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40 Toutes les entreprises maîtrisent, ou se doivent de maîtriser, leur activité commerciale. Les innovations de remplacement permettent de proposer un meilleur produit ou un meilleur service mais aux mêmes clients. L’activité se maintient mais ne se développe pas vraiment. Cependant, de nombreuses innovations rendent possible un développement commercial en touchant de nouvelles cibles. Mais quelle que soit la qualité intrinsèque de l’innovation, si le marché n’est pas prêt à l’accueillir, cette innovation est vouée à l’échec. Comment connaître alors le marché ? Concernant l’innovation, le besoin du client explicite ou implicite est une étape clé du processus. Développer son activité commerciale via l’innovation dépend donc de la capacité d’une entreprise à anticiper les besoins de ses clients actuels mais aussi de ses clients futurs. Cette nouvelle clientèle peut provenir d’une extension géographique, notamment à l’export, mais l’entreprise peut aussi prospecter de nouveaux secteurs d’activité. L’entreprise innovante se doit donc de développer en amont de l’innovation cette connaissance de son marché potentiel futur. Les types d’innovation vont influencer la stratégie commerciale Il existe principalement deux types d’innovation : la première est appelée « sans rupture », il s’agit de faire évoluer le design et/ou les caractéristiques, afin de modifier la manière dont le produit est perçu ou apporter des bénéfices supplémentaires. La seconde, « l’innovation de rupture » consiste en un changement de concept apportant des bénéfices radicalement nouveaux aux clients. Nous pouvons citer les exemples de l’IPAD, les dosettes Nespresso, les chaussures Crocs… Cela représente alors pour l’entreprise un changement radical et la stratégie commerciale doit bien sûr être adaptée. L’écoute du marché, source d’innovation L‘innovation peut provenir de l’entreprise qui invente via ses services internes (R&D, marketing, design…) un produit, un service ou un usage nouveau. Cela implique de s’assurer que le marché répondra favorablement. Le marché peut aussi exprimer des besoins non satisfaits par l’offre existante, l’entreprise devra évaluer dans quelle mesure elle est en capacité d’y répondre. Connaitre ses clients Connaissez-vous bien vos clients ? Quand un client rend visite à l’entreprise Nicomatic, on lui demande de se présenter et de présenter sa société (voir à ce sujet le témoignage d’Olivier Nicollin dans le chapitre « La culture innovante ») afin de développer cette connaissance de celle-ci. En effet, la force commerciale réside dans la connaissance de sa clientèle. Si votre client est une autre entreprise, connaissez-vous sa taille, son ou ses secteurs d’activité, son histoire récente, les marchés sur lesquels elle est présente, quelles sont ses motivations pour travailler avec vous… ? Si votre clientèle est constituée d’individus, connaissez-vous leur profil (âge, catégorie socio-professionnelle…), pourquoi choisissent-ils votre produit... ? Dans les deux cas, vous pouvez aussi vous poser la question de votre image auprès de vos clients : que pensent-ils de votre produit ou de votre service ? Sont-ils satisfaits ? Qu’attendent-ils de vous ? Connaître ses clients permet alors d’identifier de nouveaux besoins. Il est toutefois, de temps en temps, difficile de trouver ces informations. Etre présent dans les réseaux comme les branches professionnelles, les associations locales, les clubs d’entreprise, permet d’établir des relations de confiance propice à ces échanges. Comment faire pour favoriser l’innovation ? Qu’elle soit suscitée par l’interne ou par l’externe, la curiosité et la capacité à sortir du cadre habituel sont déterminantes. La curiosité est alimentée par CHAPITRE 6 DÉVELOPPER SON ACTIVITÉ COMMERCIALE REPÈRES Eric Pesnel, ESCP Europe et Dominique Seguin, KESTIO Eric Pesnel est Professeur associé à ESCP Europe où il codirige le Mastère Spécialisé Innovation et Entreprenariat. Dominique Seguin anime le module Direction commerciale au sein de ce mastère et est associé chez KESTIO, cabinet de conseil et formation spécialisé en performance commerciale et expérience client. Les équipes KESTIO accompagnent depuis 10 ans leurs clients sur leurs enjeux de fidélisation et d’acquisition, en améliorant les organisations, les outils, les processus et les compétences. Les missions sont menées auprès des entreprises du CAC40, des ETI et des PME.

DÉVELOPPER SON ACTIVITÉ COMMERCIALE · 40 Toutes les entreprises maîtrisent, ou se doivent de maîtriser, leur activité commerciale. Les innovations de remplacement permettent

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Toutes les entreprises maîtrisent, ou se doivent de maîtriser, leur activité commerciale. Les innovations de remplacement permettent de proposer un meilleur produit ou un meilleur service mais aux mêmes clients. L’activité se maintient mais ne se développe pas vraiment. Cependant, de nombreuses innovations rendent possible un développement commercial en touchant de nouvelles cibles. Mais quelle que soit la qualité intrinsèque de l’innovation, si le marché n’est pas prêt à l’accueillir, cette innovation est vouée à l’échec. Comment connaître alors le marché ? Concernant l’innovation, le besoin du client explicite ou implicite est une étape clé du processus. Développer son activité commerciale via l’innovation dépend donc de la capacité d’une entreprise à anticiper les besoins de ses clients actuels mais aussi de ses clients futurs. Cette nouvelle clientèle peut provenir d’une extension géographique, notamment à l’export, mais l’entreprise peut aussi prospecter de nouveaux secteurs d’activité. L’entreprise innovante se doit donc de développer en amont de l’innovation cette connaissance de son marché potentiel futur.

Les types d’innovation vont influencer la stratégie commerciale

Il existe principalement deux types d’innovation : la première est appelée « sans rupture », il s’agit de faire évoluer le design et/ou les caractéristiques, afin de modifier la manière dont le produit est perçu ou apporter des bénéfices supplémentaires. La seconde, « l’innovation de rupture » consiste en un changement de concept apportant des bénéfices radicalement nouveaux aux clients. Nous pouvons citer les exemples de l’IPAD, les dosettes Nespresso, les chaussures Crocs… Cela représente alors pour l’entreprise un changement radical et la stratégie commerciale doit bien sûr être adaptée.

L’écoute du marché, source d’innovation

L‘innovation peut provenir de l’entreprise qui invente via ses services internes (R&D, marketing, design…) un produit, un service ou un usage nouveau. Cela implique de s’assurer que le marché répondra favorablement. Le marché peut aussi exprimer des besoins non satisfaits par l’offre existante, l’entreprise devra évaluer dans quelle mesure elle est en capacité d’y répondre.

Connaitre ses clients

Connaissez-vous bien vos clients ? Quand un client rend

visite à l’entreprise Nicomatic, on lui demande de se présenter et de présenter sa société (voir à ce sujet le témoignage d’Olivier Nicollin dans le chapitre « La culture innovante ») afin de développer cette connaissance de celle-ci. En effet, la force commerciale réside dans la connaissance de sa clientèle. Si votre client est une autre entreprise, connaissez-vous sa taille, son ou ses secteurs d’activité, son histoire récente, les marchés sur lesquels elle est présente, quelles sont ses motivations pour travailler avec vous… ? Si votre clientèle est constituée d’individus, connaissez-vous leur profil (âge, catégorie socio-professionnelle…), pourquoi choisissent-ils votre produit... ? Dans les deux cas, vous pouvez aussi vous poser la question de votre image auprès de vos clients : que pensent-ils de votre produit ou de votre service ? Sont-ils satisfaits ? Qu’attendent-ils de vous ? Connaître ses clients permet alors d’identifier de nouveaux besoins. Il est toutefois, de temps en temps, difficile de trouver ces informations. Etre présent dans les réseaux comme les branches professionnelles, les associations locales, les clubs d’entreprise, permet d’établir des relations de confiance propice à ces échanges.

Comment faire pour favoriser l’innovation ?

Qu’elle soit suscitée par l’interne ou par l’externe, la curiosité et la capacité à sortir du cadre habituel sont déterminantes. La curiosité est alimentée par

CHAPITRE 6DÉVELOPPER SON ACTIVITÉ COMMERCIALE

REPÈRES

Eric Pesnel, ESCP Europe et Dominique Seguin, KESTIO

Eric Pesnel est Professeur associé à ESCP Europe où il codirige le Mastère Spécialisé Innovation et Entreprenariat. Dominique Seguin anime le module Direction commerciale au sein de ce mastère et est associé chez KESTIO, cabinet de conseil et formation spécialisé en performance commerciale et expérience client. Les équipes KESTIO accompagnent depuis 10 ans leurs clients sur leurs enjeux de fidélisation et d’acquisition, en améliorant les organisations, les outils, les processus et les compétences. Les missions sont menées auprès des entreprises du CAC40, des ETI et des PME.

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une veille de son environnement afin de recueillir les informations en provenance de ses clients, des médias, des concurrents. Le benchmark d’autres environnements s’avèrent particulièrement utile. Par exemple le baron Bic a imaginé le stylo éponyme en se disant que la bille peut être aussi utile pour l’écriture que la roue pour transporter une charge. La capacité à sortir du cadre est depuis quelques années renforcée par l’expérience des startups qui innovent sans cesse et utilisent les méthodes de sessions de brainstorming pour faire émerger des idées en rupture (approche divergente) et ensuite identifier des pistes fortes (approche convergente).

Comment passer de l’idée au projet puis au concept ?

L’étude Européenne « Nielsen Breakthrough Innovation Report » indique que 76 % des lancements de produits échouent lors de leur première année et 2 produits sur 3 n’atteignent pas le seuil des 10 000 unités vendues. Une fois les idées identifiées, il s’agira d’évaluer les risques et opportunités de la commercialisation. Les facteurs à prendre en compte sont :

- le retour sur investissement (marge, coûts, investissement, planning…), - le positionnement du produit/service par rapport à l’offre de l’entreprise (image, diversification…),- les objectifs de vente (prix, nombre de clients, CA/client…),- la dimension productive et le degré d’adaptation des process et compétences en place pour réaliser le produit/service proposé.

Par exemple, quand La Poste demande à ses facteurs de compléter leurs missions habituelles en s’assurant que les personnes isolées vont bien, c’est un nouveau service innovant qui est en rupture avec la mission classique et implique des pratiques et compétences nouvelles pour les facteurs.

Comment réussir le lancement de son nouveau produit ?

Une fois le concept approuvé par l’équipe projet et validé par les directions concernées en fonction de l’enjeu pour l’entreprise, la dernière phase sera de lancer l’innovation sur le marché. Cela implique de le vendre à des clients et de le produire en respectant l’habituel triptyque coût, qualité et délai. Il est essentiel de prévoir un plan détaillé en termes d’objectifs et de moyens pour chaque partie prenante : production, marketing, ventes et finance. Ce plan détaillé peut reprendre les points suivants :

• Exemples pour la production- Evolution de l’outil de production et des process- Recherche d’un partenaire industriel éventuel- Liste des spécificités et cahier des charges- Achats des matières nécessaires- Indicateurs de suivi : commandes, stocks, qualité…

• Exemples pour le marketing et la finance :- Marché visé, évaluation des concurrents et de la demande potentielle- Chiffre d’affaire visé- Compte d’exploitation- Niveau des marges- Outils à destination du réseau de distribution, directe/indirecte et formations éventuelles - Rédiger les questions à poser pour susciter le besoin client- Réaliser l’argumentaire pour la force de vente listant les bénéfices- Réaliser le brief agence pour la campagne de communication et définition du plan media- Rédiger le communiqué de presse- Définir la politique tarifaire- Utilisation des 4P (marketing mix), fort utile pour définir chaque politique : prix, produit, promotion/communication, placement/distribution.- Indicateurs de suivi du projet (CA, nombre d’unités, prix moyen, niveau de remise, rotation des stocks)

• Exemples pour les ventes et la distribution :- Définition des cibles commerciales, notamment en utilisant une matrice attraits/atouts pour évaluer les cibles prioritaires et orienter les actions commerciales- Quantité d’efforts commerciaux- Politique tarifaire

Connaissez-vous bien vos clients ?

Il n’y a pas encore de cadre ni de réglementation qui définissent l’innovation de service. Cette dernière est par définition une offre immatérielle qui ajoute de la valeur ajoutée au produit. Ce service peut répondre à un besoin exprimé par le client mais peut aussi être une nouvelle proposition de service. Dans ce cas-là, une bonne connaissance de ses clients et du marché est nécessaire afin d’anticiper les besoins futurs. Cette innovation peut répondre à plusieurs critères. Tout d’abord, il peut être un service supplémentaire ou remplacer un service obsolète. Par exemple, une activité de maintenance peut être vendue avec un équipement. L’innovation de service peut aussi passer par l’optimisation d’un processus qu’il soit administratif ou commercial. Sur ce point, la transition numérique permet désormais d’étoffer l’offre faite aux clients en proposant des simplifications numériques (par exemple suppression du papier dans la relation client/fournisseur). Cela peut aussi être l’intégration d’un service aux produits (la prise en compte des démarches administratives pour certains produits). L’innovation de service peut aussi s’intégrer à un nouveau processus de vente : louer un équipement au lieu de le vendre.

ZOOML’INNOVATION DE SERVICES, UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL

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Thermosoudeuse à défilement continu TS 47

Quel a été votre parcours jusqu’à la direction de cette entreprise ?

J’ai d’abord entrepris des études commerciales orientées vers le secteur automobile. Mais très vite le goût d’entreprendre et de l’innovation m’ont conduit à travailler dans un premier temps auprès de mon père puis à reprendre les rênes de l’entreprise familiale en 2003. Mon père avait créé la société LEF-Labo Electrofrance, héritant lui-même de l’atavisme familial pour la mécanique et l’innovation.

Quels sont vos concurrents sur ce domaine ?

L’entreprise intervient avec succès sur une niche technologique avec une concurrence peu nombreuse mais internationale. Le concurrent européen le plus sérieux est une entreprise allemande suivie d’une italienne. Leader sur le marché français, nous commercialisons aussi nos produits sur 5 continents et plus de 30 pays (Arabie saoudite, Australie, Cameroun, Inde, Iran, Maroc, Suisse, Thaïlande…). Nous démarrons actuellement les ventes de ces produits au Chili et en Egypte, et ce, malgré un accès difficile à ces marchés.

Comment envisagez-vous l’évolution de votre entreprise ?

L’entreprise est une SARL et reste une société à taille humaine de sept personnes. Depuis plusieurs années, l’entreprise reste fidèle à son activité de départ : concevoir et proposer des thermo soudeuses. Des

améliorations sont régulièrement proposées grâce à la conjonction des compétences commerciales que j’apporte et la réalisation mécanique. Par ailleurs, l’activité de maintenance est à souligner car elle a permis de pérenniser l’entreprise.

Une PME de sept personnes peut-elle innover ?

Bien sûr. Pour moi, l’innovation consiste à proposer soit quelque chose qui n’existe pas, soit quelque chose qui existe déjà et que nous allons adapter à un besoin. Nous développons des innovations dans plusieurs directions : technologique, commerciale et dans les services. La société a d’ailleurs eu l’occasion de faire appel à un cabinet de propriété industrielle pour déposer des brevets. Enfin, nous avons réalisé récemment un travail sur l’innovation commerciale mené avec l’accompagnement de la CCI du Val d’Oise.

Delphine Verron, Directrice, LEF-Labo Electrofrance

Fondé en 1979, LEF-Labo Electrofrance conçoit et fabrique trois familles de thermo soudeuses à défilement continu. Ces machines de thermo soudage permettent de fermer hermétiquement, et de maintenir l’état stérile, les dispositifs médicaux chirurgicaux stérilisés à l’autoclave (vapeur d’eau). Des prestations de maintenance pour l’entretien et la qualification des soudeuses sont également proposées. La qualité de la soudure est un élément différenciant sur ce type de machines.

TÉMOIGNAGE

Les réseaux sociaux apportent aussi ici une contribution significative, on citera pour exemple les communautés d’utilisateurs experts qui peuvent permettre de remonter en live des dysfonctionnements ou des spécificités non couvertes. Plus positivement, un engouement lié à l’utilisation du produit peut générer de la viralité, l’avis des pairs étant un des critères déterminants du passage à l’achat.

Conquérir de nouveaux clients

Afin de développer son activité commerciale, trouver de nouveaux débouchés est bien sûr un enjeu majeur. Plusieurs pistes sont possibles. La première, la solution la plus évidente, est de proposer son produit à des clients ayant les mêmes caractéristiques que les clients actuels. Cela peut être envisagé dans le cas de la

diffusion d’une innovation. La seconde peut être de proposer ses produits, suite à une innovation, à un nouveau secteur d’activité (voir à ce sujet le témoignage d’Eric Courtin de la société Trilogiq dans le chapitre « Les centres techniques »). Autre possibilité : se développer à l’international. Mais proposer ses produits à l’exportation demande une réflexion approfondie : quels pays cibler ? Faut-il adapter le produit ? Quelles sont les démarches administratives ? Comment diffuser le produit ? Cette démarche ne s’improvise pas et mérite un accompagnement pour oser se lancer. On peut noter le réseau des CCI (Chambres de Commerce et d’Industrie) qui propose un accompagnement pour les entreprises désirant s’étendre à l’international (voir à ce sujet le témoignage de Delphine Verron de la société LEF-Labo Electrofrance ci-dessous).

© LEF-Labo Electrofrance

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Pouvez-vous nous parler de cette innovation commerciale ?

Parallèlement à l’amélioration technologique des machines, nous avons recherché comment développer l’exportation des produits. Sur la suggestion de la CCI Val d’Oise, nous avons décidé en 2010 de participer à un salon à Dubaï. Confrontés directement à la demande de prospects des pays du Moyen-Orient, nous nous sommes rendu compte que nos thermo soudeuses ne permettaient pas de voir s’inscrire automatiquement la date de péremption sur les poches ainsi thermo soudées. Nous avons alors pris le parti volontariste de remettre à plat la conception des machines afin de définir un nouveau cahier des charges répondant à cette demande et de pouvoir ainsi se développer à l’export.

Et ce pari est-il réussi ?

Oui, le pari est réussi puisque pour mener à bien le développement et la commercialisation de nouvelles thermo soudeuses, nous avons organisé le travail de manière collaborative :

1. Je me charge de la définition du cahier des charges basé sur l’écoute du client.2. Mon père s’occupe de la conception mécanique.3. La partie électronique/informatique est confiée à un bureau d’études externe.4. Je gère aussi la partie export, assistée désormais par un responsable export.

La vente de la nouvelle gamme de thermo soudeuses a commencé en France mi-2013 avec un démarrage à l’export fin 2014. L’année 2015 a été celle de la montée en puissance à l’export. Ceci s’est aussi accompagné d’une évolution du site Internet de la société et d’une meilleure visibilité de l’entreprise. L’entreprise structure aussi davantage son volet commercial : le recrutement d’un responsable export quadrilingue a été effectué début 2015. Ce dernier a permis de tester le télé-travail (2/3 du temps de travail), inconnu jusque-là dans l’entreprise.

Comment financez-vous cette croissance ?

Le financement de l’accompagnement a été assuré partiellement au travers de l’AIMA (AIde à la MAturation de projets innovants) portée par le Centre francilien de l’innovation (CFI) mais aussi par de l’autofinancement et l’investissement des actionnaires. L’appui humain en terme d’expertise a été assuré par CAP’TRONIC (le programme CAP’TRONIC a pour objectif d’aider les PME françaises, quel que soit leur secteur d’activité, à améliorer leur compétitivité grâce à l’intégration

de solutions électroniques et de logiciel embarqué dans leurs produits). Ce développement nous permet également de clarifier notre business plan : nous devons présenter et expliquer régulièrement nos choix devant des financeurs potentiels.

Le management de l’entreprise a-t-il été impacté par cet essor à l’export ?

Dans une petite PME, toute décision prise a un impact sur le management. Notre volonté de croître et de développer l’innovation est plus qu’une décision, c’est un réel défi. Pour développer les échanges entre les personnes, un open space va être mis en place. D’une manière générale, je partage les résultats mais aussi les problèmes rencontrés par les collaborateurs tout en promouvant la responsabilisation des salariés. Ce travail sur les thermo soudeuses, pour aborder d’autres marchés, a développé la culture de l’innovation de l’entreprise et particulièrement chez un technicien. Cela a aussi davantage soudé l’équipe : tous les salariés croient en l’entreprise et en ses produits. De ce fait, cela a conduit l’entreprise à expérimenter des pratiques plus collaboratives, avec la mise en place

Même si le salon de Dubaï engendrait des

frais avant d’en connaître les retombées, il a été le

déclencheur du développement commercial de l’entreprise.

L’entreprise structure aussi davantage son volet

commercial : le recrutement d’un responsable export quadrilingue a

été effectué début 2015.

Coface, Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur a été créée en 1946 en tant qu’agence nationale spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation. Privatisée en 1994, COFACE est désormais une société avec un conseil d’administration constitué en France. L’entreprise continue cependant de gérer pour le compte et avec la garantie de l’état français une activité de soutient pour le développement international d’entreprises françaises. Ces garanties protègent des risques non couverts par le marché privé les entreprises désireuses de s’étendre à l’international. Dans ce cadre, COFACE propose, entre autres, une assurance prospection, une assurance risque exportateur, une assurance change. COFACE contribue actuellement au développement de plus de 40 000 entreprises (source : www.coface.fr). Dans le monde, son activité principale est la commercialisation d’assurance-crédit. L’objectif de ces produits est de protéger les entreprises des défauts de paiement éventuels de la part de leurs clients. L’entreprise propose également des informations sur les activités commerciales dans de nombreux pays.

ZOOMCOFACE, L’ASSURANCE-CRÉDIT

À L’EXPORTATION

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Vous avez fondé la société BIO-UV en 2000 sur la base d’une innovation technologique et cela en quelques années. Comment cette innovation a-t-elle rencontré son marché ?

Notre activité a débuté par un unique concept dont l’effet différenciant a été mis en avant. Il s’agit du traitement automatique des eaux de piscines par ultra-violets et sans chlore. Les UV rayonnant à une certaine longueur d’onde, ils inactivent 99,99 % des micro-organismes. Ce processus est connu depuis longtemps mais nous avons perfectionné le procédé et déposé une demande de brevet en 2000. Cependant, l’effet différenciant est ailleurs : des raisons normatives imposent aux piscines collectives de traiter leur eau avec du chlore. Les inconvénients dus aux chloramines sont majeurs et dommageables pour la santé des maitres-nageurs et des baigneurs. L’ajout d’un réacteur permet de supprimer ces effets secondaires par un effet de déchloramination. Cela a été prouvé dans une thèse de doctorat soutenue auprès de l’Université de Montpellier en 2003. A ce jour, plus de 5 000 piscines/spas collectifs sont équipés de nos matériels, dont plus de 1 000 en France et 70 000 piscines/spas résidentiels.

Vous avez fait le choix de poursuivre la dynamique d’innovation en développant de nouveaux produits...

Il y a quelques années encore, il n’y avait pas vraiment de questionnements liés à l’eau. Ce n’était pas un sujet public. Il n’y avait pas de conscience des enjeux que cela représente. Les choses changent. C’est dans ce contexte que nous avons développé une borne photovoltaïque

qui filtre l’eau et la désinfecte grâce aux UV (BIOSUN). Une borne de ce type permet d’assurer l’alimentation en eau potable d’un village de plus de 100 habitants, de manière autonome. Aujourd’hui, nous travaillons sur un autre sujet : l’élimination des espèces invasives, végétales ou animales, par le biais des eaux de ballast des navires.

La prise de conscience du problème que cela représente s’est traduite par une convention internationale qui va être ratifiée incessamment et qui impose une obligation de résultat pour ne pas importer d’un port à l’autre des espèces invasives qui perturbent et endommagent sérieusement les écosystèmes. Nous avons développé une gamme adaptée à ce marché considérable et stratégique. Toute la phase R&D a nécessité des partenariats avec des laboratoires universitaires, des armateurs et des sociétés de classe. Notre bureau d’études composé d’ingénieurs spécialisés utilise les derniers outils de dimensionnement et de modélisation Pour une PME comme la nôtre, cela représente six millions d’investissements sur six ans, ce qui correspond à une part non négligeable de notre chiffre d’affaires. Pour ce faire, nous avons ouvert le capital de la société

de l’intéressement ou de challenges sur les objectifs commerciaux de l’entreprise : la personne ayant donné au préalable le chiffre d’affaires le plus proche du réalisé est récompensée.

Quel est votre retour d’expérience sur vos évolutions commerciales ?

Rencontrer la représentante de la CCI nous a permis d’oser nous aventurer sur des terrains nouveaux après une réflexion de trois mois. Même si le salon de Dubaï engendrait des frais avant d’en connaître les retombées, il a été le déclencheur du développement commercial de l’entreprise. Pour se développer, lorsqu’on est

responsable de PME, il est important de rencontrer d’autres personnes, d’autres dirigeants d’entreprises. Pour ma part, j’apprécie tout particulièrement le groupe PLATO. C’est un réseau de développement économique au service des PME/PMI animé par la CCI. Il offre aux chefs d’entreprises l’opportunité de confronter leurs idées d’un point de vue extérieur. Il facilite la mise en place d’alliances inter-entreprises et d’échanges commerciaux. A la fois fondé sur le parrainage de cadres de grands groupes et l’expertise d’intervenants extérieurs, il permet aux dirigeants d’aborder l’ensemble des thématiques relatives au fonctionnement d’une entreprise.

Benoît Gillmann, Président fondateur, BIO-UV

BIO-UV est une PME industrielle innovante, composée, à ce jour, de 49 collaborateurs en France, dont sa filiale BIO-SEA, unique société française spécialisée dans le traitement des eaux de ballast de navires. C’est le premier fabricant français d’appareils de traitement de l’eau par ultraviolets. Ils conçoivent, fabriquent et commercialisent auprès des professionnels des systèmes et concepts de désinfection adaptés à de nombreuses applications : traitement automatique sans chlore pour les piscines/spas privés et collectifs, traitement des eaux usées ou non, production d’eau potable, traitement des eaux de ballast... Leurs produits sont diffusés dans le monde entier et plus de 75 % de leurs ventes sont réalisées à l’export.

TÉMOIGNAGE

Le marché doit rencontrer son produit et

ses clients. Et les produits conçus doivent répondre à un besoin.

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à des fonds d’investissement. Je pense que trop peu d’entrepreneurs font appel à ce type de financement qui permet d’accélérer le développement d’une entreprise.

Votre laboratoire de R&D est donc la clé de cette démarche d’innovation...

C’est un ensemble formé d’une équipe, bureau d’études puis production et commercialisation, qui permettent de nourrir les flux dans les sens aval et amont. Tout d’abord, le besoin ou le problème est identifié, puis développé et enfin la proposition d’une solution est faite. Un système ou concept doit être simple, avec

une installation, une mise en œuvre et une après-vente facilitées. C’est ainsi qu’il est possible d’obtenir un taux d’acceptation élevé. La fiabilité est un facteur clé, surtout quand vous exportez dans le monde entier. Nous sommes membre de la NSF, l’organisme certificateur américain. Nous sommes également impliqués en France sur de nombreux sujets auprès des ministères. Il est regrettable que, pour l’instant, sur certaines applications en France (REUSE par exemple), la réglementation soit bloquante sans justification technique ou sanitaire réelle !

L’innovation semble donc être incontournable...

C’est exact, une société ne peut progresser, de mon point de vue, sans innover et sans exporter. Le marché doit rencontrer son produit et ses clients ; et les produits conçus doivent répondre à un besoin. Tout cela est impossible sans une équipe pluridisciplinaire, professionnelle et soudée. Avec l’humain, rien n’est impossible.

Pouvez-vous nous parler de l’innovation de FAVI concernant le laiton antimicrobien ?

Lors d’un voyage aux USA, Jean-François Zobrist découvre que le cuivre peut présenter des propriétés antimicrobiennes. Il ramène alors une poignée en cuivre et propose de voir ce que l’entreprise pourrait développer. Les recherches réalisées font apparaitre plusieurs points intéressants. La main parait être un facteur essentiel de contagion. De plus, des maladies contagieuses comme la grippe ou la bronchiolite sont à l’origine de nombreux décès chaque année en France. Enfin, les hôpitaux doivent lutter contre les infections nosocomiales de plus en plus virulentes. Or, les poignées en cuivre peuvent arrêter ces transmissions. Il y a donc des clients pour les poignées en cuivre antibactérien. Ce projet est lancé comme une évidence. FAVI a depuis créé un alliage antimicrobien, le Laiton AB+®, et a déposé une marque, la gamme ABEVIA® de produits antimicrobiens.

Comment le projet s’est-il déroulé ?

Tout d’abord, entre 2007 et 2012, FAVI s’est concentrée sur le développement de l’alliage. Pendant cette période, l’équipe projet était composée de trois personnes : un chercheur, un veilleur et une biologiste. FAVI a déposé

l’alliage et la marque en 2012. Cependant, les produits créés ne formaient pas une gamme homogène.

Pour exemple, la serrure proposée n’allait pas avec la poignée. Depuis 2013, la recherche de nouveaux marchés est devenue la priorité. C’est à ce moment-là que j’ai rejoint l’équipe avec un rôle de chef de produit. Nous avons essayé de commercialiser les poignées

Christophe Thocquenne, responsable Client-Produit, FAVI

Créée en 1957 dans la Somme, FAVI est une fonderie qui travaille le cuivre et le laiton. En 1983, Jean-François Zobrist en prend la direction et transforme radicalement l’organisation et le management. Au début des années 90, l’entreprise emploie 275 personnes. Entre 1998 et 2000, l’effectif augmente jusqu’à atteindre 600 personnes. Aujourd’hui, 400 personnes y travaillent. L’une des raisons d’être de FAVI, clairement identifiée et reconnue, est de fournir dans cette partie de la Somme rurale un travail qui ait du sens. Le maintien et le développement de l’emploi sont donc des préoccupations centrales.

TÉMOIGNAGE

Fig. 1 : Les mini-usines au service du client (source site Internet FAVI)

© BIO-UV

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antibactériennes auprès des hôpitaux notamment. Nous nous sommes rapidement rendu compte que nos interlocuteurs hygiénistes ne sont pas les acheteurs. Face à ces portes fermées, de nouvelles compétences ont rejoint l’équipe. Tout d’abord, un designer nous accompagne une journée par semaine. Son travail permet d’optimiser l’aspect des produits. Nous étions aussi en déficit de communication. Une consultante a alors intégré l’équipe pour traiter ce sujet.

Quels ont été les freins principaux rencontrés sur ce projet ?

Je noterais, en particulier, la connaissance de nouveaux clients dans un secteur que nous découvrions. Les clients habituels de FAVI sont principalement des sous-traitants de l’industrie automobile. Ce nouveau produit était destiné à un marché sanitaire que nous ne connaissions pas. Les hôpitaux, cibles initiales de FAVI, se sont avérés difficiles à atteindre. Les contacts avec les hôpitaux permettaient de faire connaître les propriétés du cuivre, mais pas de signer de contrat. Les hygiénistes, nos interlocuteurs, n’étaient pas les acheteurs. Il fallut donc partir à la découverte des instances d’état, qui auraient été susceptibles de recommander notre produit. Mais les autorités officielles furent sceptiques quant aux propriétés antibactériennes de nos produits. En effet, les recherches avaient été menées par des entreprises privées, et non par des chercheurs du secteur public.

Face à ces portes fermées, comment avez-vous réagi ?

La difficulté d’accès à l’hôpital amena l’équipe à réfléchir à de nouveaux clients potentiels : les particuliers, les crèches et les associations. Nous nous sommes rendu compte que nos habitudes pour fixer les prix ne pouvaient plus s’appliquer dans un marché à forte concurrence. Nos prix de revient étaient trop élevés. Les prix de vente que nous en déduisions ne correspondaient pas à ceux du marché, beaucoup plus bas. FAVI travaille d’habitude en BtoB (Business to business, d’entreprise à entreprise). Nos clients habituels nous fournissent des cahiers des charges et nous achètent de très grosses quantités. L’appareil productif de FAVI correspond à ces standards. Là, sur un marché de produits plus simples, vendus potentiellement à des particuliers, l’équipe projet est arrivée à la conclusion qu’il fallait tout réapprendre en termes de commercialisation.

C’est-à-dire ?

Nous sommes repartis des connaissances fondamentales qu’il faut maitriser pour mettre en place ce type de commercialisation :

- Quel type de produit ?- Faut-il un produit connexe pour le vendre ? Une gamme ?- Qui est le client de ce produit ?- Quel prix est-il prêt à mettre ?- Comment atteindre ce client ? Comment rentrer en contact avec lui ? Par quel vecteur lui vendre le produit fini ?- Comment fabriquer le produit ? Quels niveaux de traçabilité et de fiabilité avoir ?- Sur quel type de chaîne de fabrication ? Avec quelle flexibilité ?- Au niveau comptable, comment facturer ?

Toutes questions que nous n’avions pas formalisées au début du projet.

Le retour d’expérience de ce projet est-il finalement bénéfique ?

Oui. Ce projet a permis de développer une nouvelle approche. Il a fallu penser autrement à tous les niveaux. Dans les autres projets d’innovation, on changeait un seul paramètre à la fois : le client, le produit, la matière. Pour ce projet, tout était différent en une seule fois. Ce projet a permis à FAVI d’acquérir de nouvelles compétences, notamment en marketing et commerciales : créer une gamme, positionner un produit…Ce projet a permis

à FAVI d’acquérir de nouvelles compétences,

notamment en marketing et commerciales.

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-> Le site Internet conçu par l’Adetem (Association nationale des professionnels du marketing) avec le soutien du Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique - Direction générale des entreprises (DGE) : www.pme-marketing.org. -> Le site Internet de l’association nationale des professionnels du marketing, afin d’approfondir ses connaissances sur le marketing et d’entrer en contact avec des professionnels de ce secteur : www.adetem.org.

-> Le site Internet des chambres de commerces et d’industrie du territoire qui fournit notamment des conseils et des outils pour développer son activité commerciale et notamment accompagner les entreprises à l’export : www.cci.fr.

CE QU’IL FAUT RETENIR

• Aucunsuccèscommercialn’estpossiblesanslaconnaissancedesonmarchéetdesesclients.

• L’évaluationdesrisquesetopportunitésde la commercialisation est une étapeclé dans le développement réussied’uneinnovation.

• Lafonctionmarketingestdéterminanteafindedétecterlemarchépotentieletdevaliderlaperceptionduproduitparleclient.

L’innovation est un facteur de développement commercial. L’activité commerciale de l’entreprise est généralement bien maîtrisée. Cependant, la création d’un produit ou d’un service innovant amène l’entreprise à se confronter à des perspectives différentes : nouveaux clients qu’il faut séduire, nouveaux secteurs d’activités dont il faut décrypter les codes, nouveaux pays qu’il faut appréhender… Une innovation réussie est une innovation dont le succès commercial est probant. Pour cela, il est nécessaire de bien connaître les clients ciblés et être sûr que le nouveau produit ou service répond à leur besoin. Au sein d’une entreprise, la fonction marketing est généralement chargée de ces missions. En s’aidant notamment d’études de marché, elle permet la construction d’un plan marketing cohérent avec la stratégie de l’entreprise.

LES POINTS ESSENTIELS

EN S

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LUS