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L ERE DES « DATA » et de l'intelligence artificielle ouvre de nouvelles pers- pectives pour les ingénieurs dans des domaines comme la santé, l'environnement, les transports ou la cybersécurité. Une aubaine pour les jeunes diplômés, comme pour les k salariés en quête d'évolution. Face à la révolution numé- rique, les ingénieurs, qu'ils soient hommes ou femmes, se positionnent en pre- mière ligne pour concevoir, implémenter et sécuriser les algorithmes d'intelligence artificielle (IA) qui sont en train de révolutionner nos modes de vie, pour nous dépla- cer ou surveiller notre santé, par exemple. Écoles et uni- gg versités sont à pied V\ pour proposer dans des j-A délais très courts des for- mations en adéquation avec —I ces besoins nouveaux... et massifs. Peu de cycles intitu- lés explicitement IA existent déjà mais les cursus en mathé- matiques et informatique ont la cote auprès des recruteurs qui peinent à satisfaire les demandes. Sciences et Avenir fait le point sur les opportu- nités de formation et d'emploi au niveau bac + 5 dans quatre secteurs clés confrontés à ces bouleversements :1a cybersé- curité, la santé, les transports et l'environnement. Emploi immédiat garanti. » Devenir ingénieur(e) à double compétence Les tableaux présentés dans ce dossier ont été établis à partir notamment des recommandations des responsables de cursus et des recruteurs interrogés. Ils visent à donner des exemples des formations les plus en vogue en IA et numérique dans les secteurs retenus pour ce dossier. Ils ne constituent en aucun cas un palmarès et ne prétendent pas à l'exhaustivité. Dossil R RI MISI PAR Sylvie Lecherbonnicr HIGH-TECH \ 1 mars 2019 - N°865 Page 3

Devenir ingénieur(e) à double compétence - Grande école d… · 2019. 3. 5. · LERE DES « DATA » e t d e l'intelligence artificielle ouvre de nouvelles pers-pectives pour les

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LERE DES « DATA » e t d e

l'intelligence artificielleouvre de nouvelles pers-

pectives pour les ingénieursdans des domaines commela santé, l'environnement, lestransports ou la cybersécurité.Une aubaine pour les jeunesdiplômés, c o m m e pour les

k salariés en quête d'évolution.Face à la révolution numé-rique, les ingénieurs, qu'ilssoient hommes ou femmes,se p o si t i o n n e n t en p r e -mière ligne pour concevoir,implémenter et sécuriser lesalgorithmes d'intelligenceartificielle (IA) qui sont entrain de ré v o l u t i o nn er nosmodes de vie, pour nous dépla-cer ou surveiller notre santé,par exemple. Écoles et uni-

g g versités sont à pied d'œuvre

V\ pour proposer — dans desj-A délais très courts — des for-

mations en adéquation avec—I ces besoins nouveaux... et

massifs. Peu de cycles intitu-lés explicitement IA existentdéjà mais les cursus en mathé-matiques et informatique ontla cote auprès des recruteursqui peinent à satisfaire lesdemandes. Sciences et Avenirfait le point sur les opportu-nités de formation et d'emploiau niveau bac + 5 dans quatresecteurs clés confrontés à cesbouleversements :1a cybersé-curité, la santé, les transportset l'environnement. Emploiimmédiat garanti. »

Devenir ingénieur(e)à double compétence

Les tableaux présentés dansce dossier ont été établis à partirnotamment des recommandationsdes responsables de cursus etdes recruteurs interrogés.Ils visent à donner des exemplesdes formations les plus envogue en IA et numériquedans les secteurs retenuspour ce dossier. Ils ne constituenten aucun cas un palmarès etne prétendent pas à l'exhaustivité.Dossil R RI MISIPAR

Sylvie Lecherbonnicr

HIGH-TECH

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1 mars 2019 - N°865

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

Experts data et IA demandésLes cursus en intelligence artificielle et en « data » doivent se développer pour

former les très nombreux diplômés que réclament les entreprises.

L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

n'est pas une discipline entant que telle. Elle requiert de

solides connaissances en mathé-matiques et informatique pourcréer des algorithmes, qui, ali-mentés par d'immenses bases dedonnées, sont capables d'analysesservant à piloter des systèmes oud'aide à la décision. Pour s'y for-mer, il est tout indiqué d'intégrerune école d'ingénieurs orientéenumérique ou un master mathé-matiques ou informatique, aprèsun premier cycle scientifique. Lesmodules data science (science desdonnées numériques) et machinelearning (apprentissage automa-tique) sont les plus en vogue.138cours liés à l'IA dispensés dans81 écoles d'ingénieurs et 38 uni-versités, et 18 mastères spécia-lisés ont été recensés par lerapport commandé par legouvernement au mathé-maticien Cédric Villani,

Une main robotique dotée d'IA endéveloppement à l'Isir de Paris.

rendu en mars 2018. Côté profs,un Capes d'informatique verra lejour en 2020. « Nous savons for-merde très bons experts en IA maisnous avons besoin de davantage deformations sur ses applications »,commente Mehdi Gharsallah,conseiller numérique au minis-tère de l'Enseignement supérieur.

En attendant l'augmentationdu nombre de filières et d'étu-diants formés, les entreprisesont aujourd'hui des difficultésà recruter. « L'IA va toucher tousles métiers. C'est un raz-de-maréequi arrive », prédit Katya Lainé,coprésidente du comité innova-tion et technologies du Syntecnumérique et P-DG de Kwalys.Jacques Fayolle, vice-présidentde la Conférence des directeursdes écoles françaises d'ingénieurset directeur de Télécom Saint-Etienne, renchérit : « l/n ingénieuravec une compétence IA possèdeaujourd'hui uneforte valeur ajoutée.Dans dix ans, celui qui n'aura pascette compétence aura des difficul-tés d'insertion professionnelle. » •

m L'IA va toucher tous les métiers.C'est un raz-de-marée qui arriveKatya Lainé, coprésidente du comité innovation et technologiesdu Syntec numérique

rÉcole / université Ville Intitulé du diplôme Niveau

d'entrée- Durée Coût- Formationcontinue-

El Cnam avec l'universitéde Poitiers

Epita

IMT Mines Aies

Télécom ParisTech

Université Paris-Descartes Paris

Université Paris-Saclay

École IA Microsoft/Simplon

Niort

Kremlin-Bicêtre,Villejuif, Lyon,Rennes, Toulouse,Strasbourg

Aies

Paris / Sophia-Antipolis

Paris, Saclay

dans toutela France

ingénieur informatique, big data et intelligenceartificielle (en apprentissage)

ingénieur (majeure « data science et IA »)

après bac+2 3 ans

après bac

ingenieur

master informatique spécialité IA après bac+3

master2 MVA (mathématiques, vision, apprentissage) après bac +4

développeur data IA (en contrat deprofessionnalisation)

5 ans 8852 €

ingénieur (option « IA et sciences des données ») après bac + 2 3 ans 2150 €

après bac+2 3 ans 2650 €

2 ans 243 €

1 an 243 €

Premièreexpérience en

programmation

19mois 0

non

non

oui

oui

• Premier niveau d'entrée dans la formation Frais de scolarité en euros pour une année de formation de niveau master * Formation initiale ouverte en formation continue

1 mars 2019 - N°865

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Des besoins considérablesen sécurité informatique

Les cyber-attaques vont croissant, obligeanttoutes les entreprises à s'attacher les services

de professionnels pour s'en prémunir.

IJ• a

A CYBERSÉCURITÉ fait moinsparler d'elle que l'intelligence

.artificielle aujourd'hui mais lesbesoinssontconsidérables », analyseYves Poilane, directeur de Télé-com ParisTech. Face aux attaquesmassives et à répétition, pas uneentreprise — petite ou grande —qui ne se préoccupe désormais desa sécurité informatique devenuevitale ! LApec (Association pour

l'emploi descadres) a recensé plusde 21000 offres d'emploi dansles domaines du cloud (serveursdistants), du bigdata (donnéesmassives) et de la cybersécuritéen 2017. Prime aux jeunes diplô-més : les recruteurs cherchentmajoritairement des profils deniveau bac + 5, masters ou ingé-nieurs, et avec jusqu'à trois ansd'expérience professionnelle.

Les formations se sont dévelop-pées pour tenter de faire face àcette demande depuis les années2000. Une cinquantaine de cur-sus bénéficient aujourd'hui dulabel « SecNumEdu » délivrépar l'Anssi (Agence nationale desécurité des systèmes d'informa-tion), qui garantit le sérieux de laformation.

Ainsi, à Grenoble INP-Ensimag,une école d'ingénieurs du numé-rique, une vingtaine d'étudiantssur 280 par promotion travaillentensuite dans la cybersécurité,selon son directeur Jean-LouisRoch. « Tous nos étudiants suiventdesmodules en cybersécurité dèslapremière année. Cela doit désor-mais faire partie de la culture detout ingénieur du numérique. » m

r

École / université Ville Intitulé du diplôme Niveaud'entrée- Durée Coût- Formation

continue —

Aix-Marseille Marseillee master informatique parcours « fiabilité et sécurité après bac+3 2 ans 243 € ouiUniversité Marseill informatique » après bac+3 2 ans

Esiee Noisy-le-Grand ingénieur (filière «cybersécurité des systèmesd'information ») après bac+3 5 ans 8100 € non

Insa Lyon Lyon mastère spécialisé « cybersécurité du numérique » après bac+5 1 an 7700 € oui

Grenoble INP-Ensimaget université Grenoble- Grenoble master 2 « cybersecurity » après bac+4 1 an 500C nonAlpes

Université de Bordeaux Bordeaux master « cryptologie et sécurité informatique » après bac+3 2 ans 243 € non

Université Rennes-I Rennes master« mathématiques de l'information,cryptographie» après bac+3 2 ans 243 € oui

UTT Troyes, Paris mastère spécialisé « expert forensic et cybersécurité » après bac+ 5 1 an 9500 € oui

Premier niveau d'entrée dans la formation Frais de scolarité en euros pour une année de formation de niveau master *** Formation initiale ouverte en formation continue

HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

La cybersécuritédoit faire partiede la culture de

tout ingénieur dunumérique

Jean-Louis Roch, directeur deGrenoble INP-EnsimagDétecter les intrusions : une cinquantaine de cursus forment à cette spécialité.

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post-bac

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

Tech et numériquedans la pratique

médicaleLes ingénieurs et « data scientists »

font leur entrée dans le monde de la santé,de plus en plus connecté.

DÉ T E C T E R U N E T U M E U R

encore invisible à l'œil

nu. Assister un chirur-gien lors d'une opération. Pré-voir les flux de patients dans unétablissement hospitalier... L'intel-ligence artificielle et l'analyse desdonnées ouvrent un champ despossibles immense en matière desanté. Jean-Patrick Lajonchère,directeur de la Fondation hôpi-tal Saint-Joseph, le martèle dansun rapport pour l'Académie demédecine sur les data et la pra-tique médicale : « Les profession-nels de santé doivent être en mesured'intégrer ce nouveau domaine d'ana-lyse. » Son établissement a d'ail-leurs recruté il y a un an un datascientist (expert en mégadon-nées) pour traiter les donnéesdes patients. « Ce type de recru-tement va tomber dans la routine.Plus on va traiter de données, pluson voudra aller loin dans l'analyse »,

prédit Jean-Patrick Lajonchère.Si les cursus en bio-informatiqueexistent depuis longtemps, écolesd'ingénieurs et universités tra-vaillent désormais à lier plus lar-gement numérique et santé pourrépondre à ce phénomène. Desécoles d'ingénieurs orientéesnumérique créent des domainesd'approfondissement en deu-xième ou troisième année, commel'ISEP (Paris et Issy-les-Mouli-neaux dans les Hauts-de-Seine) etson parcours numérique et santé.Pendant les deux dernières annéesdu cursus, les élèves ingénieurs seforment aux nouvelles technolo-gies à travers des modules comme« machine learning» (apprentis-sage automatique) ou « vision parordinateur ». Le tout appliqué ausecteur médical. Des cours surl'organisation du système de santéviennent parfaire leurs connais-sances du domaine.

D'autres cursus plus généralistesfont apparaître la santé dans leursenseignements. CentraleSupé-lec à Gif-sur-Yvette (Essonne),Metz (Moselle) et Rennes (Ille-et-Vilaine) a ainsi clairement iden-tifié le secteur « vivant, santé,environnement » comme l'unedes huit dominantes de son nou-veau cursus mis en place à la ren-trée 2018. « Nos enseignementsliés à la santé étaient très éparpil-

École / université

Efrei avec le Cnam

Isep

IFSBM

Mines Saint-Étienne et EM Lyon

Sorbonne Université

Ville Intitulé du diplôme Niveaud'entrée

Villejuif ingénieur (majeure bio-informatique) après bac

Paris ingénieur (parcours numérique et santé) après bac

Villejuif DU (diplôme universitaire) spécialisationbiomédicale

aprèsbac+4

Saint-Étienne,Lyon et Shanghai

master of science « health management& data intelligence »

aprèsbac+4

Paris master bio-informatique et modélisation après bac+3

5 ans

5 ans

lan

7700 €

8320 €

1596 €

18 mois 22 000 €

Formation

non

non

non

2 ans 243 €

• Premier niveau d'entrée dans la formation ** Frais de scolarité en euros pour une année de formation de niveau master *** Formation initiale ouverte en formation continue

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I NT E RV I E W

« Je suis intégréà la Direction dela transformationnumérique »

24 ANS, CHARGÉ DE MISSION À L'INSTITUT GUSTAVE-ROUSSY (IGR) DE VILLEJUIF (VAL-DE MARNE)

PHILIPPE DE VOMÉCOURT,

Comment êtes-vous devenu chargé de mission« valorisation desdonnées » à l'Institut Gustave-Roussy (IGR), grand centre de lutte contre le cancer ?Lors de mes études à CentraleSupélec (Gif-sur-Yvette, Essonne), j'ai eu envie de me tourner versun secteur qui ait du sens. J'ai fait ainsi partie despremiers étudiants à obtenir le double diplômeavec l'IFSBM (Institut de formation supérieurebiomédicale). Sa directrice, Nathalie Lassau, estégalement professeure de radiologie à l'IGR, etc'est par son biais que j'y suis entré en 2018.

Quelle est votre fonction au sein de l'IGR ?Je joue un rôle d'intermédiaire

entre les professionnels de santé,médecins comme infirmiers,les informaticiens et lesentreprises, notamment lesstart-up, qui travaillent dansle domaine médical. L'une demes premières missions a été

de participer à l'organisation dupremier « Data challenge » au

congrès des radiologues fin 2018 où25 équipes d'étudiants, de radiologues

et de chercheurs ont conçu des algorithmesapplicables à l'imagerie médicale. Nous organisonsactuellement un nouveau Data challenge avec larégion Île-de-France, qui portera notamment surla prédiction de rechute du cancer du sein. C'estun bon format pour montrer la puissance de l'IAappliquée à la santé.

La santé est-elle un secteur d'avenir pourles ingénieurs ?C'est une évidence et les besoins d'emploi évoluenttrès vite ! J'étais une sorte de « prototype » lors demon recrutement à l'IGR il y a un an. Aujourd'hui,je suis intégré à la Direction de la transformationnumérique et des systèmes d'information. Nousallons mobiliser plusieurs stagiaires sur les questionsde data au cours de cette année. Plus globalement,les jeunes ingénieurs qui se seront immergés dansle secteur de la santé pendant leur formationdisposeront d'un véritable accélérateur dans leurparcours professionnel. • Proposrecueillis parS. L.

connecter les mondes de latech et de la santé. » Pourbrasser encore plus lesdifférents univers, la for-mation sera aussi ouverteaux professionnels.A l'autre bout de la chaîne,le médicament fait égale-ment sa révolution numériqueet requiert de nouvelles com-pétences. Audrey KaufFmann,directrice bio-informatique etoncologie chez Novartis, l'assure :« Nous modifions la manière dontnous découvrons et développons nosmédicaments en utilisant la puis-sance de l'IA dans nos données pré-cliniques et cliniques. Nous avonsbesoin de composer des équipesspécialisées en data science, avecdes ingénieurs en informatique, desexperts en machine learning, desbio-informaticiens, des statisticienset des développeurs. Heureusement,les universités à travers le mondeforment les étudiants dont nousavons besoin. » m

lés jusque-là. Or une étude réali-séeauprès de nos alumni [anciensélèves] a montré la forte croissancede ce secteur pour nos diplômés »,justifie Estelle Iacona, conseil-lère auprès de la direction deCentraleSupélec.

Former des professionnelsà l'inferface entre lA/santé

Et ce n'est pas fini ! L'École desmines de Saint-Etienne (Loire)et l'EM Lyon ouvriront en sep-tembre prochain un master ofscience « health management anddata intelligence » labellisé par laConférence des grandes écolesen septembre prochain. « D'aprèsnotre étude de marché, il manquedesprofessionnels à l'interface entrel'IA et la santé, indique BenjaminDalmas, enseignant-chercheurau Centre ingénierie et santé del'université de Saint-Etienne. Ilne s'agit pas deformer des experts enIA, mais des personnes qui possèdentcette culture numérique et peuvent

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

L'aéronautiqueet l'automobile

avides d'IAL'industrie des transports, troisième secteur

d'embauche des jeunes ingénieurs, requiert descompétences de plus en plus pointues.

LI V

A MOBILITE DE DEMAIN reste àinventer. Le véhicule autonome

.va nous occuper pendant lestrente prochaines années ! », confie,enthousiaste, Abdelaziz Bens-rhair, enseignant-chercheur àl'Insa (Institut national dessciences appliquées) de Rouen,à l'initiative de la chaire pédago-gique « Véhicule autonome etconnecté ». Celle-ci fait travaillerensemble les étudiants, des start-up et des entreprises du secteurautomobile. Lancée en 2017, elles'est fixé pour objectif de former100 ingénieurs en trois ans dansce domaine. Entre 15 et 20 étu-diants en dernière année d'étudessuivent ainsi une cinquantained'heures de cours assurés pourmoitié par l'Insa et pour moitiépar des industriels. Et AbdelazizBensrhair assure recevoir quoti-diennement des offres de stage oud'emploi pour ses étudiants. « J'en

reçois davantage que je n'ai de per-sonnes formées car tous les servicesRàD [recherche et développement]veulent recruter les talents pourdévelopper les systèmes de demain. »L'industrie des transports — ausens large — représente déjà letroisième secteur d'embauchede jeunes ingénieurs aujourd'hui,derrière les sociétés de conseilet le numérique, selon la der-nière enquête de la Conférencedes grandes écoles. Et un jeunediplômé sur cinq débute sa car-rière en R&D. Un phénomènequi devrait s'amplifier dans l'in-dustrie automobile, avec l'essordu véhicule autonome. L'Estaca,une école d'ingénieurs spéciali-sée dans les transports et située àSaint-Quentin-en-Yvelines (Yve-lines) et Laval (Mayenne), a misen place une spécialisation dedernière année sur le « transportconnecté intelligent », qui com-

MOBILITES

Une formation pour rendre les transports« intelligents »Prédire les temps de montée et de descente des passagers d'un train, équilibrer le nombrede véhicules en libre-service présents dans différentes stations ou faire de la maintenanceprédictive. Avec les nouveaux enjeux de la mobilité, les algorithmes ont trouvé un immenseterrain de jeu. Fort de cette conviction, l'École des Ponts ParisTech et Télécom ParisTech ontallié leurs compétences pour lancer le mastère « smart mobility » (« mobilité intelligente »)

en 2017. Les promotions comptent 20 étudiants, dont certains en reconversion. La mobilitéy est abordée sous toutes ses formes : économique, sociale, juridique, technologique.« Nos étudiants travaillent sur des sujets complexes et transversaux. Nous les mettons en situationde concevoir de nouveaux systèmes de mobilité », détaille Olivier Haxaire, le responsabledu cursus. Avec l'expansion de l 'open data, les sources de données ne sont pas près de se tarir.

bine mécatronique (mécanique,électronique et informatique) etinformatique embarquée. Unevingtaine d'étudiants s'y engagentchaque année. L'Estaca travailleaussi sur un cursus d'ingénieursen alternance et en formationcontinue sur le véhicule auto-nome, dont l'ouverture est prévueà l'automne. « Les grandes entre-prises du secteur nous ont sollicités,explique Séverine Delavernhe,responsable des programmeset mastères spécialisés. L'idéeest de faire monter en compé-tences des techniciens de niveaubac + 3. » 1200 heures de forma-tion sont prévues sur trois ans,en alternance.

Allier la rigueur du secteur àl'agilité du geek

Si la voiture au t o n o m e foca-lise tous les regards, l'aéronau-tique n'est pas en reste. BertrandCarette, en charge de la prospec-tive métiers du groupe Safran,suit ces évolutions : « L'intelli-gence artificielle et les data sontparticulièrement nécessaires pourles équipements embarqués et tous

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

L'essor du véhiculeautonome et

connecté multiplieles besoins en

ingénieurs spécialisés.

les systèmes d'autonomie des appa-reils, que ce soit pour la défense oul'aéronautique civile. Mais aussipour tout le secteur de la produc-tion avec les technologies associées à

du : le contrôle auto-matique ou la maintenance pré-dictive. » L'expert regrette queles jeunes intéressés par le datane choisissent pas d'emblée de

s'orienter vers le monde indus-triel. « Pourtant, les opportunitésexistent. Safran Analytics recrute30 data analysts (analyste de don-nées) et data engineers (ingénieursdonnées) cette année ! » Une réalitéqui pousse le groupe industrielfrançais à nouer des partenariatsavec des écoles et des universités.« Lesformations ne sont pas encoreasseznombreuses. Les stages ou lesprojets peuvent amener le contexteaéronautique dans ces métiers del'IA. Car être data analyst dansle domaine de l'aéronautique, c'estallier la rigueur du secteur — avecseshauts niveaux de certification —à l'agilité du \geek\. »Cette pénurie de compétencesest confirmée par Patrick Fabiani,directeur de recherche à l'ISAE-Supaero à Paris : « Les bureauxd'études et de RùD des industrielsde l'aéronautique et du spatial,comme Airbus et Thaïes, recrutentdes ingénieurs R£tD, des expertsIA et des data scientists, mais ilsn'arrivent pas à pourvoir tous lespostes disponibles ! » Pour l'heure,80 des 300 étudiants de la promo-tion de 3

eannée choisissent les

« sciences de la décision » parmiles 6 filières d'expertise proposées.« Ces sciencespermettent de modé-

Tous lesservices R&D[recherche et

développement]veulent recruterles talents pour

développerles systèmes de

demain ^Abdelaziz Bensrhair,enseignant-chercheur

à l'Insa de Rouen

liser les éléments nécessaires à laprise de décision, détaille PatrickFabiani. Nous allons mettre en placedavantage de cours liés à l'IA au furet à mesure que ces outils démon-treront leur efficacité. Les ensei-gnants-chercheurs s'y forment parle biais de leurs travaux de recherchepuis transmettent progressivementleurs compétences dans le cadre deleurs cours. » Un cercle vertueuxen somme. •

rÉcole / université Ville Intitulé du diplôme Niveau

d'entrée- Durée Coût- Formationcontinue •

École des Ponts etTélécom ParisTech

Paris etChamps-sur-Marne

Saint-Quentin-

mastère spécialisé « smart mobility » après bac+ 5 un an 14000 € oui

Estaca en-Yvelines etLaval

ingénieur (option transport connecté intelligent) après bac 5 ans 7990 € non

Insa Rouen Rouen ingénieur (chaire « Véhicule autonome et connecté ») après bac 5 ans 601 € non

Ensta Bretagne Brest ingénieur (approfondissement « systèmesd'observation et intelligence artificielle ») après bac+ 2 3 ans 2150 € non

Ensta ParisTech Palaiseau ingénieur (parcours « mobilité intelligenteet ingénierie des véhicules ») après bac+2 3 ans 2550 € non

ISAE-Supaéro Toulouse ingénieur après bac+ 2 3 ans 2700 € non

Isat Nevers ingénieur (option « véhicule intelligent et autonome ») après bac 5 ans 601 € oui

* Premier niveau d'entrée dans la formation Frais de scolarité en euros pour une année de formation de niveau master ' Formation initiale ouverte en formation continue

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

Agriculture, énergie, bâtiment : lanécessité d'ingénieurs polyvalents

L'analyse de données en temps réel gagne ces secteurs. Une doublecompétence numérique et environnement est un plus.

SMARTGRIDS (« réseaux intel-ligents »), smart farming(« fermes intelligentes »),

smart construction (« constructionintelligente »), smart home (« mai-son intelligente »)... Avec lesdonnées massives et les réseauxélectriques, l'agriculture et lesbâtiments deviennent « intelli-gents ». Des capteurs peuventêtre placés sur un mur, dans unchamp, en mer et générer desdonnées à analyser en temps réel.Des évolutions technologiquesqui obligent les grandes écoleset les universités à créer des pro-grammes interdisciplinaires pourformer des ingénieurs polyva-lents dont les géants de l'énergie,tout c o m m e les PME du bâti-ment, ont besoin. L'École poly-technique (l'X) a ainsi lancé il y a

quatre ans un grand programmede recherches nommé TrendX.Il regroupe dix laboratoires derecherche autour du stockage, desbâtiments intelligents, de la pros-pective énergétique et irrigue lesparcours d'enseignement comme« sciences et défis pour l'envi-ronnement » ou « énergie pourle xxi 1' siècle » ainsi qu'un mas-ter international.

Entreprises du BTPet bureaux de conseil

Lorsqu'elles n'ont pas les com-p é t e n ce s interdisciplinairesen i n t e rn e , les écoles d'ingé-nieurs nouent des partenariats.L'ESITC Caen, spécialisé dansle BTP ( b â t i m e n t et travauxpublics) est allée voir sa voisine,l'EnsiCaen. « Nous avons besoin

de monter en compétences sur letraitement des données après quele génie civil a fait sa révolutionnumérique il y a dix ans », sou-ligne Marie Bagieu, directricedes études de l'ESITC Caen. Lesdeux écoles normandes montenten septembre une option en troi-sième année du cycle ingénieur« bâtiment du futur » et un mas-tère spécialisé « expert en smartconstruction », également ouverten f o r mation continue. MarieBagieu en est convaincue : « Amoyen terme, le traitement des datafera partie du tronc commun d'en-seignement. Celui qui maîtriseracette science possédera les clés dufutur! » Ce type de formationp er m e t de travailler dans lesentreprises du bâtiment ou lesbureaux de conseil en gestion

rÉcole / Université Ville Intitulé du diplôme Niveau

d'entrée-Durée Coût-- Formation

continue—

École centrale Nantes Nantes ingénieur (option « systèmes embarqués et réseauxélectriques »

après bac + 2 3 ans 2500 € non

École polytechnique Palaiseau ingénieur (parcours« sciences et défis pourl'environnement »ou « énergie pour le xxf siècle ») après bac+ 2 3 ans 0 non

ESITC Caen etEnsiCaen Caen

mastère spécialisé « expert en smart construction :ouvrages et territoires connectés » après bac+5 1 an 9800 € oui

Rueil-Malmaison 100moissIFPSchool et ENSG et Champs-sur-

Marnemastère spécialisé « petroleum data management » après bac+5

1moi 16000 € oui

Isen Brest Brestingénieur (dominante « numérique, environnementet développement durable ») après bac 5 ans 7400 € non

Montpellier Supagro Montpellieringénieur (option « data science pour l'agronomie etl'agroalimentaire »)

après bac+ 2 3 ans 1681 €

UniLasalle Rouen master « science agricultural and food datamanagement » après bac+ 4 18

mois 8000 € oui

Premier niveau d'entrée dans la formation Frais de scolarité en euros pour une année de formation de niveau master * Formation initiale ouverte en formation continue

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HIGH-TECH

Devenir ingénieur(e)

MONDE AGRICOLE

Le numérique creuseson sillon

des risques ou gestion du patri-moine notamment.En règle générale, la double com-pétence se prépare plutôt en finde cursus après avoir acquis unsocle scientifique solide dans sondomaine initial : énergie, BTP...Pourtant, l'Isen Brest, une écoled'ingénieurs orientée informa-tique, s'est inspiré de l'alliancequ'il a créée entre numériqueet santé pour ouvrir un domaineprofessionnel « numérique, envi-ronnement et développementdurable » pour les 4

eet 5° années

à la rentrée 2018. Il inaugureraaussi un premier cycle post-bacde trois ans en septembre pro-chain. À côté des mathématiques,physique et sciences de la viedes premiers cycles, un quart

Le traitement desdonnées massives,

collectées par exemplepar des drones,

est un nouveau défique doit relever

le secteur du BTP.

À l'heure de l'agriculture connectée,les cursus d'ingénieurs qui mêlentagriculture et numérique sont encorepeu nombreux. Pour se lancer,l'université d'Angers (Maine-et-Loire)et les deux écoles d'ingénieurs Eseo(École supérieure d'électronique del'Ouest, à Angers, Paris et Dijon) etESA (École supérieure d'agriculture,à Angers) ont organisé de novembreà janvier un premier « AgTech DataChallenge » sur la détection desmauvaises herbes dans la culturede la mâche. L'idée : initier desétudiants bac +3/+5 à l'analysede données issues du monde del'agriculture. L'initiative préfigure desenseignements communs « agtech »entre l'Eseo et l'ESA dès septembre2019. « L'IA agira comme un outil d'aideà la décision pour le monde agricole,pour prévoir la production de lait parexemple », analyse Sébastien Aubin,enseignant-chercheur à l'Eseo.

des enseignements ont trait à lathématique numérique et déve-loppement durable. « L'envie desétudiants de donner du sens à leursétudes et de s'engager sur les ques-tions environnementales se com-binent à l'émergence de nouveauxmétiers, analyse Antoine Rivière,le responsable de la filière. Mêmesi le marché est encore émergent,celui qui affiche cette double cas-quette intelligence artificielle/environnement bénéficie d'uneréelle plus-value sur le marché del'emploi. »

Alexandre d'Aspremont recher-chait également cette doublecompétence lors des nombreuxrecrutements qu'il a effectuésces derniers mois. Enseignant-chercheur, il est le cofondateur

Le génie civil a fait sa révolutionnumérique il y a dix ans et doit maintenantaller vers les data

de Kayrros, une start-up spéciali-séedans le traitement de donnéespour le secteur de l'énergie. L'en-treprise se sert des images satel-litaires pour évaluer en tempsréel les stocks de pétrole ou laproduction d'énergie solaire. Endeux ans, Kayrros est passé de 0 à200 salariés et compte encoreen recruter une cinquantainecette année. Parmi eux, un tiersde développeurs et un tiers dedata scientists. « Concernant cesderniers, nous recrutons dans lesgrands masters dédiés à l'analysequantitative des universités Paris-Dauphine ou Paris-Saclay, parexemple. Nous appréciions parti-culièrement les profils d'ingénieursqui possèdentuneformation complé-mentaire dans le domaine de l'éner-gie, comme celles dispenséesà l'IFPou à l'Impérial College de Londres »,détaille Alexandre d'Aspremont.Il affirme par ailleurs ne pas trou-ver assez de développeurs. Seformer au numérique est déci-dément porteur d'avenir. •

1 mars 2019 - N°865

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