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DIALOGUE INTRA-CONGOLAIS:

VOIE DE SORTIE DES CRISES RÉCURRENTES

EN RDC

ANALYSE ET PROPOSITIONS

La primauté de l’État sur l’individu «Un peu d’eau dans son vin pour sauver le Congo»

Février 2013

Table des matières

1. INTRODUCTION ................................................................................................................................ 5

2. REVUE DE LITTÉRATURE SUR LES CRISES RÉCURRENTES EN RDC, LEURS

MÉCANISMES DE RÉSOLUTION ET UN BREF APERÇU DES CONFÉRENCES NATIONALES EN

AFRIQUE FRANCOPHONE ....................................................................................................................... 6

2.1. CRISES EN RDC ENTRE 1990 À 2013 ET DIALOGUES RELATIFS..................................... 6

2.1.1. CRISES EN RDC.................................................................................................................. 7

2.1.1.1. Conflits politiques : 1990 à 1996 ..................................................................................... 7

2.1.1.2. Conflit armé: 1996-1997 ................................................................................................... 9

2.1.1.3. Conflits armés : 1998-2002 ............................................................................................... 9

2.1.1.4. Conflits armés : 2008 à 2009 .......................................................................................... 10

2.1.1.5. Conflits armés : 2012 à ce jour ....................................................................................... 10

2.1.1.6. Crise de légitimité des institutions actuelles en RDC ..................................................... 11

2.1.2. DIALOGUES ET NÉGOCIATIONS ................................................................................. 11

2.1.2.1. Conférence Nationale Souveraine (février à décembre 1992) ........................................ 11

2.1.2.2. Dialogue Inter-Congolais de Sun City (février à décembre 2002) .................................. 12

2.1.2.3. Conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans le Nord-Kivu et le Sud-

Kivu (6 au 23 janvier 2008) ................................................................................................................ 14

2.1.2.4. Accords du 23 mars 2009 avec le CNDP ........................................................................ 14

2.1.2.5. Négociations Gouvernement – M23 ............................................................................... 15

2.2. CONFÉRENCES NATIONALES EN AFRIQUE FRANCOPHONE ....................................... 16

2.2.1. La déconstitutionnalisation ................................................................................................. 17

2.2.2. La réconstitutionnalisation .................................................................................................. 17

3. DISCUSSION GÉNÉRALE SUR L’ ÉTAT DES LIEUX DES FORUMS ANTÉRIEURS ET

PROPOSITION DE QUELQUES PISTES À EXPLORER POUR LE DIALOGUE INTRA-

CONGOLAIS EN PERSPECTIVE ............................................................................................................ 18

3.1. ÉTAT DES LIEUX ..................................................................................................................... 18

3.1.1. Types de conflits ................................................................................................................. 18

3.1.2. À propos de la Conférence Nationale Souveraine du Zaïre ................................................ 19

3.1.3. À propos des autres forums congolais ................................................................................ 20

3.1.4. Options de résolutions des conflits ..................................................................................... 21

3.2. QUELQUES PISTES POUR LE DIALOGUE INTRACONGOLAIS EN PERSPECTIVE .... 24

3.2.1. PRINCIPES DIRECTEURS ............................................................................................... 24

3.2.1.1. Organisation et financement ........................................................................................... 25

3.2.1.2. Participation, sécurité et prise en charge des participants ............................................... 25

3.2.1.3. Objectifs et durée des assises .......................................................................................... 25

3.2.1.4. Compétence ..................................................................................................................... 26

3.2.1.5. Convocation du dialogue-intra congolais ........................................................................ 26

3.2.2. ESQUISSE D’AGENDA .................................................................................................... 27

3.2.3. STRUCTURE ORGANISATIONNELLE .......................................................................... 27

4. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ................................................................................... 29

4.1. CONCLUSION ........................................................................................................................... 29

4.2. RECOMMANDATIONS............................................................................................................ 29

LISTE DES ACRONYMES

BIEPD Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement

BERCI Bureau d’Études, de Recherche et de Consulting International

CENI Commission Électorale Nationale Indépendante

CIRGL Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs

CNDP Congrès National pour le Développement du Peuple Congolais

CNS Conférence Nationale Souveraine

FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo

FDLR Forces Démocratiques de Libération du Rwanda

IDPGL Institut pour la Dynamique de la Paix dans les Pays des Grands Lacs

IFES International Foundation for Electoral Systems

M23 Mouvement du 23 décembre

MLC Mouvement des Libérations du Congo

MPR Mouvement Populaire de la Révolution

MONUSCO Mission des Nations-Unies au Congo

NDI National Democratic Institute

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OUA Organisation de l’Unité Africaine

RCD Rassemblement Congolais pour la Démocratie

RDC République Démocratique du Congo

URSS Union des républiques socialistes soviétiques

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1. INTRODUCTION

Un Dialogue Intra-Congolais (DIC), comme une instance de discussion des questions d'intérêt commun

qui réunit sous forme de forum ou d’assemblée toutes les différentes composantes représentatives de la

nation, semble être perçu comme une nécessité incontournable pour extirper de manière pacifique et

honorable la RDC de ses nombreuses crises récurrentes. Plusieurs appels pressants pour la tenue d’un tel

dialogue ont été lancés par différents acteurs. C’est le cas notamment de la plateforme politique

dénommée Forces Acquises au Changement (FAC) dans sa déclaration du mois d’août 20121, du Bureau

International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD) dans ses communiqués de presse du

mois de septembre 20122 et novembre 2012

3, de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) dans sa

déclaration du mois d’octobre 2012, du Réseau des Organisations des Droits Humains et d’Éducation

Civique d’Inspiration Chrétienne (RODHECIC) en novembre 20124, de la plate-forme des ONGs de la

Société Civile en RDC Agir pour les Élections Transparentes et Apaisées (AETA) en novembre 20125;

d’une cinquantaine d’acteurs de la société civile de deux Kivu et de la Province orientale en décembre

20126; d’un groupe des parlementaires congolais partisans des négociations républicaines (PNR) en

novembre 20127, et tant d’autres.

Le Chef de l’État de la RDC dans son discours de fin de l’année 2012 à la nation8 a annoncé une initiative

visant la tenue de ces assises dans un avenir rapproché pour que le pays retrouve sa cohésion nationale.

Du coup, des avis divers sont exprimés dans l’opinion publique sur la pertinence ou pas d’une telle

initiative, de ses préalables, de son agenda, de son calendrier et de ses acteurs. L’une des questions que

cette initiative soulève est celle de savoir en quoi serait-elle différente des assises antérieures? En effet,

plusieurs dialogues ont été tenus en RDC depuis 1990, mais les anciens conflits continuent et des

nouveaux émergent. La RDC continue à faire face à une guerre sans fin dans les Kivus et dans la Province

orientale. Elle vient de sortir des élections présidentielle et législatives largement entachées

d’irrégularités et des fraudes avérées selon différentes missions d’observations nationales et

internationales. Les contestations de ces élections ont abouti à une crise postélectorale qui continue à

miner la crédibilité des institutions de la RDC, en plus de devenir l’une de ses principales causes

d’instabilité, d’insécurité, des tensions sociales et de délitement du consensus national. Partant de cette

question qui préoccupe la majeure partie de la population congolaise, nous posons comme postulat

1 http://www.mediacongo.net/show.asp?doc=22165

2 http://www.biepd.org/site/accessoires/comm18092012.html

3 http://www.biepd.org/site/accessoires/comm27112012.html

4 http://www.rodhecic.org/rodhecic2/spip.php?article119

5 http://www.lepotentielonline.com/homepage/3213-crise-dans-l-est-de-la-rdc-aeta-prone-un-dialogue-interne-

et-inclusif 6 http://radiookapi.net/actualite/2012/12/14/entebe-la-societe-civile-congolaise-recommande-dialogue-interne-

en-rdc/ 7 http://www.lephareonline.net/lephare/index.php?option=com_content&view=article&id=6108:des-amis-de-

kengo-reclament-un-nouveau-dialogue-intercongolais&catid=45:rokstories&Itemid=112 8 http://www.lepotentielonline.com/4596-discours-de-fin-d-annee-du-president-joseph-kabila

6

général dans cette étude qu’un dialogue intra-congolais demeure la voie pacifique et honorable de sortie

de la RDC de ses crises récurrentes. De cette hypothèse générale émanent trois questions spécifiques

auxquelles nous tâcherons d’apporter notre contribution :

(a) Quelles sont les principes directeurs qui non seulement permettront à ce dialogue de se distinguer des

forums précédents mais aussi peuvent contribuer à son succès?

(b) Quelles sont les pistes éventuelles de solutions qui peuvent être explorées dans les choix thématiques

du dialogue intra-congolais en gestation?

(c) À qui appartient l’autorité de convoquer ses assises?

Pour répondre à ces questions, nous nous sommes attelés dans un premier temps à présenter les contextes

sociopolitiques pour formuler nos propositions. À cet effet, nous présentons une brève recension, d’une

part, des crises en RDC depuis 1990, des concertations qu’elles ont générées ainsi que leurs mécanismes,

et d’autre part, des conférences nationales tenues en Afrique francophone dans les années 1990 ainsi que

leur mode de fonctionnement. Nous y dégageons par la suite les leçons apprises, lesquelles serviront de

socle à nos propositions dans le cadre du dialogue intra-congolais en perspective. Une conclusion suivie

de nos recommandations feront l’objet de la fin de ce travail.

2. REVUE DE LITTÉRATURE SUR LES CRISES RÉCURRENTES EN RDC,

LEURS MÉCANISMES DE RÉSOLUTION ET UN BREF APERÇU DES

CONFÉRENCES NATIONALES EN AFRIQUE FRANCOPHONE

Il existe une abondante littérature sur les crises récurrentes en RDC, les divers forums de concertation mis

en place et les conférences nationales tenues dans certains pays d’Afrique francophone au début des

années 1990. Nous en donnons un bref aperçu dans les buts de définir les contextes sociopolitiques des

propositions que nous formulons dans la troisième section de ce travail. Nous n’aborderons ici que des

crises survenues depuis le début de la transition en RDC vers la troisième république et les forums

qu’elles ont générés.

2.1. CRISES EN RDC ENTRE 1990 À 2013 ET DIALOGUES RELATIFS

Depuis son accession à la démocratie en 1990, la RDC a connu une succession des crises politiques et

militaires. Certaines de ces crises ont abouti à des guerres civiles dont le bilan se chiffre à plusieurs

millions de perte en vies humaines. Les crises congolaises, bien que différentes de forme et de fond, ont

toutes abouti à une table de concertation. À l'exception de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) qui

était un vrai dialogue entre congolais, les autres dialogues ont consisté à une négociation entre

belligérants des conflits armés. C'est le cas des négociations directes entre l'ancien Président Mobutu et

l'ancien chef rebelle Laurent Désiré Kabila, en 1997 à Pointe-Noire et à bord d'un navire de guerre Sud-

Africain en présence du Président Nelson Mandela. Elles visaient à amener l’un à accepter de quitter le

pouvoir et l’autre à diriger la transition sans partage de pouvoir avec l'ancien régime jusqu'aux nouvelles

élections. C'est aussi le cas de plusieurs autres négociations qui impliquèrent plusieurs dirigeants africains

et de la Communauté Internationale, comme celles tenues à Victoria Falls I et II, Lusaka en passant par

Pretoria, Durban, Port Louis, Nairobi, Windhoek, Dodoma, Syrte et Gaborone. Les accords conclus à

7

l'issue de ces négociations, principalement au profit des intérêts étrangers représentaient à travers les

belligérants, auxquelles se sont engagées l'Organisation des Nations Unies (O.N.U.), l'Organisation de

l'Unité Africaine (O.U.A.), la Communauté pour le développement de l'Afrique Australe (S.A.D.C.), ont

souffert de graves violations de tout bord, en dépit du fait que la Communauté Internationale a pesé de

son poids en vue d'une solution pacifique et durable à ces crises récurrentes. D’autre part, bien que la

société civile et l'opposition politique congolaise ont été invitées à participer à certaines de ses assises et

que ses initiateurs ont prôné le terme dialogue au lieu de négociation, leurs issues ont cependant

clairement démontré qu'il s'agissait bien des négociations pour le partage du pouvoir entre belligérants

dont plusieurs sont issus d’une même filière, en plus d’être sponsorisés, instrumentalisés et actionnés par

les mêmes parrains, notamment le Rwanda et l'Ouganda.

La Conférence Nationale Souveraine (CNS) de 1990, quant à elle, se distingue des autres négociations par

le fait d'être un vrai dialogue entre Congolais, en plus d'être un cadre de discussion des questions d'intérêt

commun, une instance qui se voulait également une structure institutionnelle génératrice de nouvelles

institutions et qui entendait initier les valeurs démocratiques.

Ceci nous amène donc à faire une nette différence entre une négociation entre belligérants d’un conflit qui

souvent abouti au partage du pouvoir et un vrai dialogue pour l’intérêt supérieur de la Nation. Ce que le

peuple congolais exige aujourd'hui, c'est un vrai dialogue, un vrai forum ou une instance de discussion

des questions d'intérêt commun qui réunira en forme d'assemblée toutes les différentes composantes

représentatives de la nation en cette période de blocage afin de proposer un scenario de sortie de crise

sous la forme d'un consensus politique.

2.1.1. CRISES EN RDC

La RDC a été le théâtre de plusieurs crises récurrentes au cours de deux dernières décennies. Nous

présentons un sommaire chronologique des crises les plus marquantes ainsi que leurs conséquences.

2.1.1.1. Conflits politiques : 1990 à 1996

Les bouleversements des rapports géopolitiques à la fin des années 80 (fin de la guerre froide et du

totalitarisme communiste, avènement de la perestroïka, démantèlement de l’URSS, chute du Mur de

Berlin, etc.) et les lots de changements qui les accompagnent (e.g., l’exécution en direct du Président

Ceausescu en Roumanie, conditionnement de l’aide française aux pays africains par des progrès dans la

démocratisation de leurs systèmes politiques) vont avoir un impact dans la plupart des pays d’Afrique

dominés par des dictatures. Le Chef de l’État du Zaïre9, le Président Mobutu, très affaibli sur le plan

interne10

et par anticipation des événements annoncera une série des mesures qui porteront en soi les

germes des conflits que connaîtra le pays dans sa transition vers la troisième république, notamment

(Kamitatu-Massamba, 2007; Kalumvueziko, 2009; Kalulambi Pongo, 2001):

9 Le pays s’appelle Zaîre à l’époque et ne deviendra RDC qu’à la suite des changements politiques intervenus en

1997. 10

Kamitatu-Massamba (2007, p. 233) écrit à ce sujet que Mobutu et sa bande avait assécher le Trésor Public, l’État était en faillite au point que le FMI avait décidé de ne plus équilibrer sa balance de paiement, la Gécamines s’était effondrée réduisant de deux tiers les ressources de l’État.

8

(a) l’organisation durant le premier trimestre de l’année 1990 des consultations populaires

destinées à recueillir les opinions, avis et propositions de la population sur la situation

générale du pays et son futur. Le Bureau de consultations populaires recueillera 6128

mémorandums provenant de toutes les forces vives de la nation (dont cadres et intellectuels,

chercheurs, professeurs et étudiants, gestionnaires publics et privés, banquiers, industriels et

commerçants, agriculteurs et paysans, artistes et artisans, églises).

(b) La libération de l’espace politique avec l’instauration du multipartisme (partiel d’abord puis

intégral par la suite) ainsi que la transition démocratique et pacifique du pays vers la

troisième république avec les réformes politiques et institutionnelles, incluant la révision de

la constitution, et enfin l’organisation des élections.

Ces mesures vont voir l’émergence d’une multiplicité des partis politiques d’opposition (avérés ou

pas) et d’une société civile structurée. Elles vont aussi étaler les divergences entre les acteurs sur la

conduite du processus de changement démocratique du pays, dégénérant ainsi à une situation

conflictuelle dont le pays continue encore à en payer le prix jusqu’à ce jour. Il y’aura d’une part; le

Président Mobutu et ses acolytes pour qui les changements devraient s’inscrire selon leur leadership;

et d’autre part, il y a l’opposition centrée autour du Président de l’Union pour le Développement et le

Progrès social (UDPS) qui estima que la mission de préparer la transition devrait revenir à une

Assemblée extra-parlementaire qui n’a pas de lien avec l’ancien Parti-État et ses animateurs. Il s’en

suivra une guerre de tranchée entre les protagonistes qui se traduira par un bilan lourd, notamment

(liste non exhaustive):

- un climat accru de violence et d’insécurité de la population par des enlèvements, des assassinats

et la destruction des propriétés;

- des pillages systématiques des établissements commerciaux et le saccage des bâtiments publics

ainsi que des infrastructures économiques;

- l’intensification de la répression contre la presse écrite et contre la population (e.g., la marche

d’espoir pour la paix en février 1992);

- la résurgence des conflits interethniques (e.g., les Kasaiens au Shaba en 1992, Masisi et Walikale

au Nord Kivu en 1993);

- la dégradation de la situation économique11

;

- une succession de 10 gouvernements (entre le 14 octobre 1991 et le 11 avril 1997);

- un dédoublement des institutions du pays, d’une part il y a celles issues de la Conférence

Nationale Souveraine (dont le Haut Conseil de la République) et d’autre part, celles issues du

Conclave politique du Palais de la Nation (dont l’Assemblée Nationale);

- l’effondrement de l’État central et une accélération de l’état de déliquescence du pays;

- l’enlisement du processus de la transition.

Un forum de discussion à travers une Conférence Nationale Souveraine sera mis en place dans le but de

résorber les conflits qui émergeront à la suite de l’ouverture du pays au multipartisme et sa transition vers

les nouvelles institutions politiques.

11

Le taux d’inflation était de 7000% en 1992 (Table de concertation sur les droits humains au Zaïre, 1996, p. 30)

9

2.1.1.2. Conflit armé: 1996-1997

Une révolte déclenchée dans le Kivu par une catégorie particulière des Tutsis du Zaïre (De Villers et

Omasombo Tshonda, 1997, p.269) qui s’est muée ensuite en une rébellion contre la dictature de Mobutu

est à l’origine du conflit armé que connaitra ce pays du 17 avril 1996 au 17 mai 1997. Les principaux

animateurs de cette rébellion seront regroupés au sein d’un mouvement hétéroclite dénommé l’Alliance

des Forces Démocratique pour la Libération du Congo (AFDL), comprenant des Tutsis zaïrois et des

opposants au régime de Mobutu, mais qui seront en soi actionnés par de nombreux alliés dont le Rwanda,

l’Ouganda et l’Angola qui mettront leurs troupes dans cette lutte sous divers prétextes (e.g., poursuite des

refugiés hutus ou le démantèlement des bases arrières des rebelles ougandais pour contenir leur menace

d’insécurité), en plus d’en assurer le commandement des opérations militaires. Il s’en suivra un bilan

lourd pour la RDC avec des conséquences avérées, dont (liste non exhaustive):

- le déversement par le Rwanda de sa population en contrôlant sinon en occupant une partie de

l’Est du Zaïre, et l’accès à ses richesses (Kalumvueziko, 2009, p.220);

- le déversement par l’Ouganda d’une partie de ses troupes dans la partie orientale de la RDC pour

assurer l’accès aux richesses;

- la mort et les déplacements internes de près de 260 000 et 350 000 personnes, respectivement

(Kisangani, 2012, p.2);

- la fin de la dictature de Mobutu et l’avènement au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila;

- la suspension par le nouveau régime des acquis de la période de transition amorcée au début de

1990 et de ses institutions;

- l’infiltration des institutions de l’État par des personnes n’ayant pas la nationalité congolaise ou

d’autres ayant combattu dans les forces armées des pays alliés dont le Rwanda et l’Ouganda.

Ce conflit a été résorbé par voie militaire, et ce, après l’échec des négociations entre les belligérants pour

le partage de pouvoir et la gestion de la transition.

2.1.1.3. Conflits armés : 1998-2002

La rupture du nouveau Chef de l’État congolais Laurent-Désiré Kabila avec ses alliés rwandais dans le

but de s’affranchir de leur tutelle sera à l’origine des nouveaux conflits armés en RDC du 2 août 1998 au

17 décembre 2002. Il s’en suivra un bilan lourd pour la RDC avec des conséquences avérées, dont

(Kalumvueziko, 2009, pp 229-236):

- la multiplication des mouvements politico-militaires encadrés par des soldats et officiers

provenant de certains pays voisins dont le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi;

- la présence des forces d’intervention étrangères de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie qui

interviendront en RDC sous des motivations diverses dont l’accès aux richesses minières, le

positionnement géostratégique, ou la sécurité de leur frontière;

- la partition du pays en zones contrôlées (a) par les forces gouvernementales et ses alliées, (b) par

le RCD et son allié le Rwanda, (c) par le MLC et son allié l’Ouganda, (d) les groupes provenant

de l’émiettement du RCD et leurs alliés du Rwanda ou de l’Ouganda dont le RCD-ML, le RCD-

National, le RCD-Congo, et le RCD-K;

- l’affrontement sur le sol congolais des troupes rwandaises et ougandaises pour le contrôle de

l’accès aux ressources minières;

- la mort d’entre 3 200 000 et 4 200 000 personnes, en plus du déplacement d’environ 1 457 000

personnes (Kisangani, 2012, p. 2);

- la constitution et le déploiement en RDC de la force de la Mission des Nations-Unies au Congo

(MONUC);

10

- l’assassinat du nouveau Chef de l’État congolais Laurent-Désiré Kabila.

- l’arrivée au pouvoir d’un nouveau Chef d’État, Joseph Kabila, par des voies autres que les

élections.

Ces conflits ont amené à des négociations entre belligérants (groupes armés et gouvernement de la RDC)

pour le partage du pouvoir. La société civile et l’opposition non armée ont participé à titre d’invitées.

2.1.1.4. Conflits armés : 2008 à 2009

La dissidence de certains anciens officiers supérieurs du RCD (dont certains ont entamé leur carrière

militaire dans l’armée patriotique rwandaise), qui avaient refusé de rejoindre leur affectation au sein du

commandement des FARDC à Kinshasa, servira de ferment à un nouveau conflit armé dans la province

du Nord-Kivu, du mois d’août 2008 jusqu’en janvier 2009, qui opposera le mouvement politico-militaire

du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) soutenu par le Rwanda et les troupes de l’armée

congolaise ainsi que leurs alliés locaux. Ce conflit a conduit à un accord négocié entre le gouvernement

de la RDC et le Rwanda, le parrain du CNDP dont le bilan comprend (Kalumvueziko, 2009, p. 254-255):

- la promesse d’impunités des personnes qui continuent à semer la désolation auprès de la

population du Kivu;

- le brassage des membres du CNDP au sein des FARDC sans aucun mécanisme d’identification au

préalable des militaires concernés ou leur affectation ailleurs dans le territoire de la RDC;

- l’entrée massive des troupes rwandaises dans l’Est du Congo, sans un recensement officiel, pour

y conduire des interventions mixtes avec les forces gouvernementales.

Ces conflits ont amené à des négociations entre belligérants (groupes armés et gouvernement de la RDC)

pour le partage de pouvoir public et pouvoir militaire.

2.1.1.5. Conflits armés : 2012 à ce jour

La défection des FARDC de quelques anciens éléments du CNDP déplorant leurs conditions de travail et

l’absence de la volonté du pouvoir de Kinshasa d’appliquer de l’entente négocié par le CNDP est à

l’origine des conflits armés dans la province du Nord-Kivu depuis le mois d’avril 2012 entre les troupes

gouvernementales et le M23. Ce dernier est un mouvement politico-militaire qui selon le rapport

S/2012/843 daté du novembre 2012 d’un groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC12

, est

directement sous la tutelle du Rwanda. Selon ce rapport, les éléments du M23 sont recrutés par le Rwanda

qui les forment sur son territoire, les organisent et les transportent ensuite en RDC ou ils continuent de

bénéficier des conseils et d’un appui matériels. Le M23 reçoit aussi un support logistique des officiers de

l’Ouganda. Le bilan de ce conflit comprend (liste non exhaustive):

- l’occupation d’une partie du territoire national congolais depuis juillet 2012 avec le soutien du

Rwanda et de l’Ouganda;

- l’occupation de la ville de Goma pendant plusieurs jours qui s’est soldée par le dépouillement, à

titre de butin de guerre, du parc roulant et des actifs mobiliers de l’administration publique ainsi

que des réserves monétaires des banques;

- les violations des droits humains, le pillage des ressources naturelles et des massacres des

populations civiles.

- des exécutions extrajudiciaires, des viols des femmes et enfants.

12

http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/2012/843

11

Ces conflits ont amené à des concertations entre belligérants (groupes armés et gouvernement de la RDC)

sous les auspices du Président en exercice de la CIRGL (assumé par l’Ouganda, un parrain avéré du

M23) pour un compromis politique.

2.1.1.6. Crise de légitimité des institutions actuelles en RDC

La RDC a tenu au mois de novembre 2011 des élections présidentielle et législatives dans une

indescriptible confusion, entachées des violences parfois meurtrières, des irrégularités et des fraudes

avérées. Le Chef de l’État sortant Joseph Kabila a été déclaré vainqueur par la Commission Électorale

Nationale Indépendante (CENI), mais les résultats publiés ont été jugés non crédibles à la lumière des

nombreuses irrégularités et fraudes constatées lors du processus électoral, selon plusieurs observateurs

nationaux et internationaux. Parallèlement, l’opposant Etienne Tshisekedi (et une partie de la population)

considère, sans être en mesure d’y apporter des preuves, qu’il est le vainqueur des élections et qu’il est le

président élu de la RDC. Il en a résulté un conflit postélectoral qualifié de « crise de légitimité » par

plusieurs dont l’impact est réel sur la vie politique de la RDC qui est aujourd’hui polarisé entre, d’une

part, les tenants du camp du Président Joseph Kabila, et d’autre part, le camp de ceux qui veulent

connaître "la vérité des urnes". Cette bipolarisation de la vie politique des élections contestées de

novembre 2011 continue à affaiblir toutes les institutions républicaines en RDC. Le bilan de cette

situation comprend, notamment (liste non exhaustive) :

- L’auto-proclamation de M. Étienne Tshisekedi comme vainqueur des élections et Président de la

RDC, ainsi que l’annulation des élections législatives par ce dernier.

- Le refus de certains élus de siéger dans les institutions de l’État issues de ces élections.

- Une rupture des relations entre les gouvernants congolais et une frange de sa diaspora qui se

définit comme des « combattants » et dont les actions vont jusqu’à des règlements des comptes.

- L’aggravation de l’intolérance, de la méfiance réciproque, et des accusations mutuelles entre les

forces politiques.

- La régression de la démocratie manifestée par un climat de répressions, de violation et de

brutalité du pouvoir, des violations des droits humains, des exécutions extrajudiciaires.

- Le délitement du consensus national.

- L’enlisement de la situation sociale, politique et économique du pays.

- Un recul important de la jeune démocratie naissante.

2.1.2. DIALOGUES ET NÉGOCIATIONS

Les conflits survenus en RDC ont amené les acteurs impliqués à mettre en place divers forums pour tenter

de résoudre leurs divergences. Nous en donnons qui se limite aux origines, acteurs, structures et héritages

de ces forums.

2.1.2.1. Conférence Nationale Souveraine (février à décembre 1992)

La réclamation pour l’organisation d’une conférence nationale fut lancée à Bruxelles par les représentants

de neuf partis politiques de l’opposition au MPR du président Mobutu, suite à son discours du 24 avril

1990. Il y annonça l’ouverture du pays au multipartisme (de Villers et Omasombo Tshonda, 1997, p.17).

Le contexte politique et social du pays était empoissonné par l’intolérance, la méfiance réciproque,

l’intransigeance, le refus du dialogue, les accusations mutuelles et plus (Kalulambi Pongo, 1999, p.19). Le

dialogue congolais, comme cadre de concertation pour l’avènement de la troisième république, sera tôt

12

réclamé par la quasi-totalité de la population à travers les partis politiques, la société civile, les

associations socioculturelles, les communautés religieuses, etc. Le président Mobutu, réticent et voulant

plutôt à la place une commission constitutionnelle en charge d’élaborer la constitution du pays, a dû céder

à la pression et signa à la fin du premier tiers de l’année 1991 l’ordonnance portant création et

composition de la conférence.

La Conférence Nationale Souveraine (CNS) sera déclarée ouverte le 7 août 1991. Elle se butera

rapidement aux défis de constitution de son Bureau provisoire (choix imposé versus élections), des quotas

des délégués et la validation de leurs mandats où des irrégularités seront constatées sur les listes des

participants13

. La facilitation sera assumée par un membre de la société civile qui agira comme Président

du Bureau de la CNS. Le financement sera assuré par l’État congolais. Dans le cadre du déroulement de

ses travaux, la CNS disposera d’un règlement d’ordre intérieur, procédera à la réaffirmation de son

caractère souverain, et se structurera autour de 23 commissions, chacune étant en charge d’examiner un

aspect précis de la vie sociopolitique du pays, en plus d’une plénière pour discuter des rapports des

commissions. Elle comptera trois grandes forces ou groupes d’acteurs majeurs: la Mouvance

Présidentielle, l’Opposition (regroupée mais pas nécessairement unie dans l’Union sacrée) et l’Église

Catholique.

La CNS a clôturé ses travaux le 6 décembre 1992 (une durée de 15 mois) après un parcours spasmodique

parsemé de reports, d’ouvertures, de suspensions et reprises des travaux, etc. Elle aura, en dépit de

plusieurs tentatives d’étouffement de Mobutu et de l’inconsistance de certains acteurs politiques, permis

aux Congolais de dialoguer entre eux et de formuler des solutions aux divers problèmes qui contraignent

le développement de leur pays, et ce, sans aucune interférence extérieure explicite. Elle aura légué au

pays un Acte Constitutionnel de la Transition, un projet de constitution à soumettre au référendum

populaire, un Haut Conseil de la République et un Collège électoral, et un Premier ministre de transition

élu par les délégués en vue de conduire la transition. Ses acquis et résolutions vont cependant demeurer

lettres mortes sur fond de crise de primauté de pouvoir entre Mobutu et la CNS. Le pays sera plongé

ensuite dans une transition conflictuelle marquée par : un dédoublement des institutions; la réunification

des institutions avec l’instauration d’un parlement unique composé des membres du HCR et les anciens

membres du parlement de Mobutu (le HCR-PT); la recherche d’une troisième voie; une succession des

gouvernements qui se formeront et se déformeront au gré des humeurs des acteurs de la transition dont

Mobutu; l’enlisement de la situation politique, sociale et économique du pays; et une guerre qui partira de

l’Est du pays et finira par emporter Mobutu et suspendre plusieurs acquis de la CNS.

2.1.2.2. Dialogue Inter-Congolais de Sun City (février à décembre 2002)

Le DIC s’est tenu à Sun City (Afrique du Sud) du 25 février au 17 décembre 2002. Les germes de ce

dialogue se retrouvent dans les conflits armés qui secouent la RDC durant la période allant de 1998 à

2002 dont une brève description est présentée ci-dessus (voir section 2.1.1.3). Les facteurs de

mobilisation interne, dont les appels lancés par des organisations de la société civile et les chefs des

confessions religieuses pour un dialogue réunissant les acteurs impliqués dans les conflits armés recevront

l’aval du président Laurent-Désiré Kabila pour l’organisation d’une consultation nationale. Il y aura aussi

13

La commission provisoire avait fixé le nombre des participants à 2850 délégués réparties dans la société civile (1100), les partis politiques (900), les institutions publiques (750) et personnalités invitées (100) mais un total de 3485 s’étaient présentés à l’ouverture.

13

plusieurs tentatives de médiations, parrainées par l’extérieur, pour résoudre la crise congolaise, s’étant

échelonnées de 1998 à 2001 (voir Bouvier et Bomboko, 2003, pp. 31-50).

Les principaux acteurs au DIC sont le gouvernement de la RDC, l’opposition armée (MLC, RCD et ses

variantes), la société civile/forces vives (Églises et ONGs), l’opposition politique non armée (UDPS,

FONUS, MPR-fait privé, et personnalités invités), et finalement le Bureau de facilitation qui sera

entièrement entre les mains des pays étrangers. L’organisation de ces assises fut entièrement financée par

l’extérieur à travers une conférence de bailleurs de fonds. Le DIC sera structuré autour des organes

suivants : les séances plénières (l’organe de décision par consensus), les commissions (5 au total et toutes

présidées par l’extérieur14

), les sous-commissions, et les comités ad-hoc. Sa structure organisationnelle15

a

prévu aussi, en plus de la direction et les services de facilitation, les observateurs ne prenant part aux

débats (Nations Unies, Union Africaine, Union Européenne, Zambie et l’Afrique du Sud) et des experts

n’assistant pas aux séances (BERCI, IDPGL, NDI, IFES). Un total de 367 délégués participeront au DIC.

Les protagonistes-clés (MLC, RDC-Goma, opposition politique non armée, le gouvernement) auront

chacun 68 délégués. L’opposition non armé en comptera 71 et les autres se répartiront le reste. Il en

résultera, après des multiples trajectoires16

, un accord global et inclusif qui sera signé le 21 avril 2003 par

tous les délégués et dotera la RDC d’un agenda devant permettre la fin des hostilités, le retour à l’ordre

constitutionnel normal, la création d’une Armée républicaine par l’intégration des forces belligérantes, la

réconciliation nationale, la réunification de l’administration, l’organisation des élections et la mise en

place des institutions de la transition dont un gouvernement et un parlement (Kalumvueziko, 2009, p.

239). La finalité de ces assises aura été :

- le partage des pouvoirs pendant la période de transition, avec une part importante réservée à

l’opposition armée, au sein du gouvernement, du parlement (Assemblée nationale et Sénat),

des administrations provinciale et locale, et les entreprises publiques;

- la création des institutions politiques de transition, dont des institutions d’appui à la

démocratie17

;

- la création d’un comité international d’accompagnement de la transition (CIAT) composé, en

plus de la MONUC, des cinq pays membres permanents du conseil de sécurité, de la Belgique,

du Canada, de l’Afrique du Sud, de l’Angola, du Gabon, du Mozambique, de la Zambie, et de

la commission européenne18

;

- d’une Commission de suivi de l’Accord;

- le vote d’une constitution définitive;

- l’organisation des élections présidentielle et législatives en 2006;

- la pacification et réunification du pays où une paix relative des braves entre les belligérants

sera observée en dépit de quelques soubresauts. Mais, cela ne saura pas durer comme en

témoigne les violences qui surviendront après le deuxième tour des élections et plus tard

l’émergence d’autres conflits armés.

14

Voir Bouvier et Bomboko, 2003, p. 120-121 15

Voir Bouvier et Bomboko, 2003, p. 118-119 16

Voir Bouvier et Bomboko, 2003, p. 159-171 17

voir Makengo Nkutu pour les rôles et responsabilités de chacune, 2010, p. 39-71. 18

voir Makengo Nkutu pour les rôles et responsabilités de chacune, 2010, p. 70.

14

2.1.2.3. Conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans le Nord-

Kivu et le Sud-Kivu (6 au 23 janvier 2008)

La conférence de paix a été convoquée à la suite de l’émergence des conflits armés brièvement présentés

dans une des sections précédentes (voir section 2.1.1.4). Le Chef de l’État de la RDC, Mr. Joseph Kabila

suite à l’échec de son option militaire optera pour une option politique en signant une ordonnance portant

convocation de ladite conférence afin de réfléchir sur les voies et moyens d’une paix durable et d’un

développement intégral dans les Kivu (de Villiers, 2009, p. 447). La conférence, entièrement financée par

le gouvernement congolais, sera organisée du 6 au 23 janvier 2008, sous la facilitation intérieure et

connaîtra la participation de 1300 délégués (500 prévus au départ) dont des représentants des groupes

armés (CNDP, PARECO et autres), des communautés ethniques et des personnalités politiques

originaires de l’Est du Congo. La conférence sera structurée autour d’un président, d’un comité des sages

et d’un panel des modérateurs, d’une plénière et des ateliers. Il en résultera un acte d’engagement signé

par les représentants du gouvernement, des groupes armés, de la communauté internationale ou des

engagements divers sont pris par les protagonistes, notamment un cessez-le-feu immédiat, le brassage

militaire ou le désarmement et réintégration dans la vie civile, la facilitation du retour des refugiés et des

personnes déplacées, la création d’une zone démilitarisée et l’abstention à soutenir des groupes armés

nationaux ou étrangers, présentation et promulgation d’une loi d’amnistie pour faits de guerre et

insurrectionnels.

Il en résultera aussi un programme national, de sécurisation, pacification, stabilisation et reconstruction

des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu : le Programme Amani ou Amani Leo en swahili qui signifie

Paix Immédiate. Ce programme fut soutenu et financé par la Communauté internationale après la tenue de

la conférence de Goma. Il avait pour mission de faire cesser les hostilités, faciliter le désengagement sur

les lignes de front, faciliter l’intégration des éléments armés et rétablir l’autorité de l’État afin de

permettre le retour des déplacés internes et autres réfugiés dans leurs localités d’origine. Le 28 Octobre

2008, le coordonnateur adjoint d’Amani avait démissionné ne croyant plus que le programme atteindra

ses objectifs. Le 20 aout 2009, le Chef de l’État de la RDC créa un autre programme dénommé STAREC

(stabilisation et Reconstruction) pour remplacer Amani, auquel il a assigné trois volets : la sécurité,

l’humanitaire et l’économie. La transition entre les deux programmes n’était pas bien assurée, engendrant

ainsi des malaises parmi certains signataires. Le peu de succès récolté par STAREC a conduit à son

association avec l’ISSSS (International Support. Stabilisation, Security and Strategy). Malgré cela, la

paix et la sécurité se sont toujours avérées sans évidence pour les populations de l’Est de la RDC.

L’échec de la coordination des efforts des uns et des autres entre les initiateurs et la divergence des

intérêts politiques et économiques des bailleurs de fonds de STAREC et ISSSS finirent par prendre le

dessus. Le retour de la guerre en 2012 est une indication que les deux plans ont échoué d’atteindre leurs

objectifs. L’Est de la RDC demeure dans l’insécurité et même plus qu’il était avant les deux plans. Le

nombre des déplacés internes supposés réintégrer leurs demeures ou villages ou villes afflue davantage.

Leurs conditions socioéconomiques et celles de l’Est de la RDC sont vulnérables et ne laissent pas croire

qu’elles vont s’améliorer aussitôt.

2.1.2.4. Accords du 23 mars 2009 avec le CNDP

Les accords de paix du 23 mars 2009 ont été élaborés par le gouvernement de la RDC et le CNDP d’une

part et, d’autre part, avec différents autres groupes armés du Nord et du Sud Kivu. Ils sont le résultat de

15

longues et âpres négociations menées tour à tour à Nairobi et à Goma. Ils ont été signés sous la double

facilitation de Son Excellence Chief OLUSEGUN OBASANJO, envoyé spécial du Secrétaire Général des

Nations-Unies pour la région des Grands Lacs et Mr Benjamin MKAPA pour le compte de l’Union

Africaine (UA) et de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL). Ces deux

personnalités qui sont, respectivement, d’ex-présidents de la république fédérale du Nigéria et de la

république-unie de Tanzanie, ont apposé leurs signatures sur ce document en tant que témoins et

constituent jusqu’à ce jour, la facilitation internationale.

Les accords du 23 mars comportent 16 articles articulés autour des principaux points suivants : la

transformation du CNDP en parti politique ; la libération des prisonniers politiques ; la promulgation

d’une loi d’amnistie couvrant la période allant de 2003 jusqu’à la signature des accords ; la mise en place

d’un mécanisme national de réconciliation et des comités locaux de conciliation ; la création d’une police

de proximité ; le classement des provinces du Nord et Sud-Kivu en zone sinistrée ; l’éradication du

phénomène FDLR ; le retour des refugiés et déplacés internes. D’autres questions concernent la

réhabilitation des députés provinciaux proches du CNDP qui avaient été invalidés, l’insertion des cadres

administratifs qui avaient rejoint le CNDP, la gestion du contentieux relatifs aux biens spoliés, la prise en

charge par le gouvernement des blessés de guerre des veuves et orphelins d’ex-éléments CNDP, la mise

en place des mécanisme efficace de bonne gouvernance y compris celui de la certification, de

l’exploitation, de l’évaluation et du contrôle des ressources naturelles.

2.1.2.5. Négociations Gouvernement – M23

Les négociations entre le gouvernement congolais et le groupe rebelle du M23 ont été sanctionnées par le

Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de la CIRGL qui s’est tenu en date du 24 novembre 2012

en Ouganda sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC19

. Ce sommet s’est ouvert après l’échec de

l’option militaire et la chute de la ville de Goma le 20 novembre 2012 entre les mains des éléments du

M23. Ces négociations sont ainsi tenues sous les auspices de la CIRGL et la facilitation de son président

en exercice, Monsieur Yoweri Kaguta Museveni, président de l’Ouganda. Entamées, depuis le 6

décembre, ces négociations sont encore en cours et s’articulent autour des points tels que l’évaluation des

accords du 23 mars 2009 signés avec le CNDP; les questions politiques, sociales et économiques; et le

mécanisme de suivi. D’une manière générale, ces négociations sont dénoncées par une partie de l’opinion

nationale à travers les parties politiques d’opposition et des organisations de la société civile. Elles

souffrent, à leur avis, de manque de crédibilité au regard de sa facilitation qui est assumée par Monsieur

Yoweri Kaguta Museveni, président de l’Ouganda, identifié dans le rapport de l’ONU, comme l’un des

parrains du groupe rebelle de M23 avec son homologue Paul Kagamé du Rwanda. D’aucuns se posent les

questions, pourquoi le gouvernement congolais, à l’instar du Mali, n’a pas soutenu de manière énergique

les efforts de la France qui avait déposé une résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unis

condamnant la prise de la ville de Goma par les rebelles du M23, les contraignant à déposer les armes et à

se retirer au-delà des frontières de la RDC? En court-circuitant ainsi la France et en sapant ses effort au

profit de la résolution du CIRGL, le gouvernement de Kinshasa n’a t-il pas dédouané, pour une énième

fois, ses agresseurs?

19

La déclaration du sommet est disponible sur lien suivant : https://cirgl.org/IMG/pdf/Declaration-chefs24th.pdf

16

2.2. CONFÉRENCES NATIONALES EN AFRIQUE FRANCOPHONE

L’organisation de la Conférence Nationale était devenue la revendication première dans plusieurs pays

francophones d'Afrique après la réussite de la Conférence Nationale tenue au Bénin en début de l’année

1990 qui déboucha au renversement de la dictature du président Kérékou. La Conférence Nationale fut

alors perçue comme l’instrument par excellence de réussite de la transition démocratique ou un moyen

des gouvernants de gagner du temps face à une contestation populaire grandissante (Besse, 2008)20

.

Plusieurs pays d’Afrique subsahariennes ont connu une vague de démocratisation résultant d'une

conjonction de facteurs tant externes qu'internes. Ils ont souscrit dans le schéma des Conférence

Nationales dans les années 1990 à 1993. C'est le cas du Bénin et du Gabon en 1990, du Congo, Niger,

Mali, Togo et le Zaïre en 1991 et du Tchad en 1993. La figure 1 illustre la durée des conférences

nationales organisées dans différents pays de l’Afrique subsahariennes.

Figure 1: Durée des Conférences nationale organisées dans quelques pays d’Afrique francophone

Le Bénin a organisé sa Conférence Nationale dans une durée de 10 jours et ses assises ont été qualifiées

d’un franc succès, contrairement au Zaïre qui a organisé la sienne pendant 485 jours et qualifiée

d’inachevée.

L’examen des différentes conférences nationales révèle qu’elles ont été caractérisées par deux phases

importantes: une phase de déconstitutionnalisation qui abrogeait le système constitutionnel en vigueur

tout en entrainant la dissolution des institutions étatiques en place et une phase de la constitutionnalisation

qui conduisait à la mise en place des nouveaux textes constitutionnels et des nouvelles institutions

transitoires, d’autre part.

20

article disponible sur le lien suivant http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC3/BesseTXT.pdf

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

Benin Mali Gabon Togo Tchad Niger Congo Zaïre

10 15 24 50 84 98 107

485

Temps (Jour)

17

2.2.1. La déconstitutionnalisation

La souveraineté de la Conférence nationale s’est avérée déterminante à la libéralisation des États grâce à

une révolution pacifique tout en redonnant au droit sa marque privilégiée d’outil de gestion de l’État en

lieu et place du seul bon vouloir des gouvernants (Besse, 2008). Pour mener à bien leur mission, la quasi-

totalité des conférences nationales va opérer un véritable coup d’État civil en se déclarant souveraine. La

constitution qui a longtemps permis le maintien de la dictature ou du totalitarisme sera abrogée dès la

déclaration de l’Acte de souveraineté de la conférence, entrainant par ce même fait la dissolution des

institutions en place. Nous citons pour exemple les cas du Togo et du Niger qui ont accompli leur phase

déconstituante respectivement par l’article 4 de l’Acte n° 1 et l’article 1 de l’Acte n°324. Au Niger21

, la

déclaration de souveraineté intervint dès le lendemain de l’ouverture de la Conférence nationale soit le 30

juillet 1991. Il est toutefois notable que la déclaration de souveraineté ne garantit pas son effectivité.

Ainsi, au Togo (Kamto, 1997, p.185), en dépit de la déclaration de souveraineté de la conférence, le

Président décida de la suspendre provisoirement par un décret du 26 août 1991 jusqu’à ce que les

conférenciers aient trouvé un accord sur les institutions de la transition. La souveraineté de la conférence

tchadienne fut également violée à plusieurs reprises par le Président Déby.

2.2.2. La réconstitutionnalisation

Après la phase de déconstitutionnalisation, les Conférences nationales souveraines au lieu de mettre en

place des nouveaux textes constitutionnels devant régir les nouvelles institutions et légitimé ainsi les

nouvelles institutions issues d’un consensus politique tout en le dotant d’une vraie compétence normative,

elles ont plutôt passé le temps à débattre des questions de gouvernance et à battre campagne pour se

positionner dans les nouvelles institutions tout en acceptant de cohabiter avec le dictateur en place sous

l’ancienne constitution qui lui donnait tout le pouvoir même au dessus de la Loi. Ce dernier saisi

l’occasion pour empêcher que le nouveau projet de constitution issu de la conférence nationale et qui

réduisait son pouvoir soit adopté d’où l’échec de la plus part de ces conférences.

Si la phase déconstituante a fait l’objet d’après débats, il n’en a pas été de même pour la phase

reconstituante qui a pourtant vocation à permettre l’adoption d’un texte pérenne. Curieusement le texte

des nouvelles constitutions ne fut pas rédigé par les Conférences, excepté le Bénin ou le travail réalisé par

la commission des lois et des affaires constitutionnelles fut néanmoins plus complet et ratifié par la

Conférence (Adamon, 1995, p 76-77) et le Niger qui a adopté l’Acte fondamental n°21 portant

organisation des pouvoirs publics, qui met en place un pouvoir exécutif bicéphale dans lequel pour la

première fois, le Premier ministre dispose de l’essentiel du pouvoir, il est le chef du Gouvernement. Le

pouvoir législatif est confié au Haut conseil de la République. Ce dernier est non seulement chargé de

légiférer mais aussi et surtout de contrôler l’Exécutif en veillant à l’exécution du cahier des charges et des

décisions de la Conférence. Il doit également superviser deux commissions spéciales, l’une chargée de

l’élaboration des textes fondamentaux, l’autre des crimes et abus politiques, économiques et

socioculturels ainsi que de l’enrichissement illicite.

Dans certains pays, l’appuie des Cours et Tribunaux à ces assises étaient déterminant pour assurer

l’effectivité de leur souveraineté. C’est le cas du Niger ou par son avis n°92-05/CC du 31 juillet 1992, la

Cour suprême nigérienne a estimée que les actes 3 et 21 de la Conférence étaient les textes de valeur

constitutionnelle du Niger. Elle a également précisé que toutes les autres normes leur étaient

hiérarchiquement subordonnées et que leur validité en dépendait donc. De même, par une loi du 18 juillet

1994, une chambre constitutionnelle fut créée au sein de la Cour d’appel tchadienne de N’Djamena. Elle

21

Jean-Jacques RAYNAL, les institutions politiques du Niger, Sepia, 1993, p.62.

18

était notamment chargée de contrôler la constitutionnalité des lois et leur conformité à la Charte de la

transition. Mais, ce qui n’était pas le cas au Zaïre qui connaîtra l’une des plus longues transitions et qui

n’aura pas produit les résultats escomptés.

3. DISCUSSION GÉNÉRALE SUR L’ ÉTAT DES LIEUX DES FORUMS

ANTÉRIEURS ET PROPOSITION DE QUELQUES PISTES À EXPLORER

POUR LE DIALOGUE INTRA-CONGOLAIS EN PERSPECTIVE

Les sections précédentes de ce travail ont présenté une brève recension des crises que la RDC a connues

depuis 1990 ainsi que des forums qui ont été mis en place pour les résorber. Nous avons aussi brièvement

abordé la question des dialogues dans les pays d’Afrique francophone à travers les Conférences

Nationales Souveraines. Quel état des lieux peut-on en dégager afin de mieux appréhender le Dialogue

Intra-Congolais qui est en gestation? Quelles pistes de solution pouvons-nous recommander pour en

assurer des meilleures chances de succès?

3.1. ÉTAT DES LIEUX

3.1.1. Types de conflits

Au cours de deux dernières décennies, la RDC a été le théâtre de deux types des conflits : politiques et

armés. Canivez (2008) relève trois caractéristiques pour définir les conflits politiques : ils opposent des

groupes au sens le plus large mais pas des individus, impliquent les institutions étatiques et demandent

une solution « politique », c’est-à-dire une solution obtenue par la discussion par opposition à l’usage de

la force. Quand aux conflits armés, Vité (2009) en distingue plusieurs formes en droit international

humanitaire. Il y distingue le conflit armé international qui oppose deux États ou plus et le conflit armé

non international qui oppose les forces gouvernementales à des groupes armés non gouvernementaux ou

des groupes armés entre eux. Parmi les manifestions contemporaines de ces conflits, les Nations Unies

répertorient22

la prise délibérée des civils comme cible (y compris des travailleurs humanitaires); les

violations généralisées des droits humains; la perpétration de viols et d’autres crimes sexuels,

transformées en armes de guerre utilisées en particulier contre les femmes et les enfants; ainsi que le

déplacement forcé de centaines de milliers d’individus.

Bien qu’une évolution cyclique soit possible entre les deux types des conflits, nous maintenons cette

distinction pour nous permettre d’élaborer sur leurs mécanismes de résolution. À cet égard, nous

classifions dans la première catégorie la crise qui émergea à la suite de l’ouverture du pays au

multipartisme au cours de l’année 1990. Elle donnera lieu par la suite à l’organisation de la Conférence

Nationale Souveraine qui a impliqué toutes les forces vives de la nation. Nous classifions également dans

cette catégorie la crise récente émanant des élections présidentielle et législatives. Jusqu’à ce jour, cette

crisse n’a pas encore trouvé d’échos auprès des acteurs impliqués. Les rébellions armées que le pays a

connues depuis 1996 sont classifiées dans la seconde catégorie des crises.

22

http://www.un.org/fr/humanitarian/overview/conflict.shtml

19

3.1.2. À propos de la Conférence Nationale Souveraine du Zaïre

Les initiatives pour trouver des solutions à ces conflits ont amené la mise en place de multiples forums

dont le mérite principal est de mettre ensemble des acteurs congolais pour discuter et résoudre leurs

contradictions internes. De tous les forums sommairement discutés dans ce document, la CNS demeure la

seule qui est née d’une pulsion intérieure et connaitra ainsi peu d’interférences étrangères directes; saura

attirer une adhésion populaire forte et active; et connaîtra la participation sur le même pied d’égalité des

partis politiques, des organisations de la société civile et de divers groupements politiques. De plus, le

financement de son organisation sera assumé par l’État congolais23

évitant ainsi son inféodation par les

bailleurs de fonds étrangers. La facilitation des assises et la modération des commissions et autres entités

étaient assumées par les Congolais eux-mêmes qui ont eu ainsi le contrôle de tous les leviers pour

élaborer leur fonctionnement et développer leur propre agenda ainsi que sa mise en pratique. Malgré ces

atouts, les résolutions de la CNS n’ont jamais été matérialisées en pratique dû aux nombreux désaccords

entre acteurs politiques sur leurs échéances et leurs contenus. L’absence de la participation active des

acteurs de qui dépendait l’exécution des décisions sur des problèmes à l’agenda est l’une des causes

d’échecs de ses assises, en l’occurrence le refus volontaire du Président de la République de se joindre

aux conférenciers (Pole Sud, 1999, p.20). Elle a aussi souffert des ambitions belliqueuses des uns et des

autres pour le partage du pouvoir, amenant ainsi les participants à investir leurs efforts sur le changement

des personnes plutôt que le changement du système (BERCI, 2001, p. 88).

À cet égard, considérant la revue de littérature sur les Conférences Nationales en Afrique francophone,

l’empressement des conférenciers à la CNS à combler -- après la phase de déconstitutionnalisation qui a

déclaré les assises souveraines et les institutions existantes obsolètes -- d’abord la vacance institutionnelle

plutôt que la vacance constitutionnelle, a fragilisé la RDC qui s’est enlisée dans une transition

interminable. Les différents acteurs impliqués continueront à se référer, les uns à l’Acte portant

dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition adoptée par la CNS mais non

promulgué, et les autres à une constitution déjà promulguée qui attribue des pouvoirs constitutionnels au

Chef de l’État sur certains domaines réservés. Une situation qui plongera le pays devant une double

légitimité du pouvoir (Kalumvueziko, 2009, p. 206). Sur le plan organisationnel et structurel, la CNS a

aussi fait face à un certain nombre des défis dont les effets des pesanteurs nécessitent une auscultation

dans la perspective d’un nouveau dialogue intra-congolais. BERCI (2001) dégage dans leur rapport les

lacunes suivantes :

l’ambigüité de la nature de l’institution qui s’était voulue à la fois une constituante, un tribunal

populaire et une tribune de propagande électorale. Il s’en est suivi un élargissement excessif du

champ de débat politique embrassant à la fois la relecture de l’histoire nationale et l’élaboration

d’un projet de société multisectoriel, résultant ainsi à la plus longue durée des assises parmi les

conférences nationales tenues en Afrique francophone durant la même période. L’absence d’une

méthodologie rigoureuse de travail, caractérisée par des dossiers mal préparés et tirés en longueur

ont aussi contribué à la longue durée des assises, en plus de nombreux soubresauts qui vont

parsemer le chemin de la CNS dû aux querelles entre les acteurs-clés;

23

Il est reporté ailleurs que l’État zaïrois avait refusé d’assurer le financement de la CNS et que certains pays amis dont la Belgique étaient venus à la rescousse (Pole Sud, 1999, p. 19).

20

l’inflation des délégués -- plusieurs ont fait preuve d’une absence manifeste de préparation -- qui

n’a pas facilité la sérénité des débats. À ce sujet, il est reporté que seulement un petit nombre

d’entre-eux (entre 80 et 100 personnes) ont effectivement contribué aux débats. Ce qui soulève

des questions de l’expertise fort contestable de la grande majorité des participants, de la

pertinence du per diem payé aux délégués allant de 23$ par jour pour les conférenciers habitant

Kinshasa à $68 pour ceux provenant des provinces (de Villers et Omasombo Tshonda, 1997,

p.80) et sur les motivations de certains de voir ces assises devenir un fonds de commerce

financier et politique;

la personnalisation des débats sur les individus dont notamment le Chef de l’État, ce qui a eu

comme impact d’activer des réflexes d’autodéfense, empêchant ainsi la mise en place

d’institutions durables;

la discussion des dossiers sensibles (e.g, la nationalité, les biens mal acquis, etc.) sans en adopter

les résolutions, ce qui n’a fait que compromettre tout esprit de réconciliation, favorisé

l’instrumentation des assises et alimenté des conflits futurs.

À ces lacunes, Kalumvueziko (2009, p. 198) ajoute aussi le recours par le pouvoir à la corruption pour

« acheter » les alliances politiques afin de contrôler les événements et les orienter dans le sens de ses

intérêts politiques, en plus d’abuser de ses attributs du pouvoir pour avoir la haute main sur les finances

de l’État et le contrôle exclusif des forces armées et de la sécurité.

3.1.3. À propos des autres forums congolais

Quant aux autres forums issus des conflits armés, ils ont tous été conçus dans des laboratoires situés à

l’extérieur du territoire congolais et ils ont été mis en place en réponse aux pressions de la Communauté

internationale (i.e., un groupe de pays et d’organisations multilatérales). Contrairement à la CNS qui a

offert un cadre de discussion sur les questions d’intérêt national, ces forums n’offrent rien de semblable

mais plutôt des négociations directes entre belligérants (le gouvernement congolais et les groupes armés)

pour le partage de pouvoir civil et militaire. Bien que l’opposition non armée et d’autres forces vives y

participent aussi à titre d’invités, une flagrante inégalité des forces existe entre elles et les belligérants

(gouvernement et groupes armés). Ces forums s’inscrivent dans le schéma classique de la diplomatie

officielle, mais ils n’ont jamais ramené une paix durable en RDC. Au mieux, ils ont permis de manière

temporaire soit la régulation ou la transformation des conflits. Ils sont entièrement financés par la

Communauté internationale qui non seulement parraine leur organisation mais aussi dicte leur agenda et

sa mise en pratique.

Le Dialogue inter-congolais de Sun City qui a défini les fondements des institutions politiques du Congo

sous la constitution transitoire de 2001-2005 et doté par la suite la RDC d’une constitution qui sera à la

base des institutions politiques de la troisième république, a eu à la tête de sa facilitation et de toutes les

commissions des non-nationaux. Le Bureau de la facilitation était composé des étrangers. Il a aussi doté la

RDC d’un organisme international et de soutien au programme de la transition : le Comité International

d’Accompagnement de la Transition présidé par la MONUC et composé des représentants des cinq États

membres du Conseil de Sécurité, de la Commission Européenne et plusieurs pays (Canada, Belgique,

Afrique du Sud, etc.). Il est de notoriété publique que certains pays impliqués en RDC via le CIAT ou par

le financement de ces forums ont des objectifs et intérêts qui peuvent être multiples et conflictuels dont

certains ne sont que très indirectement liés à la RDC mais qu’ils attendent néanmoins atteindre

21

simultanément. La facilitation des dialogues avec le CNDP et le M23 sera aussi assumée par des

étrangers. Ces trois forums précités vont avoir lieu à l’extérieur du territoire national. Il faut aussi noter un

certain empressement des autorités de la RDC de donner suite aux requêtes de ces forums suite à l’échec

de son option militaire.

Quant à la conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans les Kivu, son organisation quoique

financée par l’État congolais, la mise en place de ses résolutions était financée par la Communauté

internationale. Les acteurs principaux à ces forums, contrairement à la CNS, sont des groupes armés dont

les plus importants sont parrainés par des alliés extérieurs notamment le Rwanda et l’Ouganda qui les

instrumentalisent et les actionnent à dessein pour répondre à leurs intérêts inavoués qu’ils portent en RDC

dont l’exploitation de ses ressources minières. Ces derniers recourent à leurs bras armés en RDC pour

s’assurer un accès libre et continuel à son territoire national. En fait, le partage de pouvoir public et

militaire obtenu dans ces forums ne concourent qu’à légitimer les seigneurs des guerres qui deviennent de

manière légale administrateurs des territoires qu’ils occupent garantissant ainsi l’accès à leurs parrains

l’exploitation des zones qu’ils contrôlent ainsi que les axes et moyens de communications pour y accéder.

Ainsi, pour ces parrains, la stratégie pour s’assurer le contrôle d’une plus grande partie du territoire de la

RDC et de l’exploiter à leur dessein est d’une part, la multiplication des groupes armés aussi bien dans

l’espace que dans le temps, l’activation de leurs réseaux dans la Communauté internationale pour

noyauter les divers forums de résolution des crises congolaise via la diplomatie officielle afin d’infiltrer

davantage les institutions de la RDC. Ce qui explique que tous les conflits armés recensés dans ce

document ont leur foyer dans les Kivu ainsi que dans la Province Orientale. Chaque conflit armé est issu

du conflit armé précédent et les sources d’émanation restent toujours les mêmes. Le gouvernement

ougandais a fomenté plusieurs groupes (e.g, MLC de Bemba, RCD-K de Wamba dia Wamba, RCD-N de

Roger Lumbala, RCD-K/ML de Mbusa Nyamwisi, etc.). Le Rwanda a fait l’AFDL qui amènera Laurent-

Désiré Kabila au pouvoir. Le retournement des alliances amènera le Rwanda à devenir l’allié principal du

RCD qui finira par se scinder en plusieurs autres groupes (e.g, RCD-Goma, RCD-K, RDC-K/ML, RCD-

N, RCD-Congo, RCD-O, etc.). Le CNDP qui sera parrainé par le Rwanda sera l’émanation du RCD et

finalement le M23 est l’émanation du CNDP. Bref, il s’agit des mêmes acteurs qui changent des peaux en

fonction des enjeux dictés par une main invisible qui est actionnée par leurs parrains et commanditaires.

3.1.4. Options de résolutions des conflits

Ainsi, compte tenu de la discussion qui précède et dans la perspective du nouveau Dialogue Intra-

Congolais (DIC), la RDC doit rejeter les types d’organisations, les modes de financement et la nature

d’agenda qui se structurent autour des forums issus des conflits armés et devrait plutôt se modeler

davantage selon la structuration autour des conflits dits politiques. Toute approche préconisée à

solutionner la crise de la RDC comporte des risques. Les avantages par rapport aux coûts à engager

varient d'une approche à une autre. Pour justifier notre préférence au Dialogue Intra-Congolais (DIC) par

rapport aux autres approches, nous avons analysé les risques pour chacune de cinq approches possibles ci-

dessous d'entrainer l’aggravation de la crise en RDC à la suite de son adoption ou d’en apporter la

solution. Les approches de solutions applicables à la crise de la RDC qui ont servi de base à cette analyse

de risques sont:

(1) le dialogue national (intra-congolais);

22

(2) l'Assemblée Constituante;

(3) la guerre civile;

(4) le coup d'État militaire; et

(5) le Statu quo.

Nous avons retenu deux composantes d'une approche pacifique à savoir le dialogue national et

l'Assemblée Constituante, deux composantes de l'approche militaire à savoir la guerre civile et le coup

d'État militaire, ainsi que le statu quo qui consiste à ne rien faire (modèle de référence). Tel que déjà

stipulé dans ce document, le dialogue national est une instance de discussion des questions d'intérêt

commun. Elle réunit sous forme de forum ou d’assemblée toutes les différentes composantes

représentatives d'une nation en période de blocage afin de proposer un scenario de sortie de crise sous la

forme d'un consensus politique. Une Assemblée Constituante, par contre, est une institution collégiale

souvent populaire qui a pour tâches, par exemple, la modification, la rédaction, ou l'adoption d'une

constitution, texte fondamental d'organisation des pouvoirs publics d'un pays. Il apparaît tout de suite une

différence essentielle: un dialogue national doit se tenir en présence de toutes les composantes de la

nation, y compris le pouvoir en place, par contre une Assemblée Constituante du peuple peut être alors

perçue comme un Dialogue National en version plus radicale. En effet, le peuple décide de se réunir en

assemblée sans l'aval et sans la participation obligée du pouvoir. Une Assemblée Constituante débouche

d'ailleurs souvent sur la rédaction d'une nouvelle constitution et donc la naissance d'une nouvelle

République24

. Une guerre civile est la situation qui existe lorsqu'au sein d'un État, une lutte armée oppose

les forces armées régulières à des groupes armés identifiables, ou des groupes armés entre eux, dans des

combats dont l'importance et l'extension dépasse la simple révolte ou l'insurrection. Du point de vue du

droit de la guerre, on utilise l'expression « conflit armé non international », le mot « guerre » étant réservé

au conflit armé international (Vité, 2009). Un coup d'État est un renversement du pouvoir par une

personne investie d'une autorité, de façon illégale et souvent brutale. On le distingue d'une révolution en

ce que celle-ci est populaire. Le putsch est un coup d'État réalisé par la force des armes.

Après la détermination d'options, il nous a semblé essentiel d’en faire une analyse appropriée afin de

savoir la teneur du risque pour chacune des options choisies. Une approche couramment utilisée consiste

à évaluer la probabilité de chaque option de basculer la crise vers une pire situation et l’impact que cela

pourrait avoir sur la société. Un facteur d’exposition au risque (ER) permettant de déterminer la priorité

de chaque option peut ainsi être établi. Dans notre cas, la question a été posée à l’envers : la probabilité de

chaque option d’améliorer la situation de la crise en RDC. Les résultats doivent être interprétés aussi à

l’envers. Un système d’attribut à trois niveaux a été utilisé pour quantifier pour chaque option, si elle est

retenue, l’impact (faible, moyen, élevé) qu’elle aurait pour apporter une solution durable à la crise qui

sévît actuellement en RDC et la probabilité ou les chances de réussite (peu probable, probable, très

probable). Nous avons administré ce système à un échantillon de personnes d’origine congolaise. Les

résultats de l’analyse de risque sont présentés à la figure 2. L’exposition au risque de chaque option est

obtenue par le produit de l’impact et la probabilité ou les chances de réussite. Compte tenu des variables

utilisées, plus ce produit est faible, plus l’exposition au risque est élevée. Aussi, pour fins de présentation

de nos résultats, le statu quo est considéré comme l’option de référence. À cet effet, nous présentons, pour

chaque option, les ratios par rapport à l’option de référence de l’impact sur la crise, la probabilité ou les

chances de réussite et l’exposition au risque.

24

http://www.gabonlibre.com/Assemblee-Constituante-Contre-Conference-Nationale-Souveraine_a18875.html

23

Figure 2 : Évaluation des options en fonction de leur impact, chances de réussite et exposition au risque

Une analyse comparative des risques associés à chaque option montre que la guerre civile est l’option qui

selon nos répondants présente une plus grande exposition au risque. Les acteurs politiques de la RDC

devraient donc s’y atteler pour ne pas plonger le pays dans cette situation. L’activisme des groupes armés,

leur multiplicité, leur inféodation et instrumentation par leurs alliés extérieurs, le blocage actuel sont

autant d’éléments qui peuvent servir de ferment à une guerre civile en RDC, d’où la nécessité d’y trouver

des solutions durables. Selon nos répondants, les deux options qui ont un plus grand impact pour

améliorer la situation actuelle sont le dialogue national (1.59) et le coup d’État (1.50). Cette dernière a par

contre les chances de réussite moins élevées (1.04 versus 1.25) et l’exposition au risque plus élevé (1.56

versus 1.98). Par contre, elle devrait servir d’interpellation aux autorités congolaises. Pourquoi tant des

répondants considèrent cette option comme la plus viable? La crise actuelle pousse le pouvoir en RDC à

se reposer non pas sur le peuple mais plutôt sur l’armée et les services de sécurité, ce qui ne le place pas à

l’abri de ses propres contradictions internes et d’un coup d’État militaire. De ce point de vue, il est aussi

de l’avantage de ce pouvoir de chercher à décanter la situation actuelle. Le dialogue national (i.e., le

dialogue intra-congolais) est l’option qui présente moins des risques comparée aux autres options, si et

seulement si tout le monde y mettait un peu d’eau dans son vin. Par conséquent, elle est de notre point de

vue l’option la plus viable dans les circonstances. Un coup d’État ne profiterait qu’à ses auteurs et non pas

à la démocratie congolaise. Les coûts collatéraux d’une guerre civile peuvent être énormes et elle n’offre

aucune garantie de non substitution d’une dictature par une autre. La création d’une Assemblée

Constituante serait une remise en question de la constitution qui n’est pas en soi un enjeu puisque les

acteurs politiques congolais ne demandent que le respect de son application selon la forme et l’esprit de sa

mise en application en 2006. Le statuquo ne ferait que perpétrer la situation actuelle qui ne profite qu’aux

tireurs des ficelles, affaiblit l’État congolais, dénude son peuple, effrite son consensus national, et

l’expose à long terme à la révolte ou partition.

Dialogue national

Assemblée Constituante

Guerre civile Coup d'État Statu quo

Impact 1,59 1,34 1,05 1,50 1,00

Chances de réussite 1,25 0,92 0,92 1,04 1,00

Exposition au risque 1,98 1,24 0,97 1,56 1,00

0,00

0,50

1,00

1,50

2,00

2,50

24

3.2. QUELQUES PISTES POUR LE DIALOGUE INTRACONGOLAIS EN

PERSPECTIVE

Il est de notoriété publique que les conflits récurrents en RDC continuent de contribuer de manière

aggravante aux délitements du tissu politique, économique et social du pays. La constitution promulguée

en 2006 a permis de doter la RDC des institutions politiques dont les animateurs ont été choisis

souverainement par le peuple congolais au terme d’élections libres, pluralistes, transparentes et crédibles.

Bien que cela a permis à l’époque d’adresser l’une des causes des crises récurrentes en RDC qui était la

légitimité de ses institutions politiques et leurs animateurs, force est de constater que les préoccupations

majeures auxquelles ces institutions devraient répondre sont encore d’actualité à ce jour. Il s’agit

notamment (Makengo-Nkutu, 2010, p.76) : (a) d’éviter les conflits; (b) d’instaurer un État de droit; (c)

d’encadrer toute tentative de dérive dictatoriale; (d) de garantir la bonne gouvernance; (e) de lutter contre

l’impunité; (f) d’assurer l’alternance démocratique; et (f) d’assurer le fonctionnement harmonieux des

institutions de l’État. Ces préoccupations ont été davantage exacerbées par divers facteurs dont les

changements qui ont été introduits à la constitution de la RDC à l’aube des nouvelles élections tenues en

RDC en novembre 2011, de la crise postélectorale qui s’en est découlée, de l’évidence avérée de la

politisation de certaines institutions (e.g., la commission électorale, l’armée, la police nationale), et de

l’absence à ce jour de la mise en place de manière permanente d’autres institutions (e.g., la cour

constitutionnelle).

De ce qui découle, l’avis du BIEPD est que le dialogue intra-congolais, dont plusieurs acteurs font échos

aujourd’hui, devrait porter sur « les institutions actuelles de la RDC - leur légitimation et renforcement »

afin de mieux répondre aux préoccupations stipulées ci-dessous. Ce dialogue doit être un cadre souverain

qui incarne la primauté de l’État sur tout individu. Il devrait ainsi aboutir à des institutions « légitimées et

renforcées» issues d’un consensus politique et dotées d’un vrai pouvoir de gouverner, c’est à dire de

régler les problèmes de la sécurité, de l’intégrité du territoire, de la défense nationale, de l’exploitation

illégale des ressources, de l’assainissement des institutions publiques et parapubliques, de l’impunité, de

l’instauration d’un État de droit, et de l’administration du territoire; tous les aspects de la vie socio-

économique du peuple congolais qui ne devrait pas être débattu dans un tel forum pour le caractère

sensible de certains de ces sujets; de même que les problèmes reliés à l’intégration économique régionale

avec les pays voisins. La position exprimée dans ce document est qu’il s’agit là des questions de

gouvernance qui peuvent être résolues à travers des institutions républicaines animées par des acteurs

responsables, compétents, et engagés à redresser la RDC dans la voie de la démocratie, la paix durable et

le développement. Ainsi, le dialogue tant réclamé devrait plutôt focaliser sur la question de légitimité des

institutions de la RDC et leur renforcement, notamment sur comment assurer leur stabilité et leur

efficacité, en plus de comment garantir que leurs animateurs détiennent une légitimité unanimement

reconnue par le peuple congolais. Tout en s’appuyant sur les analyses des dialogues passés, nous

discutons dans cette section les principes directeurs, une esquisse d’agenda et l’une des options d’une

structure organisationnelle qui peuvent ainsi concourir aux chances de succès de ce dialogue.

3.2.1. PRINCIPES DIRECTEURS

L’organisation du dialogue intra-congolais devrait s’appuyer sur un certain nombre des mesures à mettre

en œuvre et des éléments à prendre en compte pour répondre à certaines lacunes observées des

25

expériences passées dont l’enlisement et le détournement de sa finalité. Nous les regroupons en principes

directeurs suivants :

3.2.1.1. Organisation et financement

L’organisation du DIC doit se faire par les Congolais eux-mêmes et in-situ (i.e., sur le territoire national).

Son financement devrait être assuré par le gouvernement congolais. Toutefois, les fils et les filles de la

RDC (incluant sa diaspora) qui désirent contribuer financièrement à cette initiative peuvent le faire

librement à travers par exemple une structure indépendante et non gouvernementale dont le

fonctionnement reste encore à définir. L’agenda de ces assises doit être soigneusement circonscris afin

d’éviter de porter des débats sur des thèmes, quoique importants, mais non critiques engendrant ainsi la

multiplicité à géométrie variable des commissions, sous-commissions, comités, etc. Quant à sa

gouvernance, sa facilitation et la présidence de ses commissions et sous-commissions, elles devraient être

assurées par des personnalités nationales et/ou étrangères qui feront consensus en termes de leur autorité

morale, crédibilité et expérience en matière des négociations, en plus d’être exemptées d’un passé

politique en RDC. Ces personnalités devraient être rémunérées pour leur mandat par le DIC. Certains

Congolais de l’étranger peuvent présenter à cet effet des atouts majeurs pour servir leur pays natal dans

diverses capacités, n’étant pas nécessairement à la quête d’un positionnement quelconque.

3.2.1.2. Participation, sécurité et prise en charge des participants

Les participants à ces assisses devraient provenir de toutes les composantes de la société congolaise

(partis politiques de l’opposition et de la majorité présidentielle, les organisations de la société civile, les

diasporas congolaises). Toutefois, afin d’éviter l’inflation des délégués et la multiplication des

organisations des critères de « représentativité » doivent être définis. Une participation plus large des

composantes à travers un appel des cahiers de charges des composantes devrait avoir lieu durant une

période prédéterminée. Selon la structure organisationnelle qui pourra être adoptée, il est possible de

définir différents catégories des participants (e.g., plénière, experts, commissions, observateurs, témoins,

etc.). Il est attendu qu’il n’y aura pas de belligérances, donc tous les acteurs qui prendront part à ces

assises comme délégués devraient être sur les mêmes pieds d’égalité. La sécurité des participants qui le

désirent devrait être garantie par une force neutre (e.g., la MONUSCO). À cet effet, la Communauté

internationale (l’Organisation des Nations Unies et l’Union Africaine) devrait être invitée à ces assises,

mais uniquement à titre d’observateurs ou de témoins. Afin de combattre le « peace business » et

l’inflation qui en découle (Vircoulon, 2009), nous recommandons le bannissement de la procédure

habituelle dans ces forums qui consiste à payer un per diem aux participants. Par contre, certains frais

encourus et préalablement autorisés peuvent être prises en charge par le DIC mais payés directement aux

prestataires des services. De plus, en prévention des problèmes de violation d’éthique, les règlements

intérieurs du DIC devraient prévoir des poursuites judiciaires des participants dans le cas avéré du délit de

corruption.

3.2.1.3. Objectifs et durée des assises

Les objectifs de ces assisses ne devraient nullement être le partage de pouvoir. L’accession à ce dernier ne

peut se faire qu’à travers des élections libres, transparentes et crédibles où le peuple congolais choisira

librement ses dirigeants. De part les leçons de la CNS, les objectifs de ces assises ne devraient pas non

26

plus se traduire en un procès d’intention à l’égard des animateurs actuels des institutions de la RDC dont

le Président de la République et les membres du gouvernement (i.e., les débats ne doivent pas être

dépersonnalisés). Les assises devraient miser sur la légitimation et renforcement des institutions. Une de

ses finalités devrait être la mise en place d'une commission indépendante de suivi et d’évaluation des

décisions opposables à tous devant les juridictions compétentes (un des thèmes de l’agenda). Cette

commission devrait être dotée d’une personnalité juridique.. La durée des assises doivent être courte

(entre 15 à 30 jours).

3.2.1.4. Compétence

Le Dialogue Intra-Congolais en perspective, pour être crédible et accroître ses chances de succès, doit être

doté d’une vraie compétence normative, qui est un attribut de la souveraineté et une prérogative de l’État

comme le seul qui dispose du monopole de la contrainte organisée, c'est-à-dire le seul compétent pour

adopter des règles juridiques obligatoires et les faire respecter au besoin par la force. Les résolutions de

ces assises doivent être contraignantes et exécutoires. De ce fait, ce dialogue ne devrait souffrir d’aucun

conflit des compétences et devrait être un cadre souverain qui incarne la primauté de l’État sur tout

individu. Ainsi, comme préalable à sa mise en place, l’État congolais devrait se désengager de toutes

négociations en cours avec des mouvements rebelles quelconques (e.g, le M23 ou autres). Les participants

à ces assises doivent déclarer en plénière la souveraineté du DIC et régler d’abord les problèmes

constitutionnels avant de régler les problèmes institutionnels.

3.2.1.5. Convocation du dialogue-intra congolais

Le dialogue intra- ou inter- peuple sous sa formule de la conférence nationale fut organisée pour la

première fois au Bénin en 1990. Son origine témoigne de son caractère paradoxal. C’est en effet le

Président Mathieu Kérékou, responsable de la dictature marxiste-léniniste en place au Bénin depuis 1972,

qui fut l’initiateur de cette formule institutionnelle. A l’origine, conçues comme des forums de réflexion

ou des instances de concertation, les conférences nationales sont autorisées voire organisées par le

pouvoir en place, généralement par un Président-dictateur. Elles doivent donc cohabiter avec lui après

avoir commencé leurs travaux, tandis que ce dernier entend bien garder la mainmise sur elle pour

conserver ensuite le pouvoir. Leur rôle consultatif était d’ailleurs en général clairement précisé dans le

décret les convoquant.

Malgré cette précaution, les conférences nationales se sont pour la plupart déclarées souveraines. C’est

d’ailleurs pour mener à bien leur mission de structure organisationnelle génératrice de nouvelles

institutions que la quasi-totalité d’entre elles vont se déclarer souveraines. Le Tchad fût un cas

d’exception. Sachant que la Souveraineté était inéluctable, le Président tchadien préféra accepter la

souveraineté avant l’ouverture de la conférence pour en négocier le contenu. Il proposa ainsi une forme de

souveraineté originale c'est-a-dire qui n’entrainerait pas la dissolution des institutions étatiques jusqu’à la

mise en place des institutions transitoires. Ainsi donc, de la discussion qui précède, le dialogue intra-congolais en perspective devrait être convoqué

par le pouvoir en place. Bien qu’il soit paradoxal de voir les artisans des irrégularités aux élections de

novembre 2011, qui ont conduit à cette crise de légitimité des institutions républicaine en RDC,

convoqués ses assises réparatrices, la recherche des solutions durables aux crises récurrentes en RDC

demande à notre avis à tous de mettre un peu d’eau dans son vin afin de sauver le Congo. L’important ce

n’est pas celui qui convoque mais la manière dont la convocation sera lancée et de l'indépendance du

27

comité en charge d'organisation de la tenue de ses assises. Pour assurer son indépendance, ce comité doit

être non partisan et composé des vrais experts capable de réunir autour d'une même table et à proportion

équitable toutes les composantes de la société congolaise.

3.2.2. ESQUISSE D’AGENDA

Se référant à notre discussion au début de cette section du travail ainsi que des principes directeurs que

nous avons relevé, l’agenda du DIC devrait retenir un seul thème qui est la « légitimation et renforcement

des institutions républicaines de la RDC ». Les matières à traiter sous ce thème devraient permettre la

réaffirmation des institutions du pays et leur renforcement pour en assurer la cohésion, la stabilité et

l’efficacité en plus de garantir à ses animateurs une légitimité unanimement reconnue par le peuple. Des

questions relatives qui peuvent être abordées incluent, par exemple :

les causes et conséquences de l’absence à ce jour d’une cour constitutionnelle;

des modifications introduites dans la constitution et dans la loi électorale;

de la restructuration de la Cour Suprême de Justice avec les ordonnances de nomination des

juges à la veille des élections de novembre 2011;

de la nomination d’une commission de suivi des actes du dialogue ayant une personnalité

juridique;

de l’évaluation de l’ordre politique en cours en RDC et issu des élections de novembre 2011;

de la dépolitisation de certaines institutions (e.g, la CENI, l’armée et la police nationale).

Les options possibles de sortie de crise qui peuvent être discutées comprennent :

(a) l’acceptation par tous de l’ordre politique actuel en RDC et la mise en place des mécanismes de

balancement de pouvoir tournés vers le futur;

(b) le rejet de l’ordre politique actuel en RDC et l’appel pour des nouvelles élections; et

(c) ou des solutions mitoyennes qui peuvent se situer entre ces deux extrêmes (par exemple,

l’organisation d’un second tour des élections présidentielles ce qui implique des amendements à

la Constitution, l’annulation des ordonnances de nomination des juges à la Cours Suprême de

Justice à la veille des élections, la mise en place d’une cour constitutionnelle ainsi que la

restructuration de la CENI).

3.2.3. STRUCTURE ORGANISATIONNELLE

L’une des structures organisationnelles potentielles pour la tenue de ces assises est schématisée dans la

figure ci-après.

28

Cette structure n’a, de prime abord, rien de particulier par rapport aux dialogues antérieurs. La subtilité

qu’elle introduit par contre réside dans les rôles et responsabilités qui seront confiés au groupe des

consultants. Il s’agit en fait d’un groupe limité d’experts engagés et payés par le DIC pour leur technicité,

compétences et expérience pour recevoir les cahiers de charges des composantes, les défricher et les

compléter par d’autres recherches empiriques pour dégager non pas un agenda mais plutôt des

orientations et des propositions des solutions viables qui seront soumises d’abord aux commissions pour

discussion et amendement, ensuite aux séances plénières pour vote selon la politique qui sera établie

(consensus ou majorité). Ces consultants seront recrutés à travers un processus de sélection rigoureux qui

peut être mise en place par une firme de consultation internationale qui procédera à l’analyse des

candidatures, à des entrevues préliminaires et à la constitution d’une liste définitive des candidats qui sera

29

soumise à un comité de mise en place du DIC qui en établira, après audition des candidats, une liste

définitive. Cette structure prévoit aussi la présence d’un comité qui aura reçu le mandat de préparer les

consultations pour la tenue d’un dialogue intra-congolais et la mise en place d’un Bureau de facilitation.

Les us et coutumes développés lors des dialogues précédents peuvent être mis à contribution pour la mise

en place d’un tel comité ainsi que le bureau définitif de facilitation. Les candidats qui travailleront pour le

bureau de facilitation devraient répondre à certains atouts relevés dans la section portant sur les principes

directeurs.

4. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

4.1. CONCLUSION

Eu égard à ce qui précède, il apert que le dialogue national demeure l’approche la moins risquée de cinq

options examinées pour résoudre la crise de la RDC. Son succès est tributaire cependant de certains

préalables notamment : le désengagement du gouvernement congolais aux négociations de Kampala, la

représentation équitable de toutes les composantes de la société congolaise, la primauté de l’État sur

l’individu, ainsi que le choix judicieux des sujets à débattre.

4.2. RECOMMANDATIONS

Après avoir passé en revue différentes facettes des origines des crises qui ont secoué la RDC depuis de

nombreuses années et après avoir analysé différentes solutions apportées aux différentes crises en RDC et

dans le reste de l’Afrique, le Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD) a

proposé à deux reprises la tenue d’un Dialogue Intra-Congolais (DIC) pour la RDC. Cependant, afin de

maximiser les chances de succès du DIC, le BIEPD fait les recommandations suivantes :

Organisation et financement

L’organisation du DIC doit se faire par les Congolais eux-mêmes et in-situ (i.e., sur le territoire

national);

Son financement devrait être assuré par le gouvernement congolais et par des Congolais qui le

désirent;

L’agenda de ces assises doit être soigneusement circonscris afin d’éviter de porter des débats sur

des thèmes non critiques et à géométrie variable;

Sa gouvernance, sa facilitation et la présidence de ses commissions et sous-commissions

devraient être assurées par des personnalités nationales et/ou extérieures qui feront consensus en

termes de leur autorité morale, crédibilité et expérience en matière des négociations, en plus

d’être exemptées d’un passé politique en RDC;

Ces personnalités devraient être rémunérées pour leur mandat par le DIC.

Participation, sécurité et prise en charge des participants

Les participants devraient provenir de toutes les composantes de la société congolaise;

La communauté internationale (Union Africaine et Organisation des Nations Unies) devrait être

invitée à titre d’observateurs ou des témoins;

30

Afin d’éviter l’inflation des délégués et la multiplication des organisations, des critères de

« représentativité » doivent être définis;

La sécurité des participants qui le désirent devraient être garantie par une force neutre (e.g., la

MONUSCO);

Il faut bannir le paiement de per diem aux participants. Par contre, certains frais encourus et

préalablement autorisés peuvent être prises en charge par le DIC mais payés directement aux

prestataires des services;

Les règlements intérieurs du DIC devraient prévoir des poursuites judiciaires des participants

dans le cas avéré de délit de corruption.

Objectifs et durée des assises

Les buts ultimes du DIC devraient être la légitimation et le renforcement des institutions

republicaines;

Éviter de débattre du partage de pouvoir. L’accession à ce dernier ne peut se faire qu’à travers

des élections libres, transparentes et crédibles;

Il faut dépersonnaliser les débats : le DIC ne doit pas se traduire en un procès d’intention à

l’égard des animateurs actuels des institutions de la RDC;

Mettre en place une commission indépendante de suivi et d’évaluation des décisions, dotée d’une

personnalité juridique et opposable à tous devant les juridictions compétentes;

La durée des assises doit être courte (entre 15 à 30 jours).

Compétences

Les résolutions du DIC doivent être contraignantes et exécutoires. Les participants à ces assises

doivent déclarer en plénière la souveraineté du DIC;

Comme préalable à la mise en place du DIC, l’État congolais devrait se désengager de toutes

négociations en cours avec des mouvements rebelles quelconques et assurer la représentation des

populations des territoires occupés de l’Est en peuple libre et indépendant.

Proposition d’agenda

L’agenda du DIC devrait se pencher sur la légitimation et le renforcement des institutions républicaines

de la RDC, en analysant entre autres les points suivants :

Causes et conséquences de l’absence d’une Cour constitutionnelle;

Modifications introduites dans la constitution à la loi électorale;

Restructuration de la Cour Suprême de Justice avec les ordonnances de nomination des juges

à la veille des élections de novembre 2011;

Évaluation de l’ordre politique en cours en RDC et issu des élections de novembre 2011.

Dépolitisation de la CENI, de l’armée, et de la police nationale.

Les options possibles qui peuvent être discutées comprennent : l’acceptation par tous de l’ordre politique

actuel en RDC et la mise en place des mécanismes de balancement de pouvoir tournés vers le futur; ou le

rejet de l’ordre politique actuel en RDC et l’appel pour des nouvelles élections; ou l’organisation d’un

second tour des élections présidentielles et les mécanismes à mettre en place.

31

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Les références contenues dans le texte à des articles de presse ne sont pas reprises dans cette bibliographie ainsi que celles déjà fournies dans les notes de bas de page.

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