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DIANNE DRAKE Le plus troublant des baisers LUCY RYDER Une promesse si difficile à tenir

DIANNE DRAKE Le plus troublant des baisers · désobéi en entrant sans avoir reçu l’ordre direct de le faire. Carrie passa la main dans ses cheveux blond très clair coupés en

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DIANNE DRAKE

Le plus troublant des baisers LUCY RYDER

Une promesse si diffi cile à tenir

Le plus troublantdes baisers

DIANNE DRAKE

Traduction française deCHARLINE McGREGOR

HARPERCOLLINS FRANCE83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47

www.harlequin.fr

ISBN 978-2-2803-8113-0 — ISSN 0223-5056

Titre original :HEALING HER BOSS’S HEART

Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture, nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun paiement pour ce livre « détérioré ».

Collection : Blanche

© 2018, Dianne Despain.© 2018, HarperCollins France pour la traduction française.

Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A.

Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit.Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.

Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de :

Couple : © ISTOCKPHOTOS/YURI_ARCURS/GETTY IMAGES/ROYALTY FREE

Tous droits réservés.

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1.

Avant de commencer l’entretien, Jack Hanson croisa les bras pour détailler la beauté blonde assise de l’autre côté du bureau.

Il tâchait de prendre un air imposant, mais ce qu’il ressentait en vérité c’était de la nervosité. Quelques minutes plus tôt, quand Carrie Kellem était entrée dans ce bureau de la taille d’un placard à balais et lui avait tendu la main, la confiance qu’exprimait son sourire l’avait dérouté, et il n’en était toujours pas remis. Il ignorait pourquoi, car les femmes ne lui faisaient plus guère d’effet en général.

Celle-ci avait son physique pour elle  : musclée, l’air solide. Des détails qui correspondaient à ses critères. Et l’expression de son visage indiquait une forte détermina-tion. Une femme pragmatique, visiblement. S’il n’était pas intéressé par l’aspect féminin, il était sensible à ce trait de caractère. En fait, dans les notes qu’il avait prises lorsqu’on lui avait demandé de recruter les futurs membres de son cours, la première qualité qu’il avait mentionnée était le pragmatisme. Selon lui, c’était un don de Dieu. Le reste, on pouvait toujours l’inculquer aux candidats.

— Vous venez de Chicago. Pourquoi nous choisir, nous ? demanda-t-il.

— Le timing me convenait, répondit posément la jeune femme. Comme je l’ai indiqué dans ma lettre de motivation, on m’a octroyé un congé sans solde qui pourrait bien se changer en congé permanent. Du coup, je me suis dit que cet emploi m’irait parfaitement. L’opportunité d’apprendre

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quelque chose de nouveau, de concentrer mes efforts dans une nouvelle direction. C’est ainsi que je gère ma vie, docteur : je cherche toujours le moyen d’aller de l’avant.

— Cette absence forcée, vous ne l’avez pas vraiment expliquée. Pourquoi ?

Elle sourit.— Parce que ce n’était pas un problème qui vous

concernait directement. Mes supérieurs me trouvaient trop impliquée, trop entêtée. Ils tenaient à ce que je prenne du recul pour réfléchir aux problèmes induits par mes manières… Qui ne sont pas des problèmes, à mon avis, étant donné que cela m’a permis de sauver des vies et que c’était ce pour quoi j’étais missionnée.

— Que vous reprochent-ils ?— D’avoir agi avant qu’on ne m’en donne l’ordre.— Et vous ne considérez pas cela comme une erreur ou

un acte d’insubordination ? Surtout si vous ne l’avez pas fait qu’une fois ? Le secours en montagne et en extérieur, cela peut être lent, pénible. Il faut parfois des heures pour progresser de quelques mètres. Si vous sautez sur une scène qui n’est pas correctement préparée à l’intervention, vous mettez des gens en danger, vous y compris. Alors, dites-moi  : avez-vous la patience pour les procédures lentes et êtes-vous disposée à obéir aux ordres même si vous ne les approuvez pas ? Ce sont deux engagements fondamentaux que j’exige des étudiants que j’admettrai dans ce programme.

Carrie Kellem se pencha en avant, perchée tout au bord de sa chaise.

— Je suis un officier du SWAT, docteur Hanson. Je suis spécifiquement entraînée et qualifiée comme secou-riste, technique en plus. C’est mon boulot d’intervenir à la rescousse des victimes sur une scène de crime en cours ou juste après. Alors, cela implique d’intervenir avant tout le monde. Je ne suis pas impatiente, du moins, j’essaie. Parfois, le naturel reprend le dessus, sans doute. Quand on voit que quelqu’un a besoin de vous…

Elle s’interrompit et sembla déglutir avec peine.

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— Les gens qui comptent sur moi pour les sauver méritent que j’agisse de mon mieux, et c’est ce que je fais. S’il y a danger de mort, je ne veux pas être responsable parce que je n’aurais pas osé me lancer assez vite. En cas d’urgence, docteur, c’est la seule chose qui m’occupe l’esprit.

— Avant votre propre sécurité ?— Ma sécurité, je n’y pense même pas.Elle se cala contre le dossier de son siège dans une

posture plus détendue et croisa les mains sur ses genoux, attendant la question suivante.

Il appréciait son niveau de compétences et sa confiance en elle, mais il craignait qu’elle ne se montre trop impulsive par moments. Bien sûr, apprendre à réagir correctement faisait partie de la formation qu’il prodiguait, il aurait la possibilité de lui montrer à quel point il est important de ne pas se précipiter, de s’assurer que tout est bien maîtrisé et d’obéir aux ordres.

— D’après mes informations, vous avez désobéi aux ordres au moins à trois reprises au cours des trois mois écoulés. Au sein de mon programme, et au final pendant mes opérations de secours, je ne tolère pas cela. Au sein de mon équipe, si on ne peut ou ne veut pas suivre les instructions, on est exclu, c’est aussi simple que ça. Une erreur, et c’est terminé. Cela vous paraît-il gérable ?

— Absolument, répondit Carrie Kellem d’une voix déterminée, malgré la lueur de doute qu’il discernait dans ses yeux.

Il aimait cela : elle n’avait pas répondu sans réfléchir, c’était encourageant. Une sauveteuse dotée de la passion qu’elle montrait pour le secourisme et qui faisait tout pour parvenir au but, voilà ce dont il avait besoin. N’empêche qu’il lui restait des réserves la concernant. Elle semblait tout de même être du genre difficile à encadrer. Pourrait-il gérer cela ? Le souhaitait-il ?

Pas pour lui, car cela n’avait rien de personnel, mais pour le bien de l’équipe, oui, il pourrait gérer Carrie. Après tout, elle ne semblait pas si bornée que cela.

Il la contempla, soutint son regard obstiné, presque

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défiant, et se morigéna de poursuivre cet entretien. Car ce regard disait parfaitement ce à quoi il s’exposait avec elle.

Malgré tout, derrière la façade, il percevait autre chose. De la vulnérabilité ? Peut-être, oui, dans la façon dont elle se mordillait la lèvre inférieure et dont elle serrait les mains un peu trop fort sur ses genoux. Dans sa posture trop rigide, dans son air anxieux.

Restait à espérer que c’était vraiment ce qu’il voyait, et non ce qu’il souhaitait voir. En effet, au fond de lui, il la voulait. Il aimait l’expérience qu’elle avait décrite dans sa lettre de candidature. Il l’avait aussi appréciée lors de leur premier coup de fil, quelques semaines en arrière. Et maintenant qu’elle était devant lui, il l’appréciait encore plus. En dépit de ses défauts évidents, il voyait en Carrie Kellem le potentiel de diriger sa propre équipe dans un avenir plus ou moins proche. Il avait besoin de ça  : de personnalités fortes ayant les tripes pour monter au front quelle que soit la situation, et pas seulement de sauveteurs lambda capables de grimper à flanc de montagne.

— Dans un souci d’exactitude, reprit Carrie, je dois préciser que j’ai désobéi à quatre reprises. Je tiens à ce que vous connaissiez la vérité sur moi. J’ai des défauts, mais je ne mens jamais. J’ai désobéi parce que, en plus d’être secouriste certifiée, je suis aussi policier. Mon boulot, c’est — peut-être devrais-je dire « c’était » — de prendre soin des blessés sur une scène de crime, ce qui inclut les passants et les autres policiers. Je pense que, parfois, on ne peut pas attendre que les lieux soient complètement sécurisés pour intervenir. On n’aide personne si l’on reste coincé dehors à attendre que tout soit pacifié. Alors, oui, j’ai désobéi en entrant sans avoir reçu l’ordre direct de le faire.

Carrie passa la main dans ses cheveux blond très clair coupés en brosse et lâcha un soupir frustré.

— Si quelqu’un perd du sang ou hurle de douleur, j’interviens.

Elle planta dans les siens des yeux qui avaient soudain pris une expression radoucie.

— Quand une victime a besoin d’aide, on ne peut pas

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la faire attendre. Parce que, sinon, on risque d’arriver trop tard. Je ne pourrais plus me regarder dans une glace si j’avais été en capacité d’intervenir, que je ne l’aie pas fait et que…

Elle secoua la tête comme pour s’extraire de la vague d’émotion qui l’avait envahie.

— Ma formation, que ce soit en tant que policier spécia-lisé dans les armes ou en tant que secouriste tactique, me permet d’agir dans des circonstances où la plupart des gens ne le peuvent pas. Alors, parfois, je repousse les limites. Si une vie est sauvée en contrepartie, ça vaut la peine de se faire réprimander pour être intervenue trop vite.

— Vous ne jouez donc pas en équipe ?— Au contraire ! Je suis une coéquipière hors pair, et

je ne peux pas vous citer toutes les fois où j’ai effectué des sauvetages impeccables. Je n’ai été réprimandée que quatre fois.

— Parce que vous pensiez avoir raison sur vos supé-rieurs…

Oui, cette femme était un défi, mais un défi qui en valait la peine. En dépit de ses réprimandes, son supérieur lui avait rédigé une lettre de recommandation très élogieuse : « Passionnée. Scores parfaits en technique. Dévouée. »

Mais il y avait aussi : « Désobéit aux ordres, les discute. »— Je ne prétends pas savoir tout mieux que tout le

monde, repartit Carrie pensivement. En l’occurrence, j’ai vu les choses différemment. Le travail de mon supérieur, c’était de sécuriser la zone et de protéger ses officiers ainsi que les passants. Le mien, c’était de secourir les blessés. Nous avions une mission différente, voilà tout. En gros, il pensait d’abord en policier, et moi d’abord en secouriste. Parfois, les choix à faire sont compliqués quand une vie en dépend. Si une personne est mourante au milieu d’une scène de crime, docteur, je suis son seul espoir. Alors, la prise de risque est obligatoire.

Sur ce point, elle avait raison. Il avait passé des années à reproduire des interventions d’entraînement en montagne avec des volontaires non formés, et si cela lui avait appris

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une chose, c’était que la vie était pleine de choix compliqués. Il en avait lui-même effectué bien trop au fil des années.

— Mais ça vous a valu un renvoi.— Je n’ai pas été renvoyée. On m’a juste…En plein milieu de la phrase, le visage de Carrie se

fendit d’un large sourire.— Bien sûr que si, qu’est-ce que je raconte ? Ils ne

me rappelleront pas. Vous le savez, je le sais, et surtout, eux-mêmes le savent. Cette suspension temporaire, c’est leur façon de me montrer la porte, de me permettre de bénéficier de tous mes avantages en attendant que je trouve un nouveau poste.

— Pourtant, cette perspective ne paraît pas trop vous chagriner.

— La vie suit son cours  : soit on avance avec le courant, soit on reste sur le bas-côté. J’en ai souvent fait l’expérience, et j’en ai tiré une leçon : ne pas rester sur le bas-côté. Jamais.

Décidément, il aimait son attitude de fonceuse. Pas du genre à abandonner.

— Êtes-vous capable de porter un corps inerte ?— Évidemment, répondit-elle en pliant le bras pour

afficher un biceps musclé. Le sport et la discipline tous les jours, rester en forme, cela fait partie de mon travail. Je pourrais porter votre corps inerte dans n’importe quelle occasion, sans problème… Vous voulez que je vous montre ? ajouta-t-elle en souriant.

Il éclata de rire malgré lui.— Je vais décliner la proposition. Dites-moi plutôt :

êtes-vous disposée à passer de longues heures au travail ? Parce que, parfois, on doit mettre de côté sa vie personnelle, ses projets, rester sur le coup sans lâcher, jusqu’à ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre. Vous sentez-vous capable d’accepter que cela puisse occuper votre vie à toute heure ?

Comme il l’avait fait jusqu’à Evangeline et Alice…Carrie répondit sans hésiter,— Oui, dit-elle, avec aux lèvres un sourire encore plus

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large. C’est pour ça que je me suis engagée : pour faire le boulot. J’aime me rendre utile. Enfant, je n’ai jamais eu de but personnel, hormis celui de me trouver une position où je puisse faire la différence.

Elle était tellement attachante, tellement enthousiaste, que c’en était presque contagieux.

Zut. La dernière chose dont il avait besoin, c’était de se laisser entraîner par la gaieté de quelqu’un. Cette fille débarquait comme une grenade d’enthousiasme dégoupillée, prête à exploser ! Il ne savait trop comment réagir à cela. Et pourtant, le touchait, c’était indéniable.

Evangeline était décontractée, gentille, dévouée, pleine de compassion, mais jamais expressive dans ses sentiments : l’héritage de ses origines indiennes. Les femmes de sa vie étaient bâties pour la plupart sur le même modèle, elles venaient de la réserve ou des zones environnantes. Et si lui-même n’était pas indien, il avait pratiquement adopté leurs manières avec le temps. Rien à voir avec Carrie.

Alors, oui, les manières de cette dernière l’intriguaient, même si elles le rendaient un peu nerveux.

L’accepter dans son équipe s’apparenterait par certains côtés à jouer avec le feu. Carrie était de feu. Le feu était imprévisible, mais il pouvait être maîtrisé, et, en ce moment, il avait besoin de cette flamme… Dans sa vie professionnelle, bien entendu, pas dans sa vie privée. De toute façon, il ne s’autorisait plus à posséder une vie privée.

— Si ce qui vous anime est de sauver des vies, pourquoi, dans ce cas, ne pas être devenue urgentiste ?

— Il faut bien des gens pour faire mon boulot, alors pourquoi pas moi ? Et puis, j’ai envisagé de devenir médecin ou infirmière, mais je n’avais ni le temps ni les ressources pour ça. Le métier de secouriste, en revanche, m’a toujours attirée, car tout va si vite qu’on doit se fier à son instinct. Alors, quand j’ai découvert qu’il y avait des spécialisations pour intervenir sur le terrain, j’ai voulu essayer. Avancer, encore une fois.

— Si je vous intègre à mon programme et que vous réussissez, pourrai-je compter sur vous pour rester ?

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Parce que si vous avez besoin d’avancer, moi j’ai besoin de secouristes qualifiés qui restent sur zone afin de veiller à la population d’ici qui en a grandement besoin.

— Je suis libre, docteur. Personne ne me retient nulle part. Aucun endroit ne m’appelle en particulier. Du coup, je suis ouverte à peu près à tout. Si vous me jugez assez bonne — et que je m’estime moi-même assez bonne, ce qui est important aussi —, alors il n’y a aucune raison pour que je ne reste pas. Je peux tout aussi bien me lier à Marrell dans le Montana qu’à n’importe quel lieu ailleurs.

— Eh bien, à Marrell, les besoins vont en augmentant. Il y a l’hôpital Sinclair, la ville, la population. Nous attirons toutes sortes d’étrangers qui s’installent dans la région sans être habitués au terrain. Ils veulent soit se construire une cabane de week-end, soit prendre leur retraite ici. Ils pensent que la vie en extérieur, la nature, tout ça, c’est fait pour eux, et ce sont eux que nous allons secourir dans la montagne, dans les arbres, sur les corniches. Raison pour laquelle j’ai besoin des meilleurs.

— Et vous pensez que j’en fais partie ?— Pour l’instant, je ne pense rien. Mais vous avez

atteint la troisième étape du processus de recrutement, ce qui signifie que je vois votre potentiel. Que vous deveniez la meilleure, ça dépend entièrement de vous. Et le ou la meilleure se verra offrir un emploi.

— Mais si la formation ne me convient pas, ou si je décide de ne pas poursuivre dans la voie du secourisme en montagne, ou encore si je n’aime simplement pas la vie à Marrell, qu’adviendra-t-il ?

— Eh bien, vous ne resterez pas. Je ne garde que les secouristes qui souhaitent vivre ici.

— Ça se tient…La jeune femme se cala sur son siège, redressa le dos

et fronça les sourcils.— Et vous, docteur Hanson, vous aimez vivre ici ?

Assez pour y rester ? Parce que j’ai entendu dire que votre poste ici n’était que temporaire.

— J’ai grandi non loin d’ici et suis revenu exercer mon

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métier après l’école de médecine. Alors, oui, j’aime cet endroit. Quant au caractère temporaire de mon poste, vous vous trompez. Ma mère a épousé le médecin qui gérait l’hôpital, et ils sont semi-retraités. Ils peuvent revenir au travail s’ils en ressentent le besoin ou si nous avons besoin d’eux.

— C’est vous qui dirigez l’hôpital ?— Non, ce sont les Drs Leanne et Caleb. Mais je suis

le médecin chef assistant, disons par défaut depuis que Leanne a diminué ses heures de travail pour élever un enfant et porter le second, et que Caleb est passé à temps partiel. Il a été blessé en Afghanistan, ce qui l’a obligé à suivre une sérieuse kinésithérapie qui limite ses capacités médicales pour le moment. Bref, il passe plus de temps à des tâches administratives. En outre, Leanne et lui partent à Boston les deux semaines à venir pour soutenir leur fils, un vrai prodige, durant un concours de piano.

— Il ne reste donc…— Que moi et une poignée d’intervenants à temps

partiel qui viennent couvrir divers services.— Waouh ! Ça a l’air complexe.— Ça l’est, mais c’est bon d’être de retour.Enfin, en partie. Pour le reste, il verrait au fur et à mesure.— Et ma mère a été maligne dans sa manière de me

convaincre de revenir. Elle savait que la seule chose qui pourrait me retenir ici, ce serait la perspective de lancer un véritable programme de secours en montagne et en extérieur. C’est ma passion depuis que je suis gosse et que j’ai commencé à escalader la montagne. Donc, voilà, Henry Sinclair et elle ont agité la carotte, et j’ai mordu dedans.

— Même si vous êtes chirurgien ?— Eh bien, ici, j’ai les avantages des deux expériences,

vu que les services continuent de prendre de l’ampleur à l’hôpital.

— Vous semblez heureux, en tout cas.Si seulement…Mais Carrie n’avait pas besoin d’être au courant de ce

fossé en lui, de cette seule et unique chose qui l’empêchait

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de laisser entrer le bonheur. C’était sa croix, son fardeau à porter. Seul. Il le faisait depuis cinq ans à présent, et si le temps ne rendait pas la chose plus aisée, il était parvenu à faire en sorte que cela fonctionne.

— Bref, dites-moi pourquoi je devrais vous accepter au sein de mon programme. Qu’y apporterez-vous que personne d’autre ne me procurerait ?

— Ce que j’apporte, c’est moi, c’est ma simplicité. Je suis directe, j’apprends vite, et je serai à la hauteur de tout ce que vous me demanderez.

— Jusqu’à ce que la prochaine opportunité se présente ?— Vous n’attendez pas, vous, que de nouvelles choses

se présentent à vous ?Pendant quelques secondes, il contempla l’air de défi

sur son visage.Cette femme aimait argumenter, défendre âprement

son point de vue sur la façon dont elle choisissait de vivre sa vie, c’était un autre détail qu’il appréciait chez elle. Il la voulait plus encore maintenant que vingt minutes plus tôt, quand elle était entrée dans son bureau en annonçant qu’elle était prête à débuter la formation, alors même qu’il ne s’était pas encore entretenu avec elle.

— Ce que j’attends, que j’espère, en l’occurrence, c’est que mon programme commence sur de bonnes bases. Tout le reste passe au second plan.

— Vous ne regardez donc pas l’avenir ?Ni le passé. Trop de souffrances. Pourquoi le revivre

quand il ne pouvait pas le changer ? Et pourquoi regarder l’avenir quand, parfois, il n’était même pas certain d’aller au bout de la journée en cours ?

— L’avenir que j’envisage, c’est dans deux semaines, quand Leanne et Caleb rentreront et que j’aurai le temps de mettre ce programme sur les rails, avec sept candidats qualifiés assis dans ma salle de classe et complètement concentrés sur mon cours. Pour le reste…

Il haussa les épaules.Carrie réagit aussitôt.

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— C’est dommage, car il y a toujours de quoi se réjouir ou espérer, dans l’avenir…

Ça, il l’avait cru, jadis. Et il avait dû redescendre sur terre.— Bon, reprit-elle, est-ce que je suis prise ? Vous

connaissez mes forces et mes faiblesses — que je n’appelle d’ailleurs pas des faiblesses pour ma part. Vous avez dû parler avec mes anciens employeurs, vous êtes donc au courant de tout me concernant. Alors ?

Il ne voulait pas brûler les étapes, mais ce serait oui, sans l’ombre d’un doute. Carrie possédait tout ce dont il avait besoin pour ce programme. Et cette détermination : le nerf de la guerre ! Elle l’incarnait complètement.

En toute honnêteté, il n’aurait même rien contre quelque chose en plus. Peut-être un début d’amitié ? C’était tout ce qu’il pouvait s’autoriser, hormis avec Palloton, son meilleur ami.

Car, tout au fond de lui, il savait que Carrie pourrait le changer d’une façon qu’il n’était pas certain de vouloir.

— Je vais réfléchir, finit-il par répondre.

Carrie serra les mains sur ses genoux à s’en briser les phalanges.

Ça ne lui ressemblait pas de supplier, mais ici, elle ressentait quelque chose de particulier, comme si le Montana était l’endroit où elle devait vivre. Un instinct. Or, elle avait appris très jeune à se fier à son instinct. Parfois même, c’était ce qui l’avait sauvée.

— Docteur, je vous avoue que j’ai épuisé mes options à Chicago. Du moins, celles qui m’intéressaient. Jusqu’à présent, j’adore tout ce que j’ai vu ici. Ça ne ressemble à rien de ce que j’ai vécu avant. L’idée de me réveiller tous les matins avec la vue sur ces prairies sauvages par une fenêtre et la vue sur les montagnes par l’autre… Ça me transporte. Je n’avais jamais connu que Chicago, ses immeubles et ses rues bruyantes. Alors, pour être franche, oui, je veux m’installer ici. Mais c’est mon choix à moi, vous n’êtes pas ma dernière chance. Vous avez quelque

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chose que je veux, et il se peut que je puisse vous offrir quelque chose que vous voulez. Alors, prenez-moi ou pas, c’est aussi simple que ça.

Le Dr Hanson pouffa.— Vous êtes dure en affaires, Carrie !C’était gagné.Elle sourit, ravie.— Je sais. C’est ce qui me rend aussi irrésistible.— Eh bien, je recherche plutôt la force de caractère et la

volonté de travailler plus dur que vous ne l’avez jamais fait.— Vous savez, docteur, quelques mois en arrière, lors

d’une prise d’otage dans une banque durant un hold-up, j’avais un homme qui perdait son sang à cause de multiples blessures par balle. Trois agresseurs au total. Ils ne voulaient pas que l’otage meure, car ils redoutaient les charges afférentes à un meurtre. Du coup, ils m’ont autorisée à entrer. Je me suis retrouvée avec le canon d’un fusil dans le dos, à soigner le blessé avant de pouvoir l’exfiltrer. Au final, j’ai dû transporter seule cet homme de plus de cent kilos, qui ne voulait pas se laisser faire car il craignait de se vider de son sang si je le remuais. Mon seul espoir, c’était de glisser un sédatif dans ses calmants et d’attendre que ça l’assomme assez pour que je le traîne jusqu’à la rue. Croyez-moi, ça n’a pas été chose facile. J’ai fini avec le nez cassé, un poignet foulé et plus d’hématomes que je ne pouvais en compter. Mais, aujourd’hui, il est en vie et en pleine forme. Voilà ce que j’ai accompli de plus dur. Alors, ça m’étonnerait que vous ayez pire.

— Essayez la même chose suspendue à une corde au-dessus d’un à-pic de mille huit cents mètres, et on en reparle.

Elle éclata de rire.— OK, vous m’avez battue. Mais laissez-moi ajouter

ceci : vous devez m’intégrer à votre programme car jusqu’à présent tout ce que j’ai réussi, c’était dans le but de me hisser à un meilleur niveau, de me lancer un nouveau défi. J’aime les défis, et j’atteins les objectifs. Si vous m’en laissez l’opportunité — et vous en avez envie, je le sais —, vous

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avez de bonnes chances de tirer de ce programme ce que vous ambitionnez d’en obtenir.

Cette fois, elle ajouta sans le vouloir à son sourire un battement de cils incongru qui s’apparentait à… mais oui, à du flirt ! Or elle ne donnait pas dans le flirt. Jamais ! Pas question de se trouver en position de gérer les conséquences !

Et pourtant, elle avait battu des cils…Le Dr Hanson fit comme s’il n’avait rien remarqué. Il

s’accouda à son bureau, plus sérieux que jamais.— Je vous prendrais, vous, la candidate qui n’obéit

pas aux ordres ? Comment vais-je gérer ce genre de comportement ? Dans mon programme, il n’y a pas de place pour la rébellion.

— Je peux vous promettre une chose : je m’améliorerai. Je ne ferai rien qui puisse gâcher mes chances. Je ferai tout mon possible pour que ça marche.

— Ne risquez-vous pas de lutter contre votre propre nature ? Si j’en juge sur ce que je vois de vous, je ne suis pas sûr que vous puissiez lutter contre ça.

— Eh bien, intégrez-moi de manière provisoire, un genre de période d’essai, de mise à l’épreuve. Je veux être où l’on a besoin de moi, où je peux changer les choses. Or, je peux faire ça ici. Pour vous.

— Pas pour moi, Carrie. Pour les gens qui en auront besoin. Vous me tentez, cependant, je m’inquiète un peu : vous avez toujours vécu en ville, vous n’avez jamais été confrontée à la montagne, à ses dangers, sa faune. Ça ne vous fait pas peur, toute cette sauvagerie ?

— Je n’ai jamais eu peur de rien.Du moins, pas depuis la nuit où on l’avait arrachée à

sa mère et placée dans un centre d’accueil. C’était pour son bien, car sa mère était ivrogne et droguée. Mais elle se revoyait encore allongée sur ce matelas étroit, dans la vaste pièce remplie d’autres gamins effarés, à les écouter pleurer. Elle aussi, elle avait pleuré, cette nuit-là. Mais, à cinq ans, elle était assez grande pour comprendre que, si elle voulait survivre, elle ne devait pas se fondre dans la masse. Alors fini la peur, fini les pleurs.

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— Vous êtes consciente que, ici, vous n’aurez pas la possibilité d’intégrer la police ? Du moins, pas comme à Chicago.

— Peu importe. Ma priorité, c’est d’être secouriste. Je n’ai entrepris la formation dans la police que pour me spécialiser dans le secourisme tactique. Bien sûr, si le poste de shérif va avec un cheval et un chapeau de cow-boy…

— Non, il se déplace en SUV quatre roues motrices, et le seul chapeau que je lui aie vu porter, c’est un bob orange qu’il enfile quand il est dans les bois.

— Zut, l’orange ne me va pas au teint ! Du coup je vais devoir me trouver un autre boulot pour gagner ma vie. Peut-être un temps partiel dans votre service d’urgences, s’il y a une ouverture.

— Comme je vous l’ai dit, j’ai encore quelques réserves, je ne veux pas vous mentir. Mais si vous parvenez à garder votre exubérance sous contrôle, vous êtes prise. Voici les termes du contrat : huit semaines pour la partie initiale de la formation, au minimum quarante-huit heures par semaine, avec évaluations régulières jusqu’à la certification. Durant cette période, vous serez d’astreinte à toute heure en cas d’urgence. C’est moi qui décide des missions, pas vous. Est-ce vraiment ce que vous voulez ?

— J’ai lâché mon appartement à Chicago et vendu mes meubles pour venir m’installer ici. Alors, oui, j’en suis. Est-ce que mon chien pourra profiter de l’exercice fourni par cette formation ?

— Vous avez un chien ?— Une chienne. Vigoureuse, dotée d’un bon flair,

intelligente, facile à dresser. J’ai toujours pensé qu’elle serait géniale sur le terrain.

Le Dr Hanson se renversa contre son dossier, lâchant un soupir.

— Vous ne lâchez jamais, hein ?Elle lui répondit d’un sourire, heureuse de cette nouvelle

vie qui se présentait à elle.

DIANNE DRAKE

Le plus troublant des baisersNe jamais avoir peur de rien. Telle est la devise que Carrie s’est toujours efforcée de suivre. Pourtant, lorsque Jack Hanson – son séduisant patron – lui donne un baiser aussi fougueux qu’inattendu, c’est bien une peur viscérale qui l’envahit. Pas cette décharge d’adrénaline qui lui plaît tant lorsqu’elle pratique un sauvetage d’urgence en montagne, non. Mais une peur bien plus insidieuse : celle de s’attacher à un homme qui fuit toute relation alors qu’elle a désespérément besoin de stabilité dans sa vie…

LUCY RYDER

Une promesse si diffi cile à tenirAvec ses cheveux d’or et ses yeux pétillants, Frankie Bryce est d’une beauté à couper le souffl e… Totalement désemparé, Nathan doit se rendre à l’évidence : il est tombé sous le charme de la femme sur laquelle il est censé veiller. N’a-t-il pas en effet juré au frère de Frankie – son meilleur ami aujourd’hui disparu – qu’il protégerait sa petite sœur ? Aussitôt, Nathan décide de se ressaisir et prend une décision irrévocable : à chaque fois qu’il côtoiera Frankie, il feindra la plus grande indifférence…

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