Dictateur Et Roi _MAURRAS Charles

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    Croiriez-vous que, dans la fivre des premiers jours,

    jtais presque devenu lgitimiste, et que je suis encore

    bien tent de ltre sil mest dmontr que la

    transmission hrditaire du pouvoir est le seul moyen

    dchapper au csarisme, consquence fatale de la

    dmocratie, telle quon lentend en France.

    Ernest Renan (Lettre du 14 janvier 1852).

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    Dictateur et Roi a t rdig dans lt de 1899, peu de jours aprsles arrestations du 13 aot. Un certain nombre de nos amis taientprvenus de complot. Il nous avait donc paru juste, convenable etncessaire, de rpondre au dfi de la Haute Cour par des entreprisesnouvelles.

    On avait jusque l beaucoup parl de royaut, mais toujours entermes si vagues ou si expditifs que le mot ne reprsentait rien de net lesprit ou figurait des images de larchasme le plus pur. Il paraissaiturgent de rendre des couleurs vivantes au nom dune institution dont lancessit se faisait sentir de plus en plus chaque jour tous les Franaisrflchis. Mon ami Frdric Amouretti, que je consultai le premier,mapprouva et mencouragea vivement. On verra, par mes notes, quil a

    collabor ce travail, et dans quelle mesure. La meilleure forme dunacte de ce genre nous parut tre une dclaration des crivains royalistes,tablissant avec clart quel serait le rle momentan et quelle taitlessence perptuelle du rgime monarchique traditionnel. Jentreprisaussitt de rdiger un texte. MM. Charles Vincent et Jacques de LaMassue furent nos premiers adhrents. Un suffrage du plus haut prixnous tait venu ds la mme heure : ctait celui dun vtran de la causeroyale, homme de haute intelligence, dun caractre ferme, dun savoir

    tendu, M. Auguste Cordier, alors directeur du Nouvelliste de Bordeaux.La France et le Roi ont perdu en lui un grand serviteur. Les nouveauxroyalistes, alors bien inconnus ou bien contests, noublieront pas lesprcieux encouragements quils reurent ds la premire heuredAuguste Cordier.

    Un quiproquo fcheux, suivi de quelques discussions toutes verbales

    (absolument en dehors de la direction du monde royaliste), se mit en travers

    de la publication projete. De retard en retard, on trana jusqu la fin duprintemps suivant. LEnqute sur la Monarchie commena Bruxelles et

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    continua Paris. Or, comme elle tait faite sur le mme plan et selon lesmmes doctrines que Dictateur et Roi, le premier document devenaitsuperflu. Il resta donc ltat dbauche, quil arriva de mettre au jour detemps en temps pour satisfaire la curiosit dun ami ou pour claircirquelque discussion. Mais plus dune conversion royaliste fut hte et

    mrie par cette lecture. Le jour o lon renona srieusement lapublication immdiate, une voix dit : Cest dommage, ctaitclair ! ... Jamais une oraison funbre ne me fit autant de plaisir.

    Voici lessentiel de ce document.

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    Les adhsions nous viennent de tous les groupes de lopinion et detous les points du pays. Elles arriveraient plus nombreuses encore sansun malheureux prjug : quantit dantidreyfusiens et dantismites,patriotes aussi nergiques que passionns, se reprsentent la Restaurationmonarchique comme un rgime trop effac, trop tempr, trop

    parlementaire pour mettre fin aux entreprises des factieux. Par ladclaration que voici, nous nous proposons notamment(1) de dtruire ceprjug et de dfinir ce que nous entendons et avons toujours entendu parla Royaut.

    Il faut que tous les Franais en ge et en tat dapprcier une doctrinepolitique connaissent la Royaut dans la double fonction quelle doitexercer, lune transitoire et lautre constante : dabord faisant justice des

    criminels dtat, procdant ensuite la reconstitution et la gestion dupays.

    I. La dictature royaliste : ses principes.

    Les soussigns crivains royalistes, parlant en leur seul nom, maisinvoquant, outre les traditions et constitutions de lancienne monarchie

    franaise, les discours et lettres de M. le comte de Chambord, deMonseigneur le comte de Paris et de Monseigneur le duc dOrlans, enparticulier les rcents manifestes de celui ci, affirment premirement quele chef de la Maison de France leur apparat Dictateur ncessaire autantque Roi lgitime.

    Ils affirment, secondement, que le gouvernement du Roi de Francene peut manquer dtre rpressif et vengeur dans ses premiers actes de

    dictature, afin de pouvoir tre rparateur dans ceux qui suivront.

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    Ils affirment enfin que la rpression exerce par le roi vitera demultiplier inutilement les rancunes. Il ne doit pas se former en France unnouveau parti de vaincus et de parias. La vengeance publique doitfrapper les meneurs et tous les meneurs, mais eux seuls : cest la paix,cest loubli quapportera le Roi aux sduits et aux gars. Son aeul

    Henri IV, qui ne sattardait gure aux sditions du menu peuple, nhsitapoint faire excuter cinquante mille gentilshommes dune seuleprovince, coupables de prparer la guerre civile. Ainsi laction royale nedoit sattacher quaux grands criminels, mais elle doit les rechercher avecune froide et mthodique nergie, sans autre sentiment que lamour dupays et la haine des ennemis de la Nation. Aprs la Commune, on afusill des milliers douvriers et laiss chapper les chefs : un Roi deFrance aurait frapp ces derniers sans misricorde mais il et pargn le

    peuple.

    II. Le rgime royal.

    La dictature royaliste ayant rsolu cette crise, il nous reste prvoirce que sera le gouvernement normal du royaume.

    Nous le concevons comme le rgime de lordre. Nous concevons cetordre comme conforme la nature de la nation franaise et aux rgles dela raison universelle.

    En dautres termes, ce rgime nous apparat comme le contre-pied decelui que nous subissons.

    Aujourdhui, on rencontre la libert et ses prils en haut, nous

    voulons dire dans les affaires capitales qui engagent lavenir de la nationet la sret de ltat ; quant lautorit, dans ses plus extrmes rigueurs,on la place, bien inutilement ! en bas, dans les sujets o, au contraire,la discussion, la diversit, linitiative de chaque citoyen seraient, nonseulement sans prils, mais avantageuses ; on a mis cette autoritsouveraine et dcisive dans le moindre dtail des rapports des particuliersavec ladministration !

    Intervertir cet ordre, placer les liberts en bas, lautorit en haut, cestproprement reconstituer lordre naturel et rationnel ; la constitution royaliste,

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    cest donc proprement la constitution naturelle et rationnelle du paysenfin retrouve ; et le rgne du Roi nest que le retour notre ordre.

    III. Les liberts, en bas.

    Il ny a point de vexations soit lgales, soit illgales, quelAdministration franaise ne se trouve permises contre le contribuable etladministr. Il nest point dinsolences que nosent les bureaux contreles citoyens. Un Csar anonyme et impersonnel, tout puissant, maisirresponsable et inconscient, sapplique molester le Franais depuis leberceau. Soit quil vive seul, soit quil veuille sassocier, le citoyenfranais est assur de rencontrer tous les pas de son chemin le Csar

    tat, le Csar bureau, qui lui impose ou lui propose soit ses directionsavec ses prohibitions, soit ses marchandises avec ses subventions.

    Celles des affaires publiques que le citoyen connat le mieux sontsoumises la surveillance ou au bon plaisir de ltat. Sans ltat, un prede famille, un conseil municipal, un bureau de socit, un simple comitde ftes ne peuvent dcider presque rien en ce qui les touche de plus prset qui les intresse immdiatement. Associations volontaires, comme les

    socits morales et politiques, ou associations naturelles, comme lafamille, la commune et la province, tous les rassemblements de citoyenssont tantt frapps dinertie par les lois de ltat, tantt mme interditspar le caprice des chefs temporaires de ltat...

    Non seulement ltat ennuie et tracasse le citoyen franais, mais illui inflige des commodits dangereuses. Il le sert en des cas o celui cidevrait se servir lui mme. Il le dshabitue de la rflexion et de laction

    personnelle. Ainsi ltat endort et atrophie chez le citoyen la fonctioncivique. Le citoyen devient ignorant, paresseux et lche. Il perd le sens etlesprit public. Trait en mineur, il devient digne de retomber en tutelle.Les intrts prochains de sa communaut ne le touchent ni ne loccupent.Des curateurs grant lavoir communautaire, il les laisse faire ; il sisolede ses concitoyens. Il retourne la condition individualiste du sauvage etdu primitif.

    Par une suite naturelle de ce rgime, des villes de dix mille mes nerenferment souvent pas un seul de leurs citoyens qui soit digne delles.

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    Pourquoi faire des citoyens, en des lieux o ltat centralis prend forfait toutes les besognes civiques ? Mais ces besognes, il est vrai queltat les fait mal, tant mal outill pour les faire. Nos diffrentescommunauts glissent ainsi une dcadence profonde, o ltat luimme les suit : pauvre dhommes, la France sera bientt pauvre de tout.

    Considrant que les ges de vraie et solide prosprit nationalefurent, en France, ceux o le Pouvoir royal, indpendant et matre desattributions propres de ltat, nempchait point les diffrents corps,compagnies et communauts de la nation de grer librement leursintrts particuliers ;

    Considrant que la dcadence de la Monarchie nationale suivit sous

    les Bourbons la dcadence de ces corps, compagnies et communauts :chaque empitements du pouvoir royal sur leur autonomie tant aussimarqu par lamoindrissement secret de ce pouvoir ;

    Considrant que ces clatantes leons donns au Roi et la Francepar huit sicles dexprience historique ne seront point perdues pour laFrance ni pour le Roi :

    Le Pouvoir royal ne peut dsormais manquer de tendre, avec fermet,quoique avec sagesse et moyennant les dlais et prcautionsindispensables dans la pratique, rtablir lusage de ces liberts partouto lintrt suprieur de la Patrie et de ltat nexigera pas ledploiement de lautorit.

    Cest dire que :

    Les familles sorganiseront comme il leur plaira. On testera commeon voudra. Les pres qui voudront constituer la suite de leursdescendants des biens hrditaires, incessibles et insaisissables, en auronttoute libert. Reconnues enfin pour des associations naturelles, lesfamilles pourront acqurir des droits analogues ceux des citoyens,possder en commun un avoir honorifique et moral comme un avoirmatriel.

    Les communes et les pays (ou arrondissements), par une suite demesures libratrices prudemment sries, deviendront matres de rgler

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    selon leur gr leurs affaires propres, disposant de leur ordre intrieur sansintervention de ltat, dcidant des affaires qui sont familires ou quipeuvent ltre chacun de leurs membres et ntant borns, dans cethonnte et raisonnable libert, que par le bien commun et la sret duroyaume.

    Ces vastes rgions qui stendent autour de nos grandes villes (Lyon,Bordeaux, Marseille, Lille, Nancy, Toulouse, Rouen, Montpellier,Grenoble, Besanon, Limoges, Clermont, etc.) seront reconnues par laloi et dlivres du sectionnement dpartemental, qui est absurde etanarchique ; les territoires agglomrs autour de ces capitales naturellesobtiendront progressivement lautonomie, en tout ce qui touche leurs

    affaires particulires, sans engager lintrt national ; de grands conseilsprovinciaux, sous le contrle, suprieur mais loign, de ltat,concourront au rveil et la renaissance du corps entier de la patrie quela politique jacobine a diminu.

    Les associations professionnelles, confessionnelles et moralesjouissant de la plus complte libert, seront soumises au droit commun,

    et considres comme des personnes civiles autonomes, faisant leurpolice elles-mmes par cet esprit de corps qui est le principe de tous lesprogrs ; elles seront capables de possder, dacqurir, daliner,dacquitter des impts, de payer des amendes et dtre mme, en casdindignit lgale, retranches de la vie commune temps ou perptuit.

    Au rsum, le citoyen, dans toute la sphre o il est comptent etintress directement, dans tout ce quil a le pouvoir de connatre et doncde juger, est prsentement un esclave. Le pouvoir royal lui rendra ladisposition et la souverainet de ce domaine qui lui fut arrach sans droit,sans utilit, et au pril mme de la force de la patrie.

    Voil ce que fera le roi pour les liberts. Il les rendra aux citoyens. Ilen sera le garant, le dfenseur et le gendarme. Examinons ce quil fera

    pour lautorit, ainsi chasse du dtail intrieur de la vie civile.

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    IV. Lautorit en haut.

    Il la relvera, la dfinira, lutilisera pour des fins purementnationales.

    Ltat franais qui se mle de tout aujourdhui, mme de faire descoles et de vendre des allumettes, et qui, en consquence, fait toutinfiniment mal, vendant des allumettes ininflammables et distribuant unenseignement insens, ltat est lui mme impuissant remplir safonction dtat. Il est abandonn aux reprsentants du pouvoir lgislatif.Les ministres ne sont que les commis et serviteurs des snateurs etdputs et ne songent qu leur obir pour dfendre leur portefeuille.Selon une nergique formule, llecteur mendie les faveurs chez le

    dput, qui les mendie chez le ministre, lequel mendie les votes dudput, qui mendie les suffrages de llecteur(2).

    Une classe de citoyens, profondment mprise du pays entier, faitmtier, fait commerce de linfluence et de lintrigue ; snateurs, dputs,courtiers lectoraux, cest hasard si lon trouve un caractre indpendantsur mille individus de cette profession. Ceux dentre eux qui passentpour avoir les mains propres sont des sots avrs. Le matin mme de

    llection Loubet, un de nos matres pouvait crire que le futur lu duCongrs brillait surtout par linsuffisance intellectuelle.

    Toujours ignares et borns, souvent famliques et corrompus, voilles matres de la France. On nous dit quon les changera. Changer lepersonnel ne servira de rien. Une Assemble compose, par hasard, degens clairs serait ncessairement remplace, bref dlai, commelAssemble de 71, par une horde dagitateurs, captateurs du suffrage

    populaire. Si ces nouveaux venus sont honntes larrive, ils serontgts par le mcanisme du rgime. Le comte de Paris lavait observ : depareilles institutions corrompent leurs hommes, quels quils soient.

    Quest donc un tel gouvernement ? Un fantme, un jeu de syllabes !Ses divers chefs se valent les uns et les autres pour se surpasser et sevaincre jamais dfinitivement. Dix, vingt ou trente mois, cest tout ceque dure peu prs la victoire dun de leurs groupements ministriels ;

    un cabinet rpublicain, charg de subvenir aux plus graves ncessitspolitiques et conomiques de la nation, ne peut pas durer davantage.

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    Quel grand ou petit magasin, quelle choppe de fruitire ou de savetiersurvivrait ce changement continuel et systmatique de direction ?Quelle industrie ne serait ruine si le personnel directeur en taitboulevers tous les dix, vingt ou trente mois ? (3)

    Aucun ministre na le temps dtudier les services quil est censdiriger. Cest peine sil les connat de vue. Le pauvre homme laissedonc ses chefs de bureau dcider de tout. De temps en temps surlinjonction de quelque groupe parlementaire, il les bouscule avec unepassion ignorante et violente. On passe ainsi de la Routine laRvolution, sans moyenne heureuse possible. Ni contrle srieux, solide,personnel, ni sre tradition. Aussi notre administration ne fait elle plus deprogrs : trop heureuse quand elle vite la dchance.

    Car cette direction ministrielle instable est, de plus en plus, divisecontre elle mme jusqu la folie. Point dunit de vues entre lesmembres du mme ministre. Point mme dunit de vues chez le mmeministre. Il a, dune part ses amis politiques combler, dautre part sesadversaires apaiser. La manuvre parlementaire opprime ainsi sapolitique gnrale ; celle ci est subordonne absolument celle l.Comme la plupart des ministres sont tirs de la classe honteuse qui vit de

    nos budgets, comme ils nont dexistence que par la classe de leurssouteneurs lectoraux, les ressources de la nation sont mises au pillage.La dpense inutile et dorigine lectorale augmente chaque jour, et lesrecettes se rduisent du mme mouvement. Dfense nationale, industrieet commence de la nation, tout est sacrifi aux petits intrts de nosfabricants de scrutins. Si lon creuse un port, cest pour eux. Cest poureux quon trace une route. Cest pour eux que lon construit un cheminde fer. Lintrt gnral ny a quune part misrable. Notre puissance

    financire spuise satisfaire la clientle lectorale des dputs et dessnateurs influents, absolument comme notre puissance politique asseoir fermement et dfendre obstinment linfluence de ces gens l.Impuissant pour le bien public, le rgime, quand il a la prtention dtrefort, dpense ses ressources fiscales et ses instruments de police tablirses hommes ou consolider lanarchie qui rgne avec eux.

    Par ces gaspillages, et aussi faute dune direction comptente et

    continue, le commerce diminue et lindustrie baisse malgr la crue facticedtermine par lExposition. Lagriculture ne vend point ou vend mal

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    ses produits, et le prestige politique de la France suit la mme dpressionque sa puissance conomique. Un pouvoir sans vigueur, qui administraitfaiblement larme et ne la commandait point du tout, la laiss insulterdepuis deux ans entiers. Ce pouvoir, dans lordre diplomatique, ayant,non sans incohrence, engag lentreprise de Fachoda, nen a pu sortir

    qu notre honte commune. Lalliance russe(4)

    a mme cess de paratredans le vocabulaire des conversations de lEurope.

    M. de Bismarck prvoyait sans doute plusieurs de nos malheursprsents quand il fit tout pour nous vouer au systme rpublicain.Bismarck nignorait pas que la force dun tat suppose lunit de vues etlesprit de suite, la cohsion et lorganisation. Et comme le rgime de laRpublique nest que labsence dune volont directrice et dune pense

    continue au centre du pouvoir, il sentait combien ce rgime divise etcondamne au changement perptuel le peuple qui sy abandonne.

    On nous dit bien, chez les rpublicains parlementaires et aussi chezles plbiscitaires, que ce pouvoir instable et dbile repose sur une assiseferme. Lassise quils trouvent si ferme, cest la volont nationale,sexprimant par les lections lgislatives ou les plbiscites. Delle vient,puisquen elle rside, disent-ils, lautorit gouvernementale. Les mmes

    hommes qui refusent au citoyen le droit de traiter des questions quilconnat et de grer les intrts qui lui sont les plus proches, les mmeshommes qui refusent llecteur municipal le droit de changer unefontaine de place ou douvrir un chemin sans la permission de ltat,prtent, par la plus tonnante des fictions constitutionnelles, au mmecitoyen et au mme lecteur le pouvoir absolu de faire un choix sens etdmettre un avis utile sur les questions les plus lointaines, les plusprofondes et les plus pineuses de la politique gnrale : cet lecteur, ce

    citoyen, dont on suspectait tout lheure la comptence en des sujets fortmodestes, est tout dun coup cens possder les lumires des classes delInstitut, puisquon propose ce citoyen de choisir entre la politiqueradicale et lopportuniste, entre lautoritaire et la librale, entre lesocialisme et le capitalisme, et quil a le droit dorienter par son choix,par son vote, la lgislation, la haute justice, la diplomatie, lorganisationmilitaire et navale du pays tout entier !

    Jamais une si grande chimre na t ralise avec probit. Au lieu de senplaindre, il faut voir quelle est irralisable et prvoir que, mme indpendant,

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    mme probe, mme intelligent, llecteur sera toujours incomptent surla plupart des sujets qui lui seront soumis. Cette incomptence le rend ouviolent et aveugle, ou hsitant et versatile, souvent mme ceci et cela tout la fois.

    Llecteur franais passe son temps dlivrer des blancs seings desinconnus, sans autre garantie que la nuance des affiches sur lesquelles lescandidats ont inscrit leurs dclarations. Ce systme intresse, excite,dtermine les partis dopposition, mme honntes, plus forte raisonceux qui ne le sont pas, provoquer le plus grand nombre possible descandales et de catastrophes, de manire causer le plus de mutationspossibles chaque renouvellement lectoral. Lintrt de parti remplaceainsi le bien public. Cest ainsi que lon dcompose la France.

    Quy devient ltat ? Un esclave. Esclave des Chambres. Esclave despartis parlementaires, des coteries lectorales. Esclave mme de cesvnements imprvus qui, sous un tel rgime, dchanent avec lapanique, des changements dopinion, donc de personnel et de direction,mais qui sont justement ceux qui exigeraient, au regard du salut public,le maximum de fermet, de stabilit et de possession de soi mme : onest conduit ncessairement tout branler quand il faudrait tout

    affermir ; on destitue Varron lheure prcise o il le faudrait accabler,mme incapable et mme indigne, des tmoignages de la confiance deltat.

    Par ce triple et quadruple esclavage lintrieur, ltat franais tend la servitude extrieure ; les autres tats ne tolrent son indpendanceapparente que pour le mieux laisser flchir, dgnrer et fondre de luimme.

    Considrant que les crivains soussigns se savent pntrs desncessits politiques qui peuvent chapper leurs concitoyens et quilsagissent en fonds de pouvoirs et ans de la Race, dans le plein exercicedes devoirs et des droits qui leur sont confrs par les malheurs publics ;

    Considrant quils sont conscients de lobligation de veiller et depourvoir au salut commun ;

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    Considrant que le salut commun, condition de tous les droits,impose un devoir essentiel envers la communaut nationale ;

    Considrant que la communaut nationale, la Patrie, ltat ne sontpoint des associations nes du choix personnel de leurs membres, mais

    uvres de nature et de ncessit ;

    Considrant aussi que lunit de la France nest pas forme par uncertain nombre dindividus vivant un moment donn et ayant encommun certaines ides, ou certains gots phmres, mais bien par uncertain nombre de familles se dveloppant dge en ge et ayant encommun certains intrts permanents : intrts du sol dfendre, de larace perptuer, capital conomique et moral dvelopper ;

    Considrant que labsence fatale de toute autorit permanente sous lergime rpublicain menace et compromet ces profonds intrts qui sontgnralement la force franaise, des volonts, des ides et des sentimentspropres aux Franais ;

    Le citoyen franais abandonnera par un fidicommis solennel etirrvocable(5) la branche survivante de la famille Captienne lexercice

    de la souverainet. Par l, lautorit se reconstituera au sommet de ltat.Le pouvoir central sera dlivr des comptitions des partis, desassembles, des caprices lectoraux : ltat aura son libre jeu. Sous saresponsabilit, dans lindivisible intrt de sa famille et de son peuple, leRoi, chef de ltat, rgnera et gouvernera. Son Arbitraire conscient, lgalet responsable, et celui de ses successeurs assureront lunit, laconstance, la permanence des desseins, moyennant lassistance deshommes comptents, sigeant dans les conseils techniques et dans les

    assembles locales.

    Expliquons le dtail de cette fonction de ltat :

    Il ny aura plus de Parlement langlaise. Lexprienceparlementaire, tente de 1815 1830 et de l jusquen 1848 par les plushonntes gens et mme les plus clairs, a chou. Sil sest accomplides progrs considrables sous la Restauration et le Gouvernement de

    Juillet ; si lon peut dire que notre capital moral et conomique sestrefait ce moment l et que nous vivons de cet ancien capital,

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    lhistoire fait voir clairement que le bien sopra malgr le rgimeparlementaire, grce lesprit politique des princes ou de vritablesdictatures ministrielles (le duc de Richelieu, Villle, Guizot) : dictaturesqui ntaient du reste possibles que sous la monarchie.

    Il faut au Prince, une responsabilit dfinie. Comme dit Renan : Laroyaut nous montre une nation concentre en un individu ou, si lon

    veut, en une famille, et atteignant par l le plus haut degr de la

    conscience nationale, vu quaucune conscience ngale celle qui rsulte

    dun cerveau , quelle que soit, au reste, la valeur propre de ce cerveau.

    Les ministres seront responsables devant le prince. Tous les ans, unedlgation des assembles provinciales se runira Paris pour voter et

    contrler les finances communes. Paris sera le sige ordinaire de la Couret le rendez vous permanent de tous les grands corps de ltat.

    Nous appelons ainsi tous les corps dignes de ce nom : Chambresindustrielles et commerciales, Union des corporations, Socit desagriculteurs de France, Institut, etc. Les conseils du Roi serontnaturellement recruts dans ces hautes Chambres techniques, vritablestmoins de laction et de la production de la France, nayant rien de

    commun avec cette cohue de polissons, dintrigants et de bavards qui,sous prtexte dun mandat lectoral, grouillent dans le Palais Bourbon etle Luxembourg : trangre au Pays, spale du Pays, tant du chef de sesintrts que du chef de ses sentiments.

    Le pays producteur, le pays travailleur sera ainsi mis en contactperptuel avec le pouvoir politique. Celui ci, devenu organe spcial, serale matre de sa spcialit. On le conseillera et on lclairera, mais au nom

    du principe de la division du travail, on ne lentravera point dans sesactes propres. Ces conseils techniques du trne, ces assemblesprofessionnelles, pourraient former plus tard les lments de quelqueSnat nouveau ; mais, outre quun Snat, cration historique, nesimprovise point, mieux vaut peut tre aussi que les conseils techniques,expression de comptences particulires, soient tenus normalement isolsles uns des autres, pour que chacun exerce pleinement son autoritrespective : au besoin lon pourra soit les assembler en des congrs, soit

    en former certaines commissions mixtes dont le Roi, en personne ou parses commissaires, sera le modrateur, linitiateur et larbitre.

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    Quant aux usurpations des assembles locales ou professionnelles surles droits rgaliens de ltat, un chtiment dtermin par les lois duroyaume les rendra impossibles ou les rprimera avec la dernirevigueur. De mme le Prince pourra-t-il tre invoqu en dernier appel,comme arbitre suprme et comme grand juge, par les citoyens qui se

    trouveront lss par les pouvoirs infrieurs. Son rle sera de dpartager,de concilier et de modrer les uns et les autres. Il ne se mlera pourtantde leurs affaires qu la dernire extrmit et sur lappel des intresss,car des soucis plus importants lappelleront ailleurs.

    Au rsum, ltat, reprsent par le pouvoir royal dans toutes leshautes et lointaines questions de politique gnrale qui chappent lacomptence et la rflexion des particuliers, sera rtabli dans ses droits

    naturels et rationnels, qui sont lIndpendance et lAutorit. Le citoyenles lui abandonnera dautant plus volontiers que, tant lui mme danslimpossibilit dexercer ces pouvoirs ncessaires, il est aujourdhui lepremier souffrir, dans sa fortune aussi bien que dans sa fiert, delabsence de protection et de direction nationale.

    Ltat aura des conseillers, mais naura dsormais quun Matre.

    Ainsi seront concilies dans le nouveau royaume de France,conformment ses traditions nationales, une autorit et des liberts quisont, au mme degr, ncessaires.

    V. Comparaison des deux rgimes royaliste et rpublicain.

    Nous avons un gouvernement rpublicain et une administration

    monarchique : le bien public exige que cet ordre paradoxal soit renvers.

    Ladministration doit tre rpublicaine, puisquelle doit servir lepublic ; le gouvernement, monarchique, puisquil doit le gouverner. Cequi importe, en effet, la vie des administrs, cest la libert ; ce quiimporte la vie politique dune nation, cest lautorit, condition delesprit de suite, de la dcision et de la responsabilit.

    Lautorit en haut, en bas les liberts, voil la formule desconstitutions royalistes.

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    Labsurde Rpublique une et indivisible ne sera plus la proie de dixmille petits tyrans invisibles et insaisissables ; mais des milliers depetites rpubliques de toute sorte, rpubliques domestiques comme lesfamilles, rpubliques locales comme les communes et les provinces,rpubliques morales et professionnelles comme les associations,

    sadministreront librement, garanties, coordonnes et diriges dans leurensemble par un pouvoir unique et permanent, cest dire personnel ethrditaire, par l mme puissant et sage, tant intress au maintien etau dveloppement infini de ltat.

    Il est observer que cet tat si fort dans sa propre fonctiongouvernementale sera trs faible pour rien entreprendre contre le citoyen.Car, au lieu que le citoyen de la Rpublique franaise se trouve rduit

    ses pauvres forces individuelles pour lutter contre le mcanisme normede ltat, le citoyen du nouveau Royaume de France se trouve engagdans toutes sortes de libres et fortes communauts (sa famille, sacommune, sa province, sa corporation, etc), qui emploieront leursforces le sauver de tout arbitraire injustifi.

    Les garanties du citoyen dans ltat rpublicain sont absolumentthoriques, mais sont dduites, il est vrai dune thorie (les Droits de

    lhomme) qui conduit mconnatre les droits de ltat : dans lapratique, elles svanouissent absolument. Respectueuse des droitssuprieurs de ltat, la thorie monarchiste confre au citoyen desgaranties pratiques, des garanties de fait : celles ci ne sont pasthoriquement inviolables, mais elles sont pratiquement trs difficiles violer.

    La libert est de droit sous la Rpublique, mais elle y est seulement

    de droit : sous la royaut nationale, les liberts seront des faits, certains,rels et tangibles.

    VI. Consquences : la politique royaliste.

    De cette autorit royale, ainsi superpose aux liberts civiques sortirancessairement plus daisance prive et plus de force nationale.

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    Nous allons essayer de dire comment les trois questions les pluspineuses de la politique franaise, pourront selon toute vraisemblance,tre rgles.

    1 Question religieuse.

    Par la libert dassociation et la renaissance des grands corps,compagnies et communauts autonomes, on tendra ncessairement lasuppression du budget des cultes et de celui des universits. Lesuniversits et les cultes doivent suffire eux mmes leurs besoins.

    Le catholicisme, religion traditionnelle de la France, recouvrera tousles honneurs auxquels il a droit. Un gouvernement dillettrs et defurieux pouvait seul les lui marchander et, par exemple, exclure de la

    Sorbonne Louis XI et de Gerson lenseignement de la thologie. Cergime de petitesse sera clos. Mais il est vident que la libertintellectuelle la plus complte rgnera sur le sol franais. Loin detroubler luvre de recherche scientifique et philosophique, il faut queltat en seconde et en facilite le cours, au moyen de libralits et dedignits accordes tous les hommes qui sy seront distingus.Dailleurs, sur le ferme terrain de lorganisation et de la direction dessocits, il ne peut y avoir conflit entre les esprits religieux et les esprits

    scientifiques. La politique catholique exclut lidologie rvolutionnairequi est en horreur chez les positivistes ; quant la politique positiviste,ses sympathies et ses affinits avec le catholicisme sont videntes. Ltataura seulement pratiquer envers lui mme le devoir troit de ne pointfavoriser ni subventionner, comme la fait linimitable Rpubliqueprsente, des thories qui ont pour fin prochaine ou pour objet immdiatle renversement de ltat : lanarchie politique et ses thoriciens serontdonc surveills, et sil existe des confessions religieuses qui tendent

    cette anarchie, elles seront soumises cette surveillance, qui est de droitnaturel. Il en serait de mme pour les confessions qui tendraient desservir lintrt national au profit de ltranger.

    2 Question militaire.Le roi de France constituera, lui seul ayant autorit pour entreprendre

    une telle rforme(6), une arme de mtier, signe vivant de sa force et de notre

    unit, aussi nombreuse, aussi exerce que possible. Le reste des contingents

    nationaux serait soumis six ou huit mois dexercice, avec appel dunmois, de deux ans en deux ans. Le principe de la division du travail

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    condamne le systme de la nation arme, fonde en thorie sur une graveerreur historique (les volontaires de 1792) et obtenu pratiquement parune dtestable contrefaon du systme allemand.

    3 Questions conomiques.

    Lusure sera poursuivie. Rprouvant toute philanthropie hypocrite,on dfendra le peuple laborieux contre les agitateurs et les dmagoguesaussi bien que contre les agioteurs. Les abus du capitalisme, tant leprtexte de lagitation rvolutionnaire, seront observs avec vigilance.Lindustrie nationale, le travail national seront protgs contre le travailet lindustrie de ltranger, mais aussi contre les spculateurscosmopolites tablis au milieu de nous. Un peuple sain et fort limine delui-mme ces parasites. La bonne politique lui rtablira ses finances.

    Ladministration, arrache enfin au contrle rvolutionnaire duParlement et la somnolente routine des bureaux, pourra devenir unauxiliaire utile.

    Responsables de ces administrations devant la Couronne, les diversministres sont presss dy introduire les rformes souhaites du public.Une police financire sera constitue sur le type de la police politique,non pour ralentir les transactions, mais pour pargner aux citoyens ces

    ruines subites dont le pays entier subit le contrecoup. La proprit seradfendue et encourage sous toutes ses formes, depuis le simple livret decaisse dpargne, organe lmentaire de la dfense personnelle, jusqula proprit territoriale, qui forme la base physique de la patrie.

    Conclusion.

    Quoi quon ait prtendu, cet espoir dune renaissance franaise nestpoint une chimre, car la vitalit du pays, si elle est menace, ne paraitpas trs gravement atteinte. Moralement, physiquement etfinancirement, nous sommes trs riches encore ; mais on gaspille nosrichesses et on les administre mal. Celui qui gurira les deux plaiespolitiques qui nous ont t faites depuis cent ans, panarchismeadministratif, anarchisme dtat, ltat sans matre, lAdministrationmatresse de tout, gurira le principe de nos misres. Nous sommes

    royalistes parce que nous considrons que la royaut est seule capabledoprer lune et lautre mdication.

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    Un parlement, cr par llection, dpend aussi de llection. UnParlement ne confre donc ltat ni lautorit ni lindpendance. Maisun chef dtat plbiscit se trouve dans les mmes conditions quunParlement. Si on le nomme temps, quelle prime on offre aux plusvastes agitations lectorales ! Et quel trouble priodique dans ltat ! Le

    prsident des tats Unis dAmrique nose, mme dans les conjoncturesdune trs haute gravit, prendre une seule dcision, trancher un dbatimportant, donner un ordre prcis, aussitt quapproche la date dellection prsidentielle : le malheureux craint, en effet, en fournissant unavis quelconque, de saliner un groupe quelconque dlecteurs (7). Si onnomme vie ce prsident quelle prime on offre lassassinat et, en toutcas, quelles rvolutions, quelle agitation, quels transports de fivremalsaine on prpare pour linstant de sa succession ! Cest le rgime qui

    perdit la malheureuse Pologne ; car au lieu de rduire et de circonscrirela comptition gouvernementale une classe, une caste, une famille,il ltend au pays entier !

    De plus, ce dictateur nest responsable que pour un temps, aumaximum le temps de sa vie complte. Sil vite les fautes et lesimprudences dun ordre trop direct et trop immdiat, rien ne lempchede compromettre, de grever et de sacrifier lavenir du pays. Tel est le

    propre de la dictature personnelle. Voil pourquoi nous demandons lepouvoir souverain non pour un homme, non pour un peuple, mais pourune famille reprsentante de ce peuple et elle mme reprsente par unhomme.

    Nous esprons quon ne nous rpondra point de sornettes sur lehasard de la naissance. Comme si llection navait point ses hasards !Comme si ces derniers hasards ntaient point pires que les premiers !

    On lve un Dauphin en vue du trne ; on ne fait pas lducation duncandidat la prsidence de la Rpublique. Jamais dailleurs, ni en aucunpays, non point mme chez les tribus les plus sauvages, le hasard naturelde lhrdit nleva sur le trne une succession de mdiocritscomparables la srie Carnot Prier Faure Loubet. Ce quadruplenant fut cependant port au fauteuil prsidentiel par le choix de deuxassembles unies en Congrs solennel.

    Le systme de lhrdit monarchique suppose, daprs unsentiment naturel de prvoyance domestique (qui peut manquer une fois

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    mais qui se retrouve neuf fois sur dix), que le chef de ltat ne jouerapoint facilement lavenir de sa dynastie et dans tous ses calculs appellerala prudence et la rflexion. Ces vertus vraiment paternelles, propres auxpres et aux chefs de famille, ont prcisment distingu la MaisonCaptienne dans son uvre de constitution de la France. Ses princes se

    sont appliqus, dun rgne lautre, ne point trop gagner dans uneseule entreprise, de crainte de trop perdre ultrieurement comme il estarriv des Napolon. Mais, la diffrence de Napolon Ier et deNapolon III, qui tous deux laissrent la France plus petite quils nelavaient trouve, les descendants dHugues Capet ont tous transmis leurhritage tel quils lavaient eu de leurs devanciers ou augment dequelque province.

    Si donc, en vue de nous viter les inutiles et prilleuses comptitionslectorales, pour prvenir le retour priodique des agitations et enfin pouravoir la paix, si, disons nous, lon convient de confier le pouvoir unefamille, il est vident que cest la plus digne, la plus ancienne et laplus illustre des familles franaises que doit revenir cet honneur. Ni lafamille Bonaparte, quelque glorieux quait t son rle historique, niaucune autre maison franaise, quelques services qui aient t rendus lanation, noffre de garanties comparables celle de la race des Captiens.

    Elle na mme point dane en Europe, et elle est nous. Bien mieuxque cela, elle est Nous. Son histoire est la ntre. La figure de notre terreporte partout son nom et son souvenir. Comme Ivan le Grand futsurnomm le Rassembleur de la terre russe, cette dynastie peut treappele Rassembleuse de la terre franaise(8). Sans elle, il ny aurait pointde France. Cela est dune rigueur absolue.

    Les souvenirs de Rome ont fait lunit italienne. La ralit de la race

    et de la langue germanique, unie aux traditions de Charlemagne et duSaint Empire, a fait lunit allemande. Lunit britannique est rsulte dela condition insulaire. Mais lunit franaise, uvre de politique, de laplus souple, de la plus longue et de la plus ferme politique autoritaire,rsulte et rsulte exclusivement de desseins continus pendant 1 000 anspar la Maison de France. Cette unit, si solide quelle semble aujourdhuispontane et naturelle, est luvre unique de nos princes. La naturestait contente de rendre cette unit possible, non ncessaire, ni fatale :

    ces princes lont forme et faonne comme un artisan donne un tourpersonnel quelque matire choisie.

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    Dynastie vritablement terrienne et paysanne, puisquelle a arrondisa terre et compos notre pays, mais dont on ne peut dire au juste si cestlaudace ou la sagesse qui lont mieux caractrise ! La politique desHohenzollern, si fatale la France, mais si avantageuse tout le peupleallemand, nest elle mme quun bon dcalque et un plagiat raisonn de

    la politique des Captiens.

    Bien que partie dun certain point du pays, cette dynastie populaire etmilitaire sest peu peu tendue jusquaux confins de lancienne Gaule ;sa tradition sest amalgame toutes les ntres. Les liberts que nous ontfait perdre cent ans de csarisme et danarchie sont celles que nos presconquraient autrefois sous le rgne des Captiens et que ceux-cireconnaissaient en de solennelles conscrations. La royaut et les liberts

    sont mortes ensemble. Tout annonce quelles devront renatre de concert.

    Il est une France idale, disent dans leur mauvais langage, lesrhteurs, dorigine anglaise, allemande, helvtique, qui prsident lglise rpublicaine. Nous sommes citoyens dune France relle. Par laFrance, nous entendons une ralit plus chre et plus belle que tout, etnon une ide nuageuse. Pulcherrima rerum, comme disait de sa proprepatrie le Romain : nous entendons le sol et ses varits, le sang et ses

    riches nuances, les traditions, les intrts, les sentiments. Nous songeonsaux maisons, aux autels, aux tombeaux o dorment de saintes dpouilles.Cette France relle, tant ce quelle est et ayant besoin de Monarchie,postule, par dfinition, ayant t ce quelle fut, la Monarchie du chef dela Maison de France. Celui-ci, tant ce quil est, correspond cesconvenances et ces ncessits. Le peuple est prt le sentir. Puissentles esprits cultivs reconnatre ce rapport naturel dune grande nation etdune longue souche de princes, en comprenant enfin la formule de notre

    avenir national :

    Ce que nos anctres ont fait par coutume et par

    sentiment, le poursuivre nous mmes avec lassurance

    et la nettet scientifiques, par raison et par volont .

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    Notes

    1. Ce mot notamment est de la main de Frdric Amouretti.

    2.Les morts qui parlent, par le vicomte de Vogu.

    3. Ces dlais ont t ports trente-six ou quarante mois par les longs ministresWaldeck-Rousseau, Combes et Clmenceau ; leur ridicule insuffisance persiste,comme latteste bien ltat de nos grands services techniques, la Marine parexemple. (Note de 1909).

    4. Cette alliance nous avait amens une sorte dentente avec lAllemagne (18 juin

    1895, Kiel) qui aboutit au krach de Fachoda. A notre tour, par nos coquetteriesinconsidres avec lAngleterre, nous avons contribu garer la Russie versMoukden. (Note de 1909).

    5. On peut nous objecter ici que ce fidicommis ou cet abandon sera lui mme unacte de la volont populaire et que nous rentrons par l dans le systme que nouscondamnons. Cette objection dordre logique ne nous sera point faite par deslogiciens corrects. Autre chose, en effet, est une doctrine de mythologie politiqueen vertu de laquelle la volont populaire est souveraine, par ce seul fait quelle estla volont populaire, autre chose est un acte dtermin de cette mme volont,sexerant une fois, et, au lieu d tre prise elle mme pour fondement, fonde sur laraison et lintrt public. Tant vaudront cette raison et cet intrt, tant vaudra cetacte particulier de la volont populaire : il sera donc logiquement antrieur etsuprieur lacte de cette volont.

    6. Est-il utile de rpter que dans un sujet aussi dlicat, la volont du Dictateur etRoi sexerce avec plus dindpendance encore que dans les autres ? Nous

    nindiquons que le principe. En Rpublique, les intrts de ltat et ceux de larmesont divergents et rivaux. En Monarchie, ils sont allis et convergents. Ltat peutsy proccuper davoir une arme plus solide et de meilleure qualit en mmetemps que dallger le fardeau conomique et social du militarisme.

    7. Les six lignes depuis Le Prsident sont de Frdric Amouretti.

    8. Phrase de Frdric Amouretti.

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