aucune des deux définitions précédentes.

16

Page 17: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

L’étude a permis de déterminer que l’économie rurale haïtienne était stratifiée et pleine de contrastes ; elle se caractérise par de fortes inégalités d’actifs et de revenus au sein d’une structure agraire de base composée de petites exploitations, mises en valeur par leur propriétaires, et consacrées à une production faisant peu appel au capital et associant cultures de subsistance et cultures de rapport. La dotation en actifs productifs agricoles est précaire et lorsque l’on compare les données récentes et les études réalisées au cours des dernières décennies, on constate qu’il n’y a guère eu de changements dans la taille ou la structure des parcelles, ni dans les techniques de production, les modes de production ou les types de production. Cependant, le relèvement du niveau de l’éducation (les jeunes des zones rurales rattrapent leurs homologues des zones urbaines) est peut être imputé essentiellement au travail des ONG, ce qui montre l’efficacité relative de certaines institutions n’ayant pas de caractère officiel en l’absence de services publics, et ce qui prouve également que les parents comprennent l’importance d’investir dans des actifs «mobiles». Les ONG en général font partie d’un ensemble d’institutions officielles et non officielles ayant une présence dans les zones rurales et dont le travail devrait être pris en compte dans les activités de développement (voir, par exemple, Tableau 2 du Document n° 5.) 26. Éducation: Si les zones rurales rattrapent, malgré tout, les zones urbaines au niveau de l’enseignement primaire, l’écart reste toutefois important au niveau de l’enseignement secondaire. En outre, le nombre d’enfants inscrits dans l’enseignement primaire n’est pas un indicateur de la qualité de cet enseignement. En Haïti, il existe des écarts de niveaux d’éducation non seulement entre les adultes et les jeunes, mais aussi entre les enfants et les jeunes. Il y existe de grandes disparités dans la fréquentation scolaire des enfants et des jeunes et cela, quel que soit leur âge et l’endroit où ils habitent. En ce qui concerne la tranche d’âge des 6 à 11 ans, 77,6 % des enfants sont scolarisés et les taux de fréquentation scolaire atteignent jusqu’à 82,6 % pour les enfants de 12 à 14 ans. Ces chiffres sont à l’échelle de l’ensemble du pays. Comme c’est le cas pour d’autres questions, le lieu de résidence est un facteur déterminant de la fréquentation scolaire en Haïti. Ainsi, 83,2 % des enfants de 6 à 11 ans de la zone métropolitaine de Port-au-Prince fréquentent un établissement scolaire, ce chiffre atteignant 85,2 % dans les zones urbaines et seulement de 74,2 % dans les zones rurales (voir Carte 7- Enseignement primaire par Département et Tableaux 3 Incidence of Education Level in Rural Haiti [Niveau d’éducation dans les zones rurales en Haïti] et 4 Highest Education Level Completed [Niveau d’éducation atteint]). 27. Capital social. Dans la présente étude, le capital social a été mesuré au moyen de plusieurs paramètres (statut de membre d’une organisation structurée ou non, capacité de résolution des conflits au niveau local, travail ad hoc de nature communautaire, etc.) Alors que l’on entend parfois dire que les zones rurales en Haïti manquent de «cohésion sociale», les résultats de la présente étude font apparaître au contraire de nombreux points forts dans la gestion —souvent informelle — des affaires locales. Les trois indicateurs utilisés dans le présente étude (Document n° 5), — liens entre immigrants et populations restées en zones rurales ; accès à des groupes de travail traditionnel sur une base réciproque ; et sentiment subjectif de sécurité chez soi — ont fait apparaître qu’il y avait bien un capital social. Sur l’ensemble des familles ayant des parents à l’étranger, 63 % d’entre elles ont bénéficié de remise de fonds au cours des 12 derniers mois. Par ailleurs, 38 % des cultivateurs ont eu recours à une forme de travail collectif pour récolter leur dernière moisson.

17

Page 18: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

28. En ce qui concerne la question de la sécurité, les résultats de l’enquête 2001 sur les ménages ont révélé que 75 % des personnes interrogées, qui résidaient en zones rurales, avaient répondu qu’elles se sentaient toujours ou presque toujours en sécurité dans leur demeure (Document n° 2). Cela est à mettre en rapport avec le chiffre de 41 % seulement des personnes interrogées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Ces conclusions ont encore été confirmées par les entrevues qualitatives effectuées dans le cadre de la présente étude, lors desquelles les personnes interrogées qui vivaient en zones rurales ont invariablement affirmé que le conflit politique très médiatisé qui se déroule dans les villes n’avait pas d’incidence sur leur sécurité personnelle. L’instabilité chronique du pays a toutefois des répercussions en milieu rural. Cela se manifeste essentiellement par un fort sentiment d’insécurité lors de déplacements d’une région à l’autre, notamment lorsqu’il s’agit d’entrer sur les marchés urbains. Un autre aspect important dans ce contexte est le manque de capacité pour imposer la loi dans des sociétés rurales ce qui a un impact sur la cohésion sociale ainsi que sur le développement rural. De plus, les agissements des groupes paramilitaires et autres groupes armés qui sévissent dans certaines zones rurales depuis deux ans ébranlent le sentiment de sécurité qu’éprouvent les populations rurales (Document n° 5). 29. Les activités de développement ont en elles-mêmes un impact positif sur la promotion du capital social. Deux exemples peuvent être invoqués : les investissements actuellement effectués dans des activités de développement voulues par les communautés favorisent la constitution de groupes locaux ayant recours à des mécanismes démocratiques de prises de décisions, tant pour déterminer l’ordre de priorité à accorder aux projets de développement à petite échelle que pour les exécuter par la suite. Un autre exemple a trait à la conception de plans de développement locaux par des alliances participatives à long terme avec les communautés locales. Comme nous le verrons ci-après, ces plans — et leur éventuelle exécution — offrent une intéressante possibilité de tirer parti du capital social existant (Document n° 6). 30. Accès à la terre : En Haïti, huit ménages ruraux sur dix ont accès à la terre et la plupart d’entre eux sont propriétaires de leurs parcelles et les cultivent (Enquêtes sur les ménages, 2001). Il se trouve en effet que 82 % des terres sont propriété (formelle ou informelle) des exploitants et que dans le reste des cas, l’accès à la terre est assuré par le système de métayage ou par la location. La plupart des exploitants dispose de plusieurs parcelles. Si les ménages ruraux sont nombreux à disposer de terres, les exploitations sont réduites et dispersées. En moyenne, les ménages ayant accès à la terre disposent de 1,8 hectares. La taille moyenne d’une exploitation est seulement d’un hectare dans l’ensemble du pays (voir la carte 3 — Superficie moyenne des exploitations par Département). La fragmentation des parcelles est maximale dans le sud-est, où chaque exploitant dispose en moyenne de 2,5 parcelles, et minimale dans le nord-est où ce chiffre est de 1,5 parcelle. L’un des traits caractéristiques important de la fragmentation foncière et de la petite taille des parcelles, c’est que dans les zones rurales, l’accès à la terre n’est pas nécessairement synonyme d’une moins grande pauvreté. Seuls les ménages ayant plus de deux hectares à leur disposition, sont moins pauvres que les ménages n’ayant pas accès à la terre (Document n° 2). 31. La notion de propriété foncière doit être assortie de deux réserves importantes : tout d’abord, les terres sous régime de propriété privée comprennent un part importante (23 % du total) de terres qui ont été héritées conjointement avec d’autres héritiers et qui demeurent en propriété indivise. D’autre part, sur l’ensemble des propriétaires, 40 % d’entre eux ne peuvent justifier d’un

18

Page 19: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

titre de propriété ou d’un reçu attestant de l’achat de leur terre. En ce qui concerne les terrains hérités, 60 à 65 % d’entre eux ne sont pas assortis d’un titre juridique de propriété. Lors des enquêtes qualitatives, les personnes interrogées n’ont cependant pas mentionné la précarité des titres fonciers parmi les principaux obstacles à leur bien-être (Document n° 5). 32. L’accès à l’irrigation est rendu difficile par une combinaison de facteurs et notamment par l’absence d’institutions publiques, l’inexistence ou l’inefficacité des travaux hydrauliques, et le manque de moyens, au niveau local, pour réaliser les investissements nécessaires. Cela est vrai pour ce qui est de l’irrigation des deux types de zones se prêtant à l’irrigation : les plaines côtières haïtiennes (essentiellement la région de l’Artibonite) ainsi que les coteaux sur lesquels se pratique l’agriculture. Dans les plaines côtières, sur les 150 000 hectares de terres que l’on estime potentiellement irrigables, 60 000 hectares environ bénéficient d’une infrastructure d’irrigation, mais le système actuellement en place ne permet d’irriguer (et de drainer) qu’environ 30 000 hectares (Document n° 3). Sur les coteaux, il n’y a pas d’installations de stockage de l’eau, et les populations dépendent de l’agriculture pluviale ou de cours d’eau saisonniers qui sont à l’origine de conflits entre les utilisateurs situés en amont ou en aval du cours d’eau (Document n° 5). 33. Le patrimoine forestier, important autrefois dans la plupart du pays, a aujourd’hui quasiment disparu. On estime que 50 % de la déforestation s’est produite entre 1990 et 2000. À l’origine, 93 % du pays était recouvert de forêts, mais aujourd’hui, il n’y a que 3 % du territoire qui soit boisé (Earthtrends 2003 - Institut des ressources mondiales) et ces derniers vestiges, constitués par le Parc la Visite, la Forêt des Pins et le Parc Macaya sont menacés. Il s’agit d’un cas de libre accès aux ressources naturelles et d’une « tragédie du patrimoine commun » qui a conduit à la dégradation de la plupart des ressources naturelles haïtiennes. Les coûts d’une telle dégradation vont bien au-delà la productivité des terres. Ils incluent des pertes de revenus notamment au titre du tourisme, le manque de combustible pour la cuisson des aliments et une vulnérabilité accrue aux catastrophes naturelles. Les causes de la dégradation des ressources naturelles sont nombreuses, et peuvent être attribuées entre autres à des comportements locaux, aux horizons de planification des habitants des zones rurales, à la nature de la société rurale, à des mesures (ou à l’absence de mesures) gouvernementales et à des influences internationales (Document n° 6). L’état de dégradation actuel a amené certains experts à recommander que les terres ne soient plus considérées comme un facteur de production important en Haïti. Les résultats de la présente étude offrent un point de vue plus équilibré et plus encourageant sur la question de la productivité des terres. (Document n° 3). 34. Accès aux moyens matériels : en Haïti, les terrains agricoles sont actuellement exploités dans des conditions de très faible productivité. Environ 66 % des agriculteurs vivant dans un état d’extrême pauvreté (et 46 % des agriculteurs les plus riches) ont signalé que l’érosion des sols était un grave problème que leur posaient leurs terres et leur environnement (Enquête auprès des ménages, 2001) (voir carte 8 – Risque d’érosion). Toutefois, le fait que les conditions agro-climatiques soient très favorables donne à penser qu’il pourrait y avoir des améliorations importantes si les agriculteurs avaient accès à des facteurs de production et à un soutien institutionnel (Document n° 3). Les haïtiens ont généralement recours aux pratiques les plus traditionnelles et les plus manuelles pour exploiter leurs terres. En Haïti, les facteurs de production qui pourraient accroître les rendements — engrais et irrigation notamment — ne sont utilisés que

19

Page 20: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

dans l’exploitation d’une parcelle sur dix (voir Carte 4 – facteurs de production agricoles par département et Tableau 2). Les moyens matériels utilisés dans le domaine de l’agriculture se limitent généralement à des outils manuels — deux pour être plus précis, la machette et une longue houe à large lame. L’utilisation d’outils mécaniques de quelque nature qu’ils soient est extrêmement limitée: on trouve surtout des charrettes à traction animale mais seuls 5 % des agriculteurs y ont accès (Document n° 5). 35. Accès à des services d’infrastructure de base. En Haïti, les zones rurales ont toujours été les dernières à bénéficier des rares ressources consacrées aux infrastructures publiques. D’après une estimation de la Banque mondiale datant de 1998, la part des investissements publics dans les zones rurales était de 20 % — alors que les deux tiers de la population au moins vivent dans ces zones. 59 % de la population rurale haïtienne a accès à l’eau potable alors que ce chiffre est de 91% pour la population urbaine (PNUE, 2002). L’enquête 2001 sur les ménages révèle que les chiffres relatifs au nombre de personnes ayant accès à des services d’infrastructure de base dans les zones rurales sont déplorables : électricité (9,8 %), routes revêtues (5,0 %), routes en terre (32,8 %), lignes téléphoniques terrestres (0,8 %), téléphones mobiles (0,3 %) et ramassage des ordures (2,2%). Il existe de grandes différences entre régions, le nord-ouest étant la région la moins bien desservie en service de base (voir tableaux 5 et 6 Household Access to Basic Infrastructure [Accès des ménage à l’infrastructure de base] et Document n° 2). 36. Accès aux moyens de transports. L’étude fait apparaître qu’il existe des routes (principales, secondaires et tertiaires, ainsi que des pistes), des aéroports et des ports. Le fait qu’il existe une route n’indique en rien sa qualité. Les grands axes routiers sont relativement limités, et dans de grandes parties du pays, il n’y a ni routes principales, ni routes secondaires. Ainsi, le Nord-Ouest manque de routes principales mais dispose d’un réseau assez étendu de routes tertiaires. Les pistes, qui ne sont pas toujours praticables en toutes saisons, sont assez uniformément réparties sur l’ensemble du territoire. Le réseau routier principal relie les grandes villes, les aéroports et les ports. En fait, aéroports et ports semblent relativement bien répartis, en particulier dans le sud et dans le nord du pays. (Document n° 8) 37. Accès aux actifs financiers. Étant donné la faiblesse des revenus dans le secteur rural, les caisses d’épargne en bonne et due forme sont pratiquement inexistantes dans les campagnes haïtiennes officielles où seuls 4 % des ménages déclarent avoir accès à un compte d’épargne (alors que ce chiffre est de 31 % dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince). Les accords informels et réciproques d’épargne et de crédit sont importants, mais ils ne sont pas suffisants toutefois pour satisfaire la demande de crédits car les taux d’intérêt sont élevés. Seuls 11 % des ménages ruraux déclarent avoir fait appel au crédit au cours des douze derniers mois. La quasi-totalité d’entre eux signale que ce crédit a été obtenu en dehors des banques officielles. En réalité, le bétail constitue la forme d’épargne la plus répandue. Les données de l’enquête 2001 sur les ménages montrent qu’une majorité des 78 % de ménages ruraux possède du cheptel d’une nature ou d’une autre. L’étude qualitative effectuée dans le cadre de la présente étude a confirmé l’importance du cheptel en temps de crise ou de besoins exceptionnels, lorsque la stratégie la plus courante à laquelle ont recours les ménages consultés est de vendre une bête (Document n° 5). 38. Le lieu de résidence en lui-même peut être considéré comme un actif. La proximité d’une infrastructure publique, de zones à forts potentiels productifs et de marchés favorise le

20

Page 21: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

développement dans les zones rurales. En prenant le revers de certains chiffres mentionnés ci-dessus, dans le cas de l’approvisionnement en eau par exemple, le fait que 41 % de la population rurale consacre tous les jours un temps considérable (ou dépense un montant significatif de son revenu) à se procurer de l’eau potable doit également se chiffrer de façon importante, surtout si l’on ne tient pas nécessairement compte du coût d’opportunité effectif de ce temps mais de ce que serait ce coût si d’autres facteurs contribuant à une productivité agricole accrue étaient fournis. De même, les coûts de transaction — imputables au mauvais état des routes, à l’insécurité, à la corruption, etc.— deviennent rapidement prohibitifs dans les zones isolées. En Haïti, un facteur important de différenciation en fonction du lieu de résidence est celui de la proximité de la République Dominicaine, au vu du marché et du potentiel d’exportation que cela représente.

C. STRATÉGIES DE SORTIE DE LA PAUVRETÉ 39. Dans la présente section, nous analysons tout d’abord les facteurs qui déterminent le revenu des ménages ruraux afin de comprendre les stratégies adoptées par ces ménages en Haïti. Ces stratégies sont déterminées par les différents actifs et par le contexte institutionnel examiné ci-dessus. LES DÉTERMINANTS DU REVENU 40. Dans l’ensemble, l’agriculture demeure l’activité économique rurale prédominante, même si le rôle des activités non agricoles et les revenus qui en découlent sont importants. Environ 37,2 % des travailleurs ruraux exercent des activités non agricoles et près de 50 % du revenu des ménages ruraux provient de sources non agricoles. Pas moins de 78 % des ménages ayant accès à la terre ont également accès à une forme quelconque de revenu non agricole. Le revenu d’un travail indépendant constitue la plus importante source de revenu non agricole (et représente 22 % du revenu total des ménages) ; viennent ensuite les envois de fonds qui représentent 15 % du revenu total, tandis que les salaires non agricoles représentent 6 % des revenus ruraux. 41. Dans les zones rurales, les déterminants du revenu sont : la capital humain, l’éducation; l’appartenance à l’un ou l’autre sexe (les hommes étant légèrement mieux payés que les femmes) ; le secteur économique (les salaires pratiqués dans l’agriculture étant inférieurs à ceux de l’industrie, des services et du secteur public) ; le capital social (surtout pour ceux qui sont dans une extrême pauvreté) ; la taille des parcelles ; le titre foncier ; l’accès aux infrastructures publiques, notamment aux routes, à l’eau et à l’électricité ; l’utilisation de techniques agricoles et de facteurs de production agricoles (outils, engrais, pesticides et irrigation) qui améliorent la productivité. 42. Plusieurs secteurs comme l’éducation et l’infrastructure ont un impact significatif sur les revenus ruraux au niveau des ménages. Du point de vue de la croissance, le secteur agricole est un facteur crucial. La production agricole demeure la source de revenu principale et la croissance du secteur peut avoir des effets externes important par rapport au développement rural. Des profits accrus dans l’activité agricole encouragent l’activité économique, ce qui cause des effets dynamiques positifs en permettant aux paysans d’avoir des ressources pour investir dans des actifs

21

Page 22: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

productifs et d’augmenter leurs besoins pour les services, la consommation, etc. Ceci se traduit par la création d’emploi dans le secteur non agricole. L’amélioration de la sécurité alimentaire et de la santé rurale ont également un impact sur d’autres secteurs tels que l’éducation. 43. Le travail est l’actif dont les pauvres sont le mieux dotés et il représente une part importante de leur revenu total. Cependant, le travail des pauvres se heurte à différents types de contraintes qui tiennent au manque de débouchés, aux bas salaires, et à la discrimination salariale dont les femmes sont plus particulièrement victimes. L’étude révèle (Documents d’information n° 2 et n° 5) que de nombreux travailleurs haïtiens sont pauvres en dépit du fait qu’il détiennent un emploi à plein temps. Le taux de chômage dans les zones rurales atteignait 35,6 % en 2001 (Enquête auprès des ménages, 2001), taux inférieur aux chiffres correspondant à la zone métropolitaine de Port au Prince et aux zones urbaines en général. Le défi dont s’accompagne la création d’emplois est donc d’accroître la productivité du travail et d’organiser le marché de l’emploi pour que le niveau des salaires soit suffisant pour permettre à l’employé de faire sortir sa famille de la pauvreté. Cela implique de développer les possibilités d’emploi non agricoles. En Haïti, environ 37,2 % des travailleurs exercent des activités non agricoles (d’un bon ou d’un maigre rapport.) Les femmes ont davantage tendance que les hommes à se consacrer à des activités non agricoles – surtout les femmes rurales dont l’emploi est faiblement rémunéré. 44. L’une des conclusions importantes de l’étude, c’est qu’en Haïti, le fait de vivre dans des zones rurales n’a pas, en lui-même, d’incidence sur la probabilité d’être pauvre. Par conséquent, les caractéristiques propres à un individu et à un ménage sont plus importantes que le fait de résider en milieu rural ou urbain. L’étude a conduit à quelques observations intéressantes au sujet des zones rurales. Comme prévu, l’éducation est le facteur qui contribue le plus à la lutte contre la pauvreté en Haïti. Tous les niveaux d’éducation (du primaire au supérieur) sont très significatifs du point de vue statistique et il existe une corrélation négative entre le niveau d’éducation et la probabilité d’être pauvre. Il existe une corrélation positive entre la taille de la famille et la pauvreté, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, les familles les plus nombreuses étant davantage prédisposées à connaître une extrême pauvreté. L’étude a également permis de constater qu’il existait une corrélation négative entre les migrations (vers les villes ou vers l’étranger) et la pauvreté, les travailleurs migrants ayant, toute chose étant semblable par ailleurs, une probabilité de tomber dans la pauvreté absolue qui est de 18 % inférieure à celle de leurs pairs n’ayant jamais quitté leur lieu de résidence (voir Tableau 7 Probability of Falling into Poverty [Probabilité de devenir pauvre]). Le sexe de la personne à la tête du ménage a également une incidence sur la pauvreté dans les zones rurales, les ménages dirigés par une femme étant davantage sujets à la pauvreté que ceux dirigés par un homme. En outre, la probabilité que les familles rurales dirigées par des femmes soient pauvres est de 9 % supérieure à celles des familles dirigées par des femmes dans le reste d’Haïti. Il a également été constaté que le capital social, défini en fonction de l’appartenance à une organisation, était un facteur très important dans les zones rurales pour échapper à la pauvreté. Les habitants des zones rurales qui appartiennent à des associations locales, à des partis politiques, etc. risquent moins de devenir pauvres. 45. L’appartenance à l’un ou l’autre sexe, l’éducation, la migration, et le lieu de résidence sont autant de facteurs qui ont un coefficient de corrélation positif avec l’emploi non agricole dans les zones rurales. Là aussi, il existe une grande hétérogénéité géographique dans le pays. Par rapport aux travailleurs qui résident dans le Département de l’Ouest, ceux qui résident dans les huit autres

22

Page 23: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

régions ont moins de chances d’être employés dans des secteurs non agricoles. Les habitants des zones rurales de l’Ouest et du Centre ont légèrement plus de chances d’exercer des activités non agricoles de haut rendement que ceux qui vivent en dehors de ces régions. Cela tient probablement à l’existence — dans l’Ouest — d’infrastructures permettant de faciliter les liens entre villes et campagnes (Document n° 2). STRATÉGIES ET MESURES POSSIBLES: 46. Typologie des ménages ruraux. Il ressort clairement des conclusions de l’étude mentionnées ci-dessus, qu’en Haïti comme ailleurs, les ménages ruraux titulaires de portefeuilles d’actifs différents ont recours à des stratégies de subsistance différentes pour maintenir et améliorer leur niveau de vie. L’étude présente aboutit à la proposition suivante de catégorisation des foyers haïtiens: i) ceux qui sont dans une pauvreté extrême, ne possèdent pas de terres et n’ont guère de ressources par ailleurs (éducation, outils, réseaux sociaux) et qui dépendent essentiellement de leur travail non qualifié pour leur survie — ce groupe représente environ 20 % du nombre total des ménages haïtiens (voir Tableau 8); ii) ceux qui n’ont que des biens fonciers très réduits (moins d’un hectare) et une base de ressources faible, qui cultivent leurs terres mais qui s’adonnent en outre à différentes activités non agricoles génératrices de revenus (ils représentent environ 50 % de la superficie agricole totale) ; iii) ceux dont les biens fonciers correspondent à des parcelles de taille moyenne (entre 1 et 4 hectares approximativement) qui vivent essentiellement du produit de leurs terres et qui peuvent faire appel à différents facteurs de production lorsque ceux-ci sont disponibles et louer des outils supplémentaires (ils représentent environ 41 % de la superficie agricole totale); iv) ceux qui disposent de biens fonciers plus importants, et d’une base de ressources plus robuste (outils, engrais, etc.), et qui diversifient leur production en se lançant dans des cultures de plus haut rendement et dans des cultures plus commerciales (ils représentent environ 9 % de la superficie agricole); et v) un groupe restreint de ménages ayant de grandes qualifications acquises dans un cadre structuré et / ou qui dispose d’une solide base de ressources (possession de ressources naturelles, propriétés louées à des tiers, magasin permanents et plus grands etc.) qui peuvent se consacrer à des activités non agricoles de plus haut rendement. La « typologie » suggérée ici ne résume pas à elle seule la situation des familles pauvres en Haiti. Elle est néanmoins utile vu qu’elle permet d’étudier, de prévoir et de mesurer l’impact d’autres facteurs (tels que l’accès aux marchés) que la terre sur les différents groupes sociaux en milieu rural. 47. Choix de mesures appropriées : En ayant recours à la typologie ci-dessus, et aux connaissances recueillies et analysées dans le cadre de cette étude en fonction de zones géographiques spécifiques, il devrait être possible de mieux concevoir et de mieux cibler des mesures et des programmes qui viendraient renforcer les stratégies des ménages. On trouvera ci-après une liste des mesures envisageables : a. Protection sociale / programmes de transfert de ressources: Ces mesures sont indiquées lorsque l’on a affaire à des ménages d’une pauvreté extrême (relevant essentiellement des groupes i et ii mentionnés ci-dessus) qui n’ont pas ou très peu de biens fonciers et qui ne pourront vraisemblablement pas pratiquer une agriculture productive et concurrentielle: 1) transferts monétaires aux ménages dont le potentiel de production est très faible, et notamment aux plus pauvres d’entre eux qui ne sont pas propriétaires terriens et aux «micro-paysans» (personnes âgées

23

Page 24: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

et malades); 2) aide directe dans les domaines de l’éducation, de la santé et d’autres services de base. Pour les ménages extrêmement pauvres, un accès plus prolongé à une éducation de meilleure qualité constitue l’un des moyens d’accroître leurs revenus, d’améliorer leur santé et de réduire la fécondité. Une femme ayant moins de personnes à sa charge risquera moins de devenir pauvre ; 3) les programmes d’aide à l’accès à la terre destinés aux jeunes micro-agriculteurs dont le principal problème tient à l’exiguïté des parcelles dont ils sont propriétaires. Ces programmes pourraient atténuer les cas de pauvreté les plus graves, mais ne ils ne contribueraient que dans une mesure limitée à la lutte contre la pauvreté globale. b. Aide directe à l’accroissement de la productivités agricole: Ces mesures sont destinées à appuyer les ménages ruraux ayant accès à la terre, aux facteurs de production et aux marchés nécessaires à la production agricole, lorsqu’il a été démontré que les rendements étaient liés à une utilisation accrue des divers intrants (groupe iii ci-dessus). Cela pourrait être accompli par le biais de différents types d’interventions, notamment: 1) renforcer la recherche et la vulgarisation ayant pour but d’augmenter la productivité agricole de façon à cibler plus particulièrement ceux qui ont un certain potentiel productif, c’est à dire l’agriculteur moyen (relevant essentiellement des groupes iiet iii) ci-dessus). L’accroissement de la productivité de ce segment de la population serait déterminant pour faire reculer la pauvreté dans son ensemble; 2) promouvoir l’investissement privé dans les zones rurales. c. Renforcement d’un environnement habilitant: Si, comme cela a été dit plus haut, l’éducation revêt une importance toute particulière pour les plus pauvres dans la mesure où elle facilite et accroît leur mobilité, elle devrait être considérée comme une priorité pour tous les résidents des zones rurales qui ont été identifiés ci-dessus. Ainsi, il est bien connu que l’analphabétisme limite considérablement l’aptitude des agriculteurs à absorber l’assistance technique dont ils bénéficient en matière de production agricole ou celle dont ils bénéficient au sujet d’autres activités productives. Outre l’éducation, il y a lieu de traiter les autres domaines dans lesquels il existe des disparités entre haïtiens qui peuvent être résorbées par des mesures politiques (planning familial, accès à la terre, finances rurales, etc.) d. Renforcement de la gestion des affaires et des institutions au niveau local : Comme cherche à le faire la Stratégie d’appui transitoire, un renforcement de la présence des pouvoirs publics dans la vie des habitants ruraux constitue un pas important dans la direction du développement, de la paix sociale et de la stabilité qui sont des éléments essentiels à la croissance. Des institutions de développement aussi bien que des institutions chargées de la sécurité et du maintien de l’ordre et d’autres institutions encore seraient appelées à intervenir. Tous les groupes ruraux bénéficieraient de telles mesures, tout comme en bénéficierait les ressources naturelles d’Haïti. e. Amélioration de l’offre de biens et de services publics et notamment des infrastructures : Que ce soit pour apporter des produits au marché, réduire le temps de déplacement jusqu’aux écoles ou aux dispensaires, ou permettre l’installation d’un moteur électrique destiné à une industrie agro-alimentaire à petite échelle, une offre accrue d’infrastructures et des services publics aurait pour effets d’améliorer la qualité de vie rurale pour toutes les catégories de la population.

24

Page 25: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

f. Limiter les effets des catastrophes naturelles : Les catastrophes naturelles constituent un risque important pour la subsistance et pour la vie des ménages, qu’ils résident en zone rurale ou urbaine. Bon nombre des dernières catastrophes survenues en Haïti (inondations à Fonds Verrettes, Mapou et Gonaives) ont clairement révélé la vulnérabilité toute particulière des bassins versants à l’érosion et leur aptitude à amplifier l’impact des précipitations sur la population, et il est évident que le reboisement des bassins versants et l’adoption de bonnes pratiques en matière d’utilisation des sols sont des domaines d’intervention prioritaires pour le développement, touchant toutes les catégories de population rurale et urbaine. 48. L’important, c’est de choisir le bon dosage de mesures. La liste ci-dessus n’est pas exhaustive et ses éléments ne sont pas mutuellement exclusifs. C’est souvent en adoptant une certaine combinaison de mesures et d’investissements que l’on parvient à la synergie intersectorielle la plus fructueuse et que l’interaction des actions de développement aboutit à des effets tangibles. Cela n’a pas été fait systématiquement dans la présente étude, même si celle-ci définit plusieurs interventions possibles et qu’une évaluation, portant sur trois types d’intervention, a été initiée (voir ci-après). 49. Des tentatives ont déjà été faites dans le passé pour mettre en oeuvre les mesures et les scénarios mentionnés ci-dessus et il est important d’en tirer les enseignements avant d’axer son attention sur des recommandations spécifiques pour l’avenir. ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES APPORTS EXTÉRIEURS OBTENUS DANS LE PASSÉ 50. La présente section est consacrée à une analyse des enseignements tirés des expériences antérieures en Haïti, afin de pouvoir en tenir compte dans le choix des orientations politiques et des activités à mener à moyen et à long terme. Bien qu’elle repose essentiellement sur des évaluations de la Banque mondiale, la pertinence de cette analyse pour l’aide extérieure globale dont bénéficie Haïti (voir par exemple la Banque mondiale, 2002) a été vérifiée lors de consultations avec des homologues haïtiens — notamment lors de différents ateliers participatifs qui ont été organisés dans le pays. Tout d’abord, un mot d’explication sur la portée de cet examen des interventions antérieures. 51. Les principaux enseignements que l’on peut retirer de l’aide extérieure dont a bénéficié Haïti dans le passé peuvent se résumer comme suit : i) les investissements dans le domaine des infrastructures doivent s’accompagner d’un appui institutionnel et être étayés par des stratégies globales de croissance et de lutte contre la pauvreté; ii) lors de la phase de libéralisation économique, les composantes sociales étaient sous-représentées et elles ne se sont pas attachées à traiter des répercutions négatives que pouvait avoir la libéralisation sur le plan social ; iii) il est important de s’assurer de la participation des communautés locales lors de la détermination des priorités de développement, or cela a souvent été omis dans le passé ; iv) la mauvaise gestion des affaires publiques en Haïti constitue un problème auquel les bailleurs de fonds extérieurs doivent accorder toute priorité; v) pour ce qui est des enseignements propres à des secteurs donnés : dans les secteurs sociaux, les ONG ont été jugées efficaces en tant que prestataires de services et sources de financement (même si une telle démarche ne constitue qu’une solution à court terme) ; dans le cas des projets d’infrastructure et des projets environnementaux, les montants consacrés au financement de la maintenance étaient insuffisants et dans l’ensemble, même s’il existe des

25

Page 26: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

possibilités de partenariats entre secteur public et secteur privé, ces possibilités n’ont pas été pleinement étudiées. 52. Résultats des dernières recherches portant sur l’Amérique latine et les Caraïbes. La Banque mondiale a récemment publié un rapport de première importance, fruit de recherches approfondies, sur les preuves de la contribution rurale au développement dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Les conclusions générales suivantes présentent un intérêt dans le cadre de la présente étude sur Haïti : i) il est important de ré-orienter les dépenses qui sont faites actuellement au titre du développement rural et de les affecter à la fourniture de biens publics (éducation rurale, santé et protection sociale, infrastructure rurale, recherche et vulgarisation, protection environnementale et interventions ciblées pour lutter contre la pauvreté ); ii) la libéralisation des secteurs « sensibles », qui ne sont pas concurrentiels, devrait se faire (s’est faite dans le cas d’Haïti ?) progressivement, et les petits agriculteurs qui travaillent dans ces secteurs devraient bénéficier d’une assistance technique et d’une garantie conditionnelle de revenus pour leur permettre de restructurer leurs activités; iii) les mesures adoptées devraient faciliter l’accès à un ensemble d’actifs. Le report souligne également l’importance du facteur géographique dans les efforts de développement régional et parvient aux conclusions suivantes : i) les politiques de développement régional doivent faire l’objet d’une coordination avec la stratégie nationale de développement économique ; ii) une recherche analytique préalable est nécessaire pour s’assurer du bien-fondé des hypothèses qui sous-tendent les interventions de développement régional ; iii) la patience est essentielle—les objectifs à long terme doivent être privilégiés ; iv) les régions peuvent être appelées à se remettre en question périodiquement si elles veulent continuer à être concurrentielle. Les conclusions ci-dessus s’inscrivent tout à fait dans la logique d’autres études réalisées par la Banque mondiale sur les moteurs de la croissance rurale dans la Région Amérique Centrale. 53. L’assistance extérieure telle qu’elle s’est opérée en Haïti : la Banque mondiale a joué un rôle de premier plan dans la coordination des bailleurs de fonds à un haut niveau, après 1994, mais d’une façon générale, la coordination des politiques et des activités sectorielles des bailleurs de fonds dans le pays a laissé à désirer. Toute la difficulté de faire en sorte que les efforts des uns et des autres se renforcent mutuellement tient au choix des priorités, à la répartition des responsabilités en fonction des avantages comparatifs de chacun et à l’adoption de démarches conjointes sur le terrain. Le Cadre de coopération intérimaire (CCI) et la Stratégie d’appui provisoire de la Banque mondiale sont les conséquences directes des enseignements tirés des interventions antérieures. Le Cadre de coopération intérimaire qui prévoit des réunions régulières des groupes sectoriels offre l’occasion de renforcer la coopération entre bailleurs de fonds et pouvoirs publics, ainsi qu’entre bailleurs de fonds. 54. Les enseignements mentionnés ci-dessus et les données qui commencent à se dégager de l’étude ont été transmis aux partenaires locaux en Haïti à différents stade de la réalisation de l’étude et un ensemble de recommandations a été identifié portant sur la direction générale des politiques et sur certaines priorités d’investissement spécifiques. Ces recommandations sont récapitulées dans les sections suivantes du rapport.

26

Page 27: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

D. POLITIQUES ET INVESTISSEMENTS

55. Les sections suivantes récapitulent les conclusions des consultations organisées pour déterminer comment passer du diagnostic et des résultats analytiques de l’étude à des recommandations concrètes sur les actions envisageables et sur les investissements possibles. On trouvera tout d’abord une description du contexte particulier d’Haïti où des interventions à moyen et à long terme, faisant davantage appel à des institutions publiques, devraient venir en complément des interventions d’urgence auxquelles on assiste actuellement et dont la prépondérance est compréhensible. À moyen terme, il est ensuite proposé, à partir des stratégies de subsistance des ménages, — de regrouper l’aide du secteur public autour de « pôles de croissance» agricoles, ce qui pourrait constituer une étape importante pour le développement rural en Haïti, en attendant que les sources de revenus se diversifient et soient plus mobiles. Les fondements de cette hypothèse sont ensuite testés lors d’une discussion du potentiel disponible pour l’intensification de l’agriculture. 56. Une stratégie double: La Stratégie d’appui transitoire de la Banque mondiale fixe deux axes stratégiques : i) satisfaire les besoins essentiels et urgents, et ii) promouvoir des activités génératrices de revenus. Les données présentées dans cette étude peuvent aider à classer les interventions de nature multi-sectorielle par ordre de priorité afin de renforcer l’effet de synergie de ces interventions et d’en assurer la réussite. Dans les sections suivantes, le rapport présente, de façon plus détaillée, des recommandations sur l’utilisation durable de l’espace rural à des fins agricoles et à des fins de préservation des écosystèmes. Cela correspond à la philosophie de la Stratégie d’appui transitoire, ainsi qu’à la stratégie globale qui sous-tend d’autres interventions bénéficiant d’un financement de la Banque mondiale en Haïti, en particulier les interventions de développement ayant les communautés locales pour moteur. Venant en complément des activités de développement de proximité, les interventions ci-après seraient de nature à renforcer la capacité des autorités centrales et locales à fournir des biens publics qui maximiseraient les avantages que les communautés individuelles retirent d’un appui consenti au titre du développement de proximité. 57. « Pôles de croissance ». Il existe un consensus sur la nécessité de créer une synergie entre les différents types d’intervention (infrastructure, santé, éducation, production agricole etc.) mises en oeuvre pour aider au développement rural en Haïti. Comme c’est le cas dans n’importe quel autre pays, l’espace rural haïtien est d’une grande variété et l’un des objectifs de la présente étude était de commencer à saisir cette diversité, ne serait-ce que pendant la phase de diagnostic. Les données recueillies dans la présente étude ont été ventilées, dans toute la mesure du possible, selon des lignes de géographie administrative (par exemple par département ou par commune) ou selon des entités agro-écologiques. Plusieurs cartes figurent à la fin de ce rapport. En outre, un «Aperçu des données spatiales » a été préparé en tant que document de référence (voir Document n° 8) en ayant recours à une grande variété de données spatiales. En associant des renseignements sur les questions démographiques, sur les conditions socio-économiques, sur l’emplacement des infrastructures et des principaux centres urbains, sur la qualité des sols et sur les conditions agro-écologiques à des schémas d’utilisation des sols, à des systèmes de culture et à des risques d’érosion, et en intégrant également des renseignements sur les institutions locales et sur des conflits fonciers, il devrait être possible de réaliser des évaluations différenciées selon les lieux, du potentiel de croissance et du potentiel de réduction de la pauvreté dans les zones rurales en Haïti.

27

Page 28: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

En outre, les données collectées et les analyses préliminaires devraient nous permettre de mieux prévoir l’impact potentiel des politiques et des investissements dans des domaines spécifiques. Bien que nous n’ayons pas essayé d’identifier des zones spécifiques pour faire apparaître leur potentiel économique plus ou moins élevé, nous avons toutefois essayé d’incorporer certains aspects d’un potentiel différencié en fonction de données spatiales dans certains aspects de nos analyses. Dans une première étape, des critères agro-écologiques ont été appliqués pour l’identification des zones à haut potentiel. Pour l’identification des pôles de croissance des critères additionnels seront inclus tels que l’accès aux marchés, transport, infrastructure et la logique d’aménagement du territoire. 58. Etant donné qu‘Haïti est caractérisé par des conditions agro-écologiques diverses et un potentiel agricole différencié quant à l’existence d’infrastructure, la nature des bassins versants etc., une approche par micro-region et centrée autour de pôles de développement pourrait être envisagée. Ceci signifie qu’une stratégie multi-sectorielle serait développée pour les régions identifiées suivant leur potentiel de croissance agricole (cultures et élevage). Les domaines d’appui incluent des activités telles que l’infrastructure, la gestion des ressources naturelles et le renforcement de services agricoles (recherche, formation, vulgarisation.) Les micro-régions pourraient regrouper plusieurs communes qui partageraient des caractéristiques telles que a) des conditions agro-écologiques communes et potentiel de croissance agricole, b) un bassin versant commun et/ou le besoin de cogestion des ressources naturelles, c) des marchés communs et liés par des systèmes de transport, et d) une ville qui peut servir comme centre d’activités économiques. Dans quelques unes des régions il y a des centres de recherche sous la responsabilité du MARNDR. En outre, les activités locales et celles d’autres bailleurs de fonds devront être prises en considération. 59. Les sections suivantes sont une analyse plus approfondie de la production agricole en tant que dimension de la croissance rurale en Haïti. Cette analyse tient ensuite lieu ensuite de cadre pour la présentation de quatre interventions éventuelles du secteur public à l’appui de ce moteur de la croissance. SYSTÈMES DE PRODUCTION AGRICOLES EN HAITI ET POSSIBILITÉS D’INTENSIFICATION: 60. En raison de la variété des conditions agro-climatiques, Haïti peut produire une vaste gamme de produits destinés aussi bien à être vendues qu’à assurer la subsistance des agriculteurs. Les systèmes d’exploitation utilisés traduisent les multiples objectifs de subsistance des agriculteurs haïtiens et leur stratégie d’adaptation aux conditions locales. Ces systèmes recouvrent les cultures les plus diverses, exploitées le plus souvent en association avec d’autres, sur de petites propriétés (1,8 hectare en moyenne) qui se présentent sous la forme de petites parcelles dispersés; ces systèmes sont complexes et très différents selon les zones agro-écologiques. 61. En Haïti, de nombreuses régions se prêtent à la producion agricole (niveau de précipitations suffisant, bonne fertilité des sols, irrigation, etc.) (voir carte 5 — Zones agro-écologiques). Dans chacune de ces régions, on trouve des cultures «locomotives» ou des cultures associées ayant potentiellement une forte valeur ajoutée qui peut être encore améliorée afin de

28

Page 29: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

satisfaire la demande locale et la demande des marchés extérieurs, aussi bien que les besoins de subsistance des agriculteurs. Il y a de bonnes chances pour que la production de ces cultures et des cultures associées augmente rapidement (d’autant que jusqu’à présent les agriculteurs ont eu très peu recours à la technologie) pour autant que l’agriculture et les activités connexes puissent bénéficier d’un environnement habilitant et d’un soutien technique efficace. En effet, comme le montre amplement l’histoire d’Haïti dans le domaine agraire, les agriculteurs haïtiens sont travailleurs, innovateurs, et ils réagissent aux signaux du marché. Mais la plupart d’entre eux sont pauvres et connaissent une très grande insécurité alimentaire. Par conséquent leurs stratégies de subsistance et de survie dépendent non seulement de leurs revenus monétaires mais également et surtout d’une agriculture de subsistance et de l’atténuation des risques. Il est d’une importance critique de tenir compte de ces facteurs liés au comportement lorsqu’on formule des recommandations au sujet de stratégies de production. 62. La présente analyse des systèmes de culture (Document n° 3) a été préparée pour les différentes zones agro-écologiques d’Haïti — hauts plateaux humides, basses terres irriguées et pluviales (humides) et zones sèches et semi-arides — présentant un certain potentiel. L’analyse porte plus particulièrement sur : i) la valeur ajoutée de la production agricole afin d’en évaluer la rentabilité par hectare et de voir où se situe l’avantage comparatif d’Haïti ; ii) la rémunération du travail afin d’évaluer ce qui peut inciter les agriculteurs à se lancer dans des activités agricoles plutôt que dans d’autres activités tant dans le pays qu’à l’étranger ; et iii) d’autres critères, tels le montant de la production, afin de déterminer comment les systèmes de cultures peuvent répondre au mieux à l’objectif de subsistance de l’agriculteur. 63. Les recommandations générales qui ressortent de l’analyse ci-dessus en matière d’intensification agricole sont les suivantes : Accorder la priorité aux cultures qui satisfont à la fois aux stratégies de subsistance directe

des agriculteurs et à leur stratégie de revenus monétaires ; c’est le cas des bananes, du manioc et des ignames, ainsi que des légumes. Veiller à encourager les associations de cultures qui sont généralement plus productives

que ne peut l’être une seule culture dans l’état actuel des techniques utilisées en zones rurales en Haïti, les cultures «locomotives» pouvant consister soit exclusivement en des cultures de rapport (café et cacao), soit en des cultures combinant produits de subsistance et produits de rapport (bananes, maïs, tubercules, etc.) Pratiquer la monoculture seulement dans la mesure où des améliorations sont apportées à

ces cultures (par exemple, le riz et le maïs, en ayant recours à de nouvelles variétés ayant deux cycles de production); Promouvoir la production de fruits (mangues, avocats, agrumes, etc.) qui sont très

intéressants aussi bien du point de vue du rapport monétaire que sur le plan de la subsistance, et cela d’autant plus qu’ils contribuent à améliorer l’état de l’environnement. Promouvoir les cultures qui correspondent à un créneau particulier (produits haut de

gamme, produits organiques, produits faisant l’objet d’une commercialisation équitable, produits verts, etc.) qu’ils s’agisse de produits traditionnels (café, cacao, aromates) ou de nouveaux produits (noix de cajou, certains fruits, des plantes ornementales, etc.) puisqu’il existe actuellement de bons débouchés pour ces produits.

29

Page 30: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

64. Des recommandations techniques détaillées peuvent être définies par zone agro-écologique et par département, comme cela est indiqué aux tableaux 8 à 11. Ces recommandations devraient constituer la base à partir de laquelle organiser la recherche appliquée et la vulgarisation, ainsi que les programmes de formation des agriculteurs. De façon générale, elles portent sur des technologies simples notamment a) le recours à des engrais chimiques de base pour accroître la teneur des sols en éléments minéraux et restaurer la fertilité des sols ; et l’application de pesticides de base afin de réduire le risque de pertes (et notamment de pertes après récolte) du à de mauvaises conditions climatiques ; b) l’utilisation de variétés améliorées pour accroître la productivité des plantes (variétés résistant à la sécheresse, variétés qui ne sont pas photosensibles, greffes en arboriculture, etc.); c) les techniques visant à améliorer la productivité du travail (traction animale par exemple) en particulier pendant les périodes critiques du cycle de cultures lorsqu’il est impératif de pouvoir disposer de main d’oeuvre ; et d) amélioration du capital productif dans le domaine agricole, en particulier en ce qui concerne les instruments destinés au labour et les installations nécessaire à la maîtrise de l’eau. Des investissements dans les domaines ci-dessus mentionnés pourraient produire rapidement des résultats et favoriser une augmentation de la productivité à long terme, mais seulement à condition de créer simultanément un environnement habilitant au niveau des infrastructures rurales (routes, maîtrise de l’eau, communications, etc.) et à condition que les agriculteurs puissent disposer d’informations commerciales. 65. Deux mises en garde quant à la recherche d’une croissance agricole. Tout d’abord, comme cela a été mentionné ci-dessus, certains des petits propriétaires terriens ou des habitants des zones reculées et marginales ne parviendront probablement jamais à échapper à la pauvreté par une amélioration de la productivité agricole. Ce dont ils ont probablement besoin c’est d’une combinaison d’assistance directe et de valorisation du capital humain et social (éducation, santé, institutions locales, etc.) Deuxièmement, même là où il existe un potentiel d’accroissement de la productivité susceptible d’engendrer la croissance et une amélioration du bien-être des haïtiens des zones rurales, une telle amélioration dépendra largement de la conjonction de deux éléments : l’existence d’actifs complémentaires et la possibilité de pouvoir disposer d’appuis provenant de secteurs non-agricoles. Il n’entre pas dans le cadre de la présent étude d’examiner la possibilité de développer encore davantage chaque secteur clé (éducation, santé, infrastructure etc.). Toutefois, les données examinées lors de cette étude ont permis d’identifier différentes mesures et interventions qui – bien qu’elles se situent dans le secteur des ressources agricoles/naturelles—pourraient très bien se rattacher à des interventions multi-sectorielles. Ces mesures sont présentées dans la section suivante qui constitue également la section finale de ce rapport. TROIS INTERVENTIONS POTENTIELLES POUR FAIRE LA DIFFÉRENCE SUR LE TERRAIN : 66. Les résultats du diagnostic préliminaires de l’étude ont été passés en revue avec différentes parties prenantes intérieures et extérieures dans le secteur du développement rural en Haïti (voir annexe 4) ainsi que les initiatives récentes et proposées dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la gestion des ressources naturelles et du développement agricole. L’objectif visé

30

Page 31: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

consistait à obtenir une certaine orientation en vue de traduire les résultats en politiques concrètes et en interventions sur le terrain. Tout d’abord, un ensemble de critères généraux émerge de ces échanges de vues concernant les prochaines étapes concrètes : i) celles-ci devraient, si possible, appuyer les sources actuelles de croissance agricole en vue d’une diversification future ; ii) elles devraient permettre un appui multisectoriel en vue de renforcer les ménages dans leurs stratégies de croissance (capital social et humain, infrastructure, etc.) ; iii) elles devraient être compatibles avec les priorités d’intervention du CCI et de la Stratégie d’appui transitoire et elles devraient plus particulièrement compléter les actions de développement ayant la population locale comme moteur. Les domaines d’intervention suivants se renforcent mutuellement et offrent diverses possibilités de liaisons avec les interventions multisectorielles complémentaires. On les relève ici à titre de propositions concrètes pour la mise en oeuvre de certains des résultats de la présente étude. Pour terminer l’identification de ces activités, il faudrait se concerter davantage et procéder à de nouvelles études sectorielles – et déterminer également les domaines d’intervention prioritaires. 67. Les trois interventions potentielles sont récapitulées ci-dessous, leur justification est présentée plus en détail à la section suivante et leur conception est développée dans les documents 4, 6 et 7 :

i) Soutien aux centres régionaux de services ruraux : Mettant à profit les succès passés en matière de recherche agricole décentralisée, les centres régionaux seront rapidement réhabilités et pourvus en personnel nécessaire pour apporter l’appui qui pourrait si possible relancer la production agricole, et commencer à offrir un ensemble de services supplémentaires au-delà de la technologie agricole (alphabétisation des adultes, financement, etc.) Bien que les propositions de la présente étude aient certaines implications au niveau institutionnel, elles ont un cadre bien spécifique qui n’inclut pas la restructuration du secteur agricole ou du Ministère de l’Agriculture. Ces questions globales font l’objet d’autres études exécutées par le Gouvernement d’Haïti et ses partenaires dans le cadre du CCI. ii) Soutien aux plans de développement régional et à leur mise en oeuvre : Cette activité se basera sur l’expérience actuelle en matière de plans de développement participatif au niveau local en Haïti. Ces plans ont des objectifs multiples (croissance économique, éducation, santé, utilisation des terres, atténuation des risques, etc.) et peuvent constituer un outil idéal pour l’échelonnement des interventions multisectorielles identifiées dans la présente étude. Une dizaine d’études régionales sont prêtes à être évaluées et à faire l’objet de travaux de conception sectoriels accrus ; iii) Accroissement des apports de fonds à l’espace rural : Les apports financiers au secteur rural provenant de sources relativement durables constituent l’un des principaux sujets de préoccupation dans la mise en oeuvre d’interventions précises. Deux interventions sont proposées : i) la promotion des investissements privés à travers un soutien apporté par le secteur public aux « alliances » entre les petits producteurs et les acheteurs de leurs produits ; et ii) l’établissement d’un fonds de dotation de l’environnement qui récompenserait régulièrement les habitants des zones rurales pour les efforts qu’ils consacrent à la mise en oeuvre des plans de développement régional en vue de promouvoir la conservation et l’utilisation durable des terres.

31

Page 32: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

68. Il convient de définir davantage les activités présentées dans la section suivante (ainsi que d’autres domaines d’intervention éventuels) dans un cadre multisectoriel et spatial avant qu’elles ne soient prêtes pour leur mise en oeuvre effective. Les données produites et analysées dans le cadre de la présente étude devraient servir à déterminer les mesures à prendre en vue d’achever la conception de stratégies et d’interventions spécifiques. Il y a lieu de rappeler que ces activités ne suffiront pas en elles-mêmes à résoudre le problème du développement rural en Haïti. Dans l’esprit des précédentes sections de cette étude, ces activités devraient plutôt être perçues soit comme un moyen de mettre en place des programmes d’interventions multisectorielles en appui aux stratégies adoptées par les ménages pour sortir de la pauvreté, soit comme une contribution à ces programmes. ACTIVITÉ 1 : Soutien aux centres régionaux de services ruraux 69. Justification : De nombreuses régions en Haïti offrent de bonnes possibilités agro-écologiques de production agricole. Dans ces régions on trouve des cultures à haute valeur ajoutée pouvant satisfaire la demande locale et extérieure, ainsi que les besoins de subsistance des paysans, et servir de moteur de croissance pour l’économie locale. Cette situation est conforme aux éléments prioritaires de la stratégie de subsistance des pauvres présentée plus haut. Pour augmenter la production de ces cultures « locomotives », les exploitants agricoles ont besoin d’un environnement propice et d’un appui technique efficace (voir tableaux 8 à 11). Dans bien des cas, cet environnement propice doit être créé, dans la mesure où l’on a laissé se dégrader l’infrastructure rurale, les routes et les ouvrages d’irrigation en particulier. Cette infrastructure est cependant en train d’être rénovée avec le démarrage de projets financés par des concours extérieurs au titre du programme global du CCI. En ce qui concerne l’appui technique, les services nationaux de recherche et de vulgarisation agricoles du MARNDR ont longtemps perdu leur niveau d’efficacité requis. Sur la cinquantaine de centres relativement opérationnels qui constituaient ce système à la fin des années 80, onze seulement sont actuellement opérationnels. Il est proposé, parmi les recommandations de la présente étude, de rénover certains de ces centres afin qu’ils servent de centres régionaux de l’excellence, offrant une vaste gamme de services aux exploitants agricoles. 70. Les ateliers participatifs organisés au sein de la présente étude ont confirmé quelques unes des leçons qui peuvent être tirées du développement des centres de recherche en Haïti au cours des années passées. En particulier, quand les premiers centres furent établis, ils manquaient d’une approche qui prend en compte les stratégies et pratiques des paysans. Par ailleurs, le secteur privé était généralement absent des initiatives de ces centres. Depuis, il s’est formé un consensus autour de certaines nécessités pour que ces centres soient utiles : continuité à long terme de l’engagement de l’État, contrôle par les communautés de la planification et l’exécution de l’assistance technique, ainsi que dans la définition des priorités de la recherche appliquée et de la formation. Ces aspects doivent être pris en compte dans les activités de réhabilitation des centres. 71. Programmes de recherche et de vulgarisation : Les centres seront certes polyvalents, mais il faudra accorder la priorité à la recherche agricole et à la vulgarisation, en raison de la vocation historique de ces centres et de l’importance que revêt l’agriculture dans l’économie ménagère rurale. Il faudrait les développer de manière participative en évaluant les besoins des exploitants agricoles par rapport aux débouchés qui existent et par rapport à leurs besoins de

32

Page 33: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

subsistance. Ces centres devraient cibler les actions prioritaires portant sur les cultures «locomotives» pouvant entraîner des augmentations rapides du revenu des producteurs, dans le cadre d’un engagement à long terme en faveur de systèmes d’exploitation durables. Les programmes seront mis en oeuvre en étroite coopération avec tous les acteurs, à savoir, les ONG, le secteur privé, les universités, etc. Au delà de la recherche agricole, les centres régionaux doivent adopter une démarche multisectorielle et aller au delà de la recherche agricole et de la vulgarisation qui sont leur domaine de concentration traditionnel sans surcharger le mandat des centres. Ils doivent s’intéresser à une gamme plus large des questions de développement rural en Haïti, notamment la formation en gestion des ressources naturelles mais également l’appui aux organisations d’exploitants agricoles par l’appui-conseil et l’information sur les marchés et prix. Par rapport aux alliances productives, les centres doivent contribuer à créer et définir les règles du jeu, mais ne devraient pas être impliqués dans les sous-projets eux-mêmes en tant qu’acteur d’une alliance. De manière générale, ils doivent répondre à la demande de services publics par les exploitants agricoles dans les domaines de la formation, de l’information sur les marchés, de la recherche appliquée, et d’un large éventail de questions techniques. 72. Dispositions administratives. Les centres continueront de relever de la compétence du MARNDR mais en ayant un statut administratif et financier autonome, permettant la participation des parties prenantes de la société civile, des institutions des collectivités locales et du secteur privé à leur administration, le Directeur Départemental de l’Agriculture assurant la présidence du conseil d’administration du centre. Le directeur du centre dépendrait de la direction centrale du Ministère de l’Agriculture. La réhabilitation et le renforcement effectifs des centres prendront la forme d’un « projet » bénéficiant d’un appui provisoire qui serait ensuite « absorbé » par des sources de fonds durables. ACTIVITÉ 2 : Soutien aux plans d’aménagement du territoire et à leur mise en oeuvre 73. Justification : Le paysage agricole est de plus en plus façonné par la dégradation de l’environnement. La population rurale vit souvent dans un cercle vicieux, l’extrême pauvreté des agriculteurs entraînant la surexploitation des ressources naturelles et des sols au-delà de la capacité des ressources à se régénérer, ce qui à son tour constitue un facteur clé de perpétuation de la pauvreté. La vulnérabilité des sols, conjuguée au manque de moyens techniques et financiers, se traduit par l’adoption de pratiques non durables par les producteurs et par l’accroissement de l’érosion. La pression démographique pousse les agriculteurs à étendre les cultures à des zones impropres à l’agriculture. Ces zones représentent 20 à 30 % de l’ensemble des terres cultivées et 44 % de la superficie du territoire. 74. Haïti est tout particulièrement exposée à l’érosion puisque près des deux tiers des zones rurales ont une pente de plus de 20 %, et 40 % des terres se situent à une altitude supérieure à 400 mètres. La principale conséquence de cette situation est l’érosion des sols (36,6 millions de tonnes ou 12 000 hectares par an) et, par conséquent, une perte annuelle de productivité comprise entre 0,5 et 1,2 %5. Soixante quinze pour cent des terres cultivées, qui sont essentiellement situées 5 L’exactitude des chiffres concernant la dégradation des sols n’est pas toujours établie, faute de données actualisées. Ils peuvent cependant donner une idée de l’ampleur du problème.

33

Page 34: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

sur les collines, n’ont pas d’arbres ou de couvert forestier et 25 des 30 bassins versants principaux du pays sont largement, voire entièrement déboisés. Il faudrait tout naturellement adopter l’option de l’aménagement à l’échelle du bassin versant comme l’une des principales options pour le développement rural. En outre, cette approche facilite l’intégration des causes multisectorielles de dégradation des ressources naturelles, mais également une vaste gamme d’intervenants bénéficiant d’une stratégie d’aménagement durable des bassins versants. Au nombre de ces intervenants figurent les villes et les villages qui sont tributaires des ressources naturelles pour satisfaire leurs besoins en eau, en bois de feu et autres formes d’énergie. Cette activité s’inscrirait dans le droit fil des stratégies visant à faire face aux principaux domaines de risque (notamment les catastrophes naturelles) ainsi qu’à accroître les possibilités de revenus par une option d’aménagement du territoire. Haïti a de l’expérience dans le domaine de la préparation de ces plans et, même si au départ ces plans constituaient essentiellement un outil de planification de l’utilisation des terres ou de gestion des ressources naturelles—ils ont évolué rapidement pour devenir des instruments globaux de développement multisectoriel capables de répondre à chacune des priorités des communautés locales en matière de développement. 75. Objectifs et activités : L’approche intégrée de la planification du développement communal fondée sur la mise en place de mécanismes institutionnels décentralisés et participatifs pour l’élaboration et la coordination des plans de développement local représente une telle stratégie multisectorielle. L’aménagement du territoire et la gestion des bassins versants permettent un type d’option qui intègre la conservation des sols et l’utilisation durable des terres tout en tenant compte des besoins et des priorités de la population qui va au-delà de l’environnement agricole et naturel pour s’intéresser à l’éducation, la santé, les infrastructures et autres. En conséquence, un tel programme ne concerne pas seulement un Ministère (tel le MARNDR) mais le leadership devrait être partagé avec d’autres instances telles que le Ministère de la Planification. Les plans sont élaborés en coordination avec la commune et intègrent les plans de développement local au niveau du bassin versant afin d’assurer la coordination et le consensus par le biais de plans d’aménagement participatifs. À titre de stratégie durable de conservation des sols, l’aménagement des bassins versants et l’agroforesterie ciblent les pratiques paysannes tout en prenant en compte l’impact économique pour le producteur. Les activités d’aménagement du territoire spécifiques à la gestion durable des ressources naturelles comprennent : i) les plantations dans le domaine de l’agroforesterie qui visent à augmenter les revenus, rehausser la valeur de la terre et introduire des systèmes de production modifiés ; ii) la conservation de l’eau et l’irrigation ; iii) le traitement des ravins et des rivages pour réduire les effets néfastes de l’érosion en aval ; iv) la formation des agriculteurs au traitement de leurs terres ; et v) la formation et le renforcement des capacités des décideurs et des communes locales aux différents niveaux. Une fois que le lien entre les stratégies sectorielles locales et nationales aura été établi, on pourrait ajouter à ces activités d’autres qui visent spécifiquement les secteurs non agricoles tels que l’éducation, la santé et les infrastructures. Enfin, il n’est pas inutile de souligner la possibilité prometteuse de mettre en oeuvre une politique conjointe d’aménagement de bassins versants entre Haïti et la République Domincaine dans leur zone frontalière. ACTIVITÉ 3 : Accroissement des apports de fonds à l’espace rural 76. Contexte : Pour appuyer des activités telles que celles présentées plus haut, on aura besoin de fonds d’investissement importants dont le montant est évalué et prévu dans le cadre de la mise

34

Page 35: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

en oeuvre du CCI. Mais il ressort de l’examen des enseignements tirés de l’expérience haïtienne ainsi que de la situation des ménages et des réactions escomptées des pouvoirs que l’instrument d’accroissement de la capitalisation de l’espace rural est tout aussi important que le volume des investissements. En particulier, cette section présente deux programmes potentiels qui — bien qu’ayant été examinés de temps à autre dans le passé — mériteraient que l’on envisage sérieusement d’appuyer. Le premier porte sur la promotion des investissements du secteur privé dans l’espace rural par l’intermédiaire d’« alliances » en vue de renforcer la productivité agricole. Le second programme vise des objectifs à plus long terme d’utilisation durable des terres et de réhabilitation des ressources naturelles, par la mise en place d’un fonds de dotation pour récompenser les populations rurales pour les « services d’environnement » qu’elles fournissent. Ces deux programmes ou instruments financiers proposés répondent en partie aux conclusions de l’étude concernant le renforcement des stratégies de ces populations en vue d’une utilisation optimale des ressources pour améliorer leur bien-être. Ces programmes sont présentés brièvement dans les sections qui suivent. Soutien aux alliances productives rurales 77. Justification : L’analyse de l’économie rurale présentée dans ce rapport fait ressortir la nécessité manifeste d’un accroissement des investissements dans les activités de production rurale (document no 1). S’il est permis de croire que certains de ces investissements devraient surtout relever du secteur public (recherche, infrastructures publiques, etc.) les investissements privés ont aussi un rôle fondamental à jouer. Le secteur rural des affaires (commerce, transformation et exportations) est constitué par quelques petites entreprises sous-capitalisées, dont de nombreuses commerçantes rurales (Madame Sarah) et quelques associations d’agriculteurs. La situation n’a pas toujours été ainsi. L’embargo des États-Unis et la forte concurrence internationale après la levée de l’embargo en 1994 ont effectivement ruiné une grande partie de la classe moyenne pratiquant le commerce de produits agricoles et la transformation. Comme le montre en détail le document no 4, pour permettre au monde rural de devenir compétitif, il faudra améliorer les liens entre les producteurs et les marchés et régler un certain nombre de questions structurelles essentielles en Haïti. La présente activité serait en phase avec les résultats de la partie diagnostic de l’étude sur l’insécurité relative (y compris financière) des petits exploitants agricoles sur le marché. Ceci vient s’ajouter au manque généralisé de financements pour les pauvres de quelque source que ce soit. 78. Objectifs et activités : On appuiera la mise en place de partenariats entre des groupes de petits exploitants et le secteur privé avec l’appui de différents intervenants (organismes publics, ONG, autres membres de la chaîne de production). Les partenariats visent à créer des activités économiques dans lesquelles tous les partenaires investissent et assument les risques et en tirent profit. Ces activités cherchent à produire un revenu, créer des emplois et promouvoir la cohésion sociale des communautés rurales pauvres, d’une manière économique et écologiquement durable. Tandis que les centres peuvent jouer un rôle dans la mitigation des risques par la formulation de règles et ainsi augmenter le niveau de la sécurité des acteurs, il est clair que d’autres contraintes spécifiques au contexte national comme les problèmes d’insécurité (des biens et des personnes), les dysfonctionnements de la justice et la profonde asymétrie (de formation, d’information) entre les producteurs agricoles et les entrepreneurs agro-industriels en aval des filières persistent et doivent être considérés dans l’élaboration du système des alliances productives..

35

Page 36: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

79. Comme on l’a vu plus haut, il existe des possibilités importantes de relier les producteurs aux marchés.

i.Plusieurs cultures ou activités pourraient bénéficier de liens plus étroits entre les producteurs et les marchés. Il s’agit notamment du café, du cacao, des mangues, des huiles essentielles, des légumes pour les supermarchés et l’exportation, de la volaille pour les oeufs et de la viande, des produits laitiers, des tomates pour la transformation industrielle et d’autres produits alimentaires. On trouve déjà quelques partenariats dans la chaîne de préparation et de commercialisation de certaines cultures telles que le café (Haitian Blue) et l’exportation des mangues ;

ii.Ces cultures sont souvent produites par un large éventail d’agriculteurs et de paysans pratiquant l’agriculture de subsistance. Les exploitations de taille moyenne ne s’intéressent à la spécialisation dans certaines cultures que si le régime de propriété foncière le permet ;

iii.Le secteur agroindustriel s’intéresse également à une offre régulière de produits de bonne qualité. La difficulté tient à l’état médiocre des infrastructures qui ne permet pas la liaison entre les sources de l’offre et de la demande, au manque de capitaux pour acheter, transporter, transformer, stocker et vendre et la faible organisation des producteurs ;

iv.Le secteur bancaire serait plus ou moins disposé à accorder des prêts à l’agro-industrie si celle-ci pouvait présenter de meilleures formes de garantie et des programmes de remboursement fiables. La SFI aimerait bien investir dans les entreprises rurales d’Haïti si les risques pouvaient être réduits.

v.Au dela de l’appui aux partenariats dans un pôle de croissance, des interventions transversales concomitantes sont nécessaires à la réussite des alliances et doivent être mises en œuvre au niveau central du Gouvernement telles que l’établissement de normes et mise en place d’un système de contrôle de qualité, renforcement des services de quarantaine et de la protection zoo-phytosanitaire.

80. Les partenaires potentiels figurent au tableau 12. Un Fonds de réhabilitation de l’environnement pour Haïti 81. Justification : L’une des principales causes indirectes de la dégradation des ressources en Haïti est l’absence de ressources financières durables pour appuyer les actions tant publiques que privées (voir le document no 6). Des ressources financières durables — même modestes — sont indispensables à la réalisation des objectifs ci-après : Assurer la viabilité des résultats positifs enregistrés par un financement de projet ponctuel à court terme ; Assurer un niveau minimum relativement constant de financement des dépenses d’environnement, qui sont souvent les premières victimes des réductions en cas de contraintes budgétaires ; Diversifier et amplifier les sources de financement pour la protection de l’environnement, en complément des rares ressources budgétaires. Cette activité offrira une source régulière de financement pour permettre l’utilisation durable de la terre et des ressources naturelles en général, en appuyant les stratégies de subsistance des pauvres, en renforçant leurs revenus et en encourageant l’entretien et la réhabilitation de leur unique bien — la terre.

36

Page 37: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

82. Objectifs et activités : L’initiative proposée ici vise à aider Haïti à mettre en place un Fonds de réhabilitation de l’environnement en tant qu’élément clé pour la mise en oeuvre du Plan d’action environnemental. Le principal objectif du Fonds consiste à fournir un niveau durable de fonds pour financer les actions tendant à réduire, et inverser à la longue, la dégradation des ressources naturelles en Haïti — afin de promouvoir le développement économique durable. Pour créer un véritable Fonds à large assise, il faudrait exécuter un certain nombre d’activités, consistant notamment à : i) appuyer les institutions gouvernementales et non gouvernementales en rédigeant les statuts et les règlements portant création du Fonds ; ii) constituer un conseil d’administration composé de manière équilibrée de représentants du gouvernement et d’autres groupes, y compris les milieux universitaires, la société civile et les ONG ; iii) élaborer pour le Fonds un plan d’action stratégique qui soit à la fois progressif et réaliste ; iv) préparer un manuel opérationnel pour la mise en oeuvre de la première tranche de financement et des interventions prioritaires (5 à 10 ans) ; v) lancer des campagnes de mobilisation des ressources pour financer le capital du Fonds. Ces campagnes viseront à mobiliser des financements de sources locales et internationales — y compris les recettes publiques, les contributions des bénéficiaires des services environnementaux, les dons locaux et extérieurs, les fonds pour l’environnement mondial (FEM, Fonds carbone, etc.) — ainsi qu’à former et appuyer l’équipe de gestion du Fonds et certains de ses partenaires clés du secteur public et de la société civile.

E. CONCLUSIONS et PROCHAINES ÉTAPES

83. Diagnostic : Haïti et ses partenaires du développement sont déterminés à augmenter sensiblement l’investissement consacré au développement et à le répartir équitablement. Pour y parvenir, il faudrait disposer sur le secteur rural d’une base de connaissances actualisées, mais différenciées au plan spatial — parce que les régions de Haïti varient suivant leurs caractéristiques socioéconomiques et leurs ressources naturelles. Il s’agit peut-être là d’une contribution essentielle de cette étude. Les données qui y figurent ainsi que dans les huit documents de base mettent en évidence certaines des caractéristiques clés (et leur variation spatiale) des ménages ruraux et de leurs stratégies de lutte contre la pauvreté. Ces données devraient servir à approfondir le consensus concernant l’appui à fournir à Haïti à moyen et long terme. 84. Institutions : Dans le droit fil de la double approche des stratégies telles que la Stratégie d’appui transitoire, la phase actuelle de l’aide au développement fournie à Haïti devrait mettre en lumière et promouvoir un rôle plus visible pour l’administration (centrale, locale et régionale) pour répondre aux besoins des ménages et des communautés. Dans cette perspective, la prochaine phase devrait appuyer les actions de développement en cours ayant la population locale comme moteur, qui favorisent le capital social et visent des activités à effet rapide à caractère communautaire. Comme on l’a vu dans la section de cette étude consacrée à la gouvernance locale, les ménages ruraux ont tendance à se sentir plus en sécurité au sein de leurs communautés, mais moins en sécurité lorsqu’il faut établir des contacts avec d’autres communautés ou avec le marché. Ce rapport identifie les programmes et les institutions qui pourraient amener les pouvoirs publics à jouer un rôle constructif et positif en vue de surmonter les obstacles au développement dans les zones rurales. Les trois activités présentées dans ce rapport de synthèse constituent des exemples de telles interventions. Un niveau minimum de paix doit cependant être établi et maintenu dans le pays pour que les institutions puissent jouer un rôle crédible et que les actions de

37

Page 38: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

développement puissent réussir. 85. Secteurs d’intervention : Il y a lieu de répéter que si l’agriculture demeure l’activité économique essentielle de la population rurale d’Haïti, dans de nombreux domaines ce ne sont pas des interventions purement agricoles qui permettront de faire reculer sensiblement la pauvreté — ou de renforcer la croissance en milieu rural. De même, près de 50 % des superficies cultivées le sont dans des exploitations dont la taille est actuellement considérée trop petite pour être viable. L’éducation et la santé constituent peut-être la nécessité omniprésente pour l’ensemble de la population rurale. La définition de stratégies spécifiques dans ces domaines et d’autres secteurs tout aussi importants (infrastructure, finances, etc.) ne rentre pas dans le champ de cette étude. Toutefois, les résultats présentés ici identifient effectivement des déterminants non agricoles importants des revenus ruraux. L’éducation, en particulier, est considérée comme une priorité absolue dont la couverture doit être élargie et la qualité améliorée. Les secteurs non agricoles dont l’importance est confirmée comprennent donc l’éducation, la santé et l’infrastructure rurale. Comme le souligne l’étude, il importera d’utiliser le diagnostic dont on dispose actuellement pour établir un ordre de priorité entre les domaines et les secteurs d’intervention et les échelonner afin d’accroître les synergies entre les secteurs. 86. Typologie des habitants des zones rurales : L’étude a non seulement permis de mieux comprendre les variables spatiales et sectorielles dont il faut tenir compte, mais elle a aussi proposé une typologie simple des populations rurales d’Haïti qui devrait servir à deux niveaux. Premièrement, et tout en évitant la tendance à la « planification centrale », on devrait pouvoir établir un ordre de priorité entre les types d’instruments de développement (le dosage de l’appui sectoriel, par exemple) et mieux les planifier lorsqu’ils seront connus, par exemple, le nombre de personnes se trouvant au-dessus d’un certain seuil de propriété foncière qui permet d’améliorer sensiblement la productivité. Deuxièmement, la typologie préconisée ici pourrait aussi servir à suivre l’impact des interventions après leur mise en oeuvre. Pour assurer ce suivi, il est en effet nécessaire de déterminer les gagnants et les perdants, ce qui peut permettre d’améliorer l’équité des interventions et de corriger dès le début la composition du train d’interventions multisectorielles pendant leur mise en oeuvre. 87. Questions concernant les prochaines étapes immédiates : Les données et les résultats de la présente étude mettent en évidence un certain nombre de possibilités et de pistes intéressantes pour la poursuite de la mise en oeuvre du CCI d’Haïti et au-delà. Ils posent aussi certaines questions immédiates — quant au fond, au processus ou à sa mise en oeuvre — telles que les questions précisées ci-après dans l’objectif d’obtenir des directives et des prises de décision de la Banque et des partenaires clients. Sur le fond : i) La corrélation entre les divers secteurs est-elle suffisamment explicite dans le rapport de

synthèse et est-il nécessaire ou utile de hiérarchiser plus avant leurs niveaux respectifs d’importance ?

ii) On suppose que les interventions régionales ou territoriales nécessitent de solides liaisons avec les stratégies nationales pour être efficaces — sommes-nous convaincus que les différents secteurs clés identifiés dans cette étude ont des niveaux d’orientation stratégique

38

Page 39: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

suffisants (dans le CCI, par exemple) pour appuyer les interventions régionales ?

Sur le processus : iii) Une fois intégrées dans le présent rapport, les recommandations de la réunion de prise de

décision seront examinées avec les homologues haïtiens (les conclusions préliminaires et les différents documents de référence ont déjà fait l’objet d’échanges de vues) et leurs observations seront prises en compte dans la version finale. Quelles autres mesures pourrait-on envisager pour permettre au diagnostic et aux conclusions analytiques d’avoir un impact approprié sur la prise de décision au sein du CCI ?

Sur la mise en oeuvre : iv) Mettant à profit les diagnostics présentés dans cette étude, les actions de développement

devront : i) être définies et mises en oeuvre à l’échelle régionale avec un niveau optimum de décentralisation et d’autonomie ; ii) avoir un caractère plurisectoriel ; iii) être adaptées aux caractéristiques et à la composition des populations des zones rurales des régions spécifiques ; et iv) prévoir un rôle visible et solide pour les pouvoirs publics. Chacune de ces caractéristiques constitue aussi en Haïti une source de difficulté — quels sont les exemples internationaux de « bonne pratique » dont nous pourrions nous inspirer en envisageant d’éventuels domaines d’intervention ?

39

Page 40: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

RÉFÉRENCES ANNEX 1: LIST OF STUDY BACKGROUND PAPERS AND OTHER REFERENCES Paper 1: Cadrage de l’Economie Rurale, by Gilles Damais/Pierre Werbrouck (2004), World

Bank, ESW RD Haiti Paper 2: Making Poor Haitians Count. Labor Markets and Poverty in Rural and Urban Haiti,

Dorte Verner/ Michael Justesen (2004), World Bank, ESW Rural Development Paper 3: Systèmes d’Exploitation et Potentialités pour l’Intensification de l’Agriculture en

Haïti, by Jean-Claude Balcet (2004), World Bank, ESW RD Haiti Paper 4: Links between Producers and Markets, by Pierre Werbrouck (2004), World Bank,

ESW RD Haiti Paper 5: Gouvernance rurale et institutions locales en Haïti : Contraintes et opportunités

pour le développement, by Willy Egset (2004), World Bank, ESW RD Haïti Paper 6: Réhabilitation des Ressources Naturelles en Haïti. Elément essentiel de l’économie

rurale, by Nadim Khouri/ Sophie Herrmann (2004), World Bank, ESW RD Haïti Paper 7: Les Centres de Services Regionaux : Etat des lieux, perspectives, by Gilles Damais

(2004), World Bank, ESW RD Haiti Paper 8: Haiti – Spatial Overview, by Paul Bennett Siegel, Sophie Herrmann, David

Woddall-Gainey (2004), World Bank, ESW RD Haiti Others: Fafo, IHSI, UNDP: Objectives du Millenaire pour le developpement en Haiti HLCS/Republique d’Haiti (2003): Enquete sur les Conditions de Vie and Haiti- 2001 (Household survey 2001) UNEP (2002) in : http://globalis.gvu.unu.edu/indicator_detail.cfm?Country=HT&IndicatorID=29 World Bank (2005): Beyond the City: The Rural Contribution to Development. World Bank LAC Studies. World Bank (2002): Haiti. Country Assistance Evaluation World Bank (1998): The World Bank’s Experience with Post-Conflict Reconstruction (Vol. 5) World Resources Institute :Earthtrends (2003), in: http://earthtrends.wri.org/pdf_library/country_profiles/For_cou_332.pdf

40

Page 41: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

ANNEX 2 - TABLES: Table 1 Indigent Poverty Rate by Locality and Region

Indigent Poverty Rate by Locality and Region, 2001

West South-

east North North-

east Arti-

bonite Center South Grand-Anse

North-west

28.9 56.6 62.7 80.3 58.6 55.6 63.0 60.8 65.0 Total Haiti

Metro-politan Urban Rural

48.9 19.7 56.3 58.1

Table 2: Technology Applied in Farming of Main Plot in Haiti

Technology Applied in Farming of Main Plot in Haiti , 2001 (percent) Quintile 1 (poorest) 2 3 4 5 (richest)

Yes 4.41 8.39 15.59 18.04 23.45 Irrigation Rain only 95.59 92.61 86.41 84.96 80.55

Yes 2.03 4.06 7.53 10.81 12.72 Pesticides or Insecticides No 97.97 95.94 92.47 89.19 87.28

Yes 7.47 14.52 22.05 28.25 35.18 Fertilizer No 92.53 85.48 77.95 71.75 64.82 Yes 10.50 11.48 12.44 12.29 11.41 Credit No 89.50 88.52 87.56 87.71 88.59

Note: All with access to land included. Irrigation: No. observations: 3629; Pesticides: No. observations: 3932, pesticides used within last 12 months. Fertilizer: No. observations: 3611, fertilizer used within last 12 months, chemical, natural by people and animal, compost and other. Credit: No observations: 4473, credit obtained within last 12 months.

Table 3: Incidence of Education Level in Rural Haiti

Incidence of Education Level in Rural Haiti (percent), 2001 Quintile No education Primary Secondary Tertiary 1 (poorest) 78.8 18.0 3.2 0.0 2 77.0 18.7 4.2 0.1 3 72.1 22.8 5.1 0.0 4 67.2 22.9 9.8 0.1 5 (richest) 56.6 26.6 16.6 1.2

Source: Own calculations based on HLCS 2001.

41

Page 42: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Table 4: Highest Education Level Completed

Highest Education Level Completed (percent), 2001 Quintile 1 (poorest) 2 3 4 5 (richest) No education 62.3 59.0 56.1 49.3 31.7 Primary 30.5 31.0 31.4 34.0 34.1 Secondary 7.1 9.8 12.2 16.2 31.1 Tertiary 0.0 0.2 0.3 0.5 3.2 Note: Age 15 and above included. No. observations 20074.

Source: Own calculations based on HLCS 2001.

Table 5: Household Access to Basic Infrastructure by Region

Household Access to Basic Infrastructure by Region in Haiti, 2001 (percent) Arti-

bonite Center Grand-Anse North

North-east

North-west West South

South-east

Electricity 15.1 13.3 11.1 15.9 9.3 2.3 58.2 9.1 8.7 Water 14.8 10.9 5.8 9.2 5.9 9.0 16.5 25.6 3.0 Trash collection 6.3 7.0 1.8 8.8 9.0 2.3 14.5 0.0 1.4 Paved road 14.9 3.4 6.1 9.8 3.2 0.3 12.9 4.4 2.0 Dirt road 41.7 40.4 25.8 47.0 62.9 25.8 34.7 43.0 30.1 Landline 1.4 3.2 0.4 4.4 0.8 0.0 7.7 0.3 0.4 Mobile phone 0.1 0.0 0.0 1.3 0.5 0.0 5.9 0.2 0.0 Note: Water: Supplied from private or public water company. Trash: Collected by private or public company. Paved road: Paved and partly paved road. Dirt road: Dirt and gravel road.

Table 6: Access to Infrastructure by Locality

Household Access to Basic Infrastructure in Haiti, 2001 (percent) Metropolitan Urban Rural Total Haiti Electricity 91.4 22.5 9.8 23.9 Water 28.3 16.5 7.9 12.6 Trash collection 25.7 9.8 2.2 7.1 Paved road 18.8 10.6 5.0 8.1 Dirt road 41.0 50.4 32.8 37.7 Landline 13.9 3.3 0.8 3.2 Mobile phone 10.4 0.9 0.3 1.8 Note: Water: Supplied from private or public water company. Trash: Collected by private or public company. Paved road: paved and partly paved road. Dirt road: Dirt and gravel road.

42

Page 43: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Table 7: Probability of Falling into Poverty in Haiti, 2001

Characteristic of Household Head dF/dx

t-statistics

Variables in Column 1 interacted with

“Rural” dF/dx t-

statistics Age -0.00 -2.34** Age 0.00 0.57 Female# -0.03 -1.23 Female# 0.08 2.22** Family size 0.12 7.73** Family size -0.01 -0.57 Squared family size -0.01 -6.02** Squared family size 0.00 1.61 Primary education# -0.20 -6.64** Primary education# 0.06 1.66* Secondary education# -0.27 -7.85** Secondary education# -0.02 -0.48 Tertiary education# -0.43 -5.42** Tertiary education# -0.13 -0.51 Migrated# -0.08 -2.36** Migrant# 0.04 0.88 Work tenure more than 5 years# -0.10 -1.64* Work tenure more

than 5 years# 0.04 0.42

No information on work tenure # -0.05 -0.75

No information on work tenure # -0.03 -0.41

Industry# 0.18 2.35** Industry# 0.02 0.22 Agriculture# 0.16 2.36** Agriculture# 0.08 0.84 Service# 0.18 2.82** Service# 0.03 0.31 Inactive# 0.24 3.58** Inactive# 0.12 1.27 Catholic# 0.03 0.33 Catholic# 0.02 0.16 Baptist# 0.03 0.29 Baptist# 0.09 0.78 Other religion# 0.02 0.23 Other religion# 0.07 0.59 Social capital# 0.03 1.09 Social capital# -0.12 -3.39** Rural# -0.02 -0.13 Southeast# 0.22 3.56** Southeast# -0.09 -1.29 North# 0.25 6.08** North# -0.04 -0.67 Northeast# 0.47 10.29** Northeast# -0.18 -2.41** Artibonite# 0.38 9.42** Artibonite# -0.25 -5.00** Center# 0.28 5.70** Center# -0.15 -2.55** South# 0.20 3.97** South# 0.03 0.45 Grand-Anse# 0.34 7.24** Grand-Anse# -0.21 -3.57** Northwest# 0.22 4.43** Northwest# 0.00 0.05 Note: Number of observations: 7031. (#) dF/dx is for discrete change of dummy variable from 0 to 1; t is the test of the underlying coefficient being equal to 0, * significant at 10% level, ** significant at 5% level. Variables left out: no education, work tenure up to 5 years, public work sector, Voodoo, West, metropolitan and other urban areas.

Source: Own calculations based on HLCS 2001. Column 1: Characteristics of household head; Column 2: Impact of individual characteristics (x) on likelihood of falling into poverty (f) expressed as the slope of the relationship between x and f. A positive value of df/dx for a certain variable (e.g. “inactive”) indicates a higher probability of falling into poverty for household heads with that characteristic. A negative df/dx indicates the reverse relationship. In general, a higher absolute value of df/dx indicates a greater impact of small changes in x on f (probability of falling into poverty.). Column 3: the “t-test” is used to determine whether the relationship between a variable and the probability of falling into poverty is statistically significantly different from zero. Significance at the 10 percent level is indicated by a “*” and significance at the 5 percent level is indicated by a “**”. Column 4: Here, we combine each of the variables in column 1 with the characteristic of living in rural areas. Columns 5 and 6: See Columns 2 and 3 respectively.

43

Page 44: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Table 8: Land Distribution by Plot Size in Haiti, 2001 (percent)

Arti-

bonite Center Grand-Anse North

North-east

North-west West South

South-east

Total Haiti

0-0.5 ha 22.5 12.7 14.0 42.0 23.4 16.3 18.5 27.6 19.6 21.5 0.5-1 ha 32.7 25.8 27.5 28.4 33.0 26.5 31.1 28.2 25.4 28.6 1-2 ha 26.6 32.8 28.4 18.0 25.9 31.6 24.7 27.8 30.3 27.6 2-4 ha 11.2 19.7 13.1 7.6 11.7 15.9 15.7 9.8 17.3 13.7 4-7 ha 2.7 5.2 10.2 2.0 3.6 5.9 4.9 4.4 4.7 4.9 7-10 ha 1.7 2.0 3.2 1.0 2.5 2.1 2.4 1.9 1.3 2.0 10-20 ha 1.5 1.7 2.7 0.8 0.0 1.5 1.8 0.2 0.4 1.3 > 20 ha 1.0 0.2 0.9 0.3 0.0 0.2 0.9 0.2 0.9 0.6

Source: Own calculations based on HLCS 2001.

Table 8 - 11: SUPERFICIE DES ZONES A HAUT POTENTIEL (%), CULTURES ‘LOCOMOTIVES’ ET RECOMMANDATIONS TECHNIQUES

PAR ZONE AGRO-ECOLOGIQUE ET PAR DEPARTEMENT Table 8: Montagnes humides Département % Culture(s)

‘locomotive(s)’ Recommandations techniques

Nord-Est 38 Café Amélioration des procédés de transformation Nord

58

Café Igname Fruits

Amélioration des procédés de transformation Techniques de multiplication, lutte contre la pourriture Greffage, surgreffage

Nord-Ouest 14 Igname Techniques de multiplication Centre 43 Café

Légumineuses Amélioration procédés de transformation Amélioration variétale haricot et pois congo

Ouest

43

Vivriers Maraîchage Fruits

Fertilisation haricot, patate, maïs ; amélioration variétale haricot Techniques de lutte phytosanitaire, amélioration des conditions d’approvisionnement en eau Greffage et surgreffage avocats, agrumes, fruits tempérés

44

Page 45: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Sud-Est

44

Café Maraîchage Fruits Vivriers

Amélioration procédés de transformation Amélioration variétale, approvisionnement en eau Avocat contre-saison, fruits tempérés Maïs cycle court, amélioration variétale haricot, expérimentation et vulgarisation fertilisation, techniques multiplication igname

Sud

26

Vivriers Fruits Café

Amélioration variétale et fertilisation haricot, patate techniques multiplication igname Avocat contre-saison Amélioration procédés de transformation

Grde-Anse

56

Vivriers Café

Amélioration variétale haricot, techniques de multiplication igname, extension épices et condiments Amélioration techniques de transformation

Table 9 : Plaines humides et plaines irriguées Département % Culture

‘locomotive’ Intervention

Nord

22

Canne Vivriers Toutes cultures

Matériel végétal résistant au charbon, matériel de transformation Exp. et vulgarisation, fertilisation patate douce et banane Traction animale/motorisation: crédit à l’équipement, formation technique

Artibonite (irrigué)

9

Riz Patate, Haricot

Production semencière, fertilisation, soins phyto-sanitaires Mécanisation Amélioration variétale, fertilisation

Sud-Est 17 Vivriers Fertilisation et soins phytosanitaires banane, amélioration variétale et fertilisation patate

Sud (humide) 30 Vivriers Fertilisation maïs, sorgho, arachide, amélioration variétale riz inondé et patate

Sud (irrigué) 3 Vivriers Fertilisation, amélioration variétale et soins phytosanitaires riz, haricot, maïs

Grde-Anse 28 Vivriers Amélioration variétale manioc, haricot, techniques de multiplication igname

Table 10: Plaines, plateaux et montagnes semi-arides et semi-humides Département % Culture

‘locomotive’ Intervention

Nord-Est

46

Vivriers Fruits Toutes cultures

Amélioration variétale manioc, arachide, pois inconnu, pois congo Noix de cajou résistant anthracnose, tamarin pour l’exportation Traction animale : crédit à l’équipement, formation technique

Nord-Ouest 79 Vivriers Amélioration variétale manioc, arachide, pois inconnu, pois souche

Artibonite 46 Mangues Légumineuses

Greffage et surgreffage variétés pour exportation Amélioration variétale

Centre

23

Vivriers Canne Mangues Toutes cultures

Fertilisation arachide, banane, variétés résistantes à sécheresse et petite irrigation, amélioration variétale légumineuses et manioc Variétés résistantes au charbon, matériel de transformation Greffage et surgreffage Traction animales : crédit à l’équipement, formation technique

45

Page 46: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Table 11: Superficie des zones agro-écologiques à haut potentiel (% superficie totale des départements)

Zone agro-écologique Total Département Montagne humide Plaine humide et

plaine irriguée Plaine, plateau ou montagne semi-aride et semi-

humide

------------------------------- % superficie totale ------------------------------------- Nord-Est 38 - 46 84 Nord 58 22 - 80 Nord-Ouest 14 - 79 93 Artibonite - 9 46 55 Centre 43 - 23 66 Ouest 43 - - 43 Sud-Est 44 17 - 61 Sud 26 33 - 59 Grde Anse 56 28 - 84 Moyenne territoire national

36 12 22 70

46

Page 47: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Table 12: Identification of possible private/producer/public partnerships Partnerships could be developed in the following themes:

Area Partners Priority geographical areas

Coffee Selected producers linked to one export company

North, Center, South-east and Grand’Anse

Cocoa Selected producers linked to one export company

North and Grand’Anse

Organic Bananas

Partnership between a land concessionaire, small banana producers and export company

Port-au-Prince

Citrus fruit Selected producers and traders South-east, Artibonite, North, South

Mangoes for export

Selected producers linked to an export company

Artibonite, South, Center

Poultry -eggs -meat

Partnership between producer of one-day chicks, small poultry producers (eggs or meat), feed importers and market

Urban and periurban areas

Dairy products Extension of existing milk and yoghourt processing ventures linking producers to supermarkets

North, West, South, South-east

Plantain bananas

Selected producers and traders West, North-west

Crafts (artisanat)

Selected artisans with exporters

No selected areas

47

Page 48: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

ANNEX 3: MAPS Map 1: Population Density per Commune or Poverty Rate per Department and Population

Density per Commune Map 2: Total population growth Map 3: Average Farm Size by Department Map 4: Farming Inputs by Department Map 5: Agro-ecological zones Map 6: Risk of Land Conflict Map 7: Primary Education by Department Map 8: Erosion Risk Map 9: Agro-ecological Zones and Regional Centers Map 10: Centres and Population density per commune Map 11: Rivers and Watersheds

48

Page 49: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 1

49

Page 50: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 1

50

Page 51: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 2

51

Page 52: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 3

52

Page 53: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 4

53

Page 54: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 5

54

Page 55: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 6

55

Page 56: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 7

56

Page 57: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 8

57

Page 58: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 9

58

Page 59: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 10

59

Page 60: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Map 11

60

Page 61: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

ANNEX 4: STUDY DESIGN AND EXECUTION

1. Consistent with the Concept Note prepared for this Study, the method that was followed aimed at the following step-wise objectives: (i) updating the data available on the assets, the context, and other characteristics of rural households; (ii) analyzing the household data to deduce the households’ poverty exit strategies; (iii) undertaking selective field-level surveys to check some of the key findings from the household data as well as study more in detail the issues surrounding local governance for rural development; (iv) sharing preliminary results with Haiti internal and external stakeholders and partners in view of attaining a certain degree of consensus on the principles to be followed in policy and operational interventions; and (v) identify selected activities that can respond to some of this emerging consensus.

2. The above operational objectives were attained through the following set of activities:

• Desk-top Review: Key among the data that was reviewed is the newly generated Household survey data (2001) for Haiti. This information was analyzed in detail and appears in Paper 2.

• Missions to Haiti for Collection of Data and Consultation: A number of missions were undertaken to Haiti, first for overall agreement with Government6 on the objectives and scope of the study and then to reach agreement within the rural development sector table and other external donors. Following the general launching missions, thematic missions were organized including for the following themes: the agriculture sector and linkages to the macro-economy (paper 1), agricultural research (paper7), agricultural production systems (paper 3) , potential for productive alliances (paper 4), natural resources management and regional planning (paper 6), and field-level surveys of conditions and institutional evaluation at the very local level (paper 5).

• Field level surveys: As part of the latter exercise, qualitative data were collected systematically by a group of investigators who were trained by members of the Task Team and visited 6 selected rural areas to enquire about conditions and needs in general but also on the delivery mechanisms for rural development services. The results are presented in background paper 5.

• Participatory workshops: During the thematic missions listed above one workshop per theme was organized with representatives of Government, non-government and external assistance institutions to discuss preliminary findings, lessons learned from previous interventions and the way ahead. The minutes of the workshop discussions are included in the respective background papers listed in Annex 1.

6 The Government nominated the following team as part of the Steering Committee for this study (their respective thematic responsibilities are indicated between parentheses): Ing-Agr. Ernst Benjamin (Planning), Ing-Agr. Eunide Alphonse (Agriculture research), Ing-Agr. Jean-Claude Janvier (Agriculture traning), Ing-Agr. Serge Antoine (Land-use planning and watershed management), Ing-Agr. Wilson Durand (Rural development), Ing-Agr. Gary Augustin (Food security), Jean-Marie Binette (Leader of the Committee and institutional framework)

61

Page 62: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

• Sector Tables: Missions were the opportunity to meet and discuss overall strategies for the rural space with representatives of institutions on the rural “sector tables” that coordinate and monitor the implementation of the ICF for rural development. Additional coordination was provided by the acceptance by two IADB colleagues (IADB co-leads the sector table and leads donors in the volume of assistance to rural areas in Haiti.)

• In Headquarters: Occasional meetings were organized to share preliminary results amongst team members, with Haiti country members for various sectors, and with external partners. This strengthened the multi-sectoral character of the work and ensured early identification of lessons learned from previous interventions, not only by the Bank but also by other donors.

• Presentation of Data: Because of the spatial approach adopted in this Study, the data were presented in maps wherever possible. Three mapping sources were used: UTSIG in Haiti; Virginia Polytechnic Institute and State University; and at the World Bank.

3. Next Steps: Following the review meeting/decision meeting, a mission will be organized

to discuss and finalize the Study’s major findings. Because of the nature of this study (diagnosis as well as identification of specific interventions) the data will be made available “as is” in order to contribute to multi-sectoral discussions that should help arrive to priorities with respect to the timing and sequencing of assistance to the rural poor. The data will therefore be put at the disposal of the Government, donors and civil society.

62

Page 63: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

ANNEX 5 : SELECTED DONOR ACTIVITIES IN RURAL AREAS 1) agriculture/regional centers: Donor agency Center Objective Region French Development Agency / European Union

EMDH (Ecole Moyenne de Hinche)

Physical rehabilitation, institutional strengthening for support to artisans (metal construction, mechanics)

Hinche /Plateau central

French Development Agency

Centre Salagnac Physical rehabilitation and institutional strengthening (open)

Plateau Rochelois/ Nippes

French Development Agency / European Union

EMD Physical rehabilitation and institutional strengthening for applied research and training in fruit production

Dondon/Nord

French Development Agency

Centre du Tuf Physical rehabilitation and institutional strengthening for applied research and training in fruit processing

La Vallee de Jacmel /Sud-est

IADB/PIA EMAVA Physical rehabilitation and institutional strengthening for training

Pont Sonde/Artibonite

IADB/Taiwan Ferme Mauge Restoring agricultural research and seed production capacity

Deseaux/Artibonite

FAO/USAID Tamarinier Enhancing quality control capacity (laboratory equipments, professional training)

Plaine du cul-de-sac/ Ouest

European Union Ferme Baptiste Support to the Coffee germoplasm collection (for 2 years)

Baptiste/ Bas plateau central

2) Agriculture/ natural resource management/ integrated development planning Donor agency Project Objective Region/Location FAO Sustainable Agricultural

and Local Development in the Commune of Marmelade

Increase soil productivity, intensification and diversification of agriculture Strengthen capacity of individual farmers and associations in personnel and collective development planning

Marmelade/ Artibonite

Canadian International Development Agency (CIDA)

Nippes Agroforestry Project

Enhance Agricultural Production Institutional strengthening in developing and managing local development programs

Nippes/ Petite Riviere de Nippes

USAID Hillside Agricultural Strengthening Community Different areas across

63

Page 64: DEVELOPPEMENT RURAL EN HAITI: Diagnostic et Axes d ...documents.worldbank.org/curated/pt/944501468033666771/...Jean Chesnel Jean, Irdele Lubin, Alain Robert Thermil. L’équipe remercie

Program (HAP) based organizations Establish supply chains for coffee, cacao and mangoes

the country in high potential areas including : Gros Morne, Leogane, Saut d’Eau, Mirebalais, Foret des Pins, Jeremie, Salagnac, Les Cayes and others

Interventions in preparation Donor Project Objective Location/Region IADB Ennery-Quinte

Agricultural Intensification Project

- Agricultural Intensification and Market Linkage - Watershed Management and Flood Protection - Rehabilitation of Small-Scale Irrigation Systems The project was originally conceived as part of a broader Agricultural Intensification Program (PIA), to support the MARNDR to identify and intensify agricultural development in areas of the country which demonstrated good sustainable agricultural potential.

Ennery-Quinte/Artibonite

UNDP/IADB Institutional Strengthening of the Ministry of Environment

Elaborate National Plan against land degradation and to implement Convention against Desertification Strengthen local capacities in natural resources management Systematic documentation of data in the area of the environment

GTZ Sustainable resources management in the trans-border watershed of the River Artibonite

Strengthen the trans-border coordination and capacities of the local authorities and collectivites territoriales Support of participatory forest, agroforestry and soil conservation strategies

Upper part of the Artibonite River

CIDA Binational Project Strengthening of local authorities Elaboration of a local development plan Watershed management

Centre Department

FAO/ others Partnership for food security, natural resources management and sustainable local development

Following the approach in Marmelade, FAO and MARNDR have identified 5 communes to adopt integrated development planning, agricultural intensification and natural resources management

Plaisance, Limbé, Verrettes, Torbeck and Belle Anse

64