8
Devoir de loyauté ou indépendance ? N° 57 Avril 2008 Fédération Cgt des services publics territoriaux Le journal de l’Ufict-Cgt Union fédérale des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise Supplément à Options n° 536 Éditorial Actualités 2 N. Sarkozy à Bercy Service public 4-5 L’emprise du management par Ernest Antoine 6-7 Médiateurs culturels par Olivier Vilain 8 Tempête sur le logement social par Olivier Vilain Identités Société SOMMAIRE par Armand Creus

Devoir de loyauté ou indépendance

  • Upload
    others

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Devoir de loyauté ou indépendance

Devoir de loyauté ou indépendance ?

N° 57 Avril 2008Fédération Cgtdes services publics territoriauxLe journal de l’Ufict-CgtUnion fédérale des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise

Supplément à Options n° 536

Éditorial

Actualités2 N. Sarkozy à Bercy

Service public4-5 L’emprise du managementpar Ernest Antoine

6-7 Médiateurs culturels par Olivier Vilain

8 Tempête sur le logement socialpar Olivier Vilain

Identités

Société

SOMMAIRE

par Armand Creus

publics_57.indd 1 14/04/08 15:54:58

Page 2: Devoir de loyauté ou indépendance

É[email protected]

Ont participé à ce numérO

Rédaction : Armand Creus, Ernest Antoine, Yves Tallec, Olivier Vilain

Illustrations : Pierre Corneloup (p. 1, 4), Photos : DR

ufict Cgt des Services Publics263 rue de Paris - case 547 93515 Montreuil cedextél. 01 48 18 83 74 fax. 01 48 51 98 20site Internet : www.spterritoriaux.cgt.fr

de l’Etat sera tenu. Cela signifiera un gain de productivité compris entre 4 et 5% de l’appareil d’Etat.

Aucun sujet d’in-tervention publique ne sera laissé de côté. Nous montre-rons que l’équilibre de nos finances en 2012 est à notre portée sans remet-tre en cause la qua-lité et l’efficacité de nos politiques publiques.

Si elle doit bénéfi-cier aux citoyens et aux contribuables, la réforme de l’Etat doit aussi bénéficier

aux fonctionnaires. Le principe du retour de la moitié des économies liées au 1 sur 2 est profondément juste. En 2011, cela représentera lar-gement plus de 1 Milliard d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire sur les gains de productivité.

Je sais les sommes de dévouement, de compétence et d’honnêteté qu’il y a dans notre fonction publique. Les premières victimes de l’organisation actuelle, ce sont les fonctionnaires.Innombrables sont ceux qui m’ont dit : A quoi ça sert qu’on se donne du mal, on a l’impression que tout le monde s’en moque ! Et la qualité de vie d’un fonctionnaire, ça compte aussi.C’est tout ce que nous engageons sur la mobilité, sur la reconnaissance du mérite, sur la valorisation de l’expé-rience, sur la possibilité pour quel-qu’un d’assumer sa promotion pro-fessionnelle sans passer un concours ou faire réciter par cœur la Princesse de Clèves !

Nous serons bientôt le pays développé dont la part de la dépense publique est la plus lourde. Les dépenses de l’Etat excèdent cha-que année de 20% les recettes, et cela depuis plus de vingt ans. On a investi massivement dans l’informati-sation, on a réalisé la décentralisation. Eh bien, il a 300 000 fonctionnaires de l'Etat de plus aujourd'hui qu'en 1982. Moins de responsabilités, plus de monde. Et dans le même temps, la fonction publique territoriale a aug-menté de 40%, la fonction publique hospitalière de 30% ! On ne peut pas continuer à ce rythme.

L’équilibre de nos finances publiques dépend de notre capacité à réduire les effectifs. Déjà en 2008, nous avons accompli en la matière un effort inédit, puisque nous n'avons pas remplacé 23 000 départs à la retraite, ce qui nous a quand même conduit à embaucher au sein de l'Etat 40 000 personnes. L’engagement de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux à l’échelle

publics page �

édit

Ori

al

ACTuALITÉSModernisation des politiques publiques et Réforme de l’EtatExtraits du discours de N. Sarkozy à Bercy le 4 avril 2008

page � publics

mOrceaux chOisis

7ème congrès Ce n'est qu'un début

Les cadres de la Fonction publique territoriale, dans leur diversité, subissent de plein fouet les

méfaits des politiques gouvernementales de régression sociale de ces dernières années. En témoigne l’évolution du pouvoir d’achat de 2000 à 2006 : le traitement de dé-but de carrière d’un cadre A est passé de 1,63 à 1,23 fois le Smic tandis que celle d’un cadre B est passé de 1,24 à 1,04 fois le Smic. Avec le gouvernement Sarkozy, ces politiques atteignent un point de rupture. L’instauration d’une « maîtrise des dépenses publiques » fondée sur une diminution des

moyens financiers et humains, conséquen-ces de la Loi organique des lois de finances (Lolf) adoptée en 2001 est aujourd’hui parachevée avec la Révision générale des politiques publiques (Rgpp). Faire « mieux avec moins » c’est ouvrir encore plus largement un vaste champ au secteur privé (externalisation de missions qu’on ne peut plus réaliser en régie ; assistance à maîtrise d’ouvrage ; partena-riats public/privé…). Les collectivités locales en subissent aussi les conséquences et de nombreux élus lo-

caux s’y adaptent trop souvent, par exemple en refusant l’objectif de ratios « promus/promouvables » à 100% dans leur collectivité pour les A et B et en instaurant des critères de nomination prohibitifs, notamment pour les femmes. Emerge aussi un management par objectifs de « performance », agressif, dont les cadres sont à la fois vecteurs et victimes.La question de la responsabilité sociale des cadres et de droits nouveaux à conquérir est posée à des catégories de personnels tourneboulés dans leurs identités profession-nelles, bafoués dans leur déroulement de carrière et la reconnaissance de leur qualification, remis en cause dans leur éthique.L’Ufict Cgt des Services Publics met à leur disposition un espace spécifique pour les aider à sortir de l’isole-ment, débattre de ces enjeux et rechercher ensemble des réponses. Son 7e congrès national, qui se tiendra à Vi-chy du 26 au 29 mai, devra contribuer à la construction d’alternatives et d’outils syndicaux efficaces.

Armand Creus,secrétaire de l’Ufict Cgt des services publics

Logement social nicolas Sarkozy, lors de son discours de Bercy (voir ci-contre), a an-noncé l’abaissement des plafonds de ressources permettant l’accès aux Hlm et l’augmentation des surloyers. Pour la Confédération nationale du logement, cela revient à exclure un grand nombre de ménages du droit au logement social, alors que 70% d’entre eux y ont droit. un tel projet va aggraver la ghettoïsa-tion déjà subie dans les cités Hlm. Quant au surloyer, il équivaut à une forme déguisée d’impôt sur le revenu. Sa hausse conduit, au final, à un processus d’expul-sion. Pour les revenus moyens qui le payent déjà, la pression va être telle que les locataires qui ne pourront plus faire face et devront alors quitter leur loge-ment. Ils se dirigeront vers les bailleurs privés, alors que, justement, leurs revenus ne leur permettent pas de louer au prix du marché.

Déficit publicLa déclaration du minis-tre du Budget et de la Fonction publique, selon laquelle l’aggravation du déficit de la France était d’abord liée à un « dérapage des dépen-ses des collectivités ter-ritoriales » a provoqué un tollé jusque dans les rangs de l’Association des maires de France. Dans un communiqué commun avec l’Associa-tion des petites villes de France, elle souligne que « La dette des collecti-

vités s’élève à 136 mil-liards d’euros, celle de l’État atteignant 1 027 milliards, alors qu’el-les réalisent 72 % des investissements publics civils ». Cette réaction intervient après celles de l’Association des régions de France et de l’Assemblée des dépar-tements de France.

Livre blanc Le conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani a remis au gouvernement son livre blanc sur la fonction publique visant à poser les jalons d’une réforme du statut général de la fonction publique. Ses proposi-tions : - Davantage de contrac-tuels. un contrat serait proposé en cas de rem-placement mais aussi « pour recruter des populations défavorisées qui ont difficilement accès aux concours ». Ce contrat pourrait également être pro-posé à des personnes venant du privé, avec possibilité de devenir fonctionnaire au bout d’un certain temps. une convention collective pour les contractuels serait négociée avec les syndicats. - un recours accru à l’externalisation. - une « réforme profonde de la rémuné-ration », jugeant que la part des rémunérations liée à l’avancement « a pris trop de poids ». «Le but serait d’arriver d’ici dix ans à 75% d’avan-cement automatique et 25% de rémunération liés à l’emploi occupé».

Ufict InfosLa préparation du 7e congrès de l’Ufict Cgt des services publics (à Vichy, du 26 au 29 mai 2008) est entrée dans sa dernière ligne droite.

Elle a donné lieu à la publication de deux numéros spéciaux du Guide, le journal des syndicats de la fédération.

Le premier, adressé à proportion du nombre d’affiliés Ufict de chaque syndicat, présente le bilan d’activité de la direction sortante et les textes qui seront soumis aux débats des congressistes : projets de document d’orientation et de résolutions, de contribution à la charte de la vie syndicale et de modification des statuts de l’Ufict.

Le deuxième réunit les informations pratiques concernant l’organisation du congrès, la désignation des délégué(e)s et la mise à disposition de candidatures pour la future direction nationale de l’Ufict et la proposition de règlement intérieur du congrès.

Tous les documents sont en ligne sur le site de la fédération

Sur le blog du congrès de l’Ufict

La discussion se poursuit sur le forum

www.spterritoriaux.cgt.fr

http://congresufictsp.blogspirit.com

http://congresufictsp.forumsactifs.net

publics_57.indd 2-3 14/04/08 15:55:01

Page 3: Devoir de loyauté ou indépendance

É[email protected]

Ont participé à ce numérO

Rédaction : Armand Creus, Ernest Antoine, Yves Tallec, Olivier Vilain

Illustrations : Pierre Corneloup (p. 1, 4), Photos : DR

ufict Cgt des Services Publics263 rue de Paris - case 547 93515 Montreuil cedextél. 01 48 18 83 74 fax. 01 48 51 98 20site Internet : www.spterritoriaux.cgt.fr

de l’Etat sera tenu. Cela signifiera un gain de productivité compris entre 4 et 5% de l’appareil d’Etat.

Aucun sujet d’in-tervention publique ne sera laissé de côté. Nous montre-rons que l’équilibre de nos finances en 2012 est à notre portée sans remet-tre en cause la qua-lité et l’efficacité de nos politiques publiques.

Si elle doit bénéfi-cier aux citoyens et aux contribuables, la réforme de l’Etat doit aussi bénéficier

aux fonctionnaires. Le principe du retour de la moitié des économies liées au 1 sur 2 est profondément juste. En 2011, cela représentera lar-gement plus de 1 Milliard d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire sur les gains de productivité.

Je sais les sommes de dévouement, de compétence et d’honnêteté qu’il y a dans notre fonction publique. Les premières victimes de l’organisation actuelle, ce sont les fonctionnaires.Innombrables sont ceux qui m’ont dit : A quoi ça sert qu’on se donne du mal, on a l’impression que tout le monde s’en moque ! Et la qualité de vie d’un fonctionnaire, ça compte aussi.C’est tout ce que nous engageons sur la mobilité, sur la reconnaissance du mérite, sur la valorisation de l’expé-rience, sur la possibilité pour quel-qu’un d’assumer sa promotion pro-fessionnelle sans passer un concours ou faire réciter par cœur la Princesse de Clèves !

Nous serons bientôt le pays développé dont la part de la dépense publique est la plus lourde. Les dépenses de l’Etat excèdent cha-que année de 20% les recettes, et cela depuis plus de vingt ans. On a investi massivement dans l’informati-sation, on a réalisé la décentralisation. Eh bien, il a 300 000 fonctionnaires de l'Etat de plus aujourd'hui qu'en 1982. Moins de responsabilités, plus de monde. Et dans le même temps, la fonction publique territoriale a aug-menté de 40%, la fonction publique hospitalière de 30% ! On ne peut pas continuer à ce rythme.

L’équilibre de nos finances publiques dépend de notre capacité à réduire les effectifs. Déjà en 2008, nous avons accompli en la matière un effort inédit, puisque nous n'avons pas remplacé 23 000 départs à la retraite, ce qui nous a quand même conduit à embaucher au sein de l'Etat 40 000 personnes. L’engagement de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux à l’échelle

publics page �

édit

Ori

al

ACTuALITÉSModernisation des politiques publiques et Réforme de l’EtatExtraits du discours de N. Sarkozy à Bercy le 4 avril 2008

page � publics

mOrceaux chOisis

7ème congrès Ce n'est qu'un début

Les cadres de la Fonction publique territoriale, dans leur diversité, subissent de plein fouet les

méfaits des politiques gouvernementales de régression sociale de ces dernières années. En témoigne l’évolution du pouvoir d’achat de 2000 à 2006 : le traitement de dé-but de carrière d’un cadre A est passé de 1,63 à 1,23 fois le Smic tandis que celle d’un cadre B est passé de 1,24 à 1,04 fois le Smic. Avec le gouvernement Sarkozy, ces politiques atteignent un point de rupture. L’instauration d’une « maîtrise des dépenses publiques » fondée sur une diminution des

moyens financiers et humains, conséquen-ces de la Loi organique des lois de finances (Lolf) adoptée en 2001 est aujourd’hui parachevée avec la Révision générale des politiques publiques (Rgpp). Faire « mieux avec moins » c’est ouvrir encore plus largement un vaste champ au secteur privé (externalisation de missions qu’on ne peut plus réaliser en régie ; assistance à maîtrise d’ouvrage ; partena-riats public/privé…). Les collectivités locales en subissent aussi les conséquences et de nombreux élus lo-

caux s’y adaptent trop souvent, par exemple en refusant l’objectif de ratios « promus/promouvables » à 100% dans leur collectivité pour les A et B et en instaurant des critères de nomination prohibitifs, notamment pour les femmes. Emerge aussi un management par objectifs de « performance », agressif, dont les cadres sont à la fois vecteurs et victimes.La question de la responsabilité sociale des cadres et de droits nouveaux à conquérir est posée à des catégories de personnels tourneboulés dans leurs identités profession-nelles, bafoués dans leur déroulement de carrière et la reconnaissance de leur qualification, remis en cause dans leur éthique.L’Ufict Cgt des Services Publics met à leur disposition un espace spécifique pour les aider à sortir de l’isole-ment, débattre de ces enjeux et rechercher ensemble des réponses. Son 7e congrès national, qui se tiendra à Vi-chy du 26 au 29 mai, devra contribuer à la construction d’alternatives et d’outils syndicaux efficaces.

Armand Creus,secrétaire de l’Ufict Cgt des services publics

Logement social nicolas Sarkozy, lors de son discours de Bercy (voir ci-contre), a an-noncé l’abaissement des plafonds de ressources permettant l’accès aux Hlm et l’augmentation des surloyers. Pour la Confédération nationale du logement, cela revient à exclure un grand nombre de ménages du droit au logement social, alors que 70% d’entre eux y ont droit. un tel projet va aggraver la ghettoïsa-tion déjà subie dans les cités Hlm. Quant au surloyer, il équivaut à une forme déguisée d’impôt sur le revenu. Sa hausse conduit, au final, à un processus d’expul-sion. Pour les revenus moyens qui le payent déjà, la pression va être telle que les locataires qui ne pourront plus faire face et devront alors quitter leur loge-ment. Ils se dirigeront vers les bailleurs privés, alors que, justement, leurs revenus ne leur permettent pas de louer au prix du marché.

Déficit publicLa déclaration du minis-tre du Budget et de la Fonction publique, selon laquelle l’aggravation du déficit de la France était d’abord liée à un « dérapage des dépen-ses des collectivités ter-ritoriales » a provoqué un tollé jusque dans les rangs de l’Association des maires de France. Dans un communiqué commun avec l’Associa-tion des petites villes de France, elle souligne que « La dette des collecti-

vités s’élève à 136 mil-liards d’euros, celle de l’État atteignant 1 027 milliards, alors qu’el-les réalisent 72 % des investissements publics civils ». Cette réaction intervient après celles de l’Association des régions de France et de l’Assemblée des dépar-tements de France.

Livre blanc Le conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani a remis au gouvernement son livre blanc sur la fonction publique visant à poser les jalons d’une réforme du statut général de la fonction publique. Ses proposi-tions : - Davantage de contrac-tuels. un contrat serait proposé en cas de rem-placement mais aussi « pour recruter des populations défavorisées qui ont difficilement accès aux concours ». Ce contrat pourrait également être pro-posé à des personnes venant du privé, avec possibilité de devenir fonctionnaire au bout d’un certain temps. une convention collective pour les contractuels serait négociée avec les syndicats. - un recours accru à l’externalisation. - une « réforme profonde de la rémuné-ration », jugeant que la part des rémunérations liée à l’avancement « a pris trop de poids ». «Le but serait d’arriver d’ici dix ans à 75% d’avan-cement automatique et 25% de rémunération liés à l’emploi occupé».

Ufict InfosLa préparation du 7e congrès de l’Ufict Cgt des services publics (à Vichy, du 26 au 29 mai 2008) est entrée dans sa dernière ligne droite.

Elle a donné lieu à la publication de deux numéros spéciaux du Guide, le journal des syndicats de la fédération.

Le premier, adressé à proportion du nombre d’affiliés Ufict de chaque syndicat, présente le bilan d’activité de la direction sortante et les textes qui seront soumis aux débats des congressistes : projets de document d’orientation et de résolutions, de contribution à la charte de la vie syndicale et de modification des statuts de l’Ufict.

Le deuxième réunit les informations pratiques concernant l’organisation du congrès, la désignation des délégué(e)s et la mise à disposition de candidatures pour la future direction nationale de l’Ufict et la proposition de règlement intérieur du congrès.

Tous les documents sont en ligne sur le site de la fédération

Sur le blog du congrès de l’Ufict

La discussion se poursuit sur le forum

www.spterritoriaux.cgt.fr

http://congresufictsp.blogspirit.com

http://congresufictsp.forumsactifs.net

publics_57.indd 2-3 14/04/08 15:55:01

Page 4: Devoir de loyauté ou indépendance

personnels. « On  se  retrouve  avec moins de moyens pour remplir notre mission », analyse Aziz Hmoudane. Pour lui, les besoins de services publics se développent en matière de crèches, de petite enfance, par exemple. « Si bien que les horaires d’ouverture sont allongés, mais les moyens  ne  suivent  pas », poursuit-il. Résultat : les agents voient leur durée de travail augmenter et les re-crutements se font dans la précipita-tion. Autre phénomène, l’exigence de productivité peut déboucher sur l’externalisation de certains servi-ces. Aziz Hmoudane relève qu’à Issy-les-Moulineaux, dont le maire n’est autre que le secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique An-dré Santini, plusieurs services com-me le nettoiement ont été sous-trai-tés au nom du management. « Dans cette  ville, même  la  ‘‘direction  des ressources  humaines’’  y  est  pas-sée ! », s’insurge-t-il. Du coup, la vie professionnelle des cadres se dégrade à mesure des modifications du contenu de leur travail et des organisations qui leur sont imposées. Ils sont souvent relé-gués au rang de simples exécutants de missions dont ils n’ont pas défini les contours et qu’ils doivent réper-cuter dans les services. « Les  fonc-tions  d’encadrement  ne  peuvent  se résumer aux  seules approches ma-nagériales.  Ne  serait-ce  que  parce qu’elles  provoquent  un  durcisse-ment  des  rapports  sociaux  et  donc une amplification de la souffrance au  travail », relève Marie-Jo Kot-licki.

Une négation de la qualificationDans ce schéma, le cadre fait tam-pon. En outre, il faut souligner le paradoxe suivant : cette approche coercitive de l’encadrement débou-che sur un mauvais emploi de per-sonnels qualifiés et donc en quel-que sorte sur... un gaspillage. « On occupe des postes qui n’ont  rien à voir avec nos qualifications et no-tre  expérience  professionnelle.  On nous  met  en  grande  souffrance », témoigne un agent. Enfin, les ca-dres s’inquiètent de la contradic-tion entre le management actuel et l’indépendance des fonctionnaires à l’égard des élus (voir l’encadré sur

SERVICES PuBLICSLeS ServiCeS pUBLiCS n’échappent pas à la recherche de la productivité en ces temps de reca-drage des missions. Les nouvelles formes de management accentuent la pression sur les agents de la fonction publique. Coup de projecteur sur ce phénomène. ernest Antoine

Ces dernières années, les techniques du management

issues du secteur privé se diffusent dans les collectivités territoriales : les cadres sont soumis de plus en plus souvent aux contrats d’objec-tifs, à la concurrence interne, aux évaluations à partir de critères quan-titatifs. Cette tendance est présente depuis les années 80 : l’entreprise est montrée en exemple à un secteur public supposé moins efficace. Le terme même de management pro-vient directement de la littérature

ble. Or, celle-ci n’exprime le plus souvent que la culture de la perfor-mance individuelle, destinée à géné-rer des gains de productivité. Si l’on peut s’accorder sur la nécessité de rationaliser les dépenses des collec-tivités territoriales, ce mouvement ne peut se faire à l’encontre de leur raison d’être. « La plupart du temps, on nous fixe un critère de rentabilité pour évaluer notre travail alors que le  service  rendu aux citoyens n’est bien souvent pas quantifiable », dé-plore Aziz Hmoudane, animateur du syndicat Ufict de la mairie de Nanterre. Cette technique peut donc avoir des répercussions sur l’égalité d’accès des citoyens aux services publics. « Quelle  évaluation  des politiques  publiques ?  Selon  quels critères ? Nous sommes opposés à une évaluation uniquement quanti-tative », insiste Marie-Jo Kotlicki. Pour l’Ugict Cgt, les cadres doivent être étroitement associés à la défi-nition des missions qu’ils doivent remplir afin de respecter au mieux l’intérêt des personnel, encadrant ou non, et des usagers. La redéfinition des indicateurs apparaît donc in-contournable et un droit de refus et d’alternative doit être reconnu aux cadres.

Productivité et externalisationsA côté d’une perte de qualité dans le service rendu à la population, l’introduction du management, à travers l’injonction de la producti-vité, augmente la pression sur les

page � publics publics page �

La Charte de l’encadrant de NanterreLe 19 février dernier, le syndicat ufict de la mairie de nanterre a invité les cadres de la ville à débattre sur le management dans le public comme dans le privé. Le déclencheur a été la l’adoption d’une Charte de l’encadrant. Pour certains cadres, « cette charte apparaît pavée de bonnes intentions ». D’autres s’interrogent sur son existence même : « le Statut des fonctionnaires et le Règlement intérieur pouvaient déjà répondre aux problématiques de l’encadrement. » Pour d’autres encore, sa mise en œuvre aurait pour conséquences l’introduction d’une culture de la performance, la concurrence entre cadres encadrant ou non, l’individualisation et une dérive vers des primes au mérite. Le syndicat ufict pourrait proposer des amendements ou une réécriture partielle de la Charte.

Loyauté ou indépendance ?Marie-Jo Kotlicki, secrétaire générale l’ugict, relève « un grand malaise des cadres, catégories A et B confondues, face au ‘‘devoir de loyauté’’ auquel veulent les assujettir les employeurs publics ». Ce concept importé là encore du privé, percute le principe d’indépendance face au pouvoir politique, principe que le statut des fonctionnaires est censé garantir. Le danger est de voir apparaître des distorsions dans la neutralité du service public rendu à la population, ainsi qu’une pression supplémentaire sur des cadres qui se voient ainsi refusée l’expression d’une éthique professionnelle. Pour la dirigeante de l’ugict, « le devoir de loyauté ne peut aller au-delà de l’obligation de faire ce pour quoi on est payés. »

d’entreprise anglo-saxonne. Le phénomène s’est accentué ré-cemment dans un contexte de limi-tation draconienne des dépenses pu-bliques. Dans cette optique, l’Etat s’est doté d’un outil d’évaluation très contraignant avec la Loi orga-nique relative aux lois de finances (Lolf), dont les débuts ont été expé-rimentés en 2006. « Le management qui se développe depuis une dizaine d’années s’inscrit dans le cadre de la financiarisation de l’économie. La  Lolf  a  été  une  étape  majeure 

L'emprise du management

FORuM DE DISCuSSIOn

http://congresufictsp.forumsactifs.net

puisque  l’ensemble  de  la  fonction publique est désormais passée d’une obligation de moyens à une obliga-tion  de  résultats.  Ce  qui  implique une  réorganisation des missions  et du travail des fonctionnaires », sou-ligne Marie-Jo Kotlicki, secrétaire générale de l’Ugict Cgt.

L’illusion du modèle universelCe mode de management importé du privé est présenté comme universel, car fondé sur la technique compta-

le ‘‘devoir de loyauté’’).Pour l’Ugict et l’Ufict des services publics, un management public doit être pensé sur une base alternative à celle qui tend actuellement à s’im-poser dans les collectivités locales comme dans toute la fonction pu-blique. « Il  devrait  comporter  une grande part de démocratie à desti-nation des usagers et de l’ensemble des agents, y compris ceux qui font partie  de  l’encadrement », déve-loppe Marie-Jo Kotlicki. A cette condition, il pourrait avoir valeur de référence pour le secteur privé.

publics_57.indd 4-5 14/04/08 15:55:11

Page 5: Devoir de loyauté ou indépendance

personnels. « On  se  retrouve  avec moins de moyens pour remplir notre mission », analyse Aziz Hmoudane. Pour lui, les besoins de services publics se développent en matière de crèches, de petite enfance, par exemple. « Si bien que les horaires d’ouverture sont allongés, mais les moyens  ne  suivent  pas », poursuit-il. Résultat : les agents voient leur durée de travail augmenter et les re-crutements se font dans la précipita-tion. Autre phénomène, l’exigence de productivité peut déboucher sur l’externalisation de certains servi-ces. Aziz Hmoudane relève qu’à Issy-les-Moulineaux, dont le maire n’est autre que le secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique An-dré Santini, plusieurs services com-me le nettoiement ont été sous-trai-tés au nom du management. « Dans cette  ville, même  la  ‘‘direction  des ressources  humaines’’  y  est  pas-sée ! », s’insurge-t-il. Du coup, la vie professionnelle des cadres se dégrade à mesure des modifications du contenu de leur travail et des organisations qui leur sont imposées. Ils sont souvent relé-gués au rang de simples exécutants de missions dont ils n’ont pas défini les contours et qu’ils doivent réper-cuter dans les services. « Les  fonc-tions  d’encadrement  ne  peuvent  se résumer aux  seules approches ma-nagériales.  Ne  serait-ce  que  parce qu’elles  provoquent  un  durcisse-ment  des  rapports  sociaux  et  donc une amplification de la souffrance au  travail », relève Marie-Jo Kot-licki.

Une négation de la qualificationDans ce schéma, le cadre fait tam-pon. En outre, il faut souligner le paradoxe suivant : cette approche coercitive de l’encadrement débou-che sur un mauvais emploi de per-sonnels qualifiés et donc en quel-que sorte sur... un gaspillage. « On occupe des postes qui n’ont  rien à voir avec nos qualifications et no-tre  expérience  professionnelle.  On nous  met  en  grande  souffrance », témoigne un agent. Enfin, les ca-dres s’inquiètent de la contradic-tion entre le management actuel et l’indépendance des fonctionnaires à l’égard des élus (voir l’encadré sur

SERVICES PuBLICSLeS ServiCeS pUBLiCS n’échappent pas à la recherche de la productivité en ces temps de reca-drage des missions. Les nouvelles formes de management accentuent la pression sur les agents de la fonction publique. Coup de projecteur sur ce phénomène. ernest Antoine

Ces dernières années, les techniques du management

issues du secteur privé se diffusent dans les collectivités territoriales : les cadres sont soumis de plus en plus souvent aux contrats d’objec-tifs, à la concurrence interne, aux évaluations à partir de critères quan-titatifs. Cette tendance est présente depuis les années 80 : l’entreprise est montrée en exemple à un secteur public supposé moins efficace. Le terme même de management pro-vient directement de la littérature

ble. Or, celle-ci n’exprime le plus souvent que la culture de la perfor-mance individuelle, destinée à géné-rer des gains de productivité. Si l’on peut s’accorder sur la nécessité de rationaliser les dépenses des collec-tivités territoriales, ce mouvement ne peut se faire à l’encontre de leur raison d’être. « La plupart du temps, on nous fixe un critère de rentabilité pour évaluer notre travail alors que le  service  rendu aux citoyens n’est bien souvent pas quantifiable », dé-plore Aziz Hmoudane, animateur du syndicat Ufict de la mairie de Nanterre. Cette technique peut donc avoir des répercussions sur l’égalité d’accès des citoyens aux services publics. « Quelle  évaluation  des politiques  publiques ?  Selon  quels critères ? Nous sommes opposés à une évaluation uniquement quanti-tative », insiste Marie-Jo Kotlicki. Pour l’Ugict Cgt, les cadres doivent être étroitement associés à la défi-nition des missions qu’ils doivent remplir afin de respecter au mieux l’intérêt des personnel, encadrant ou non, et des usagers. La redéfinition des indicateurs apparaît donc in-contournable et un droit de refus et d’alternative doit être reconnu aux cadres.

Productivité et externalisationsA côté d’une perte de qualité dans le service rendu à la population, l’introduction du management, à travers l’injonction de la producti-vité, augmente la pression sur les

page � publics publics page �

La Charte de l’encadrant de NanterreLe 19 février dernier, le syndicat ufict de la mairie de nanterre a invité les cadres de la ville à débattre sur le management dans le public comme dans le privé. Le déclencheur a été la l’adoption d’une Charte de l’encadrant. Pour certains cadres, « cette charte apparaît pavée de bonnes intentions ». D’autres s’interrogent sur son existence même : « le Statut des fonctionnaires et le Règlement intérieur pouvaient déjà répondre aux problématiques de l’encadrement. » Pour d’autres encore, sa mise en œuvre aurait pour conséquences l’introduction d’une culture de la performance, la concurrence entre cadres encadrant ou non, l’individualisation et une dérive vers des primes au mérite. Le syndicat ufict pourrait proposer des amendements ou une réécriture partielle de la Charte.

Loyauté ou indépendance ?Marie-Jo Kotlicki, secrétaire générale l’ugict, relève « un grand malaise des cadres, catégories A et B confondues, face au ‘‘devoir de loyauté’’ auquel veulent les assujettir les employeurs publics ». Ce concept importé là encore du privé, percute le principe d’indépendance face au pouvoir politique, principe que le statut des fonctionnaires est censé garantir. Le danger est de voir apparaître des distorsions dans la neutralité du service public rendu à la population, ainsi qu’une pression supplémentaire sur des cadres qui se voient ainsi refusée l’expression d’une éthique professionnelle. Pour la dirigeante de l’ugict, « le devoir de loyauté ne peut aller au-delà de l’obligation de faire ce pour quoi on est payés. »

d’entreprise anglo-saxonne. Le phénomène s’est accentué ré-cemment dans un contexte de limi-tation draconienne des dépenses pu-bliques. Dans cette optique, l’Etat s’est doté d’un outil d’évaluation très contraignant avec la Loi orga-nique relative aux lois de finances (Lolf), dont les débuts ont été expé-rimentés en 2006. « Le management qui se développe depuis une dizaine d’années s’inscrit dans le cadre de la financiarisation de l’économie. La  Lolf  a  été  une  étape  majeure 

L'emprise du management

FORuM DE DISCuSSIOn

http://congresufictsp.forumsactifs.net

puisque  l’ensemble  de  la  fonction publique est désormais passée d’une obligation de moyens à une obliga-tion  de  résultats.  Ce  qui  implique une  réorganisation des missions  et du travail des fonctionnaires », sou-ligne Marie-Jo Kotlicki, secrétaire générale de l’Ugict Cgt.

L’illusion du modèle universelCe mode de management importé du privé est présenté comme universel, car fondé sur la technique compta-

le ‘‘devoir de loyauté’’).Pour l’Ugict et l’Ufict des services publics, un management public doit être pensé sur une base alternative à celle qui tend actuellement à s’im-poser dans les collectivités locales comme dans toute la fonction pu-blique. « Il  devrait  comporter  une grande part de démocratie à desti-nation des usagers et de l’ensemble des agents, y compris ceux qui font partie  de  l’encadrement », déve-loppe Marie-Jo Kotlicki. A cette condition, il pourrait avoir valeur de référence pour le secteur privé.

publics_57.indd 4-5 14/04/08 15:55:11

Page 6: Devoir de loyauté ou indépendance

Profession : trait d'union

LA MédiATioN CULTUreLLe est en plein essor. Sa mission ? Mettre à disposition de tous les publics les richesses des objets culturels. Encore faut-il en avoir les moyens et s’imposer face aux tutelles et aux conservateurs. Rencontre avec Régis Gire et Fanny Thaller, médiateurs au Musée d’art Contemporain de Lyon. olivier vilain

publics page � page � publics

Les cheveux poivre et sel, le regard clair, Régis Gire

est l’un des tout premiers à être en-trés, en 1985, dans la cellule d’art contemporain de Lyon. « Nous de-vions  être  quatre  au  début. » En 1982, il quitte Sciences-Po Lyon et participe aux Fonds régionaux d’art contemporain qui sont alors mis en place. « Cela m’attirait tout en étant complètement nouveau pour moi à l’époque. » La cellule organise en quelques années une centaine d’ex-positions. Cette activité foisonnante débouche, en 1992, sur la créa-tion du Musée d’art Contemporain (Mac), spécialisé dans l’élaboration d’expositions temporaires. Assis-tant de conservation (catégorie B), Régis est chargé des publics spéci-fiques au sein du musée. Assistante qualifiée de conservation, Fanny

Le colloque de l’association médiation culturelle, le 11 janvier à la Villette

IDEnTITÉ

Conseil National de la Résistance – qui a établi le cadre du retour à la démocratie, mais élargie à la sphère sociale cette fois – prévoyait d’as-surer « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéfi-cier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quel-le que soit la situation de fortune de leurs  parents  (...) » En charge des publics dits ‘‘spécifiques’’, la mis-sion de Régis Gire consiste à sortir l’art contemporain de l’enceinte du Mac afin de toucher ceux qui sont éloignés socialement, cultu-rellement et géographiquement du musée. « Le but est de les familia-riser  avec  la  création  pour  qu’ils viennent ensuite visiter le Mac ». Il met donc sur pied des événements culturels dans les lycées, les Lep, les collèges, les théâtres, en pri-son, à l’hôpital, etc. « Je  travaille aussi avec des associations afin d’amener,  pour  un  temps  donné, des oeuvres dans certains quartiers populaires, voire même uniquement dans certains îlots d’habitations. »

Une charte de déontologieComme dans d’autres professions intellectuelles, la précarité et les inégalités se sont développées.

Fanny Thaller et Régis Gire

vendiquent une meilleure définition de leur profession et multiplient les initiatives afin de mieux faire recon-naître ses spécificités. Fanny Thaller a fait partie, en 1999, des membres fondateurs de l’association Mé-diation Culturelle (voir l’encadré). L’association vient d’élaborer une charte déontologique dans le but de forger des références communes en-tre des médiateurs travaillant dans des institutions différentes (musée, centre de patrimoine, etc.) et d’ac-célérer la reconnaissance du métier par les conservateurs. « Nous avons été reconnus par nos  tutelles, mais pas encore par les conservateurs », souligne Fanny Thaller. Les média-teurs ne sont pas prêts à s’en laisser imposer.

Un collectif national ‘‘ culture ’’ L’ufict est en train de recréer un collectif national "culture" afin de travailler sur les enjeux statutaires des personnels la filière, mais aussi sur les questions de politiques publiques culturelles, enjeux de société.Par exemple : l les préparations au concours enfermées dans le cadre étroit du Dif (droit individuel à la formation),l la généralisation des concours sur titres,l la réduction drastique du nombre de jours de formation post-concours…l l’enseignement artistique avec, notamment, l’évolution des écoles d’art,l la place des agents de l’Etat dans les bibliothèques,l le budget de l’Etat consacré à la culture…l le travail en direction des publics,l les compétences et missions culturelles des collectivités,l les modes de recrutement dans la Fpt,l l’intervention syndicale sur les plans de formation, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences…

« Il  y  a  23  ans,  le  salaire  le  plus bas  représentait  750  euros  et l’échelle  des  revenus  allait  de  1  à 2.  Aujourd’hui,  la  rémunération des  vacataires  est  inférieure  à  ce salaire  minimum  et  l’échelle  des revenus a explosé », décrypte Régis Gire. En outre, la fatigue et l’usure engendrées par les visites guidées, d’un côté, et le caractère temporai-re des expositions, de l’autre, ser-vent de prétexte aux conservateurs pour ne confier cette tâche qu’à des vacataires. « La carrière d’un médiateur  ne  peut  pas  se  résumer à  l’accompagnement  des  groupes, observe Fanny Thaller. Ce serait un peu comme un professeur qui serait obligé de marcher toute la journée tout  en  découvrant  une  nouvelle classe à chaque cours. Pour moi, la médiation est une chaîne qui com-prend aussi bien l’organisation des expositions, que la conduite des vi-sites guidées. » Des médiateurs peuvent être re-crutés sans passer par le concours adéquat, la fonction s’appauvrit, recours accru aux vacataires, man-que de délimitation des fonctions (parfois, un gardien est chargé d’or-ganiser des visites de musée à la place d’un médiateur). Face à ces remises en cause, les médiateurs re-

Thaller fait partie du même service que Régis. Blonde, dynamique, la petite quarantaine, elle est en char-ge des équipes de médiateurs qui accompagnent les groupes de visi-teurs lors des expositions, qui sont toutes temporaires, du Mac. Fanny y travaille depuis 1996 après avoir enchaîné plusieurs Cdd.

L’art contemporain hors des mursRégis et Fanny sont tous deux ad-hérents du syndicat Ugict de la ville de Lyon. Il est membre de la com-mission exécutive et représentant du personnel du musée. Elle s’est syndiquée dès son premier contrat permanent : « J’étais  déjà  membre d’un syndicat étudiant alors dès que j’ai obtenu un Cdi cela m’a semblé naturel d’adhérer à la Cgt, qui était 

très présente au Mac ». Néanmoins, Fanny Thaller estimait que les ques-tions culturelles n’étaient pas suffi-samment prises en compte. « Depuis que nous sommes organisés au syn-dicat Ugict,  les questions abordées sont plus proches de nous. » Selon elle, la médiation s’est profession-nalisée mais reste le parent pauvre des expositions et des projets cultu-rels. Pourtant, ce métier remplit une fonction typique du service public. Déjà en 1944 le programme du

L’association Médiation Culturelle Créée en 1999 dans la région Rhône-Alpes, l’association Médiation Culturelle s’est élargie à partir de 2003 à l’ensemble du territoire. Elle regroupe 80 adhérents exerçant la profession de médiateur culturel, c’est-à-dire qu’ils servent de trait d’union entre l’art et le public. Cette association a été créée afin que ces différents professionnels puissent réfléchir à l’évolution d’un métier qui existe depuis une vingtaine d’année, mais aussi pour servir d’interlocuteur institutionnel avec les autorités de tutelle. En 2007, elle a mis au point le premier volet d’une Charte de la médiation culturelle afin de fixer les valeurs qui l’animent. L’association a présenté ce texte lors d’un colloque qui s’est tenu le 11 janvier dernier à la Halle de la Villette à Paris. Il a réuni 250 participants dont plus de 200 non adhérents. un second volet est en cours d’élaboration. Celui-ci permettra d’aborder les principes d’action que doivent respecter la médiation culturelle.

publics_57.indd 6-7 14/04/08 15:55:14

Page 7: Devoir de loyauté ou indépendance

Profession : trait d'union

LA MédiATioN CULTUreLLe est en plein essor. Sa mission ? Mettre à disposition de tous les publics les richesses des objets culturels. Encore faut-il en avoir les moyens et s’imposer face aux tutelles et aux conservateurs. Rencontre avec Régis Gire et Fanny Thaller, médiateurs au Musée d’art Contemporain de Lyon. olivier vilain

publics page � page � publics

Les cheveux poivre et sel, le regard clair, Régis Gire

est l’un des tout premiers à être en-trés, en 1985, dans la cellule d’art contemporain de Lyon. « Nous de-vions  être  quatre  au  début. » En 1982, il quitte Sciences-Po Lyon et participe aux Fonds régionaux d’art contemporain qui sont alors mis en place. « Cela m’attirait tout en étant complètement nouveau pour moi à l’époque. » La cellule organise en quelques années une centaine d’ex-positions. Cette activité foisonnante débouche, en 1992, sur la créa-tion du Musée d’art Contemporain (Mac), spécialisé dans l’élaboration d’expositions temporaires. Assis-tant de conservation (catégorie B), Régis est chargé des publics spéci-fiques au sein du musée. Assistante qualifiée de conservation, Fanny

Le colloque de l’association médiation culturelle, le 11 janvier à la Villette

IDEnTITÉ

Conseil National de la Résistance – qui a établi le cadre du retour à la démocratie, mais élargie à la sphère sociale cette fois – prévoyait d’as-surer « la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéfi-cier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quel-le que soit la situation de fortune de leurs  parents  (...) » En charge des publics dits ‘‘spécifiques’’, la mis-sion de Régis Gire consiste à sortir l’art contemporain de l’enceinte du Mac afin de toucher ceux qui sont éloignés socialement, cultu-rellement et géographiquement du musée. « Le but est de les familia-riser  avec  la  création  pour  qu’ils viennent ensuite visiter le Mac ». Il met donc sur pied des événements culturels dans les lycées, les Lep, les collèges, les théâtres, en pri-son, à l’hôpital, etc. « Je  travaille aussi avec des associations afin d’amener,  pour  un  temps  donné, des oeuvres dans certains quartiers populaires, voire même uniquement dans certains îlots d’habitations. »

Une charte de déontologieComme dans d’autres professions intellectuelles, la précarité et les inégalités se sont développées.

Fanny Thaller et Régis Gire

vendiquent une meilleure définition de leur profession et multiplient les initiatives afin de mieux faire recon-naître ses spécificités. Fanny Thaller a fait partie, en 1999, des membres fondateurs de l’association Mé-diation Culturelle (voir l’encadré). L’association vient d’élaborer une charte déontologique dans le but de forger des références communes en-tre des médiateurs travaillant dans des institutions différentes (musée, centre de patrimoine, etc.) et d’ac-célérer la reconnaissance du métier par les conservateurs. « Nous avons été reconnus par nos  tutelles, mais pas encore par les conservateurs », souligne Fanny Thaller. Les média-teurs ne sont pas prêts à s’en laisser imposer.

Un collectif national ‘‘ culture ’’ L’ufict est en train de recréer un collectif national "culture" afin de travailler sur les enjeux statutaires des personnels la filière, mais aussi sur les questions de politiques publiques culturelles, enjeux de société.Par exemple : l les préparations au concours enfermées dans le cadre étroit du Dif (droit individuel à la formation),l la généralisation des concours sur titres,l la réduction drastique du nombre de jours de formation post-concours…l l’enseignement artistique avec, notamment, l’évolution des écoles d’art,l la place des agents de l’Etat dans les bibliothèques,l le budget de l’Etat consacré à la culture…l le travail en direction des publics,l les compétences et missions culturelles des collectivités,l les modes de recrutement dans la Fpt,l l’intervention syndicale sur les plans de formation, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences…

« Il  y  a  23  ans,  le  salaire  le  plus bas  représentait  750  euros  et l’échelle  des  revenus  allait  de  1  à 2.  Aujourd’hui,  la  rémunération des  vacataires  est  inférieure  à  ce salaire  minimum  et  l’échelle  des revenus a explosé », décrypte Régis Gire. En outre, la fatigue et l’usure engendrées par les visites guidées, d’un côté, et le caractère temporai-re des expositions, de l’autre, ser-vent de prétexte aux conservateurs pour ne confier cette tâche qu’à des vacataires. « La carrière d’un médiateur  ne  peut  pas  se  résumer à  l’accompagnement  des  groupes, observe Fanny Thaller. Ce serait un peu comme un professeur qui serait obligé de marcher toute la journée tout  en  découvrant  une  nouvelle classe à chaque cours. Pour moi, la médiation est une chaîne qui com-prend aussi bien l’organisation des expositions, que la conduite des vi-sites guidées. » Des médiateurs peuvent être re-crutés sans passer par le concours adéquat, la fonction s’appauvrit, recours accru aux vacataires, man-que de délimitation des fonctions (parfois, un gardien est chargé d’or-ganiser des visites de musée à la place d’un médiateur). Face à ces remises en cause, les médiateurs re-

Thaller fait partie du même service que Régis. Blonde, dynamique, la petite quarantaine, elle est en char-ge des équipes de médiateurs qui accompagnent les groupes de visi-teurs lors des expositions, qui sont toutes temporaires, du Mac. Fanny y travaille depuis 1996 après avoir enchaîné plusieurs Cdd.

L’art contemporain hors des mursRégis et Fanny sont tous deux ad-hérents du syndicat Ugict de la ville de Lyon. Il est membre de la com-mission exécutive et représentant du personnel du musée. Elle s’est syndiquée dès son premier contrat permanent : « J’étais  déjà  membre d’un syndicat étudiant alors dès que j’ai obtenu un Cdi cela m’a semblé naturel d’adhérer à la Cgt, qui était 

très présente au Mac ». Néanmoins, Fanny Thaller estimait que les ques-tions culturelles n’étaient pas suffi-samment prises en compte. « Depuis que nous sommes organisés au syn-dicat Ugict,  les questions abordées sont plus proches de nous. » Selon elle, la médiation s’est profession-nalisée mais reste le parent pauvre des expositions et des projets cultu-rels. Pourtant, ce métier remplit une fonction typique du service public. Déjà en 1944 le programme du

L’association Médiation Culturelle Créée en 1999 dans la région Rhône-Alpes, l’association Médiation Culturelle s’est élargie à partir de 2003 à l’ensemble du territoire. Elle regroupe 80 adhérents exerçant la profession de médiateur culturel, c’est-à-dire qu’ils servent de trait d’union entre l’art et le public. Cette association a été créée afin que ces différents professionnels puissent réfléchir à l’évolution d’un métier qui existe depuis une vingtaine d’année, mais aussi pour servir d’interlocuteur institutionnel avec les autorités de tutelle. En 2007, elle a mis au point le premier volet d’une Charte de la médiation culturelle afin de fixer les valeurs qui l’animent. L’association a présenté ce texte lors d’un colloque qui s’est tenu le 11 janvier dernier à la Halle de la Villette à Paris. Il a réuni 250 participants dont plus de 200 non adhérents. un second volet est en cours d’élaboration. Celui-ci permettra d’aborder les principes d’action que doivent respecter la médiation culturelle.

publics_57.indd 6-7 14/04/08 15:55:14

Page 8: Devoir de loyauté ou indépendance

SOCIÉTÉ

page � publics

Tempête sur le logement social

Les fondations du logement social sont

en train d’être sapées. En décembre dernier, la com-mission Camdessus a pro-posé la fin du monopole de la collecte des 100 milliards d’euros du Livret A par les Caisses d’Epargne. « Ce se-rait le coup de grâce pour le logement social et l’équipe-ment des communes », relè-ve Henri Zetlaoui. Ces fonds sont centralisés par la Caisse des Dépôts qui prête aux or-ganismes de logements so-ciaux les fonds nécessaires à la construction de Hlm. Ce circuit s’est surtout imposé en finançant, à prix coû-tant, la mise en chantier de millions de logements entre 1950 et 1977, période où les pouvoirs publics menaient des politiques de résorption de la pénurie de logements qui sévissait depuis la ré-volution industrielle. Si la proposition de la commis-sion Camdessus était mise en œuvre, « le  Livret  A  se-rait rapidement détourné de sa mission », prévient Serge Rabineau. Les banques com-merciales, qui lorgnent sur le magot depuis des décennies, proposeront immanquable-ment aux détenteurs des plus gros Livret A des place-ments plus risqués, mais sur-tout plus lucratifs, y compris pour les banques.

Les pouvoirs publics s’em-ploient également à restrein-dre le parc de logements sociaux, qui atteint 4,2 mil-lions de constructions. Ces dernières années, plusieurs dizaines de milliers de lo-gements ont été démolis chaque année au nom de la ‘‘mixité sociale’’. Ils n’ont jamais été remplacés. « Ces démolitions  aggravent  la ségrégation.  Les  communes se refilent les pauvres qui étaient  concentrés  dans  les logements  détruits », dé-nonce Henri Zetlaoui. Le parc social est également entamé par la décision du nouveau gouvernement de mettre en vente 40 000 loge-ments Hlm par an. « Le pire c’est que ces  logements ont été financés avec des deniers publics et qu’ils seront bra-dés », tempête Henri Zet-laoui. Sauf exceptions, ces logements démolis ou ven-dus n’ont jamais été aussi

utiles. L’année dernière, 1,3 million de français ont fait une demande de logement social. Un record.Les organismes de loge-ments sociaux et leur person-nel doivent également faire face à un bouleversement en leur sein depuis février der-nier : les Offices Hlm sont devenus des Offices publics de l’Habitat (Oph), soumis aux règles du privé avec la rentabilité en ligne de mire. En conséquence, les servi-ces informatiques et de net-toyage vont être sous-traités systématiquement. En outre, les employés embauchés n’ont plus le statut de fonc-tionnaire. « Maintenant,  la consigne  pourra  nous  être donnée  de  réduire  les  im-payés, avec prime à la clé », souligne Henri Zelaoui. Ces décisions ne peuvent qu’empêcher le droit effectif au logement. « La  construc-tion de logements doit bénéfi-cier d’une part plus importan-te de la richesse produite par la nation et son financement public devenir  prépondérant », estime Henri Zetlaoui.Une idée révolutionnaire ? Elle était pourtant soutenue par Pierre Mendès-France. Cette idée a été majoritaire jusque dans les années 70. Un re-virement qui a provoqué la réapparition de la pénurie de logement.

Nos rendez-vous

30 avrilConseil supérieur de la fonction publique territoriale

7 maiCommission exécutive de l’ufict Cgt des services publics

15 et 16 maiConseil national de l’ugict Cgt

21 maiConseil supérieur de la fonction publique territoriale

22 maiCommission exécutive de la fédération Cgt des services publics

du 26 au 29 mai 7e congrès de l’ufict Cgt des services publics, à Vichy

4 et 5 juin Conseil national de la fédération Cgt des services publics

10 juin Rencontres d’Options

18 juinCommission exécutive de l’ugict Cgt

19 juinCommission exécutive de la fédération Cgt des services publics

1er et 2 juilletJournées d’études de l’ugict Cgt.

2 juilletConseil supérieur de la fonction publique territoriale

HeNri ZeTLAoUi eT Serge rABiNeAU, membres du collectif ‘‘logement social’’ de la fédération Cgt des services publics, détaillent l’éten-due des attaques subies par le logement social, que ce soit au niveau de son financement par le Livret A, de son parc de Hlm ou par le biais du change-ment de statut de ses organismes et de ses personnels. olivier vilain

publics_57.indd 8 14/04/08 15:55:15